LES RÉSEAUX DE SOUS-TRAITANCE ET LE DROIT DU TRAVAIL

 

 

par

 

Valérie ALADINIAN

 

*

Mémoire de DEA de Droit social

de l’Université de Paris X- Nanterrre

 

sous la direction de

 

M. le Professeur A. Lyon-Caen
SOMMAIRE

 

LES RÉSEAUX DE SOUS-TRAITANCE ET LE DROIT DU TRAVAIL. 1

INTRODUCTION.. 3

PARTIE 1 : L' état du droit positif 14

Titre 1 - Les salariés du sous-traitant 15

Chapitre 1 : Les conséquences de la sous-traitance sur les droits des salariés. 15

Chapitre 2 : Les raisons d'une déformation. 43

Titre 2 : Le sous-traitant: 57

Chapitre 1 : En principe exclu du droit du travail. 57

Chapitre 2: Exceptionnellement appréhendé par le droit du travail 70

PARTIE 2 : Les perspectives. 87

Titre 1 : Agir sur la situation du sous-traitant 87

Chapitre 1 : Le droit face à l'inégalité contractuelle. 88

Chapitre 2 : Les applications à la sous-traitance. 93

Titre 2 : Agir sur la situation des salariés. 99

CH1: Une nouvelle organisation de l'appareil productif. 100

CH2: Une nouvelle organisation des relations collectives. 111

 


 

 

INTRODUCTION

 

 

 

            D'après la définition du Conseil économique et social[1], la sous-traitance est une "opération par laquelle une entreprise, le donneur d'ordre, confie à une autre, le preneur d'ordre, le soin d'exécuter pour elle et selon un cahier des charges préétabli un acte de production ou de service dont elle conserve la responsabilité économique finale".

            De prime abord, il paraît paradoxal d'accoler au droit du travail le terme de sous-traitance: le droit du travail a vocation à régir les relations salariales et non les relations contractuelles entre deux personnes juridiquement distinctes. Cependant ce rapport entre la sous-traitance et le droit du travail doit s'établir: le recours à la sous-traitance, aujourd'hui, traduit une nouvelle stratégie industrielle des entreprises qui a des conséquences "négatives" sur l'application des règles du droit du travail.

 

1- Le développement de l'organisation en réseau de sous-traitance, de nouvelles raisons de sous-traiter.

 

            Le droit du travail s'est construit à partir de la vision de la grande entreprise contrôlant un processus productif aussi bien en amont qu'en aval, c'est-à-dire de la production à la distribution. Or, cette grande entreprise se fragmente en petites unités[2] afin d'extérioriser une partie de son activité.

 

            Les raisons qui amènent une entreprise à un tel choix sont de trois ordres:

            D'ordre économique: face à la mondialisation des échanges, les entreprises sont à la recherche de flexibilité et de compétitivité donc d'une organisation souple de leur activité. Cette souplesse elles peuvent la trouver dans l'extériorisation d'une partie de leur activité. Une partie ou la totalité de la production va être ainsi confiée à des entreprises extérieures. En cas de crise du marché, il sera alors plus facile de réduire les commandes ou de rompre un rapport commercial plutôt que de restructurer l'ensemble de l'entreprise. Les effets de la crise seront atténués[3].

            D'ordre technique: en se spécialisant sur une activité, l'entreprise concentre ses investissements sur celle-ci et confie les activités périphériques, moins rentables à des entreprises extérieures. L'extériorisation assure ainsi une meilleure organisation de la production ou une meilleure organisation des compétences.

            D'ordre social : les activités les moins rentables pour l'entreprise sont aussi celles qui sont les plus coûteuses socialement. Les activités qui nécessitent le plus de main-d'oeuvre seront souvent les premières à être confiées à une entreprise extérieure. Derrière la décision d'extérioriser, se cache souvent la volonté pure et simple de réduire les coûts d'emploi.

 

            Le recours à la sous-traitance aujourd'hui participe à cette nouvelle organisation. La sous-traitance est une pratique très ancienne, mais depuis les années soixante-dix elle se développe dans le cadre de cette nouvelle stratégie industrielle. La sous-traitance de certaines activités s'inscrit dans le cadre d'une spécialisation irréversible.

            L'essaimage révèle cette nouvelle stratégie: l'entreprise se sépare d'un salarié et lui permet de s'installer à son compte en l'aidant au démarrage de son activité et en lui fournissant au départ une charge de travail. L'ancien salarié est devenu juridiquement autonome tout en continuant à travailler pour son ancien employeur, sous couvert d'un contrat de sous-traitance. les juges requalifient le contrat de sous-traitance en contrat de travail lorsque le nouvel entrepreneur n'a pas de réelle autonomie, hypothèse rare en pratique.

            A travers cet éclatement on entrevoit bien la principale conséquence sur l'organisation productive : l'éclatement de la collectivité de travail[4]. Le recours à la sous-traitance va permettre de contourner certaines dispositions du droit du travail, effet souvent recherché dans cette forme d'extériorisation de l'emploi.

 

2- Les répercussions de l'organisation en réseau de sous-traitance sur les salariés:

 

            L' éclatement de l'entreprise divise la collectivité de travail et conduit à une gestion différenciée de l'emploi : les salariés du donneur d'ordre et les salariés du sous-traitant n'auront pas les mêmes droits. Bien que participant à un même processus productif, les salariés des deux entreprises se verront ainsi appliquer des conventions collectives différentes (les entreprises étant rattachées à des branches d'activité distinctes)...Peu importe qu'ils travaillent ou non ensemble sur un même lieu de travail, comme c'est le cas dans la sous-traitance sur site. Les salariés du sous-traitant sont les perdants de cette gestion différenciée de l'emploi: ils sont moins bien protégés que ceux du donneur d'ordre.

 

            L'activité de sous-traitance fait naître au sein de la collectivité de travail une certaine précarité sociale, reflet de la précarité économique de l'entreprise. Le donneur d'ordres est la partie forte du contrat de sous-traitance. Les choix du sous-traitant en tant qu'employeur seront dictés bien souvent par l'évolution de ces rapports contractuels avec son ou ses donneur(s) d'ordre(s). La rupture d'un contrat de sous-traitance peut signifier une réduction d'effectifs chez le sous-traitant, voir la mise en place d'une procédure collective de redressement ou de liquidation judiciaires.

 

            L' application du droit du travail, par le jeu de la sous-traitance est écartée ou dénaturée. Le droit du travail ne tient pas compte des relations triangulaires donneur d'ordre - preneur d'ordre - salariés, son intervention se limite bien souvent à la relation employeur-salarié.


 

3- Le droit du travail doit-il réagir?

 

            Le droit peut-il évoluer par lui-même:

 

            "Ces externalités négatives produites par des acteurs corporatifs d'un nouveau genre", nous obligent à nous interroger sur les relations juridiques qu'entretient notre système juridique avec son environnement social. Pour guider ce travail nous nous appuierons sur l'analyse de G. TEUBNER[5]: le droit est un système autonome au même titre que les systèmes politique ou économique. La réflexion des spécialistes faisant évoluer chaque système doit partir des interactions entre les différents systèmes composant la société. La justice est un "équilibrage juridique entre la cohérence interne du droit et les différentes rationalités de la société"[6]. Les juristes face à des changements économiques remettant en cause ou déformant les règles en vigueur sont tenus de penser à leur adaptation. Le droit est réflexif: il doit élaborer "les réponses que l'ordre public doit apporter à l'émergence des nouvelles formes d'organisation".

 

            Le droit du travail a-t-il fait son temps?[7]

 

            Né du régime capitaliste qui avait besoin d'une main-d'oeuvre libre et mobile, grandi au travers des luttes ouvrières, le droit du travail exprime tout à la fois les revendications des travailleurs salariés et les exigences d'une économie fondée sur l'entreprise privée, et le profit. Il doit épouser toutes les sinuosités de la conjoncture économique et reflète l'état des luttes de travail. Il est le garant d'une paix sociale.

            L'objet du droit du travail est non seulement de protéger les travailleurs face aux pouvoirs des entrepreneurs mais aussi de réguler sur le marché du travail la concurrence entre entreprises. Ses objectifs ne peuvent être remis en question, des solutions nouvelles doivent émerger.


 

4- La sous -traitance, une réalité complexe

 

            L'une des premières difficultés d'appréhension du rapport du droit du travail avec l'organisation en réseau de sous-traitance est la diversité des relations qui existent dans le monde de la sous-traitance. La sous-traitance recouvre une multitude de réalités et donc de comportements entre les différents acteurs qui vont générés des effets plus ou moins négatifs sur l'application des règles du droit du travail.

