Com, 17 juillet 2001, Bull n° 137, N° 98-20-188
Attendu, selon
l'arrêt attaqué (Paris, 3 juillet 1998), que la société Suez-Lyonnaise des
eaux, qui détenait 98,8 % du capital et 99,1 % des droits de vote de la société
Elyo a déposé un projet d'offre publique de retrait, suivie d'un retrait
obligatoire dés la clôture de l'offre publique quel qu'en soit le résultat, au
prix de 360 francs par action, concernant les actions existantes de cette
société ainsi que celles à provenir de l'exercice éventuel des options de
souscription ; que le Conseil des marchés financiers (le CMF) a donné son
accord, sans opposition de la Commission des opérations de bourse (la COB),
pour que la société Oddo et compagnie soit retenue en tant qu'expert indépendant
chargé de porter une appréciation sur l'évaluation des actions de la société
Elyo ; que l'expert a estimé que le prix proposé de 360 francs
apparaissait équitable ; que M. Géniteau, actionnaire minoritaire, a fait
part au CMF de diverses réserves, qu'après avoir été entendu par ses services
il lui a adressé une note complémentaire faisant notamment valoir que ne
pouvait être écarté, comme base d'évaluation de l'action, le prix de 375 francs
retenu pour une précédente transaction ; que le CMF ayant admis cette
observation a demandé à la société initiatrice du projet de procéder au
réexamen de celui-ci ; que la société Suez-Lyonnaise des eaux s'est alors
engagée à acheter au prix de 375 francs toutes les actions Elyo présentées
durant la période de l'offre ; que, par une décision du 14 mai 1998, le
CMF a déclaré recevable le projet d'offre publique de retrait suivie d'un
retrait obligatoire des actions de la société Elyo par la société
Suez-Lyonnaise des eaux, au prix unitaire de 375 francs ; que M. Géniteau,
invoquant l'irrégularité de la procédure suivie et le caractère arbitraire,
selon lui, des méthodes d'évaluation retenues, ainsi que l'absence d'indépendance
de l'expert, a saisi la cour d'appel de Paris d'un recours en annulation de
cette décision ;
Sur le premier
moyen
Attendu que M.
Géniteau reproche à l'arrêt d'avoir dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer sur
l'issue des procédures pénales en cours et d'avoir rejeté sa demande tendant à
voir déclarer irrecevable le projet d'offre publique de retrait suivie d'un
retrait obligatoire alors, selon le moyen, que si, conformément à l'article
5-2-6 du règlement du Conseil des bourses de valeurs (CBV), le CMF dispose d'un
délai de cinq jours de bourse suivant le jour du dépôt du dossier pour se
prononcer sur la recevabilité de l'offre, il doit la rejeter ou surseoir d statuer
s'il . n'a pas à sa disposition l'ensemble des éléments qui lui sont
nécessaires ou si, en présence de procédures pénales instruites en parallèle
contre les dirigeants de la société, les conséquences civiles
(dommages-intérêts, d'une part, rectifications comptables, d'autre part) d'une
condamnation pénale seraient de nature d influer sur la situation de la
société, qu'en l'espèce, il est constant que diverses instances pénales étaient
alors instruites des chefs d'abus de biens sociaux, de d ;/fusion d'informations
trompeuses et présentation de comptes ne donnant pas une image fidèle des
résultats de l'exercice et de la situation financière de l'entreprise ;
que les conséquences civiles des condamnations pénales à venir étaient de
nature d influer sur l'évaluation de la société, en particulier sur la valeur
des actifs et le montant des bénéfices réalisés, critères expressément visés
par l'article 33-4 de la loi du 2 juillet 1996 ; qu'en se bornant d
relever « que non seulement la réalisation des infractions alléguées est dénuée
de certitude, mais encore, l'existence d'un préjudice subi par la société est
incertaine et la solvabilité des dirigeants de la société Elyo hypothétique, de
sorte que la valorisation de l'action affirmée par M. Géniteau est purement
éventuelle » et K qu'en outre, la réalisation du retrait obligatoire ne prive
pas M. Géniteau d'exercer une action en responsabilité à l'encontre des
dirigeants sociaux, ni ne l'empêche de se constituer partie civile », la cour
d'appel a violé le texte susvisé ;
Mais attendu, en
premier lieu, que la cour d'appel, qui a décidé exactement que les dispositions
de l'article 4 du Code, de procédure pénale ne sont pas applicables devant le
CMF habilité à prendre des décisions constituant des actes administratifs, ni
devant la cour d'appel statuant sur les recours formés contre ces décisions, a
retenu, à bon droit, qu'aucune possibilité de surseoir à statuer n'était prévue
par l'article 5-2-6 du règlement général applicable au CMF, ni par les
dispositions du décret du 3 octobre 1996 ;
Attendu, en
second lieu, qu'après avoir énoncé que l'existence d'une procédure pénale en
cours n'est susceptible d'affecter la recevabilité d'une offre publique de
retrait suivie d'un retrait obligatoire qu'à la condition que cette
circonstance soit de nature à affecter un élément de valorisation de la société
qui aurait dû âtre pris en compte pour l'établissement du prix de l'offre, la
cour d'appel a souverainement apprécié, par une décision motivée, qu'il n'était
pas établi que tel était le cas en l'espèce ;
D'où il suit que
le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième
moyen, pris en ses deux branches et sur le troisième moyen, pris en sa
troisième branche
Attendu que M.
