Com, 2 mai 2001, Bull n° 81, N° 98-16-146

 

_________________________________

 

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches

 

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 2 avril 1998), que l’Agence de l'eau Adour-Garonne (l'agence), qui n'avait pas déclaré sa créance au passif du redressement judiciaire de la Tété Usine de Longchamp (la société) et dont la demande en relevé de forclusion a été rejetée, a assigné la société (béné­ficiaire d'un plan de continuation) à laquelle elle imputait à faute l'omission de la mentionner sur la liste de ses créanciers, en réparation du préjudice occasionné par cette faute ;

 

Attendu que l'agence fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé, substitution de motifs, le jugement en toutes ses disposi­tions et notamment en ce qu'il l'avait déboutée de sa demande tendant à la condamnation de la société à lui verser, à titre de dommages-intérêts, la somme de 1 789 653,09 francs, avec têts au taux légal à compter de l'assignation, alors, selon le moyen

 

1 ° que la demande tendant à l'allocation, sur un fondement délictuel, de dommages-intérêts compensant la perte d'une d’une créance contractuelle et la demande en paiement de cette créance contractuelle n'ont ni même objet, ni même cause ; d’où il suit qu'en opposant à l'action en dommages-intérêts de l’agence, dirigée contre le débiteur soumis à une procédure collective, l'autorité de la chose jugée de la décision du tribu­nal de commerce de Castres ayant infirmé la décision du juge com­missaire qui avait accueilli sa requête en relevé de forcluclusion relative à sa créance contractuelle, la cour d'appel a é l'article 1351 du Code civil ;

 

2 ° que l'existence d'une procédure collective ne fait pas tacle aux actions tendant à la condamnation du débiteur au paiement de dommages-intérêts pour une cause postérieure à l’ouverture de la procédure collective ; que la faute commise par le débiteur qui omet de mentionner un créancier sur la liste certifiée de ses créanciers et du montant de ses dettes est à la source du préjudice subi par le créancier omis qui, en conséquence, à défaut d'obtenir un relevé de forclusion, peut agir en dommages-intérêts contre ledit débiteur ;qu'en déci­dant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985, ensemble les articles 1382 et 1383 du Code civil ;

 

3° que le fait ou la faute de la victime n'exonèrent totale­ment le défendeur de sa responsabilité que s'ils ont été impré­visibles et insurmontables pour lui, c'est-à-dire s'ils appa­raissent comme la cause exclusive du dommage ; d'où il suit qu'en se fondant sur le seul fait de l'agence pour exonérer totalement la société de sa responsabilité, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du Code civil ;

 

4° qu'en retenant que la lettre adressée le 9 avril 1993 par la société à l'agence prend soin de « confirmer H le dépôt de bilan, « ce qui peut, peut-être, donner à penser que ce dépôt avait déjà été annoncé », la cour d'appel a statué par un motif dubitatif, méconnaissant ainsi les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

 

Mais attendu que l'arrêt n'ayant pas constaté une fraude commise par le débiteur, l'agence n'était pas recevable à agir en réparation, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, du préjudice lié à l'extinction de sa créance ; que, par ce motif de pur droit, substitué à ceux de la cour d'appel, l'arrêt se trouve justifié ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

 

PAR CES MOTIFS

 

REJETTE le pourvoi.