Com, 27 novembre 2001, Bull n° 189, N° 97-22-086

 

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Attendu, selon l'arrêt attaqué que M. Meraihia, entrepreneur individuel, a été mis en redressement judiciaire, le 27 octo­bre 1992, puis en liquidation judiciaire le 8 décembre 1992, M. Masson étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire ; que le 17 mai 1992, M. Meraihia avait constitué avec des membres de sa famille une société anonyme dénommée Shei­tane (la société) dont il détenait presque l'intégralité du capital, dont il était le président du conseil d'administration et à laquelle il avait apporté une péniche évaluée à 470 000 francs ; que le liquidateur a présenté une requête au président du tribu­nal de commerce en vue de la désignation d'un administrateur provisoire de la société, avec pour mission, en particulier, d'administrer la société ;

 

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches

 

Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt d'avoir écarté sa demande de désignation d'un administrateur provisoire de la société alors, selon le moyen

 

l° que la demande tendant à la désignation d'un adminis­trateur provisoire d'une .société dura le dirigeant et principal associé est, en tant que personne physique ayant exercé une activité commerciale, en liquidation judiciaire s'analyse en une action patrimoniale, en .sorte que le liquidateur petit l'exercer tant en sa qualité de représentant du débiteur, qui, à raison de son dessaisissement, n'est plus en mesure d'assumer .ses fonctions de mandataire social, qu'en sa qualité de repré­sentant des créanciers, chargé de la sauvegarde de leurs inté­rêts et, partant, de la conservation du patrimoine du débiteur qui est leur gage commun et dont./ont partie les actions déte­mies par l'intéressé dans la personne morale ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 152 de la loi du 25 janvier 1985 et l'article 875 dit nouveau Code de procé­dure civile ;

 

2° que le liquidateur faisait valoir, pour justifier de .son intérêt à agir aux,fins de désignation d’un administrateur pro­visoire de la société dirigée par le débiteur, en vue de réunir notamment une assemblée générale extraordinaire pour sta­tuer sur la dissolution de la personne morale et prendre toute mesure utile dans l'intérêt des créanciers, que le débiteur, pré­sident-directeur général de la société, en était l'actionnaire principal puisqu'il détenait, .sur les 5 000 constituant le capi­tal, 4 700 actions qu'il avait acquises en lui faisant apport d'une péniche lui appartenant et ce pendant la période sus­pecte, que cet apport avait pour objet et effet de faire sortir de son patrimoine un élément de sort actif sans contrepartie, que si en théorie le liquidateur avait la possibilité de vendre les actions détenues par le débiteur, celles-ci ne pouvaient être librement négociées en vertu des statuts de la société, que, d'ailleurs, aucun acquéreur ne s'était manifesté quand il avait voulu les vendre, qu'il était donc fondé à solliciter la désigna­tion d'un administrateur provisoire chargé de convoquer une assemblée générale extraordinaire pour statuer sur la dissolu­tion de la personne morale aux fins qu'il,fût fait retour dans l'actif de la procédure collective des droits et biens dont le débiteur était titulaire ; qu'en retenant, pour à titre subsidiaire débouter le liquidateur au,fond, qu'à supposer que sa requête eût été recevable, elle était mal fondée à défaut de tout intérêt, la société étant, .selon l'extrait du registre dit commerce et des sociétés, pour l'instant simplement constituée et inscrite mais expressément sans aucune activité ni exploitation, cette der­nière n'ayant jamais commencé, en .sorte qu'il ne pouvait y avoir défaillance grave des organes de gestion mettant en péril la société, sans répondre à ces conclusions déterminantes qui, tout spécialement, insistaient sur le fait que le débiteur avait transféré à la société sans activité un élément important de son patrimoine qui devait être rapporté à l'actif de la liquida­tion judiciaire, lit cous- d'appel a privé ,sa décision de tout motif ; ne satisfaisant pas ainsi aux prescriptions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

 

Mais attendu que le jugement de liquidation judiciaire d'une personne physique emporte dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens, notamment des parts dans le capital d'une société mais ne le dessaisit pas de ses fonctions de représentant légal de cette société ; qu'il en résulte que le liquidateur, qui ne peut agir qu'au nom du débi­teur actionnaire de la société, n'est pas recevable à demander la désignation d' un administrateur provisoire de la société au motif que son représentant légal est soumis à une procédure de liquidation judiciaire ; que par ce motif de pur droit et abstrac­tion faite des motifs surabondants critiqués par la seconde branche du moyen, la décision se trouve justifiée ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

 

Mais sur le moyen unique, pris en sa troisième branche

 

Vu l'article 562 du nouveau Code de procédure civile ;

 

Attendu qu'une cour d'appel, après avoir déclaré irrecevable le recours exercé, ne peut se prononcer sur le fond du litige ;

 

Attendu que l'arrêt déclare irrecevable la requête du liquida­teur en désignation d'un administrateur provisoire de la société et, en tout état cause, l'en déboute ;

 

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

 

Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 1, du nouveau Code de procédure civile, la cassation encourue n'im­pliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond ;

 

PAR CES MOTIFS

 

CASSE ET ANNULE, mais seulement dans sa disposition qui déboute M. Jean-Claude Masson ès qualités de sa requête en désignation d'un administrateur provisoire de la société Sheitane ; l'arrêt rendu le 12 novembre 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;

 

DIT n'y avoir lieu à renvoi.