par
Valérie ALADINIAN
*
Mémoire de DEA de Droit social
de l’Université de Paris X- Nanterrre
sous la direction de
M. le Professeur A. Lyon-Caen
SOMMAIRE
LES
RÉSEAUX DE SOUS-TRAITANCE ET LE DROIT DU TRAVAIL
PARTIE
1 : L' état du droit positif
Titre
1 - Les salariés du sous-traitant
Chapitre
1 : Les conséquences de la sous-traitance sur les droits des salariés
Chapitre
2 : Les raisons d'une déformation
Chapitre
1 : En principe exclu du droit du travail.
Chapitre
2: Exceptionnellement appréhendé par le droit du travail
Titre
1 : Agir sur la situation du sous-traitant
Chapitre
1 : Le droit face à l'inégalité contractuelle.
Chapitre
2 : Les applications à la sous-traitance
Titre
2 : Agir sur la situation des salariés.
CH1:
Une nouvelle organisation de l'appareil productif.
CH2:
Une nouvelle organisation des relations collectives.
D'après la définition du Conseil économique et social[1], la sous-traitance est une "opération par
laquelle une entreprise, le donneur d'ordre, confie à une autre, le preneur
d'ordre, le soin d'exécuter pour elle et selon un cahier des charges préétabli
un acte de production ou de service dont elle conserve la responsabilité
économique finale".
De prime abord, il paraît paradoxal d'accoler au droit du
travail le terme de sous-traitance: le droit du travail a vocation à régir les
relations salariales et non les relations contractuelles entre deux personnes
juridiquement distinctes. Cependant ce rapport entre la sous-traitance et le
droit du travail doit s'établir: le recours à la sous-traitance, aujourd'hui,
traduit une nouvelle stratégie industrielle des entreprises qui a des
conséquences "négatives" sur l'application des règles du droit du
travail.
Le droit du travail s'est construit à partir de la vision
de la grande entreprise contrôlant un processus productif aussi bien en amont
qu'en aval, c'est-à-dire de la production à la distribution. Or, cette grande
entreprise se fragmente en petites unités[2] afin d'extérioriser une partie de son activité.
Les raisons qui amènent une entreprise à un tel choix
sont de trois ordres:
D'ordre économique: face à la mondialisation des
échanges, les entreprises sont à la recherche de flexibilité et de
compétitivité donc d'une organisation souple de leur activité. Cette souplesse
elles peuvent la trouver dans l'extériorisation d'une partie de leur activité.
Une partie ou la totalité de la production va être ainsi confiée à des
entreprises extérieures. En cas de crise du marché, il sera alors plus facile
de réduire les commandes ou de rompre un rapport commercial plutôt que de
restructurer l'ensemble de l'entreprise. Les effets de la crise seront atténués[3].
D'ordre technique: en se spécialisant sur une activité,
l'entreprise concentre ses investissements sur celle-ci et confie les activités
périphériques, moins rentables à des entreprises extérieures. L'extériorisation
assure ainsi une meilleure organisation de la production ou une meilleure
organisation des compétences.
D'ordre social : les activités les moins rentables pour
l'entreprise sont aussi celles qui sont les plus coûteuses socialement. Les
activités qui nécessitent le plus de main-d'oeuvre seront souvent les premières
à être confiées à une entreprise extérieure. Derrière la décision
d'extérioriser, se cache souvent la volonté pure et simple de réduire les coûts
d'emploi.
Le recours à la sous-traitance aujourd'hui participe à
cette nouvelle organisation. La sous-traitance est une pratique très ancienne,
mais depuis les années soixante-dix elle se développe dans le cadre de cette
nouvelle stratégie industrielle. La sous-traitance de certaines activités
s'inscrit dans le cadre d'une spécialisation irréversible.
L'essaimage révèle cette nouvelle stratégie: l'entreprise
se sépare d'un salarié et lui permet de s'installer à son compte en l'aidant au
démarrage de son activité et en lui fournissant au départ une charge de
travail. L'ancien salarié est devenu juridiquement autonome tout en continuant
à travailler pour son ancien employeur, sous couvert d'un contrat de
sous-traitance. les juges requalifient le contrat de sous-traitance en contrat
de travail lorsque le nouvel entrepreneur n'a pas de réelle autonomie,
hypothèse rare en pratique.
A travers cet éclatement on entrevoit bien la principale
conséquence sur l'organisation productive : l'éclatement de la collectivité de
travail[4]. Le recours à la sous-traitance va permettre de
contourner certaines dispositions du droit du travail, effet souvent recherché
dans cette forme d'extériorisation de l'emploi.
L' éclatement de l'entreprise divise la collectivité
de travail et conduit à une gestion différenciée de l'emploi : les salariés
du donneur d'ordre et les salariés du sous-traitant n'auront pas les mêmes
droits. Bien que participant à un même processus productif, les salariés des
deux entreprises se verront ainsi appliquer des conventions collectives
différentes (les entreprises étant rattachées à des branches d'activité
distinctes)...Peu importe qu'ils travaillent ou non ensemble sur un même lieu
de travail, comme c'est le cas dans la sous-traitance sur site. Les salariés du
sous-traitant sont les perdants de cette gestion différenciée de l'emploi: ils
sont moins bien protégés que ceux du donneur d'ordre.
L'activité de sous-traitance fait naître au sein de la
collectivité de travail une certaine précarité sociale, reflet de la précarité
économique de l'entreprise. Le donneur d'ordres est la partie forte du
contrat de sous-traitance. Les choix du sous-traitant en tant qu'employeur
seront dictés bien souvent par l'évolution de ces rapports contractuels avec
son ou ses donneur(s) d'ordre(s). La rupture d'un contrat de sous-traitance
peut signifier une réduction d'effectifs chez le sous-traitant, voir la mise en
place d'une procédure collective de redressement ou de liquidation judiciaires.
L' application du droit du travail, par le jeu de la
sous-traitance est écartée ou dénaturée. Le droit du travail ne tient pas
compte des relations triangulaires donneur d'ordre - preneur d'ordre -
salariés, son intervention se limite bien souvent à la relation
employeur-salarié.
Le droit peut-il évoluer par lui-même:
"Ces externalités négatives produites par des
acteurs corporatifs d'un nouveau genre", nous obligent à nous interroger
sur les relations juridiques qu'entretient notre système juridique avec son
environnement social. Pour guider ce travail nous nous appuierons sur l'analyse
de G. TEUBNER[5]: le droit est un système autonome au même titre que
les systèmes politique ou économique. La réflexion des spécialistes faisant
évoluer chaque système doit partir des interactions entre les différents
systèmes composant la société. La justice est un "équilibrage juridique
entre la cohérence interne du droit et les différentes rationalités de la
société"[6]. Les juristes face à des changements économiques
remettant en cause ou déformant les règles en vigueur sont tenus de penser à
leur adaptation. Le droit est réflexif: il doit élaborer "les réponses que
l'ordre public doit apporter à l'émergence des nouvelles formes
d'organisation".
Le droit du travail a-t-il fait son temps?[7]
Né du régime capitaliste qui avait besoin d'une
main-d'oeuvre libre et mobile, grandi au travers des luttes ouvrières, le droit
du travail exprime tout à la fois les revendications des travailleurs salariés
et les exigences d'une économie fondée sur l'entreprise privée, et le profit.
Il doit épouser toutes les sinuosités de la conjoncture économique et reflète
l'état des luttes de travail. Il est le garant d'une paix sociale.
L'objet du droit du travail est non seulement de protéger
les travailleurs face aux pouvoirs des entrepreneurs mais aussi de réguler sur
le marché du travail la concurrence entre entreprises. Ses objectifs ne peuvent
être remis en question, des solutions nouvelles doivent émerger.
L'une des premières difficultés d'appréhension du rapport
du droit du travail avec l'organisation en réseau de sous-traitance est la
diversité des relations qui existent dans le monde de la sous-traitance. La
sous-traitance recouvre une multitude de réalités et donc de comportements
entre les différents acteurs qui vont générés des effets plus ou moins négatifs
sur l'application des règles du droit du travail.
La sous-traitance est une opération difficile à saisir:
Les relations entre les
donneurs d'ordres et leurs sous-traitants dépendent de nombreux facteurs: la
taille des entreprises, le nombre de donneurs d'ordres sur un marché donné,
l'activité extériorisée par le donneur d'ordre, jusqu'à l'emplacement
géographique de l'entreprise sous-traitante par rapport à celle donneuse
d'ordre [8]... Toutes ces données vont avoir un impact sur
l'étude des relations salariales dans ce domaine.
Une enquête de Marie-Laure MORIN réalisée pour le
Commissariat général au Plan en 1994 sera notre guide[9]. L'étude a été faite à partir de l'observation de
relations de sous-traitance dans deux secteurs d'activités: l'aéronautique et
le textile-habillement. Le choix de ces deux secteurs permet non seulement d'avoir une vision assez exacte des
différentes configurations de la sous-traitance, mais aussi de dégager deux
relations-types dans les rapports entre le donneur d'ordre et ses
sous-traitants.
Dans les secteurs de haute technologie, tel que
l'aéronautique, les relations de sous-traitance se caractérise par un partenariat.
Ce secteur de haute technologie exige une coopération assez étroite entre le
donneur d'ordre et certains de ses sous-traitants. Ce secteur se caractérise
aussi par le nombre restreint des donneurs d'ordres de taille importante.
Le secteur du textile-habillement, traditionnellement de
main-d'oeuvre est particulièrement instable, gravement touché par la
délocalisation internationale qui rend extrêmement fragiles les relations de
sous-traitance. Ce secteur, au contraire du précédent, est marqué par un nombre
important de P.M.E. qu'on se place du côté des sous-traitants ou celui des
donneurs d'ordres. Le donneur d'ordre extériorise toute l'activité productive
et garde en interne l'activité de conception.
Cette enquête porte principalement sur la sous-traitance
de production et tient peu compte de la sous-traitance dite générale,
prestation de service ou sous-traitance de services généraux qui vise à
extérioriser les activités secondaires du processus productif (gardiennage,
restauration, comptabilité...). Nous suivrons aussi cette démarche, tout en ne
perdant pas de vue que les problèmes entre ces deux formes de sous-traitance
sont très proches: que ce soit dans le cadre d'une sous-traitance externalisée[10] ou sur site[11].
le réseau de sous-traitance: une nouvelle réalité.
Des acteurs d'un nouveau genre émergent du monde
économique, ce sont, selon l'expression de G. TEUBNER[12], des hybrides reposant à la fois sur le contrat et
l'organisation. Organisations industrielles informelles, difficiles à saisir,
elles ressemblent de loin à un groupe de sociétés où les liens patrimoniaux
entre les entreprises seraient remplacés par des liens purement contractuels.
Le dénominateur commun existant entre les différentes entreprises de
l'organisation serait la participation à un même processus productif. Au centre
de cette organisation "toile d'araignée", il y aurait une entreprise
donneuse d'ordre, entité juridique liée exclusivement par des contrats commerciaux
à toutes les entreprises composant l'ensemble du réseau et seule contrôlant la
conception et le développement du produit final du début jusqu'à la fin du
processus. Cette entreprise "centrale" donneuse d'ordre pourrait
ainsi imposer à ses partenaires les conditions de leurs relations[13]. Les relations entre les différents partenaires et
cette entreprise seraient entre des relations dictées par le marché et des
relations purement hiérarchiques.
La relation de sous-traitance dans le cadre d'un réseau
serait donc marquée par une inégalité découlant de ce contrôle du processus
productif par une seule entreprise. Ce qui n'est pas sans nous rappeler
l'existence de relations commerciales marquées par le sceau de l'inégalité ou,
selon une terminologie plus chère aux auteurs, par une dépendance économique[14]. Nous pouvons ainsi rapprocher du contrat de
sous-traitance des contrats tels que le contrat d'intégration agricole ou le
contrat de distribution. Un rapprochement entre ces différents contrats nous
permettrait notamment d'étudier les solutions adoptées par le législateur ou la
jurisprudence pour ces deux types de contrats, essayant de rétablir l'équilibre
des relations, et de voir les transpositions possibles dans le domaine de la
sous-traitance[15]. Cependant, notre étude ne se limite pas à une
approche commercialiste du réseau de sous-traitance: il y a derrière le
sous-traitant des collectifs de salariés qui n'existent pas derrière le
distributeur ou l'agriculteur intégré.
C'est pourquoi il est plus pertinent d'aborder le monde
de la sous-traitance sous l'angle du droit du travail.
Au-delà de la signification même du terme de réseau,
c'est la démarche qui nous retient.
L'utilisation du terme même de réseau est déjà un parti
pris:
c'est non seulement
vouloir observer un phénomène dans toute son ampleur mais c'est déjà aussi une
réponse ou plutôt une orientation.
Le droit du travail ne
tient compte des relations contractuelles existant à l'extérieur de l'entreprise
que peu ou prou. Le réseau suppose une vision des relations interentreprises.
Une vision qui ne procède pas de la branche d'activité mais d'un processus
productif auquel participe plusieurs entreprises de taille et d'activité
différentes.
Le réseau révèle une forme d'organisation stable
(irréversibilité de la spécialisation du donneur d'ordre). La sous-traitance de
courte durée dite de capacité, par nature réversible ne sera prise en compte.
De même ne seront pas étudiées les techniques de mise en place d'un réseau: ce
devoir ne vise pas à trouver les moyens de résorber ce phénomène mais au
contraire les moyens de l'intégrer en tant que nouvelle réalité incontournable.
Cette organisation est déjà très présente dans différents
secteurs d'activité. Les possibilités d'empêcher la mise en place de réseaux de
sous-traitance sont minces et, surtout, la création d'un réseau procède d'une
logique différente de celle du droit du travail et utilise des techniques
légales[16].
Aujourd'hui la sous-traitance s'inscrit dans le cadre
d'une politique de flexibilité de
l'emploi, de la production et des moyens de production. la nouvelle division du
travail qui s'instaure conduit chaque entreprise à se spécialiser sur une
activité ou une spécialité et produit une nouvelle répartition du travail entre
unités fragmentées qui affaiblit fortement l'impact des règles du droit du
travail (Partie 1). Le juriste doit trouver les pistes d'une évolution de sa
matière (Partie 2).
Précision:
La sous-traitance dite de marché ne sera pas étudiée ici,
en ce qu'elle aborde la sous-traitance sous l'angle d'une relation triangulaire
(maître de l'ouvrage, entrepreneur principal, sous-traitant), peu significative
des relations de sous-traitance.
Le droit positif n'aborde la relation de sous-traitance
qu'à travers les rapports contractuels qui en découlent, sans tenir compte des
spécificités qu'une telle relation produit sur les liens d'emploi. Le contrat
de sous-traitance relève du droit civil ou commercial, le droit du travail ne
s'en souciant que peu ou prou.
Or le recours à la sous-traitance réduit comme une
"peau de chagrin" les droits collectifs et individuels des salariés
(Titre 1) et tend à diminuer la part du salariat sur le marché de l'emploi en
privilégiant le recours à la sous-traitance plutôt que l'embauche (Titre 2).
L'étude du droit positif, oblige à examiner le phénomène du réseau de
sous-traitance sous un angle purement bilatéral (relation sous-traitant -
donneur d'ordre ou salariés du sous-traitant et leur employeur).
Certaines dispositions du code du travail ne seront pas
abordées ici: les quelques dispositions concernant des situations de
sous-traitance particulières (telle la sous-traitance de marché) ainsi que les
dispositions encore trop récentes.
S'agissant des premières, il nous paraît impropre de les
étudier dans cette partie car elles ont un champ d'application restreint. Elles
paraissent plutôt des esquisses de solutions possibles pour remédier au
contournement des dispositions du droit du travail pour l'ensemble du monde de
la sous-traitance. Elles montrent cependant que le législateur a eu conscience
des effets néfastes de la sous-traitance sur l'application des règles du droit
du travail.
Quant aux deuxièmes, leur impact sur le monde du travail
est encore trop incertain.
L'organisation en réseau de sous-traitance a pour
objectif une plus grande flexibilité de la structure industrielle, et surtout la baisse des coûts de la
main-d'oeuvre par la déformation des règles du droit du travail à l'intérieur
de l'entreprise sous-traitante (CH 1). Les concepts-clés du droit du travail
sont impropres à saisir les conséquences de cette forme d'extériorisation de
l'emploi (CH 2).
La situation des salariés du sous-traitant ne peut être
examinée qu'à travers la relation de sous-traitance: la présence du donneur
d'ordre, bien que pratiquement inexistante pour le droit du travail, se ressent
dans la relation salariale. Cette présence oblige parfois à une comparaison
pour savoir quelle aurait été la position des salariés s'ils avaient été
directement embauchés par l'entreprise donneuse d'ordre. Nous étudierons les
principaux domaines d'intervention du droit du travail: l'emploi (embauche,
gestion de l'emploi et licenciement), les conditions de travail et enfin la négociation
et la représentation collective.
Pour que cet examen ait un intérêt, le raisonnement doit
partir de relations de sous-traitance licites. L'impact négatif de l'existence
d'un réseau de sous-traitance sur les principaux domaines d'intervention du
droit du travail est un effet recherché, à la limite souvent de la fraude, mais
la mise en place du réseau emprunte des voies, dans la majeure partie des cas,
tout à fait légales.
Il existe un lien certain entre sous-traitance et
créations d'emplois précaires. Les entreprises donneuses d'ordres et
sous-traitantes veulent garder une certaine flexibilité dans la gestion de
l'emploi pour faire face aux fluctuations du marché et limiter leur
responsabilité sur le risque de l'emploi. Ces entreprises ont une véritable
peur d'embaucher.
Le donneur d'ordre préfère recourir à deux formes
d'extériorisation de l'emploi :
Une extériorisation juridique qui privilégie les contrats
à durée déterminée ou les contrats de travail temporaires lors de nouvelles
embauches. Le donneur d'ordre, aujourd'hui, privilégie plus volontiers la
deuxième forme d'extériorisation.
L'extériorisation organisationnelle décharge le donneur
d'ordre de certaines activités en les confiant à des entreprises extérieures.
Le donneur d'ordre transfère par là même la responsabilité d'employeur sur son
cocontractant et restreint ses effectifs à l'intérieur de son entreprise.
L'utilisation de la sous-traitance relève de cette forme d'extériorisation de
l'emploi.
Cette politique d'emploi du donneur d'ordre se répercute
sur celle du sous-traitant.
Face à des fluctuations possibles des commandes de son
client, le sous-traitant, a recours à des contrats de travail à durée
déterminée ou temporaire voir, à une sous-traitance dite de deuxième niveau. Le
contrat à durée déterminée est utilisé pour embaucher à l'essai mais aussi pour
des emplois durables sans tenir compte des restrictions légales existantes. Le
sous-traitant fait appel à l'intérim et à la sous-traitance de deuxième niveau
en cas d'augmentation des charges confiées par le ou les donneur(s) d'ordres.
En outre, avec les contrats à durée déterminée aidés, le sous-traitant
peut baisser le coût de la
main-d'oeuvre.
Chez le sous-traitant, le contrat à durée indéterminée
est souvent réservé à un noyau privilégié, très sélectivement choisi,
correspondant à l'encadrement supérieur de l'entreprise et à ses employés les
plus qualifiés qu'il veut s'attacher.
L'organisation en réseau de sous-traitance génère cette
politique d'embauche : les entreprises qui participent à un même processus
productif doivent garder une grande souplesse dans la gestion de l'emploi pour
supporter les aléas du marché et maintenir des coûts salariaux faibles pour
certaines catégories de travailleurs peu qualifiés.
Le réseau de sous-traitance a donc des conséquences sur
l'emploi que cela soit d'un point de vue quantitatif (les embauches sont
limitées) ou d'un point de vue qualitatif (les sous-traitants ayant plutôt
recours aux emplois dits précaires).
La mise en place du réseau par les entreprises nécessite
des licenciements économiques en nombre important, d'autant plus que les
activités ainsi extériorisées sont celles considérées comme les moins rentables
et surtout les plus coûteuses socialement[17]. La création d'emplois[18] chez les sous-traitants ne compense pas la perte
d'emplois occasionnée par la création du réseau, ceux-ci ayant peur
d'embaucher.
Outre le fait (non négligeable) que les sous-traitants
ont souvent recours aux contrats précaires sans tenir compte des restrictions
légales[19], ces formes d'emploi ont des conséquences multiples
sur l'application du droit du travail malgré l'existence d'un régime juridique
protecteur.
a- Dans les textes, une égalité de traitement et des
compensations
S'agissant du statut du salarié, il convient de souligner
que la loi consacre le principe de non discrimination entre salariés sous
contrats à durée indéterminée à temps plein et les autres salariés.
Ainsi l'article L122-3-3 du code du travail pour les
contrats à durée déterminée dispose que sauf dispositions particulières et
hormis celles gouvernant la rupture du contrat, les dispositions légales, les
conventions collectives et les usages applicables aux salariés liés par un
contrat à durée indéterminée s'appliquent aux salariés liés par un contrat à
durée déterminée.
En matière de travail temporaire, la formulation est
beaucoup moins nette, l'article L. 124-9 du code du travail se contente de
renvoyer, s'agissant des rapports nés du contrat de travail entre
l'entrepreneur de travail temporaire et ses salariés, aux règles de droit
commun du contrat de travail en l'absence de dispositions spécifiques au
travail temporaire.
Les textes du code du travail contiennent également de
nombreuses dispositions soit compensant
la précarité, tels les articles L.122-3-4 (pour le contrat à durée déterminée)
et L.124-4-4 du code du travail prévoyant une indemnité de fin de contrat, soit
protégeant les travailleurs précaires contre les conséquences de la précarité
telles les dispositions prévoyant la participation de ces salariés aux
élections du personnel dans l'entreprise ou leur éligibilité en réduisant les
conditions d'ancienneté.
b- En réalité, un principe
facilement contourné.
Le salarié se voit
atteint aussi bien dans ses droits individuels que dans ses droits collectifs:
L'application du principe d'égalité de traitement est
très facilement contournée:
Toutes les dispositions légales ou conventionnelles qui
posent une condition d'ancienneté du salarié, écartent facilement le jeu de ce
principe: ces contrats sont de courte durée. Il en est ainsi pour les avantages
légaux ou conventionnels telles que la prime d'ancienneté et la participation
aux résultats, les salariés sous contrat à durée déterminée n'en bénéficient
pas.
Dans les entreprises de petite taille, telles que le sont
en majorité les entreprises sous-traitantes, il y a peu de contrats à durée
indéterminée et pour certains types d'emploi il y a un recours systématique aux
contrats à durée déterminée. Le principe d'égalité se voit donc privé
d'efficacité car il existe peu ou prou d'éléments de comparaison entre le
statut du salarié sous contrat à durée indéterminée et le statut du salarié
sous contrat à durée déterminée.
Pour le contrat de travail temporaire, la portée du
principe est d'autant plus limité par le fait qu'en droit l'employeur du
travailleur est l'entreprise de travail temporaire alors que le travail est
exécuté dans l'entreprise de sous-traitance. Il n'y a pas de principe d'égalité
de traitement entre le travailleur temporaire et le salarié de l'entreprise
utilisatrice[20]. Bien qu'ils travaillent dans les mêmes conditions,
sous l'autorité de la même personne, à un poste équivalent, le travailleur
temporaire ne bénéficiera pas des mêmes avantages sociaux que le salarié
"permanent" de l'entreprise utilisatrice.
De même l'assimilation du travailleur précaire à
l'ensemble de la communauté de travail est imparfaite, elle se heurte à la
réalité incontournable du caractère nécessairement temporaire de la relation de
travail. Les travailleurs précaires recherchent une embauche définitive (pour
ceux sous contrats à durée déterminée) ou un nouveau contrat de travail (pour
les intérimaires) avec leur employeur, ils ne prennent donc pas le risque de
les mécontenter, ne bénéficiant pas du régime protecteur du licenciement.
Ainsi, le droit de se présenter aux élections des institutions représentatives
dans l'entreprise qui les emploie paraît être illusoire, et ce d'autant plus
que la durée du mandat représentatif est parfois incompatible avec la durée du
contrat de travail.
L'éclatement de l'entreprise en petites unités
juridiquement distinctes, conséquence de la mise en place du réseau de
sous-traitance, s'accompagne donc de l'éclatement de la collectivité de travail
à l'intérieur même de l'entreprise, les salariés n'ayant pas les mêmes droits
ni les mêmes revendications. Les règles en matière de licenciement ne sont pas
applicables aux salariés sous contrats précaires, la réduction des effectifs dans
l'entreprise est facilitée: il suffit de ne pas reconduire ces contrats.
La mise en place d'un réseau de sous-traitance réduit les
coûts de l'activité du donneur d'ordre: une activité sous-traitée est plus
avantageuse qu'une activité gardée en interne.
Le donneur d'ordre par sa politique de sélection des
sous-traitants les obligent à une gestion très stricte de l'emploi. La taille
de l'entreprise réduit globalement le coût de la main-d'oeuvre. Pour un poste
équivalent, le salarié du sous-traitant est un salarié "meilleur
marché" que le salarié du donneur d'ordre.
La politique salariale suivie par le sous-traitant est
indépendante de celle du donneur d'ordre. Les salaires versés et les avantages
sociaux accordés aux salariés du sous-traitant sont moindres que ceux pratiqués
dans l'entreprise donneuse d'ordre pour des postes équivalents. A cela
plusieurs raisons: la taille et l'activité des entreprises sont ici
déterminants.
1- L'absence d'accord collectif d'entreprise sur les
salaires
Les sous-traitants ne suivent pas les accords salariaux
conclus par les donneurs d'ordres au niveau de leur entreprise. Chez eux, la
tendance générale est à l'individualisation des rémunérations. Les salaires ne
sont pas négociés dans l'entreprise, faute d'interlocuteur syndical .
Les donneurs d'ordres disposent de
moyens plus importants pour satisfaire leurs salariés : leurs accords
collectifs d'entreprise fixent des salaires et des avantages sociaux très
éloignés de ceux prévus par les accords collectifs de branche qui leur sont applicables[21].
Les sous-traitants, eux,
se contentent d'appliquer les minima prévus par les accords collectifs de
branche.
