Civ I, 29 janvier 2002, Bull n° 31, N° 99-18-184

 

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Sur le moyen unique, pris en sa première branche

 

Vu l'article 1099 du Code civil ;

 

Attendu que les donations déguisées entre époux sont nulles ;

 

Attendu que Philippe de Bailliencourt est décédé le 23 novembre 1993, laissant pour lui succéder ses trois enfants issus d'une première union et son épouse en troisièmes noces Mme Evelyne Bigotte, avec laquelle il s'était remarié le 13 novembre 1993 sous le régime de la séparation des biens, instituée donataire de la plus large quotité disponible entre époux, suivant un acte notarié du 19 novembre 1993 ; que par un deuxième acte notarié du même jour, il avait vendu à son épouse un fonds de commerce d'auto-école et que par un troi­sième acte notarié du même jour, il avait consenti à celle-ci un bail commercial portant sur plusieurs locaux ; que les consorts de Bailliencourt ont assigné Mme veuve de Bailliencourt en partage de la succession et ont demandé que soit prononcée la nullité de la vente et du bail commercial, soutenant que ces opéra­tions constituaient en réalité des donations déguisées ;

 

Attendu que, pour rejeter cette demande, l'arrêt atta­qué retient qu'une donation déguisée peut intervenir sous l'apparence d'une vente lorsque le prix stipulé est dérisoire, qu'en ce cas, le prix étant assimilé à un défaut de prix, il manque au contrat de vente l'un de ses élé­ments constitutifs essentiels, qu'en l'espèce, les prix, même s'ils ont été un peu sous-évalués, ne sont pas dérisoires et que leur insuffisance n'est pas telle qu'elle aboutit à un défaut de prix ;

 

Attendu qu'en se prononçant par un tel motif, qui est inopérant, dès lors qu'elle n'était pas saisie d'une demande en nullité de la vente et du bail pour défaut de prix mais d'une demande en nullité de ces actes pour donation déguisée, la cour d'appel, qui n'a pas constaté l'absence d'intention libérale du défunt, a violé le texte susvisé ;

 

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche

 

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 mars 1999, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai.