Civ I, 3 juillet 2001, Bull n° 195, N° 98-16-854
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Attendu que, par
requête du 20 janvier 1997, le procureur général près la cour d'appel de
Basse-Terre a saisi le conseil de l'Ordre des avocats d'une action
disciplinaire contre M. X..., avocat au barreau de la Guadeloupe, lui
reprochant divers manquements et notamment d'avoir unilatéralement fixé et
retenu des honoraires sur le montant des indemnités versées par la commission
d'indemnisation des victimes d'infraction à l'une de ses clientes mineure, Mlle
Y..., d'avoir manqué de diligences dans la défense d'une autre mineure, Mlle
Z..., victime d'un accident de la circulation et d'avoir conservé à titre
d'honoraires une partie des indemnités versées ; que, constatant que le
conseil de l'Ordre n'avait pas statué dans le délai de deux mois prescrit par
l'article 197 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 et, en en déduisant que
sa demande avait été rejetée, le procureur général a saisi directement la cour
d'appel des plaintes correspondant à ces mêmes affaires ; que par décision
du 6 septembre 1997, le conseil de l'Ordre a relaxé M. X... de ces poursuites à
l'exception de celle relative au dossier de Mlle Y... ; que le procureur
général ayant interjeté appel de cette décision, M. X... a opposé
l'irrégularité tant de l'appel que de la saisine directe de la cour
d'appel ;
Sur le premier
moyen : (Publication sans intérêt)
Sur les deuxième
et troisième moyens réunis
Attendu que M.
X... reproche encore à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable la saisine
directe faite par le procureur général le 22 avril 1997, alors, selon les
moyens
1° que le conseil
de l'Ordre ne se trouvant dessaisi des poursuites disciplinaires exercées
devant lui ni par l'expiration du délai mentionné à l'article 197 du décret du
27 novembre 1991, ni par la saisine de la cour d'appel par le procureur général,
la cour d'appel ne pouvait statuer sur celle-ci qu'autant qu'à la date à
laquelle elle a statué, la présomption suivant laquelle le conseil de l'ordre
était réputé avoir rejeté la demande qui lui avait été présentée ne se trouvait
pas renversée par la preuve contraire, que cette preuve résultait en l'espèce
de la sanction prononcée à l'encontre de M. X... par le conseil de l'Ordre, de
sorte qu'en s'estimant néanmoins valablement saisie par la requête aux fins de
saisine directe du procureur général, la cour d'appel a violé, par fausse
application, le texte précité ;
2° que ni
l'expiration du délai de deux mois mentionné par l'article 197 du décret du 27
novembre 1991, ni la saisine de la cour d'appel n'ont pour effet de dessaisir
le conseil de l'Ordre des poursuites disciplinaires exercées devant lui, de
sorte que c'est sans commettre d'excès de pouvoir que le conseil de l'Ordre a
pu statuer sur ces poursuites, nonobstant l'expiration dudit délai et la
requête portée par le procureur général devant la cour d'appel, laquelle, en
estimant néanmoins irrégulière cette délibération, a à nouveau violé le même
texte ;
Mais attendu
qu'aux termes de l'article 197 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, le
conseil de l'Ordre doit statuer dans les deux mois sur la demande de poursuites
disciplinaires émanant du procureur général et qu'à défaut de le faire la
demande est réputée rejetée ; que, dès lors, la cour d'appel qui a
constaté qu'aucune décision n'était intervenue dans le délai légal, fût-ce pour
surseoir à statuer afin d'ordonner une mesure d'instruction, a exactement
décidé que le conseil de l'Ordre s'était trouvé dessaisi par sa décision implicite
de rejet et que la saisine directe faite par le procureur général était
recevable ; d'où il suit que les deuxième et troisième moyens ne sont pas
fondés ;
Sur le quatrième
moyen, pris en ses trois branches
Attendu que M.
X... fait enfin grief à l'arrêt de l'avoir déclaré coupable de manquements aux
règles professionnelles, à la probité, à l'honneur et à la délicatesse pour
avoir prélevé directement des honoraires sans autorisation préalable sur des
indemnités devant revenir aux mineures Y... et Z..., placées, l'une sous le
régime de l'administration légale sous contrôle judiciaire, l'autre sous le régime
de l'administration légale pure et simple et de l'avoir condamné à une peine,
assortie du sursis, d'interdiction temporaire d'exercer ses fonctions, alors,
selon le moyen
1° qu'une
convention d'honoraires, même autorisant l'avocat à prélever ses honoraires sur
le montant d'une indemnité à venir, ne comporte aucune renonciation à un droit,
inséparable du droit d'ester en justice au nom du mineur, elle est au nombre
des actes que le tuteur peut accomplir seul, sans l'autorisation du conseil de
famille, dès lors que l'action a elle-même un caractère patrimonial, ce qui est
le cas d'une action en réparation du préjudice subi par le mineur, de sorte que
la mère de l'enfant Z... a pu valablement autoriser M. X... à prélever le
montant de ses honoraires sur les indemnités devant revenir tant à elle-même
qu'à saille et M. X... retenir le montant de ses honoraires sur ces sommes sans
méconnaître les dispositions de l'article 389-5 du Code civil, et qu'en estimant
le contraire, la cour d'appel a violé cette disposition ;
2° que le
paiement d'une note d'honoraires n'est ni un acte de disposition, ni un acte
portant emploi des capitaux du mineur, requérant l'autorisation préalable du
juge des tutelles dans le régime de l'administration légale sous contrôle judiciaire,
de sorte qu'en estimant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 389-6
du Code civil ;
3° que la cour
d'appel qui ne constate pas que M. X... aurait dans l'un ou l'autre cas prélevé
des sommes dont il n'était pas créancier, n'a caractérisé ni l'atteinte portée
aux droits de ses clients mineurs, ni la faute commise par celui-ci, a privé sa
décision de base légale au regard de l'article 22 de la loi du 31 décembre
1971 ;
Mais attendu que
le paiement des honoraires d'avocat constitue un acte d'administration qui
nécessite au moins l'autorisation de l'un des deux administrateurs légaux du
mineur ; que l'arrêt constate que M. X... avait prélevé directement sur le
compte client ouvert à la CARPA au nom de Mlle Y... une somme à titre
d'honoraires sans autorisation de la mère, administratrice légale de la mineure
et qu'une partie de la somme prélevée directement par M. X... à titre d'honoraires
n'était pas justifiée par la « convention d'honoraires et quittance
provisionnelle » signée par l'administratrice légale de la mineure Z... ;
que la circonstance que les mineures n'aient pas été lésées étant indifférente,
la cour d'appel qui a ainsi caractérisé un manquement à la délicatesse et à la
probité, a, par ces motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le
pourvoi.