Com, 15 janvier 2002,
Bull n° 14, N° 00-16-255
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Attendu, selon
l'arrêt attaqué (Dijon, 22 mars 2000), que la société Fournier industrie et
santé (la société), a procédé, le 18 décembre 1984, à la fusion-absorption des
sociétés Laboratoires Goella, Laboratoires Plestan et Sapes industries et a
acquitté à ce titre le 24 janvier 1985 les droits d'enregistrements institués
par l'article 816 du Code général des impôts, dans sa rédaction alors en
vigueur ; qu'elle a présenté, le 24 juin 1996, une réclamation en faisant
valoir que ces droits d'enregistrement étaient incompatibles avec la directive
n° 69/335 du Conseil des Communautés européennes du 17 juillet 1969 modifiée
concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux ;
qu'après le rejet de sa réclamation, elle a assigné le directeur des services
fiscaux de la Côte-d'Or devant le tribunal de grande instance de Dijon ;
que celui-ci a rejeté sa demande ; que la société a interjeté appel ;
Sur le premier
moyen, pris en ses deux branches
Attendu que la
société fait grief à l’arrêt d'avoir rejeté sa demande alors, selon le moyen
1° que
l'opération taxée était une fusion de sorte que la disposition ayant conduit d
la perception des droits en cause était l’article 816 du Code général des
impôts et non l’article 812 relatif aux apports comme l’affirme l arrêt
attaqué ; d'où il suit qu'en fondant sa décision sur l’article 812, la
cour d’appel l’a entaché d'un défaut de base légale au regard de ces
textes ;
2° que
l’application de l’article L. 190, alinéa 3, du Livre des procédures fiscales,
opposant une prescription quadriennale au droit de restitution, suppose que
l'exercice de ce droit, matérialisé par la réclamation, soit postérieur à la
décision de justice qui a révélé la non-conformité de l'imposition litigieuse
au droit communautaire et que seule une décision de justice rendue par une Cour
souveraine et nationale peut assurer le contribuable de la contrariété d'une
règle interne au droit communautaire ; de sorte qu’en faisant remonter la
date butoir à l'arrêt Bautiaa et en opposant ainsi la prescription prévue d
l’article L. 190, alinéa 3, malgré l’inapplicabilité de cette disposition d
l'espèce, la cour d’appel a violé ce texte par fausse application ;
Mais attendu que
les droits d'enregistrement institués par l'article 816 du Code général des
impôts ont été déclarés incompatibles avec la directive n° 69/335 précitée par
l'arrêt rendu le 13 février 1996 par la Cour de justice des Communautés
européennes (société Bautiaa), que la cour d'appel a constaté que la
réclamation présentée par la société le 24 juin 1996, qui ne pouvait être
recevable qu'en application de l'article R. 196-1 c du Livre des procédures
fiscales, était fondée sur cet arrêt ; que c'est dès lors à bon droit que
la cour d'appel en a déduit que l'article L. 190, alinéa 3, du même Livre
disposant que l'action en restitution fondée sur une décision juridictionnelle
ayant révélé la nonconformité de la règle de droit dont il a été fait application
ne peut porter que sur la période postérieure au l" janvier de la
quatrième année précédant celle où la décision est intervenue était
applicable ; que le moyen, inopérant en sa première branche, n'est pas
fondé en sa seconde ;
Sur le deuxième
moyen
Attendu que la
société fait encore grief à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors, selon
le moyen, q'ue si la Cour de justice des Communautés européennes, dans son
arrêt Fantask du 2 décembre 1997, a reconnu la possibilité pour les Etats de
limiter le droit d restitution, c'est, au nom du principe de sécurité
juridique, d'une part, d condition que la procédure interne de répétition de
l'indu ne soit pas moins favorable que les autres procédures analogues,
d'autre part, que le droit d restitution ne soit pas ainsi rendu impossible ou
excessivement difficile ; qu en l'espèce l’article L. 190, alinéa 3, fait
obstacle au droit d restitution pour les années où le droit français, non seulement
n’avait pas respecté les normes communautaires, mais de plus où cette
non-conformité n’avait pas été révélée ; de sorte que l'article L. 190,
alinéa 3, est non seulement moins favorable que certaines hypothèses de
réclamation prévues d l’article R. 19-1, mais encore il interdit, en opposant
une prescription, de faire valoir toute l'étendue du droit d restitution ;
d'où il suit qu'en reconnaissant la validité de l’article L. 190, alinéa 3, au
regard du droit communautaire, la cour d'appel a violé l’article 5, devenu l'article
10, du traité instituant la Communauté européenne posant le principe de
sécurité juridique ;
Mais attendu que,
par arrêt du 28 novembre 2000 (société Roquette), la Cour de justice des
Communautés européennes a dit pour droit que le droit communautaire ne
s'oppose pas à la réglementation d'un Etat membre prévoyant que, en matière
fiscale, l'action en répétition de l'indu fondée sur la déclaration par une
juridiction nationale ou communautaire de la nonconformité d'une règle
nationale avec une règle nationale supérieure ou avec une règle communautaire
ne peut porter que sur la période postérieure au le, janvier de la quatrième
année précédant celle où la décision juridictionnelle révélant la
non-conformité est intervenue ; que c'est dès lors, à bon droit, que la
cour d'appel a jugé que l'article L. 190, alinéa 3 du Livre des procédures
fiscales était compatible avec l'ordre juridique communautaire ; que le
moyen n'est pas fondé ;
Et sur le
troisième moyen, pris en ses deux branches:
Attendu que la
société fait enfin grief à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors, selon
le moyen
1° qu'elle
soutenait dans ses conclusions d'appel qu’en vertu d'un principe général du
droit, la prescription ne court pas contre celui qui ne peut agir, règle gui
s'oppose à ce qu on limite le droit ù restitution du contribuable alors que
celui-ci, par l'effet de la loi française elle-même, était placé dans
l'impossibilité de faire valoir ce droit ; et que, en adoptant l’article
L. 190, alinéa 3, le législateur a entendu rattacher cette disposition au
régime de la déchéance quadriennale prévue par la loi du 31 décembre 1968, dont
l’article 3 dispose que la prescription ne court pas contre le créancier qui
ne peut agir ; d'où il suit que la cour d'appel, en se contentant de rappeler
des motifs déjà exposés, n’a pas répondu à cette argumentation entachant ainsi
sa décision d'une insuffisance de motivation en violation de l'article 455 du
nouveau Code de procédure civile ;
2° qu'en statuant
ainsi, la cour d’appel a violé le principe selon lequel la prescription ne
court pas contre celui gui ne peut agir, règle qui s ôpp ose à ce qu'on limite
le droit à restitution du contribuable alors que celui-ci, ar l'effet de la loi
française elle-même, était placé dans l’im-possibilité de faire valoir ce
droit ;
Mais attendu
qu'il n'appartient pas au juge judiciaire de se prononcer sur la compatibilité
d'une disposition de nature législative, telle que l’article L. 190, alinéa 3
du Livre des procédures fiscales, avec un principe général du droit ; que
le moyen en ses deux branches est dès lors irrecevable ;
Par ces motifs
REJETTE le
pourvoi.