Com, 13 mars 2001, Bull n° 53, N° 98-10-109
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Attendu, selon le
jugement attaqué (tribunal d'instance de Longwy, 5 novembre 1997), que M. et
Mme Laurent ont été victimes du vol de leur carte bancaire qu'ils avaient
laissée dans un sac dans leur voiture en stationnement ; qu'ils ont formé
opposition à son usage trois jours plus tard ; qu'entretemps, une somme
de 8 515,21 francs a été dépensée grâce à l'usage de leur carte par <
facturettes » et son montant débité de leur compte ; qu'ils ont judiciairement
réclamé à la Caisse d'épargne de Lorraine Nord le remboursement de cette
somme ; que le Tribunal, retenant contre eux-mêmes une faute d'imprudence,
ne leur a accordé remboursement que pour les trois quarts de la somme réclamée,
considérant que la Caisse avait, elle, omis de vérifier les signatures sur les
facturettes et laissé le débit du compte dépasser le montant contractuel du
découvert ;
Sur le moyen
unique, pris en sa troisième branche
Attendu que la
Caisse d'épargne fait grief à l'arrêt de sa condamnation, alors, selon le
moyen, que les conventions lé8alement formées tiennent lieu de loi à ceux qui
les ont faites ; que l'article 11.1 des conditions d'utilisation de carte
bleue souscrites par M. Laurent prévoit que le titulaire de la carte est
responsable de l'utilisation et de la conservation de celle-ci et qu'il assume
les conséquences de l'utilisation de cette carte tant qu'il n'a pas fait
opposition ; que l'article 6.2 desdites conditions d'utilisation prévoit
que les paiements par carte sont possibles dans les limites fixées et notifées
par la Caisse d'épargne dans les conditions particulières ; que les conditions
particulières figurant en, dernière page des conditions d'utilisation
souscrites par M. Laurent précisent: H En France, votre carte bleue vous
permet: 1.1 de retirer de l'argent liquide par période de sept jours glissants
1.2 de régler vos dépenses auprès des commerçants affchant le sigle CB, jusqu'à
un plafond de, 15 000 francs d'achats autorisés par période de 30 jours glissants,
plafond porté à 50 000 francs pour les porteurs de la carte Premier » ;
que, selon l'article 6.3 des conditions d'utilisation, les règlements présentés
à l'encaissement par les commerçants sont automatiquement débités au compte
concerné selon les dispositions convenues entre le titulaire de celui-ci et la
Caisse d'épargne ; qu'en faisant prendre en charge par la Caisse d'épargne
la majeure partie des paiements effectués au moyen de la carte volée
antérieurement à l'opposition formée par son titulaire, au motif que ces
paiements dépassaient le découvert autorisé de 4 000 francs, le Tribunal a
violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que
si, selon le contrat, des paiements pour un montant de 15 000 francs par mois
sont prévus, il ne résulte pas de ses stipulations que pour autant ils doivent
être exécutés même si le solde est débiteur au-delà du découvert consenti aux
titulaires du compte pour l'ensemble de leurs opérations devant y être
enregistrées ; qu'en outre, la Caisse n'a pas prétendu dans ses
conclusions avoir été tenue à paiements aux commerçants à partir des
enregistrements des ordres reçus par eux, par l'effet de garanties
contractuellement stipulées à leur profit ; que le Tribunal a, dès lors,
pu retenir que la Caisse d'épargne était fautive pour avoir laissé le découvert
du compte s'accroître jusqu'à un montant. de 14 594,45 francs par l'effet de
l'imputation des dépenses contestées ; que le moyen n'est pas fondé en sa
troisième branche ;
Mais sur le moyen
unique, pris en ses première et quatrième branches
Vu l'article 1
134 du Code civil ;
Attendu que pour
tenir la Caisse d'épargne responsable des faux ordres de paiement souscrits par
un tiers sur une facturette établie avec les références d'une carte bancaire
usurpée, le jugement retient que s'il est concevable que le porteur renonce à
la vérification des signatures, compte tenu de la gravité de cette
disposition, il faut une mention spéciale du titulaire du contrat, mais que
l'adhésion, comme en l'espèce, à un contrat préimprimé ne suffit pas ;
Attendu qu'en
statuant ainsi, alors que, selon les stipulations du contrat, en ses
paragraphes 6.3, 6.5 et 11.2, dans le cas d'un ordre de paiement émis sur un
document écrit sur support papier revêtu de la signature manuscrite du porteur
de la carte, la vérification de cette signature incombe au commerçant
bénéficiaire, que la Caisse d'épargne enregistre un tel ordre même en l'absence
du document ainsi signé, mais que, pour le titulaire de la carte, le risque de
l'imputation d'un tel ordre non revêtu de sa signature authentique est limité à
un montant de 600 francs, tant qu'il n'a pas formé opposition, sauf le cas
d'imprudence commise par lui dans la conservation de sa carte, sa
responsabilité n'étant alors plus limitée, ce dont il résulte que, sauf à
apporter son concours pour permettre au titulaire de la carte l'exercice utile
de ses recours contre les commerçants qui n'auraient pas rempli leurs
obligations de vérification, l'établissement émetteur de la carte est contractuellement
dispensé de la vérification des signatures, sauf pour lui à supporter les
conséquences des faux, au-delà d'une franchise de 600 francs avant opposition
de la part du titulaire, hors le cas d'imprudence de celui-ci, la cour d'appel
a méconnu la loi du contrat ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE,
dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 5 novembre 1997, entre les
parties, par le tribunal d'instance de Longwy ;remet, en conséquence, la
cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement
et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Nancy.