Géniteau reproche à l'arrêt d'avoir dit n'y avoir lieu d'ordonner la production
de la décision délibérée par le CMF, du procès-verbal intégral de la séance du
14 mai 1998 et de toutes les données prises en compte dans les diverses
évaluations mentionnées dans les documents soumis au CMF pour justifier le prix
de l'action Elyo de 360 francs, puis de 375 francs alors, selon les moyens
1° que la partie
qui entend faire état d'une pièce détenue par l'autre partie est fondée à en
obtenir la production ; qu'en l'espèce, il avait demandé à la cour d'appel
la production de certains documents détenus par le CMF, notamment du procès-verbal
intégral de la séance du 14 mai 1998 et de la décision délibérée par celui-ci
le 14 mai 1998, c'est-d-dire la production intégrale du texte de la décision et
non pas simplement du résumé publié par le CMF ; qu'en refusant de faire
droit à cette demande, la cour d'appel l'a privé d'un élément d'information
important, au mépris du principe de la contradiction et du droit à la preuve,
et a, par là-même, violé les articles 10 du Code civil, Il et 132 et suivants
du nouveau Code de procédure civile ;
2° que toute
décision doit être motivée, dès lors que, consacrant au profit d'une personne
ou lui refusant l'exercice d'un droit, d'un avantage ou d'une prérogative, elle
est soumise à un contrôle organisé de sa légalité ou de son opportunité ;
que ce principe général du « droit à la motivation » doit être respecté par le
CMF qui doit prendre une décision profitant à une partie privée (actionnaires
majoritaires) aux dépens d'une autre partie privée (actionnaires
minoritaires) ; qu'en l'espèce, il a demandé d la cour d'appel la
production de certains documents détenus par le CMF, notamment du procèsverbal
intégral de la séance du 14 mai 1998 et de la décision délibérée par celui-ci
le 14 mai 1998, c'est-à-dire la production du texte intégral de la décision,
tel qu'il résultait du procès-verbal, et non pas simplement du résumé publié
par le CMF ; qu'en refusant de faire droit à cette demande, la cour
d'appel l'a privé d'un élément d'information important, au mépris du principe
de la contradiction ;
3° que le
principe de la contradiction est un principe général du droit qui doit être
respecté par le CMF lorsqu'il est saisi d'une demande d'offre publique de
retrait suivie d'un retrait obligatoire et à qui il est donc demandé de prendre
une décision devant profiter d une partie privée (actionnaires majoritaires)
aux dépens d'une autre partie privée (actionnaires minoritaires), qu'il
s'ensuit que les documents soumis au CMF doivent être mis à la disposition de
l'actionnaire minoritaire qui en fait la demande, que, dans ses écritures, il
faisait valoir qu'en l'espèce, le principe de la contradiction et de la loyauté
n'avait pas été respecté parce qu'il n'avait pas pu avoir connaissance des documents
soumis au CMF et du rapport de l'expert indépendant, qu'en ne recherchant pas
si ces documents avaient été mis à sa disposition, la cour d'appel n'a pas
donné de base légale d sa décision,
Mais attendu
qu'après avoir énoncé que la production des dossiers complets des séances des 6
et 14 mai 1998 a permis à M. Géniteau de connaître les éléments qui ont été
examinés par le CMF et qui l'ont amené à prendre la décision déférée, l'arrêt
retient que l'extrait du procès-verbal du 14 mai 1998 paraphé du président,
indiquant le nom des membres présents à la séance et de ceux n'ayant pas pris
part aux délibérations en application des dispositions de l'article 30 de la
loi du 2 juillet 1996, permet de vérifier le respect des règles prescrites pour
les délibérations du Conseil, et que la décision publiée comporte l'exposé des
éléments de fait relatifs à l'opération examinée, le visa des textes qui en
constituent le fondement ainsi que l'énoncé des raisons ayant conduit à
recevoir l'offre publique en cause, mettant ainsi M. Géniteau en mesure d'en
connaître l'entière motivation ; qu'en l'état de ces constatations et
énonciations, l'arrêt n'encourt pas les griefs des moyens ; d'où il suit
que le deuxième moyen n'est pas fondé en ses deux branches, non plus que le
troisième moyen en sa troisième branche ;
Sur le troisième
moyen, pris en ses deux premières branches
Attendu que M.