2- La présence d'
accords collectifs de branches différents
Les entreprises
sous-traitantes et les entreprises donneuses d'ordres n'appliquent souvent pas
les mêmes accords collectifs de branche: leurs activités ne relevant pas de la
même branche[22]en raison de la spécialisation des entreprises dans
le cadre du réseau .
1- La politique du sous-traitant
a) Une seule priorité : la réduction des coûts
Bien que la loi du 31 décembre 1991[23] a tenté de réduire les disparités en matière de
formation entre les petites et les grandes entreprises, la taille de l'unité de
production reste un facteur de discrimination entre les salariés. D'autant plus
que dans le cadre d'un réseau, les sous-traitants sont tenus de réduire leurs
coûts pour voir leurs contrats de sous-traitance reconduits: la fin du contrat
de sous-traitance (lorsqu'il existe), les remet en concurrence avec les autres
entreprises. Le donneur d'ordre privilégie ceux qui leur proposent les prix les
plus bas, surtout lorsque le produit ne requiert pas une certaine qualité. La
priorité des sous-traitants n'est donc pas la qualification et la formation de
ses salariés.
b) L'exception dans
le cadre des relations de partenariat
Dans le cadre de relations stables entre le donneur
d'ordre et le sous-traitant, telles qu'il en existe dans les secteurs de haute
technologie, la qualification et la formation des salariés est une priorité
pour les sous-traitants. Le donneur d'ordres confie à son cocontractant des
activités exigeant une qualité du produit importante.
"Les politiques de formation sont les plus
développées dans les entreprises sous-traitantes organisées pour produire des
produits de qualité et réalisant plus du quart de leur chiffre d'affaires avec
un même client"[24].
L'évolution des relations entre ces partenaires dépend
des efforts du sous-traitant dans ce domaine. Les sous-traitants s'engagent
ainsi dans des procédures d'obtention de certification qualité, soutenus en
cela par les pouvoirs publics et les organisations professionnelles. Ils sont
donc poussés à augmenter la qualification de leur personnel. Dans la
sous-traitance sur site, il y a en plus des exigences de formations particulières
liées aux questions d'hygiène et sécurité.
Le donneur d'ordre intervient parfois dans la formation
du personnel du sous-traitant, au début de l'exécution d'un contrat de
sous-traitance. Cette formation, gratuite, figure en annexe du contrat de
sous-traitance.
Les activités systématiquement extériorisées sont les
activités nécessitant le plus de main-d'oeuvre, et de main d'oeuvre très peu
qualifiée. Fragilisée dans le cadre d'un réseau de sous-traitance subissant de
plein fouet les à-coups de la conjoncture, cette main-d'oeuvre a besoin de
s'adapter aux demandes des entreprises sur le marché de l'emploi.
Or les petites entreprises ne peuvent soutenir une
politique de formation et de qualification importante si elles ne sont pas
soutenues en cela par les donneurs d'ordres ou les pouvoirs publics.
Le risque est celui d'une
inégalité de plus en plus choquante entre les salariés[25] qualifiés et sous contrats à durée indéterminée, et
les autres.
En cas de difficultés économiques, l'ensemble du réseau
de sous-traitance va être touché par des restructurations. La crise du marché
se répercute sur le réseau de sous-traitance par un "effet accordéon"[26]: tous les maillons de la chaîne de sous-traitance
vont subir le choc. Chaque entreprise adapte l'emploi en fonction de ses ordres
et de sa spécialité. La nature des liens contractuels existant entre le donneur
d'ordre et le sous-traitant détermineront l'avenir de l'entreprise
sous-traitante:
En présence de liens stables[27], le donneur d'ordre maintiendra la relation avec son
cocontractant, il baissera les charges confiées et préférera procéder lui-même
à des licenciements économiques afin de maintenir son réseau de sous-traitance.
L'entreprise sous-traitante réduira ses effectifs sans que sa survie ne soit
remise en question.
Par contre, en l'absence de liens stables, la baisse
d'activités conduit à la rupture des relations avec le donneur d'ordre. Les
effets sur l'emploi dépendront donc de la dépendance économique du
sous-traitant par rapport à son donneur d'ordre. Si la dépendance est trop forte,
le sous-traitant devra subir une procédure de redressement ou de liquidation
judiciaires.
Dans les deux cas, la baisse ou le rapatriement des
charges entraînera parfois la réduction des effectifs par des licenciements
pour motif économique (le sous-traitant ne renouvellera pas tout d'abord les
contrats des salariés sous contrats à durée déterminée ou temporaires). Les
conséquences du réseau de sous-traitance a là encore des effets négatifs sur
l'application des règles du droit du travail en matière de rupture du contrat
de travail.
D'un point de vue pratique, le sous-traitant pourra très
facilement contourner la législation en matière de licenciement pour motif
économique pour réduire ses effectifs. Il suffit de ne pas reconduire les
contrats à durée déterminée et/ou de licencier pour motif personnel un nombre
restreint de salariés (la fraude est facilité dans le cadre d'une petite
entreprise).
D'un point de vue juridique, la procédure de licenciement
pour motif économique sera réduite. Les mesures d'accompagnement risquent fort
d'être écartées: les entreprises sous-traitantes, petites unités, font
l'économie d'un plan social et ne
peuvent assurer le reclassement des salariés qui font l'objet d'une procédure
de licenciement pour motif économique.
La taille de l'entreprise a ici un effet particulièrement
discriminatoire lorsque s'ajoute l'absence de représentants du personnel dans
l'entreprise[28], la procédure de consultation du comité d'entreprise
est alors écartée. De même, l'employeur échappe à tout contrôle de
l'administration dans le cadre de petits licenciements. Or, dans les petites
entreprises sous-traitantes, les licenciements pour motif économique concernent
moins de dix salariés. Ainsi, l'employeur retrouve une plus grande liberté
d'action.
La mise en place d'un réseau permet surtout à
l'entreprise donneuse d'ordre de ne plus supporter la responsabilité des
risques de l'emploi.
Le sous-traitant est le seul employeur, lui seul prend la
décision de réduire ses effectifs et de licencier, le donneur d'ordre
n'intervient pas dans la procédure de licenciement, bien qu'il soit à l'origine
des licenciements pour motif économique. Cette cause indirecte des
licenciements échappe à l' examen par les juridictions puisqu'elle relève de
relations commerciales[29].
Cela paraît d'autant plus choquant que pour les
entreprises les plus fragiles, le rapatriement des charges aboutit bien souvent
à un dépôt de bilan. Les salariés, sauf dans des configurations de
sous-traitance bien particulières[30], ne peuvent pas agir en paiement de leurs salaires:
ils ne dispose pas d'un privilège sur les sommes dues par le donneur d'ordres ni
d'actions directes contre lui.
Le donneur d'ordre considère l'opération de
sous-traitance comme une opération industrielle. Il ne s'estime donc pas
responsable des problèmes d'emploi du sous-traitant.
Il est juridiquement et pratiquement impossible d'impliquer
le donneur d'ordre dans la procédure de licenciement.
Il est impossible de mettre à la charge du donneur
d'ordre une obligation de reclassement:
Impossibilités
juridiques:
La jurisprudence a crée l'obligation de reclassement dans
le cadre d'entreprises de plusieurs établissements ou membres d'un groupe. Mais
elle est le corollaire de la solidarité qui unit les sociétés du groupe: le
salarié d'une entreprise membre peut être déplacé dans toutes les sociétés
composants le groupe. La cause juridique du droit au reclassement est cette
mobilité du personnel. La sous-traitance non seulement n'implique pas
l'existence d'une structure de groupe entre le donneur d'ordre et le
sous-traitant[31], mais n'entraîne pas d'échanges de personnel entre
les deux cocontractants.
Il arrive que le sous-traitant ait plusieurs donneurs
d'ordres, il parait alors difficile d' imposer à ces derniers le reclassement
des salariés du sous-traitant.
Impossibilité pratique:
La spécialisation de chaque unité appartenant au réseau
de sous-traitance rendrait de toute façon encore plus improbable la possibilité
de trouver des postes équivalents aux salariés. De plus quand le donneur
d'ordre procède lui-même à des licenciements, il serait difficile de lui
imposer le reclassement des salariés de son sous-traitant alors qu'il n'a pu le
faire pour ses propres salariés.
Face au rapatriement des charges par le donneur d'ordre,
une autre solution est envisageable: maintenir les contrats de travail des
salariés des sous-traitants en ayant recours à l'alinéa 2 de l'article L.122-12
du Code du travail: lors d'un transfert d'entreprise, "les contrats de
travail en cours subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise".
Cet article vise à maintenir la stabilité de l'emploi
face à la mobilité de l'appareil productif. L'application de cet article
requiert une modification dans la situation juridique de l'employeur. Cette
modification peut s'opérer selon différentes modalités, l'énumération de
l'article n'étant pas limitative. La jurisprudence a dû circonscrire son
domaine d'application.
Conçu à l'origine pour répondre à la mobilité du capital,
la jurisprudence l'utilise pour des transferts de marché, ce qui permet de
tenir compte des relations conventionnelles entre les entreprises. Ainsi,
depuis 1990 l'alinéa 2 de l'article L.122-12 du code du travail trouve
application même en l'absence de lien de droit entre les employeurs successifs,
dès lors qu'il y a "transfert d'une entité économique conservant son
identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise"[32].
Peut-on alors envisager que les salariés du
sous-traitant, affectés à une activité reprise en interne ou confiée à une
nouvelle entreprise par le donneur d'ordre, puissent bénéficier de l'article
L.122-12 alinéa 2 et donc trouver un nouvel employeur en la personne du donneur
d'ordre ou de son nouveau cocontractant?
Pour répondre à cette
question, il nous faut nous pencher sur la définition jurisprudentielle du
transfert d'entreprise.
La jurisprudence définit l'entité économique comme un
ensemble de moyens matériels et humains, constituant une unité, mise en oeuvre
pour produire des biens et des services. Il en découle que le transfert ne doit
pas concerner uniquement l'activité sous-traitée mais également le matériel
nécessaire à son exécution ainsi que le personnel qui y est affecté.
C'est seulement lorsque les moyens d'exploitation sont
transférés tout en conservant leur destination que l'entité économique conserve
son identité[33]. Ainsi, les juges ont rejeté l'application de
l'article L.122-12 alinéa 2 dans le
cadre d'un contrat d'entreprise liant une grande surface avec une entreprise de
nettoyage[34]. Cela restreint beaucoup les possibilités de mettre
en oeuvre une substitution d'employeur en cas de rapatriement des charges par
le donneur d'ordre. Cela implique le sous-traitant exécute le travail à l'aide
de moyens matériels fournis par le donneur d'ordre: lors de la rupture du
rapport de sous-traitance, celui-ci rapatriera également les équipements
nécessaires à l'exécution de l'activité extériorisée.
De même, pour bénéficier du maintien de leur contrat de
travail, les salariés doivent avoir été exclusivement affectés à l'activité
transférée[35]. Cette condition est remplie dans le cadre de la
sous-traitance sur site ou lorsque le sous-traitant n'a qu'un seul donneur
d'ordre. Il existe, en effet, le plus souvent une confusion des travaux confiés
en cas de pluralité de donneurs d'ordres. Un salarié est rarement affecté à
l'accomplissement d'un travail pour un donneur d'ordre particulier: la
répartition des tâches se fait non pas en fonction des différents contrats de
sous-traitance, mais en fonction du poste occupé par chaque salarié.
L'article L.122-12 du Code du travail permet le
changement d'employeur en cas de transfert partiel de l'entreprise. Lorsqu'une
entreprise confie une partie de son activité à une entreprise extérieure, les
salariés affectées à l'activité ainsi extériorisée trouvent un nouvel employeur
en la personne du sous-traitant[36].
Cette jurisprudence accompagne le mouvement de
spécialisations productives au sein d'entreprises différentes, plus qu'elle ne
reconstitue l'unité de l'entreprise autour d'une activité principale unique
tendant à la réalisation d'un même produit. La jurisprudence portant sur
l'alinéa 2 de l'article L.122-12 se prononce pour une conception de
l'entreprise organisation, plus que de l'entreprise activité.
Le sous-traitant est responsable des moyens à mettre en
oeuvre pour répondre aux exigences du donneur d'ordre et donc de l'organisation
du travail. Le sous-traitant, que cela soit en sous-traitance externe ou en
sous-traitance sur site, dirige son personnel, il est par conséquent le seul
responsable de l'application des règles en matière de conditions de travail.
Cependant, dans ces deux formes de sous-traitance les
problèmes d'application de ces règles ne sont pas les mêmes.
L'organisation du travail doit répondre à des exigences
de délais de livraison stricts. Les solutions adoptées par les sous-traitants
leur permettent de gérer les variations de production avec le strict effectif
nécessaire: ils utilisent massivement les heures supplémentaires récupérées par
la suite. Cette utilisation est souvent en dehors de la légalité: faute de
présence syndicale dans les entreprises, les possibilités de modulation du
temps de travail ne sont pas négociées et ne tiennent pas compte des possibilités
ouvertes par les accords de branche applicables. C'est à cette carence que la
loi du 12/11/1996 reprenant l'Accord professionnel du 31 octobre 1995 tente de
répondre, en donnant la possibilité aux entreprises dépourvues de délégués du
personnel de négocier.
Dans cette forme de sous-traitance, les salariés du
sous-traitant travaillent sur le même site que ceux du donneur d'ordre. Cette
sous-traitance nécessite une coordination très étroite entre les activités du
donneur d'ordre et du ou des sous-traitants travaillant dans les mêmes locaux
ou sur le même chantier. En matière d'organisation du travail, le sous-traitant
reste en principe libre, mais il est en réalité obligé de respecter les horaires
de travail pratiqués par le donneur d'ordre, et se doit d'appliquer le
règlement intérieur de ce dernier dans son ensemble à ses salariés[37]. Il reste libre cependant en matière de sanctions
disciplinaires.
L'interférence des activités ne rend pas pour autant le
donneur d'ordre responsable de l'application des règles en matière de
conditions de travail, le donneur d'ordre ne dirige pas la main-d'oeuvre de son
sous-traitant. L'article L124-4-6 du code du travail ne s'applique que dans le
cadre du travail temporaire: l'utilisateur est responsable des conditions
d'exécution du travail. Le donneur d'ordre ne peut être considéré comme
utilisateur de la main-d'oeuvre du sous-traitant au sens de cet article. La
sous-traitance ne se concrétise pas par un transfert du pouvoir de direction de
l'employeur juridique vers le donneur d'ordre, transfert qui se réalise dans le
cadre du travail temporaire ou du prêt de main-d'oeuvre licite.
Cette exception se trouve dans le cadre des règles
d'ordre public absolu en matière d'hygiène et sécurité. Les employeurs sous-traitants restent responsables des
manquements aux dispositions en la matière concernant leur personnel: ils
dirigent leurs salariés et sont donc les seuls capables de leur imposer le port
de certaines protections. Mais dans ce domaine apparaît la possibilité
d'impliquer la responsabilité du donneur d'ordre pour deux types de manquement
à des obligations légales:
Le décret du 20/2/1992 tient compte de la coordination et
des interférences des activités qu'implique la sous-traitance et en tire
les conséquences: il existe un véritable partage des responsabilités
entre les différents chefs d'entreprise présents sur un même site. L'alinéa 2
de l'article L.230-2 prévoit une coopération entre les différents
employeurs pour la mise en place des mesures relatives à l'hygiène, à la
sécurité et à la santé. Le chef de l'entreprise utilisatrice est chargé par
l'article R.237-2 du code du travail, d'assurer la coordination générale.
Le seul critère d'application posé par les textes est le
fait pour les travailleurs de plusieurs entreprises d'être présents sur
un même lieu de travail, ce qui exclut toute nécessité d'un lien de droit
entre les entreprises concernées.
Ce devoir se concrétise par une obligation d'alerter le
chef d'entreprise extérieure en cas de danger grave concernant un
salarié de cette entreprise (article R.237-2 alinéa 3 du code du travail) et
par l'obligation de "s'assurer auprès des chefs des entreprises
extérieures que les mesures décidées sont exécutées" (article
R.237-12 du code du travail).
On peut constater une véritable carence de la
représentation collective dans les entreprises sous-traitantes liée à plusieurs
facteurs. Carence entraînant un vide conventionnel dans ces entreprises malgré
l'existence de solutions législatives et jurisprudentielles qui ne sont pas
exploitées ou pas exploitables dans le cadre du réseau de sous-traitance.
1- L'effet de taille des entreprises
Le facteur taille joue un rôle important dans les
différences de pratiques en matière de représentation des salariés et de
négociation. L'article L.412-11, permet de nommer un délégué du personnel comme
délégué syndical reste sans incidence dans les P.M.E..
Notre système de relations professionnelles est basé sur
des seuils d'effectifs dans les entreprises entraînant une distinction entre
petites P.M.E. (moins de 50 salariés) et grandes P.M.E. (plus de 50 salariés).
Les entreprises de moins de 50 salariés pratiquent
généralement une régularisation minimale vis-à-vis de la législation. Leurs
dirigeants craignent une usurpation partielle de leurs prérogatives patronales
et les risques de dérapage financier engendrés non par le fonctionnement des
institutions représentatives, mais plutôt par les revendications qu'elles
peuvent faire émerger.
Les employeurs préfèrent un dialogue direct et informel
avec leurs salariés, ils ne voient pas de nécessité à la présence de
représentants du personnel dans leur entreprise. Ils organisent, toutefois des
assemblées générales du personnel de l'entreprise, mais L'employeur conserve le
pouvoir d'attribuer des gratifications . Les salariés travaillant dans un
contexte de crise de l'emploi, sensibles aux pressions parfois délictueuses de
leur employeur, ne peuvent ou ne veulent réclamer des représentants à celui-ci.
Le droit de grève voit sa portée réduite: la précarisation des emplois, le
contact direct avec l'employeur et l'absence de représentants du personnel
rendent beaucoup plus difficile l'exercice de ce droit constitutionnel.
Dans les entreprises de plus de 50 salariés c'est
l'absence de délégués syndicaux qui fait le plus défaut. Le plus souvent les
instances représentatives élues fonctionnent effectivement. Mais la gestion
individualisée du personnel et les initiatives de l'employeur en matière de
réunion collective rendent difficile l'exercice de la fonction de délégué du
personnel, dont le rôle s'efface généralement au profit du comité d'entreprise.
Cette dernière instance apparaît alors comme le lieu principal de la
"négociation collective" atypique, faute de salariés qui se sentent
impliqués pour mettre en place une représentation syndicale dans l'entreprise.
Bien souvent les dirigeants font des appels à la candidature pour les élections
des représentants du personnel.
Il en ressort que les dirigeants des P.M.E. veulent
garder une totale maîtrise de leur pouvoir d'organisation: le comité
d'entreprise lorsqu'il existe, est un lieu où le dirigeant transmet ses
"messages" économiques. L'absence de représentation syndicale dans
l'entreprise empêche la signature de conventions et d'accords collectifs
d'entreprise. L'adaptation des statuts des salariés aux contraintes de
l'entreprise se fait alors souvent dans le sens d'une plus grande
individualisation.
En outre, l'absence de représentation syndicale chez les
petits sous-traitants opère une coupure avec les organisations syndicales de
branche.
2- L'éclatement de la collectivité de travail
L'utilisation de la sous-traitance éclate le collectif
humain. Les statuts se multiplient pour les salariés affectés à un même
processus de production. Deux raisons à l'éclatement: la multiplication des
unités de production juridiquement distinctes et la "flexibilisation"
de la main-d'oeuvre, aboutissant à la marginalisation de catégories entières de
travailleurs[38]. La rupture de la collectivité de travail entraîne
un affaiblissement des solidarités collectives.
La notion d'effectif disparaît. Sur un même site, une
dizaine d'entreprises différentes travaillent, mais si on regarde de plus près
chaque salarié est dirigé par son employeur ou une maîtrise de son employeur.
Les liaisons entre les collectivités de travail du donneur d'ordre et des
sous-traitants s'établissent difficilement. L'éclatement produit par la
sous-traitance reporte les problèmes d'emploi sur les sous-traitants.
Le code du travail permet aux salariés du ou des
sous-traitants d'avoir des représentants communs avec ceux du donneur d'ordre
lorsque les entreprises sont situées dans une même zone géographique ou
lorsqu'elles travaillent sur un même site.
Dans le cadre de zones locales de sous-traitance, le code
du travail permet la représentation de salariés travaillant dans une même zone
géographique. Mais ce sont des ressources inexploitées:
Les articles L132-30 et L421-1 du code du travail offrent
la possibilité de conclure des accords collectifs prévoyant le regroupement
d'entreprises de moins de cinquante salariés afin de créer de commissions
paritaires ou à une représentation du personnel de ces entreprises par
l'élection ou la nomination de délégués de site. Ces dispositions de la loi du
25 juillet 1985 n'ont eu aucun impact dans la représentation au niveau local
faute certainement d'une dynamique émanant des syndicats, trop centrés sur les institutions
classiques de représentation du personnel.
2- Le regroupement d'entreprises.
La jurisprudence a ouvert la possibilité de créer une
représentation commune à plusieurs entreprises, permettant notamment une
représentation dans de petites entreprises en les regroupant . Cette
jurisprudence repose sur l'idée que les personnels de plusieurs entreprises
juridiquement distinctes[39] , mais liées financièrement entre elles, constituent
socialement une seule communauté de travail avec des intérêts semblables. La
mise en place d'une représentation commune repose sur la reconnaissance d'une
unité économique et sociale ou d'un groupe.
a) L'unité économique et sociale.
La notion d'unité économique et sociale, créée par la
jurisprudence pour permettre l'adaptation des institutions représentatives du
personnel aux dimensions nouvelles de l'entreprise, a été introduite dans le
code du travail par la loi du 28 octobre 1982 à l'article L.431-1 alinéa 6.
L'unité économique et sociale concerne la mise en place du comité d'entreprise,
des délégués du personnel et la désignation des délégués syndicaux communs à
plusieurs entreprises juridiquement distinctes. Cette notion n'est cependant
pas apte à saisir l'organisation en réseau de sous-traitance.
La reconnaissance d'une unité économique et sociale
suppose l'existence de liens économiques, mais aussi une communauté de
travailleurs et une unité de direction. Depuis un arrêt du 3 mars 1988, la Cour
de cassation exige trois éléments constitutifs de l'unité économique et
sociale: l'identité et la complémentarité des activités, la concentration entre
les mêmes mains du pouvoir de direction et la communauté des travailleurs. Si
dans le cadre des rapports de sous-traitance le premier existe nécessairement,
il n'en va pas de même pour les deux autres.
-L'absence d'unité
économique:
Le réseau de sous-traitance ne suppose pas de liens
hiérarchiques entre les partenaires. Le donneur d'ordre a parfois des
participations dans le capital de certains de ses sous-traitants mais ces
participations sont trop faibles qu'un contrôle s'exerce sur leur activité. Le
donneur d'ordre veut maintenir l'autonomie de ses cocontractants. Le pouvoir de
direction bicéphale dans le rapport de sous-traitance est illusoire, empêchant la reconnaissance de
l'unité économique et sociale[40].
- L'absence d'unité
sociale:
L'unité sociale[41] est révélée par une communauté formée par le
personnel . Elle se manifeste notamment par l'identité des conditions de
travail et des locaux, la similitude de gestion des situations individuelles et
des oeuvres sociales ou la permutabilité des salariés. Cette communauté ne se
retrouve évidemment pas dans la sous-traitance externe. Dans la sous-traitance
sur site, malgré l'imbrication organisationnelle très poussée du travail, le
personnel n'a pas de statut commun.
La sous-traitance conduit à une division réelle du
travail dans une logique de métier tout à fait différente de la logique de
produit autour de laquelle l'entreprise donneuse d'ordre s'est bâti à
l'origine. Elle amène à la scission économique, juridique et sociale de
l'entreprise.
La création du comité de groupe (article L.439-1 du code
du travail) n'a pas pour la mise en place d'une représentation du personnel au
niveau d'une unité économique et sociale. Aux termes de la loi du 28 octobre
1982, le comité de groupe permet aux représentants des comités d'entreprise des
diverses entreprises du groupe de recevoir des informations de l'autorité
responsable de la stratégie du groupe. Cette institution n'a donc pas été crée
comme une structure de décision mais comme une structure d'information économique
pour les instances représentatives du personnel. Au regard de cette finalité,
la mise en place d'une telle institution dans le cadre de "relations d'
affaires" n'est pas opportune. L'absence de structure de groupe empêche de
toute façon sa création.
La taille des entreprises sous-traitantes et l'éclatement
de la structure de l'entreprise dans le cadre du réseau de sous-traitance
entrave la négociation collective à ce niveau. Les accords collectifs de
branche fixent le plus souvent les droits accordés, en dehors de la loi, aux
salariés des sous-traitants .
Notre structure de négociation collective repose
essentiellement sur la négociation professionnelle de branche. Elle avait à l'origine
pour objectif l'organisation de la concurrence sur le marché du travail autour
d'une même activité économique ou d'activités similaires sur le marché des
produits et l' harmonisation des statuts des salariés. Le réseau de
sous-traitance détourne partiellement ces objectifs.
La négociation collective définit des règles minimales de
travail applicables à des entreprises dont l'activité économique est semblable.
Elle ne saisit pas directement les relations entre les entreprises participant
à un même processus productif.
"Notre structure de négociation collective s'est
construite autour du marché des produits alors que la sous-traitance repose en
partie sur une spécialisation professionnelle autour de métiers ou d'activités
qu'elle contribue à différenciée" (Marie-Laure Morin 1995 Travail et
emploi n°60).
La convention collective de branche n'est pas adaptée
pour répondre aux problèmes posés par la mise en place d'un réseau de
sous-traitance. Les règles régissant son élaboration, son applicabilité et son
application effective ne répondent pas voir renforcent les différences de
traitement qui existent entre les salariés du sous-traitant et ceux du donneur
d'ordre.
