Com, 18 décembre 2001, Bull n° 201, N° 99-11-787

 

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Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 30 novembre 1998), que par acte du 23 janvier 1998, l'Union des coopératives Cooperl Hunaudaye (l'Union) a assigné en référé la société Le Maïs angevin ainsi que la coopérative Agralco Coutances, la coopérative CAM 53 Laval, la coopérative Coopagri Bretagne Landernau (les coopératives) aux fins de s'entendre décerner acte de qu'elle passait une commande ferme de semence de maïs à la société Le Maïs angevin, que cette société soit condamnée, à lui livrer sous astreinte sa commande et à lui faire connaître ses conditions de vente, et enfin qu'il lui soit ordonné ainsi qu'aux « sociétés distributrices » de lui communiquer l'ensemble des documents contractuels relatifs à la commercialisation de la semence de maïs établis entre elles ; que par ordonnance de référé, le président du tribunal de commerce s'est déclaré incompétent matériellement en ce qui concerne les coopératives et a déclaré les demandes dirigées contre la société Le Maïs angevin non fondées ;

 

Sur le premier moyen

 

Attendu que l'Union fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé l'ordonnance entreprise du chef de la compétence, alors, selon le moyen, que l'article 632, modifié par la loi du 13 juil­let 1967, pose une présomption de commercialité, en réputant acte de commerce tout achat de biens meubles pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir travaillés et mis en ouvre ; que les tribunaux de commerce sont compétents pour connaître des contestations relatives aux actes de commerce réalisés par les sociétés coopératives agricoles avec des tiers non coopérateurs ; qu'en l'espèce, l'Union demandait à la juridiction des référés commerciaux de voir cesser un trouble manifestement illicite se manifestant par des pratiques discriminatoires existant entre la société anonyme Le Mais angevin et les trois coopératives, bénéficiant par leur fonction de distributeur d'accords de coopération commerciale avec l'entreprise commerciale précitée ; qu'ainsi l'arrêt confirmatif attaqué n'a dénié la compétence commerciale, au prix d'une division du litige préjudiciable à l'examen d'ensemble légi­timement sollicité par l'Union qu'en violation par fausse application des articles L. 521-1 et L. 521-5 du Code rural et 873 du nouveau Code de procédure civile, conférant au pré­sident du tribunal de commerce le pouvoir de faire cesser un trouble manifestement illicite ;

 

Mais attendu que selon l'article L. 521-1 du Code rural, les sociétés coopératives agricoles ont pour objet l'utilisation en commun par des agriculteurs de tous moyens propres à facili­ter ou it développer leur activité économique, à améliorer ou à accroître les résultats de cette activité et que selon l'article L. 521-5 du même Code, ces sociétés et leurs unions relèvent de la compétence des juridictions civiles, ce dont il ressort que les sociétés coopératives ont un objet non commer­cial les faisant échapper à la compétence des tribunaux de commerce, même si elles accomplissent des actes tels que des achats pour revendre, réputés actes de commerce, dés lors que ceux-ci sont effectués au profit des agriculteurs coopérateurs ; qu'ayant fait application de ce principe après avoir constaté que les semences de maïs achetées auprès de la société Le Maïs angevin par les coopératives assignées étaient destinées à être revendues à leurs adhérents, la cour d'appel a statué à bon droit ; que le moyen n'est pas fondé ;

 

Et sur le second moyen, pris en ses deux branches

 

Attendu que l'Union fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé l'ordonnance entreprise en ce qu'elle l'a déclarée non fondée en ses demandes dirigées contre la société Le Maïs angevin, alors, selon le moyen

 

1° qu'il appartient au juge des référés commerciaux de faire cesser un trouble manifestement illicite, qui peut résulter entre autres de manquements aux dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence ; que l'Union faisait précisément valoir dans ses conclusions que la société Le Mais angevin versait aux autres coopératives, des primes de fin de campagne, tout en se refu­sant à communiquer les modalités de calcul de ses primes de telle sorte que l'Union n'était pas, vu ce défaut de trans­parence, en mesure de connaître le prix définitif exact en fin de campagne, ce qui entraînait à son détriment le risque anor­mal soit de vente à perte, soit de s'aliéner des adhérents sus­ceptibles de profiter de meilleurs cours, qu'en se bornant à affirmer que le sort particulier consenti aux distributeurs du Mais angevin se justifierait en raison de services prévus à la charte « Distributeur conseiller Le Mais angevin », non appliquée à l'Union, l'arrêt attaqué, qui a méconnu qu'il apparte­nait à la société Le Mais angevin de justifier de la licéité des remises de prix qu'elle accordait à certains de ses clients, n'a pas mis le juge de cassation en mesure d'exercer son contrôle et privé de base légale le débouté de l'Union au regard des dispositions des articles 7 et 33 de l'ordonnance n° 86‑1243 du 1er décembre 1986, ensemble 873, modifié par le décret du 17 juin 1987, du nouveau Code de procédure civile,

 

2° qu'il ne suffisait pas à la société le Mais angevin de refuser la commande du 23 janvier 1998 de l'Union en affir­mant une rupture de stock du produit demandé, la preuve de la réalité d'une rupture de stock incombant, non à la victime du refus, mais bien au vendeur qui entend s'en prévaloir, qu'en retenant que l'Union n'établissait pas que le motif for­mulé dans la lettre de la société le Mais angevin du 28 jan­vier 1998 était fallacieux, l'arrêt attaqué a renversé le fardeau de la preuve et violé par suite l'article 1315 du Code civil;

 

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt constate qu'il n'est pas établi que l'Union se soit heurtée à un refus de la société Le Maïs angevin de lui communiquer ses conditions générales de vente pour les campagnes «  maïs 1996/1997 » et « maïs 1997/1998 », et qu'à réception des pièces communi­quées, l'Union n'a pas formulé de demande de communication complémentaire notamment sur les documents contractuels éta­blis entre la société Le Maïs angevin et d'autres coopératives ; que l'arrêt relève que l'Union a obtenu communication de la charte « Distributeur conseiller Maïs angevin » mettant en évi­dence les services exigés du distributeur conseiller avant la vente, pendant la vente et après la vente, et que les conditions générales de vente lient la remise « Distributeur conseiller angevin » à ces services « tous de rigueur pour prétendre à l'obtention de remise » ; que l'arrêt constate enfin que pour 1998, l'Union disposait des informations sur les remises de fin de campagne faites par la société Le Maïs angevin ; qu'en l'état de ces constatations dont elle a déduit que le trouble invoqué par l'Union consistant dans le refus de la société Le Maïs angevin de lui faire connaître ses conditions commerciales n'était pas établi, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

 

Attendu, d'autre part, que contrairement aux énonciations du moyen, il appartient à celui qui se prévaut d'un refus de vente, qui ne constitue plus par lui‑même une faute civile depuis l'abrogation de l'article 36, paragraphe 2, de l'ordonnance du ler décembre 1986 dans sa rédaction antérieure à la .loi n° 96‑588 du 1er juillet 1996, d'établir la réalité de l'éventuel abus de droit que celui‑ci peut néanmoins constituer; qu'ayant constaté que la commande de maïs variété Anjou 58 du 23 jan­vier 1998 effectuée par l'Union n'a pas été honorée par la société Le Maïs angevin, motif pris de ce que cette variété n'était plus disponible polir cause de rupture de stock, la cour d'appel, énonçant qu'il appartenait à l'Union d'établir le carac­tère fallacieux de ce motif, n'a pas inversé la charge de la preuve ;

 

Qu'il suit de là que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches;

 

PAR CES MOTIFS

 

REJETTE le pourvoi.