Com, 19 juin
2001, Bull n° 124, N° 98-18-333
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Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches
Attendu, selon
les énonciations de l'errât attaqué (Caen, 7 mai 1998), que, par acte du 31
décembre 1992 les consorts Deshayes et la société Puissance 3 ont cédé à la
société Holding groupe Le Rachinel (le cessionnaire) les parts sociales qu'ils
détenaient dans le capital de la société D et L créations (la société) et
qu'une clause de l'acte garantissait que la société n'était pas en état de
cessation des paiements ; que, le 23 septembre 1993, M. Le Rachinel a
effectué la déclaration de cessation des paiements de la société, indiquant la
date du 30 novembre 1992 comme étant celle de cessation des paiements, date
retenue par le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ;
que la société cessionnaire a, alors, assigné les cédants pour faire prononcer,
sur le fondement de la garantie insérée à l'acte de cession, la résolution de
celle-ci ; que le tribunal a mis hors de cause l'administrateur au redressement
judiciaire de la société Puissance 3 et a prononcé la résolution de la
vente ; que sur appel des consorts Deshayes la cour d'appel a infirmé le
jugement « en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente des parts sociales
appartenant aux consorts Deshayes » ;
Attendu que le
cessionnaire reproche à l'errât d'avoir rejeté sa demande en résolution de la
cession des parts sociales dirigée contre les consorts Deshayes alors, selon le
moyen
1° que le
jugement qui ouvre une procédure collective et fixe la date de cessation des
paiements a autorité de chose jugée erga omnes ; qu'en déclarant qu'elle
n'était pas tenue par la date de cessation des paiements fixée par le jugement
ayant prononcé le redressement judiciaire de la société dont les parts avaient
été cédées, la cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil ;
2° qu'en avançant
dans leurs premières conclusions signifiées le 4 novembre 1996, que... la
(cessionnaire) ne pouvait prétendre ne pas avoir eu connaissance de l'état de
cessation des paiements de la société... (et que), dès lors, elle n'était pas
fondée à soutenir qu'il s'agissait d'un vice caché ni même que son consentement
(eût) pu être vicié, les cédants avaient sans ambiguïté fait l'aveu judiciaire
de ce qu'au jour de la cession leur société était bien en état de cessation des
paiements, qu'en déniant l'existence d'un tel aveu, la cour d'appel a violé
l'article 1356 du Code civil ;
3° qu'elle
faisait valoir que, dans ses écritures de première instance déposées le 22
septembre 1995, la société venue aux droits de la société cédée avait objecté
que le conseil de la cessionnaire n ne pouvait ignorer que les situations qui
étaient communiquées faisaient apparaître très clairement que la société était
en état de cessation des paiements » ; qu'en délaissant ces conclusions
qui invoquaient un aveu de l'état de cessation des paiements de la société fait
par l'intéressée ellemême, la cour d'appel a privé sa décision de tout motif en
méconnaissance de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
4° que la cour
d'appel ne peut infirmer un jugement sans examiner les motifs par lesquels les
premiers juges s'étaient prononcés et gui font partie intégrante des
conclusions de la partie qui en demande la confirmation ; que, en un motif
faisant foi jusqu'à inscription de faux, les premiers juges avaient
expressément constaté que les parties s'accordaient sur la reconnaissance de
l'état de cessation des paiements de la société au vu de sa situation au 30
septembre 1992 ; qu'en s'abstenant de le réfuter, la cour d'appel a
entaché sa décision d'un défaut de motifs, ne satisfaisant pas ainsi aux
exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, en
premier lieu, que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard des
parties qui ont été présentes ou représentées au litige et qui dans la nouvelle
instance procèdent en la même qualité et que s'il y a entre les deux litiges
identité de cause et d'objet ; que c'est, dès lors, à bon droit que la
cour d'appel a retenu que le juge qui doit apprécier, à l'occasion d'une action
en résolution de la cession de parts sociales la portée d'une clause
contractuelle de garantie, n'est pas tenu par la date de cessation des
paiements fixée par le tribunal qui ouvre ultérieurement le redressement
judiciaire de la société dont les parts ont été cédées ;
Attendu, en
deuxième lieu, que l'aveu exige de la part de son auteur une manifestation non
équivoque de sa volonté de reconnaître pour vrai un fait de nature à produire
contre lui des conséquences juridiques ; que la cour d'appel, relevant le
caractère ambigu des conclusions invoquées et appréciant leur portée en en
faisant ressortir le caractère subsidiaire, a pu décider que celles-ci ne
constituaient pas l'expression claire d'un aveu ;
Attendu, en
troisième lieu, que l'aveu doit émaner de celui à qui il est opposé ; que
la cour d'appel n'était pas tenue de répondre à des conclusions invoquant un
aveu prétendu n'émanant pas des consorts Deshayes ;
Attendu, enfin,
que contrairement aux affirmations du moyen, les premiers juges n'avaient pas u
expressément constaté que les parties s'accordaient sur la reconnaissance de
l'état de cessation des paiements de la société », mais énoncé que le jugement
d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire a retenu la date du 30
novembre 1992 comme étant celle de la cessation des paiements et « qu'à
l'examen de la situation au 30 septembre 1992, les parties ne peuvent que
s'accorder sur la reconnaissance de l'état de cessation des paiements
> ;
D'où il suit que
le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le
pourvoi.