Com, 17 juillet 2001, Bull n° 136, N° 98-23-453

 

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Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. Génitesu que sur le pourvoi incident relevé par la société Suez Lyonnaise des eaux ;

 

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 novembre 1998), que la société Suez-Lyonnaise des eaux, qui détenait 98,8 % du capital et 99,1 % des droits de vote de la société Elyo a déposé un projet d'offre publique de retrait suivie d'un retrait obligatoire dés la clôture de l'offre publique quel qu'en soit le résultat, concernant les actions de cette société ; que le 14 mai 1998 le Conseil des marchés financiers a déclaré le projet recevable et a indiqué dans sa décision qu'une nouvelle information serait publiée pour faire connaître la date de mise en aeuvre et de clôture de l'offre après que la Commission des opérations de bourse (la COB) aura donné son accord sur le projet de communiqué établi par l'initiateur de l'offre ;que ce communiqué est paru dans le quotidien Les Échos des 22 et 23 mai 1998 avec la mention précédée du sigle COB: « En application de l'article 20 du règlement n° 89-03 de la Commission des opérations de bourse relatif aux offres publiques et aux acquisitions de blocs de contrôle, le présent communiqué a été soumis à son appréciation » ; que M. Géniteau, actionnaire minoritaire de la société Elyo a formé un recours contre la décision de la COB portant une appréciation positive sur le communiqué diffusé ;

 

Sur le moyen unique du pourvoi incident, dont l'examen est préalable

 

Attendu que la société Suez-Lyonnaise des eaux reproche à l'arrêt d'avoir déclaré recevable le recours formé par M. Géniteau alors, selon le moyen, que le recours en annulation d'un acte administratif n'est recevable que si cet acte fait grief au requérant, que l'appréciation positive sur le contenu du communiqué d'information prévu à l'article 20 du règlement de la COB ne produisait en elle-même aucun effet juridique à l'égard du requérant et conditionnait uniquement, à titre d'acte préparatoire, la décision de mise en ouvre des opérations de retrait ainsi que l'indiquait la décision de recevabilité de l'offre prise par le Conseil des marchés financiers, lesquelles seules pouvaient faire grief au requérant ; qu'en déclarant néanmoins recevable le recours dirigé par M. Géniteau contre l'appréciation positive du communiqué par la COB, la cour d'appel a violé les articles 20 du règlement précité et 12 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 ;

 

Mais attendu qu'aux termes de l'article 20 du règlement n° 89-03 de la COB, la mise en aeuvre de la procédure d'offre publique de retrait prévue par les articles 5-5-2 et 5-5-3 du règlement général du Conseil des bourses de valeurs, donne lieu, par la personne chargée de la garantie de cours ou de la faculté de retrait, à l'établissement d'un communiqué soumis à l'appréciation de la Commission qui doit être publié au plus tard la veille de la procédure ; qu'il s'en déduit que l'appréciation de la COB sur (a sincérité et l'ampleur de l'information donnée dans ce communiqué constitue une décision à laquelle est subordonnée la mise en couvre de l'offre et qu'à ce titre elle affecte la situation, les droits et obligations des actionnaires minoritaires ; que c'est donc à bon droit que la cour d'appel a décidé qu'elle constituait une décision faisant grief, qui en tant que telle est susceptible de recours ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

 

Sur le premier moyen du pourvoi principal

 

Attendu que M. Géniteau reproche i1 l'arrêt d'avoir rejeté le recours qu'il a formé contre la décision de la COB portant une appréciation positive du communiqué d'information diffusé par l'initiateur de l'offre publique de retrait suivie d'un retrait obligatoire visant les actions de la société Blyo alors, selon le moyen, que conformément aux dispositions de l'article 20 du règlement n° 89-03 de la COB, la Commission doit, dans le cadre d'une procédure d'offre de retrait, donner son appréciation sur la sincérité et l'ampleur de l'information d'un communiqué rédigé par la personne chargée d'assurer la faculté de retrait ; qu'il s'ensuit que la COB doit surseoir à statuer si elle n'a pas à sa disposition l'ensemble des éléments d'appréciation qui lui sont nécessaires ou si, en présence de procédures pénales instruites en parallèle contre les dirigeants de la société, les conséquences civiles (dommages-intérêts d'une part, rectifications comptables d'autre part), d'une condamnation pénale seraient de nature à influer sur l'évaluation de la société ; qu'en l'espèce, il est constant que diverses instances pénales étaient alors instruites des chefs d'abus de biens sociaux, de diffusion d'informations trompeuses et présentation de comptes ne donnant pas une image fidèle du résultat de l'exercice et de la situation financière de l'entreprise ; que les conséquences civiles des condamnations pénales à venir étaient de nature à influer sur l'évaluation de la société, en particulier sur la valeur des actifs et le montant des bénéfices réalisés ; qu'en se bornant d relever que le principe K le criminel tient le civil en l'état » n'était pas applicable à la COB, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

