Com, 21 mai 2001, Bull n° 97, N° 99-14-716

 

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Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par décision n° 98-D-61 du 6 octobre 1998, le Conseil de la concurrence, examinant à faits commis dans le secteur de l'élimination des déchets, a condamné différentes entreprises pour des pratiques jugées contraires aux articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'il a, en particulier, décidé qu'il existait un marché de la mise en décharge contrôlée des ordures ménagères en Ile-de-France et que la société Routière de l'est parisien (société REP) disposait d'une position dominante sur ce marché ; qu'il a estimé qu'en consentant des tarifs préférentiels aux entreprises du groupe auquel elle appartenait, la société REP avait commis une pratique discriminatoire constitutive d’un abus de position dominante et l'a condamnée à une sanction pécuniaire de 5 000 000 francs ; que la société REP a formé un recours en annulation et en réformation de cette décision ;

Sur le premier moyen

 

Mais attendu qu'il résulte de l'article 2-3, du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987 que, lorsque la déclaration de recours contre les décisions du Conseil de la concurrence ne contient pas l'exposé des moyens invoqués, le demandeur doit déposer cet exposé au greffe dans les deux mois qui suivent la notification de la décision frappée de recours ; que la société REP n'ayant exposé le moyen d'annulation tiré de la présence rapporteur au délibéré ni lors de sa déclaration de recours ans les deux mois suivant la notification de la décision, elle n’est pas recevable à le faire pour la première fois devant la Cour de Cassation et la cour d'appel n'était pas tenue de le relever d’office ; d’où il suit que le moyen est irrecevable ;

 

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

 

Attendu que la société REP fait grief à l'arrêt d'avoir rejet son recours, alors, selon le moyen, que prive sa décision d base légale au regard de l'article 8 de l'ordonnance d I°' décembre 1986 la cour d'appel qui, pour définir le marché pertinent, retient la spécificité du traitement des ordures ménagères en décharge par rapport aux autres modes de traitement (incinération et compostage), en se fondant sur la différence de coût entre ces modes de traitement extraite d'une étude réalisée par 1993 par la société BIPE, sans s'expliquer sur le moyen péremptoire tiré de ce que les chiffres utilisés dan cette étude et reproduits par l'arrêt correspondaient à une moyenne nationale, dénuée de tout rapport avec les coûts spécifiques réellement pratiqués en Ile-de-France, région correspondant par ailleurs à la définition du marché géographique retenue par l'arrêt ; que viole l'article 455 du nouveau Code de procédure civile l'arrêt qui, pour écarter la deuxième étude de la société BIPE propre aux prix effectivement pratiqué en 1994 en Ile-de-France par les différentes filières, se fonde sur la considération inopérante qu'elle serait de deux ans postérieure aux pratiques incriminées et s'abstient ainsi de s'expliquer sur les écarts considérables de prix entre la moyenne régionale (rapport BIPE 1993) et la moyenne nationale (rap­port BIPE 1995) invoquée par la société REP ;

 

Mais attendu que l'arrêt énonce que le Conseil de la concur­rence s'est à juste titre fondé sur les analyses disponibles à l'époque des pratiques anticoncurrentielles reprochées pour délimiter le marché qui font apparaître une première spécificité du traitement des ordures ménagères en décharge par le coût ; qu'en l'état de ces énonciations, dont il ressort qu'elle a écarté, en appréciant souverainement la pertinence des moyens de preuve offerts sur la question des niveaux de coût des dif­férentes techniques d'élimination des ordures ménagères, la possibilité de prendre en compte des données postérieures aux faits dénoncés, la cour d'appel, a, en la motivant, légalement justifié sa décision sur ce point ; que le grief n'est pas fondé ;

 

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche

 

Vu l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, devenu l'article L. 420-2 du Code de commerce ;

 

Attendu que pour approuver la délimitation du marché per­tinent arrêtée par le Conseil de la concurrence, l'arrêt retient que les données retenues par le Conseil font apparaître que le traitement des déchets en décharge contrôlée permet de faire disparaître les déchets ultimes générés par les autres traite­ments comme le recyclage, le compostage ou l'incinération, qu'il s'en déduit une deuxième spécificité par son but et sa technique, qu'en conséquence, le traitement des déchets en décharge contrôlée n'est pas un mode substituable d'élimina­tion des déchets en raison de ses spécificités de nature à influer sur le comportement des entreprises et syndicats communaux de collecte des déchets dans le choix de la filière d'élimination et constituait à l'époque des faits un marché suf­fisamment identifiable pour être distinct du marché du traite­ment des déchets ménagers en général ;

 

Attendu qu'en se déterminant par ces motifs, sans recher­cher si le choix des demandeurs à l'élimination des déchets est ou non effectivement déterminé pour tel ou tel mode de traite­ment des ordures ménagères par des considérations tenant à leurs spécificités techniques, ce pourquoi chacun de ces procé­dés ne serait pas substituable aux autres, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

 

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs

 

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 avril 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement compo­sée.