Com, 19 juin
2001, Bull n° 123, N° 99-15-411
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Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches
Attendu, selon
l'arrêt attaqué, que la société Decathlon exploite un premier magasin, et, à
proximité, un second magasin (dénommé Decathlon II) situé dans un lotissement
dénommé « Les Portes de l'Europe > à Perpignan, et édifié après l'obtention
d'un permis de construire obtenu par une société civile immobilière « Les Roses
» (SCI Les Roses) le 20 février 1996 ; que deux autres permis de
construire ont été délivrés le même jour à deux autres SCI pour l'édification
dans ce lotissement de deux autres bâtiments commerciaux mais ont été
ultérieurement retirés ; que, le 18 février 1997, le préfet des
Pyrénées-Orientales, estimant que le bâtiment à l'enseigne Decathlon en cours
de construction pourrait constituer un ensemble commercial avec le magasin déjà
existant et comme tel soumis à l'obtention d'une autorisation d'urbanisme
commercial, a mis en demeure la société Decathlon de cesser les travaux,
injonction non suivie d'effet ; que se prévalant alors de ce que le
magasin Decathlon II était exploité au mépris des règles relatives à l'urbanisme
commercial, la Société catalane intersport (la société Socasport), qui exploite
un magasin concurrent à l'enseigne Intersport, a assigné, sur le fondement de
la concurrence déloyale, la société Decathlon en vue de la fermeture sous
astreinte du magasin litigieux et en dommages-intérêts, et subsidiairement la
saisine du tribunal administratif d'une question préjudicielle sur la légalité
du permis, précité et du retrait de deux autres permis délivrés le 20 février
1996 ; que, par jugement du 4 novembre 1997, le tribunal de commerce a
débouté la société Socasport de ses demandes ; qu'en appel, la société
Socasport concluait à la fermeture du magasin litigieux et subsidiairement à ce
qu'il soit sursis à statuer dans l'attente du sort du recours formé par la SCI
« Les Roses » à l'encontre de la mise en demeure préfectorale du 18 février
1997 ou dans l'attente de la question préjudicielle posée au tribunal
administratif quant à la légalité du permis délivré à la SCI Les Roses et du
retrait des deux autres permis délivrés le 20 février 1996 ;
Attendu que la
société Socasport fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes, alors,
selon le moyen:
1° que le juge
civil saisi d'une question préjudicielle relevant de la compétence
administrative, telle l'appréciation de la légalité d'un permis de construire,
doit dire en quoi son jugement peut être rendu sans attendre la décision de la
juridiction compétence sur la question préjudicielle, qu'en se bornant à se
prononcer sur les effets d'un permis de construire au regard de la concurrence
déloyale, aux seuls motifs que la méconnaissance par la SCI Les Roses de la
mise en demeure du préfet d'avoir à cesser les travaux ne peut à elle seule
fonder l'action en concurrence déloyale de la société Socasport, la cour d'appel
considérant en effet que le magasin Decathlon II ne se trouve pas implanté dans
un ensemble commercial au sens de l'article 29-1 de la loi du 27 décembre 1973,
qu'au surplus, la mise en demeure du Préfet est intervenue après l'expiration
des délais de recours contentieux relatifs au permis de construire, lequel a
été affiché en mairie du 28 février au 30 avril 1996 et sur le -terrain, à
compter du 6 mars 1996, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de
motifs, en violation des articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure
civile ;
2° que si le site
commercial se définit n comme un emplacement géographique appelé à recevoir des
activités commerciales », la notion d'emplacement géographique n'impose pas une
implantation sur un terrain d'un seul tenant ; que le site peut, notamment
être constitué de terrains situés de part et d'autre d'une voie existante ou à
créer, ou de tout élément de séparation, que dès lors, en rejetant les
demandes, aux motifs inopérants K qu'en ce qui concerne les deux magasins
Decathlon, ils sont distants de 300 mètres environ, sont séparés par une voie à
grande circulation, la route nationale n° 9, impossible à traverser du fait
d'un mur de béton implanté sur l'axe médian », la cour d'appel a privé son
arrêt de brise légale au regard de l'article 29-1 de la loi n° 73-1193 du 27
décembre 1973 ;
3° que le
caractère définitif d'un permis de construire ne confère qu'un droit acquis à
la construction, mais non un droit acquis à l'exploitation des surfaces de
vente correspondantes, lequel ne peut résulter que d'une autorisation de la
commission d'équipement commercial, qu'en décidant que « l'unique bâtiment