 

            La sous-traitance est une opération difficile à saisir:

Les relations entre les donneurs d'ordres et leurs sous-traitants dépendent de nombreux facteurs: la taille des entreprises, le nombre de donneurs d'ordres sur un marché donné, l'activité extériorisée par le donneur d'ordre, jusqu'à l'emplacement géographique de l'entreprise sous-traitante par rapport à celle donneuse d'ordre [8]... Toutes ces données vont avoir un impact sur l'étude des relations salariales dans ce domaine.

 

            Une enquête de Marie-Laure MORIN réalisée pour le Commissariat général au Plan en 1994 sera notre guide[9]. L'étude a été faite à partir de l'observation de relations de sous-traitance dans deux secteurs d'activités: l'aéronautique et le textile-habillement. Le choix de ces deux secteurs  permet non seulement d'avoir une vision assez exacte des différentes configurations de la sous-traitance, mais aussi de dégager deux relations-types dans les rapports entre le donneur d'ordre et ses sous-traitants.

 

            Dans les secteurs de haute technologie, tel que l'aéronautique, les relations de sous-traitance se caractérise par un partenariat. Ce secteur de haute technologie exige une coopération assez étroite entre le donneur d'ordre et certains de ses sous-traitants. Ce secteur se caractérise aussi par le nombre restreint des donneurs d'ordres de taille importante.

            Le secteur du textile-habillement, traditionnellement de main-d'oeuvre est particulièrement instable, gravement touché par la délocalisation internationale qui rend extrêmement fragiles les relations de sous-traitance. Ce secteur, au contraire du précédent, est marqué par un nombre important de P.M.E. qu'on se place du côté des sous-traitants ou celui des donneurs d'ordres. Le donneur d'ordre extériorise toute l'activité productive et garde en interne l'activité de conception.

 

            Cette enquête porte principalement sur la sous-traitance de production et tient peu compte de la sous-traitance dite générale, prestation de service ou sous-traitance de services généraux qui vise à extérioriser les activités secondaires du processus productif (gardiennage, restauration, comptabilité...). Nous suivrons aussi cette démarche, tout en ne perdant pas de vue que les problèmes entre ces deux formes de sous-traitance sont très proches: que ce soit dans le cadre d'une sous-traitance externalisée[10] ou sur site[11].

 

5- Le réseau de sous-traitance, une observation et une démarche.

 

            le réseau de sous-traitance: une nouvelle réalité.

 

            Des acteurs d'un nouveau genre émergent du monde économique, ce sont, selon l'expression de G. TEUBNER[12], des hybrides reposant à la fois sur le contrat et l'organisation. Organisations industrielles informelles, difficiles à saisir, elles ressemblent de loin à un groupe de sociétés où les liens patrimoniaux entre les entreprises seraient remplacés par des liens purement contractuels. Le dénominateur commun existant entre les différentes entreprises de l'organisation serait la participation à un même processus productif. Au centre de cette organisation "toile d'araignée", il y aurait une entreprise donneuse d'ordre, entité juridique liée exclusivement par des contrats commerciaux à toutes les entreprises composant l'ensemble du réseau et seule contrôlant la conception et le développement du produit final du début jusqu'à la fin du processus. Cette entreprise "centrale" donneuse d'ordre pourrait ainsi imposer à ses partenaires les conditions de leurs relations[13]. Les relations entre les différents partenaires et cette entreprise seraient entre des relations dictées par le marché et des relations purement hiérarchiques.

            La relation de sous-traitance dans le cadre d'un réseau serait donc marquée par une inégalité découlant de ce contrôle du processus productif par une seule entreprise. Ce qui n'est pas sans nous rappeler l'existence de relations commerciales marquées par le sceau de l'inégalité ou, selon une terminologie plus chère aux auteurs, par une dépendance économique[14]. Nous pouvons ainsi rapprocher du contrat de sous-traitance des contrats tels que le contrat d'intégration agricole ou le contrat de distribution. Un rapprochement entre ces différents contrats nous permettrait notamment d'étudier les solutions adoptées par le législateur ou la jurisprudence pour ces deux types de contrats, essayant de rétablir l'équilibre des relations, et de voir les transpositions possibles dans le domaine de la sous-traitance[15]. Cependant, notre étude ne se limite pas à une approche commercialiste du réseau de sous-traitance: il y a derrière le sous-traitant des collectifs de salariés qui n'existent pas derrière le distributeur ou l'agriculteur intégré.

            C'est pourquoi il est plus pertinent d'aborder le monde de la sous-traitance sous l'angle du droit du travail.

 

            Au-delà de la signification même du terme de réseau, c'est la démarche qui nous retient.

 

            L'utilisation du terme même de réseau est déjà un parti pris:

c'est non seulement vouloir observer un phénomène dans toute son ampleur mais c'est déjà aussi une réponse ou plutôt une orientation.

Le droit du travail ne tient compte des relations contractuelles existant à l'extérieur de l'entreprise que peu ou prou. Le réseau suppose une vision des relations interentreprises. Une vision qui ne procède pas de la branche d'activité mais d'un processus productif auquel participe plusieurs entreprises de taille et d'activité différentes.

 

            Le réseau révèle une forme d'organisation stable (irréversibilité de la spécialisation du donneur d'ordre). La sous-traitance de courte durée dite de capacité, par nature réversible ne sera prise en compte. De même ne seront pas étudiées les techniques de mise en place d'un réseau: ce devoir ne vise pas à trouver les moyens de résorber ce phénomène mais au contraire les moyens de l'intégrer en tant que nouvelle réalité incontournable.

 

6- Des solutions respectant cette nouvelle organisation.

 

            Cette organisation est déjà très présente dans différents secteurs d'activité. Les possibilités d'empêcher la mise en place de réseaux de sous-traitance sont minces et, surtout, la création d'un réseau procède d'une logique différente de celle du droit du travail et utilise des techniques légales[16].

 

            Aujourd'hui la sous-traitance s'inscrit dans le cadre d'une politique  de flexibilité de l'emploi, de la production et des moyens de production. la nouvelle division du travail qui s'instaure conduit chaque entreprise à se spécialiser sur une activité ou une spécialité et produit une nouvelle répartition du travail entre unités fragmentées qui affaiblit fortement l'impact des règles du droit du travail (Partie 1). Le juriste doit trouver les pistes d'une évolution de sa matière (Partie 2).

 

Précision:

            La sous-traitance dite de marché ne sera pas étudiée ici, en ce qu'elle aborde la sous-traitance sous l'angle d'une relation triangulaire (maître de l'ouvrage, entrepreneur principal, sous-traitant), peu significative des relations de sous-traitance.


 

 

 

PARTIE 1 : L' état du droit positif

 

 

            Le droit positif n'aborde la relation de sous-traitance qu'à travers les rapports contractuels qui en découlent, sans tenir compte des spécificités qu'une telle relation produit sur les liens d'emploi. Le contrat de sous-traitance relève du droit civil ou commercial, le droit du travail ne s'en souciant que peu ou prou.

 

            Or le recours à la sous-traitance réduit comme une "peau de chagrin" les droits collectifs et individuels des salariés (Titre 1) et tend à diminuer la part du salariat sur le marché de l'emploi en privilégiant le recours à la sous-traitance plutôt que l'embauche (Titre 2). L'étude du droit positif, oblige à examiner le phénomène du réseau de sous-traitance sous un angle purement bilatéral (relation sous-traitant - donneur d'ordre ou salariés du sous-traitant et leur employeur).

 

            Certaines dispositions du code du travail ne seront pas abordées ici: les quelques dispositions concernant des situations de sous-traitance particulières (telle la sous-traitance de marché) ainsi que les dispositions encore trop récentes.

            S'agissant des premières, il nous paraît impropre de les étudier dans cette partie car elles ont un champ d'application restreint. Elles paraissent plutôt des esquisses de solutions possibles pour remédier au contournement des dispositions du droit du travail pour l'ensemble du monde de la sous-traitance. Elles montrent cependant que le législateur a eu conscience des effets néfastes de la sous-traitance sur l'application des règles du droit du travail.

            Quant aux deuxièmes, leur impact sur le monde du travail est encore trop incertain.

Titre 1 - Les salariés du sous-traitant

 

 

            L'organisation en réseau de sous-traitance a pour objectif une plus grande flexibilité de la structure industrielle,  et surtout la baisse des coûts de la main-d'oeuvre par la déformation des règles du droit du travail à l'intérieur de l'entreprise sous-traitante (CH 1). Les concepts-clés du droit du travail sont impropres à saisir les conséquences de cette forme d'extériorisation de l'emploi (CH 2).

