Com, 9 octobre 2001, Bull n° 158, N° 99-10-485
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Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué
(Paris, 21 octobre 1998), statuant en référé, qu'aux termes d'un contrat
conclu en 1988 avec la société de droit égyptien Nassr des engrais et des
industries chimiques (société Semadco), la société française Technip s'est
notamment engagée à superviser la construction et le montage d'une unité de
fabrication d'ammoniaque réalisée à Suez et à effectuer les essais préalables
ü la réception des travaux ; que, sur ordre de la société Technip, le
maître d'ouvrage égyptien a obtenu, pour la bonne fin et l'exécution conforme
du chantier, cinq garanties à première demande, dont deux relatives à la durée
de vie des catalyseurs, de la société égyptienne Mibank Misr International
Bank (la société Mibank) qui bénéficiait elle-même de la contre-garantie à
première demande de la Compagnie financière du commerce et de l'industrie et
de l'Union européenne (la CICUE) ; qu'à la suite de difficultés survenues
entre les cocontractants en fin de contrat, la société Semadco a procédé à
l'appel des garanties de la société Mibank ; que, se fondant sur les
dispositions d'un protocole d'accord franco-égyptien prévoyant le paiement
direct du bénéficiaire par le contregarant, auquel se référait la convention
des parties, la société Mibank a appelé, à son tour, la contre-garantie de la
CICUE ; que, sur demande de la société Technip, le juge des référés a
interdit à cet établissement d'exécuter les garanties, par ordonnance du 9
août 1996 ; que la société Mibank a formé tiercé opposition contre cette
décision ;
Sur le premier
moyen, pris en ses deux branches
Attendu que la
société Technip fait grief à l'arrêt d'avoir admis la recevabilité de la tierce
opposition formée par la société Mibank, alors, selon le moyen
1 ° que la
garantie à première demande ne peut être invoquée par son bénéficiaire que
selon les termes mêmes dans lesquels elle a été donnée ; qu'il résulte des
constatations mêmes de l'arrêt que la convention des parties, qui se référait
au protocole franco-égyptien, prévoyait un paiement direct du bénéficiaire par
le contre-garant, ce qui impliquait que la société Semadco ne pouvait recevoir
de fonds que de la banque contre-garante, et que par conséquent, la société
Mibank ne devait ni recevoir paiement de la banque contregarante, ni payer le
bénéficiaire ; qu'il en résultait qu'en l'absence de tout défaut de la
banque contre-garante, d laquelle l'ordonnance du 9 août 1996 avait fait
interdiction de payer, la société Mibank, sur laquelle ne pesait, dans les
termes de la garantie, aucune obligation à payer le bénéficiaire, n'avait en
l'état aucun intérêt à agir en tierce opposition faute de préjudice, si bien
que la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 583 du
nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 1134 du Code civil,
2°
qu'effectivement la société Mibank n'avait jamais allégué avoir payé la
garantie d la société Semadco, ce qui impliquait bien que la tierce opposition
ne procédait que d'une collusion frauduleuse en procédure entre le bénéficiaire
et la banque garante, et ce qui privait la société Mibank de tout intérêt
légitime d agir ; qu'ainsi la cour d'appel a violé les dispositions de
l'article 583 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, en
premier lieu, que la cour d'appel retient qu'aucune disposition du protocole
franco-égyptien applicable à la convention des parties, ne libère la société
Mibank de son engagement à l'égard de la société Semadco et ne prive cette
dernière de sa faculté de mettre en aeuvre la garantie de premier rang ;
qu'ayant ainsi, par une décision motivée, souverainement apprécié que la
société Mibank justifiait bien d'un intérêt à agir en tierce opposition contre
une décision, qui interdisant au contre-garant de payer le bénéficiaire, lui
faisait courir le risque de devoir elle-même s'exécuter, la cour d'appel a
justifié sa décision au regard du grief de la première branche ;
Attendu, en
second lieu, que l'arrêt énonce exactement, que le moyen tiré d'un abus
manifeste ou d'une fraude dans l'appel des garanties, ne concerne que le fond
