Com, 20
novembre 2001, Bull n° 180, N° 99-14-172
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Donne acte à la
société GE Capital Bank (anciennement dénommée GE Sovac), société en commandite
par actions venant aux droits de la société Gefiservices, elle-même venant aux
droits de la société Crédit de l'Est, dont le siège est Tour Europlaza, La
Défense 4, 20, avenue André-Prothin, 92063 Paris La Défense Cedex, de sa
reprise d'instance ;
Attendu, selon
l'arrêt confirmatif attaqué (Colmar, 3 février 1999), que pour financer
l'acquisition par la société EPS d'un matériel informatique auprès de la
société Boulanger, le Crédit de l'Est, aux droits duquel se trouve la société
Ge Capital Bank, a adressé à cette dernière un chèque de 122 259,69 francs
accompagné d'un bordereau de règlement mentionnant les conditions expresses
d'utilisation du titre, à défaut desquelles celui-ci devait lui être
retourné ; qu'au nombre de celles-ci figuraient une clause attribuant la
connaissance des litiges éventuels aux tribunaux de Strasbourg, l'indication
de la partie du prix devant avoir été payé comptant par la société EPS et qu'il
y était également stipulé qu'à défaut, pour le vendeur, de respecter ces
conditions, l'établissement de crédit pourrait lui réclamer le paiement du
montant du chèque avec intérêts à compter de l'émission ainsi que la réparation
de tout préjudice qu'il pourrait avoir subi du fait de l'utilisation du
chèque ; que la société Boulanger a encaissé le chèque sans avoir reçu la
fraction du prix qui aurait dû lui être réglée au comptant ; que la
société EPS ayant fait l'objet d'une procédure collective sans avoir remboursé
le prêt, le Crédit de l'Est a fait assigner la société Boulanger devant le
tribunal de grande instance de Strasbourg, en paiement d'une somme de 162
819,13 francs représentant la somme restant due sur le prêt majorée d'intérêts
au taux de 16 % l'an à compter du 29 septembre 1995 ;
Sur le premier
moyen, pris en ses deux branches
Attendu que la
société Boulanger fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son exception
d'incompétence au profit du tribunal de commerce de Lille, alors, selon le
moyen
1° que la clause
attributive de juridiction valable entre commerçants nécessite un accord entre
les deux parties signataires du contrat, seules celles-ci étant tenues par les
effets du contrat, qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui juge la clause
attributive de compétence, qui lui avait été unilatéralement imposée, valable
au motif qu'elle est H conclue H entre deux commerçants et rédigée en caractère
apparent, sur la lettrechèque envoyée par la banque, au mépris du fait qu'il
ne .s'agissait que d'un moyen de paiement n'entraînant aucun engagement contractuel
entre la banque, prêteuse des.fonds au profit de son propre client, et
elle-même, simple bénéficiaire de la provision du chèque, se prononce ace
mépris des articles 1134, alinéa 1°1, et 1165 du Code civil, ensemble l'article
48 du nouveau Code de procédure civile en faisant produire effet aux
dispositions d'un contrat contre un tiers à ce contrat, partant la cour d'appel
a violé les textes susvisés ;
2° que la clause
attributive de juridiction est valable entre commerçants si elle a été convenue
entre des personne., ayant contracté ; qu'en l'espèce, la clause
attributive de juridiction qui lui a été opposée résulte d'un document
unilatéral, établi par la seule banque, et accompagnant un moyen de paiement de
sorte que la cour d'appel a omis de rechercher si le vendeur avait librement
et de manière éclairée accepté cette clause en donnant son consentement à un
engagement contractuel, privant sa décision de.toute base légale au regard de
l'article 1108 du Code civil ensemble pris l'article 48 du nouveau Code de
procédure civile,
Mais attendu que
l'arrêt relève par motifs propres et adoptés que la clause attributive de