La représentation dans les branches d'activité ne tient
pas compte des intérêts particuliers des sous-traitants par rapport à ceux des
donneurs d'ordre. Il est difficile de saisir dans la négociation collective de
branche les relations de travail très différentes dans les grandes et les
petites entreprises. Les chartes de sous-traitance ou les codes de conduite
destinées à moraliser ou stabiliser les relations de sous-traitance, sont
élaborés indépendamment de la
négociation sociale, dans une optique purement bilatérale donneur d'ordre /
sous-traitant.
Ces chartes n'ont aucun
effet contraignant et n'abordent pas les problèmes de politique et de gestion
de l'emploi.
En ne tenant pas compte des intérêts spécifiques des
sous-traitants, la négociation collective de branche risque de ne plus aboutir
à la signature d'un accord ou d'une convention collective de branche. Dans les
branches, comme celle des industries du caoutchouc, les donneurs d'ordres (de
taille importante) sont prêts à accorder des avantages supplémentaires aux
salariés alors que leurs sous-traitants refusent la signature d'un nouvel
accord.
Lorsque les
sous-traitants et les donneurs d'ordres appartiennent à la même branche, les
sous-traitants freinent la signature d'un accord faute de moyens de financer une
politique sociale plus coûteuse. La négociation collective de branche ne prend
pas en compte les disparités des relations professionnelles entre grandes et
petites entreprises.
Le découpage des branches
professionnelles:
La définition des branches varie. Du contour des branches
dépend le regroupement des activités économiques au sein des organisations
patronales. Il constitue un enjeu permanent. Les logiques professionnelles ou
territoriales présidant à ce regroupement diffèrent:
Certaines branches de taille restreinte, construites
autour d'un seul secteur d'activité, voir autour d'un même métier, sont gérées
au niveau national, mais parfois à un niveau purement local. D'autres, au
contraire, sont de vastes regroupements plurisectoriels comme la métallurgie,
construites autour d'un contrôle des marchés locaux du travail dans le cadre de
négociations salariales territoriales. Une grande dispersion marque l'ensemble.
Ce découpage des branches
entre en compte dans le choix de sous-traiter.
Dans le cadre de la convention collective applicable aux
donneurs d'ordres, la difficulté de gérer les carrières de salariés occupés à
des tâches qui ne relèvent pas de son activité principale ou de son métier
dicte le choix d'extérioriser certaines fonctions. Cette extériorisation auprès
d'entreprises rattachés à une autre convention collective procède donc très
directement de la volonté de contourner les règles conventionnelles plus
favorables aux salariés en jouant sur le rattachement du donneur d'ordres et de
ses sous-traitants à des secteurs d'activités différents .
A l'intérieur d'une même branche, la superposition de
conventions collectives territoriales différentes accroît la concurrence entre
les entreprises, alors que la négociation a notamment pour objectif de les
uniformiser. Les conséquences de l'application de conventions ou d'accords
collectifs de branche différents sur les entreprises sous-traitantes, peuvent être
alors très néfastes.
La négociation collective de branche agit sur l'avenir
des entreprises sous-traitantes, par ses conséquences sur le coût de la
main-d'oeuvre des sous-traitants et donc sur les prix proposés aux donneurs
d'ordres, un élément déterminant de sélection des sous-traitants. Aujourd'hui,
le marché de la sous-traitance n'est plus seulement un marché local mais
nationale voire internationale.
La gestion de la négociation collective au niveau
territorial dans une même branche, modifie de façon importante le jeu de la
concurrence entre les sous-traitants, ainsi les taux de salaires ou des
avantages sociaux différents, comme dans la métallurgie.
Lorsqu'un accord collectif de branche renchérit le coût
de la main d'oeuvre d' un sous-traitant que pour d'autres sous-traitants
relevant d'un autre accord collectif, il pourra se trouver évincé par les
donneurs d'ordres au profit de ces derniers mêmes moins qualifiés. Non
seulement cela fausse le jeu de la concurrence entre les entreprises sous-traitantes
mais cela peut aussi avoir des conséquences négatives sur leur qualification.
Les structures de la négociation collective construites
autour de la notion de branche professionnelle, sont inadaptées pour répondre
aux problèmes liés à la sous-traitance.
Soit la gestion territoriale des accords collectifs ne
correspond plus au développement de la sous-traitance qui fait appel à un
réseau local mais aussi à des réseaux plus larges avec mise en concurrence
systématique y compris au niveau international, brisant l'unité de convention
pour un même processus productif.
Soit la spécialisation productive s'accompagne de
l'application de conventions collectives différentes, contribuant à renforcer
la dispersion de notre système conventionnel. L'éclatement du collectif de
travail de l'entreprise rompt l'unité de convention.
La négociation collective uniformisant les statuts entre
les salariés, serait le moyen pour appréhender les problèmes nés dans le cadre
d'un réseau de sous-traitance. Mais, cet outil est inadapté pour saisir le
réseau.
Le droit du travail appréhende le lien juridique d'emploi
à l'intérieur de l'entreprise. Il n'a qu'une faible prise sur les conséquences
de la sous-traitance sur l'emploi. Pourtant ce concept a déjà évolué pour
saisir des situations où l'autonomie juridique de l'employeur cachait un autre
personnage.
L'effet de taille en
droit du travail est très (et trop) important.
Bien que la taille de l'entreprise sous-traitante soit
variable (elle va de l'entreprise sans salarié à l'entreprise de grande
taille), on peut toutefois considérer, bien qu'aucune enquête n'a été faite à
ce sujet, que les entreprises sous-traitantes sont généralement des P.M.E..
Cela découle des méthodes utilisées pour mettre en place un réseau (essaimage)
ou de la politique de sélection des sous-traitants par les donneurs d'ordres.
Les sous-traitants sélectionnés doivent être souples et pratiqués les prix les
plus bas du marché: seule une petite taille le permet véritablement[42].
Ces dernières années, le législateur et les partenaires
sociaux se sont beaucoup préoccupés des entreprises de dimension modeste, dans
le but de tempérer l'effet de taille sur l'application des règles du droit du
travail[43]. Ces efforts ne peuvent véritablement aboutir: les
sous-traitants ont recours souvent à des pratiques illicites face aux
contraintes extérieures . Pour rétablir une certaine égalité de traitement
entre les salariés du sous-traitant et ceux du donneur d'ordres, le droit du
travail doit nécessairement tenir compte des relations de sous-traitance. Cette
approche implique un tiers au contrat de travail dans l'application de la
réglementation sociale et prend en compte la nouvelle organisation industrielle
qu'elle sous-tend.
L'entreprise est une notion juridique mouvante. Le droit
commercial l'aborde sous son aspect patrimonial. Elle est en droit du travail un ensemble comprenant
le personnel, les moyens matériels et la direction.
Le législateur et la jurisprudence ont construit le droit
du travail autour du modèle d'emploi de la grande entreprise. L'évolution du
droit du travail prend en compte les conséquences de la croissance de
l'entreprise sur la relation employeur-salarié .
Il n'existe pas en droit de définition précise de
l'entreprise: il s'agit plus d'un paradigme juridique que d'une réalité
économique et sociale. L'entreprise est au coeur de nombreuses dispositions du
droit du travail comme la représentation collective, le transfert d'entreprise
(L.122-12)...La jurisprudence et le législateur ont élargi cette notion à une
pluralité d'entreprises juridiquement distinctes.
Au fil du temps, la jurisprudence a identifier
l'entreprise à un ensemble de moyens, matériels et humains, permettant
l'exercice d'une activité. Le salarié s'intègre dans un service organisé (par
l'employeur). Il est une partie intégrante de l'entreprise Son contrat de
travail survit au changement juridique d'employeur dès lors que l'entreprise
survie.
1- La notion de service organisé
Pour qualifier la relation salariale, les juges
recherchent si le travailleur est placé sous la subordination juridique de son
cocontractant, qualifié d'employeur s'il assure la direction du travail.
Cependant, la taille de l'entreprise ne permet pas toujours à l'employeur de
diriger effectivement le travail de ses salariés. La jurisprudence utilise
alors un autre critère pour qualifier le contrat de travail: l'intégration du salarié
dans un service organisé, l' entreprise[44].
Classiquement, le salarié exécute ainsi son contrat de
travail avec les moyens matériels fournis par l'employeur, aux heures et sur un
lieu imposés. La jurisprudence apprécie le lien de subordination par rapport
aux contraintes subies par le travailleur dans l'exécution de sa prestation. Le
service organisé est une conception assez large de l'entreprise. L'intégration
dans une entreprise suppose un manque de liberté dont l'appréciation dépend
cependant de la nature de la prestation fournie.
La survivance de l'entreprise après la "modification
de la situation juridique de l'employeur" entraîne le maintien des
contrats de travail en cours. Le salarié est donc bien une partie intégrante de
l'entreprise. Cette survie de l'entreprise a fait l'objet d'une jurisprudence
abondante. Les juges hésitent à
conceptualiser cette organisation.
2- La conception de l'entreprise dans l'alinéa 2 de
l'article L.122-12.
la jurisprudence
sur l'article L122-12 s'est initialement polarisée autour de l'objet du
transfert, donc de la notion d'entreprise. A l'origine, la jurisprudence hésite
entre l' "entreprise-organisation" et l' "entreprise-activité".
La conception d'entreprise "organisation" relevant d'une conception
plus restrictive que celle d'entreprise "activité".
Dans un premier temps, la jurisprudence s'est orientée
vers une interprétation large de l'article, considérée par certains comme laxiste,
visait à favoriser le maintien de l'emploi dans un contexte économique délicat.
A la notion d'identité de l'entreprise, les magistrats ont substitué la notion
d'identité de l'emploi. Ainsi ont-ils considérés que la notion d'entreprise
s'élargissait à un contrat de service de nettoyage ou de gardiennage ou à la
gestion d'une cantine[45]. La doctrine a dénoncé unanimement la position de la
Cour de cassation dénuée de tout fondement juridique.
Par l'arrêt S.A. Nova Services rendu par l'Assemblée
plénière le 15 novembre 1985 revient
sur sa jurisprudence antérieure[46]: désormais, la seule perte d'un marché ne peut
constituer une modification dans la situation juridique de l'employeur. Elle va
même, par la suite, jusqu'à conditionner l'application de l'article à
l'existence d'un lien de droit entre les employeurs successifs et ce malgré la
directive européenne du 14 février 1977 qui vise également les transferts
d'entreprise. Les décisions de la Cour européenne de justice sur l'application
de la directive permettent à la Haute
Cour française d'élaborer sa nouvelle conception de l'entreprise.
b) L'entité économique conservant son identité.
Dans ses premiers arrêts sur la directive du 14 février
1977, la Cour européenne s'est bien gardée d'enfermer dans des formulations
rigides la notion de transfert d'entreprise mais a énonce plutôt une méthode
d'analyse pour les juges nationaux. Dans un arrêt Spikers du 18 mars 1986, elle
définit l'entreprise, l'établissement ou la partie d'établissement, mentionnée
à l'article 1er de la directive, "d'entité économique qui conserve son
identité". Elle utilise la méthode des faisceaux d'indices pour caractériser
le transfert d'entreprise: seule une évaluation d'ensemble permet de vérifier
si l'entreprise se poursuit. Un élément est cependant déterminant: la
continuation d'une même activité. Cette jurisprudence laisse une grande liberté
aux juges nationaux: elle ne choisit pas entre l'entreprise organisation ou
l'entreprise activité. La Cour européenne donne une vision assez large du
transfert: peu importe qu'il existe des liens de droit entre les employeurs
successifs[47].
La Cour de cassation s'est alignée sur la jurisprudence
communautaire avec l'arrêt Société d'exploitation du Touring-club de Paris[48] du 16 mars 1990. Elle reprend la formulation
utilisée par la Cour européenne: l'alinéa 2 de l'article L.122-12 s'applique au
transfert d'une entité économique conservant son identité et dont l'activité
est poursuivie ou reprise, sans nécessité d'un lien de droit entre les
employeurs successifs.
Si la jurisprudence française, se refuse à voir dans la
simple perte d'un marché, un transfert d'entreprise; elle considère que la
reprise d'une activité confiée à une entreprise extérieure donne lieu à
l'application de l'article lorsque l'entreprise qui reprend l'activité reprend
également les moyens matériels nécessaires à son exécution[49].
La définition de l'entreprise telle qu'elle ressort de la
jurisprudence est donc bien un ensemble composé d'éléments matériels et humains
concourant à l'exercice d'une activité. Cette définition est large mais ne
permet cependant pas de tenir compte de liens plus ou moins étroits entre des
entreprises juridiquement distinctes. Ces liens sont appréhendés à travers deux
notions: les notions d'unité économique et sociale et de groupe.
1- L'unité économique et sociale.
Pour certains l'unité économique et sociale est une
"véritable définition juridique de l'entreprise en droit social[50]", d'autres considèrent qu'il ne s'agit que d'un
"moyen pragmatique de justifier certains résultats souhaitables"[51].
La notion d'unité économique et sociale, formule établie
après bien des tâtonnements[52] par la Haute Cour, en tout état de cause, a des
similitudes avec la notion "d'entité économique". L' "entité
économique", utilisée dans le cadre du transfert d'entreprise, reconstitue
l'unité sociale qui existait avant la modification de la situation juridique de
l'employeur.
Élaborée dans le cadre de la représentation collective,
la notion d'unité économique et sociale a aussi été l'instrument de lutte
contre la fraude consistant à créer des entreprises juridiquement distinctes
afin de ne jamais atteindre les seuils d'effectifs nécessaires à la mise en
place des institutions représentatives du personnel.
Mais toute l'originalité de la notion réside dans le fait
que dorénavant ce qui caractérise l'entreprise en droit du travail c'est
l'existence d'une "unité économique et sociale". Les juges du droit
du travail rompent totalement avec une vision patrimoniale de l'entreprise et
donc avec le concept d'entreprise en droit commercial. Là où le droit
commercial distingue plusieurs personnes morales juridiquement distinctes, le
droit du travail, dans le cadre de la représentation collective, ne voit qu'une
seule et même entreprise[53]. La notion ne diffère donc pas de la définition de
l'entreprise établie ci-dessus mais l'élargit à des situations tout à fait
licites qui à priori permettaient de contourner la législation en matière de
représentation collective en divisant la collectivité de travail.
La notion de groupe, au contraire de la notion d'unité
économique et sociale, est avant tout une notion commercialiste. L'article
L.439-1 du code de travail renvoie au code de commerce pour déterminer si deux
entreprises ont des liens de filialisation et constitue un groupe de sociétés.
Cependant le groupe diffère assez peu de la définition de l'entreprise par les
juridictions dans le domaine du droit du travail.
Certes les notions d'unité économique et sociale et de
groupe ne se confondent pas. Les comités mis en place dans le cadre d'un groupe
ou d'une unité économique et sociale se distinguent par leur finalité:
le comité de groupe est une structure d'information "permettant aux
instances responsables du personnel de connaître l'information économique
produite au niveau où se prennent les décisions"[54]: Le groupe existe en présence d'une société
dominante et de filiales directes ou indirectes détenues plus de la moitié du
capital. L'article L.439-1 du code du travail qualifie les rapports
susceptibles d'entraîner la création d'un comité au niveau d'un groupe de
sociétés, grâce à la notion de "société dominante"[55]. Cette notion pourrait, dans le cadre de relations
de sous-traitance, servir à mettre en place un comité. Cependant l'article
écarte cette possibilité car il calque la définition de tels rapports sur la
définition du groupe retenue par le droit commercial (L.24 juillet 1966,
article 354). Ce qui finalement rend la notion de groupe, en droit du travail,
bien proche de la notion, très insaisissable, d'entreprise. Notion qui ne
permet pas de prendre en compte les relations entre donneur d'ordre et
sous-traitant.
Cette notion a également permis à la jurisprudence
d'étendre l'obligation de reclassement à l'ensemble des entreprises juridiquement
distinctes composant le groupe. L'identification d'un groupe saisit l'unité
économique dans la diversité juridique. L'ensemble des sociétés juridiquement
indépendantes le composant forment une même unité économique en raison de liens
financiers étroits qui n'existent pas dans les relations de sous-traitance.
Unité économique qui se double d'une "certaine" unité sociale dans de
la jurisprudence concernant le reclassement des salariés en cas de licenciement
pour motif économique: les juges recherchent en effet la mobilité du personnel
au sein du groupe.
La sous-traitance reste en marge des notions utilisées
par les tribunaux pour préserver les droits des salariés car ses modalités
d'organisation de la production s'écartent des données socio-économiques sur
lesquelles s'est édifié le droit du travail.
A diverses reprises, le droit du travail a dû faire face
à de nouveaux modes d'organisation (scission d'entreprise en établissements
distincts, filialisation...) qui cherchaient à éluder certaines de ses dispositions.
A chaque fois, les solutions adoptées reposent sur la notion d'entreprise
(unité économique, groupe, unité économique conservant son identité...). Les
liens entre les différentes entreprises composant un réseau de sous-traitance
sont purement contractuels.
Le droit du travail ne permet pas ni de saisir
l'organisation en réseau de sous-traitance ni de responsabiliser le donneur
d'ordre à l'égard des travailleurs qui exécutent des prestations indirectement
pour lui, ceux de ses sous-traitants.
La notion d'entreprise est mise en relation permanente
avec la notion d'employeur: l'entreprise est le cadre au sein duquel le droit
du travail organise des relations professionnelles entre l'employeur et ses
salariés. Le droit du travail recherche par-delà des apparences, la réalité du
pouvoir, c'est-à-dire l'employeur ou le chef d'entreprise. Leur identification
dévoile la personne juridique[56] responsable de l'application des dispositions du
droit du travail contrepartie de ses pouvoirs.
Selon B.TEYSSIE, le chef d'entreprise et l'employeur,
généralement ne se confondent pas [57]. Le chef d'entreprise détient le pouvoir de
direction (économique) de l'entreprise,
déterminant sa gestion, tandis que l'employeur possède le pouvoir de
direction des salariés puisqu'il les maintient dans un état de subordination
juridique. Une distinction entre les deux concepts est malaisée. Le terme
d'employeur est surtout utilisé par le législateur pour traiter des relations
individuelles avec le salarié: l'employeur est le cocontractant de ce dernier
dans le contrat de travail. Mais l'on peut considérer que l'employeur et le
chef d'entreprise sont les deux facettes d'une même personne physique: la
décision d'embaucher un salarié émane
de celui qui détient un certain pouvoir, même partiel, de gestion de
l'entreprise?[58]. Le
concept d'employeur sous-tendra donc le concept de chef d'entreprise, ce
dernier sera utilisé pour signifier que l'employeur est vue sous l'angle plus
économique de dirigeant de l'entreprise.
L'employeur, telle l'entreprise, est en effet un concept
flexible, modelé selon les différentes fonctions "que le législateur et le
juge entendent lui faire jouer dans l'aménagement des rapports sociaux".[59] Ces fonctions étant de plus en plus exercées par des
personnes physiques ou morales distinctes, pour tenir compte de cette
évolution, le droit positif a emprunté selon nous deux voies distinctes: la
première reconnaît l'existence de plusieurs employeurs pour un même salarié, la
deuxième reconnaît que certaines personnes physiques détiennent partiellement
les pouvoirs de l'employeur sans en avoir pourtant la qualité.
L'identification de l'employeur, partie au contrat de
travail, est souvent malaisée lorsque l'entreprise prend une forme sociétaire.
Le droit positif reconnaît l'existence d'employeurs multiples lorsque l'auteur
du recrutement n'assume pas seul le pouvoir de direction. La direction
conjointe du travail requiert la mobilité du personnel entre les différentes
sociétés ou l'immixtion d'une entreprise dans l'autorité exercée par une autre
entreprise sur ses propres salariés.
Ainsi, la société mère d'un groupe sera considérée comme
l'employeur des salariés de la dite filiale si elle dicte au moins
indirectement à sa filiale sa politique du personnel, donne directement des
instructions aux salariés de la société subordonnée, et impose un compte-rendu
de leur action. Sans exclure l'unité du lien contractuel, la chambre sociale de
la Cour de Cassation en tire la conclusion que la qualité d'employeur doit être
reconnue à la société mère et à la filiale[60]. La solution est identique lorsque les activités de
deux entreprises appartenant à un même groupe se confondent au point qu'il est
impossible de déterminer la société pour laquelle les salariés exécutent leur
tâche[61]. Les employeurs multiples sont solidairement
responsables des obligations qui incombent au contractant du salarié.
Les juges ne se contentent pas du fait que la société
mère tienne sa filiale sous sa dépendance économique. Ils recherchent si elle
détient une autorité sur le ou les salarié(s). Fondamentalement, l'employeur
reste celui qui maintient le salarié sous une subordination juridique révélé
par son autorité. La qualité d'employeur ne peut être reconnu au donneur
d'ordre faute d'autorité directe sur les salariés de son sous-traitant.
Cependant sa pseudo autorité présente
dans bien des cas de sous-traitance se répercute sur les salariés de son
cocontractant. Ainsi, dans le cadre de la sous-traitance sur site, le donneur
d'ordre peut refuser la présence d'un salarié du sous-traitant sans se
justifier par des motifs "réels et sérieux". Le licenciement qui pourra
s'ensuivre ne lui sera pas imputable.
Certaines personnes juridiquement indépendantes ou non de
l'employeur jouent son rôle sans toutefois en voir la qualité. Elles profitent,
d'après la doctrine, d'une délégation de pouvoir émanant de l'employeur
juridique[62].
A. Le délégataire salarié.
Au sein d'une entreprise de forme complexe
l'employeur-chef d'entreprise confie fréquemment à une personne physique la
gestion d'un établissement. Il délègue partiellement son autorité sur le
personnel de l'établissement, non sur l'ensemble du personnel de l'entreprise.
Ce chef d'établissement sera alors l'interlocuteur des institutions
représentatives à ce niveau lorsque la nature de la revendication ne nécessite
pas la présence du véritable chef d'entreprise[63].
Le chef d'entreprise s'exonère de sa responsabilité
pénale en invoquant la délégation de ses pouvoirs à l'un des salariés de
l'entreprise à condition que le délégataire dispose d'une autonomie de décision
suffisante. Le délégataire détient alors une parcelle du pouvoir patronal dans la limite de ce qui est nécessaire pour
veiller efficacement à l'observation de certaines des dispositions en vigueur.
Cependant, ces deux formes de délégations ne nous sont
d'aucun secours: les délégataires sont des salariés de l'employeur-chef
d'entreprise. Or les relations de sous-traitance ne supposent pas un lien de
subordination juridique.
B. L'utilisateur.
Nous avons vu que la qualité d'utilisateur a des
implications en matière de responsabilité. Dans le cadre du travail temporaire
ou dans celui du prêt de main-d'oeuvre licite, l'utilisateur de la
main-d'oeuvre est responsable de
l'application de la réglementation des conditions de travail. En cas de
défaillance de l'employeur juridique, il assure le paiement de la rémunération.
L'employeur juridique délègue alors son pouvoir de direction à l'entreprise qui
a eu recours à ses services, l'entreprise utilisatrice, sur le salarié mis à sa
disposition. Ainsi "l'entreprise de travail temporaire procède au
recrutement et définit contractuellement la qualification et la rémunération du
salarié, paie, garantit les congés annuels, affilie à la sécurité sociale et
aux régimes complémentaires de retraite ou de chômage; donne l'ordre au salarié
de se mettre à la disposition d'un tiers...". "Tandis que l'utilisateur
fixe les contours de la tâche quotidienne et exerce en fait l'autorité sur les
préposés et profite des prestations accomplies..."[64]
L'utilisateur est donc celui qui dirige la main-d'oeuvre
mais ne tient pas ce pouvoir du contrat de travail. La responsabilité patronale
se dissocie du contrat de travail. La caractéristique de l'employeur "est
moins l'exécution directe de la prestation à son profit que l'acceptation par
lui de... (la) prise en charge du travailleur"[65]. Cette dissociation critiquable entre l'employeur
juridique et l'utilisateur (ce sont en vérité les décisions de l'utilisateur de
la force de travail, plus que celles de l'employeur qui atteindront l'emploi du
salarié), prive les travailleurs d'une grande partie de leurs droits collectifs
(perte mal résorbée par les correctifs législatifs). Le régime lié à
l'existence d'un utilisateur de la main-d'oeuvre, plus qu'imparfait, ne
s'applique pas dans le cadre de relations de sous-traitance, bien que là
encore, les situations soient très proches.
Les deux pratiques ne sont pas assimilables.
Dans la sous-traitance
sur site, le personnel reste intégré dans l'organisation du sous-traitant.
L'existence de liens étroits entre le donneur d'ordre et le sous-traitant pour
l'accomplissement de la tâche sous-traitée ne s'accompagne pas d'une mobilité
du personnel entre les deux entreprises[66]. Avec l'identification des fonctions à extérioriser,
la sous-traitance sur site a remplacé le prêt de main-d'oeuvre licite. Le
sous-traitant reste officiellement le seul qui dirige ses salariés. Cependant
le nouveau concept d'entreprise utilisatrice d'entreprises extérieures, apparu
en matière d'hygiène et sécurité serait à exploiter
Dans la sous-traitance, les séparations entre les
différentes entreprises intervenant dans le même processus productif, sont bien
établies. La sous-traitance se situe dans une logique de métier que les
concepts jurisprudentiels et légaux ne permettent pas d'aborder pleinement,
même si la définition jurisprudentielle du prêt de main-d'oeuvre licite en
tient exceptionnelle compte. La fragilité de la situation du sous-traitant
ressemble parfois à la situation du salarié. Cette fragilité se répercute donc
sur ses salariés lorsqu'il en a.
Le réseau de sous-traitance développe un nouveau lien
d'emploi qui se concrétise non plus par un contrat de travail qui entraîne
l'application d'un régime protecteur pour le salarié, mais par un contrat de
sous-traitance. Le contrat de sous-traitance se substitue véritablement au
contrat de travail. Ce contrat donne au donneur d'ordre une grande souplesse de
gestion et réduit ses coûts fixes. Il met à la charge de son cocontractant, le
sous-traitant, une obligation de résultat, et non une obligation de moyen comme
celle issue du contrat de travail. Il nous faut donc examiner maintenant le
réseau de sous-traitance à travers la relation contractuelle entre le donneur
d'ordre et son sous-traitant.
