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Civ III, 5 décembre 2001, Bull n° 143, N° 98-18-652

 

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Sur le moyen unique

 

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 18 mai 1998) sta­tuant sur renvoi après cassation (Civ. 3, 14 novembre 1996, B. n° 216) que par acte authentique du 20 octobre 1966, les époux Sterckeman ont donné à bail aux époux Corteyn une exploitation agricole ; que par un arrêt irrévocable du 27 mars 1992, le congé délivré le 10 mai 1982 par M. Sterc­keman aux preneurs, à fin de reprise du bail au profit de son petit-fils, avec effet au 10 novembre 1984, a été déclaré valable ; que le 30 avril 1992 les époux Corteyn ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d'une action en répétition d'une somme versée au bailleur lors de leur entrée dans les lieux ;

 

Attendu que M. Sterckeman fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande des époux Corteyn alors, selon le moyen

 

1° qu'il appartient, en principe, aux parties à une vente, de convenir librement du prix de la chose vendue ; que, sauf dis­position particulière de la loi, la discordance entre le prix convenu et la valeur réelle de la chose, qu'il excède cette valeur ou qu'il lui soit inférieur, est dépourvue de consé­quence, tant sur la nature juridique et la validité de la conven­tion, que sur l'obligation, pour l'acquéreur, de le payer inté­gralement ; qu'il s'ensuit que, pour avoir décidé que la vente d'éléments de l'exploitation agricole des époux Sterckeman, bailleurs, aux époux Corteyn, preneurs, intervenue le 20 octo­bre 1966, dissimulait une cession de droit au bail prohibée, en la .seule considération du fait que le prix dépassait notable­ment la valeur réelle de la chose vendue, fait auquel n'était attachée aucune conséquence juridique avant que l'article 850-1 (devenu L. 411-74) du Code rural, institué par la loi du 12 juillet 1967, ne le sanctionne pénalement et ne prévoie la restitution de la partie excédentaire du prix, la cour d'appel a ,fait, en réalité, une application rétroactive de ce texte, en violation de l'article 2 du Code civil, que pour avoir statué de la sorte sans caractériser autre­ment l'existence d-'une cession de bail occulte que par la considération, juridiquement inopérante à l'époque de la vente, de ce que le prix de celle-ci excédait la valeur réelle des biens vendus, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 et 1582 du Code civil ainsi que de l'article L. 411-35 du Code rural ;

 

3° que le paiement du prix convenu entre le vendeur et l'acquéreur, .serait-il excessif par rapport à la valeur de la chose vendue, ne constitue pas un paiement de l'indu donnant lieu à répétition, que pour avoir néanmoins condamné M. Sterckeman à restituer aux époux Cortéyn ce qu'elle a considéré comme la partie excédentaire du prix payé par eux, avec les intérêts au taux légal depuis le jour de la vente, en la seule considération de l'existence d'un tel excédent et sans autrement justifier du caractère partiellement simulé de cette vente, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa déci­sion au regard des articles 1376, 1377 et 1378 du Code civil ;

 

Mais attendu qu'ayant constaté que, à l'occasion de la conclusion du bail rural, en 1966, la reprise de la ferme avait été fixée au prix de 195 000 francs alors que la valeur réelle n'était que de 112 668,98 francs, la cour d'appel, qui a pu en déduire, sans appliquer rétroactivement l'article 850-1, devenu L. 411-74, du Code rural, institué par la loi du 12 juillet 1967, que cette vente dissimulait une cession de droit au bail prohi­bée et que ce dépassement de plus de la moitié de la valeur réelle des biens, s'analysant en un pas-de-porte illicite, donnait lieu, sur le fondement de l'article 1376 du Code civil, à restitu­tion, a, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, légalement justifié sa décision ;

 

PAR CES MOTIFS

 

REJETTE le pourvoi.