Com, 22 janvier 2002, Bull n° 19, N° 98-15-028

 

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Attendu selon l'arrêt attaqué (Orléans, 12 février 1998), qu'après la mise en redressement judi­ciaire de la société Moncontour, dont M. Vincent était le dirigeant, prononcée le 19 janvier 1993, le tribunal de commerce a étendu cette procédure « sous une seule masse commune » au GIE Château de Moncontour (le GIE) et aux SCA Domaine de la Pilonnière, des Grands Domaines et des Niverdières (les SCA) ; que par jugement du 14 décembre 1993, le tribunal a étendu cette procédure à la société Vincent Pestre Inter­national Financier (VPIF), dont Mme Vincent était la gérante, sur le fondement de la confusion des patri­moines ; que M. Vincent a été mis en redressement puis liquidation judiciaires, cette procédure étant éten­due à son épouse ; que M. Demarti, commissaire à (exécution du plan de redressement des sociétés et du GIE composant le groupe Moncontour et M. Villa, représentant des créanciers de ces mêmes personnes morales, ont assigné les époux Vincent en paiement des dettes sociales et pour voir prononcer leur faillite per­sonnelle ; que par jugement du 4 avril 1995, le Tribu­nal a fait droit à ces demandes ; que la cour d'appel, annulant ce jugement, a accueilli les demandes des mandataires de justice ;

 

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches

 

Attendu que les époux Vincent font grief à l'arrêt d'avoir mis à leur charge solidaire une somme de 10 000 000 francs, au titre de (insuffisance d'actif et d'avoir dit que cette décision sera portée à la demande de MM. Villa et Demarti sur l'état des créances de la procédure de liquidation judiciaire, alors, selon le moyen

 

1 ° qu'en application de l'article 50 de la loi du 25 jan­vier 1985 à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au représentant des créan­ciers ; qu'en considérant, pour statuer comme elle a fait, qu'une telle déclaration ne s'imposait pas au passif des dirigeants d'une personne morale eux-mêmes déjà soumis à une procédure collective, à l'occasion de l'exercice d leur encontre de licitation en comblement d'insuffisance d'actif social, pour de prétendues fautes de gestion antérieures à l'ouverture de leur propre redressement et liquidation judi­ciaires ; la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

 

2° que selon l'article 165 du décret du 27 décembre 1985, lorsqu'un dirigeant d'une personne morale est déjà soumis à une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, le montant du passif mis ù la charge de ce dirigeant est déterminé par le Tribunal qui a prononcé le redressement ou la liquidation judiciaire de la personne morale après mise en cause du représentant des créanciers ou du liquidateur désigné dans la procédure ouverte contre le dirigeant et la décision rendue est portée à la demande du mandataire de justice qui a exercé l’action, sur l'état des créances de la procédure de redresse­ment ou la liquidation judiciaire du dirigeant ; qu après avoir établi que les fautes de gestion alléguées à leur encontre étaient antérieures à leur mise en redressement et liquidation judiciaires, en considérant, pour statuer comme elle a fait, que ce texte permettait de déroger aux disposi­tions de l'article 50 de la loi du 25 janvier 1985, selon lesquelles tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement au jugement d'ouverture sont tenus de déclarer leurs créances, la cour d'appel a violé le texte sus­visé ;

 

Mais attendu qu'il résulte de l'article 165 du décret du 27 décembre 1985 que le mandataire de justice, qui exerce une action en paiement des dettes sociales à l'encontre du dirigeant d'une personne morale, déjà soumis à une procédure de redressement ou de liquida­tion judiciaire, fait valoir la créance résultant de cette action par l'inscription de la décision rendue sur l'état des créances de la procédure collective de ce dirigeant ; que l'arrêt, qui retient que l’article précité n'exige pas qu'il soit procédé à une déclaration de créance en pareil cas, n'encourt pas les griefs du moyen ; que celui-ci n'est pas fondé ;

 

Et sur le second moyen, pris en ses deux branches

 

Attendu que les époux Vincent font encore grief à l'arrêt d'avoir prononcé à leur encontre une mesure de faillite personnelle pendant une durée de quinze ans, alors, selon le moyen

 

1° que seul le fait d'avoir tenu une comptabilité fictive ou fait disparaître des documents comptables de la per­sonne morale ou de s être abstenu de tenir toute comptabi­lité conforme aux règles légales, tel que prévu par l'article 182. 5° de la loi du 25 janvier 1985 dans sa rédaction applicable en l'espèce, aurait permis le prononcé de leur faillite personnelle ; qu'en fondant cette condamna­tion sur la circonstance u 'ils n'aurai ent pas fait tenir une comptabilité régulière, ~ cour d’appel n'a pas donné de base legale d sa décision au regard de l’article 188 de la loi du 25 janvier 1985 ;

 

2° qu'en prononçant leur faillite personnelle au motif que seraient caractérisés « lissage des biens et du crédit des sociétés à des fins personnelles et pour favoriser une autre personne morale dans laquelle le dirigeant était intéressé directement, la poursuite d'une activité déficitaire, dans un intérêt personnel qui ne pouvait conduire qu ïz la cessation des paiements de la personne morale », sans préciser le contenu de ces griefi et gui ils visaient de M. Vincent ou de Mme Vincent, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 188 de la loi du 25 jan­vier 1985 ;

 

Mais attendu que loin de se borner, pour prononcer la faillite personnelle des époux Vincent, à retenir l'exis­tence d'une comptabilité irrégulière, la cour d'appel, après avoir constaté que M. Vincent dirigeait les trois SCA et la société Moncontour dont son épouse était administrateur, que le GIE avait pour administra­teurs la société Moncontour et M. Vincent et que la société VPIF était gérée par Mme Vincent, a relevé que depuis plusieurs années avant que n'intervienne le pre­mier jugement de redressement judiciaire, de nom­breuses créances sociales et fiscales n'étaient pas réglées et des factures étaient restées impayées, qu'un bénéfice brut d'environ 2 000 000 francs, réalisé par la société Moncontour, avait été transféré par un jeu de factures et d'écritures au profit de M. Vincent, que les SCA et la société Moncontour s'étaient portées cautions de plu­sieurs prêts consentis à M. Vincent à titre personnel et que la société VPIF avait acquis des biens immobiliers de la société Moncontour et de l'une des SCA, sans jamais avoir réglé le prix ; qu'en l'état de ces constata­tions et appréciations, la cour d'appel a légalement jus­tifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

 

Par ces motifs

 

REJETTE le pourvoi.