La relation contractuelle entre le sous-traitant et le donneur
d'ordre relève du droit des affaires, du droit de la concurrence ou du droit
civil. Le droit du travail ne régit pas cette relation malgré les similitudes
entre les rapports salariaux et les rapports de sous-traitance (CH1). Bien que
le droit du travail n'a pas vocation à régir les relations de deux personnes
juridiquement distinctes, La jurisprudence requalifie la fausse sous-traitance.
Le contrat de sous-traitance sera requalifié en contrat de travail ou en prêt
de main-d'oeuvre illicite (CH 2).
Le contrat de sous-traitance relève en principe du régime
juridique du contrat d'entreprise (art. 1787 Code civil). Le contrat
d'entreprise se distingue du contrat de vente de chose future par un critère
économique, la valeur respective des matières et du travail fournis. Lorsque la
part du travail est plus importante que celle des matières le contrat est
qualifié de contrat d'entreprise. "Le travail doit être considéré comme
élément principal du contrat lorsque l'objet réalisé est spécialement conçu et
produit en vue d'objectifs définis et selon des spécifications, qui même si
elles ne portent pas sur les moyens à mettre en oeuvre, sont imposées à l'une des
parties pour satisfaire à des exigences précises et déterminées à
l'avance"[67]. Dès lors le contrat de sous-traitance de production
est un contrat d'entreprise.
Les relations purement contractuelles entre le donneur
d'ordre et le sous-traitant marquent bien ainsi leur volonté de préserver leur
indépendance réciproque. La sous-traitance ne se concrétise ni par une
filialisation ni par des prises de participation (ou alors très faibles).
"Les donneurs d'ordres distinguent bien les stratégies de prise de
contrôle institutionnel et les stratégies de croissance contractuelle et se
refuse à une prise de participation déterminante dans le capital de leurs
sous-traitants". Les sous-traitants, totalement autonomes dans leurs
décisions, doivent seulement s'organiser pour répondre aux besoins de leur
donneur d'ordre. Les donneurs d'ordres aussi bien que les sous-traitants
veulent préserver leur autonomie réciproque. Cependant cette autonomie
juridique souhaitée est une "autonomie contrôlée"[68] par le donneur d'ordre ou une semi autonomie selon
l'expression de G.TEUBNER[69]
La dépendance du sous-traitant est issue de liens
contractuels et non de liens organisationnels ou institutionnels stables. Elle
peut être d'ordre économique telle que définie par G.J. VIRASSAMY[70] ou beaucoup plus subtile. Sous l'apparence d'une
totale autonomie nous débusquerons l'asymétrie de ces relations pour en voir
ensuite les conséquences dans les rapports contractuels du donneur d'ordre et
du sous-traitant.
La situation des sous-traitants dépend ici de l'aspect du
marché dans un secteur d'activité donné. La distinction entre secteur
industriel de pointe, de haute technologie, et secteur traditionnel est
essentielle.
Dans les secteurs de haute technologie, les activités
nécessitent de lourds investissements, les entreprises donneuses d'ordres
doivent disposer d'une large couverture financière. Ainsi, les donneurs
d'ordres, dans une branche telle que l'aéronautique[71], sont peu nombreux et de taille importante. De
l'asymétrie des relations de sous-traitance découle alors un nombre d'autant
plus restreint de clients potentiels pour l'entreprise sous-traitante qu'elle
exerce elle-même une activité très spécifique. Dans certains secteurs, le
marché est dominé par un ou quelques donneurs d'ordres en situation de monopole
ou de quasi monopole en mesure d'imposer leurs conditions dans les contrats de
sous-traitance. Ces secteurs subissent une forte concurrence internationale.
Dans les secteurs plus traditionnels, tel que le
textile-habillement, l'asymétrie n'est plus liée au nombre d'entreprises
donneuses d'ordres mais à celui des entreprises sous-traitantes. Leur nombre
permet au donneur d'ordre de faire jouer la concurrence entre elles.
Dans ces secteurs où le niveau technique des
sous-traitants est secondaire pour le donneur d'ordre, le cas d'entreprises
sous-traitantes n'ayant qu'un seul donneur d'ordre est courant. De très petite
taille, elles sont très fragiles. Les formes de dépendance économique du
sous-traitant vis-à-vis de son donneur d'ordre les plus poussées, se
rencontrent dans ces secteurs.
Dans ces deux types de secteurs le sous-traitant tire
fréquemment l'essentiel ou la totalité de son revenu d'un seul donneur d'ordre.
Cette situation se retrouve systématiquement lorsque la mise en place du réseau
recoure de manière important à la pratique de l'essaimage[72].
Cependant il n'existe pas de dépendance économique au
sens où l'entend G.Virassamy[73]: Les sous-traitants restent libres d'avoir plusieurs
donneurs d'ordres. Ils sont d'ailleurs parfois pousser en cela par leur donneur
d'ordre qui souhaite retrouver leur cocontractant après un rapatriement des
charges confiées. Cette autonomie apparente n'exclue pas des formes de
dépendance économique encore plus diffuses résultant des particularités même du
contrat de sous-traitance de production.
1- Le sous-traitant
ne maîtrise pas le cycle productif
Le sous-traitant comble les carences d'une autre unité de
production. Il remplit une fonction adjacente à un processus de production dont
il ne maîtrise pas le déroulement.
Le sous-traitant a une marge de manoeuvre plus réduite
qu'un fournisseur: ses prérogatives de chef d'entreprise et d'employeur
pâtissent de l'exercice de la sous-traitance. Le sous-traitant est un agent
économique à part. Il ne maîtrise ni le moment, ni le volume, ni la forme de sa
contribution au système productif. Il participe à un cycle productif sans
possibilité de création ou de contrôle sur sa propre action. Seuls les donneurs
d'ordres formant "le noyau dur" du réseau contrôlent le processus
productif et le volume de la production.
2- Le sous-traitant ne maîtrise pas le produit dont il a la
charge.
Dans la sous-traitance il n'y pas (ou très rarement)
comme dans la distribution, de liens d'exclusivité entre les deux
cocontractants. Le sous-traitant fabrique un produit spécifique d'après les
exigences de son donneur d'ordre: en cas de refus d'une commande, le
sous-traitant ne pourra trouver un autre acheteur. De même, dans la
sous-traitance de services, les prestations fournies par le sous-traitant sont
personnalisées...
Selon la commission technique de la sous-traitance,
"le travail fourni doit être considéré comme l'élément principal du
contrat lorsque l'objet réalisé est spécialement conçu et produit en vue
d'objectifs définis et selon des spécifications qui, même si elles ne
portent pas sur les moyens à mettre en oeuvre, sont imposées à des parties pour
satisfaire à des exigences précises et déterminées à l'avance." Le
produit ainsi fabriqué par le sous-traitant lui échappe, conçu par le donneur
d'ordre, il n'est pas interchangeable. Le refus d'une livraison a
des conséquences dramatiques pour l'entreprise sous-traitante .
Dans les secteurs de haute technologie, ce manque de
contrôle du sous-traitant sur le produit se double de la sujétion technique qui
consiste en des exigences importantes du donneur d'ordre sur la qualité du
travail effectué[74].
Le donneur d'ordre, dès lors peut imposer à son
sous-traitant des délais de livraison très courts et des délais de paiement au
contraire très longs (90 jours)[75]. Les contraintes de délais, de prix... poussent les
sous-traitants dans des pratiques souvent illégales (recours de contrats dits
précaires sans tenir compte des restrictions légales, recours aux heures
supplémentaires, au travail clandestin) et leur imposent pour eux-mêmes un
travail sans horaire voir sans repos hebdomadaire. Les impayés sont courants.
Les sous-traitants, fragiles saisissent difficilement les juridictions pour
contraindre le donneur d'ordre à exécuter son obligation.
Certains sous-traitants tirant l'essentiel de leurs
revenus d'un seul cocontractant, travaillent dans des conditions proches du
salariat voire pires ne bénéficiant pas de la protection du droit du travail,
notamment en matière de durée du travail ou de rupture du contrat.
Là encore les relations de sous-traitance dépendent de
l'activité extériorisée:
Pour des activités de
pointe, les sous-traitants bénéficient de la contractualisation des rapports:
les différentes commandes du donneur d'ordre s'insèrent dans un contrat-cadre
qui pérennise les relations.
Pour des activités de
petites industries (tel que l'industrie du textile et de l'habillement), les
relations se concrétisent de commande à commande.
1- Des relations pérennes: le partenariat.
- La durée des relations:
Dans les secteurs de pointe se trouvent des relations de
sous-traitance stables. Le contrat de sous-traitance dure plusieurs années[76]. Pendant cette durée le rapatriement des charges
confiées au sous-traitant est impossible. Il existe plusieurs raisons
économiques à cette contractualisation des relations.
Les activités extériorisées nécessitent une maîtrise
technique du produit et une certaine surface financière. Le sous-traitant
partage avec le donneur d'ordres les risques financiers, industriels et
commerciaux. La contrepartie des risques acceptés par le sous-traitant est la
garantie de ne pas rapatrier les contrats en cas de baisse des charges. Une
coopération d'entreprises de hauts niveaux s'instaure.
Grâce à la durée du contrat, le sous-traitant effectue
des investissements matériels mais aussi structurels requis par l'activité
sous-traitée. Le donneur d'ordre, par les sujétions techniques qu'il impose à
son partenaire oblige le sous-traitant à élever son niveau de compétence. Il ne
participe pas financièrement aux investissements de son sous-traitant. Il se
contente de le conseiller sur le choix et les achats de matériel et aide parfois
à la formation des salariés du sous-traitant.
- La cessation des
relations:
La volonté de fidélisation qui existe dans les relations
de partenariat, n'empêche pas la remise en concurrence du sous-traitant à
l'expiration du contrat. Les sous-traitants manquent de garanties sérieuses de
la part du donneur d'ordre. De plus ce dernier peut toujours dénoncer le
contrat au moment de la livraison.
L'activité de main-d'oeuvre est rarement contractualisée.
Nécessitant des investissements en matériel faible et une forte part de travail
peu qualifié, le donneur d'ordre recherche pour ce genre d'activité les prix
les plus bas et une grande flexibilité chez son cocontractant. Les carnets de
commande et les plans de charge des entreprises sous-traitantes sont étudiés à
très court terme.
La très forte pression sur les prix exercée par le
donneur d'ordre a un effet d'entraînement. Pour obtenir un marché certaines entreprises n'hésitent pas à
proposer des prix excessivement bas. Par la suite elles sont contraintes de
sous-traiter certaines prestations dans des conditions draconiennes. Ayant
elles-mêmes accepté des prix très bas, et des délais extrêmement brefs, ces
entreprises vont sous-traiter les prestations dans des conditions plus dures
encore[77]. Les travailleurs qui veulent à leur tour, obtenir
ces prestations ne pourront pas négocier les conditions du contrat, mais ce qui
est plus grave, ils n'auront généralement pas le choix de leur statut, celui-ci
leur étant imposé par le donneur d'ordre. La condition exigée pour conclure le
contrat est le statut d'indépendant. Il s'agit du "chantage à
l'emploi" dénoncés par de nombreux auteurs et que relèvent les contrôleurs
URSSAF . Dans certains de ces cas la requalification du contrat de
sous-traitance sera toutefois possible[78]. Le donneur d'ordre "principal" ne sera
cependant pas impliqué par cette requalification alors que les contraintes
qu'il impose à son cocontractant dans le cadre d'une sous-traitance de premier
niveau sont souvent à l'origine du comportement fautif.
La conjoncture dicte les relations entre le donneur
d'ordre et le sous-traitant. En l'absence de contrat les relations résultent du
jeu du marché. Cela renforce la concurrence entre les entreprises et accroît
les risques classiques en matière de sous-traitance. La rupture des relations
soudaine entraîne fréquemment une procédure de liquidation ou de redressement
judiciaire pour l'entreprise sous-traitante.
Il existe parfois, pour ce genre d'activités, des
contrats assurant une certaine durée aux relations, dans le cadre souvent d'un
essaimage. Mais, même dans ce cas, rien ne garantit le respect du contrat. Les
difficultés rencontrées lors des procédures de recours conduisent souvent les
sous-traitants à déposer le bilan avant que l'affaire ne soit jugée.
Compte tenu des exigences des donneurs d'ordres, de leur
nombre souvent limité, de la
spécialisation des sous-traitants qui les rend très vulnérables à la situation
de leur secteur d'activité, les sous-traitants demeurent globalement dans une
situation de dépendance économique même si celle-ci peut prendre des formes
nouvelles. Il est plus facile de parler de partenariat en période d'expansion
que de récession.
Le concept d'autonomie contrôlée utilisée par M.-L. MORIN
pour caractériser ces relations, exprime bien leurs ambiguïtés actuelles. Le
donneur d'ordre n'exerce pas un pouvoir de type hiérarchique sur son
sous-traitant. L'unité de contrôle se différencie juridiquement et
matériellement de l'unité autonome et contrôlée
Le lien de subordination juridique, critère du contrat de
travail, a crée une séparation nette entre le travail subordonné et le travail
indépendant, traçant une frontière entre le contrat de travail et le contrat
d'entreprise. Cette frontière s'est
dessinée progressivement à partir de l'objet de l'activité louée. Ces
contrats étaient, à l'origine, considérés comme des louages d'ouvrage (article L. 1710 du Code civil). Ils se
différencient par leur objet: la force de travail de la personne qui se loue du
côté du contrat de travail, un savoir-faire du côté du contrat d'entreprise[79]. La jurisprudence, partant de l'objet de l'activité
louée comme critère distinctif, s'est par la suite orientée vers les modalités
d'exécution du contrat. Le salarié, contrairement au travailleur indépendant,
n'a pas une liberté totale dans l'organisation du travail dont il a la
charge.
Aujourd'hui leur frontière est de moins en moins nette:
que cela soit dans la pratique des entreprises, dans la loi ou la
jurisprudence, le flou entre ces deux formes de mobilisation du travail
s'installe[80]. A tel point, qu'une grande partie de la doctrine
appelle de ses voeux l'instauration d'un droit de l'activité professionnelle,
et annonce la fin du salariat[81]. Nous nous attacherons dans cette section à l'objet
des deux contrats. Le critère de distinction basé sur l'organisation du travail
sera examiné dans le chapitre 2 à travers la jurisprudence sur la
requalification du contrat de sous-traitance.
Selon la vision des économistes: le salarié loue une
chose (un bien) dont il a la propriété (sa puissance de travail) contre
rémunération (le salaire) dont le montant est fixé avec l'employeur (en
congruence avec les contraintes du marché)[82]. Désigner le travail par le terme de marchandise est
fictif. La relation salariale n'est pas véritablement assimilable à une
relation marchande. Le contrat de travail ne porte pas sur la livraison du
produit du travail mais sur la mise à disposition de la force de travail,
contrairement au contrat de sous-traitance.
Le contrat de sous-traitance met à la charge du
sous-traitant une obligation de résultat (livrer une marchandise élaborée selon
les directives du donneur d'ordre). Par opposition le contrat de travail met à
la charge du salarié une obligation de moyen (exécuter une tâche selon les
instructions de selon employeur).
Apparaît alors les premiers point communs entre
l'activité salariée et l'activité indépendante dans le cadre du contrat de
sous-traitance: un destinataire identifié (le donneur d'ordre et l'employeur)
qui définit le travail effectué par le salarié et le sous-traitant.
De plus, la distinction entre obligation de résultat et
obligation de moyen est de moins en moins nette. Traditionnellement, le
sous-traitant ayant à sa charge une obligation de résultat, assume l'entière
responsabilité de son travail et supporte donc les risques de son activité[83]. Le salarié, au contraire, ne supporte pas les
risques d'exploitation de l'entreprise dans laquelle il travaille: il perçoit
une rémunération mensuelle fixe, quelque soit les résultats de l'entreprise,
pour une duré du travail également fixe. C'est la contrepartie à l'autorité
qu'exerce sur lui l'employeur. C'est pourquoi il n'a à sa charge qu'une
obligation de moyen et non de résultat. La responsabilité du salarié à l'égard
de son employeur n'est engagée qu'en cas de faute lourde.
Or, aujourd'hui cette proposition n'est plus toujours
recevable. De nouveaux rôles sont attribués aux salariés visant à leur faire
supporter les risques de l'entreprise: on parle de "salarié-associé à la
marche de l'entreprise"[84]. Le salarié subit de plus en plus les aléas du
marché. L'employeur fait ainsi varier la durée du travail du salarié en
fonction des besoins conjoncturels de l'entreprise ou encore lui fixe des
objectifs et sanctionne lorsqu'il ne sont pas atteints par une perte de
rémunération voir un licenciement[85].
Dans le cadre de la relation de sous-traitance, le
produit n'existe pas au moment de la rencontre des parties. Bien sûr, il est défini
mais rien ne garantit par la suite une parfaite exécution de la transaction.
Comme dans la relation salariale, "l'objet de la coordination n'est pas
l'échange d'une marchandise, mais l'établissement d'un lien
multidimensionnel"[86]: il n'y a pas une identification précise de l'objet
du contrat préalablement à la rencontre des volontés, tout du moins pour l'une
des parties (l'employeur dans le contrat de travail et le donneur d'ordre dans
la relation de sous-traitance). Le donneur d'ordre recherche un sous-traitant
apte à livrer un produit répondant à ses spécifications en temps et lieu et à
fournir les quantités prévues . Comme l'employeur vis-à-vis du travailleur
qu'il va embaucher, le donneur d'ordre recherche l'aptitude de son futur
cocontractant, un savoir-faire et une qualification: le savoir-faire se
référant à l'activité exercée par le sous-traitant et la qualification à la
personne même du salarié.
Une incertitude existe pour le sous-traitant comme pour
le salarié. Elle se concrétise par l'existence d'aléas susceptibles de modifier
les conditions d'exécution du contrat initial ou de le rompre. Ces aléas sont
des événements soit "exogènes" soit "endogènes": exogènes
lorsque la relation va être perturbée pour des motifs "économiques",
endogènes lorsque les motifs sont dus à l'incapacité" du sous-traitant /
salarié à justifier le choix du donneur d'ordre / employeur. Ces motifs
invoqués par ces derniers révèlent l'asymétrie des relations. Dans le cadre
d'une relation salariale ces motifs
font l'objet d'un contrôle par les juges, ce qui n'est pas le cas dans le cadre
de la relation de sous-traitance.
Le contrat de travail et le contrat de sous-traitance
présentent d'étranges similitudes lorsque l'on s'attache à la nature de
l'activité déployée par le sous-traitant et le salarié. Cependant leur régime
juridique diffère car la jurisprudence s'est attachée aux modalités d'exécution
de l'activité déployée et non à l'objet même de l'activité. La subordination
juridique se révèle à travers les contraintes imposées par l'employeur dans
l'exécution du travail du salarié.
Les similitudes entre les deux contrats amènent parfois
les juges a requalifié le contrat de sous-traitance, soit en contrat de travail
lorsque le donneur d'ordre place son cocontractant dans une subordination non
pas économique mais juridique, soit en prêt de main-d'oeuvre illicite lorsque
l'opération de sous-traitance cherche à éluder les dispositions du droit du
travail pour les salariés du sous-traitant.
Les cas de requalification du contrat de sous-traitance
en contrat de travail montrent que la frontière est ténue entre la dépendance
économique (plus ou moins importante) du sous-traitant vis-à-vis de son ou ses
donneur(s) d'ordres et l'état de subordination juridique dans lequel se trouve
le salarié vis-à-vis de son employeur[87].
La loi du 11 février 1994, dite loi Madelin, a entendu
limité le cas de requalification d'un contrat d'entreprise, au nom de la
sécurité juridique pour les parties, mais aussi pour favoriser le recours aux
entreprises extérieures et donc le passage du salariat à l'indépendance.
Nous examinerons donc, en premier lieu, l'impact de
l'article L. 120-3 du Code du travail issu de cette loi, pour en second lieu examiner la jurisprudence en
matière de requalification.
La loi du 11 février 1994 a semé le trouble parmi les
auteurs: elle instaure une présomption simple d'indépendance dès lors qu'une
personne est inscrite au registre du commerce. Cette présomption rompt avec le
principe de réalité qui était au coeur de la construction
jurisprudentielle.
La jurisprudence avait progressivement affirmé que la
qualification du contrat résultait "des seules conditions dans lesquelles
le travail est effectivement accompli". Dès lors, "la seule volonté
des parties est impuissante à soustraire un travailleur au statut social qui
découle nécessairement de l'accomplissement de son travail"[88]. Or, désormais, le rejet du statut de salarié ne
résulte plus des relations réelles entre les cocontractants mais d'un élément à
la fois extérieur et formel au contrat: l'immatriculation à un registre
professionnel (R.C.S., répertoire des métiers...) ou auprès de l'URSSAF.
Critère formel d'autant plus choquant que dans de nombreuses situations de
fausse sous-traitance, l'immatriculation est souvent contrainte, conséquence
d'un véritable chantage à l'emploi. L'immatriculation est alors destinée à un
maquillage juridique, dont la victime est celui qui prend (ou au nom de qui est
prise) l'immatriculation[89]
Cependant cette présomption d'indépendance n'est pas
irréfragable. Elle peut être renversée par la preuve d'un lien de subordination
juridique "permanente" entre le donneur d'ouvrage et le travailleur
immatriculé. Cet adjectif accolé à la subordination juridique a laissé perplexe
plus d'un auteur[90]. Ce n'est pas la durée du contrat qui est visée ni la durée de la prestation: cela
aurait pour conséquence de viser les situations d'esclavage (aboli en France en
1848...) et serait en contradiction avec l'article L.1780 du Code civil[91].
La permanence semble plutôt faire référence soit à
l'emprise que le donneur d'ordre exerce sur l'activité du débiteur, soit à la
régularité de la prestation[92]. Dans le premier cas, la requalification du contrat
commercial se ferait dans les hypothèses où le donneur d'ouvrage exerce des
contraintes en permanence sur l'activité de son cocontractant: celui-ci aurait
un seul client. Dans le second cas, la relation entre les deux parties au
contrat serait régulière, inscrite dans une certaine durée. Ces deux
propositions excluraient des prestations occasionnelles ou épisodiques.
Pour les indépendants faisant l'objet d'une assimilation
aux travailleurs salariés par le jeu de textes, se posent le problème de savoir
si la présomption de l'article L. 120-3 s'applique. Lorsque la qualification de
contrat de travail ne se fonde pas sur la subordination juridique mais sur une
dépendance économique du travailleur indépendant[93], le texte ne peut jouer. Par contre lorsque la
preuve du contrat de travail résulte d'une présomption de subordination, comme
pour les journalistes, les artistes et mannequins, une réponse négative est
plus difficile à apporter[94].
En définitive, la loi du 11 février 1994 ne modifie pas
de manière conséquente les positions des juges en matière de requalification.
Les juges tiennent compte déjà de la permanence de la subordination.
Les similitudes entre le contrat de sous-traitance et le
contrat de travail découlent de l'objet du travail fourni par le sous-traitant
et le salarié. En matière de requalification les juges s'attachent à la marge
de manoeuvre dont dispose ces parties dans l'organisation de leur activité. La
subordination juridique suppose en effet que l'employeur dirige le travail du
salarié, soit directement, soit indirectement en le contraignant à des horaires
de travail, à un lieu de travail et en mettant à sa disposition les moyens
matériels nécessaires à l'exécution de sa tâche. Le salarié est alors intégré
dans un "service organisé" par l'employeur[95].
En matière de sous-traitance, les situations dévoilées
par cette jurisprudence, sont souvent des cas de chantage à l'emploi, dans le
cadre souvent d'un essaimage.
Mais les cas de requalification du contrat de
sous-traitance en contrat de travail restent très rares dans la jurisprudence,
à cela deux raisons:
- La dépendance économique du sous-traitant devient
subordination juridique lorsqu'il se trouve sur le même site que le donneur
d'ordre ou travaille en étroite collaboration avec lui.
- Cette requalification est exclue lorsque le
sous-traitant a la qualité d'employeur. Dans un tel cas de figure, le
sous-traitant montre son autonomie juridique par rapport au donneur d'ordre, il
n'y a plus de place pour un lien de subordination juridique[96].
L'opposition entre le travail pour son propre compte et
le travail pour le compte d'autrui se révèle aujourd'hui réductrice sinon
inexacte: parmi les travailleurs subordonnés, certains sont entièrement
indépendants dans l'exercice de leur activité et parmi les indépendants,
certains sont dans une situation de réelle dépendance. C'est pourquoi G.
LYON-CAEN propose de simplifier l'accès du droit du travail au travailleur
dépendant (économiquement)[97].
L'assimilation de ce dernier à un travailleur subordonné,
devrait viser tout particulièrement celui qui s'est mis à son compte sous la
pression de son ancien employeur[98]. Pour cela, il faudrait affiner le critère de la
subordination juridique. Deux nouveaux indices peuvent être mobilisés:
1er indice: les risques et profits.
L'indépendant ne doit pas être seulement celui qui court les risques de son
activité, il devrait aussi en recueillir le profit.
L'idée de profit se retrouve dans la jurisprudence qui
reconnaît aux distributeurs de journaux gratuits ou de prospectus dans les
boîtes aux lettres, le statut de salariés. Elle ne fonde pas ce choix sur la
notion de service organisé (ils ne sont pas intégrés à une organisation, au
sens matériel, car ils supportent peu de contraintes), mais sur le fait que
dépourvus de clientèle, n'ayant que leurs bras à vendre, ces distributeurs
travaillent "au profit" de leur cocontractant. D'une certaine manière
le juge présume la subordination juridique de la dépendance économique.
2ème indice: la clientèle. Si le seul client de
l'indépendant reste une seule entreprise dont il dépend exclusivement alors
l'indépendance est fallacieuse.
Seuls les sous-traitants sans salarié pourraient
bénéficier d'un tel statut. Reste pour ceux ayant des salariés la possibilité
de requalifier le contrat en prêt de main-d'oeuvre illicite.
