Com, 13 novembre 2001, Bull n° 179, N° 98-20-207

 

_________________________________

 

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en matière de référé (Aix-en-Provence, 29 mai 1998), que la Compagnie nouvelle des containers (la CNC) a effectué d'avril à septembre 1993 des transports de marchandises en conteneurs pour le compte de la société Del Prete Europe (la société Del Prete) ; que ces transports ont donné lieu à l'émission, par la CNC, de quinze factures qui sont demeurées impayées ; que la société Del Prete a été mise en redressement judiciaire le 7 sep­tembre 1993 ; que, les 14 et 18 octobre suivants, l'administra­teur judiciaire a confié à la CNC le transport de nouvelles mar­chandises logées dans deux conteneurs ; que, le 19 octobre 1993, la CNC a informé la société Del Prete qu'elle exerçait sur ces conteneurs le droit de rétention dont elle esti­mait bénéficier au titre des factures impayées, par application de l'article 95 du Code de commerce, devenu l'article L. 132-2 du même Code ; que, par ordonnance de référé du 23 novembre 1993, le président du tribunal a condamné la CNC à restituer les conteneurs ;

 

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches

 

Attendu que la CNC reproche à l'arrêt d'avoir confirmé cette ordonnance, alors, selon le moyen

 

1° que les marchandises confïées à un commissionnaire de transport .servent de gage à l'ensemble de ses créances, même nées d'opérations antérieures, peu important que les marchan­dises aient été confiées postérieurement à l'ouverture du redressement judiciaire du débiteur ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 95 du Code de commerce ;

 

2° que la remise de marchandises au commissionnaire de transport, postérieurement à l'ouverture de la procédure col­lective du débiteur, ne petit s'analyser en une hypothèque ou un nantissement conventionnel prohibés par l'article 107 de la loi du 25 janvier 1985 ; qu'en énonçant néanmoins que l'im­possibilité d'accorder une garantie à un créancier antérieur s'opposait à ce qu'un bien remis pendant la période d'obser­vation ne soit retenu à titre de gage, pour garantir une créance antérieure à la procédure collective, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé ; '

 

3° qu'il ne résulte d'aucune disposition de la loi du 25 jan­vier 1985 que le droit de rétention exercé par le commission­naire de transport sur des marchandises remises postérieure­ment à l'ouverture de la procédure collective de son débiteur en garantie du paiement de créances antérieures ait pour effet de rompre l'égalité des créanciers ; qu'en énonçant le contraire, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;

 

Mais attendu qu'en application de l'article 33, 1er alinéa, de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L. 621-24, 1er alinéa, du Code de commerce, le paiement d'une créance antérieure au jugement d'ouverture est interdit et frappé de nullité ; qu'il en résulte que le commissionnaire ne peut valablement exercer son droit de rétention sur des marchandises confiées après le jugement d'ouverture pour obtenir le paiement de créances antérieures ; que, par ce motif de pur droit, l'arrêt se trouve justifié ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

 

Et sur le second moyen

 

Attendu que la CNC fait encore le même reproche à l'arrêt, alors, selon le moyen, que le jugement qui prononce la liqui­dation judiciaire emporte clé plein droit, à partir de .sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens et met fin à la mission de l'administra­teur ; que la cour d'appel, qui a constaté que tandis que l'ins­tance d'appel était pendante, un jugement du 7 décembre 1995 avait prononcé la liquidation judiciaire de la société Del Prete Europe et nommé M. Zucchi en qualité de liquidateur, ne pou­vait confirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle a ordonné la restitution des conteneurs litigieux à la société Del Prete Europe et à son administrateur judiciaire, M. Nespoulos ; qu'elle a violé les articles 148 et 152 de la loi du 25 jan­vier 1985 ;

 

Mais attendu que l'arrêt a confirmé l'ordonnance qui avait ordonné à la CNC de restituer les conteneurs à la société Del Prete ; que le moyen est inopérant et donc irrecevable ;

 

PAR CES MOTIFS

 

REJETTE le pourvoi.