Com, 17 juillet 2001, Bull n° 142, N° 98-18-435

 

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Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Sud-Est, aux droits de laquelle se trouve la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel CentreEst, a consenti à M. et Mme Chevalon un prêt à taux progressif par contrat notarié conclu le 19 octobre 1978 ; que, selon une clause de cet acte, « l'emprunteur devra prévenir le prêteur au moins un mois à l'avance en indiquant le capital à payer par anticipation, le remboursement anticipé ne pourra être inférieur au dixième du capital emprunté, il prendra effet lors de la plus proche échéance. II sera également perçu par le prêteur une indemnité dont le montant sera déterminé conformément au texte en vigueur » ; que le 27 janvier 1989, M. et Mme Chevalon ont remboursé par anticipation le solde du prêt et payé une indemnité de résiliation réclamée par la Caisse de Crédit agricole sous la qualification d'indemnité de mise à taux moyen ; que M. et Mme Chevalon ont engagé contre la Caisse de Crédit agricole le 19 mai 1995 une instance judiciaire tendant à la restitution de cette somme à leur profit ;

 

Sur le premier moyen

 

Vu les articles 1°, 189 bis et 632 du Code de commerce, devenus les articles L. 121-1, L. 110-4 et L. 110-1 de ce Code ;

 

Attendu qu'une personne morale, même si elle est de statut civil, peut être tenue pour commerçante dans l'exercice d'une activité habituelle consistant en la pratique répétée d'actes de commerce ; que tel est le cas pour les Caisses de Crédit agricole, dans leur pratique des opérations de banque, même si elles sont autorisées légalement à accomplir par ailleurs des actes relevant du droit civil ;

 

Attendu que, pour rejeter l'exception de prescription décennale, fondée sur l'article 189 bis du Code de commerce, qui a été invoquée par la Caisse de Crédit agricole, l'arrêt retient que ni celle-ci ni les emprunteurs n'étaient commerçants lors de l'octroi du prêt ;

 

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte, en l'espèce, de l'arrdt que c'est en tant qu'établissement pratiquant habituellement des opérations de banque et exerçant ainsi une activité commerciale, qu'a été poursuivie la Caisse de Crédit agricole, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés en lui refusant le bénéfice de la prescription décennale applicable aux obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants et non-commerçants ;

 

Et sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche

 

Vu les articles 1129 et 1304 du Code civil ;

 

Attendu que pour écarter la prescription quinquennale qui a été invoquée par la Caisse de Crédit agricole, aux fins d'irrecevabilité de l'action de M. et Mme Chevalon, qu'elle a prétendu tendre à l'annulation partielle du contrat pour indétermination du montant de l'indemnité de remboursement anticipé, et constituer, comme telle, sanction protectrice des intérêts du cocontractant, l'arrêt retient que la demande de remboursement n'est pas fondée sur la nullité du contrat, mais sur l'application des clauses contractuelles, de sorte que la prescription alléguée n'est pas applicable ;

 

Attendu qu'en statuant ainsi, tout en retenant, pour fonder sa condamnation de la Caisse de Crédit agricole au remboursement de l'indemnité, que l'objet de celle-ci est indéterminé, ce dont il résulte que c'est eu égard à sa nullité, à laquelle avaient conclu les emprunteurs, que la cour d'appel s'est déterminée, et qu'une action en nullité, établie pour la protection des intérêts des cocontractants, se prescrit par cinq ans, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;

 

Et sur le troisième moyen

 

Vu l'article 1129 du Code civil ;

 

Attendu que pour tenir pour nulle la stipulation litigieuse, l'arrêt retient que son objet est indéterminé et que la fixation de la somme due en cas de remboursement anticipé du prêt ne pouvait se faire qu'en vertu d'éléments objectifs ne dépendant pas de la volonté de la banque ;

 

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'indétermination du montant d'une indemnité pour remboursement anticipé d'un prêt n'entraîne pas en elle-même nullité, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

 

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du deuxième moyen

 

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 février 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.