Com, 10 juillet 2001, Bull n° 134, N° 98-19-331
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Sur le moyen
unique, pris en ses cinq branches
Attendu, selon
l'arrêt attaqué (Paris, 14 mai 1998), que la société EGC Electronique (société
EGC) a conclu avec la société Stelsy (la débitrice), mise ultérieurement en
redressement judiciaire le 18 décembre 1991, un contrat de distribution
comportant une réserve de propriété des matériels vendus ; que la
débitrice a signé, avec la société de Lage Landen factors (société DLLF), un
contrat d'affacturage concernant l'ensemble de ses créances
professionnelles ; que, n'ayant pas reçu paiement des matériels livrés, la
société EGC les a revendiqués, puis a assigné la société DLLF en paiement d'une
certaine somme représentant le prix desdits matériels ;
Attendu que la
société EGC fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à la
condamnation de la société DLLF à lui payer la somme de 2 564 127,78 francs,
alors, selon le moyen
I° que si la
subrogation investit le subrogé de la créance primitive avec tous ses avantages
et accessoires, le subrogé n'a pas plus de droits que son subrogeant au lieu et
place duquel il agit, que lorsque le client d'une société d'affacturage a
acquis une marchandise grevée d'une clause de réserve de propriété et qu'il l'a
revendue avant d'avoir réglé lui-même son vendeur, la société d'affacturage ne
peut se prévaloir de la subrogation dans les droits de cet acquéreur, qui est
son adhérent, pour faire échec d la réserve de propriété invoquée par le
vendeur, que celui-ci est fondé à agir contre la société d'affacturage en
paiement des sommes que celle-ci a reçues des sous-acquéreurs, en règlement de
créances dont elle n'avait pas la propriété, et dont le vendeur était resté
propriétaire ; qu'en statuant comme -elle a fait, la cour d'appel a violé
l'article 122 de la loi du 25 janvier 1985, modifié par l'article 6! de la loi
du 10 juin 1994 ;
2° que peut être
revendiqué le prix ou la partie du prix des biens visés à l'article 121 qui n'a
pas été payé, ni réglé en valeur, ni compensé en compte courant entre le
débiteur et l'acheteur à la date du jugement ouvrant la procédure collective de
redressement judiciaire : qu'aucune disposition de la loi du 25 janvier 1985 ne
conditionne l'action en revendication du prix de revente au fait que celle-ci
soit exercée avant que le sous-acquéreur n'en ait réglé le prix ; qu'en
décidant que la société EGC, vendeur réservataire, ne pouvait plus revendiquer
le prix de revente et en demander paiement à la société DLLF, dès lors que le
sous-acquéreur s'était acquitté du prix entre les mains de la société
d'affacturage avant l'exercice de l'action en revendication du prix, la cour
d'appel a violé l'article 122 de la loi du 25 janvier 1985, modifié par
l'article 61 de la loi du 10 juin 1994 ;
3° que lorsque le
client d'une société d'affacturage a acquis une marchandise grevée d'une clause
de réserve de propriété et qu'il l'a revendue avant d'avoir réglé lui-même son
vendeur, le droit de propriété de ce dernier se reporte sur la créance du prix
de revente ; 'que le paiement fait de mauvaise foi par le factor à son
client ne peut emporter subrogation lorsque le factor, qui a connaissance de la
clause de réserve de propriété, sait ainsi que le prix de revente n'appartient
pas à son client mais au vendeur qui est ainsi seul titulaire de la créance
contre les sous-acquéreurs: que la cour d'appel a expressément constaté que la
société DLLF savait que les factures qui lui étaient cédées étaient affectées
d'une clause de réserve de propriété : qu'en déboutant néanmoins la société EGC
de son action en paiement de sa créance contre la société DLLF, la cour d'appel
n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi les
articles 1134, 1239 et 1240 du Code civil ;
4° que la
déclaration de sa créance par le vendeur ne constitue pas une condition de
l'exercice par ce dernier du droit de revendiquer les biens vendus sous réserve
de propriété ou le prix de revente de ces biens ; qu'en se prononçant
comme elle a fait, la cour d'appel s'est fondée sur un motif inopérant et a
privé sa décision de base légale au regard des articles IlS et 122 de la loi du
25 janvier 1985 ;
5° que le
propriétaire est titulaire d'une action unique en revendication, qui porte sur
le bien ou sur la créance subrogée à celui-ci ; qu'à supposer que le
vendeur bénéficiaire d'une clause de réserve de propriété ne puisse se
prévaloir des dispositions de l'article 122 de la loi du 25 janvier 1985 d l'égard
de la société d'affacturage subrogée dans les droits de l'acquéreur, dès lors
que le prix de revente des marchandises a été payé par le sous-acquéreur entre
les mains de ce tiers subrogé, c'est à la condition que ce paiement ait été
effectué avant l'action en revendication des marchandises exercée dans les
délais et formes prescrits par les articles llS de la loi du 25 janvier 1985 et
85-1 du décret du 27 décembre 1985 ; que la cour d'appel a retenu que la
société EGC a revendiqué les marchandises le 10 janvier 1992 ; qu'en
déboutant la société EGC de sa demande, sans rechercher si, le 10 janvier 1992,
date de la revendication des marchandises impayées exercée par la société GC,
lesdites marchandises avaient déjà été payées par les sous-acquéreurs à la
société DLLF, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des
articles lIS et 122 de la loi du 25 janvier 1985, ensemble l'article 85-1 du
décret du 27 décembre 1985 ;
Mais attendu que
le vendeur qui a réservé son droit de propriété ne peut bénéficier des
dispositions de l'article 122 de la loi du 25 janvier. 1985, dans sa rédaction
antérieure à la loi du 10, juin 1994 applicable en la cause, dés lors qu'au
jour de l'exercice de la revendication, le prix de revente des marchandises a
été payé par le sous-acquéreur entre les mains du tiers subrogé dans les droits
de l'acheteur initial ; que l'arrêt, qui constate que les sous-acquéreurs
des marchandises avaient réglé à l'échéance la société DLLF, avant que celle-ci
ne fasse l'objet, le 8 juin 1993, d'une revendication du prix, a, par ces seuls
motifs, légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être
accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le
pourvoi.