du droit du bénéficiaire ou du premier garant et non la recevabilité de
l'action ;
Que le moyen
n'est donc fondé en aucune de ses deux branches ;
Sur le deuxième
moyen
Attendu que la
société Technip fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que
l'effet dévolutif de la tierce opposition est limité à la remise en question,
relativement à son auteur, des points jugés qu'elle critique et n'autorise pas
les parties d former des demandes nouvelles si bien qu'en jugeant, alors que la
décision entreprise n'avait statué que sur une demande visant l'interdiction
faite c3 la banque contregarante de payer les contre-garanties, que la saisine
du juge, sur la tierce opposition, avait pu être étendue à la condamnation de
la contre-garante à payer les contre-garanties, la cour d'appel n'a pas
justifié légalement sa décision au regard de l'article 582, alinéa 2, du
nouveau Code de procédure civile ,*
Mais attendu que
l'action de la société Mibank ayant pour objet de dégager celle-ci de toute
menace, en ce qui concerne la mise en oeuvre de sa propre garantie de premier
rang, le juge du fond n'est pas sorti des limites du litige qu'il avait à
juger, en déclarant la société tiers opposante Mibank recevable à obtenir, non
seulement la levée de l'interdiction de paiement faite à la CICUE, mais aussi
la condamnation de celle-ci à exécuter effectivement les contre-garanties
auxquelles la société Semadco pouvait prétendre ;que le moyen n'est pas
fondé ;
Sur le troisième
moyen, pris en ses deux branches
Attendu que la
société Technip fait toujours le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen,
qu'elle n'avait jamais soutenu avoir mandaté la C1CUE pour effectuer le
paiement de la garantie de premier rang, et qu'ainsi, la CICUE aurait implicitement
représenté la société Mibank dans la procédure de première instance mais avait
fait valoir que la société Mibank avait elle-même soutenu avoir mandaté la
CICUE d cette fin, ce qui impliquait qu'elle avait été représentée dans la
procédure de référé ; qu'il en résulte que la cour d'appel a 1° dénaturé
le contenu de ses conclusions, violant l'article 1134 du Code civil, 2° entaché
sa décision d'un défaut de motifs, violant l'article 455 du nouveau Code de
procédure civile ;
Mais attendu, en
premier lieu, que la société Technip, observant que la société Mibank avait
elle-même admis avoir mandaté la CICUE pour effectuer le paiement de la
garantie de premier rang, soutenait que, le mandataire conventionnel représentant
son mandant dans l'instance, la société Mibank avait été partie à la procédure
ayant abouti à l'ordonnance du 9 aoflt 1996 et qu'elle était ainsi irrecevable
à former tierce opposition ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas
méconnu l'objet du litige, n'encourt pas le grief articulé par la première
branche du moyen ;
Et attendu,
ensuite, que l'arrêt ayant fait ressortir que la CICUE et la société Mibank
avaient des intérêts divergents en ce que le défaut d'exécution de la
contre-garantie créait, pour la société Mibank, le risque de devoir elle-même
exécuter la. garantie de premier rang, il en résultait, que même si la première
avait été mandatée par la seconde pour effectuer, en ses lieu et place, le
paiement de la garantie de premier rang, elle n'avait pas pu, pour autant, la
représenter dans la procédure ayant abouti à l'ordonnance du 9 août 1996 ;
que le moyen d'irrecevabilité étant ainsi dépourvu d'influence sur la solution
du litige, la cour d'appel n'était pas tenue d'y répondre ;
Que le moyen
n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le quatrième
moyen, pris en ses quatre branches
Attendu que la
société Technip fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné à la CICUE de
répondre à l'appel des garanties dans les termes prévus, alors, selon le moyen
1° que dès lors
que la contre-garantie avait été appelée sans paiement de la garantie, il
suffisait au donneur d'ordre de prouver la fraude du bénéficiaire pour
s'opposer au paiement de la contre-garantie, si bien que la collusion frauduleuse
de la société Mibank n'avait pas à être établie, 2° qu'en ne recherchant pas,
en réfutation de ses conclusions, si l'échange de correspondance préalable d