 

Chapitre 1 : Les conséquences de la sous-traitance sur les droits des salariés

 

 

            La situation des salariés du sous-traitant ne peut être examinée qu'à travers la relation de sous-traitance: la présence du donneur d'ordre, bien que pratiquement inexistante pour le droit du travail, se ressent dans la relation salariale. Cette présence oblige parfois à une comparaison pour savoir quelle aurait été la position des salariés s'ils avaient été directement embauchés par l'entreprise donneuse d'ordre. Nous étudierons les principaux domaines d'intervention du droit du travail: l'emploi (embauche, gestion de l'emploi et licenciement), les conditions de travail et enfin la négociation et la représentation collective.

 

            Pour que cet examen ait un intérêt, le raisonnement doit partir de relations de sous-traitance licites. L'impact négatif de l'existence d'un réseau de sous-traitance sur les principaux domaines d'intervention du droit du travail est un effet recherché, à la limite souvent de la fraude, mais la mise en place du réseau emprunte des voies, dans la majeure partie des cas, tout à fait légales.

 


Section 1 : L'emploi

§ 1. L'embauche
A. La politique d'embauche

 

            Il existe un lien certain entre sous-traitance et créations d'emplois précaires. Les entreprises donneuses d'ordres et sous-traitantes veulent garder une certaine flexibilité dans la gestion de l'emploi pour faire face aux fluctuations du marché et limiter leur responsabilité sur le risque de l'emploi. Ces entreprises ont une véritable peur d'embaucher.

 

            Le donneur d'ordre préfère recourir à deux formes d'extériorisation de l'emploi :

            Une extériorisation juridique qui privilégie les contrats à durée déterminée ou les contrats de travail temporaires lors de nouvelles embauches. Le donneur d'ordre, aujourd'hui, privilégie plus volontiers la deuxième forme d'extériorisation.

            L'extériorisation organisationnelle décharge le donneur d'ordre de certaines activités en les confiant à des entreprises extérieures. Le donneur d'ordre transfère par là même la responsabilité d'employeur sur son cocontractant et restreint ses effectifs à l'intérieur de son entreprise. L'utilisation de la sous-traitance relève de cette forme d'extériorisation de l'emploi.

 

            Cette politique d'emploi du donneur d'ordre se répercute sur celle du sous-traitant.

            Face à des fluctuations possibles des commandes de son client, le sous-traitant, a recours à des contrats de travail à durée déterminée ou temporaire voir, à une sous-traitance dite de deuxième niveau. Le contrat à durée déterminée est utilisé pour embaucher à l'essai mais aussi pour des emplois durables sans tenir compte des restrictions légales existantes. Le sous-traitant fait appel à l'intérim et à la sous-traitance de deuxième niveau en cas d'augmentation des charges confiées par le ou les donneur(s) d'ordres. En outre, avec les contrats à durée déterminée aidés, le sous-traitant peut  baisser le coût de la main-d'oeuvre.

            Chez le sous-traitant, le contrat à durée indéterminée est souvent réservé à un noyau privilégié, très sélectivement choisi, correspondant à l'encadrement supérieur de l'entreprise et à ses employés les plus qualifiés qu'il veut s'attacher.

 

            L'organisation en réseau de sous-traitance génère cette politique d'embauche : les entreprises qui participent à un même processus productif doivent garder une grande souplesse dans la gestion de l'emploi pour supporter les aléas du marché et maintenir des coûts salariaux faibles pour certaines catégories de travailleurs peu qualifiés.

 

B. Les conséquences

 

            Le réseau de sous-traitance a donc des conséquences sur l'emploi que cela soit d'un point de vue quantitatif (les embauches sont limitées) ou d'un point de vue qualitatif (les sous-traitants ayant plutôt recours aux emplois dits précaires).

 

1- Sur le plan quantitatif

 

            La mise en place du réseau par les entreprises nécessite des licenciements économiques en nombre important, d'autant plus que les activités ainsi extériorisées sont celles considérées comme les moins rentables et surtout les plus coûteuses socialement[17]. La création d'emplois[18] chez les sous-traitants ne compense pas la perte d'emplois occasionnée par la création du réseau, ceux-ci ayant peur d'embaucher.

 

2- Sur le plan qualitatif

 

            Outre le fait (non négligeable) que les sous-traitants ont souvent recours aux contrats précaires sans tenir compte des restrictions légales[19], ces formes d'emploi ont des conséquences multiples sur l'application du droit du travail malgré l'existence d'un régime juridique protecteur.

 

a- Dans les textes, une égalité de traitement et des compensations

 

            S'agissant du statut du salarié, il convient de souligner que la loi consacre le principe de non discrimination entre salariés sous contrats à durée indéterminée à temps plein et les autres salariés.

            Ainsi l'article L122-3-3 du code du travail pour les contrats à durée déterminée dispose que sauf dispositions particulières et hormis celles gouvernant la rupture du contrat, les dispositions légales, les conventions collectives et les usages applicables aux salariés liés par un contrat à durée indéterminée s'appliquent aux salariés liés par un contrat à durée déterminée.

            En matière de travail temporaire, la formulation est beaucoup moins nette, l'article L. 124-9 du code du travail se contente de renvoyer, s'agissant des rapports nés du contrat de travail entre l'entrepreneur de travail temporaire et ses salariés, aux règles de droit commun du contrat de travail en l'absence de dispositions spécifiques au travail temporaire.

 

            Les textes du code du travail contiennent également de nombreuses dispositions soit  compensant la précarité, tels les articles L.122-3-4 (pour le contrat à durée déterminée) et L.124-4-4 du code du travail prévoyant une indemnité de fin de contrat, soit protégeant les travailleurs précaires contre les conséquences de la précarité telles les dispositions prévoyant la participation de ces salariés aux élections du personnel dans l'entreprise ou leur éligibilité en réduisant les conditions d'ancienneté.


b- En réalité, un principe  facilement contourné.

 

Le salarié se voit atteint aussi bien dans ses droits individuels que dans ses droits collectifs:

 

            L'application du principe d'égalité de traitement est très facilement contournée:

            Toutes les dispositions légales ou conventionnelles qui posent une condition d'ancienneté du salarié, écartent facilement le jeu de ce principe: ces contrats sont de courte durée. Il en est ainsi pour les avantages légaux ou conventionnels telles que la prime d'ancienneté et la participation aux résultats, les salariés sous contrat à durée déterminée n'en bénéficient pas.

            Dans les entreprises de petite taille, telles que le sont en majorité les entreprises sous-traitantes, il y a peu de contrats à durée indéterminée et pour certains types d'emploi il y a un recours systématique aux contrats à durée déterminée. Le principe d'égalité se voit donc privé d'efficacité car il existe peu ou prou d'éléments de comparaison entre le statut du salarié sous contrat à durée indéterminée et le statut du salarié sous contrat à durée déterminée.

            Pour le contrat de travail temporaire, la portée du principe est d'autant plus limité par le fait qu'en droit l'employeur du travailleur est l'entreprise de travail temporaire alors que le travail est exécuté dans l'entreprise de sous-traitance. Il n'y a pas de principe d'égalité de traitement entre le travailleur temporaire et le salarié de l'entreprise utilisatrice[20]. Bien qu'ils travaillent dans les mêmes conditions, sous l'autorité de la même personne, à un poste équivalent, le travailleur temporaire ne bénéficiera pas des mêmes avantages sociaux que le salarié "permanent" de l'entreprise utilisatrice.

 

            De même l'assimilation du travailleur précaire à l'ensemble de la communauté de travail est imparfaite, elle se heurte à la réalité incontournable du caractère nécessairement temporaire de la relation de travail. Les travailleurs précaires recherchent une embauche définitive (pour ceux sous contrats à durée déterminée) ou un nouveau contrat de travail (pour les intérimaires) avec leur employeur, ils ne prennent donc pas le risque de les mécontenter, ne bénéficiant pas du régime protecteur du licenciement. Ainsi, le droit de se présenter aux élections des institutions représentatives dans l'entreprise qui les emploie paraît être illusoire, et ce d'autant plus que la durée du mandat représentatif est parfois incompatible avec la durée du contrat de travail.

 

            L'éclatement de l'entreprise en petites unités juridiquement distinctes, conséquence de la mise en place du réseau de sous-traitance, s'accompagne donc de l'éclatement de la collectivité de travail à l'intérieur même de l'entreprise, les salariés n'ayant pas les mêmes droits ni les mêmes revendications. Les règles en matière de licenciement ne sont pas applicables aux salariés sous contrats précaires, la réduction des effectifs dans l'entreprise est facilitée: il suffit de ne pas reconduire ces contrats.

