Civ I, 9 octobre 2001, Bull n° 244, N° 98-14-991

 

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Attendu que, par acte sous seing privé du 8 septembre 1994, les époux Lesage ont cédé à la société Touz leur droit au bail sur des locaux commerciaux d'horlogerie, sous la condition suspensive de pouvoir être exploités en fonds de boulangerie­pdtisserie ; que le montant du loyer était fixé à 48 000 francs par an ; que M. Postec, notaire chargé d'établir l'acte authen­tique, ayant été informé de ce que, par lettre du 12 juil let 1994, les bailleurs avaient accepté ce changement moyen­nant une augmentation de loyer, a établi un projet d'acte stipu­lant un loyer annuel de 60 000 francs ; que le cessionnaire a refusé de signer cet acte, motif pris de ce que le loyer convenu n'était que de 48 000 francs, et a demandé la restitution de son dépôt de garantie, la cession étant devenue caduque; que l'arrêt infirmatif attaqué, écartant toute responsabilité de M. Postec, a dit que le dépôt de garantie devait être restitué à la société Touz et a condamné les époux Lesage à lui payer la somme de 20 000 francs de dommages‑intérêts ;

 

Sur le premier moyen

 

Attendu, de première part, que l'arrêt a constaté que les par­ties, et plus particulièrement les époux Lesage, qui avaient apposé leur signature sur la lettre le 12 juillet 1994, étaient pleinement informés de ce que les bailleurs avaient subor­donné leur accord à la déspécialisation du bail à une aug­mentation du loyer ; que, de seconde part, il a relevé que M. Postec avait, en transmettant le projet d'acte en temps utile avant la signature, pris toutes les mesures pour assurer l'effica­cité de l'acte notarié qu'il était chargé d'établir ; que la cour d'appel a pu en déduire qu'il ne pouvait pas être fait grief à cet officier ministériel d'avoir manqué à son obligation d'in­formation et de conseil ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;

 

Mais, sur le second moyen, pris en ses deux branches

 

Vu l'article 1382 du Code civil ;

 

Attendu qu'une action en justice ne peut, sauf circonstances particulières qu'il appartient alors au juge de spécifier, consti­tuer un abus de droit, lorsque sa légitimité a été reconnue par la juridiction du premier degré, malgré l'infirmation dont sa décision a été l'objet en appel ;

 

Attendu que pour condamner les époux Lesage à 20 000 francs de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt attaqué se borne à reprendre l'analyse des circonstances qui avaient été soumises à l'appéciation des premiers juges, sans invoquer aucun élément ignoré de ceux-ci ou postérieur à leur décision ;

 

Qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

 

Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, il n'y a pas lieu à renvoi devant une autre cour d'appel du chef ainsi cassé, la Cour de cassation pouvant mettre fin au litige ;

 

PAR CES MOTIFS

 

CASSE ET ANNULE, mais en ses seules dispositions ayant condamné les époux Lesage à payer une somme de 20 000 francs à M. Clergeau à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, l'arrêt rendu le 4 mars 1998, entre les par­ties, par la cour d'appel de Rennes ;

 

DIT n'y avoir lieu à renvoi de ce chef,

 

Dit que les époux Lesage n'ont pas fait dégénérer en abus leur droit de se défendre à une action en justice ;

 

Dit en conséquence que M. Clergeau doit restituer aux époux Lesage la somme de 20 000 francs, avec intérêts de droit à compter de la signification du présent arrêt.