En pratique, le problème de la requalification du contrat
de sous-traitance en délit de prêt de main-d'oeuvre illicite (art. L125-3 du
code du travail) ou délit de marchandage (art. L125-1 du code du travail) se
pose lorsque la réalisation de la prestation implique de faire intervenir le
personnel du sous-traitant au sein de l'entreprise utilisatrice (donneuse
d'ordre) ou sur le site où le donneur d'ordre exerce son activité (il peut
s'agir d'un chantier). L'extériorisation est
structurelle. Le fait que des travailleurs externes côtoient les
salariés de l'entreprise donneuse d'ordre peut être révélateur de la volonté de
limiter le volume des contrats de travail.
De prime abord l'infraction pénale décrite à l'article
L.125-1 alinéa 1 du Code du travail établit une correspondance
parfaite entre l'opération prohibée de marchandage et l'opération de
sous-traitance sur site. Le marchandage est décrit comme l' "opération à
but lucratif de fourniture de main-d'oeuvre qui a pour effet de causer un
préjudice au salarié qu'elle concerne ou d'éluder l'application des
dispositions de la loi, de règlement ou de convention ou accord collectif de
travail". Or, nous l'avons vu dans le Titre 1 de cette Partie, le recours
à la sous-traitance a dans tous les cas pour conséquence (recherchée ou non) de
priver les salariés de nombreuses dispositions du code du travail ou des
avantages prévus dans les conventions collectives. On s'attend alors à ce que
de nombreuses condamnations soient prononcées pour marchandage caractérisé...
Il n'en est rien : les décisions jurisprudentielles
prononçant le délit de marchandage se font même plutôt rares. On peut
considérer qu'il existe une mauvaise volonté des juges à caractériser le délit.
On peut y voir également la conséquence de la
duplicité ou de la maladresse du législateur: dans la rédaction de
l'article et dans l'existence d'une deuxième infraction crée par la loi du 6
juillet 1973 et prévue à l'article L.125-3 du Code du travail[99].
Telle n'est cependant pas notre position: les juges n'ont
pas cherché à restreindre le champ d'application des deux articles mais se sont
heurtés aux fondements du droit du travail et aux concepts clés sur lesquels il
s'est édifié. La jurisprudence a été marquée par deux évolutions
significatives:
En premier lieu, les juges semblent au contraire avoir
simplifier la démonstration de telles infractions en créant progressivement une
infraction unique (§1) telle que celle qu'appelait de ses voeux Y.CHALARON en
1980[100].
En second lieu, l'objet de l'infraction de marchandage
semble s'être profondément modifié. A l'origine il sanctionnait le faux prestataire de services ou le faux
sous-traitant, aujourd'hui le principal responsable de l'infraction pénale est
devenu l'utilisateur de main-d'oeuvre extérieure (§2).
De prime abord les deux incriminations ne sont pas
placées dans un rapport de "loi générale avec une loi spéciale
puisqu'aucune ne comporte la totalité des éléments constitutifs de
l'autre"[101]. Il apparaît donc que chacune des infractions a un
domaine d'application déterminé. En suivant à la lettre les formulations du
législateur et les décisions des différentes juridictions nous montrerons qu'en
vérité ces deux infractions ont fusionné .
1- Le prêt de main-d'oeuvre exclusif ou non.
Les
infractions prévues aux articles L.125-1 et L.125-3 ne semblent pas visées les
mêmes opérations: l'objet du contrat dans le deuxième article est exclusivement
le prêt de main-d'oeuvre à but lucratif, condition qui n'apparaît pas
nécessaire pour l'opération qualifiée de marchandage. Le marchandage aurait
vocation à s'appliquer lorsque le prêt de main-d'oeuvre serait un accessoire à
une autre prestation. Ainsi l'objet principal du contrat de sous-traitance
n'est pas le prêt de main-d'oeuvre mais une prestation correspondant à
l'activité spécifique du sous-traitant.
Selon J. DE MAILLARD[102] la fourniture de main-d'oeuvre (L.125-1) est une
terminologie plus large que le "prêt" de main-d'oeuvre de l'article
L125-3. M. PETIT[103] fait cette distinction, voyant dans la fourniture
aux salariés de matériel lourd ou léger l'existence d'une opération n'ayant pas
pour objet exclusif le prêt de main-d'oeuvre. Lorsque le prestataire exécute
une tâche spécifique et bien définie représentant une véritable obligation de
résultat alors nous sommes dans le domaine d'application de l'article L.125-1
du code du travail[104].
Pendant de nombreuses années la jurisprudence fût
hésitante, une certaine gêne s'installait se concrétisant par un nombre très
restreint de condamnations pour délit de marchandage. La peur de sanctionner de
multiples relations juridiques "que nul ne songe à proscrire tant elles
s'intègrent à la pratique ordinaire de la gestion technique ou commerciale des
entreprises"[105], paralysait les juges. De 1976 à 1985, les juges
constataient le délit de marchandage uniquement après avoir caractériser
l'infraction à l'article L.125-3[106]. Le marchandage ne prenait donc corps qu'à travers
une opération "ayant pour objet exclusif un prêt de main-d'oeuvre".
Le tournant va s'effectuer en 1986 par un attendu de
principe formulé par la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans lequel
elle donne une définition précise de l'opération licite de sous-traitance
ne pouvant tomber ni sous le coup de l'interdiction de marchandage, ni sous le
coup de l'interdiction de l'article L.125-3. L'opération de sous-traitance est
licite "dès lors qu'elle comporte l'exécution d'une tâche nettement
définie, rémunérée de façon forfaitaire ainsi que le maintien de l'autorité du
sous-traitant sur son personnel et que la réalité de ces caractères spécifiques
est établie"[107] .
Cette définition de l'opération licite a permis une
certaine "procéduralisation" de l'examen des situations litigieuses
par les juges. Procéduralisation dont il nous est donné d'en voir la
matérialisation dans un des nombreux arrêts rendus en 1989 par la Chambre
criminelle sur la question[108]. Dans cet arrêt de rejet la Cour de Cassation
reprend mot pour mot le raisonnement des juges du fond[109]: deux étapes peuvent être ainsi dégager.
1) Dans un premier temps,
ils réunissent les éléments permettant d'identifier l'objet du contrat. En
l'espèce les juges identifient l'objet du contrat, d'après les parties, puis
selon les éléments concrets de sa réalisation, le mode de rémunération de
l'opération ainsi que le maintien de l'autorité du sous-traitant sur son
personnel. Cette étape permet en outre de montrer l'existence d'un but
lucratif. En l'espèce ils ont conclu que le contrat était bien un contrat
d'entreprise.
2) Ils examinent dans un
second temps les conséquences de l'opération. Cette étape permet de regarder si
les salariés n'ont pas subi un préjudice en étant privés de droits et
d'avantages, soit en comparaison avec le traitement des salariés de
l'entreprise donneuse d'ordre, soit par inapplication des dispositions légales
ou conventionnelles.
2- L'exclusivité du prêt de main-d'oeuvre.
Ainsi, les juges du fond ont condamné avec plus
d'assurance les opérations de fausse sous-traitance par le biais de l'Article
L.125-1 du Code du travail[110]. Dans ces arrêts les juges ont systématiquement
recherché si l'opération soumise à leur examen n'avait pas pour objet
principal, non pas une prestation, comme le soutenait les prévenus, mais une
fourniture de main-d'oeuvre. Dès lors cela revient à ajouter une condition
supplémentaire à l'article L. 125-1, une condition prévue à l'article L.125-3.
Cette condition supplémentaire paraît être la conséquence de la définition de
la sous-traitance licite par l'arrêt de 1986[111].
La définition du contrat de sous-traitance permet de
révéler l'objet réel du contrat. Les juges utilisent la méthode des faisceaux
d'indices: deux éléments sont principalement recherchés:
a) La spécificité de la tâche exécutée par le sous-traitant
Elle est ici un élément
déterminant, particulièrement lorsque la sous-traitance est de spécialité[112].Le prêt de main-d'oeuvre ne peut être illicite
lorsqu'il n'est "que la conséquence nécessaire de la transmission d'un
savoir-faire ou de la mise en oeuvre d'une technicité qui relève de la
spécificité propre à l'entreprise prêteuse"[113]. Si le matériel ou les matières premières
nécessaires à l'exécution de la tâche sont
fournis par le donneur d'ordre, si toute l' activité du sous-traitant
est tournée vers l'entreprise donneuse d'ordre[114], ou encore si la rémunération du sous-traitant tient
compte du nombre de salariés fournis et de la duré de la mission[115]... alors il y a une forte présomption que l'activité
confiée n'est pas spécifique.
Cependant le seul fait que les travaux sous-traités ne
"présentent aucune différence de nature, de substance, ou de
technicité"[116] par rapport à ceux qui rentrent dans la compétence
de l'entreprise donneuse d'ordre, ne rend pas pour autant l'opération illicite,
on peut être en présence d'une sous-traitance de capacité très courante sur les
chantiers du bâtiment.
b) Le sous-traitant doit avoir conservé toute son autorité
Le sous traitant doit
avoir conservé toute son autorité (de manière "permanente") sur les
salariés qu'il a fourni. Un transfert même temporaire de son pouvoir de
direction aux agents de maîtrise de l'entreprise donneuse d'ordre fait présumé
l'illicite[117].
Or à contrario de cette démonstration cela signifie
qu'est illicite l'opération où le sous-traitant, qui sous couvert d'une fausse
prestation, fournit en réalité exclusivement son personnel.
Selon le principe de réalité qui domine leur
jurisprudence en matière de requalification, ils ne se s'attachent pas à la
volonté des parties manifestée dans le contrat. Une opération de fausse
sous-traitance peut aussi bien être requalifié en prêt de main-d'oeuvre
illicite par application de l'article L.125-1 que de l'article L.125-3.[118] : les mêmes éléments sont relevés pour constituer
les deux délits pénaux.[119]. La démonstration d'une opération de fourniture de
prêt de main-d'oeuvre à but lucratif devrait être simplifiée si on la
distinguait de l'opération "ayant pour objet exclusif un prêt de
main-d'oeuvre". Dès lors les deux textes semblent avoir ab initio égale vocation à s'appliquer. Ce que montre
en vérité la définition de la sous-traitance licite par la Cour de cassation ,
c'est sa volonté de créer une cohérence entre sa jurisprudence en matière de
qualification du contrat de travail et celle sur les opérations prohibées: les
éléments qui révèlent la sous-traitance licite permettent de si le salarié est
bien intégré dans l'entreprise sous-traitante et non pas dans l'entreprise
donneuse d'ordre.
Pour Y.CHALARON[120], l'exigence d'un but lucratif présent dans les deux
articles est inadaptée dans le cadre du trafic de main-d'oeuvre. L' "opération
à but lucratif" est une "notion ambiguë voire abstruse, car à propos
d'un seul acte elle invite une recherche d'intention inséparable en fait de
l'analyse de l'ensemble de l'activité". Il propose donc que le législateur
modifie ces termes par une "opération à titre onéreux".
L'intervention du législateur n'a cependant pas été
nécessaire, les juges ont entendu très rapidement l'exigence d'un but lucratif
comme étant constitué dès lors que l'opération n'était pas à titre gratuit.
Dans le cadre de l'infraction à l'article L.125-3, ils
ont ainsi considérés que la présence de démonstrateurs dans un supermarché
révélait une opération à but lucratif dès lors que l'entreprise qui les
employait était rémunérée par l'augmentation des prix des produits ainsi vendus.
Une définition précise du "but lucratif" nous a été donné dans un
arrêt du 23 mars 1993 pour l'opération de marchandage où c'est l'utilisateur
qui était impliqué: il est constitué quand l'entreprise bénéficiaire n'a pas
supporter les charges sociales et financières des salariés utilisés[121] .
La distinction entre les deux incriminations se
trouverait-elle dans les résultats de l'opération comme le laisse suggérer la
formulation des deux articles? L'opération de marchandage serait alors un prêt
de main-d'oeuvre illicite aggravé puisqu'il porterait préjudice au(x)
salarié(s) fourni(s) en plus de contrevenir aux dispositions du code du travail
temporaire ou d'autres dispositions conventionnelles ou légales[122]. Ainsi après avoir relever que l'objet du contrat
était exclusivement un prêt de main-d'oeuvre et non pas une prestation de
services quelconque les juges recherchent, si les salariés non pas subi un
préjudice de ce fait. Les deux infractions seraient alors placées dans le
rapport de la loi générale (art. L.125-3) avec une loi spéciale (art. L.125-1).
Tel n'est pas le cas.
Tout d'abord l'art. L.125-1 ne nécessite pas la recherche
d'un préjudice subi par le(s) salarié(s) mis à disposition: le marchandage
peut-être constitué lorsque l'application des dispositions "de la loi, de
règlement ou de convention ou accord collectif de travail" a été éludée
(alternative expressément prévue par l'article). Dès lors, le prêt de
main-d'oeuvre illicite de l'article L.125-3 n'ayant pas respecté les
dispositions concernant le travail temporaire, le délit de marchandage serait
également constitué.
Or, les juges, non seulement ne recherchent pas
systématiquement, après avoir relevé l'infraction pénale prévue à l'article
L125-3, la présence d'un délit de marchandage[123], de même ils caractérisent le délit de marchandage
sans avoir préalablement recherché si l'infraction de l'article L.125-3 était
constituée[124].
Les juges ont simplifié considérablement la démonstration
du préjudice causé aux salariés par l'opération. Ainsi ce préjudice peut-il
résulter de la précarisation de leur situation[125], du non bénéfice des avantages résultant de la
convention collective ou des avantages sociaux, dus aux salariés permanents de
l'entreprise utilisatrice.
Il résulte de cet examen des éléments constitutifs des
deux textes, que les juges ont bien élaborés une infraction pénale unique.
Cette infraction du prêt de main-d'oeuvre exclusif peut avoir plusieurs
auteurs.
Le législateur semble n'avoir voulu réprimer que le seul
"fournisseur" et "prêteur" de main-d'oeuvre et non pas
l'utilisateur[126]. Pendant vingt ans, les juges ont condamné celui-ci
et non celui-là[127]. L'utilisateur n'étant parfois mis en cause que par
l'intermédiaire de la théorie de la complicité. L'arrêt du 25 avril 1989 marque
un tournant: les juges du fond avaient condamné les utilisateurs pour
complicité du délit de marchandage, la chambre criminelle les approuve mais
rectifie: les utilisateurs ne sont pas complices mais bel et bien coauteurs de l'infraction[128]. Cependant, on peut regretter que le législateur ne
soit pas intervenu pour établir une responsabilité solidaire et conjointe du
prêteur et de l'utilisateur telle qu'elle existe dans les textes réprimant le
travail clandestin[129]
Ce tournant jurisprudentiel a été suivi par la réforme du
code pénal: la loi du 20 décembre 1993 introduit un nouvel article L.152-3-1
qui permet de rendre responsables pénalement les personnes morales. Le jugement
pionnier en la matière est celui du T.G.I de Versailles du 18 décembre 1996 qui
rend responsables le dirigeant de l'entreprise utilisatrice et l'entreprise
utilisatrice du délit de marchandage[130]: l'imputation du délit à la personne morale
nécessite deux conditions: le délit doit avoir été commis par le représentant
et pour le compte de la société.
L'identification d'un trafic de main-d'oeuvre permet
aujourd'hui de débusquer l'utilisateur ou donneur d'ordre qui plutôt que
d'embaucher à préférer recourir à une extériorisation de l'emploi afin d'économiser
le coût de la main-d'oeuvre. L'opération illicite révèle que les réelles
motivations du donneur d'ordre étaient de se soustraire aux responsabilités qui
incombent aux employeurs et donc aux dispositions du code du travail. Comme en
matière de requalification du contrat de sous-traitance en contrat de travail,
les juges révéleront l'intention délictueuse par l'intégration des salariés
fournis dans l'entreprise donneuse d'ordre: l'entreprise utilisatrice détient
le véritable pouvoir de direction sur les salariés du faux sous-traitant.
L'absence de certains éléments constitutifs de l'opération de la sous-traitance
dévoilent la fraude de l'entreprise donneuse d'ordre et le profit illicite pour
le prêteur de main-d'oeuvre.
De plus en plus les juges relèvent l'état de dépendance
économique dans lequel se trouve le prêteur[131]. Les juges du fond soulignent, ainsi, que
l'entreprise donneuse d'ordre avait recours systématiquement à la
sous-traitance dans le seul but de réduire le coût de la main-d'oeuvre et
d'obtenir des marchés, que les entreprises sous-traitantes étaient dans un lien
de dépendance économique complet vis-à-vis d'elle n'ayant pas d'autres clients
et que ces dernières n'avaient pas de salariés permanents, les travailleurs
étant engagés uniquement pour de courtes périodes en fonction des besoins sur
le chantier[132]
On pourrait distinguer les deux articles selon la
personne qu'ils visent à sanctionner. Le prêt de main-d'oeuvre peut être vu
sous deux angles.
L'article L.125-3 condamnerait le soi-disant prestataire
de services ou sous-traitant, employeur juridique des salariés fournis. Les
dispositions concernant le travail temporaire cherche à faire respecter au
prêteur de main-d'oeuvre l'article L. 124-1 du code du travail. Cet article
l'oblige à avoir pour activité exclusive la mise à disposition provisoire de
salariés qu'elle embauche et rémunère à cet effet. Une entreprise qui prête de
la main-d'oeuvre sans avoir le statut d'E.T.T. serait la seule coupable du non respect des dispositions relatives au travail
temporaire.
L'article L.125-1 vise au contraire l'utilisateur de la
main-d'oeuvre qui par une opération d'extériorisation d'emploi, chercherait
exclusivement à éluder l'application de dispositions légales et
conventionnelles de travail, causant par la même un préjudice aux salariés de son
cocontractant. La requalification de l'opération de sous-traitance en
marchandage identifie l'utilisateur comme le véritable employeur des salariés
fournis. Le préjudice subi par les salariés est la perte de droits et
d'avantages occasionnée par le défaut d'embauche par le donneur d'ordre[133]. Il faut effectuer une comparaison en tenant compte
des conventions et accords collectives applicable dans l'entreprise donneuse
d'ordre.
Certains juges emprunte cette voie. Dans une décision du
T.G.I. de Paris du 13 février 1980[134] , les juges relèvent, après avoir condamner le
prêteur de main-d'oeuvre par application de l'article L.125-3, que les procédés
utilisés en l'espèce "peuvent permettre à l'entreprise utilisatrice de
s'affranchir des servitudes de la position d'employeur ou d'éluder pour une
partie de sa force de travail, le bénéfice d'un statut protecteur" mais
qu'il n'entre pas dans leur pouvoir d'attraire des personnes non citées par les
parties poursuivantes. En l'espèce donc tous les éléments constitutifs de
l'infraction de marchandage étaient réunies afin de condamner l'utilisateur, et
ce dans le cadre d'une opération ayant pour objet exclusif un prêt de
main-d'oeuvre qui avait valu au faux sous-traitant une condamnation[135].
Les infractions à l'article L.123-1 impliquent
systématiquement la responsabilité du faux sous-traitant[136]. Mais le faux prestataire peut être considéré comme
coupable des deux infractions sans qu'il y ait condamnation de l'utilisateur,
de même que l'utilisateur et le faux prestataire peuvent être coupables de
marchandage sans que l'article L.125-3 soit invoqué. Cette "spécialisation"
des deux textes permettraient une clarification de leur champ d'application.
Les juges commencent à emprunter cette
voie: leurs décisions condamnent de plus en plus l'utilisateur pour délit de
marchandage, en basant tout leur raisonnement sur son comportement fautif, les
faux prestataires ou faux sous-traitants responsables pour le même chef
d'inculpation sont condamnés d'une manière "subsidiaire"[137].
il est certain que toutes les opérations de fourniture de
main-d'oeuvre ne doivent pas être prohibées et encore moins toutes les
opérations de sous-traitance sur site. Cependant, la sous-traitance (sur site
ou externe) reste à la limite de l'acceptable: les préjudices qu'elle fait
subir aux salariés sont bien réels[138] et si l'intention d'éluder les dispositions du droit
du travail n'existe pas toujours, l'opération de sous-traitance, elle, a
toujours pour résultat d'en éloigner l'application d'un certain nombre.
L'écart se creuse entre des formes d'emploi aux variétés
multiples, dont la légitimité dérive de la liberté d'agencement du capital, et
un droit du travail qui se crispe sur des concepts archaïques. Les notions
d'entreprise mais aussi de subordination juridique, ayant déjà fait l'objet
d'une jurisprudence extensive, semblent avoir montrer leur incapacité à assurer
les droits de chaque travailleur dans le cadre de la nouvelle organisation
industrielle qu'est le réseau de sous-traitance.
Les "hybrides", organisations reposant sur des
liens contractuels et non hiérarchiques, permettent à l'entreprise donneuse
d'ordre dominante de contourner les lois sur la protection de l'emploi. Ce
comportement s'apparente à une fraude à la loi, même s'il s'inscrit dans une
recherche de flexibilité de l'appareil productif face aux fluctuations du marché
ou de réduction des coûts fixes. Les justifications économiques ne doivent pas
cacher les conséquences juridiques. Grâce au
réseau, l'entreprise "centrale" fuit toute responsabilité,
particulièrement en matière sociale.
Deux voies s'ouvrent pour rétablir une égalité entre les
salariés des sous-traitants et les salariés des donneurs d'ordres. La première
est indirecte. Elle vise atténuer la dépendance du sous-traitant à l'égard de son client de taille importante qui,
ayant plusieurs clients et plusieurs activités, a une politique sociale de même
qualité que celle des entreprises donneuses d'ordre (Titre1). La deuxième voie,
plus directe, établit de nouveaux concepts de droit du travail appréhendant la
nouvelle organisation du processus productif (Titre 2).
Permettre aux entreprises sous-traitantes de se
développer et d'échapper à une relation de dépendance plus ou moins grande
constituerait la meilleure façon d'optimiser l' application du droit du travail . Le contrat de
sous-traitance comme le contrat de travail véhiculent tous les deux des
relations inégalitaires requérant Elles nécessitent une organisation de la
relation. Même si l'inégalité de ces deux contrats diffère par sa nature, la
mise en place d'un régime propre au contrat de sous-traitance serait pertinente
afin de le soustraire à la dépendance tout en préservant l'autonomie de
l'entreprise sous-traitante. L'analogie avec les solutions déjà exploitées en
droit des contrats s'impose. Nous rechercherons dans un premier temps les
critères identifiant la relation de sous-traitance inégalitaire pour ensuite
tenter de trouver des solutions appropriées.
A partir de quel moment l'inégalité contractuelle
nécessite-t-elle l' intervention du législateur? Existe-t-il des critères?
L' autonomie des volontés régit le droit des contrats. Le contrat se formant
par la rencontre de volontés autonomes, ne laisse pas de place à la prise en compte de l' inégalité entre les
parties. La période antérieure à la conclusion du contrat détermine la teneur
de leur accord après éventuellement une discussion où les protagonistes
s'affrontent pour en déterminer les modalités, . L' égalité absolue entre les parties est illusoire.
L'égalité est essentiellement juridique. L'égalité
parfaite, absolue, n'existe pas car l'objectif des parties est le plus souvent
d'ordre économique au sens large, or, la situation des cocontractants est
rarement identique Dans les rapports contractuels entre personnes juridiques,
l'égalité ne peut donc avoir qu'un sens étroit: une égalité juridique.
L'égalité juridique réside dans une équivalence des
statuts, en l'occurrence les rapports se nouent entre personnes juridiquement
indépendantes, chacun agissant à ses risques et périls, chacun étant égal face
à ses chances de succès ou d'insuccès de son activité commerciale.
L'inégalité de pouvoir découlant de situations
économiques différentes est cependant une réalité. Le droit combat les abus
d'une position dominante. Le contrat de travail, le premier rapport contractuel
inégalitaire a fait l'objet d'une intervention du législateur pour protéger la
partie faible. Le critère de la subordination juridique met en oeuvre de cette
protection mais tient pas compte des relations particulières entre le
sous-traitant et le donneur d'ordre. La jurisprudence ayant rejeté le critère
de la dépendance économique. Un accès simplifié au statut de salarié serait
souhaitable pour les sous-traitants
dans un état de dépendance économique extrême. Un tel accès, déjà réservé à
certaines professions indépendantes, serait possible[139]
Reste à savoir si les sous-traitants ayant embauché des
salariés et totalement sous la dépendance économique de leur donneur d'ordre,
peuvent prétendre à un régime mixte de protection, inspiré par le droit du
travail ou tout autre droit[140]. Peut-on mobiliser le concept de dépendance
économique ou l'appartenance de la qualification de contrat d'adhésion
suffirait-elle ?
En droit de la concurrence, la dépendance économique fut
consacrée en 1985. Antérieurement , elle transparaissait à travers certaines dispositions particulières, sans
être nommée. Les textes énuméraient un certain nombre de critères de l'état de
dépendance économique.
G. VIRASSAMY est l'un des premiers à propose en 1986[141] un régime
propre aux contrats de dépendance économique. Il décrit trois contrats dits de
dépendance économique: le contrat d'intégration agricole, le contrat de
distribution et le contrat de sous-traitance.
Dans le cadre du droit de la concurrence, un abus qui est
recherché. La position dominante d'une entreprise sur un marché ou d'une
dépendance économique d'une entreprise par rapport à une autre, ne suffisent
pas.
La dépendance économique est intrinsèque à un contrat
nommé: pour bénéficier d'une protection, il faut avoir une qualité: producteur
agricole, distributeur...
Nous ne ferons qu'effleurer ce sujet. Le régime que nous
voulons mettre en place ne peut être "occasionnel". Ce régime ne peut
être mis en place que dans la gestion quotidienne de la relation de
sous-traitance. Sinon il se répercuterait
profondément sur l'entreprise de sous-traitance .
La notion de dépendance économique, fut introduite en
droit français par la loi du 31 décembre 1985. La loi aggrave les pénalités
encourues en cas d'obtention d'avantages discriminatoires, "lorsque ces
avantages sont obtenus d'un partenaire en situation de dépendance". Elle
s'inspire de la sanction en droit allemand de l'abus de position dominante.