 

§2. La gestion de l'emploi

 

            La mise en place d'un réseau de sous-traitance réduit les coûts de l'activité du donneur d'ordre: une activité sous-traitée est plus avantageuse qu'une activité gardée en interne.

            Le donneur d'ordre par sa politique de sélection des sous-traitants les obligent à une gestion très stricte de l'emploi. La taille de l'entreprise réduit globalement le coût de la main-d'oeuvre. Pour un poste équivalent, le salarié du sous-traitant est un salarié "meilleur marché" que le salarié du donneur d'ordre.

A. La politique salariale et les avantages sociaux

 

            La politique salariale suivie par le sous-traitant est indépendante de celle du donneur d'ordre. Les salaires versés et les avantages sociaux accordés aux salariés du sous-traitant sont moindres que ceux pratiqués dans l'entreprise donneuse d'ordre pour des postes équivalents. A cela plusieurs raisons: la taille et l'activité des entreprises sont ici déterminants.

 

1- L'absence d'accord collectif d'entreprise sur les salaires

 

            Les sous-traitants ne suivent pas les accords salariaux conclus par les donneurs d'ordres au niveau de leur entreprise. Chez eux, la tendance générale est à l'individualisation des rémunérations. Les salaires ne sont pas négociés dans l'entreprise, faute d'interlocuteur syndical .

           Les donneurs d'ordres disposent de moyens plus importants pour satisfaire leurs salariés : leurs accords collectifs d'entreprise fixent des salaires et des avantages sociaux très éloignés de ceux prévus par les accords collectifs de branche qui leur sont applicables[21].

Les sous-traitants, eux, se contentent d'appliquer les minima prévus par les accords collectifs de branche.

 

2-  La présence d' accords collectifs de branches différents

 

Les entreprises sous-traitantes et les entreprises donneuses d'ordres n'appliquent souvent pas les mêmes accords collectifs de branche: leurs activités ne relevant pas de la même branche[22]en raison de la spécialisation des entreprises dans le cadre du réseau .

 

B. La qualification et la formation

 

1- La politique du sous-traitant

 

a) Une seule priorité : la réduction des coûts

 

            Bien que la loi du 31 décembre 1991[23] a tenté de réduire les disparités en matière de formation entre les petites et les grandes entreprises, la taille de l'unité de production reste un facteur de discrimination entre les salariés. D'autant plus que dans le cadre d'un réseau, les sous-traitants sont tenus de réduire leurs coûts pour voir leurs contrats de sous-traitance reconduits: la fin du contrat de sous-traitance (lorsqu'il existe), les remet en concurrence avec les autres entreprises. Le donneur d'ordre privilégie ceux qui leur proposent les prix les plus bas, surtout lorsque le produit ne requiert pas une certaine qualité. La priorité des sous-traitants n'est donc pas la qualification et la formation de ses salariés.

 

b)  L'exception dans le cadre des relations de partenariat

 

            Dans le cadre de relations stables entre le donneur d'ordre et le sous-traitant, telles qu'il en existe dans les secteurs de haute technologie, la qualification et la formation des salariés est une priorité pour les sous-traitants. Le donneur d'ordres confie à son cocontractant des activités exigeant une qualité du produit importante.

            "Les politiques de formation sont les plus développées dans les entreprises sous-traitantes organisées pour produire des produits de qualité et réalisant plus du quart de leur chiffre d'affaires avec un même client"[24].

            L'évolution des relations entre ces partenaires dépend des efforts du sous-traitant dans ce domaine. Les sous-traitants s'engagent ainsi dans des procédures d'obtention de certification qualité, soutenus en cela par les pouvoirs publics et les organisations professionnelles. Ils sont donc poussés à augmenter la qualification de leur personnel. Dans la sous-traitance sur site, il y a en plus des exigences de formations particulières liées aux questions d'hygiène et sécurité.

 

            Le donneur d'ordre intervient parfois dans la formation du personnel du sous-traitant, au début de l'exécution d'un contrat de sous-traitance. Cette formation, gratuite, figure en annexe du contrat de sous-traitance.

 

2-  Les conséquences

 

            Les activités systématiquement extériorisées sont les activités nécessitant le plus de main-d'oeuvre, et de main d'oeuvre très peu qualifiée. Fragilisée dans le cadre d'un réseau de sous-traitance subissant de plein fouet les à-coups de la conjoncture, cette main-d'oeuvre a besoin de s'adapter aux demandes des entreprises sur le marché de l'emploi.

            Or les petites entreprises ne peuvent soutenir une politique de formation et de qualification importante si elles ne sont pas soutenues en cela par les donneurs d'ordres ou les pouvoirs publics.

Le risque est celui d'une inégalité de plus en plus choquante entre les salariés[25] qualifiés et sous contrats à durée indéterminée, et les autres.

§3. Les règles de licenciement.

 

            En cas de difficultés économiques, l'ensemble du réseau de sous-traitance va être touché par des restructurations. La crise du marché se répercute sur le réseau de sous-traitance par un "effet accordéon"[26]: tous les maillons de la chaîne de sous-traitance vont subir le choc. Chaque entreprise adapte l'emploi en fonction de ses ordres et de sa spécialité. La nature des liens contractuels existant entre le donneur d'ordre et le sous-traitant détermineront l'avenir de l'entreprise sous-traitante:

            En présence de liens stables[27], le donneur d'ordre maintiendra la relation avec son cocontractant, il baissera les charges confiées et préférera procéder lui-même à des licenciements économiques afin de maintenir son réseau de sous-traitance. L'entreprise sous-traitante réduira ses effectifs sans que sa survie ne soit remise en question.

            Par contre, en l'absence de liens stables, la baisse d'activités conduit à la rupture des relations avec le donneur d'ordre. Les effets sur l'emploi dépendront donc de la dépendance économique du sous-traitant par rapport à son donneur d'ordre. Si la dépendance est trop forte, le sous-traitant devra subir une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires.

            Dans les deux cas, la baisse ou le rapatriement des charges entraînera parfois la réduction des effectifs par des licenciements pour motif économique (le sous-traitant ne renouvellera pas tout d'abord les contrats des salariés sous contrats à durée déterminée ou temporaires). Les conséquences du réseau de sous-traitance a là encore des effets négatifs sur l'application des règles du droit du travail en matière de rupture du contrat de travail.

 

A. La taille des entreprises sous-traitantes

 

            D'un point de vue pratique, le sous-traitant pourra très facilement contourner la législation en matière de licenciement pour motif économique pour réduire ses effectifs. Il suffit de ne pas reconduire les contrats à durée déterminée et/ou de licencier pour motif personnel un nombre restreint de salariés (la fraude est facilité dans le cadre d'une petite entreprise).

            D'un point de vue juridique, la procédure de licenciement pour motif économique sera réduite. Les mesures d'accompagnement risquent fort d'être écartées: les entreprises sous-traitantes, petites unités, font l'économie d'un plan social  et ne peuvent assurer le reclassement des salariés qui font l'objet d'une procédure de licenciement pour motif économique.

            La taille de l'entreprise a ici un effet particulièrement discriminatoire lorsque s'ajoute l'absence de représentants du personnel dans l'entreprise[28], la procédure de consultation du comité d'entreprise est alors écartée. De même, l'employeur échappe à tout contrôle de l'administration dans le cadre de petits licenciements. Or, dans les petites entreprises sous-traitantes, les licenciements pour motif économique concernent moins de dix salariés. Ainsi, l'employeur retrouve une plus grande liberté d'action.

 

B. Le donneur d'ordre, un tiers.

 

            La mise en place d'un réseau permet surtout à l'entreprise donneuse d'ordre de ne plus supporter la responsabilité des risques de l'emploi.

 

            Le sous-traitant est le seul employeur, lui seul prend la décision de réduire ses effectifs et de licencier, le donneur d'ordre n'intervient pas dans la procédure de licenciement, bien qu'il soit à l'origine des licenciements pour motif économique. Cette cause indirecte des licenciements échappe à l' examen par les juridictions puisqu'elle relève de relations commerciales[29].

            Cela paraît d'autant plus choquant que pour les entreprises les plus fragiles, le rapatriement des charges aboutit bien souvent à un dépôt de bilan. Les salariés, sauf dans des configurations de sous-traitance bien particulières[30], ne peuvent pas agir en paiement de leurs salaires: ils ne dispose pas d'un privilège sur les sommes dues par le donneur d'ordres ni d'actions directes contre lui.