l'appel de la garantie, et notamment la télécopie du 16 juin 1996 portant
accord de la société Semadco sur un programme de maintenance destiné d
permettre l'achèvement des essais de réception provisoire, ne valait pas
accord antérieur d l'appel des garanties, comme elle l'avait fait valoir, la
cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, et violé l'article
455 du nouveau Code de procédure civile,
3° qu'en ne
justifiant pas en quoi l'exigence de notification préalable prévue par
l'article S-4 du contrat aurait été K inapplicable en l'espèce », la cour
d'appel n'a pas donné de base légale d sa décision au regard de l'article 1134
du Code civil ;
4° qu'en
suspendant le respect du formalisme contractuel prévu par les parties comme
condition de la garantie d première demande d la preuve d'un K grief », alors
que la garantie d première demande ne peut être invoquée que selon les termes
mêmes dans lesquels elle a été donnée, la cour d'appel n'a pas justifié
légalement sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil,
Mais attendu, en
premier lieu, qu'en raison de l'autonomie de la garantie par rapport à la
contre-garantie, la preuve du caractère abusif de l'appel de la contre-garantie
supposait d'établir l'existence, au moment où il est intervenu, d'une collusion
frauduleuse entre la société Semadcq et la société Mibank ou d'une fraude
propre à cette dernière ; qu'ayant relevé que la société Technip ne
démontrait ni la fraude ou l'abus manifeste imputés à la société Semadco, qui
s'était bornée à appeler les garanties lui bénéficiant, conformément aux
stipulations contractuelles, pour se prémunir, dans l'attente de la décision du
juge du fond, des conséquences d'une éventuelle inexécution de ses obligations
par la société Technip, ni, a fortiori, la connaissance qu'aurait pu avoir la
société Mibank d'une telle fraude ou d'un tel abus, et aucune fraude propre à
la société Mibank n'ayant été alléguée, la cour d'appel a justifié légalement
sa décision ;
Attendu, en
deuxième lieu, qu'ayant, dans son pouvoir souverain d'appréciation des
éléments de preuve qui lui étaient soumis, estimé que la société Technip ne
rapportait pas la preuve de l'accord allégué qui n'avait jamais été signé, la
cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur la portée qu'elle
accordait à chacune des pièces qu'elle décidait d'écarter, n'encourt pas le
grief évoqué par la deuxième branche du moyen ;
Attendu, en
troisième lieu, qu'ayant relevé que la société Technip n'établissait ni la
fraude ou l'abus manifeste imputés ü la société Semadco dans l'appel de la
garantie, ni, par voie de conséquence, la collusion de la société Mibank, ce
dont il résultait que le moyen tiré de l'absence de notification préalable
dont elle entendait aussi tirer la preuve d'une collusion entre l'une et
l'autre, devenait inopérant, la cour d'appel a, abstraction faite du motif,
erroné mais surabondant évoqué par la quatrième branche du moyen, justifié
légalement sa décision ;
Que le moyen
n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le
cinquième moyen
Attendu que la
société Technip fait enfin le même grief it l'errât, alors, selon le moyen,
qu'en ne justifiant pas, en réfutation des conclusions qu'elle avait
soutenues, de l'inexécution des obligations contractuelles relatives à la durée
de vie des catalyseurs, dont la réalité, sinon la responsabilité, constituait
un préalable d la mise en ouvre de la garantie d première demande, la cour
d'appel a privé sa décision de tout fondement légal au regard de l'article
1134 du Code civil,
Mais attendu
qu'en raison de leur autonomie, les engagements de la société Mibank et de la
CICUE devaient, sauf fraude ou abus manifeste dans les conditions de leur
appel, non établis en l'espèce, être exécutés sans que les exceptions tirées du
contrat de base, dont ils étaient indépendants, puissent être opposées au
bénéficiaire et paralyser leur mise en aeuvre ;que la cour d'appel a, dés
lors, exactement décidé que toutes les garanties, y compris celles relatives à
la durée de vie des catalyseurs, avaient pu être appelées et devaient âtre exécutées ;
que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le
pourvoi.