Géniteau reproche à l'errât d'avoir rejeté le recours en annulation qu'il a
formé contre la décision du CMF alors, selon le moyen
1° que le
principe de la contradiction est un principe général du droit qui doit être
respecté par le CMF lorsqu'il est saisi d'une demande d'offre publique de
retrait suivie d'un retrait obligatoire et à qui il est donc demandé de prendre
une décision devant profiter à une partie privée (actionnaires majoritaires)
aux dépens d'une autre partie privée (actionnaires minoritaires) ; qu'en
l'espèce il a demandé par lettre des 17 avril et 4 mai 1998, à être entendu par
le CMF, seul organe décisionnel, et à avoir communication des documents soumis
au CMF et du rapport de l'expert indépendant, qu'il n'a pas été entendu par le
CMF et n'a pu obtenir communication de ces documents, qu'en considérant
cependant que « si aux termes de l'alinéa 9 de l'article 27 de la loi du 2 juillet
1996, préalablement à ses délibérations, le Conseil peut entendre des
personnalités qualifiées, les dispositions de ce texte, qui lui offrent une
faculté d'audition pour l'instruction des affaires, ne lui imposent ni
d'entendre en séance tous les actionnaires minoritaires qui en feraient la
demande ou de répondre à leurs observations éventuelles, ni de leur communiquer
les documents relatifs au projet d'ofre publique », la cour d'appel a violé le
principe de la contradiction,
2° que le principe
de la contradiction est un principe général du droit qui doit être respecté par
le CMF lorsqu'il est saisi d'une demande d'offre publique de retrait suivie
d'un retrait obligatoire et d qui il est donc demandé de prendre une décision
devant profiter à une partie privée (actionnaires majoritaires) aux dépens
d'une autre partie privée (actionnaires minoritaires), que s'il a été reçu, le
28 avril 1998, par les services du CMF, qui sont dépourvus de tous pouvoirs
décisionnels, il n'a pas été entendu par le CMF lui-même, seul organe
décisionnel ; qu'en considérant néanmoins que le principe de la
contradiction avait ainsi été respecté, la cour d'appel a violé le principe de
la contradiction ;
Mais attendu que
l'errât constate, d'un côté, que M. Géniteau a bien été entendu par les
services du CMF le 28 avril 1998 et a adressé à celui-ci, le 4 mai suivant, une
note complémentaire ; qu'il énonce exactement, d'un autre côté, que, si
aux termes de l'alinéa 9 de l'article 27 de la loi du 2 juillet 1996, le Conseil
peut entendre des personnalités qualifiées préalablement à ses délibérations,
les dispositions de ce texte, qui lui offrent une faculté d'audition pour
l'instruction des affaires, ne lui imposent pas d'entendre en séance tous les
actionnaires minoritaires qui en feraient la demande, ni de leur communiquer
les documents relatifs au projet d'offre publique, le respect de leurs droits
étant assuré par le recours qui leur est ouvert devant la cour d'appel ;
qu'ainsi l'arrêt n'encourt aucun des griefs du moyen ; que celui-ci n'est
pas fondé ;
Sur le quatrième
moyen
Attendu que M.