L'ordonnance du 1er décembre 1986 consacre véritablement la notion dans son
article 8-2. Elle prohibe l'exploitation abusive, par une entreprise ou un
groupe d'entreprises, "de l'état de dépendance économique dans laquelle se
trouve, à son égard, une entreprise cliente ou fournisseur qui ne dispose pas
de solution équivalente. Ces abus consiste dans le refus de vente, en ventes
liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de
la relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de
se soumettre à des conditions commerciales injustifiées".
Concrètement l'article 8-2° renvoie à trois principaux
types de dépendance: la dépendance d'un commerçant, grossiste ou détaillant, à
l'égard d'un industriel qui fabrique une gamme de produits jouissant d'une
grande notoriété, l'engagement d'un professionnel par des contrats de longue
durée ou des investissements importants dont le maintien conditionne
l'équilibre, parfois même la survie de son entreprise, enfin, la situation d'un
fournisseur, tributaire d'un acheteur déterminé (tel le producteur agricole
dans un contrat d'intégration agricole.
Cependant le Conseil de la concurrence s'est avant tout
prononcé sur des hypothèses relevant du premier type. Seule la deuxième
situation est susceptible de nous intéresser. En 1993, le Conseil a connu à
deux reprises des d'hypothèses relevant de cette situation à propos de deux
contrats de distribution[142]. Selon ces décisions la dépendance s'apprécie au
regard des critères de: l'importance du chiffre d'affaires du distributeur
réalisé par le fournisseur avec le distributeur, l'importance du distributeur
dans la commercialisation des produits concernés, des facteurs ayant conduit à
la concentration des ventes du fournisseur auprès du distributeur: choix
stratégique ou nécessité technique; et enfin de l'existence et de la
diversité de solutions alternatives.
Dès lors, le droit de la concurrence ne prend en compte
que des situations extrêmes de dépendance économique. La dernière condition
montre que la dépendance du sous-traitant ne peut être prise en compte, le
sous-traitant étant libre de contracter avec d'autres donneurs d'ordres.
Dans le contrat d'intégration agricole, un industriel
apporte une aide substantielle à un producteur agricole pour qu'il démarre un
élevage ou lance une culture. En contrepartie ce dernier accepte de nombreuses obligations, notamment
une exclusivité de fourniture ou d'approvisionnement. Le producteur a ainsi
l'assurance d'écouler sa production et reçoit la garantie d'un revenu minimum
assuré par son cocontractant.
Malheureusement cette aide financière le mettre dans une
situation de dépendance à l' égard de l'industriel et des rapports de
commandement se substituent aux rapports contractuels normaux grâce à des
stipulations très pointilleuses. Comme la sous-traitance, la situation
d'intégration agricole présente une grande variété de situations selon la
situation du marché du produit, la position de l'industriel sur ce marché et la
taille de l'exploitation agricole.
Pour le législateur, la nature du contrat crée
l'assujettissement. Les parties au contrat d'intégration sont un producteur
agricole et une entreprise industrielle ou commerciale. La caractéristique
essentielle des contrats signés par ces deux parties est la réciprocité des
obligations de fourniture de produits ou de services à la charge des parties. A
coté de critères juridiques, les juges tiennent compte de faits révélant l'état
de dépendance.
Il n'existe pas de clauses d'exclusivité dans le contrat
de sous-traitance malgré la dépendance économique du sous-traitant. Cette
dépendance découle plus de la position dominante du donneur d'ordre sur le
marché. Lorsque la relation de sous-traitance est pérennisée par un
contrat-cadre . Dans les autres cas, le sous-traitant est dépendant parce qu'il
retire l'essentiel de son revenu d'un seul et même donneur d'ordre. la survie
de son entreprise dépend de sa relation avec le donneur d'ordre.
Le traitement de l'inégalité contractuelle se développe.
De nombreux auteurs civilistes observent un phénomène de multiplication des
contrat d'adhésion. Le "contrat d'adhésion" montre un rapport
inégalitaire. Pendant longtemps a été contesté la possibilité d'y répondre. L'
"inégalité de puissance économique" ou plus simplement, l'inégalité
née de l'urgence et de l'intensité du besoin, existerait partout et toujours.
Mais il fut défini comme un contrat que l'une des parties accepte en bloc, sans
possibilité réelle de discussion. Autrement dit, le choix de l'adhérent se
réduit à conclure ou ne pas conclure le contrat dont le contenu échappe à sa
volonté. A cet élément qui répond au terme "adhésion" s'ajoute
généralement la "rédaction unilatérale des clauses du contrat par
l'offrant"[143].
Ces contrats ne posent un problème législatif spécifique
que lorsque ces contrats types sont rédigés unilatéralement par l'une des
parties.
Cependant, les conditions dans lesquelles la rencontre
des volontés a eu lieu ne détermine pas la nécessité d'une protection. Ce
caractère fait présumer que l'une des parties abuse d'une position dominante
vis-à-vis de son cocontractant. Il rend suspect la relation qui s'instaure. L'
équilibre entre la protection de la partie faible et la sécurité juridique
limite la sanction à l'exécution du contrat confirmant le rapport inégalitaire.
Or de tels abus existent dans l'exécution du contrat de
sous-traitance: ils prennent différentes formes selon que la relation entre les
parties est pérennisée ou non par un accord-cadre et se concrétisent par des
impayés...
Les solutions envisagées doivent tenir compte des
relations déjà existantes pour des contrats
dit d'adhésion. Deux possibilités s'offrent à nous: intervenir dans le
cadre strict des relations contractuelles entre le donneur d'ordre et le
sous-traitant ou en dehors de ce cadre.
Une intervention est
envisageable aux trois stades de la relation: au moment de la formation du
contrat, de son exécution et enfin de sa rupture.
La mise en place du protection à ce stade, contre les
abus possibles d'un des futurs contractants s'opère de deux façons:
La première consiste à mettre à la charge de celui qui
est susceptible de commettre des abus, un obligation de renseignement et de
conseil. C'est la voie empruntée notamment pour la relation entre un profane et
un professionnel. Cependant la relation entre professionnels et notamment avec
un professionnel dépendant, ne génère pas une obligation d'information ou de
renseignement entre les intéressés. Leur qualité leur impose en effet de
prendre l'initiative de se renseigner sans attendre de recevoir de leur
partenaire des informations et leur impose même de vérifier les informations
qu'il leur aurait été fournies.
La deuxième consiste à imposer un document pré
contractuel au moment de la formation du contrat. Ce document prend la forme
d'un contrat-type. Il comporte une liste d'informations à fournir tels que
l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives du
marché concerné, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et
de cession du contrat...Le contenu exact de ce document est fixé par
l'administration ou un organisme représentatif de la profession. C'est la voie
en général suivie par le législateur pour intervenir lors de la formation d'un
contrat entre professionnels où l'un domine l'autre. La loi Doubin du 31
décembre 1989 pour les contrats de distribution et la loi d'orientation
agricole du 4 juillet 1980 pour les contrats d'intégration ont toutes deux
utilisées cette technique.
On peut se demander si un tel contrat-type ne serait pas
opportun dans le cadre des relations de sous-traitance afin que le sous-traitant
puisse connaître les perspectives de ses relations avec le donneur d'ordre. Un
contrat-type pour chaque secteur d'activité serait requis
La contractualisation des relations permettrait de
stabiliser le régime des relations entre les parties (contrat de partenariat ou
de stabilité). Il faudrait développer une formule-type de contrat, prévoyant
des exigences minimales auxquels devraient répondre tout contrat et dont le non
respect serait sanctionné.
Deux types de clauses relatives à l'inexécution des
contrats sont envisageables des clauses relatives aux garanties d'exécution du
contrat et à l'indemnisation du préjudice. Ce dernier type de clauses
permettraient d'éviter le recours judiciaire. Elle pourrait être liée au
cautionnement et aux clauses de garantie d'exécution: l'indemnisation pouvant
en ce cas être promise par le cocontractant ou un tiers qui s'engage à la bonne
exécution du contrat.
Une intervention serait la bienvenue dans la relation de
sous-traitance, afin que le donneur d'ordre respecte les contrats. Le nombre de
factures impayées l'un des grands problèmes. Les actions en justice sont trop
coûteuses pour les entreprises sous-traitantes. En matière de sous-traitance de
marché soumise à la loi du 31 décembre 1975 il existe une procédure de
cautionnement. Les sommes dues par l'entrepreneur principal au sous-traitant
doivent être garanties par une caution personnelle et solidaire obtenue par
l'entrepreneur principal auprès d'un établissement de crédit agréé.
La généralisation du mécanisme au cas de la
sous-traitance industrielle aurait pour conséquence un engagement financier du
donneur d'ordre sur un certain volume et le dissuaderait de rompre le contrat.
L'obtention d'un tel cautionnement auprès d'un établissement de crédit agréé
aurait pour corollaire l'exigence par le dit établissement de crédit,
d'engagements de la part du donneur d'ordre, de l'absence pour un temps donné
au moins de volonté de rupture de la relation de sous-traitance.
Dans le contrat de sous-traitance, des garanties
analogues à celles qui figurent dans le contrat de travail pourraient
contribuer à stabiliser l'emploi et à organiser la concurrence: il est ainsi
envisageable de créer des modalités de rupture du contrat de sous-traitance
inspirées de celles qui existent pour le licenciement: indemnisation du
préjudice subi du fait de la rupture et préavis.
Comme le souligne T. REVET, "le droit de la rupture
du contrat de travail vise avant tout à favoriser une certaine stabilité du
contrat de travail, pour des raisons d'ordre économique et social": le
droit de la rupture du contrat de travail est donc le droit de la protection
d'un contrat de dépendance[144]. Ce régime aurait une vocation naturelle à être
appliquée à toute rupture d'un contrat de dépendance: c'est pourquoi ce régime
s'applique déjà pour deux catégories de gérants mandataires[145]. Il serait donc pertinent d'étendre ce régime ou une
partie de ce régime aux contrats de sous-traitance. Ainsi est-il possible
d'imaginer:
- Le contrôle de la réalité des motifs du partenaire
dominant.
Le motif invoqué doit être objectif, réel et légitime.
L'auteur de la rupture est dissuader de procéder à une rupture intempestive du
contrat. Une certaine stabilisation des relations s'ensuit nécessairement et
réduit, ce faisant l'aléa consécutif à la dépendance professionnelle. Cependant
dans le cadre de contrat de dépendance économique, seul s'opère pour l'instant
un contrôle non abusif de la décision.
En cas de rupture du contrat anticipée, le motif serait
une faute grave commise par le sous-traitant. La brusque rupture est
sanctionnée en tenant compte du manque à gagner résultant de l'impossibilité
d'accomplir le contrat.
Par contre, il n'y a pas dans la relation de travail
comme dans les relations de dépendance d'obligation de motiver le refus de
renouveler le contrat puisqu'il manifeste l'exercice d'un droit. Seul l'abus
peut permettre un certain contrôle de cette décision.
- Les suites de la rupture.
La nécessité de respecter un préavis est aujourd'hui
générale. Elle s'impose à tout contrat conclu sans durée déterminée.
Plus difficile est la prévision de l'indemnisation du
prestataire dépendant, fondée sur la
rupture, indépendante de toute faute commise lors de la résiliation par le
partenaire. La démonstration d'un préjudice causé par la rupture donne droit à
une telle indemnité serait par exemple pertinent .
Cependant rien pour le moment laisse présager une telle
évolution. Cette évolution nécessite des changements radicaux dans les manières
d'envisager les contrats entre professionnels. La mise en place de solutions
extérieures au lien contractuel serait certainement plus rapides.
Des solutions émanant du sous-traitant sont possibles
pour échapper à une dépendance du donneur d'ordre. Elles nécessitent une
volonté et une capacité à développer son entreprise. Des incitations pourraient
être développées pour l'aider dans cette démarche.
Il faudrait soutenir le sous-traitant dans sa recherche
de nouveaux donneurs d'ordres : pour
être plus indépendant et pour se préserver des variations de charges qui
pourraient toucher le donneur d'ordres. Cette politique existe déjà chez
certains sous-traitants, ceux spécialisés dans des activités de pointe. Ils
sont poussés souvent par leur donneur d'ordre. Cependant dans les secteurs de
haute technologie, les donneurs d'ordres sont peu nombreux, ils doivent donc
démarcher à l'étranger.
La diversification des produits ou le développement de
produit propres serait une autre stratégie pour échapper à la dépendance des
donneurs. Cependant, le sous-traitant doit avoir une surface financière
suffisante et une structure commerciale lui permettant d'assurer sa vente. Le
regroupement de sous-traitants éviteraient cette
Les stratégies collectives sont privilégiées dans les
contrats d'adhésion. La partie faible retrouve au niveau collectif, le rapport
de force perdu dans la relation contractuelle.
La représentation collective en droit du travail est une
illustration parfaite de ce propos. Les associations de consommateurs, les
regroupements de producteurs agricoles, en assurant la représentation
collective des parties faibles au contrat leur permettent d'assurer la défense
de leurs intérêts.
Plusieurs modes de regroupement s'offrent aux
sous-traitants.
Le regroupement peut
s'articuler autour de l'appartenance à un même réseau de sous-traitance. Les
sous-traitants d'un même donneur d'ordre et/ou situés dans une même zone
géographique pourraient notamment avoir la possibilité d'agir en justice
collectivement pour obtenir l'exécution des obligations du donneur d'ordre.
La création d'un pool de plusieurs entreprises de
spécialités différentes s'inscrirait dans la recherche de nouveaux débouchés,
créant une complémentarité et une coordination des différents métiers. Une
entreprise chef de file assurerait la fonction commerciale.
Toutefois, les regroupements d'entreprises constituent
une stratégie particulièrement difficile à mettre en oeuvre. Deux raisons à
cela:
La principale difficulté est l'individualisme farouche
des sous-traitants qui sont déjà hostiles à la création de Bourses de
sous-traitance. ils ne veulent aucune relation de dépendance juridique
vis-à-vis d'un autre, ils défendent résolument leur identité et leur autonomie.
La deuxième tient au choix de la personnalité juridique à
donner à ce groupement. La plupart des regroupement relevés dans l'enquête de
M. -L. MORIN, n'ont pas de personnalité juridique.
Les différentes solutions qui ont été abordées ici
rapidement, posent de gros problèmes de mise en place. Celles basées sur la
relation contractuelle ne sont, la plupart, que de pures spéculations. La
jurisprudence est encore bien loin d'y aboutir. Les relations de sous-traitance
rappelons-le, sont très diversifiées. Il est très délicat de parler de
dépendance économique au sens où l'entend les auteurs ou les textes
législatifs.
L'évolution du lien de subordination entre l'employeur et
le salarié suggère l'abolition d' un droit où l'aire géographique de
l'employeur, c'est-à-dire l'entreprise, déterminait le statut du travailleur et
de l'ensemble de ses conditions d'emploi.
L'entreprise figure incontournable et insaisissable du
droit du travail, permet de déceler la présence d'une relation de subordination
juridique. Elle doit être dépassée. Les conséquences de la relation de
sous-traitance sur l'application du droit du travail sont importantes. Les
écarts de traitement qui existent ne se justifient pas, bien au contraire: les
salariés les plus touchés par la déformation sont les plus fragiles sur le
marché du travail.
Cependant toute solution future ne pouvant s'inscrire que
dans une certaine continuité du présent, nous allons mobiliser les
problématiques traditionnelles en droit du travail: le pouvoir de décision et
l'entreprise:
Le paradigme de l'entreprise est fondé sur un double
critère: l'unité de direction (critère
hiérarchique) et l'existence d'un service organisé (qui consacre le but
unique ou l'activité commune poursuivie). Ce raisonnement permet d'identifier
le responsable de l'application des dispositions du droit du travail: le chef
d'entreprise - employeur. A l'intérieur de ce cadre le salarié pourra être
intégré dans une collectivité organisée, lui assurant une représentation.
Le droit positif a utilisé ce double critère pour étendre
certaines dispositions dans le cadre de nouvelles structures industrielles afin
de reconstituer l'entreprise. Les notions d'unité économique et sociale, de
groupe, mais aussi de site ont permis de prendre en compte une nouvelle
répartition des pouvoirs de direction et de gestion de l'entreprise: dans
certains cas on recherche le pouvoir central d'une organisation hiérarchisée,
dans d' autres on met en valeur la cohabitation de différents centres de
décision économique. Mais c'est bien la localisation des pouvoirs
économiques qui est recherchée.
Le droit positif ne prend en compte le pouvoir de
décision économique que dans le cas de la responsabilité et la représentation
collective. Ces deux domaines relèvent d'une logique différente.
L'identification d'un responsable reste cantonné au cadre strict de l'appareil
productif, contrairement à la représentation collective qui a parfois lieu à un
autre niveau. C'est pourquoi nous rechercherons la manière de prendre en compte
une nouvelle organisation de l'appareil productif pour ensuite rechercher un
nouvelle organisation de la négociation collective.
La seule raison pour laquelle les "hybrides"
n'ont pas d'identité juridique, c'est-à-dire de personnalité morale, tient au
fait qu'ils ont été démantelés en unités de capital différentes, soudées par
des liens contractuels" (...): "il y a scission entre la multitude
des unités de capital et l'unicité de la structure d'organisation responsable
de toutes les décisions à prendre"[146]. L'entreprise choisissant sa propre taille, elle
choisit également les limites de ses responsabilités juridiques et se soustrait
à ses responsabilités légales dont celles qui découlent de la qualité
d'employeur. La loi ne saurait donc tolérer que le simple choix d'une forme
juridique permette de définir les frontières entre un salarié dépendant et un
entrepreneur indépendant et puisse priver de facto des salariés de droits
sociaux fondamentaux. L'unité de l'organisation doit donc être rétablie.
Quels moyens juridiques permettraient de prendre en
compte, vis-à-vis des salariés, les relations interentreprises et de fonder une
responsabilité des entreprises qui travaillent ensemble ou les unes pour les
autres? Deux voies nous sont ouvertes:
- La première repose sur des relations de type
hiérarchique, comme le groupe: ne peut -on évoquer le réseau en tant que
structure hiérarchique?
-La deuxième tient compte de l'interférence entre les
activités de plusieurs entreprises: c'est ce que nous nommerons la co-activité.
Ces deux justifications
permettent de révéler une organisation. Elles ne sont pas exclusives l'une de
l'autre, elles peuvent cohabiter. Cependant elles conduisent à des solutions
différentes en matière de responsabilité.
Le réseau est une figure difficile à cerner. Il est
généralement considéré comme une structure de relations de même type entre
divers points localisés d'un espace géographique.
Faut-il assimiler juridiquement les réseaux contractuels
à des entreprises dotées de la personnalité morale? Peut-on appliquer à un
certain nombre d'entreprises juridiquement autonomes mais fédérées sous le
contrôle d'une entreprise dominante, les règles de protection progressivement
développées pour les groupes de sociétés? C'est ce à quoi nous tenterons de
répondre.
"La reconnaissance formelle de l'identité juridique
propre des membres d'organisations économiques complexes peut cacher ce qui
constitue, en réalité, un seul et même ensemble de relations productives",
il "devrait être traité comme un seul et même groupe, lorsqu'il s'agit
d'imputer une responsabilité légale à ce groupe"[147]. Le groupe est en droit du travail, la seule notion
tenant compte d'une structure complexe en matière de responsabilité. Nous
établirons les parallèles existant entre les structures pour voir ensuite si
l'on peut établir une responsabilité liée à cette notion.
Monsieur Champaud définit le groupe comme "un
ensemble de sociétés apparemment autonomes, mais soumises à une direction
économique unitaire"[148]. L'existence d'une direction économique unitaire
découle de la présence d'une société mère qui domine toutes les sociétés du
groupe. Le lien de domination qu'elle établit sur ses sociétés se concrétise
par des participations dans leur capital à hauteur de 10%. Dans le cadre du
réseau, il existe bien une entreprise dominante, l'entreprise centrale donneuse
d'ordre mais elle ne détient que rarement des participations dans le patrimoine
des entreprises sous-traitantes.
Cependant cette entreprise détermine la politique
économique pour l'ensemble du réseau.
L'innovation majeure de
G.TEUBNER dans l'analyse de ces nouveaux acteurs qu'il nomme hybrides, est, en
effet, de mettre en lumière les rapports de puissance au sein du réseau : il
existe une entreprise maîtresse qui déplace le risque sur les autres membres du
réseau mais aussi sur des tiers[149].
Cette entreprise maîtrise l'ensemble du processus
productif. Le produit fabriqué par les sous-traitants est défini par cette
entreprise. Elle l'intègre dans un produit final complexe ou elle se charge de
sa commercialisation. Ainsi la fabrication d'un avion est un produit final
complexe. Les différentes pièces le composant proviennent de différentes
entreprises sous-traitantes. Dans le textile les modèles sont conçus par
l'entreprise donneuse d'ordre qui sous-traite l'ensemble de la production.
C'est donc elle qui détermine la charge de travail confiée au sous-traitant,
ceux-ci n'ayant aucune prise sur la quantité de travail fourni. Il en découle
nécessairement une étroite collaboration entre l'entreprise donneuse d'ordre et
l'ensemble des entreprises sous-traitées.
En cas de perturbations extérieures, la direction du
réseau, l'entreprise centrale maîtresse, peut choisir soit une réaction de
l'hybride dans son ensemble (créer un effet accordéon), soit une répercussion
que sur certains de ses maillons. Le réseau de sous-traitance ressemble au
réseau de distribution: il existe une entreprise maîtresse entourée d'un réseau
de satellites "qui conservent la propriété et les bénéfices résiduels de
leurs entreprises, mais sont intégrés à une organisation étroitement imbriquée au
moyen d'un ensemble de contrats conclus avec l'entreprise maîtresse".
Les entreprises sous-traitantes, gardent, comme les
sociétés membres du groupe, une autonomie dans la gestion de leur activité,
mais ne se préoccupent pas d'appréhender les aléas du marché: elles les
subissent.
"La spécificité des "contrats
symbiotiques" tient au fait que l'une des parties transfère l'intégralité
du contrôle à l'autre, tout en conservant la propriété de son entreprise et les
bénéfices résiduels découlant de l'activité"[150]. Les entreprises sous-traitantes perdent ainsi la
maîtrise des décisions fondamentales, qui permettent d'avoir une gestion à long
terme de leur activité. Dans le cadre de relations de partenariat, les
prévisions peuvent se faire à moyen terme (sur trois à quatre ans). Lorsqu'il
n'y pas de relations pérennisées par un contrat-cadre mais que les relations
avec le donneur d'ordre se concrétisent "à la commande", le
sous-traitant n'a vision qu'à court terme de son activité.
Les liens patrimoniaux entre les sociétés filiales et la
société-mère ont deux conséquences que l'on ne peut retrouver dans le réseau,
faute de tels liens.
Dans les groupes, des flux de biens et de services
s'établissent entre la société-mère et ses filiales et entre filiales.
Certaines sociétés ont par rapport aux autres la qualité de fournisseur et de
client. Les contrats qui à cet égard peuvent les lier sont souvent assortis
d'une clause d'exclusivité, laquelle oblige le filiales à livrer leurs produits
uniquement à des sociétés soeurs ou bien à ne se fournir qu'auprès d'elles.
Le groupe est une structure industrielle stable: la
société-mère ne se défait pas d'une de ses filiales aux moindres variations de
la demande sur le marché.
Dans le réseau, cette cohésion n'existe pas:
Les sous-traitants ne se connaissent que lorsque leurs
activités sont exercées sur un même site, ou lorsque leurs entreprises sont
situées sur une même zone géographique.
Mais surtout le réseau est une structure flexible et qui
ne lie pas les sous-traitants à leur donneur d'ordre par une exclusivité.
Dans certains secteurs les relations contractuelles entre
l'entreprise dominante et les différentes entreprises sous-traitantes, sont
très instables. L'installation d'un réseau permet aux entreprises de répondre
de façon adaptée aux fluctuations de leur environnement. Dans le réseau, c'est
le marché qui régule les relations entre les entreprises le composant, dans le
groupe c'est la hiérarchie. Il existe un nombre restreint d'entreprises
sous-traitantes qui bénéficient d'un contrat-cadre avec leur donneur d'ordre:
ce sont les sous-traitants les plus solides, qui possèdent une technicité
importante. Les donneurs d'ordres doivent pouvoir les fidéliser.
Il n'y pratiquement pas de clauses d'exclusivité dans les
contrats de sous-traitance. Au contraire des distributeurs qui eux ne dépendent
que d'un seul fournisseur qui leur impose ses conditions. Les sous-traitants
restent libres juridiquement d'avoir plusieurs donneurs d'ordres. Dans le cadre
des relations de partenariat, les donneurs d'ordres encouragent même leur
sous-traitants à avoir plusieurs clients: en cas de rapatriement des charges
pendant un certain temps, ils ont tout intérêt à ce qu'il puisse compter à
nouveau sur leur sous-traitant quand il y a une reprise sur le marché. Pour les
activités de haute technologie extériorisées, les sous-traitants doivent être
solides de tous les points de vue.
En droit du travail, la notion de groupe se caractérise
non seulement par une unité économique mais également par une unité sociale.
L'unité sociale ne peut être recherchée dans un réseau de sous-traitance. Dans
le groupe elle se concrétise par la mobilité des salariés. Ils peuvent être
détachés dans chaque entreprise appartenant au groupe. Cette mobilité n'existe
pas dans le réseau de sous-traitance. Mais la structure du groupe avec une
centralisation du pouvoir de décision économique, existe au sein du réseau.
L'unité sociale est un critère qui ne pourra pas fonder une responsabilité de
l'entreprise donneuse d'ordre vis à vis des salariés de ses sous-traitants.
Cependant, nous considérons que cette responsabilité pourra par contre être
fondée sur l'existence du bénéfice que cette entreprise donneuse d'ordre tire
du travail de ces salariés.
