Com, 20 mars 2001, Bull n° 62, N° 98-16-256

 

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Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches

 

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 février 1998), que la société Inter Traction (la débitrice) a relevé appel du jugement l'ayant condamnée à payer à la société Geleurop Stefover (société Stefover) la somme de 383 410,62 francs, ayant condamné celle-ci à lui payer la somme de 296 880,13 francs, ordonné la compensation entre ces deux sommes et rejeté la demande d'exécution provisoire de la société Stefover ; que son liquidateur judiciaire, intervenu en cours d'instance, a demandé à la cour d'appel de fixer à un montant inférieur la créance de la société Stefover déclarée pour la somme de 86 529,87 francs ;

 

Attendu que la société Stefover fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il a fixé à 296 880,13 francs la créance de la débitrice, fixé le montant de la créance de la société Stefover sur la débitrice à la somme de 86 529,87 francs et dit, en conséquence, que la compensation devait s'opérer au profit de la liquidation judiciaire de la débi­trice, le paiement de la différence s'opérant entre les mains du liquidateur, alors, selon le moyen

 

I° que lorsque la créance à déclarer fait l'objet d'une ins­tance en cours au jour du jugement, le créancier peut déclarer une simple évaluation de sa créance, sauf à indiquer au repré­sentant des créanciers la juridiction devant laquelle Ici créance est contestée ,* que par suite, lorsqu'un jugement intervenu avant l'ouverture de la procédure a condamné le débiteur et le créancier au paiement de .sommes dont il a ordonné la compensation au pr(~fit du second, celui-ci peut, soit déclarer .sa créance après compensation, soit .sa créance totale hors compensation, l'une et l'autre n'étant en tout état de cause que des évaluations ne préjugeant pas de la fixation définitive de la créance par la juridiction d'appel ; qu'en décidant que la société Stefover, en déclarant une créance de 86 529,57 francs correspondant au H total obtenu après compensation des sommes qui étaient en litige de part et d'autre », avait procédé à une déclaration provisionnelle interdite, la cour d'appel a violé l'article 50 de la loi du 25 janvier 1985 et l'article 67 du décret du 27 décembre 1985 ;

 

2° qu'il en est d'autant plus ainsi qu'en indiquant expressé­ment que la somme de 86 529,87 francs était le fruit de la compensation ordonnée par les premiers juges et dont elle réclamait ainsi le bénéfice, la société Stefover était réputée avoir déclaré le montant total de sa créance avant compensa­tion, le mécanisme de la compensation impliquant nécessaire­ment la volonté de celui qui l'invoque de recevoir paiement de sa créance compensée ; en sorte qu'en statuant comme elle a fait la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

 

3° que lorsque la créance fait l'objet d'un litige en cours ayant donné lieu à un jugement rendu avant le redressement judiciaire du débiteur et dont le créancier a fait appel, celui-ci peut déclarer sa créance dans les termes de ce jugement, sans perdre le droit de demander à la cour d'appel, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, de fixer sa créance à un montant supérieur ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 48, 50, 101 de la loi du 25 janvier 1985, les articles 67 du décret du 27 décembre 1985 et 561 du nouveau Code de procédure civile ;

 

4° que le juge du fond saisi d'une instance en cours lors du redressement judiciaire conserve le pouvoir exclusif de fixer le montant de la créance, après s'être assuré qu'elle a été déclaré et sans être limité par l'évaluation figurant à la décla­ration de créance de sorte que la cour d'appel, qui a aban­donné le pouvoir qu'elle détient exclusivement de fixer le mon­tant de la créance en litige en prenant en considération l'évaluation déclarée par la société Stefover de sa créance sur la débitrice sans fixer le montant réel de cette créance, a méconnu l'étendue des pouvoirs que lui confèrent les articles 48, 50 et 101 de la loi du 25 janvier 1985 ;

 

5° qu'en constatant que le montant de la créance déclarée par la société Stefover était le fruit d'une compensation entre la créance de cette dernière au jour du jugement déclaratif, soit 383 410,62 francs, et celle, d'un montant de 296 880 francs de la débitrice à la même date, la cour d'appel ne pouvait, tout en fixant la créance de la société Stefover au passif de la débitrice à la somme de 86 529,87 francs, condamner dans le même temps ladite société à payer la somme de 296880,13 francs au liquidateur judiciaire, sauf à permettre à la débitrice de recevoir deux fois le montant d'une même créance ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'ap­pel a consacré l'existence d'un paiement de l'indu et violé les textes susvisés, ensemble l'article 1235 du Code civil ;

 

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir constaté que la société Stefover avait effectué une déclaration de créance pour un montant de 86 529,87 francs en précisant que celui-ci était « le total obtenu après compensation des sommes qui étaient en litige de part et d'autre », la cour d'appel qui, dans l'exer­cice des pouvoirs qu'elle tient de l'article 48 de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L.621-41 du Code de commerce, est tenue de vérifier, au besoin d'office, si la créance objet de l'instance reprise de plein droit a été déclarée et qui ne peut se prononcer que dans les limites de cette décla­ration, a retenu à bon droit qu'il appartenait à la société Stefo­ver de déclarer l'intégralité de sa créance au jour du jugement déclaratif soit 383 410,621 francs et non 86 529,87 francs, pour éviter l'extinction d'une partie de celle-ci ;

 

Attendu, en second lieu, qu'en ordonnant la compensation entre la créance fixée par elle de la société Stefover et celle de la débitrice et en condamnant cette société au paiement du solde en faveur de la débitrice, la cour d'appel n'a fait que tirer les conséquences de l'extinction partielle de la créance de la société Stefover ;

 

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

 

PAR CES MOTIFS

 

REJETTE le pourvoi.