            Le donneur d'ordre considère l'opération de sous-traitance comme une opération industrielle. Il ne s'estime donc pas responsable des problèmes d'emploi du sous-traitant.

 

            Il est juridiquement et pratiquement impossible d'impliquer le donneur d'ordre dans la procédure de licenciement.

            Il est impossible de mettre à la charge du donneur d'ordre une obligation de reclassement:

 

Impossibilités juridiques:

            La jurisprudence a crée l'obligation de reclassement dans le cadre d'entreprises de plusieurs établissements ou membres d'un groupe. Mais elle est le corollaire de la solidarité qui unit les sociétés du groupe: le salarié d'une entreprise membre peut être déplacé dans toutes les sociétés composants le groupe. La cause juridique du droit au reclassement est cette mobilité du personnel. La sous-traitance non seulement n'implique pas l'existence d'une structure de groupe entre le donneur d'ordre et le sous-traitant[31], mais n'entraîne pas d'échanges de personnel entre les deux cocontractants.

            Il arrive que le sous-traitant ait plusieurs donneurs d'ordres, il parait alors difficile d' imposer à ces derniers le reclassement des salariés du sous-traitant.

 

Impossibilité pratique:

            La spécialisation de chaque unité appartenant au réseau de sous-traitance rendrait de toute façon encore plus improbable la possibilité de trouver des postes équivalents aux salariés. De plus quand le donneur d'ordre procède lui-même à des licenciements, il serait difficile de lui imposer le reclassement des salariés de son sous-traitant alors qu'il n'a pu le faire pour ses propres salariés.

 

            Face au rapatriement des charges par le donneur d'ordre, une autre solution est envisageable: maintenir les contrats de travail des salariés des sous-traitants en ayant recours à l'alinéa 2 de l'article L.122-12 du Code du travail: lors d'un transfert d'entreprise, "les contrats de travail en cours subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise".


 

C. L'inapplicabilité de l'article L122-12 du Code du travail

 

            Cet article vise à maintenir la stabilité de l'emploi face à la mobilité de l'appareil productif. L'application de cet article requiert une modification dans la situation juridique de l'employeur. Cette modification peut s'opérer selon différentes modalités, l'énumération de l'article n'étant pas limitative. La jurisprudence a dû circonscrire son domaine d'application.

 

            Conçu à l'origine pour répondre à la mobilité du capital, la jurisprudence l'utilise pour des transferts de marché, ce qui permet de tenir compte des relations conventionnelles entre les entreprises. Ainsi, depuis 1990 l'alinéa 2 de l'article L.122-12 du code du travail trouve application même en l'absence de lien de droit entre les employeurs successifs, dès lors qu'il y a "transfert d'une entité économique conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise"[32].

 

            Peut-on alors envisager que les salariés du sous-traitant, affectés à une activité reprise en interne ou confiée à une nouvelle entreprise par le donneur d'ordre, puissent bénéficier de l'article L.122-12 alinéa 2 et donc trouver un nouvel employeur en la personne du donneur d'ordre ou de son nouveau cocontractant?

Pour répondre à cette question, il nous faut nous pencher sur la définition jurisprudentielle du transfert d'entreprise.

 

            La jurisprudence définit l'entité économique comme un ensemble de moyens matériels et humains, constituant une unité, mise en oeuvre pour produire des biens et des services. Il en découle que le transfert ne doit pas concerner uniquement l'activité sous-traitée mais également le matériel nécessaire à son exécution ainsi que le personnel qui y est affecté.

 

            C'est seulement lorsque les moyens d'exploitation sont transférés tout en conservant leur destination que l'entité économique conserve son identité[33]. Ainsi, les juges ont rejeté l'application de l'article L.122-12 alinéa 2  dans le cadre d'un contrat d'entreprise liant une grande surface avec une entreprise de nettoyage[34]. Cela restreint beaucoup les possibilités de mettre en oeuvre une substitution d'employeur en cas de rapatriement des charges par le donneur d'ordre. Cela implique le sous-traitant exécute le travail à l'aide de moyens matériels fournis par le donneur d'ordre: lors de la rupture du rapport de sous-traitance, celui-ci rapatriera également les équipements nécessaires à l'exécution de l'activité extériorisée.

 

            De même, pour bénéficier du maintien de leur contrat de travail, les salariés doivent avoir été exclusivement affectés à l'activité transférée[35]. Cette condition est remplie dans le cadre de la sous-traitance sur site ou lorsque le sous-traitant n'a qu'un seul donneur d'ordre. Il existe, en effet, le plus souvent une confusion des travaux confiés en cas de pluralité de donneurs d'ordres. Un salarié est rarement affecté à l'accomplissement d'un travail pour un donneur d'ordre particulier: la répartition des tâches se fait non pas en fonction des différents contrats de sous-traitance, mais en fonction du poste occupé par chaque salarié.

 

            L'article L.122-12 du Code du travail permet le changement d'employeur en cas de transfert partiel de l'entreprise. Lorsqu'une entreprise confie une partie de son activité à une entreprise extérieure, les salariés affectées à l'activité ainsi extériorisée trouvent un nouvel employeur en la personne du sous-traitant[36].

 

            Cette jurisprudence accompagne le mouvement de spécialisations productives au sein d'entreprises différentes, plus qu'elle ne reconstitue l'unité de l'entreprise autour d'une activité principale unique tendant à la réalisation d'un même produit. La jurisprudence portant sur l'alinéa 2 de l'article L.122-12 se prononce pour une conception de l'entreprise organisation, plus que de l'entreprise activité.

Section 2 : Les conditions de travail.

 

§1. Le principe.

 

            Le sous-traitant est responsable des moyens à mettre en oeuvre pour répondre aux exigences du donneur d'ordre et donc de l'organisation du travail. Le sous-traitant, que cela soit en sous-traitance externe ou en sous-traitance sur site, dirige son personnel, il est par conséquent le seul responsable de l'application des règles en matière de conditions de travail.

            Cependant, dans ces deux formes de sous-traitance les problèmes d'application de ces règles ne sont pas les mêmes.

 

A. Dans la sous-traitance externe.

 

            L'organisation du travail doit répondre à des exigences de délais de livraison stricts. Les solutions adoptées par les sous-traitants leur permettent de gérer les variations de production avec le strict effectif nécessaire: ils utilisent massivement les heures supplémentaires récupérées par la suite. Cette utilisation est souvent en dehors de la légalité: faute de présence syndicale dans les entreprises, les possibilités de modulation du temps de travail ne sont pas négociées et ne tiennent pas compte des possibilités ouvertes par les accords de branche applicables. C'est à cette carence que la loi du 12/11/1996 reprenant l'Accord professionnel du 31 octobre 1995 tente de répondre, en donnant la possibilité aux entreprises dépourvues de délégués du personnel de négocier.

B. Dans la sous-traitance sur site.

 

            Dans cette forme de sous-traitance, les salariés du sous-traitant travaillent sur le même site que ceux du donneur d'ordre. Cette sous-traitance nécessite une coordination très étroite entre les activités du donneur d'ordre et du ou des sous-traitants travaillant dans les mêmes locaux ou sur le même chantier. En matière d'organisation du travail, le sous-traitant reste en principe libre, mais il est en réalité obligé de respecter les horaires de travail pratiqués par le donneur d'ordre, et se doit d'appliquer le règlement intérieur de ce dernier dans son ensemble à ses salariés[37]. Il reste libre cependant en matière de sanctions disciplinaires.

            L'interférence des activités ne rend pas pour autant le donneur d'ordre responsable de l'application des règles en matière de conditions de travail, le donneur d'ordre ne dirige pas la main-d'oeuvre de son sous-traitant. L'article L124-4-6 du code du travail ne s'applique que dans le cadre du travail temporaire: l'utilisateur est responsable des conditions d'exécution du travail. Le donneur d'ordre ne peut être considéré comme utilisateur de la main-d'oeuvre du sous-traitant au sens de cet article. La sous-traitance ne se concrétise pas par un transfert du pouvoir de direction de l'employeur juridique vers le donneur d'ordre, transfert qui se réalise dans le cadre du travail temporaire ou du prêt de main-d'oeuvre licite.

 

§2. L'exception.