Pour G.TEUBNER, seule la théorie des attributions permet
de saisir les hybrides. Cette théorie décide de la construction de personne en
tant qu'unités d'action pour leur imputer des actions ou des
"événements communicatifs". Ainsi, la personne morale est l'une de
ses plus grandes créations, elle a permis de découvrir de nouvelles réalités
sociales à partir de fictions communicatives. Elle permettrait d'identifier les
acteurs organisationnels que sont les hybrides et mettrait en valeur les choix
collectifs présentant des "propriétés dominantes par rapport aux choix
individuels". Ces acteurs auraient, dès lors, des droits et des
obligations dont la durée excède celle des individus qui la composent. Chaque
opération hybride devant répondre à une double exigence: elle devrait être
orientée vers le profit du réseau et vers le profit de chaque acteur
individuel. Cette contrainte est également un stimulant puisque chaque
entreprise du réseau recherche avant tout son propre profit et est autonome
juridiquement.
Il est difficile de voir "l'ensemble des effets
nocifs d'une telle structure pour l'environnement, mais il est certain qu'il y
a nécessité à instituer une responsabilité collective du réseau: une
responsabilité "contracto-organisationnelle", globale et collective
où les quotes-parts individuelles de responsabilité seraient réattribuées"
à l'intérieur du réseau. En droit du travail, il serait difficile d'établir une
responsabilité collective des sous-traitants fondée sur l'appartenance à un
réseau.. Il faudrait que la requalification du contrat de sous-traitance en
contrat de travail ne soit pas entravée par la présence de salariés au sein de
l'entreprise sous-traitante. Ce serait le signe d'un élargissement significatif
de la notion d'employeur.
La structure en réseau n'offre aucune prise à une
responsabilité en son sein. Les sous-traitants ont peu ou prou de liens entre
eux. La domination économique du donneur d'ordre ne suffit pas à engager la
responsabilité du réseau. Il nous faudra faire appel à un autre ordre de
justification basé sur la co-activité[151].
Cependant il faut noter dès à présent que la structure en
réseau peut être essentielle pour réorganiser la négociation collective.
La co-activité est une notion qui respecte la pluralité
et l'autonomie juridique des entreprises. Cependant la problématique de la
co-activité concerne moins la relation d'emploi, que l'exécution du travail
proprement dit mais elle permet d'appréhender concrètement les conditions de la
direction du travail. Les solutions qu'elle apporte sont donc limitées à la
sous-traitance sur site car la co-activité nécessite des interférences entre
les activités d'entreprises juridiquement différentes.
De nombreuses dispositions du Code du travail font déjà
découler de cette proximité un certain nombre de responsabilités. Les unes
mettent surtout des responsabilités à la charge du donneur d'ordre et sont
basées sur l'idée de profit ou de bénéfice du travail. Les autres visent un
partage des responsabilités entre les différentes entreprises présentes pour
réaliser une opération commune.
En matière pénale, le donneur d'ordre peut engager sa
responsabilité sans que celle-ci ait pour fondement le contrat qui le lie à son
sous-traitant. Il existe deux domaines où l'idée de profit réalisé par le
recours à des entreprises extérieures est mobilisé. Dans le premier, le profit
est réalisé non par le donneur d'ordre personne physique, mais par le donneur
d'ordre personne morale. Dans le premier c'est le donneur en tant que
bénéficiaire direct qui peut être condamné.
1- La jurisprudence en matière de marchandage
La jurisprudence en
matière de marchandage n'hésite plus à condamner l'utilisateur de la main-
d'oeuvre. Dans le cadre de cette infraction de marchandage ou dans le cadre des
dispositions en matière d'hygiène et sécurité, la responsabilité pénale de la
personne morale est engagée lorsque le délit a été commis par le représentant
de celle-ci et pour son compte. Pour quel type de faute la personne morale
est-elle condamnée? L'opération ayant été réalisée pour son compte, on peut
évoquer l'idée d'une faute lucrative, la commission de l'infraction ayant
permis au groupement de réaliser un profit, ou à défaut, une économie sans que
pour autant d'ailleurs il y ait à rechercher systématiquement une intention
délibérée de sa part.
2- Les bénéficiaires du travail
"dissimulé".
Le travail dissimulé
doit, dans la plupart des situations, être considéré, non seulement en
s'attachant à l'auteur apparent et principal du délit mais également à ses
bénéficiaires. Le donneur d'ordre peut être considéré pénalement responsable
(ou civilement lorsqu'il s'est juste abstenu d'effectuer les vérifications que
lui impose les articles L. 324-14 et R. 324-4 du Code du travail) du délit de
travail dissimulé.
Selon une circulaire du 12 mars 1981, la mise en cause du
donneur d'ouvrage doit "permettre de mettre fin à l'impunité des donneurs
d'ouvrage qui, soit pour excessive négligence, soit de mauvaise foi, se
retranchent derrière des sociétés écrans pour ne pas assumer les conséquences
des conditions dans lesquelles les travaux sont effectués à leur profit".
Le donneur d'ouvrage ainsi pénalement responsable d'une dissimulation de
travail, est aussi bien celui qui a signé un contrat avec l'entrepreneur
clandestin, que celui qui a confié un travail à un entrepreneur travaillant
dans la légalité mais qui a lui-même recours à un sous-traitant, qui lui
travaille dans la dissimulation.
Le profit est au coeur de cette responsabilité, les
donneurs sont considérés comme les véritables bénéficiaires de ces pratiques
frauduleuses puisqu'ils imposent de prix trop bas à leurs sous-traitants. Ainsi
un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 14 décembre 1993[152] relève que les rémunérations accordées aux faux
sous-traitants les mettaient "dans l'impossibilité du fait du montant de
celles-ci, d'assumer régulièrement leurs obligations d'employeurs". Le
donneur d'ordre a été condamné en même temps et au même titre que l'employeur
qui avait dissimulé le travail de son salarié.
On peut se demander si l'idée de profit ne pourrait pas
être au coeur d'un nouveau partage des responsabilités entre le donneur d'ordre
et ses sous-traitants à l'égard des salariés de ces derniers. Derrière l'idée
de profit retiré par le recours à une entreprise extérieure, n'y a-t-il pas
également l'idée de l'utilisation de la force de travail? Cette notion
n'est-elle pas à l'origine du contrat de travail? Il reste cependant que le donneur
d'ordre n'est lié par aucun contrat avec les salariés de ses sous-traitants, il
serait difficile de mettre à sa charge des responsabilités autres que, pénales
basées essentiellement sur l'idée de profit. Seules les dispositions d'ordre
public peuvent mettre en marche une responsabilité fondée sur un tel fondement.
L'unique cocontractant du donneur d'ordre reste le sous-traitant qui a entière
liberté pour diriger et organiser le travail de ses salariés.
Trois dispositions du Code du travail rendent le donneur
d'ordre débiteur des salaires des salariés de son cocontractant.
Les articles L. 143-6 et L. 143-8-1° du Code du travail
disposent que les ouvriers des entreprises de travaux publics et du bâtiment
ont des garanties de paiement vis-à-vis du maître de l'ouvrage ou de
l'entrepreneur principal, en cas de défaillance de leur employeur.
L'article L. 125-2 du Code du travail substitue le
donneur d'ordre au sous-traitant pour le paiement des salaires en cas de
défaillance du sous-traitant. Cette disposition concerne essentiellement des
contrats dont l'objet principal est la main-d'oeuvre nécessaire à l'exécution
du contrat, alors même que la main-d'oeuvre est dirigé par le sous-traitant:
elle permet que le donneur d'ordres n'échappe pas à toute responsabilité en
faisant appel à des tiers sans responsabilité effective et sans surface
financière. Elle vise seulement les situations de sous-entreprise de
main-d'oeuvre où le sous-traitant n'est pas propriétaire de son fonds de
commerce. Cette condition restreint la portée de ce texte.
Les premières sont plus aptes à être étendues à
l'ensemble des situations de sous-traitance. On peut songer notamment à insérer
des clauses de nature à mettre en jeu la responsabilité sociale du donneur
d'ordre en cas de faute de sa part dans l'exécution du contrat (non respect des
délais de paiement par exemple...), voir des clauses contractuelles de
reclassement en s'inspirant des solutions dégagées dans les groupes de
sociétés, lorsque les relations contractuelles sont stables....
L'activité en commun
se concrétise donc par la présence de plusieurs entreprises
juridiquement distinctes sur un même lieu de travail et par l'apparition d'une nouvelle collectivité
de travail composée de l'ensemble des salariés de ces entreprises. Cette
activité commune justifie des conditions de travail semblables et des règles de
travail commune. Le législateur a mis en place une réglementation particulière
pour coordonner les mesures de prévention des risques en matière d'hygiène et
sécurité où les entreprises participant à une opération commune se partage les
responsabilités. L'objet de cette réglementation n'est pas le lien d'emploi
avec l'employeur mais l'accomplissement concret du travail par plusieurs
entreprises. Chaque chef d'entreprise a ses responsabilités propres et doit
veiller à la sécurité de son personnel: "il ne s'agit pas de substituer
une entreprise à une autre, ou de définir des responsabilités solidaires, mais
au contraire de coordonner les responsabilités"[153]. De même entre les C.H.S.C.T des différentes
entreprises intervenantes une coopération est prévue. La loi du 31 décembre
1991 crée un collège interentreprises présidé par le coordinateur . Le
C.H.S.C.T. ou les délégués du personnel des entreprises intervenantes sont
informées des délibérations et peuvent le saisit de toute question concernant
sa compétence.
Reste que les solutions liées à la co-activité ne
s'appliquent pas à la sous-traitance externe. L'organisation de la co-activité
de plusieurs entreprises à un même processus productif peut se traduire par la
définition de conditions contractuelles communes entres le donneur d'ordre et
ses sous-traitants. Le rôle de la négociation collective et de la
représentation collective doit être également redéfinit, car la structure
actuelle ne permet plus l'efficacité des institutions.
La négociation collective de branche serait le moyen le
plus efficace pour appréhender les différences de traitement entre les salariés
des sous-traitants et ceux du donneur d'ordre. Mais elle doit prendre en
considération les découpages juridiques de la production en réseau de
sous-traitance et recréer une solidarité entre les salariés rattachés à des
entreprises juridiquement distinctes.
En matière de négociation collective point n'est besoin
du cadre de l'entreprise, même élargie, ni même de liens de droit entre les
différentes entreprises pour mettre en place des institutions représentatives
du personnel. Mise à part la négociation collective d'entreprise, la négociation
collective a pour objectif de définir des règles communes minimales de travail
et d'emploi pour organiser la concurrence.
Le réseau de sous-traitance lance véritablement un défi à
notre système de négociation collectif . Ni le cadre de la branche, ni même le
cadre territorial, ne sont pleinement adaptés pour le saisir.
Il n'y a pas de définition à priori de la branche
d'activité. Ce sont les organisations patronales qui opèrent les regroupements
d'activités ou les regroupements sectoriels. C'est en effet leur
représentativité qui détermine le champ d'application de la convention de
branche. Certaines branches sont ainsi organisées autour d'un marché local du
travail, d'autres se forment autour de grandes entreprises, d'autres enfin sont
de toutes petites branches définies à un niveau national ou local qui regroupe
un seul secteur d'activité.
Le cadre de la branche d'activité ne permet plus toujours
de définir de façon unitaire des règles semblables applicables aux donneurs
d'ordres et aux sous-traitants. La spécialisation des entreprises par la
création d'un réseau et donc l'apparition d'activités nouvelles accroît cette
dispersion.
Le réseau de sous-traitance s'implante parfois dans une
zone géographique précise: dans une région la plupart du temps. Mais les
petites entreprises sous-traitantes faisant partie du même réseau ne se
côtoient pas, n'ont pas d'échanges réguliers.
Deux perspectives s'offrent à nous: l'une s'appuie sur le
développement local de la négociation, l'autre sur le réseau de sous-traitance.
Mais ces solutions se heurtent à d'importantes difficultés.
Au niveau de la branche, à côté des organisations
syndicales d'employeurs, la loi mentionne tout autre groupement d'employeurs.
L'article L. 132-2 du Code du travail précise que les associations d'employeurs
(loi du 1er juillet 1901) ont compétence pour négocier conventions et accords
collectifs et qu'elles sont dans le droit de la négociation collective
assimilées aux organisations syndicales. Pourquoi ne pas inciter les
entreprises sous-traitantes à constituer de telles associations. La négociation
collective doit tenir compte des disparités qui existent dans un même secteur
entre différents employeurs.
Cet article a déjà été utilisé. La jurisprudence s'est
efforcée de faciliter la conclusion de conventions collectives émanant d'ordres
professionnels ou d'organismes analogues, dans les offices publics et
ministériels tel que le conseil supérieur du notariat. Le C.N.P.F. est
constitué sous forme de la loi 1901 et a pu signer les grands accords
collectifs ayant institué le régime d'aide complémentaire aux travailleurs sans
emploi....
La négociation locale reste dans la conception classique
de la négociation collective de branche. Mais c'est un niveau qui n'a jamais
été très développé par le partenaires sociaux. E. GAZON, a réalisé une
recherche sur ce niveau de négociation dans la métallurgie où les conventions
collectives départementales sont une tradition [154]. Il constate que "le niveau décentralisé des
signatures ne signifie pas une plus grande implication des acteurs
locaux", que les conventions territoriales sont restées très en retrait
par rapport à l'évolution du droit et que ces conventions ont "une faible
légitimité" et conclut qu'elles ne jouent pas un rôle important. Il relève
en effet qu'elles ne font que répercuter le dispositif législatif en vigueur et
n'abordent pas les rémunérations salariales. La formation a cependant été
abordé de façon dynamique. Les négociations collectives mobilisent des acteurs
extérieurs aux relations industrielles traditionnelles (enseignants,
chercheurs, instituts et autorités locales administratives et politiques) afin
d'accroître le niveau général de qualifications des salariés.
Nous pouvons en tirer deux enseignements: le niveau local
est méconnu et doit être exploité mais nécessite plus que tout autre niveau une
dynamique importante des partenaires sociaux. Ce niveau permet l'élaboration de
réponses originales et très concrètes collant aux besoins des entreprises en
permettant de tenir compte de toutes les structures qui existent à proximité.
Le cadre du réseau de sous-traitance serait plus
pertinent. Les partenaires sociaux seront plus amène de négocier dans une
organisation ayant sa propre cohérence. Il faudrait pouvoir développer deux
niveaux de négociation distincts et articulés. Le premier concernerait les
relations donneurs d'ordres sous-traitants. Il serait intéressant qu'à ce
niveau, les conventions définissent le rattachement des sous-traitants à une
même convention collective lorsque dans un même secteur d'activité plusieurs
sont susceptibles de s'appliquer territorialement. Le Code du travail
n'offre-t-il pas la possibilité d'adhérer à une convention collective à
l'article L.132-9 du Code de travail? Les règles sont cependant complexes et
restrictives lorsque le rattachement se fait auprès d'une branche qui n'est pas
la sienne: il suppose l'accord des signataires de l'accord de branche et
l'accord des négociateurs dans l'entreprise.
Cette négociation suppose la participation de toutes les
entreprises et de tous les syndicats représentatifs dans les entreprises
considérées.
§1.Les obstacles au développement de ces nouveaux
espaces.
La première difficulté
tient à l'articulation de ses espaces avec la négociation de branche. En l'état
actuel des règles légales, la convention de branche applicable en fonction de
l'activité principale de l'entreprise s'impose. C'est la règle aussi qui
prévaut pour l'ensemble des entreprises d'un groupe. Si les conventions sont
conclues dans un autre cadre, elles ne peuvent qu'améliorer, ou être
équivalente aux règles de la branche[155].
la seconde difficulté est moins juridique qu'économique.
Les entreprises doivent souhaiter ces changements. La politique de sélection
des donneurs d'ordre n'encourage pas le développement de la négociation
collective. C'est pourtant l'équilibre du tissu économique et social qui est en
cause. Le développement d'une concurrence accrue par les coûts salariaux, mais
aussi par l'appel à de toutes petites entreprises d'une grande fragilité
présente de nombreux risques qui ne peuvent être surmontées que s'il y a un
minimum de règles communes. On ne peut pas à la fois accroître les exigences de
formation du personnel, de qualité du travail et du prix, sans organiser le
marché du travail correspondant. La négociation collective est la solution qui
respecte le plus l'autonomie juridique des sous-traitants.
La troisième difficulté est celle de faire émerger des
intérêts communs qui soient à la base de nouveaux collectifs de négociation.
Pour pouvoir y répondre, il faudrait à la fois une présence syndicale dans les
entreprises qui fait actuellement défaut, et un renforcement des structures
interprofessionnelles locales. La négociation interprofessionnelle n'a guère de
réalité au niveau local, surtout pour définir les règles du travail.
§2. La loi du 12 novembre 1996: de nouveaux espoirs?
L'objectif de la réforme est de donner force de loi à un
accord national interprofessionnel du 31 octobre 1995 relatif à la politique
contractuelle qui ne pouvait en l'état des textes s'appliquer. Les dispositions
n'ont été prises qu'à titre expérimental. Les signataires de cet accord ont
retenu deux modalités pour remédier à l'absence de représentation syndicale
dans les P.M.E. Le but avoué est de relancer la négociation d'accords
dérogatoires en matière d'aménagement du temps de travail.
Pour remédier à cela, les
signataires de l'accord, suivis par le législateur, ont prévu la faculté de
déroger dans l'entreprise au monopole de négociation et de signature des
accords collectifs reconnu aux syndicats. La loi du 12 novembre entérine les
dispositions de l'accord dans son article 6 .Cette dérogation doit être
autorisée par les partenaires sociaux au niveau de la branche.
Les entreprises visées sont les entreprises sans délégué
syndical, y compris les entreprises de moins de cinquante salariés sans délégué
du personnel faisant fonction de délégué syndical, comme le prévoit l'article
L.412-11 alinéa 4 du Code du travail. Les accords de branche autorisant la
négociation et la signature d'accords d'entreprise avec d'autres représentants
que les délégués syndicaux devront préciser le seuil d'effectifs en deçà duquel
cette faculté sera possible.
Deux formules de dérogation sont prévues. Les accords de
branche peuvent reconnaître aux chefs d'entreprise la possibilité de négocier
et de signer, en l'absence de délégués syndicaux, des accords avec soit les
représentants élus du personnel, soit un ou des salariés expressément mandatés
par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives.
Bien que ces dispositions dérogatoires ont été prises à
titre expérimental, dans le but bien précis de la négociation collective en
matière d'aménagement du temps de travail, elles ouvrent des perspectives
nouvelles.
On peut douter d'une véritable négociation au sein de
petites unités, faite de propositions et de contre-propositions. Cependant, il
est possible que les formules choisies aient plus de succès que celle prévue à
l'article L. 412-11 et L. alinéa 4 du Code du travail car elle a pour objet la
négociation sur l'aménagement du temps de travail. Cette négociation présente
un intérêt pour les petits entrepreneurs, c'est la meilleure des incitations.
Si la formule marche, cela peut avoir un effet
d'entraînement et obliger les syndicats à tenter de s'implanter de nouveau dans
les petites structures: soit parce que c'est la deuxième formule qui est
choisie (un ou des salariés expressément mandatés par une ou plusieurs
organisations syndicales représentatives), soit en réaction contre le
grignotage de leur monopole.
Dès lors, si ce texte arrive à cet effet dynamisant, il
serait plus aisé de mettre en place une négociation dans le réseau de sous-traitance
ou de la développer au niveau local.
Il reste dommage que les partenaires sociaux et le
législateur n'aient pas choisi une solution permettant un véritable équilibre
des forces pendant la négociation collective. Dépoussiérer l'article L.132-30
du Code du travail était envisageable. Ce texte prévoit la possibilité de
négocier dans le cadre de plusieurs entreprises lorsque celles-ci occupent
moins de 11 salariés et qu'elles sont proches géographiquement. Les chefs de
ces petites entreprises et les organisations syndicales représentatives dans la
sphère géographique correspondant à l'activité de ces entreprises peuvent
négocier un accord collectif instituant une commission paritaire. Cette
commission paritaire peut être professionnelle ou interprofessionnelle car la
faculté de négocier ces accords intéressant plusieurs entreprises ayant des
activités différentes.
La négociation dans le cadre de plusieurs entreprises
permet un meilleur équilibre des rapports entre les négociateurs.
CONCLUSION
Comment impliquer un tiers au contrat de travail lorsque
ses relations avec l'employeur a des effets néfastes sur l'application du droit
du travail? On peut le considérer comme un employeur conjoint.
Si on utilise le critère classique du lien de subordination
juridique, il ne sera employeur des salariés que dans le cadre d'une fraude aux
dispositions du droit du travail: le contrat de sous-traitance sera requalifié
en contrat de prêt de main-d'oeuvre illicite. Cette possibilité n'est offerte
que dans le cas de sous-traitance sur site lorsque le donneur d'ordre dirigeait
en fait les salariés.
D'où la volonté de mettre en valeur une structure en
réseau de sous-traitance: la participation à un même processus productif
pourrait responsabiliser le donneur d'ordre vis-à-vis des salariés de son
sous-traitant.
Le droit du travail prend en compte seulement les
structures ayant une certaine unité économique et sociale. Dans le réseau de
sous-traitance une telle unité n'existe pas.
De plus, le réseau de sous-traitance est insaisissable:
Il est instable car les liens contractuels entre donneur
d'ordre et sous-traitant le sont également (sauf dans les secteurs de haute
technologie, où on trouve des relations de partenariat).
Il n'a pas de contours. Les sous-traitants peuvent avoir
plusieurs donneurs d'ordres ou recourir à une sous-traitance de deuxième
niveau: peut-on considérer qu'un sous-traitant puisse appartenir à plusieurs
réseaux? Doit-on comprendre dans le réseau les sous-traitants de deuxième
niveau?
Il n'y a pas de communauté d'intérêt dans le réseau. Les
relations de sous-traitance sont d'une nature très variable. Le donneur d'ordre
peut avoir recours à une sous-traitance de prestations de services, à des
sous-traitances de production de spécialité ou de capacité, de haute
technologie ou de petite qualité...
Il n'a aucune des qualités de son grand-frère, le réseau
de distribution qui fait l'objet déjà d'une reconnaissance en droit commercial.
En le comparant à lui, ses défauts se révèlent insurmontables. Le réseau de
distribution se nourrit de relations stables (le distributeur bénéficie d'un
contrat-cadre), qui ont toutes la même nature (la distribution du même produit)
et a des contours bien définis (le distributeur est tenu par un lien d'exclusivité
à son fournisseur).
Il ne reste que des solutions éparses pour tenir compte
d'une intrusion de ce tiers dans la relation salariale. Elles ne permettent pas
de dégager un régime unique pour l'ensemble des entreprises participant à un
même processus productif. La notion de co-activité a de l'avenir mais elle
exclut la sous-traitance externe, majoritaire dans la sous-traitance de
production.
Deux autres possibilités laissent plus d'espoir:
L'une reste dans le cadre du droit du travail: le développement
de la négociation collective locale ou dans un réseau, seule capable d'unifier
les statuts de salariés.
L'autre fait couler beaucoup d'encre chez les juristes
ces derniers temps. Elle assainirait la relation du sous-traitant avec son
donneur d'ordre. Il s'agit du développement d'un droit de l'activité qui
établirait un parallélisme entre le régime du contrat de travail et le régime
des contrats professionnels.
LES
RÉSEAUX DE SOUS-TRAITANCE ET LE DROIT DU TRAVAIL
2-
Les répercussions de l'organisation en réseau de sous-traitance sur les
salariés:
3-
Le droit du travail doit-il réagir?
4-
La sous -traitance, une réalité complexe
5-
Le réseau de sous-traitance, une observation et une démarche.
6-
Des solutions respectant cette nouvelle organisation.
PARTIE
1 : L' état du droit positif
Titre
1 - Les salariés du sous-traitant
Chapitre
1 : Les conséquences de la sous-traitance sur les droits des salariés
a-
Dans les textes, une égalité de traitement et des compensations
b-
En réalité, un principe facilement
contourné.
A.
La politique salariale et les avantages sociaux
1-
L'absence d'accord collectif d'entreprise sur les salaires
2- La présence d' accords collectifs de
branches différents
B.
La qualification et la formation
1-
La politique du sous-traitant
a)
Une seule priorité : la réduction des coûts
b) L'exception dans le cadre des relations de
partenariat
§3.
Les règles de licenciement.
A.
La taille des entreprises sous-traitantes
B.
Le donneur d'ordre, un tiers.
C.
L'inapplicabilité de l'article L122-12 du Code du travail
Section 2 : Les conditions de
travail.
A.
Dans la sous-traitance externe.
B.
Dans la sous-traitance sur site.
A.
L'obligation de coordination et de coopération du donneur d'ordre
B.
Le devoir d' "ingérence" du donneur d'ordre.
Section 3 : La représentation et la
négociation collective
§1.
La représentation collective et la négociation collective au niveau de
l'entreprise.
1-
L'effet de taille des entreprises
2-
L'éclatement de la collectivité de travail
B.
Des solutions inexploitées ou inexploitables
2-
Le regroupement d'entreprises.
a)
L'unité économique et sociale.
§2.
La négociation collective de branche
Chapitre
2 : Les raisons d'une déformation
§2.
Le paradigme de l'entreprise
A.
L'entreprise: un ensemble de moyens.
1-
La notion de service organisé
2-
La conception de l'entreprise dans l'alinéa 2 de l'article L.122-12.
b)
L'entité économique conservant son identité.
B.
La pluralité d'entreprises juridiquement distinctes.
1-
L'unité économique et sociale.
Section 2: L'employeur et le chef
d'entreprise.
§1.
La pluralité d'employeurs.
§
2. Les personnes ayant un rôle proche de celui de l'employeur sans en avoir sa
qualité.
Chapitre
1 : En principe exclu du droit du travail.
Section 1: L'inégalité économique.
§
1. Le principe de l'inégalité économique .
A.
Extrinsèque aux relations de sous-traitance.
B.
Intrinsèque aux relations de sous-traitance.
1- Le sous-traitant ne maîtrise pas le cycle
productif
2-
Le sous-traitant ne maîtrise pas le produit dont il a la charge.
§2.
Les conséquences de l'inégalité économique
A.
Les modalités d'exécution .
B.
La durée et cessation des relations.
1-
Des relations pérennes: le partenariat.
