Com, 19 juin 2001, Bull n° 122, N° 98-14-707
_________________________________
Sur le moyen unique
Vu l'article 1378
ter du Code général des impôts et l'article 683-I du même Code,
Attendu que, selon ces textes,
les mutations de toute nature qüî ont pour objet, en matière de bail à
construction, les droits du bailleur ou du preneur sont assujetties aux
dispositions fiscales applicables aux mutations d'immeubles, qui prévoient que
les actes civils et judiciaires translatifs de propriété ou d'usufruit de ces
biens à titre onéreux sont assujettis à une taxe de publicité foncière ou à un
droit d'enregistrement ;
Attendu, selon le
jugement attaqué, que le 26 novembre 1973, M. et Mme Lemasson ont consenti à la
SA Garage Lemasson (la société) un bail à construction d'une durée de trente
ans, prévoyant qu'à son expiration, soit par arrivée du terme, soit par
résiliation, les constructions édifiées par le preneur deviendraient de plein
droit la propriété du bailleur sans que cette accession ait besoin d'être
constatée par un acte ; que le 12 septembre 1994, les époux Lemasson ont
résilié ce bail moyennant le versement d'une indemnité de 2 300 000 francs
correspondant à la valeur marchande des constructions, aménagements et
amélioration exécutés sur le terrain par la société ; que cet acte ayant
été enregistré avec paiement d'un droit fixe, l'administration fiscale a, le 16
décembre 1994, notifié un redressement à la société sur le fondement. de
l'article 1378 ter du Code général des impôts su motif que les droits de
mutation étaient dus ; que le 16 mars 1995, un avis de mise en
recouvrement a été émis à l’encontre des époux Lemasson, codébiteurs solidaires
de la société ; qu'après le rejet de leur réclamation, ces derniers, ainsi
que le mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société, ont
assigné le Directeur des services fiscaux d'Eure-et-Loir pour obtenir
l'annulation de l'avis de mise en recouvrement et la décharge de l'imposition
litigieuse ;
.
Attendu que pour
faire droit à cette demande, le tribunal énonce que les époux Lemasson tirent
leur droit d'accession sur les constructions édifiées par la société sur le
terrain donné à bail, non de l'acte de résiliation, mais de la loi elle-même.
qui prévoit qu'à défaut de convention spéciale entre les parties le bailleur
devient propriétaire des constructions en fin de bail, ainsi que du contrat de
bail à construction signé en Î473 ; qu'il précise que ce droit d'accession
est né dès la signature du bail, et que la résiliation n'a eu pour effet que
d'avancer dans le temps cette accession par rapport su terme initialement
prévu ; qu'il ajoute que la somme versée par les époux Lemasson à la société
en raison de cette résiliation ne constitue donc pas un prix de cession, même
si elle a été fixée par référence à la valeur des immeubles, dés lors que
l'accession en fin normale de bail s'effectue sans contrepartie financière,
mais qu'il s'agit d'une indemnité destinée à compenser la privation prématurée
du preneur de la jouissance de ses droits sur l'immeuble donné à bail et les
constructions édifiées sur celui-ci ; qu'il en déduit que la résiliation
du bail à construction, quand bien même elle a eu incontestablement pour effet
direct et immédiat de permettre au. bailleur de reprendre la construction
édifiée par le preneur sur le terrain donné en location, ne peut être
considérée comme constituant une mutation au sens de l'article 1378 ter du Code
général des impôts ;
Attendu qu'en
statuant ainsi, alors que, par l'effet de la résiliation du bail à
construction, le preneur a perdu le droit de propriété temporaire dont il
bénéficiait sur les constructions édifiées, en contrepartie du versement par le
bailleur d'une somme équivalant à la valeur de celles-ci, ce qui a permis à ce
dernier d'accéder à la propriété des immeubles construits avant le terme du
bail, de sorte qu'il y a eu un véritable transfert de propriété à tige onéreux,
le tribunal a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE,
dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 11 février 1998, entre les
parties, par le tribunal de grande instance de Chartres ; remet, en
conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant
ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de
grande instance de Versailles.