Com, 20 mars 2001, Bull n° 61, N° 98-13-961

 

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Attendu, selon l'arrêt déféré (Grenoble, 4 février 1998), que la Société générale et la Société centrale de banque, agissant dans la proportion de 50 °lo chacune et avec stipulation de soli­darité entre elles, ont consenti à la société Plantin pneus, un prêt en remboursement duquel M. Plantin s'est porté caution solidaire ; que les banques ont assigné M. Plantin, en exé­cution de ses engagements et déclaré leur créance, après que le tribunal de grande instance de Valence, statuant en matière commerciale, eut étendu à la société Plantin pneus la procé­dure de liquidation judiciaire ouverte contre la société Sud automobile ; que le tribunal a accueilli la demande de la Société générale et déclaré irrecevable celle de la Société cen­trale de banque ; que, sur l'appel de la Société centrale de banque, la cour d'appel, après avoir donné acte à la Société générale, qui avait repris l'instance aux lieu et place de la Société centrale de banque, de ce qu'elle venait aux droits de celle-ci par suite de sa dissolution sans liquidation, a réformé le jugement en toutes ses dispositions et condamné M. Plantin à payer à la Société générale la somme de 710 879,38 francs avec intérêts au taux de 11,80 % à compter du 10 juin 1992 ;

 

Sur te premier moyen, pris en ses deux branches

 

Attendu que M. Plantin reproche à l'arrêt d'avoir ainsi sta­tué, alors, selon le moyen

 

I° que la Société centrale de banque ayant seule interjeté appel, et uniquement contre M. Plantin, du jugement gui l'avait déclarée irrecevable en son action contre celui-ci et avait en revanche accueilli la demande formée contre le même par la Société générale, et cette dernière s'étant bornée à intervenir en cause d'appel pour poursuivre l'instance aux lieu et place de la Société centrale de banque aux droits de laquelle elle est venue à la suite de la dissolution de celle-ci, la cour d'appel n'était pas saisie de la partie du litige ayant opposé dès l'origine la Société générale à M. Plantin, que, dès lors, en réformant le jugement en toutes ses dispositions, pour statuer à nouveau, la cour d'appel a violé les articles 548, 552, 553 et 562 du nouveau Code de procédure civile et commis un excès de pouvoir ;

 

2° qu'en prononçant à l'encontre de M. Plantin une condamnation à payer à la Société générale la somme de 710 879,38 francs en principal, condamnation dont il est impossible de savoir, en l'état de l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions, si elle a été prononcée au profit de la Société générale en sa seule qualité de venue aux droits de la Société centrale de banque qui avait d'ailleurs réduit sa demande en première instance à 354 923,34 francs, ou en sa double qualité de venue aux droits de la Société centrale de banque et de créancière initiale en propre de M. Plantin, qua­lité en laquelle elle n'était ni appelante, ni intimée, ni inter­venante, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard des articles 562 du nouveau Code de procé­dure civile et 2011 et suivants du Code civil ;

 

Mais attendu qu'ayant condamné M. Plantin au paiement de la somme, non contestée en son montant, réclamée par la Société centrale de banque dans ses conclusions d'appel dont la Société générale, intervenante volontaire comme venant aux droits de cette banque, avait sollicité l'adjudication, la cour d'appel n'a pas encouru les griefs du moyen ; que celui-ci n'est fondé en aucune de ses branches ;

 

Sur le second moyen, pris en ses trois branches

 

Attendu que M. Plantin reproche à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait, alors, selon le moyen

 

1° que la déclaration de créance s'analysant en une demande en justice, lui sont applicables les dispositions dé l'article 416 du nouveau Code de procédure civile en vertu desquelles quiconque entend représenter une partie en justice doit justifier qu'il en a reçu le mandat ou la mission ; que, lorsque la déclaration résulte du dépôt de plusieurs documents par des personnes différentes, et a fortiori quand ceux-ci visent les créances de créanciers distincts, une telle justification est exigée de chacune de ces personnes, qu'en l'espèce, en consi­dérant valable la déclaration des créances de la Société géné­rale et de la Société centrale de banque qui reposait notam­ment sur un décompte de la créance de la seconde établi par une de ses préposées, Mlle Convert, dont il est constant qu'elle ne détenait aucun pouvoir, ni général, ni spécial, pour déclarer les créances de son employeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé et les articles 50 et suivants de la loi du 25 janvier 1985 ;

 

2° que si la solidarité active permet à chaque créancier d'agir pour l'entier montant de la créance afin de la conser­ver, elle ne lui permet pas d'agir en justice au nom et pour le compte des autres créanciers, de telle .sorte que, la déclaration de créance s'analysant comme une demande en justice, la soli­darité active stipulée entre deux créanciers n'autorise pas l'un à déclarer la créance de l'autre ; qu'en l'espèce, en considé­rant valable la déclaration de créance de la Société centrale de banque effectuée par M. Blanchet qui n'était investi que du pouvoir de déclarer la créance de la Société générale, la cour d'appel a violé les articles 416 du nouveau Code de procédure civile, 50 et suivants de la loi du 25 janvier 1985 ;

 

3° qu'il résulte de l'article 175 du décret du 27 décembre 1985 que, sous l'empire des textes applicables avant que la loi du 10 juin 1994 modifie l'article 50 de la loi du 25 jan­vier 1985, lorsque la procédure collective avait été ouverte devant le tribunal de grande instance statuant en matière commerciale, la déclaration de créance ne pouvait être faite que par le créancier lui-même ou un avocat, à l'exclusion de tout autre tiers ; que, dès lors, ayant constaté que la société Plantin avait été mise en liquidation judiciaire par un juge­ment en date du 25 août 1992 du tribunal de grande instance de Valence statuant en matière commerciale, la cour d'appel ne pouvait sans violer l'article 175 susvisé, considérer que M. Blanchet, préposé de la Société générale, avait pu valable­ment déclarer non seulement la créance de cette banque, mais également celle de la Société centrale de banque ;

 

Mais attendu que l'arrêt énonce exactement que l'obligation solidaire entre plusieurs créanciers donne à chacun d'eux, en application de l'article 1197 du Code civil, le droit de deman­der le paiement du total de la créance et en conséquence de la déclarer en totalité au passif de la procédure collective du débiteur ; qu'ayant relevé que la lettre portant déclaration de créance et le tableau récapitulatif faisant ressortir le détail de la créance de chaque banque étaient signés de M. Blanchet, sous-directeur de l'agence de la Société générale qui disposait, par acte notarié établi le 16 juin 1992, du pouvoir de déclarer les créances de cette banque, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la créance de la Société centrale de banque avait été régulièrement déclarée, peu important que l'un des décomptes annexés ait été signé par une personne ne disposant pas de pouvoir ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

 

PAR CES MOTIFS

 

REJETTE le pourvoi.