§1.
La différence entre contrat de travail et sous-traitance.
§2.
Malgré des ressemblances entre le contrat de travail et la sous-traitance
Chapitre
2: Exceptionnellement appréhendé par le droit du travail
Section 1 : La requalification en
contrat de travail
§1.
L'impact de l'article L. 120-3 du Code du travail.
Section 2 : La requalification en
marchandage et prêt de main-d'oeuvre illicite.
§1.
L'émergence d'une infraction unique.
1-
Le prêt de main-d'oeuvre exclusif ou non.
2-
L'exclusivité du prêt de main-d'oeuvre.
a)
La spécificité de la tâche exécutée par le sous-traitant
b)
Le sous-traitant doit avoir conservé toute son autorité
C.
Les résultats de l'opération.
§2.
Les responsables de l'infraction.
B.
A la recherche de l'intention délictueuse
C.
Deux textes, deux responsables.
Titre
1 : Agir sur la situation du sous-traitant
Chapitre
1 : Le droit face à l'inégalité contractuelle.
Section 1: La dépendance
économique.
§1..
L'abus de dépendance économique.
§2. La dépendance économique et le contrat
d'intégration agricole.
Section 2 : Les contrats d'adhésion
Chapitre
2 : Les applications à la sous-traitance
Section 1 : Les applications au
rapport contractuel.
A.
La protection du consentement .
B.
L'instauration d'un contrat-cadre.
Section 2 : Les applications extra
contractuelles
§1.
Les stratégies individuelles.
§2.
Les stratégies collectives.
Titre
2 : Agir sur la situation des salariés.
CH1:
Une nouvelle organisation de l'appareil productif.
§1.
Le parallèle entre la structure de groupe et le réseau..
A.
La centralisation du pouvoir de décision économique
B.
La cohésion de la structure.
A.
Responsabilités pénales et profit.
1-
La jurisprudence en matière de marchandage
2-
Les bénéficiaires du travail "dissimulé".
B.
Responsabilité contractuelle et paiement des salaires.
CH2:
Une nouvelle organisation des relations collectives.
Section 1: La possibilité de
recourir à la négociation de branche.
§1.
Instaurer des relations professionnelles tripartites.
§2.
Le choix entre le niveau local et le réseau de sous-traitance.
Section 2: Les limites du recours à
la négociation de branche.
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[1] Avis du 31 mars 1973.
[2] voir notamment:
J. MAGAUD, L'éclatement de la
collectivité de travail, Dr. Soc. 1975 p525;
A. LYON-CAEN, A propos de
l'entreprise éclatée, Dr. ouvrier 1981 p127;
M. JEANTIN, L'entreprise éclatée : intérêts d'une approche commercialiste du problème, Dr. Ouvrier 1981, p118.
[3] voir l'effet accordéon décrit par M.-L. MORIN dans son enquête réalisée pour le Commissariat au Plan, Sous-traitance et relations salariales, aspects de droit du travail, 1994, p80.
[4] voir supra. Note 2.
[5] G. TEUBNER, Droit et réflexivité, l'auto-référence en droit et dans l'organisation. L.G.D.J. 1994.
[6] G.TEUBNER, Nouvelles formes d'organisation et droit. Revue Française de Gestion, nov-déc. 1993, p.58.
[7] Question posée par G. LYON-CAEN, Le droit du travail, une technique réversible. Dalloz 1995.
[8] La sous-traitance à l'étranger ,importante dans certains secteurs d'activités, ne sera cependant pas étudier ici faute notamment de documentation à ce sujet.
[9] Précitée.
[10] "Externalisée" est pris dans le sens où l'activité du sous-traitant ne s'exerce pas dans les mêmes locaux que celle du donneur d'ordre.
[11] la sous-traitance de production entraîne souvent la réalisation de prestations de service sur le site de l'entreprise donneuse d'ordre afin d'installer ou d'entretenir les produits réalisés sur la commande de ce dernier.
[12] G.TEUBNER, Nouvelles formes d'organisation et droit. Revue Française de Gestion, nov-déc. 1993, p50.
[13]. Nous nous concentrerons sur la sous-traitance de premier niveau, c'est-à-dire sur l'extériorisation effectuée par cette entreprise et non celle effectuée par les sous-traitants de celle-ci, appelée sous-traitance de deuxième niveau. Voir supra.
[14] Voir notamment: G. VIRASSAMY, Les contrats de dépendance, L.G.D.J. 1986.
[15] Le domaine de la distribution a fait aussi l'objet d'une thèse publiée: L. AMIEL-COSME, Les réseaux de distribution. LGDJ 1995. Cette recherche vise, comme son intitulé l'indique, une nouvelle approche des contrats de distribution par une vision en réseau.
[16] Voir cependant la requalification en prêt de main-d'oeuvre illicite. Infra.
[17]. Voir récemment la fermeture prévue de l'usine Renault de Vilvoorde.
[18] sans parler des conséquences lorsque certaines activités sont délocalisées à l'étranger.
[19] Articles L.122-1, L.122-2 et L.122-1-1 du code du travail pour les contrats à durée déterminée; et L.124-2 et suiv. pour le contrat de travail temporaire.
[20] Voir cependant l'article L124-4-6 du code du travail sur les règles concernant les conditions de travail.
[21] Les sous-traitants de grande taille dans les secteurs de pointe ont une politique salariale identique, mais ils restent minoritaires parmi l'ensemble des sous-traitants.
[22] Voir supra les négociations et conventions ou accords collectifs.
[23] L'article L951-1 du code du travail obligent les entreprises de plus de dix salariés à financer des actions de formation à hauteur de 1,5% de la masse salariale. Ce taux est baissé à 0,15% pour les entreprises de moins de dix salariés.
[24] M. -L. MORIN, Enquête précitée.
[25] Voir G. LYON-CAEN.
[26] Selon l'expression utilisée par Mme M.-L. MORIN.
[27] Voir infra.
[28] voir infra.
[29] De même, dans les raisons d'un licenciement pour motif personnel, il peut y avoir le refus de la présence d'un salarié par le donneur d'ordre dans son entreprise (dans le cadre de la sous-traitance sur site).
[30] Voir infra, Partie2.
[31] Voir infra.
[32] Ass. plén. 16 mars 1990 (deux arrêts), Droit Soc. 1990, p410 note .G. Couturier. La formule de principe est celle utilisée par la Cour Européenne de Justice dans sa jurisprudence sur l'application de la directive du 14 février 1977 relative aux conséquences sur les contrats de travail d'un transfert d'entreprise.
[33] "Le critère réside dans la continuité d'une même entreprise, définie comme une entité économique autonome dont l'activité se poursuit sous une responsabilité nouvelle, avec la totalité ou une partie essentielle des moyens de production ou d'exploitation". Ass. pl.du 16 mars 1990 Appart et Schwindling c/Touring Club de Paris-Ouest.
[34] Voir Soc. 26 septembre 1990 Mme Pink c/ Castorama, Gaz. Pal. 1991 panor. 102. Voir également Soc. 12 décembre 1990 Société Autocars Bonnot, J.C.P. IV 54: où seule l'activité de transport avait été transférée sans les moyens matériels servant à son exécution.
[35] Voir notamment Soc. 12 décembre 1990 Société Eurotransit international, J.C.P. IV, 53.
[36] Voir notamment Cass. Soc. 12 décembre 1990 Guegan J.C.P. 1991 IV, 53, Gaz. Pal. 1991 1 panor. 152.
[37] Selon une décision du Conseil d'État le règlement intérieur comportant les prescription en matière d'hygiène et sécurité, est "applicable à toutes les personnes qui exécutent un travail dans l'entreprise, que ces personnes soient ou non liées par un contrat de travail avec l'employeur qui a établi le règlement". CE 4 mai 1988, JCP 1988 IV 231.
[38] Voir supra.
[39] L'unité économique et sociale peut ainsi exister entre des associations mais ne peut exister entre deux établissements distincts d'une même société. Cass. soc. 8 avril 1992 et Cass. soc.21 nov. 1990: Bull. civ. V, n°578.
[40] Voir notamment l'arrêt du 24 nov. 1992.
[41] La notion a été définie dans un arrêt du 15 mai 1990.
[42] Sauf dans le cadre d'une relation de sous-traitance de type partenariale où le donneur d'ordre demande à son cocontractant d'être qualifié.
[43] La loi du 2/11/1996 en témoigne: cette loi vise à permettre une négociation collective sur les modulations du temps de travail dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux, seuls habilités à négocier. Voir aussi la loi du 20 déc. 1993 faisant suite au rapport Bélier sur la représentation collective dans les P.M.E..
[44] Le lien de subordination juridique est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné; le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail. Cass. soc. 13 nov. 1996. Dr. Soc. 1996, p1067, note Dupeyroux.
[45] Vr Dr. Soc. 1986 p606.
[46] Bull. civ. v, n°3 et Dr. Soc. 1986, p1, concl. PICCA.
[47] C.J.C.E. 10 fév. 1988. Dr. Soc. 1988, p12.
[48] Ass. plén. 16 mars 1990, Cahiers soc. du Barreau de Paris, n°19 à 23.
[49] Cass. soc. 10 janv. 1995, R.J.S. 1995, 98 n°108 (reprise d'une activité de prospection de clientèle).
[50] J. BARTHELEMY, Le droit des groupes de sociétés, Dalloz, 1991, n°1402.
[51] R. de LESTANG, La notion d'unité économique et sociale d'entreprises juridiquement distinctes: Dr. Soc., 1979, p5.
[52] Les formules utilisées auparavant ont été : "ensemble économique unique", "ensemble économique et social unique", "groupe économique unique", "une seule entreprise au regard du droit du travail" et "unité de travail".
[53] Voir notamment un arrêt du 28 fév. 1973 (Bull. n°124, Centre Auvergne) où la Cour de Cassation annule la désignation d'un délégué syndical commun à un groupe de sociétés au motif qu'elles ne constituaient pas "une entreprise unique".
[54] G. PICCA, Entreprise et unité économique et sociale. Sur l'entreprise et le droit social, Études offertes à J. BARTHELEMY, Hors série de Dr. du trav. et de la sécurité sociale, 1994, p9.
[55] Terminologie qui s'inspire de la directive européenne qui visait à organiser l'information et la consultation des salariés dans le cadre communautaire et donc à dépasser le droit du travail de chaque État membre.
[56] Personne physique ou morale depuis la refonte du code pénal.
[57] B.TEYSSIE, L'interlocuteur des salariés. D. Soc. 1982, p51.
[58]"Par suite, employeur et chef d'entreprise ne doivent pas être opposés; car nous sommes en présence non de deux notions juridiques distinctes, mais d'un concept à double dimension: au plan de la relation juridique abstraite et individuelle, l'employeur est un contractant, au plan des rapports collectifs, concrets, cette qualité se résorbe dans celle de chef d'entreprise". I. VACARIE, L'employeur. Thèse publiée. Édition Sirey, 1979, p.1.
[59]. I. VACARIE, op. cit.
[60] Cass. soc. 13 mai 1969, citée dans B. TEYSSIE, op. cit., p44-45.
[61] Cette confusion d'activités étant souvent aggravé par celle des locaux, la présence à leur tête des mêmes personnes...
[62] I. VACARIE, op. cit., p41 et suiv.; et p217 et suiv.
[63] B. TEYSSIE, op. cit., p54.
[64] B. TEYSSIE, op. cit. p46.
[65] G.H. CAMERLYNCK, Traité de droit du travail, T.1, 1968, p97 n°55.
[66] En pratique, cependant, diverses formes d'arrangements informels permettent de maintenir le personnel sur place entre deux contrats.
[67] A. LABBE, Contrat de vente et contrat d'entreprise en matière de sous-traitance (Compte rendu des travaux du groupe de travail juridique chargé par la Commission Technique de la sous-traitance d'étudier les critères distinctifs du contrat de vente et du contrat d'entreprise), R.T.D. Com., 1981, p.13, n°24. Cité par G. VIRASSAMY, Th. précitée p. 42.
[68] Pour reprendre l'expression de M.L. MORIN dans son enquête précitée.
[69] Nouvelles formes d'organisation et droit. Revue française de gestion, Nov.- Déc. 1993
[70] G. VIRASSAMY, Les contrats de dépendance, L.G.D.J. 1986.
[71] Voir l'enquête de M.-L. MORIN, précitée.
[72] Pratique, rappelons-le, qui consiste à encourager un salarié à quitter l'entreprise qui l'emploie afin qu'il se mette "à son compte" financé en partie par cette dernière qui s'engage souvent en contrepartie à recourir à ses services.
[73] Les contrats de dépendance économiques sont des "contrats régissant une activité professionnelle dans laquelle, l'un des partenaires l'assujetti, se trouve tributaire pour son existence et sa survie, de la relation régulière privilégiée ou exclusive qu'il a établi avec son cocontractant, le partenaire privilégié, ce qui a pour effet de le placer sous sa dépendance économique et sous sa domination". Ouvrage précité.
[74] M.-L. MORIN, Sous-traitance et relations salariales, aspects du droit du travail. Travail et Emploi n°60, p28.
[75] Pratique courante pour la production ne requérant pas beaucoup de technicité.
[76] De 3 ans ou plus.
[77] Sous-traitance de deuxième niveau.
[78] Voir infra.
[79] Cette distinction ressort de l'article L. 1779 du Code civil qui dissocie le louage des gens de travail et celui des architectes, entrepreneurs d'ouvrages et techniciens.
[80] Nous ne faisons pas, ici, la distinction terminologique entre travail et activité. Cependant voir sur ce point: F. GAUDU, Travail et activité. D. soc. 1997, p119.
[81] Voir notamment, G. LYON-CAEN,Le droit du travail, une technique réversible. Dalloz 1995. Et aussi, T. AUBERT-MONTPEYSSEN, Les frontières du salariat à l'épreuve des stratégies d'utilisation de la force de travail. D. Soc. 1997, p616.
[82] M. LALLEMENT et M. MAILLEFER, Du contrat à la convention: les nouvelles théories économiques de la relation d'emploi." Documents pour l'enseignement économique et sociale, n°78-79, déc. 1989, p106.
[83] Pour certains indépendants ont parle plus volontiers d'obligation de moyen renforcé lorsque le résultat ne peut être garanti: il s'agit des professions libérales, médecins, avocats...
[84] F. MEYER et C. SACHS-DURAND, Evolution du rapport salarial. Etudes en hommage à Mme H. SINAY. 1994, Ed. Peter Lang, p.373.
[85] Voir notamment: A.LYON-CAEN, Les clauses de transfert de risques sur le salarié. Revue juridique d'Ile-de-Fance n°39-40 1996, p 151.
[86] C. FAVEREAU, Evolution récente des modèles et des représentations théoriques du fonctionnement du marché du travail. Problèmes économiques n°1955, 1er janv. 1986, p9.
[87] Il est à noter que le Doyen Cuche avait proposé comme critére du contrat de travail, le critère de dépendance économique, mais que cette solution a été écartée par la Cour de cassation dans un arrêt du 6 juillet 1931: "la condition juridique du travailleur à l'égard de la personne pour laquelle il travaille, ne saurait être déterminée par la faiblesse ou la dépendance économique dudit travailleur et ne peut résulter que du contrat conclu entre les parties, que la qualité de salarié implique, nécessairement l'existence d'un lien juridique de subordination du travailleur à la personne qui l'emploie". Civ., 6 juillet 1931, D.P. 1931,1 , 121. Cité par L. AMIEL-COSME, Les réseaux de distribution. LGDJ 1995, p.193.
[88] Ass. Plén. 4 mars 1983, Bull. n°3.
[89] Voir notamment: J. FERRION, Sous-traitance ou prêt de main-d'oeuvre illicite? Droit du travail et de la sécurité sociale, janvier 1996 p3.
[90] Voir notamment: VILLERME Association, La loi Madelin et le Code du travail: à contre-courant, une menace qui devrait pourtant rester sans effet. Dr. Soc. 1994, p673.
[91] On ne peut engager ses services à temps ou pour une entreprise déterminée.
[92] I. VACARIE, Travail subordonné, travail indépendant: question de frontière? Revue Juridique d'Ile-de-France, n°39-40, p103.
[93] Tel l'article L. 781-1 pour les distributeurs.
[94] Voir notamment: F. GAUDU, L'application du droit du travail à des travailleurs non salariés. Revue juridique d'Ile-de-France, n°39-40 1996, p 163.
[95] Voir supra.
[96] Cependant le seul fait d'avoir la possibilité d'embaucher, non exercée, n'empêche pas la requalification du contrat commercial en contrat de travail. C'est ce qui semble découler de l'arrêt du 10 avril 1991 de la chambre sociale de la Cour de cassation. Arrêt n° 1604, pourvoi n° 87-45.870. En l'espèce le contrat concernait une activité de gardiennage et prévoyait l'agrément des deux donneurs d'ordres pour toute embauche de personnel de la part du dit sous-traitant.
[97] G. LYON - CAEN, Où mènent les mauvais chemins. D. Soc. 1995, p647.
[98] Nombreux sont ceux qui ne réalisent pas les conséquences sur leur statut. Leur ancien employeur établit souvent lui-même les factures de ces anciens salariés. Voir notamment: F. DOROY, La vérité sur le faux travail indépendant. D. Soc. 1995, p. 638.
[99] Article L.125-3 du Code du travail: "Toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d'oeuvre est interdite sous peine des sanctions prévues à l'Article L.152-3 dès lors qu'elle n'est pas effectuée dans le cadre des dispositions du livre 1er, titre 2, chapitre IV du présent code relative au travail temporaire."
[100] Y.CHALARON, Pour un nouveau concept pénal de marchandage ou "trafic de main-d'oeuvre". Dr. Soc. 1980, p507.
[101] Article précité.
[102] Éclatement de la collectivité de travail. Observations sur les phénomènes d'extériorisation de l'emploi, Dr. soc. n°9-10 1979. Cité par A. LEBAIL, La sous-traitance à l'épreuve du droit du travail. Thèse, Paris X.
[103] M. PETIT, Les pratiques et leur justification judiciaire. Dr. Ouvrier 1981, p139.
[104] H. BLAISE, A la frontière du licite et de l'illicite; la fourniture de main-d'oeuvre. Dr. Soc. 1990, p419.
[105] Y. CHALARON, article précité.
[106] Voir notamment: T.G.I. 28 mai 1980, D. soc. 1981, p334; Crim. 25 juin 1985, Bull. Crim 1985, n°250, cité par A. LEBAIL, Thèse précitée, p 95.
[107] Crim. 21 janv. 1986, J.C.P.E. n° 714869.
[108] Crim. 18 avril 1989, D. soc. 1990, p424. Voir également: 25 avril 1989, idem, p425.
[109] Leurs investigations et leur travail de qualification est en la matière primordiale.
[110] Voir notamment: CA Lyon 17 mai 1988, D. ouv. janv. 1990, p33. Crim. 7 août 1995, D. ouv. 1996, p138.
[111] Arrêt Crim. 21 janv. 1986, précité .
[112] Dite aussi sous-traitance structurelle: cette sous-traitance est par nature de longue durée: l'activité extériorisée n'est pas une activité que l'entreprise donneuse d'ordre garde en partie en interne. Elle est opposée à la sous-traitance de capacité ou conjoncturelle qui, au contraire de la précédente, extériorise une activité que l'entreprise donneuse d'ordre ne peut momentanément exercée (hausse trop importante de la demande...). Il ne faut cependant pas perdre de vue qu'une sous-traitance de capacité peut se transformer en une sous-traitance de spécialité.
[113] Soc. 9 juin 1993. Sem. juridique. V, n°164, p. 111.
[114] Soc. 4 avril 1990, D. ouv. 1990, p. 492. Dans cette affaire la seule activité prestataire était la commercialisation des produits pharmaceutiques de l'entreprise utilisatrice. Voir également Tribunal correctionnel de Versailles 18 déc. 1995, J.C.P. 1996, 22-640.
[115] La rémunération n'est pas forfaitaire.
[116] Crim. 7 août 1995, D. ouv. 1996, p. 138.
[117] Crim. 23 juin 1987, Bull. crim. n°263.
[118] Voir notamment: T G.I. 17 déc.1980, Droit ouvrier 1981,p156; et CA Lyon 17 mai 1988, D. ouv. 1990 p32: où la Cour d'appel relevait pour caractériser l'infraction pénale prévue à l'article L.125-1 que le contrat ne répondait à aucun des caractères spécifiques du véritable contrat de sous-traitance.
[119] A comparer notamment: CA Lyon 17 mai 1988, D. ouv. 1990, p33 (L.125-1) ; et CA Rouen 29 janv. 1980, D. ouv. 1981 p149 (L.125-3).
[120] Article précité de 1980.
[121] Crim.23 mars 1993, C.S.B. 1993. 185, S. 101.
[122] Il est à noter en effet que dès lors qu'on constate que l'objet principal du contrat n'est pas une prestation particulière, mais bien un prêt de main-d'oeuvre, ce prêt contrevient forcément aux dispositions réglementant le seul prêt à but lucratif autorisé, c'est-à-dire le travail temporaire. Voir J.H. ROBERT, note sous T.G.I. du 18 déc. 1995, J.C.P. 1996 II 22-640.
[123] Voir notamment: Soc. 4 avril 1990, D. ouv. 1990, p142.
[124] Voir notamment: Crim. 7 août 1995, D. ouv. 1996, p138.
[125] Les salariés sont souvent embauchés pour la durée du contrat de sous-traitance ou de prestations de services. Vr notamment Tribunal Correctionnel de Versailles 18 déc. 1995, précité.
[126] Y. CHALARON, précité, p.512.
[127] Les procés verbaux des inspecteurs du travail visaient aussi systématiquement le prêteur de main-d'oeuvre et non l'utilisateur.
[128] Crim. 25 avril 1989, D ouv. 1990, p. 403.
[129] Articles L.324-10 et L. 324-13 du code du travail. Vr infra.
[130] Précité. Les gérants des entreprises prestataires sont également responsanbles.
[131] Cela peut peut- être également expliquer les longues années sans condamnation pour délit de marchandage les juges hésitant à condamner des prestataires poussés par leur donneur d'ordre à contourner les dispositions légales. Voir notamment: T.G.I. 17 déc. 1980, D. ouv. 1981, p. 156. où les juges dénoncent que le montage juridique crée entre une E.T.T. et une entreprise prestataire, n'a été fait qu'à la demande de l'entreprise utilisatrice.
[132] T.G.I. 18 déc. 1995 précité. Voir également C.A. de Paris 18 mars 1996, D. ouv. 1996, p.256: où l'entreprise sous-traitante manquait d'autonomie et était sous la "subordination" de l'entreprise donneuse d'ordre.
[133] Tel que nous avons procédé dans le CH1 du Titre 1 de cette partie.
[134] D. ouv. 1981, p.150.
[135] Voir cependant: CA Paris 11 fév.82, cité par A. LEBAIL, Thèse précitée, p129. Dans cette arrêt les juges du fond ont recherché le délit de marchandage par rapport au sous-traitant relevant que l'opération n'avait causé aucun préjudice aux salariés qui percevaient la même rémunération et bénéficiaient des mêmes avantages collectifs pendant la durée de leur extériorisation !! (toutefois ils relevaient que l'entreprise utilisatrice n'avait pas tenter d'éviter le dépassement d'un certain seuil d'effectif).
[136] Voir notamment CA Rouen 12 fév. 1980. D. ouv.1981, p150.
[137] T.G.I. de Versailles 18 déc. 1995, précité.
[138] Voir infra.
[139] Voir supra.
[140] Protection qui pourrait aboutir à un droit de l'activité. Voir notamment: G. LYON-CAEN, précités, 1995.
[141] Précité.
[142] Décis. 8 juin 1993, "Pratiques mises en oeuvre par le groupe Cora". Rapp. 1993, p.206; décis.15 déc. 1993, "Pratiques relevées dans le secteur de la publicité", Rapp. 1993, p.394.
[143] P. A. CREPEAU, cité par J. GHESTIN, Les caractères actuels des relations contractuelles et du droit positif, Traité de droit civil. L.G.D.J. 1980, 2eme édition, p. 68.
[144] T. REVET, Rupture des contrats de dépendance et rupture du contrat de travail. Revue juridisque d'I-D-F, n° 39-40 1996, p. 195.
[145] Articles L. 781-1 et L. 782-1 du Code du travail.
[146] G. TEUBNER, 1993, précité, p. 56.
[147] H. COLLINS, Ascription of Legal Responsability to Groups un Complex Patterns of Economic Interaction. Modern Law Review, 53, p.744. Cité par G. TEUBNER, Nouvelles formes d'organisation et droit. Revue Française de Gestion, nov.-déc. 1993, p. 55.
[148] Cité par I. VACARIE, précité, 1979.
[149] Des tiers tels que les sous-traitants de deuxième niveau (sous-traitants des entreprises sous-traitées par l'entreprise centrale).
[150] G. TEUBNER, précité, Revue française de gestion.
[151] Terme emprunté à M. -L. MORIN, précité, 1996.
[152] Cité par: F. SALAS, La mise en cause des bénéficiaires du travail clandestin. Dr. Soc. 1996, p917.
[153] M.-L MORIN, précité, 1996 p.129.
[154] E. GAZON, La décentralisation des négociations collectives dans la métallurgie: limites et différenciations. Travail et Emploi n°65, p.39.
[155] "La pratique des accords de groupe se développe permettant une unification des statuts après une absorption ou une prise de contrôle. Cette pratique n'a pas fait l'objet de dispositions législatives et la jurisprudence ne favorise pas leur conclusion. Si un accord d'entreprise, conclu au sein d'un groupe, soumet le groupe dans son ensemble à une seule convention collective de branche (chimie), il ne peut faire échapper une des sociétés du groupe à la convention correspondant à sa propre activité et qui l'avait jusque-là régie (pharmacie). Il y a là un frein à l'unité de statut collectif au sein d'un groupe traité comme une seule entreprise; par là même, une subordination de la négociation d'entreprise à la négociation de branche". A. ROTSCHILD-SOURIAC, Les accords de groupe, quelques difficultés juridiques, Dr. soc. 1991.491