Com, 6 février 2001, Bull n° 29, N° 97-10-646

 

 

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Attendu, selon l'arrêt déféré (Bordeaux, 12 novembre 1996), que, par acte du 5 décembre 1992, la société Cavia, aux droits de laquelle vient la société Gefiservices, a consenti à la société SAPPM (la société) un prêt de 670 000 francs, garanti par le cautionnement de M. Autagne, président du conseil d'ad­ministration de la société ; que cette dernière ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la société Cavia a assigné la caution en exécution de ses engagements ; que M. Autagne a résisté en invoquant la faute du créancier dans l'octroi du crédit et le fait que son engagement ne s'étendait pas à la pénalité de 10 % prévue par le contrat de prêt ; que la cour d'appel a condamné M. Autagne, en qualité de caution, à payer à la société Gefiservices la somme de 770 020,76 francs avec intérêts au taux légal sur la somme de 689 681,25 francs ;

 

Sur le premier moyen, pris en ses cinq branches, et le deuxième moyen, pris en ses deux branches, réunis

 

Attendu que M. Autagne fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi sta­tué, alors, selon le moyen

 

1° que la caution peut invoquer la faute du créancier, dès lors que cette faute a aggravé l'obligation de la caution ; que cette ,faute entraîne au bénéfice de la caution une créance de dommages-intérêts se compensant avec la somme garantie par le cautionnement ; qu'en contestant que la caution puisse invo­quer la faute du créancier, la cour d'appel a violé les articles 1147, 2011 et 2036 du Code civil ;

 

2° que la banque, professionnelle du crédit, commet une faute, dont peut exciper la caution, lorsqu'elle octroie un cré­dit gui prolonge artificiellement la vie de l'entreprise et aggrave son insolvabilité, qu'une telle faute est caractérisée dès lors que la banque consent le prêt sans rechercher l'op­portunité et l'utilité de ce dernier au regard de la vie de l'entreprise, alors qu'il apparaît que cette dernière ne présente pas des chances réelles de redressement, qu'en l'espèce, la banque a consenti un prêt à la .société débitrice principale sept mois avant sa mire en redressement judiciaire, qu'en se bor­nant à énoncer que la banque n'avait commis aucune faute, motif pris qu'il n'était pas prouvé qu'au jour- du prêt la situa­tion de la société était irrémédiablement compromise, .sans rechercher si la banque avait procédé aux recherches élé­mentaires lui permettant de déterminer l'utilité du prêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale air regard des articles 1147, 2011 et 2036 du Code civil ;

 

3° que la faute de la banque est caractérisée par le seul fait qu'elle consent un crédit inconsidéré sans procéder à d'élé­mentaires recherches ,sur l'opportunité et l'utilité d'un tel crédit ; que la faute de l'organisme de crédit n'est donc pas ,sou­mise à la condition que la situation de l'emprunteur .soit irrémédiablement compromise au jour du prêt ; qu'en statuant au regard de cette exigence-situation irrémédiablement compromise-, la cour d'appel a violé les articles 1147, 201 / et 2036 du Code civil ;

 

4° pire c'est à celui gui se prétend libéré de, f'aire la preuve du fait attestant sa libération ; que la banque commet une faute si elle octroie de façon inconsidérée un prêt à une société dont elle aggrave l'insolvabilité ; qu'en énonçant que c'était à M. Autagne qu'il incombait de prouver que la banque savait que sa cliente, la société bénéficiaire du crédit, était dans une .situation irrémédiablement compromise, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve, violant ainsi les articles 1315 et 1147 dis Code civil ;

 

5° que la banque, professionnelle du crédit, est tenue d'un devoir de conseil envers la caution dirigeant de société,- qu'en effet, l'opportunité de l'octroi d'un crédit .suppose des connais­sances financières techniques qu'un dirigeant de société, ,spé­cialisé dans les seuls rapports commerciaux, ne possède pas nécessairement, contrairement à la banque dont c'est la .spé­cialité ; qu'en considérant que la caution, en sa qualité de dirigeant de société, ne pouvait invoquer la faute de la banque, sans rechercher ,ri ce dirigeant de société avait, en matière financière, une compétence toute particulière, égale à celle de la banque, la cour d'appel a privé ,sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

 

6° que la faute de la victime doit, en matière contractuelle, avoir un caractère imprévisible et irrésistible pour exonérer le cocontractant de toute responsabilité ; qu'en l'espace, la banque avait toute possibilité de vérifier les comptes de la société ; qu'ainsi, la faute éventuelle de M. Autagne consis­tant, en .sa qualité de dirigeant de société, à avoir requis un prêt, ne pouvait exonérer la banque de toute responsabilité, la faute reprochée à la caution ne présentant nullement un carac­tère imprévisible et irrésistible ; qu'en s'abstenant de retenir la responsabilité de la banque, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;

 

7° qu'en toute hypothèse, la faute de la caution entraîne un partage de responsabilité entre celle-ci et la banque gui a octroyé un crédit inconsidéré ; qu'en déboutant la caution de sa demande en dommages-intérêts, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil,

 

Mais attendu que loin de refuser à la caution le droit d'invo­quer la faute du créancier lors de l'octroi du prêt, l'arrêt retient, sans inverser la charge de la preuve, que M. Autagne n'établit pas que la société Cavia ait su, le 5 décembre 1992, lors de la signature du contrat de prêt et de l'acte de cautionne­ment, que le débiteur principal se trouvait dans une situation irrémédiablement compromise, et relève que M. Autagne avait la qualité de dirigeant de la société cautionnée ; qu'en l'état de ces énonciations, appréciations et constatations, la cour d'ap­pel, qui n'était pas tenue d'effectuer les recherches inopérantes invoquées par les deuxième, troisième et cinquième branches, a légalement justifié sa décision de ne retenir aucune faute à l'encontre de la banque, privant ainsi de fondement les griefs des sixième et septième branches ; que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, est mal fondé pour le surplus ;

 

Et sur le troisième moyen

 

Attendu que M. Autagne fait encore le même reproche à l'arrêt, alors, selon le moyen, que le cautionnement ne ,se pré­sume par et ne petit être étendu au-delà des limites dans lesquelles il a été consenti, qu'une clause pénale, en raison de son caractère exceptionnel et lourd ne constitue pas un accessoire du cautionnement mais une peine personnelle au débiteur et dont lui seul est redevable ; qu'en l'espèce, M. Autagne s'était porté caution pour le principal dû par le débiteur principal ainsi que des accessoires, que l'acte de cautionnement ne fait nullement état de fa garantie due en vertu de la clause pénale prévue au contrat de prêt ; qu'en condamnant la caution au paiement de cette clause pénale, motif pris de ce qu'elle constituerait un accessoire de la créance, la cour d'appel a violé les articles 2015 et 2016 du Code civil ;

 

Mais attendu qu'ayant relevé que M. Autagne s'était engagé non seulement pour le principal mais aussi pour les acces­soires, la cour d'appel, quia exactement énoncé que la péna­lité de 10 % due par le débiteur principal constituait un acces­soire de la dette, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

 

PAR CES MOTIFS

 

REJETTE le pourvoi.