Civ I, 20 mars 2001, Bull n°
76, N° 99-14-982
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Attendu que, par
même acte notarié de vente et de prêt signé le 31 janvier 1990, la société
Marana a acquis divers lots immobiliers, souscrit un emprunt auprès de la
banque Sovac immobilier, affecté hypothécairement à son remboursement les biens
acquis et cédé au prêteur les loyers qui pourraient être produits par
eux ; que, le 25 mai 1993, la banque Sovac a signifié à la société
Sodisca, preneur à bail des locaux, la cession de loyers stipulée à l'acte du 31
janvier 1990 et lui a fait sommation de s'en acquitter désormais directement
auprès d'elle ;
Sur le moyen
unique, pris en sa seconde branche, laquelle est préalable
Vu l'article 1134
du Code civil ;
Attendu que pour
débouter la banque Sovac de ses demandes en condamnation solidaire du
représentant des créanciers au redressement judiciaire de la société Marana et
commissaire à l'exécution du plan de son redressement, et de la société
Sodisca, sa locataire, à lui servir les loyers échus de mai 1993 à novembre
1998, augmentés de leurs intérêts, et la société Sodisca à lui verser les
loyers postérieurs à échoir jusqu'à apurement de sa créance, l'arrêt attaqué,
après avoir énoncé que la validité d'une cession de créance est subordonnée à
l'accord du créancier initial et du cessionnaire sur la créance cédée, retient
que, dans la clause de l'acte du 31 janvier 1990, intitulée délégation de
loyers, le défaut d'une quelconque allusion au bail commercial conclu
antérieurement par le bailleur Sauveterre, auteur de la société Marana, présent
de surcroît, fait naître un doute sérieux sur la volonté de celle-ci de céder
la créance qui en résulte ; que ladite clause est rédigée de manière
générale, qu'aucune indication n'y figure quant aux locaux donnés à bail, quant
au montant des loyers et surtout quant au montant de la créance cédée, qu'il
n'existe aucun terme dans le temps, qu'il n'est même pas mentionné que la
cession de créance est faite jusqu'à extinction du crédit ; qu'à la
lecture de l'acte notarié, il semble que la société Marana a définitivement
cédé la créance relative à tout loyer qu'elle pourrait percevoir, que, pour ces
raisons, la créance cédée n'est ni déterminée, ni déterminable ;
Attendu, cependant, que l'acte du 31 janvier 1990 stipulait « Le constituant
cède au prêteur, par priorité et préférence à tous autres, tous les loyers hors
taxes qui pourraient être produits par le bien affecté à la garantie du
présent contrat. II lui cède également le droit de percevoir en ses lieu et
place les charges et frais entraînés par la location. Le constituant s'engage à
communiquer au prêteur, à tout moment et sur simple demande, les coordonnées de
son locataire du moment et à l'aviser aussitôt en cas, de changement de
locataire. Le constituant communiquera au prêteur les conditions du bail, le
montant des loyers à percevoir, ainsi que des frais et charges. Il s'interdit
de céder ou de déléguer à des tiers les loyers objet de la présente cession. A
ce sujet, le constituant déclare qu'il n'a, jusqu'à ce jour, consenti aucune
cession ni délégation des redevances ou loyers produits par le bien affecté en
garantie. Il autorise le prêteur à signifier le cas échéant, à son seul gré,
cette cession aux locataires desdits biens, conformément à l'article 1690 du
Code civil. Toutes les notifications que le prêteur jugera nécessaires seront
faites au locataire aux frais de l'emprunteur. Le prêteur pourra rendre sa
créance immédiatement exigible en cas de non-respect par le constituant des
dispositions ci-dessus et également si les immeubles affectés à sa garantie
font l'objet de la perception de plus de trois mois de loyers d'avance » ;
que ces clauses, dont il résultait que la société Marana, dans la limite de ses
dettes d'emprunt envers la société Sovac, avait cédé à celle-ci ses créances
locatives, étaient claires et précises, de sorte qu'en statuant comme elle l'a
fait, la cour d'appel les a dénaturées, violant le texte susvisé ;
Et sur la
première branche du moyen
Vu l'article 1689
du Code civil ;
Attendu que des
créances futures ou éventuelles peuvent faire l'objet d'un contrat, sous la
réserve de leur suffisante identification ; qu'en ne procédant pas à une
telle recherche, l'arrêt n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE,
dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 mars 1999, entre les parties,
par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et
les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être
fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.