 

            Cette exception se trouve dans le cadre des règles d'ordre public absolu en matière d'hygiène et sécurité. Les employeurs  sous-traitants restent responsables des manquements aux dispositions en la matière concernant leur personnel: ils dirigent leurs salariés et sont donc les seuls capables de leur imposer le port de certaines protections. Mais dans ce domaine apparaît la possibilité d'impliquer la responsabilité du donneur d'ordre pour deux types de manquement à des obligations légales:

A. L'obligation de coordination et de coopération du donneur d'ordre

 

            Le décret du 20/2/1992 tient compte de la coordination et des interférences des activités qu'implique la sous-traitance et en tire les conséquences: il existe un véritable partage des responsabilités entre les différents chefs d'entreprise présents sur un même site. L'alinéa 2 de l'article L.230-2 prévoit une coopération entre les différents employeurs pour la mise en place des mesures relatives à l'hygiène, à la sécurité et à la santé. Le chef de l'entreprise utilisatrice est chargé par l'article R.237-2 du code du travail, d'assurer la coordination générale.

            Le seul critère d'application posé par les textes est le fait pour les travailleurs de plusieurs entreprises d'être présents sur un même lieu de travail, ce qui exclut toute nécessité d'un lien de droit entre les entreprises concernées.

 

B. Le devoir d' "ingérence" du donneur d'ordre.

 

            Ce devoir se concrétise par une obligation d'alerter le chef d'entreprise extérieure en cas de danger grave concernant un salarié de cette entreprise (article R.237-2 alinéa 3 du code du travail) et par l'obligation de "s'assurer auprès des chefs des entreprises extérieures que les mesures décidées sont exécutées" (article R.237-12 du code du travail).

 


Section 3 : La représentation et la négociation collective

§1. La représentation collective et la négociation collective au niveau de l'entreprise.

 

            On peut constater une véritable carence de la représentation collective dans les entreprises sous-traitantes liée à plusieurs facteurs. Carence entraînant un vide conventionnel dans ces entreprises malgré l'existence de solutions législatives et jurisprudentielles qui ne sont pas exploitées ou pas exploitables dans le cadre du réseau de sous-traitance.

 

A. Les facteurs.

 

1- L'effet de taille des entreprises

 

            Le facteur taille joue un rôle important dans les différences de pratiques en matière de représentation des salariés et de négociation. L'article L.412-11, permet de nommer un délégué du personnel comme délégué syndical reste sans incidence dans les P.M.E..

            Notre système de relations professionnelles est basé sur des seuils d'effectifs dans les entreprises entraînant une distinction entre petites P.M.E. (moins de 50 salariés) et grandes P.M.E. (plus de 50 salariés).

 

            Les entreprises de moins de 50 salariés pratiquent généralement une régularisation minimale vis-à-vis de la législation. Leurs dirigeants craignent une usurpation partielle de leurs prérogatives patronales et les risques de dérapage financier engendrés non par le fonctionnement des institutions représentatives, mais plutôt par les revendications qu'elles peuvent faire émerger.

            Les employeurs préfèrent un dialogue direct et informel avec leurs salariés, ils ne voient pas de nécessité à la présence de représentants du personnel dans leur entreprise. Ils organisent, toutefois des assemblées générales du personnel de l'entreprise, mais L'employeur conserve le pouvoir d'attribuer des gratifications . Les salariés travaillant dans un contexte de crise de l'emploi, sensibles aux pressions parfois délictueuses de leur employeur, ne peuvent ou ne veulent réclamer des représentants à celui-ci. Le droit de grève voit sa portée réduite: la précarisation des emplois, le contact direct avec l'employeur et l'absence de représentants du personnel rendent beaucoup plus difficile l'exercice de ce droit constitutionnel.

 

            Dans les entreprises de plus de 50 salariés c'est l'absence de délégués syndicaux qui fait le plus défaut. Le plus souvent les instances représentatives élues fonctionnent effectivement. Mais la gestion individualisée du personnel et les initiatives de l'employeur en matière de réunion collective rendent difficile l'exercice de la fonction de délégué du personnel, dont le rôle s'efface généralement au profit du comité d'entreprise. Cette dernière instance apparaît alors comme le lieu principal de la "négociation collective" atypique, faute de salariés qui se sentent impliqués pour mettre en place une représentation syndicale dans l'entreprise. Bien souvent les dirigeants font des appels à la candidature pour les élections des représentants du personnel.

 

            Il en ressort que les dirigeants des P.M.E. veulent garder une totale maîtrise de leur pouvoir d'organisation: le comité d'entreprise lorsqu'il existe, est un lieu où le dirigeant transmet ses "messages" économiques. L'absence de représentation syndicale dans l'entreprise empêche la signature de conventions et d'accords collectifs d'entreprise. L'adaptation des statuts des salariés aux contraintes de l'entreprise se fait alors souvent dans le sens d'une plus grande individualisation.

            En outre, l'absence de représentation syndicale chez les petits sous-traitants opère une coupure avec les organisations syndicales de branche.

 


2- L'éclatement de la collectivité de travail

 

            L'utilisation de la sous-traitance éclate le collectif humain. Les statuts se multiplient pour les salariés affectés à un même processus de production. Deux raisons à l'éclatement: la multiplication des unités de production juridiquement distinctes et la "flexibilisation" de la main-d'oeuvre, aboutissant à la marginalisation de catégories entières de travailleurs[38]. La rupture de la collectivité de travail entraîne un affaiblissement des solidarités collectives.

            La notion d'effectif disparaît. Sur un même site, une dizaine d'entreprises différentes travaillent, mais si on regarde de plus près chaque salarié est dirigé par son employeur ou une maîtrise de son employeur. Les liaisons entre les collectivités de travail du donneur d'ordre et des sous-traitants s'établissent difficilement. L'éclatement produit par la sous-traitance reporte les problèmes d'emploi sur les sous-traitants.

 

B. Des solutions inexploitées ou inexploitables

 

1- Le lieu de travail.

 

            Le code du travail permet aux salariés du ou des sous-traitants d'avoir des représentants communs avec ceux du donneur d'ordre lorsque les entreprises sont situées dans une même zone géographique ou lorsqu'elles travaillent sur un même site.

 

            Dans le cadre de zones locales de sous-traitance, le code du travail permet la représentation de salariés travaillant dans une même zone géographique. Mais ce sont des ressources inexploitées:

 

            Les articles L132-30 et L421-1 du code du travail offrent la possibilité de conclure des accords collectifs prévoyant le regroupement d'entreprises de moins de cinquante salariés afin de créer de commissions paritaires ou à une représentation du personnel de ces entreprises par l'élection ou la nomination de délégués de site. Ces dispositions de la loi du 25 juillet 1985 n'ont eu aucun impact dans la représentation au niveau local faute certainement d'une dynamique émanant des syndicats, trop centrés sur les institutions classiques de représentation du personnel.

 

2- Le regroupement d'entreprises.

 

            La jurisprudence a ouvert la possibilité de créer une représentation commune à plusieurs entreprises, permettant notamment une représentation dans de petites entreprises en les regroupant . Cette jurisprudence repose sur l'idée que les personnels de plusieurs entreprises juridiquement distinctes[39] , mais liées financièrement entre elles, constituent socialement une seule communauté de travail avec des intérêts semblables. La mise en place d'une représentation commune repose sur la reconnaissance d'une unité économique et sociale ou d'un groupe.

 

a) L'unité économique et sociale.

 

            La notion d'unité économique et sociale, créée par la jurisprudence pour permettre l'adaptation des institutions représentatives du personnel aux dimensions nouvelles de l'entreprise, a été introduite dans le code du travail par la loi du 28 octobre 1982 à l'article L.431-1 alinéa 6. L'unité économique et sociale concerne la mise en place du comité d'entreprise, des délégués du personnel et la désignation des délégués syndicaux communs à plusieurs entreprises juridiquement distinctes. Cette notion n'est cependant pas apte à saisir l'organisation en réseau de sous-traitance.

 

            La reconnaissance d'une unité économique et sociale suppose l'existence de liens économiques, mais aussi une communauté de travailleurs et une unité de direction. Depuis un arrêt du 3 mars 1988, la Cour de cassation exige trois éléments constitutifs de l'unité économique et sociale: l'identité et la complémentarité des activités, la concentration entre les mêmes mains du pouvoir de direction et la communauté des travailleurs. Si dans le cadre des rapports de sous-traitance le premier existe nécessairement, il n'en va pas de même pour les deux autres.

 

-L'absence d'unité économique:

            Le réseau de sous-traitance ne suppose pas de liens hiérarchiques entre les partenaires. Le donneur d'ordre a parfois des participations dans le capital de certains de ses sous-traitants mais ces participations sont trop faibles qu'un contrôle s'exerce sur leur activité. Le donneur d'ordre veut maintenir l'autonomie de ses cocontractants. Le pouvoir de direction bicéphale dans le rapport de sous-traitance est  illusoire, empêchant la reconnaissance de l'unité économique et sociale[40].

