Civ I, 29 janvier 2002, Bull n° 27, N° 98-20-155

 

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Sur le moyen unique, pris en ses deux branches

 

Attendu que Mlle Marie-Pierre Barennes a été condamnée par une décision pénale à rembourser à la Caisse d'escompte du Midi (la banque) la somme de 1 175 916,37 francs ; que, par un premier arrêt, la cour d'appel d'Agen a déclaré inopposable à la banque, sur le fondement de l'article 1167 du Code civil, l'acte nota­rié du 22 avril 1987 par lequel Mlle Barennes accordait à ses parents un droit d'usage et d'habitation sur un immeuble lui appartenant ainsi qu'un droit de passage au travers de celui-ci ; que la banque ayant introduit une procédure de saisie immobilière portant sur cet immeuble, Mme Paule-Marie Filsac, épouse Barennes, mère de la débitrice, a assigné la banque pour faire déclarer opposable à tout futur propriétaire de l'im­meuble saisi ses droits viagers ;

 

Attendu que les consorts Filsac-Barennes font grief à l'arrêt attaqué (Agen, 9 juin 1998) d'avoir dit que l'acte notarié du 22 avril 1987 sera inopposable à tout adju­dicataire de l'immeuble dans le cadre de la procédure de saisie-immobilière diligentée par la Caisse d'escompte du Midi, alors, selon le moyen

 

1° que ‘laction exercée par le créancier, seul demandeur d l 'action paulienne, a pour effet de rendre inopposable d lui seul, l'opération effectuée en fraude de ses droits ; qu'en décidant que l'acte du 22 avril 1987 était inopposable non seulement d la Caisse d'escompte du Midi, créancier saisissant, mais également aux adjudicataires de l'im­meuble saisi, la cour d'appel a violé 1 ;article 1167 du

 

2° qu'en estimant qu'il incombait aux consorts Filsac­Barennes de démontrer que le produit de la vente de l im­meuble, grevé des droits réels consentis 7x Mme Paule-Marie Barennes, était susceptible de couvrir le montant de la créance de la Caisse d'escompte du Midi, la cour d appel a inversé la charge de la preuve, qui pesait nécessairement sur la banque, dès lors que c'est cette dernière qui invo­quait une atteinte portée it la valeur de l'immeuble du fait des droits réels dont il était grevé ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d appel a donc violé l'article 1315 du Code civil ;

 

Mais attendu, d'une part, que l'inopposabilité de droits portant sur un immeuble, une fois prononcée, confére au créancier la liberté de poursuivre la vente forcée de l’immeuble, libre de tous droits ; qu'il en résulte nécessairement que l'adjudicataire reçoit, à son tour, l'immeuble libre de ces droits ;

 

Attendu, d'autre part, que la cour d'appel a exacte­ment retenu qu'il incombait aux consorts Filsac­Barennes, qui contestaient le droit du créancier saisis­sant de vendre l’immeuble libre de tous droits réels, de démontrer que la vente de l’immeuble, même grevé de tels droits, était susceptible de couvrir le montant de la créance de la banque ;

 

    D'où il suit qu'en aucune de ses branches, le moyen n'est fondé ;

 

Par ces motifs

 

REJETTE le pourvoi.