Civ I, 11
décembre 2001, Bull n° 312, N° 99-18-034
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Sur les trois
moyens, réunis
Attendu que Mme
Duvert, propriétaire d'un tableau attribué à un peintre du XVIII` siècle, en a
adressé des photographies à fins d'examen et évaluation à M. Turquin, expert en
oeuvres d'art ; que celui-ci, ayant identifié une réplique d'époque, en a
suggéré l'envoi pour déterminer s'il s'agissait d'une réplique autographe ou du
travail d'un élève ; que la pièce, ainsi remise à une société de transport
par Mme Duvert, a été livrée à M. Turquin le 23 novembre 1993 ; que, début
1994, constatant des dégradations importantes, il a, de lui-même, fait procéder
à une consolidation de matière picturale, dite refixage, et en a adressé le 4
février 1994 la facture à Mme Duvert, avant de lui exposer, le 7 avril 1994,
que le tableau, effectivement copie d'un élève de l'artiste, n'aurait pas dû
être transporté, sa peinture tendant à se séparer de sa toile à raison d'une
transposition, opération de remplacement du support original par des matériaux
nouveaux, effectuée dans de mauvaises conditions plusieurs décennies
auparavant ; qu'après expertise judiciaire en référé, Mme Duvert a
recherché à divers titres la responsabilité de M. Turquin ; que les juges
du fond l'ont condamné à rembourser le coût du refixage, mais ont rejeté toutes
autres demandes ;
Attendu que Mme
Duvert fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir écarté la responsabilité de M.
Turquin pour les dégradations subies du fait du transport, alors que, d'abord,
ayant relevé que les photographies d'amateur adressées permettaient de
reconnaître sur l'objet des caractéristiques de dégradations possibles,
notamment une douzaine de points rosâtres clairs de perte de matière picturale,
et fait référence à l'avis de deux spécialistes selon lequel un professionnel
averti aurait recommandé de ne pas le faire bouger sans un refixage préalable,
ce dont M. Turquin se serait abstenu fautivement, méconnaissant ainsi son
obligation de conseil de spécialiste de l'expertise de tableaux anciens à
l'égard de son contractant profane, la cour d'appel n'aurait pas tiré les
conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles 1134,
alinéa 3, et 1135 du Code civil ; que, ensuite, en ayant aussi écarté sa
responsabilité dans la conservation de la chose à lui confiée pour expertise,
en raison de l'absence de faute prouvée à cet égard, l'arrêt aurait méconnu la
présomption pesant sur l'entrepreneur dépositaire, inversé la charge de la
preuve et violé l'article 1789 du Code civil ; que, enfin, en ayant retenu
que, môme demeuré chez Mme Duvert, le tableau aurait dû subir tôt ou tard un
traitement de remise en état, par reprise de transposition et restauration
complète, de sorte que la considération de tels frais est sans lien de
causalité avec une faute de M. Turquin, la cour d'appel se serait déterminée
par des motifs hypothétiques, privant ainsi sa décision de motifs et violant
l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, en
premier lieu, que les juges du fond, entérinant le rapport de l'expert
judiciaire, ont énoncé que, au vu des photographies reçues, au demeurant
médiocres, M. Turquin avait dû penser à un état de vieillissement habituel ne
justifiant pas d'alerte spéciale, et que seul le technicien averti qu'est un
restaurateur pouvait, à partir de ces clichés, avoir l'intuition d'une
transposition, opération rare, le tableau se présentant le plus souvent comme
réentoilé ; qu'ils ont pu en déduire que, en s'abstenant d'en déconseiller
le transport, il n'avait commis aucune faute ; que le moyen n'est donc pas
fondé ;
Attendu, en
deuxième lieu que, outre les motifs qui précèdent, la cour d'appel a aussi
relevé que l'employée de M. Turquin avait signalé à l'arrivée du tableau des
manques de peinture, sans traces laissées sur les emballages, et qu'il avait
été tenu dans un lieu de conservation habituel aux tableaux anciens ;
qu'elle a ainsi constaté que M. Turquin prouvait son absence de toute faute
dans sa dégradation, renversant la présomption visée au moyen lequel doit donc
être pareillement écarté ;
Attendu, en
troisième lieu, que, en faisant siens les motifs de l'expert estimant que le
tableau était de toute façon promis, à terme incertain, à une ample remise en
état, la cour d'appel a légalement justifié l'absence de causalité entre les
frais inhérents et l'intervention de M. Turquin ; que le moyen ne peut
être davantage accueilli ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le
pourvoi.