Géniteau fait le même reproche à l'arrêt alors, selon le moyen, que si le CMF
demande le réexamen du projet de l'offre publique lorsqu'il n'estime pas
acceptables le prix ou les parités d'échange proposés, il doit être procédé à
une nouvelle publication de l'avis de dépôt du projet d'offre faisant connaître
les principales dispositions de celle-ci, notamment le prix ou les termes de
l'échange proposés ; qu'en l'espèce, lors de sa séance du 6 mai 1998, le
CMF a demandé à la société Suez-Lyonnaise des eaux de modifier son projet dont
le prix était jugé insuffisant ; que cette société ayant déposé le 13 mai
1998 une offre modifiée, le CMF l'a avalisée lors de sa réunion du 14 mai 1998 ;
qu'en considérant cependant n que l'offre ainsi modifiée n'avait pas à faire
l'objet de l'avis exigé par l'article 5-2-1 du règlement, ou d'une autre mesure
de publicité non prévue par les textes, ne s'agissant pas d'un nouveau projet,
mais de simples ajustements apportés à l'offre initiale dans le cadre de son
instruction par le Conseil », la cour d'appel a violé les articles 5-2-7,
alinéa 2, et 5-2-1 du règlement,
Mais attendu
qu'aucune disposition des textes visés au moyen n'impose une nouvelle publication
de l'avis de dépôt du projet d'offre, lorsque ce projet fait l'objet d'un
réexamen à la demande du CMF, dans les conditions prévues par l'article 5-2-7
du règlement général ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le cinquième
moyen, pris en ses deux branches
Attendu que M.
Géniteau fait encore le même reproche à l'arrêt alors, selon le moyen
1° que nul ne
peut être exproprié, si ce n'est pour cause d'utilité publique, que le retrait
obligatoire réalise une expropriation de l'actionnaire minoritaire, qui ne peut
profiter qu'à l'actionnaire majoritaire ; qu'en considérant que « le
transfert de propriété, opéré moyennant une indemnisation juste et équitable du
retrayant par l'initiateur de l'offre sous le contrôle de l'autorité de marché,
soumis à l'appréciation de la cour d'appel dans le cadre du recours ouvert à
l'actionnaire minoritaire, satisfait à l'intérêt général du bon fonctionnement
de ce marché », sans préciser en quoi K l'intérêt général du bon fonctionnement
du marché u commanderait une expropriation d'utilité privée, la cour d'appel a
violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2° qu'à supposer
que le retrait obligatoire puisse apparaître comme étant « d'utilité
publique » le CMF doit constater, par une motivation propre à chaque
cas d'espèce, que ce retrait obligatoire est conforme d l'intérêt général et
que sa mise en ceuvre par les actionnaires majoritaires n'est pas uniquement
dictée par leur propre intérêt, qu'en considérant cependant que « l'obligation
faite aux actionnaires minoritaires de céder leurs actions à l'initiateur de
l'offre publique de retrait découle de la législation régissant les marchés
financiers et qu'ainsi le transfert de propriété (...). Satisfait à l'intérêt
général du bon fonctionnement du marché, sans qu'il y ait, au cas par cas, à
justifier in concreto de l'utilité publique de l'opération », la cour d'appel a
méconnu la portée de l'article 33 de la loi du 2 juillet 1996 et du premier
protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Mais attendu que
l'arrêt relève que l'obligation faite aux actionnaires minoritaires de céder
leurs actions à l'initiateur de l'offre publique de retrait découle de la
législation régissant les marchés financiers et qu'ainsi le transfert de
propriété, opéré moyennant une indemnisation juste et équitable du retrayant
par l'initiateur de l'offre sous le contrôle de l'autorité de marché, un
recours étant par ailleurs ouvert à l'actionnaire minoritaire, satisfait à
l'intérêt général du bon fonctionnement de ce marché, sans qu'il y ait au cas
par cas à justifier in concreto de l'utilité publique de l'opération ; que
la cour d'appel, ayant ainsi constaté que le transfert de propriété avait lieu
dans les conditions ayant été définies par la loi pour satisfaire à des fins
d'intérêt général et qui assurent l'indemnisation effective des actionnaires
minoritaires, c'est à bon droit et sans méconnaître les textes visés au moyen,
qu'elle a statué comme elle a fait ; que le moyen n'est fondé en aucune de
ses branches ;
Sur le sixième
moyen
Attendu que M.