juridiction figurait en caractères apparents parmi les conditions, stipulées au
bordereau de règlement accompagnant le chèque litigieux, auxquelles l'offre du
Crédit de l'Est était soumise et qu'en acceptant sans émettre de réserve le
paiement dont elles étaient la contrepartie, la société Boulanger s'était
obligée contractuellement et de manière autonome envers le Crédit de l'Est selon
les modalités précisées par la lettre d'envoi du chèque litigieux auxquelles
elle avait ainsi consenti en s'engageant à les respecter ; qu'en l'état de
ces motifs dont il se déduisait qu'elle avait aussi accepté la clause
attributive de juridiction, la cour d'appel, qui n'a pas violé les textes
susvisés, a justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second
moyen, pris en ses trois branches
Attendu que la
société Boulanger fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer au
Crédit de l'Est la somme de 162 819,13 francs, alors, selon le moyen
1° qu'aucune
mention apposée .sur un chèque ou comprise dans la lettre accompagnant l'envoi
chi chèque, comportant une condition relative à son encaissement, ne peut avoir
pour effet de faire obstacle art paiement à vu e du chèque, de .sorte que ces
mentions .sont .sans effet et inopposables ait bénéficiaire du chèque, qu'en
l'espèce, la cour d'appel u constaté que, clans la lettre accompagnant le
chèque qui lui avait été envoyé, .figurait rare mention .soumettant
l'encaissement du titre à une condition, mais a néanmoins dit que cette mention
.faisait obstacle au paiement à vue du chèque, ajoutant ainsi une condition aux
dispositions claires et précises de la loi dont il résulte que toute mention
faisant obstacle au paiement à vue du chèque est prohibée qu'elles soient
directement apposées sur le titre ou qu'elles figurent dans la lettre
accompagnant le titre, qu'ainsi, la cour d'appel a violé l'article 28 du décret
loi du 30 octobre 1935 ;
2° que la cour
d'appel qui juge qu'elle a encaissé un chèque au mépris des conditions
d'encaissement prévues unilatéralement par la banque et inscrites sur le
bordereau accompagnant le chèque, sans constater en quoi cette clause figurait
explicitement sur ledit bordereau et sans que ne soit démontrée l'acceptation
de cette éventuelle clause par celui qui en réclame l'exécution, c'est-à-dire
la banque, renverse la charge de la preuve en lui faisant supporter la charge
d'une preuve négative, c'est-à-dire qu'elle n'a pas eu connaissance et qu'elle
n'a pas expressément accepté cette éventuelle clause, violant ainsi l'article
1315, alinéa Ir,, du Code civil,
3° qu'en jugeant
qu'elle devait payer la .somme de 162 819,13 francs à la banque, qui n'a versé
qu'une .somme de 122 259,69 franc., en application du prêt que celle-ci avait
consenti à son client et dort certaines échéances ont été honorées, en
augmentant la .somme initiale d'un intérêt conventionnel de 16 % l'an sans
relever en quoi elle avait accepté ce taux conventionnel, la cour d'appel a, là
encore, renversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315, alinéa
1°r, du Code civil ;
Mais attendu que
l'arrêt relève que la société Boulanger avait accepté sans réserve les
conditions de l'offre de financement du Crédit de l'Est, qui subordonnait la
délivrance du prêt de la partie du prix qu'il avançait, au paiement, par
l'acquéreur, de la fraction de ce prix exigible au comptant ; que la cour
d’appel, qui n'a pas inversé la charge de la preuve, en a exactement déduit que
le contrat de prêt, constitutif du rapport fondamental, ne s'étant pas formé,
la société Boulanger devait, après avoir encaissé le chèque, en restituer le
montant au Crédit de l'Est, et ce, indépendamment du motif, erroné au regard
du droit du chèque, retenant que la clause litigieuse empêchait l'encaissement
d'un tel instrument de paiement ; que le moyen n'est fondé en aucune de
ses branches ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le
pourvoi.