Com, 12 mars 2002, Bull n° 51, N° 99-17-234

 

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Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 21 avril 1999), que, pour garantir le paiement des livraisons continues de marchandises de la société Soprofen à son client, la société espagnole Prothy, la Banque de Santander a octroyé à celle-ci un crédit documentaire ; que, sur instruction de cette banque, le Crédit industriel d'Alsace et de Lorraine (le CIAL) a, le 8 mars 1989, transmis à la société Soprofen la lettre de crédit par laquelle la Banque de Santander se portait garante de la société Prothy ; que cet acte prévoyait que le paiement du crédit serait effectué après l'envoi par le CIAL d'un télex par lequel il certifiait être en possession et tenir à la disposition de la Banque de Santander les documents justifiant de la créance ; que cette garantie, consentie pour une durée déterminée, a été renouvelée par plusieurs actes et en dernier lieu par télex du 7 septembre 1992 jusqu'au 7 septembre 1993 ; qu'à la suite d'un courrier du 24 août 1993 reçu le 2 septembre 1993, par lequel la société Soprofen informait, sans joindre aucun document, le CIAL, en prévision de l'échéance de la garantie bancaire, de ce que la société Prothy restait lui devoir une somme, le CIAL, par télécopie du 9 septembre 1993, a transmis cette information à la Banque de Santander en lui demandant d'honorer son engagement ; que la Banque de Santander a rejeté cette demande, parvenue après l'expiration de la garantie, qui ne répondait pas aux conditions de la lettre de crédit ; que, reprochant au CIAL d'avoir méconnu son obligation contractuelle de respecter l'ordre transmis, ce qui aurait provoqué le refus de la Banque de Santander d'honorer sa garantie et l'impossibilité pour la société Soprofen de recouvrer les sommes dont elle demandait le versement, la société Soprofen a judiciairement demandé indemnisation au CIAL ;

 

Sur le premier moyen

 

Attendu que la société Soprofen fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article 14 d) i des Règles et usances uniformes de la Chambre de commerce international relatives aux crédits documentaires, la banque désignée pour apprécier si les documents présentés par le bénéficiaire du crédit à l appui de sa demande de paiement, qui refuse les documents qui lui ont été remis, doit notifier sa décision au remettant par télécommunication ou, si cela n'est pas possible, sans délai par d autres moyens rapides, et cela au plus tard à la fin du septième jour ouvré suivant la réception des documents ; que, par analogie, saisie dune demande assortie d aucun des documents requis, la banque désignée doit aviser sans délai le bénéficiaire de l'irrégularité de sa demande afin de permettre â celui-ci de la régulariser en temps utile ; que, dès lors, en déboutant la SA Soprofen de sa demande, après avoir relevé, dune part, que les obligations contractuelles du CIAL devaient être définies par référence auxdites règles et usances, d'autre part, que le CIAL avait reçu pour mission de la Banque de Santander d'envoyer un télex chiffré par lequel elle certifiait être en possession et tenir â sa disposition un certain nombre de documents énumérés par la lettre de crédit, enfin, qu'aucun document n avait été fourni par la SA Soprofen à l appui de sa demande de paiement en date du 24 août 1992, relue le 2 septembre suivant, sans rechercher si le CIAL, qui avait adressé le 9 septembre, soit deux jours après la date qu'il aurait dû tenir comme pouvant être celle de l'expiration de la garantie, un télex chiffré non assorti des documents à la Banque de Santander, avait avisé la SA Soprofen de l'irrégularité de sa demande de manière à lui permettre de régulariser celle-ci dans le délai imparti, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l article 1383 du Code civil ;

 

Mais attendu que l'arrêt retient que le CIAL qui n'était pas le mandataire de la société Soprofen avait seulement agi comme banque notificatrice pour le compte de la banque émettrice qui lui avait demandé d'être en possession et de tenir à sa disposition divers documents justifiant de la vente passée entre les sociétés concernées ; que l'arrêt retient également que le CIAL avait notifié à la société Soprofen la lettre de crédit accordée par la Banque de Santander à la société Prothy et mentionnant les conditions d'octroi de ce crédit ; que la cour d'appel, qui a admis que le CIAL n'était pas soumis, à l'égard du bénéficiaire du crédit, aux dispositions de l'article 14 des Règles et usances uniformes de la Chambre de commerce international relatives aux crédits documentaires et n'était assujettie qu'à la notification de ce crédit, a justement décidé, sans devoir procéder à la recherche prétendument omise, que le CIAL n'avait manqué à aucune obligation à l'égard de la société Soprofen ; que le moyen n'est pas fondé ;

 

Et sur le second moyen

 

Attendu que la société Soprofen fait grief à l'arrêt d'avoir statué comme il a été dit, alors, selon le moyen, que manque à son obligation d'information et de conseil la banque habituelle du bénéficiaire d'un crédit stand by, par ailleurs chargée par la banque émettrice du crédit de lui adresser les demandes de paiement après avoir collecté les documents exigés par cette dernière, qui, saisie dl ne demande de paiement quelques jours avant l'ex iration de la garantie, n'attire pas l attention de son ent sur la nécessité de lui remettre sans délai lesdits documents ; qu en déboutant la SA Soprofen de sa demande aux seuls motifs qu aucune relation contractuelle n existait entre elle et le CIAL dans le cadre de l'opération de crédit stand by, sans rechercher si le CIAL, dont la SA Soprofen rappelait qu'il était son banquier habituel et dont elle a constaté qu'il avait perfu de sa part une commission, avait avisé sa cliente de la nécessité de régulariser au plus tôt sa demande par la production des documents visés à la lettre de crédit, la cour d appel a privé sa décision de base légale au regard de l article 1382 du Code civil et subsidiairement de l'article 1147 du Code civil ;

 

Mais attendu que la société Soprofen n'a pas soutenu devant la cour d'appel que le CIAL, qui était son banquier habituel, avait manqué à son obligation d'information et de conseil à son égard ; que la cour d'appel n'avait donc pas à effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée ; que le moyen ne peut être accueilli ;

 

Par ces motifs

 

REJETTE le pourvoi.