Géniteau fait encore le même reproche à l'arrêt alors, selon le moyen, qu'afin
d'assurer une stricte égalité entre eux, tous les porteurs de titres
minoritaires doivent être soumis à la procédure d'offre publique de retrait
avec retrait obligatoire ; qu'en l'espèce, l'offre publiée par le
retrayant mentionnait que celui-ci s'engageait à l'égard des dirigeants et
cadres de la société Elyo, titulaires d'options de souscription d'actions, à
racheter, en cas de levée de l'option, leurs titres à un prix indexé sur le
cours de bourse des actions de la société Suez-Lyonnaise des eaux ;
qu'ainsi, une double rupture d'égalité était créée entre minoritaires, puisque,
d'une part, seuls certains porteurs étaient soumis au retrait obligatoire et
que, d'autre part, ces mêmes porteurs devaient recevoir un prix calculé sur la
valeur intrinsèque de la société Elyo, tandis que les autres porteurs
recevraient un prix pouvant être très supérieur, déterminé à partir du cours de
bourse des titres d'une autre société ; qu'en considérant, cependant, que
« le traitement dont bénéficient les cadres et dirigeants qui n'auraient pas
exercé leurs options de souscription d la date de la clôture de l'offre
publique de retrait ne peut instaurer une rupture d'égalité entre les
actionnaires, puisque ces personnes n'auront pas la qualité d'actionnaires lors
du retrait obligatoire », la cour d'appel a violé l'article 33 de la loi du 2
juillet 1996 ;
Mais attendu
qu'ayant justement relevé que les dirigeants et cadres de la société Elyo
bénéficiaires d'options de souscription qui ne les auraient pas exercées à la
date de la clôture de l'offre publique de retrait, n'auraient pas la qualité
d'actionnaires à la date du retrait obligatoire, la cour d'appel a pu statuer
comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le septième
moyen
Attendu que M.
Géniteau fait le mime reproche à l'arrêt alors, selon le moyen, que l'expert
chargé de donner son appréciation sur l'évaluation proposée par un
établissement de crédit (qui est choisi librement par l'initiateur de l'offre)
doit être indépendant ; que tel n'est pas le cas lorsque cet expert est
choisi et rémunéré par l'initiateur de l'offre et qu'il existe par ailleurs une
communauté d'intérêts avec l'établissement de crédit évaluateur, résultant de
leur appartenance aux mêmes conseils d'administration ; qu'en l'espèce il
est constant que la société Oddo et compagnie a été choisie et rémunérée par la
société initiatrice de l'offre ; qu'il existait par ailleurs d'étroites
relations d'affaires entre l'établissement de crédit évaluateur, choisi par la
même société initiatrice et l'expert dit indépendant ; qu'en considérant
cependant que cet expert ne pouvait être qu'indépendant puisqu'il avait reçu
l'agrément préalable du CMF et n'avait provoqué aucune opposition de la COB, la
cour d'appel qui a ainsi abdiqué son pouvoir de contrôle de l'indépendance de
l'expert, a violé l'article 5-6-1 du règlement ;
Mais attendu que
la cour d'appel, qui n'a pas seulement relevé que l'expert avait reçu
l'agrément préalable du CMF, sans opposition de COB, mais a également constaté
l'absence de tout grief fondé sur des manquements précis, et estimé que la
seule allégation de l'appartenance de la banque évaluatrice et de l'expert
indépendant à un même conseil d'administration n'était pas de nature à mettre
en cause l'indépendance de l'expert, a ainsi exercé son contrôle ; que le
moyen n'est pas fondé ;
Sur le huitième moyen, pris en ses trois branches
Attendu que M.
Géniteau fait encore le même reproche à l'arrêt alors, selon le moyen
I° qu'à l'appui
du projet d'offre publique de retrait suivie d'un retrait obligatoire,
l'initiateur fournit au CMF une évaluation des titres de la société visée,
effectuée selon les méthodes objectives pratiquées en cas de cession d'actif
tenant compte, selon une pondération appropriée à chaque cas, de la valeur des
actifs, des bénéfices réalisés, de la valeur boursière, de l'existence de
filiales et des perspectives d'activité ; que cette évaluation est
assortie de l'appréciation d'un expert indépendant ; qu'en l'espèce, la
cour d'appel a reconnu, à la suite de la démonstration qu'il avait faite,
qu'une erreur dans la mise en oeuvre d'âne méthode d'évaluation avait été
commise par l'établissement chargé de l'estimation et n'avait pas été décelée
par l'expert ; que, cependant, la cour d'appel a refusé de tirer les
conséquences de ses propres constatations au prétexte que les incidences de
l'erreur ainsi constatée sur la valeur des actions n'était pas
déterminée ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas donné de base
légale à sa décision, au regard des articles 33 de la loi du 1er juillet 1996
et 5-6-1 du règlement,
2° que la
contradiction de motifs équivaut au défaut de motifs, que, d'une part, pour
rejeter sa demande tendant à la production aux débats de toutes les données
prises en compte dans les diverses évaluations mentionnées dans les documents
soumis au CMF pour justifier les prix unitaires de l'action Elyo de 350 francs
puis 375 francs, la cour d'appel a estimé que « la régularité d'une décision du
CMF ne s'apprécie qu'au vu des documents examinés par le Conseil, lors de la
séance et de la décision publiée H ; que d'autre part, après avoir
constaté qu'il est exact, comme il le soutenait, qu'une erreur de calcul dans
l'évaluation de la société, a bien été commise par l'établissement de crédit
évaluateur et par l'expert, la cour d'appel a refusé d'en tirer les
conséquences au motif qu'il K reconnaît lui-même ne pas pouvoir mesurer l'incidence
de cette erreur » ; qu'il apparaît totalement contradictoire de lui
reprocher de ne pas indiquer précisément les conséquences de' l'erreur, que la
cour d'appel reconnaît elleméme, tout en affirmant que la régularité d'une
décision du CMF s'apprécie au vu des documents examinés par ce Conseil ;
qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de
procédure civile ;
3° qu'il faisait
valoir avec précision dans son mémoire en réplique du 15 juin 1998 que « La
banque ne fournit pas les données relatives d'endettement et de fonds propres
permettant de calculer l'incidence précise de la baisse du taux risqué sur le
coût moyen pondéré du capital, mais la baisse de 1,54 point du taux risqué
devrait entraîner une baisse d'au moins un point du coût moyen pondéré du
capital retenu par la banque comme taux' d'actualisation. La rectification de
l'erreur de calcul commise entraîne une augmentation de l'ordre de 100 francs
de la valeur théorique de l'action Elyo (qui se rapproche ainsi de celle de 725
francs environ retenue pour les dirigeants et cadres à travers l'indexation sur
le coût de Suez-Lyonnaise des eaux) H ; qu'en affirmant néanmoins qu'il
reconnaissait « ne pas pouvoir mesurer l'incidence de la baisse du taux risqué
sur le coût moyen pondéré du capital retenu comme taux d'actualisation », la
cour d'appel a dénaturé ses écritures et a, par là-même, violé l'article 4 du
nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu
qu'ayant procédé à l'examen des méthodes d'évaluation mises en oeuvre, dans le
cadre d'une approche u multicrit8res » ayant conduit l'évaluateur il retenir
une valeur intrinsèque du groupe comprise entre 330 francs et 341 francs par
action Elyo, c'est sans contradiction ni dénaturation et par une appréciation
souveraine de la cohérence et de la pertinence des différentes méthodes et des
critères employés, qu'elle a contrôlés, que la cour d'appel a décidé,
qu'abstraction faite d'une erreur dont l'incidence n'est pas établie, dans le
calcul d'un paramètre concernant l'une de ces méthodes qui n'aboutit pas à une
valorisation défavorable aux actionnaires minoritaires, les moyens, critiquant
l'application de l'ensemble des méthodes d'évaluation employées et revendiquant
le droit à l'application exclusive du critère que M. Géniteau estime le seul
objectif, et visant à contester le bien-fondé de la décision du CMF, n'étaient
pas fondés ; d'où il suit que le moyen, en ses diverses branches, est sans
fondement ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le
pourvoi.
