Com, 4 décembre 2001, Bull n° 194, N° 99-17-664
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Sur le moyen
unique, pris en ses deux branches
Attendu, selon
l'arrêt attaqué (Limoges, 11 juin 1998), que M. X..., commerçant, bénéficiait à
la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Corrèze (le Crédit agricole)
de concours financiers ; que l'établissement de crédit rejetait, en
septembre et octobre 1993, divers chèques et lui notifiait une interdiction
bancaire ; que l'exploitation du fonds de commerce était alors transférée
à Mme X..., laquelle, en raison de nouvelles difficultés de trésorerie, se
voyait notifier à son tour une interdiction d'émettre des chèques le 22
novembre 1995 ; que M. X... s'étant donné la mort par arme à feu le
lendemain du jour de la réception de cette interdiction devant l'agence du
Crédit agricole, Mme X..., agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité
d'administratrice légale de ses enfants mineurs, l'a assigné en
responsabilité ;
Attendu que Mme
X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à la condamnation
du Crédit agricole à la réparation du préjudice résultant du décès de M. X...,
alors, selon le moyen
l° qu'après avoir
constaté que M. X... s'était donné la mort, devant l'agence même de la banque,
le lendemain du jour de la notification sans préavis par la banque d'une
interdiction d'émettre des chèques et du rejet d'un chèque pour défaut de
provision, ayant à la main la lettre d'injonction de la banque et un papier
rédigé à l'intention de ses proches dans lequel il faisait état de ses
difficultés financières et imputait sans équivoque son geste au comportement
de la banque, la cour d'appel devait nécessairement considérer que le suicide
de M. X... avait été motivé par la rupture fautive du crédit imputable à la
banque, en relation de cause à effet avec le préjudice subi par les ayants
droit de M. X... du fait du décès ; qu'en décidant le contraire, la cour
d'appel a violé l'article 1382 du Code civil,
2° qu'en se
bornant à énoncer, pour nier toute relation causale entre la faute de la
banque et le suicide de M. X..., que le geste de celui-ci relevait de son seul
« libre arbitre », sans rechercher, comme elle y était invitée, si le suicide
ne procédait pas du traumatisme psychologique extrêmement grave provoqué par
la rupture brutale et fautive du crédit, la cour d'appel a, en outre, privé sa
décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du Code civil:
Mais attendu
qu'après avoir relevé que le Crédit agricole avait commis une faute, en
notifiant sans préavis le rejet d'un effet assorti d'une interdiction bancaire,
la cour d'appel, en retenant que le geste de M. X..., par son caractère
irrémédiable et excessif, relevant du seul libre arbitre de son auteur, était
sans aucune proportion avec la faute commise, et que rien dans les relations antérieures
entre le client et la banque qui avait eu recours à des procédures comparables
en 1993 ne permettait de considérer que celle-ci avait connaissance d'une
fragilité de son client pouvant, le cas échéant, conduire à une telle extrémité,
a précisé tous les éléments qui étaient nécessaires à la justification de sa
décision et a pu déduire de ces constatations et appréciations que la faute du
Crédit agricole n'avait pas concouru de façon certaine à la production du
dommage dont il était demandé réparation ; que le moyen n'est pas
fondé ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le
pourvoi.