Com, 15 janvier 2002,
Bull n° 15, N° 00-13-059
_________________________________
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches
Attendu qu'il
résulte de l’arrêt attaqué (Paris, 29 février 2000) et des productions que
l’impression des publications, qui englobe la fabrication matérielle des
journaux quotidiens, des périodiques et des catalogues, est réalisée par deux
types d'imprimerie, (imprimerie de presse, pour les quotidiens et l'imprimerie
de labeur, pour les autres journaux ; que les relations entre employeurs et
employés des imprimeries de presse parisiennes sont définies dans « la
Convention collective du travail des ouvriers des entreprises de presse de la
région parisienne », dont sont signataires, outre deux syndicats, le Comité
intersyndical du livre parisien (CILP), organisme de coordination de quatre
autres syndicats, le Syndicat général du livre parisien et de la communication
écrite, la Chambre syndicale typographique parisienne, le Syndicat des
correcteurs, et le Syndicat national des cadres et techniciens de la
communication ; que l’article 14 de cette convention donne au CILP un
droit de regard sur l’embauche des ouvriers de presse, qui ne peut avoir lieu
qu'au sein de son bureau de placement et après l’accord du délégué syndical de
l’entreprise ; que la société Les Meilleures Editions, qui avait confié à
une société d'imprimerie de presse l'impression de ses deux titres hippiques,
Le Meilleur et Spéciale Dernière, pour deux ans à compter du 1°, juin 1990, a
dénoncé ce contrat le 1er juin 1992 en raison de son coût élevé et, les
négociations qui s'ensuivirent n'ayant pas abouti, a choisi des sociétés
d'imprimerie de labeur, qui lui proposaient des tarifs inférieurs ; que le
CILP et ses syndicats adhérents se sont alors livrés à différentes manoeuvres,
pressions sur la société Les Meilleures Editions et la personne de son
dirigeant, notamment séquestration de ce dernier, interventions auprès des
imprimeries de labeur concernées, telles que destruction d'exemplaires de ces
revues, occupation des locaux et neutralisation des rotatives, dont cette
société a saisi le Conseil de la concurrence le 31 août 1992 ; que, par
décision n° 99-D-41 du 22 juin 1999, le Conseil de la concurrence a décidé que
le CILP et les quatre syndicats qui le composent avaient mis en oeuvre une
entente ayant pour objet ou pour effet d'entraver le fonctionnement de la
concurrence sur le marché de l'impression des périodiques en interdisant par
la force à des imprimeries de labeur d'accéder à ce marché et ainsi enfreint
les dispositions de l'article 7 de l’ordonnance du ler décembre 1986 et a
prononcé une sanction de 10 000 francs à l'encontre des quatre syndicats mais
pas du CILP, dépourvu de personnalité morale ; que les syndicats ont formé
un recours ;
Attendu que la
société Les Meilleures Éditions fait grief à l'arrêt d'avoir annulé la décision
du Conseil de la concurrence, alors, selon le moyen
1° qu'en
considérant que l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'est pas
applicable aux syndicats professionnels, lorsque l'atteinte à la concurrence
qui leur est reprochée ne résulte que d'une « action ponctuelle de leur part
(qui) ne saurait suffise à leur conférer la qualité d'acteurs économiques u,
alors que ni les dispositions de l’article 53 de l'ordonnance qui précisent que
les règles définies à la présente ordonnance s'appliquent à toutes les
activités de production, de distribution et de service, ni les dispositions de
l’article 7 qui prohibent les actions concertées, conventions et ententes
ayant pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu
de la concurrence, lorsqu'elles tendent à limiter litccés au marché ou le libre
exercice de la concurrence par d’autres entreprises ou faire obstacle à la
fixation des prix par le jeu du marché, ne posent comme condition que les
pratiques incriminées présentent un caractère habituel ou répétitif, la cour
d'appel a violé les textes susvisés en limitant leur clause d’application,
spécialement pour les syndicats professionnels, au cas où leurs actions anticoncurrentielles
ne résulte pas d'une « action ponctuelle » ;
2° qu'en
déclarant au départ .-« qu’il est constant que les actions développées par les
syndicats requérants, ayant consisté en des pressions exercées sur l'entreprise
cliente et la personne de son dirigeant, notamment sa séquestration ainsi que
des interventions auprès de l'imprimerie de labeur qui avait accepté de
procéder à l'impression de ses publications, telles que destruction
d'exemplaires de revues, occupation de locaux, et neutralisation des rotatives,
ne sauraient être rattachées à un conflit social au sein de l'entreprise
saisissante, mais ont eu pour unique objet de peser sur la liberté de choix de
son cocontractant par ladite entreprise », ce qui a conduit le Conseil de la
concurrence à sanctionner pécuniairement les syndicats pour avoir contrevenu
aux dispositions de l’article 7 de l'ordonnance du le' décembre 1986, par la
mise en oeuvre » suite à l'échec de négociations : « d'une entente ayant
pour objet et pour effet d'entraver le fonctionnement de la concurrence sur le
marché de l'impression de périodiques en interdisant par la force à des
imprimeries de labeur d’accéder à ce marché», la cour d'appel n’a pas tiré les
conséquences légales de ses constatations, en considérant que l'ordonnance du
le' décembre 1986 n'est pas, en l'espèce, applicable aux syndicats en cause du
fait de la constatation d'une atteinte à la concurrence résultant d'une seule «
action ponctuelle de leur part » et, de ce fait, violé encore le texte
susvisé ;
Mais attendu
qu'après avoir relevé que l'article 53 de l'ordonnance du l- décembre 1986, qui
définit le champ d'application de cette dernière, vise les entités qui exercent
une activité de production, de distribution ou de service et admis que tel
pourrait être le cas, notamment, d'une organisation syndicale qui se livrerait
à une activité économique, distincte de sa mission première de défense des
intérêts de ses adhérents, l'arrêt retient qu'en l'espèce, le Conseil de la
concurrence a exclu que les syndicats parties à l'entente incriminée aient une
activité économique sur le marché voisin du placement des travailleurs et
relève qu'aucune activité de cette nature ne leur est imputée sur le marché de
référence ; que les juges en déduisent que ces syndicats n'ont pas la
qualité d'acteurs économiques, même si, par une action ponctuelle, ils ont pu
porter une atteinte à la concurrence ; qu'en l'état de ces constatations
et énonciations, la cour d'appel, qui ne s'est pas fondée sur le caractère
isolé des agissements en cause, mais sur l'absence d'activité économique des
syndicats poursuivis au sens de l'article 53 de l'ordonnance du le, décembre
1986 devenu l'article L.410-1 du Code de commerce, a décidé à bon droit que les
dispositions de l'article L. 420-1 du même Code ne leur étaient pas
applicables ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs
REJETTE le
pourvoi.