 

- L'absence d'unité sociale:

            L'unité sociale[41] est révélée par une communauté formée par le personnel . Elle se manifeste notamment par l'identité des conditions de travail et des locaux, la similitude de gestion des situations individuelles et des oeuvres sociales ou la permutabilité des salariés. Cette communauté ne se retrouve évidemment pas dans la sous-traitance externe. Dans la sous-traitance sur site, malgré l'imbrication organisationnelle très poussée du travail, le personnel n'a pas de statut commun.

 

            La sous-traitance conduit à une division réelle du travail dans une logique de métier tout à fait différente de la logique de produit autour de laquelle l'entreprise donneuse d'ordre s'est bâti à l'origine. Elle amène à la scission économique, juridique et sociale de l'entreprise.

 


b) Le groupe

 

            La création du comité de groupe (article L.439-1 du code du travail) n'a pas pour la mise en place d'une représentation du personnel au niveau d'une unité économique et sociale. Aux termes de la loi du 28 octobre 1982, le comité de groupe permet aux représentants des comités d'entreprise des diverses entreprises du groupe de recevoir des informations de l'autorité responsable de la stratégie du groupe. Cette institution n'a donc pas été crée comme une structure de décision mais comme une structure d'information économique pour les instances représentatives du personnel. Au regard de cette finalité, la mise en place d'une telle institution dans le cadre de "relations d' affaires" n'est pas opportune. L'absence de structure de groupe empêche de toute façon sa création.

 

            La taille des entreprises sous-traitantes et l'éclatement de la structure de l'entreprise dans le cadre du réseau de sous-traitance entrave la négociation collective à ce niveau. Les accords collectifs de branche fixent le plus souvent les droits accordés, en dehors de la loi, aux salariés des sous-traitants .

 

§2. La négociation collective de branche

 

            Notre structure de négociation collective repose essentiellement sur la négociation professionnelle de branche. Elle avait à l'origine pour objectif l'organisation de la concurrence sur le marché du travail autour d'une même activité économique ou d'activités similaires sur le marché des produits et l' harmonisation des statuts des salariés. Le réseau de sous-traitance détourne partiellement ces objectifs.

 

            La négociation collective définit des règles minimales de travail applicables à des entreprises dont l'activité économique est semblable. Elle ne saisit pas directement les relations entre les entreprises participant à un même processus productif.

            "Notre structure de négociation collective s'est construite autour du marché des produits alors que la sous-traitance repose en partie sur une spécialisation professionnelle autour de métiers ou d'activités qu'elle contribue à différenciée" (Marie-Laure Morin 1995 Travail et emploi n°60).

            La convention collective de branche n'est pas adaptée pour répondre aux problèmes posés par la mise en place d'un réseau de sous-traitance. Les règles régissant son élaboration, son applicabilité et son application effective ne répondent pas voir renforcent les différences de traitement qui existent entre les salariés du sous-traitant et ceux du donneur d'ordre.

 

 

A.  L'élaboration

 

            La représentation dans les branches d'activité ne tient pas compte des intérêts particuliers des sous-traitants par rapport à ceux des donneurs d'ordre. Il est difficile de saisir dans la négociation collective de branche les relations de travail très différentes dans les grandes et les petites entreprises. Les chartes de sous-traitance ou les codes de conduite destinées à moraliser ou stabiliser les relations de sous-traitance, sont élaborés  indépendamment de la négociation sociale, dans une optique purement bilatérale donneur d'ordre / sous-traitant.

Ces chartes n'ont aucun effet contraignant et n'abordent pas les problèmes de politique et de gestion de l'emploi.

            En ne tenant pas compte des intérêts spécifiques des sous-traitants, la négociation collective de branche risque de ne plus aboutir à la signature d'un accord ou d'une convention collective de branche. Dans les branches, comme celle des industries du caoutchouc, les donneurs d'ordres (de taille importante) sont prêts à accorder des avantages supplémentaires aux salariés alors que leurs sous-traitants refusent la signature d'un nouvel accord.

Lorsque les sous-traitants et les donneurs d'ordres appartiennent à la même branche, les sous-traitants freinent la signature d'un accord faute de moyens de financer une politique sociale plus coûteuse. La négociation collective de branche ne prend pas en compte les disparités des relations professionnelles entre grandes et petites entreprises.

 

B.  L'applicabilité.

 

Le découpage des branches professionnelles:

            La définition des branches varie. Du contour des branches dépend le regroupement des activités économiques au sein des organisations patronales. Il constitue un enjeu permanent. Les logiques professionnelles ou territoriales présidant à ce regroupement diffèrent:

            Certaines branches de taille restreinte, construites autour d'un seul secteur d'activité, voir autour d'un même métier, sont gérées au niveau national, mais parfois à un niveau purement local. D'autres, au contraire, sont de vastes regroupements plurisectoriels comme la métallurgie, construites autour d'un contrôle des marchés locaux du travail dans le cadre de négociations salariales territoriales. Une grande dispersion marque l'ensemble.

 

Ce découpage des branches entre en compte dans le choix de sous-traiter.

            Dans le cadre de la convention collective applicable aux donneurs d'ordres, la difficulté de gérer les carrières de salariés occupés à des tâches qui ne relèvent pas de son activité principale ou de son métier dicte le choix d'extérioriser certaines fonctions. Cette extériorisation auprès d'entreprises rattachés à une autre convention collective procède donc très directement de la volonté de contourner les règles conventionnelles plus favorables aux salariés en jouant sur le rattachement du donneur d'ordres et de ses sous-traitants à des secteurs d'activités différents .

 

C.  L'application.

 

            A l'intérieur d'une même branche, la superposition de conventions collectives territoriales différentes accroît la concurrence entre les entreprises, alors que la négociation a notamment pour objectif de les uniformiser. Les conséquences de l'application de conventions ou d'accords collectifs de branche différents sur les entreprises sous-traitantes, peuvent être alors très néfastes.

 

            La négociation collective de branche agit sur l'avenir des entreprises sous-traitantes, par ses conséquences sur le coût de la main-d'oeuvre des sous-traitants et donc sur les prix proposés aux donneurs d'ordres, un élément déterminant de sélection des sous-traitants. Aujourd'hui, le marché de la sous-traitance n'est plus seulement un marché local mais nationale voire internationale.

            La gestion de la négociation collective au niveau territorial dans une même branche, modifie de façon importante le jeu de la concurrence entre les sous-traitants, ainsi les taux de salaires ou des avantages sociaux différents, comme dans la métallurgie.

            Lorsqu'un accord collectif de branche renchérit le coût de la main d'oeuvre d' un sous-traitant que pour d'autres sous-traitants relevant d'un autre accord collectif, il pourra se trouver évincé par les donneurs d'ordres au profit de ces derniers mêmes moins qualifiés. Non seulement cela fausse le jeu de la concurrence entre les entreprises sous-traitantes mais cela peut aussi avoir des conséquences négatives sur leur qualification.

 

            Les structures de la négociation collective construites autour de la notion de branche professionnelle, sont inadaptées pour répondre aux problèmes liés à la sous-traitance.

            Soit la gestion territoriale des accords collectifs ne correspond plus au développement de la sous-traitance qui fait appel à un réseau local mais aussi à des réseaux plus larges avec mise en concurrence systématique y compris au niveau international, brisant l'unité de convention pour un même processus productif.

            Soit la spécialisation productive s'accompagne de l'application de conventions collectives différentes, contribuant à renforcer la dispersion de notre système conventionnel. L'éclatement du collectif de travail de l'entreprise rompt l'unité de convention.

 

            La négociation collective uniformisant les statuts entre les salariés, serait le moyen pour appréhender les problèmes nés dans le cadre d'un réseau de sous-traitance. Mais, cet outil est inadapté pour saisir le réseau.

 

 


Chapitre 2 : Les raisons d'une déformation

 

            Le droit du travail appréhende le lien juridique d'emploi à l'intérieur de l'entreprise. Il n'a qu'une faible prise sur les conséquences de la sous-traitance sur l'emploi. Pourtant ce concept a déjà évolué pour saisir des situations où l'autonomie juridique de l'employeur cachait un autre personnage.

 

Section 1: L'entreprise

 

§1. L'effet de taille

 

L'effet de taille en droit du travail est très (et trop) important.