 

Mais attendu qu'il résulte de l'article 8 du décret n° 90-263 du 23 mars 1990 que lorsque la déclaration de recours ne contient pas l'exposé des moyens invoqués, le demandeur doit, sous peine d'irrecevabilité, déposer cet exposé au greffe dans le mois qui suit le dépôt de la déclaration ; que n'ayant pas exposé le moyen pris de la violation de l'article 20 du règlement n° 89-03 de la COB et tiré de ce que la COB aurait l'obligation de surseoir à statuer en présence de procédures pénales de nature à influer sur l'évaluation de la société, ni lors de sa déclaration de recours, ni dans le mois suivant le dépôt de celle-ci, M. Géniteau n'est pas recevable à le déposer pour la première fois devant la Cour de Cassation ; d'où il suit que le moyen est irrecevable ;

 

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en ses deux branches:

 

Attendu que M. Géniteau fait le mémo grief à l'arrêt alors, selon le moyen

 

1° que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, que la partie qui entend faire état d'une pièce détenue par l'autre partie est fondée à en obtenir la production ; qu'en l'espèce il a demandé à la cour d'appel la production de certains documents détenus par la COB, notamment de sa décision d'approbation du communiqué du 22 mai 1998 et des pièces du dossier lui ayant été remises préalablement à cette appréciation ; qu'en refusant . de faire droit à cette demande, la cour d'appel l'a privé d'un élément d'information important, au mépris du principe de la contradiction et du droit à la preuve, et a, par là même, violé les articles 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 10 du Code civil, II, 16 et 132 et suivants du nouveau Code de procédure civile ;

 

2° que toute décision doit être motivée, dès lors que, consacrant au profit d'une personne ou lui refusant l'exercice d'un droit, d'un avantage ou d'une prérogative, elle est soumise à un contrôle organisé de sa légalité ou de son opportunité ; que ce principe général du droit n à la motivation » doit être respecté par la COB ; qu'en l'espèce il a demandé à la cour d'appel la production de certains documents détenus par la COB, notamment de sa décision d'approbation du communiqué du 22 mai 1998 et des pièces du dossier lui ayant été remises préalablement à cette appréciation ; qu'en refusant de faire droit d cette demande, la cour d'appel l'a privé d'un élément d'information important, au mépris du principe de la contradiction ;

 

Mais attendu que l'arrêt constate que M. Géniteau a eu en sa possession tous les éléments lui permettant d'apprécier la validité de l'accord donné par la COB sur le contenu de l'information ; d'op il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

 

Sur le troisième moyen du pourvoi principal

 

Attendu que M. Géniteau fait encore le mémo grief à l'arrêt alors, selon le moyen, que les exceptions doivent être interprétées restrictivement ; que l'article 20 du règlement n° 89-03 de la COB prévoit qu'un simple communiqué soumis à l'appréciation de la Commission suffit en cas de mise en couvre K de la procédure d'offre de retrait prévue par les articles S-S-2 et 5-5-3 du règlement. général du Conseil » ; qu'il s'ensuit qu'en présence d'une procédure de retrait obligatoire visée par les articles S-6-I et suivants de ce même règlement général, une note d'information et non un simple communiqué- doit être soumis au visa de la COB ; qu'en l'espèce la société Suez-Lyonnaise des eaux présentant une offre publique de retrait suivie d'un retrait obligatoire visant les actions Elyo, s'est bornée à soumettre un simple communiqué à la COB ; qu'en considérant cependant que celle-ci n'était pas tenue d'exiger une note d'information soumise à son visa, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 20 du règlement n° 89-03 de la COB et, par refus d'application, l'article S de ce même règlement ;

 

Mais attendu, qu'en l'absence de disposition légale contraire, c'est à bon droit que l'arrêt énonce que la procédure de retrait obligatoire, indissociable de la procédure d'offre publique de retrait, se trouve soumise aux mémos conditions' d'information que celles qui sont exigées dans le cadre de cette procédure par l'article 20 du règlement n° 89-03 de la COB ; que le moyen n'est pas fondé ;

 

PAR CES MOTIFS

 

REJETTE les pourvois tant principal qu'incident.