Droit des sociétés

 

Alain R. Zahlan

LEXCOM – Société d’avocats

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1.                Ce qu’il faut savoir sur les actions de préférence

 

L’ordonnance n°2004-274 du 25 mars 2004 et l’ordonnance n°2004-604 du 24 juin 2004 ont réformé le droit des sociétés en unifiant le régime des valeurs mobilières, dans une optique de souplesse et d’adéquation à la complexité de la vie économique.

 

Parmi ces aménagements figure l’institution d’actions de préférence dont le mécanisme et le régime sont destinés à unifier ceux des valeurs mobilières complexes utilisées jusqu’à présent.

 

L’action de préférence est une catégorie d’actions et qui, comme ces dernières, confèrent à leurs titulaires des droits particuliers. L’article L 228-11 du Code de commerce dispose simplement que ces actions sont avec ou sans droit de vote, assorties de droits particuliers de toute nature, à titre temporaire ou permanent.

 

Il est à prévoir un recours de plus en plus fréquent à ces actions de préférence avec l’objectif de rétablir un équilibre politique et économique dans les sociétés qui se traduit notamment par l’institution de régimes distincts et souples, régulant l’exercice des droits de vote et d’organisation du management (politique) et celui qui donne accès aux dividendes (économique). 

 

Par ailleurs, cette réforme présente l’intérêt de limiter le recours à la SAS au lieu de SA, dès lors que les actions de préférence pourraient représenter une alternative à l’usage de pactes statutaires. En effet, ces derniers, ayant pour principal intérêt de répartir et de réglementer distinctement les pouvoirs politiques et économiques entre les associés, cèderont de plus en plus la place à l’usage d’actions de préférence qui ont vocation de réguler ces aspects mais avec plus de force et de certitude juridiques. 

 

Comme pour tout avantage particulier, les actions de préférence devront être prévues dans les statuts de la société comme toute autre catégorie d’actions, et devront notamment respecter la législation relative aux clauses léonines.

 

Concernant les limitations à la suppression ou à la suspension du droit de vote, là encore, il convient de respecter les limites issues de l’article L 228-11 du Code de commerce qui mentionne que la création d’actions de préférence avec ou sans droit de vote devra être effectuée dans un délai déterminé ou déterminable. Quant aux actions de préférence sans droit de vote, elles ne doivent pas représenter plus de la moitié du capital social (et pas plus d’un quart du capital social des sociétés cotées).

 

L’émission d’actions de préférence se fait par l’assemblée générale extraordinaire sur rapport du commissaire aux comptes (dont le contenu devrait être prochainement fixé par décret), sur rapport du conseil d’administration ou du directoire. Les bénéficiaires ne pourront prendre part au vote. Enfin, la procédure de vérification des avantages particuliers devra être respectée si l’émission est destinée à des actionnaires nommément désignés. Les bénéficiaires desdites actions de préférence sont protégés conformément aux articles  L 225-99 (approbation préalable de l’assemblée spéciale de toute modification des catégories d’actions), L 228-16 (cas de la modification ou de l’amortissement du capital qui nécessite que l’assemblée général détermine les incidences sur les porteurs d’actions de préférence), L 228-17 (cas de la protection des bénéficiaires d’actions de préférence en cas de fusion) et L 228-19 (prévoyant un droit d’information et de contrôle aux porteurs d’actions de préférence).


 

 

La précision des textes nous amène à conclure qu’il sera donc essentiel de veiller au respect scrupuleux des procédures d’émission et aux contingences d’utilisation des actions de préférence. En effet, le non respect des textes est, dans la plupart des cas, sanctionné par la nullité des décisions les ayant créées.

 

 

2.                Ne pas négliger la rédaction d’un acte de vente d’actions et d’une convention de garanties d’actif et de passif

 

Nous savons qu’un transfert d’actions est prouvé par un virement de compte à compte intervenant notamment, par la remise d’un ordre de mouvement. Or, la question s’était posée de savoir si ce virement de titres non accompagné d’un acte de cession s’analysait en une vente ou une donation, les conséquences fiscales étant radicalement différentes.

 

La Cour d’appel de Paris (CA Paris 24 9 2004 n° 03-2406) s’est fondée sur un faisceau d’indices pour retenir la qualification de vente : signature d’un ordre de mouvement, intervention dudit transfert dans le cadre d’une opération plus globale, existence d’une attestation de l’acquéreur précisant qu’il s’agissait bien d’une vente et existence d’une promesse de cession d’actions adossée à un engagement de porte-fort du cédant.

 

En matière de garantie de passif, et dans une autre affaire (CA Versailles 16 9 2004 n° 03-2914) la Cour a récemment confirmé que la garantie d’éviction en vertu des articles 1625 et 1626 du Code civil, ne pouvait être utilisée pour sanctionner le rétablissement du cédant d’une filiale pour exercer une activité concurrente, confirmant la jurisprudence selon laquelle un tel rétablissement est possible s’il est de nature à ne pas empêcher l’acquéreur de poursuivre son activité (Cass. Com. 21-1-1997 n° 154).

 

En conclusion, comme pour les cessions de parts sociales où l’écrit est obligatoire (L 221-14 Code de commerce) et malgré le fait qu’un écrit ne soit pas nécessaire pour constater une cession d’actions (récemment réaffirmé par la Cour d’appel de Paris dans son arrêt du 17 9 2004 n° 03-1599 qui a retenu la qualification de vente de titres par l’échange de courriers non équivoques), il est vivement recommandé, à l’occasion de cessions d’actions, de conclure un acte de cession et une convention de garanties d’actif et de passif adaptés.

 

 

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