Com, 17 juillet 2001, Bull n°
138, N° 98-15-736
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Attendu, selon
l'arrêt déféré, que par acte sous seing privé du 28 avril 1993, M. Lambert a
donné à bail à la société Sogeam divers locaux commerciaux ; que le Crédit
'industriel d'Alsace et de Lorraine (le CIAL) s'est porté caution solidaire du
preneur envers le bailleur à concurrence de 100 000 francs ; . que par
jugement du 25 octobre 1994, le tribunal a prononcé la liquidation judiciaire
de la société Sogeam ; que le 16 novembre 1994, le mandataire liquidateur
a indiqué ne pas poursuivre le bail et que les clés ont été restituées le 6 février
1995 ; que M. Lambert, quia déclaré sa créance, a assigné le CIAL, qui a
lui-même déclaré une créance de 100 000 francs, pour obtenir sa condamnation au
paiement, en sa qualité de caution de la somme de 100 000 francs ;
Sur le premier
moyen, pris en ses quatre branches
Attendu que le
CIAL. reproche ü l'arrêt d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le moyen
I° que le contrat
de bail prend fin avec sa résiliation, qu'en l'espèce, la cour d'appel qui,
tout en constatant que le bail avait été résilié le 16 novembre 1994 du fait de
la non continuation de ce dernier par le mandataire liquidateur du preneur, a
énoncé que la caution demeurait néanmoins tenue des loyers, charges et
indemnités d'occupation dus jusqu'au 6 février 1995, date de la remise des clés
par le liquidateur, a violé. l'article 1134 du Code civil ;
2° que le
cautionnement ne peut excéder ce qui est contractuellement dû par le débiteur
principal, qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article 2013
du Code civil ;
3° qu'à compter
de la résiliation du bail, seule une indemnité d'occupation peut être mise à la
charge du locataire it condition qu'elle ait été, soit judiciairement fixée,
soit conventionnellement prévue ; qu'en condamnant le CIAL au paiement des
sommes dues par la société Sogeam jusqu'au 6 février 1995, et ce dans les
conditions du bail consenti le 28 avril 1993 et de l'acte de caution du 23
avril 1993 bien qu'aucun de ces documents ne fasse état d'une indemnité
d'occupation, la cour d'appel a dénaturé tant le contrat de bail que le
cautionnement du CIAL et a violé l'article 1134 du Code civil ;
4° que
l'indemnité d'occupation n'est due qu'en raison de la faute délictuelle commise
par celui qui se maintient sans droit ni titre dans les lieux et ne se rattache
pas au contrat de bail qui a pris fin avec la résiliation ; qu'en
condamnant le CIAL en qualité de caution à payer au bailleur une somme
s'analysant en une indemnité d'occupation pour la période postérieure au 16
novembre 1994, la cour d'appel a violé l'article 2015 du Code civil ;
Mais attendu, en
premier lieu, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni de ses conclusions que le CIAL
ait soutenu devant la cour d'appel les prétendons qu'il fait valoir au soutien
de la quatrième branche, qui sont nouvelles et mélangées de fait et de
droit ;
Attendu, en
second lieu, que l'arrêt, qui relève que l'engagement de caution porte sur
toute la période au cours de laquelle le preneur demeurera dans les lieux en ce
qui concerne les charges et la jouissance concédée à ce dernier, sans exception
ni réserve, et constate que le bail a pris tin le 16 novembre 1994 tandis que
le liquidateur n'a remis les clés au bailleur que le 6 février 1995, retient,
sans dénaturation du contrat de . cautionnement, que le CIAL est débiteur des
loyers, charges et indemnités d'occupation jusqu'à cette date ; qu'en
l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a légalement justifié
sa décision ;
D'où il suit
qu'irrecevable en sa quatrième branche, le moyen n'est pas fondé pour le
surplus ;
Mais sur le
second moyen
Vu les articles
1294, alinéa 1, et 2036 du Code civil ;
Attendu que pour
condamner le CIAL à payer à M. Lambert, en sa qualité de caution de la société
Sogeam, la somme de 100 000 francs, l'arrêt retient que le CIAL ne peut opposer
l'exception de compensation entre les sommes dues et le dépôt de garantie, dès
lors qu'aux termes de l'engagement de caution, il a renoncé au bénéfice de
division et de discussion et qu'en conséquence, seul le liquidateur judiciaire
peut se prévaloir de la restitution du dépôt de garantie, la caution étant irrecevable
à le faire, s'agissant d'une exception appartenant au locataire débiteur à
l'égard du bailleur ;
Attendu qu'en
statuant ainsi, alors que la caution, même solidaire, peut opposer su créancier
toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal et qui sont
inhérentes à la dette, au nombre desquelles figure la compensation de ce que le
créancier doit au débiteur principal, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE,
dans toutes ses dispositions, harrét rendu le 10-mars 1998, entre les parties,
par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les
parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait
droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.