édifié dans le lotissement Les Portes de l'Europe sur la base d'un permis
devenu définitif, ne peut être regardé comme faisant partie d'un même ensemble
commercial avec des magasins, également projetés dans le lotissement, mais qui
ont fait l'objet de permis de construire retirés », la cour d'appel a violé les
articles 28, 29 et 29-1 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 ;
Mais attendu,
d'une part, que l'arrêt constate que si trois permis de construire ont été
délivrés le 20 février 1996, en vue de l'édification dans le lotissement
« Les Portes de l'Europe » de trois bâtiments à usage commercial
excédant les seuils de superficie prévus à l'article 29 de la loi du 27
décembre 1973, il s'avère que deux des trois permis ont été retirés et que seul
le bâtiment dans lequel se trouve exploité le magasin Decathlon II a été édifié
en vertu du permis de construire délivré à la SCI Les Roses dont la légalité
n'a pas été contestée devant la juridiction administrative ; que l'arrêt
énonce que l'unique bâtiment édifié dans le lotissement « Les Portes de
l'Europe > sur la base d'un permis devenu définitif, ne peut être regardé comme
faisant partie d'un même ensemble commercial avec les magasins, également
projetés dans le lotissement, mais qui ont fait l'objet de permis de construire
retirés ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations dont il
ressort qu'elle a estimé la demande de sursis à statuer formée par la société
Socasport inopérante en ce qui concerne la solution du litige qui lui était
soumis, la cour d'appel a motivé sa décision ;
Attendu, d'autre
part, que l'arrêt constate que les deux magasins Decathlon sont réunis par une
structure juridique commune mais ne peuvent être considérés comme installés sur
un même site, c'est-à-dire dans une même zone géographique, dés lors que
distants de 300 mètres environ, ils sont séparés par une voie de circulation
impossible à traverser et que la communication entre les deux points de vente
ne peut s'effectuer que par des carrefours giratoires, conduisant à un
rallongement des trajets ; qu'ayant ainsi, par une appréciation concrète
des modalités de l'accès de la clientèle aux magasins litigieux, estimé
souverainement que ceux-ci n'appartenaient pas à un même site, la cour d'appel
a légalement justifié sa décision ;
Attendu, en
troisième lieu, qu'en retenant que « l'unique bâtiment édifié dans le
lotissement Les Portes de l'Europe sur la base d'un permis devenu définitif, ne
peut âtre regardé comme faisant partie d'un même ensemble commercial avec des
magasins, également projetés dans le lotissement, mais qui ont fait l'objet de
permis de construire retirés > , la cour d'appel, après avoir rappelé la
règle invoquée au moyen selon laquelle l'obtention d'un permis de construire
sans l'autorisation préalable requise à l'article 29 de la loi du 27 décembre
1973, a pour effet d'interdire l'exploitation des surfaces commerciales
concernées, n'a pas déduit de l'obtention du permis de construire par la SCI
Les Roses le droit à exploitation du magasin concerné, mais a seulement décidé
que faute d'édification d'autres magasins projetés dans le lotissement le seul
magasin Decathlon II ne pouvait constituer avec ceux-ci un ensemble commercial
au sens de la loi invoquée ; que le grief de la troisième branche du moyen
n'est pas fondé ;
Mais sur la
quatrième branche du moyen
Vu l'article 1382
du Code civil ;
Attendu que pour
rejeter la demande de la société Socasport fondée sur l'exploitation par la
société Decathlon du magasin litigieux sans âtre titulaire d'un permis de
construire modificatif, l'arrêt retient que le défaut de délivrance d'un permis
de construire modificatif faisant suite à une demande déposée le 9 juin 1997
par la société Decathlon relativement au réaménagement intérieur de son
magasin, n'est pas de nature à empêcher l'exploitation commerciale du magasin,
la société Socasport ne justifiant pas davantage du préjudice que lui cause
l'absence de délivrance de ce permis modificatif ;
Attendu qu'en
statuant ainsi, alors que le défaut de respect de la réglementation
administrative dans l'exercice d'une activité commerciale constitue une faute
génératrice d'un trouble commercial pour un concurrent, la cour d'appel a violé
le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE,
mais seulement en ce qu'il a écarté l'existence d'une faute tirée de
l'exploitation d'un magasin sans obtention d'un permis de construire
modificatif, l'arrêt rendu le 11 mars 1999, entre les parties, par la cour
d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et
les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être
fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.