Com, 6 mars 2001, Bull n° 51, N° 98-12-835

 

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Attendu selon l'arrêt attaqué, rendu en matière de référé, (Grenoble, 7 janvier 1998), que la société Dercam technologie (la société) a été mise en redressement et liquidation judi­ciaires par la chambre commerciale du tribunal de grande ins­tance de Béthune, respectivement les 28 février et 28 mars 1997, M. Soinne étant désigné liquidateur ; que la SCI Les Gresses (la SCI) qui avait consenti à la société un bail commercial sur des locaux situés à Donzère (Drôme) a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Valence en restitution de ces locaux, après évacuation du matériel et des effluents s'y trouvant entreposés ; que, confirmant l'ordon­nance de référé, la cour d'appel a rejeté l'exception d'in­compétence au profit de la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Béthune, a condamné le liquidateur de la société à restituer à la SCI les lieux qui lui étaient précédem­ment loués après avoir fait évacuer le matériel et les effluents sous astreinte provisoire de 2 000 francs par jour de retard à compter de la décision déférée, se réservant le droit de la liqui­der, et a rejeté ses demandes en dommages-intérêts et en indemnisation des frais non inclus dans les dépens ;

 

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

 

Attendu que lé liquidateur fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, que lorsqu'un litige porte sur des ,faits postérieurs à l'ouverture d'une procédure collective et lorsque celle-ci exerce une influence .sur lui ou lorsqu'un litige prend sa source dans cette procédure, le tribunal de la procé­dure collective est compétent pour le trancher, qu'en l'espèce, il résulte des constatations souveraines de l'arrêt que la SCI a saisi le juge des référés le 8 août 1997 pour obtenir restitution des lieux précédemment loués à la société après évacuation des matériels et des effluents, la résiliation du bail ayant été constatée par l'ordonnance du juge-commissaire du 31 juil­let 1997 ; qu'il s'ensuit que le litige porte sur des faits posté­rieurs à l'ouverture de la procédure collective, prend sa source dans cette procédure et que celle-ci exerce une influence sur lui ; que le tribunal de la procédure collective était donc compétent pour le trancher à supposer même qu'il y ait un trouble manifestement illicite ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 174 du décret du 27 décembre 1985 ;

 

Mais attendu que l'arrêt, après avoir relevé que la résiliation du bail avait été constatée par une ordonnance du juge­-commissaire du 31 juillet 1997, retient que la demande de la SCI tendait à faire restituer les lieux par un occupant sans droit ni titre ; que la cour d'appel en a déduit à bon droit que la contestation n'était pas née de la procédure collective ou n'était pas soumise à l'influence juridique de cette procédure de sorte que la règle de compétence édictée par l'article 174 du décret du 27 décembre 1985 au profit du tribunal de la pro­cédure collective n'était pas applicable ; que le moyen n'est pas fondé ;

 

Et sur la seconde branche du premier moyen et le second moyen, pris en ses deux branches, réunis

 

Attendu que le liquidateur fait encore le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen

 

1° que le juge des référés peut .seulement prescrire les mesures conservatoires ou clé remise en état qui .s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu'il ne peut ordonner l'exécution d'une obligation de faire que si l'existence de cette obligation n'est pas sérieusement contes­table ; qu'en l'espèce, en condamnant M. Soinne, ès qualités, à restituer les lieux après évacuation des matériels et effluents s'y trouvant, la cour d'appel l'a condamné à exécuter une obligation de faire impliquant le paiement d'une somme d'argent, que, cependant, cette obligation était sérieusement contestable, la SCI n'ayant pas déclaré sa créance et son action se heurtant à la .suspension des poursuites indivi­duelles ; qu'il s'ensuit que le juge des référés était incompétent pour trancher le présent litige ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 809 du nouveau Code de procédure civile ;

 

2° que, selon l'article 66 du décret du 27 décembre 1985 modifié par le décret du 21 octobre 1994 pris en application de la loi du 10 juin 1994 concernant les procédures ouvertes à compter du I°~ octobre 1994, les créances résultant de la rési­liation d'un bail en cours doivent être déclarées ; que la demande consécutive à la résiliation d'un bail en cours et ten­dant à la restitution des lieux loués et à l'enlèvement des matériels et effluents s'y trouvant implique le paiement d'une .somme d'argent constitutive d'une créance devant être décla­rée ; qu'il s'ensuit que la demande de la SCI consécutive à la résiliation du bail et tendant à la restitution des lieux loués et à l'enlèvement des matériels et effluents s'y trouvant impli­quait le paiement d'une .somme d'argent constitutive d'une créance devant être déclarée, la cour d'appel ayant constaté que la société avait été mise en redressement judiciaire le 28 .février 1997 et que le bail était en cours à cette date ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 66, alinéa 2, du décret du 27 décembre 1985 ;

 

3° que la demande tendant à la condamnation d'une société en redressement puis en liquidation judiciaires à restituer les lieux loués et à l'enlèvement des matériels s'y trouvant suite à la résiliation du bail, implique le paiement d'une somme d'argent pour une cause antérieure au jugement d'ouverture et ne peut donc aboutir ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 33 et 47 de la loi du 25 janvier 1985 et le principe d'égalité entre les créanciers ;

 

Mais attendu que le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour préve­nir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifes­tement illicite ; qu'après avoir énoncé, à bon droit, que l'obli­gation de restitution des lieux loués, après enlèvement des objets les garnissant, avait pour fait générateur la résiliation du bail constatée après l'ouverture de la procédure collective et en avoir exactement déduit que cette obligation avait une origine postérieure au jugement d'ouverture, la cour d'appel, qui a constaté que l'attitude du liquidateur qui se maintenait dans les locaux sans droit ni titre constituait un trouble manifestement illicite, n'a fait qu'user des pouvoirs qu'elle tient de l'article 809, alinéa 1«, du nouveau Code de procédure civile en prenant les mesures de remise en état de nature à faire ces­ser ce trouble ; que le moyen n'est pas fondé ;

 

PAR CES MOTIFS

 

REJETTE le pourvoi.