            Bien que la taille de l'entreprise sous-traitante soit variable (elle va de l'entreprise sans salarié à l'entreprise de grande taille), on peut toutefois considérer, bien qu'aucune enquête n'a été faite à ce sujet, que les entreprises sous-traitantes sont généralement des P.M.E.. Cela découle des méthodes utilisées pour mettre en place un réseau (essaimage) ou de la politique de sélection des sous-traitants par les donneurs d'ordres. Les sous-traitants sélectionnés doivent être souples et pratiqués les prix les plus bas du marché: seule une petite taille le permet véritablement[42].

 

            Ces dernières années, le législateur et les partenaires sociaux se sont beaucoup préoccupés des entreprises de dimension modeste, dans le but de tempérer l'effet de taille sur l'application des règles du droit du travail[43]. Ces efforts ne peuvent véritablement aboutir: les sous-traitants ont recours souvent à des pratiques illicites face aux contraintes extérieures . Pour rétablir une certaine égalité de traitement entre les salariés du sous-traitant et ceux du donneur d'ordres, le droit du travail doit nécessairement tenir compte des relations de sous-traitance. Cette approche implique un tiers au contrat de travail dans l'application de la réglementation sociale et prend en compte la nouvelle organisation industrielle qu'elle sous-tend.

 

§2. Le paradigme de l'entreprise

 

            L'entreprise est une notion juridique mouvante. Le droit commercial l'aborde sous son aspect patrimonial. Elle est  en droit du travail un ensemble comprenant le personnel, les moyens matériels et la direction.

            Le législateur et la jurisprudence ont construit le droit du travail autour du modèle d'emploi de la grande entreprise. L'évolution du droit du travail prend en compte les conséquences de la croissance de l'entreprise sur la relation employeur-salarié .

 

            Il n'existe pas en droit de définition précise de l'entreprise: il s'agit plus d'un paradigme juridique que d'une réalité économique et sociale. L'entreprise est au coeur de nombreuses dispositions du droit du travail comme la représentation collective, le transfert d'entreprise (L.122-12)...La jurisprudence et le législateur ont élargi cette notion à une pluralité d'entreprises juridiquement distinctes.

 

A. L'entreprise: un ensemble de moyens.

 

            Au fil du temps, la jurisprudence a identifier l'entreprise à un ensemble de moyens, matériels et humains, permettant l'exercice d'une activité. Le salarié s'intègre dans un service organisé (par l'employeur). Il est une partie intégrante de l'entreprise Son contrat de travail survit au changement juridique d'employeur dès lors que l'entreprise survie.

 

1- La notion de service organisé

 

            Pour qualifier la relation salariale, les juges recherchent si le travailleur est placé sous la subordination juridique de son cocontractant, qualifié d'employeur s'il assure la direction du travail. Cependant, la taille de l'entreprise ne permet pas toujours à l'employeur de diriger effectivement le travail de ses salariés. La jurisprudence utilise alors un autre critère pour qualifier le contrat de travail: l'intégration du salarié dans un service organisé, l' entreprise[44].

            Classiquement, le salarié exécute ainsi son contrat de travail avec les moyens matériels fournis par l'employeur, aux heures et sur un lieu imposés. La jurisprudence apprécie le lien de subordination par rapport aux contraintes subies par le travailleur dans l'exécution de sa prestation. Le service organisé est une conception assez large de l'entreprise. L'intégration dans une entreprise suppose un manque de liberté dont l'appréciation dépend cependant de la nature de la prestation fournie.

 

            La survivance de l'entreprise après la "modification de la situation juridique de l'employeur" entraîne le maintien des contrats de travail en cours. Le salarié est donc bien une partie intégrante de l'entreprise. Cette survie de l'entreprise a fait l'objet d'une jurisprudence abondante. Les juges  hésitent à conceptualiser cette organisation.

 

2- La conception de l'entreprise dans l'alinéa 2 de l'article L.122-12.

 

a) La perte d'un marché ?

 

             la jurisprudence sur l'article L122-12 s'est initialement polarisée autour de l'objet du transfert, donc de la notion d'entreprise. A l'origine, la jurisprudence hésite entre l' "entreprise-organisation" et l' "entreprise-activité". La conception d'entreprise "organisation" relevant d'une conception plus restrictive que celle d'entreprise "activité".

 

            Dans un premier temps, la jurisprudence s'est orientée vers une interprétation large de l'article, considérée par certains comme laxiste, visait à favoriser le maintien de l'emploi dans un contexte économique délicat. A la notion d'identité de l'entreprise, les magistrats ont substitué la notion d'identité de l'emploi. Ainsi ont-ils considérés que la notion d'entreprise s'élargissait à un contrat de service de nettoyage ou de gardiennage ou à la gestion d'une cantine[45]. La doctrine a dénoncé unanimement la position de la Cour de cassation dénuée de tout fondement juridique.

 

            Par l'arrêt S.A. Nova Services rendu par l'Assemblée plénière le 15 novembre 1985  revient sur sa jurisprudence antérieure[46]: désormais, la seule perte d'un marché ne peut constituer une modification dans la situation juridique de l'employeur. Elle va même, par la suite, jusqu'à conditionner l'application de l'article à l'existence d'un lien de droit entre les employeurs successifs et ce malgré la directive européenne du 14 février 1977 qui vise également les transferts d'entreprise. Les décisions de la Cour européenne de justice sur l'application de la directive  permettent à la Haute Cour française d'élaborer sa nouvelle conception de l'entreprise.

 

b) L'entité économique conservant son identité.

 

            Dans ses premiers arrêts sur la directive du 14 février 1977, la Cour européenne s'est bien gardée d'enfermer dans des formulations rigides la notion de transfert d'entreprise mais a énonce plutôt une méthode d'analyse pour les juges nationaux. Dans un arrêt Spikers du 18 mars 1986, elle définit l'entreprise, l'établissement ou la partie d'établissement, mentionnée à l'article 1er de la directive, "d'entité économique qui conserve son identité". Elle utilise la méthode des faisceaux d'indices pour caractériser le transfert d'entreprise: seule une évaluation d'ensemble permet de vérifier si l'entreprise se poursuit. Un élément est cependant déterminant: la continuation d'une même activité. Cette jurisprudence laisse une grande liberté aux juges nationaux: elle ne choisit pas entre l'entreprise organisation ou l'entreprise activité. La Cour européenne donne une vision assez large du transfert: peu importe qu'il existe des liens de droit entre les employeurs successifs[47].

 

            La Cour de cassation s'est alignée sur la jurisprudence communautaire avec l'arrêt Société d'exploitation du Touring-club de Paris[48] du 16 mars 1990. Elle reprend la formulation utilisée par la Cour européenne: l'alinéa 2 de l'article L.122-12 s'applique au transfert d'une entité économique conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise, sans nécessité d'un lien de droit entre les employeurs successifs.

            Si la jurisprudence française, se refuse à voir dans la simple perte d'un marché, un transfert d'entreprise; elle considère que la reprise d'une activité confiée à une entreprise extérieure donne lieu à l'application de l'article lorsque l'entreprise qui reprend l'activité reprend également les moyens matériels nécessaires à son exécution[49].

 

            La définition de l'entreprise telle qu'elle ressort de la jurisprudence est donc bien un ensemble composé d'éléments matériels et humains concourant à l'exercice d'une activité. Cette définition est large mais ne permet cependant pas de tenir compte de liens plus ou moins étroits entre des entreprises juridiquement distinctes. Ces liens sont appréhendés à travers deux notions: les notions d'unité économique et sociale et de groupe.

 

B. La pluralité d'entreprises juridiquement distinctes.

 

1- L'unité économique et sociale.

 

            Pour certains l'unité économique et sociale est une "véritable définition juridique de l'entreprise en droit social[50]", d'autres considèrent qu'il ne s'agit que d'un "moyen pragmatique de justifier certains résultats souhaitables"[51].

            La notion d'unité économique et sociale, formule établie après bien des tâtonnements[52] par la Haute Cour, en tout état de cause, a des similitudes avec la notion "d'entité économique". L' "entité économique", utilisée dans le cadre du transfert d'entreprise, reconstitue l'unité sociale qui existait avant la modification de la situation juridique de l'employeur.

            Élaborée dans le cadre de la représentation collective, la notion d'unité économique et sociale a aussi été l'instrument de lutte contre la fraude consistant à créer des entreprises juridiquement distinctes afin de ne jamais atteindre les seuils d'effectifs nécessaires à la mise en place des institutions représentatives du personnel.

 

            Mais toute l'originalité de la notion réside dans le fait que dorénavant ce qui caractérise l'entreprise en droit du travail c'est l'existence d'une "unité économique et sociale". Les juges du droit du travail rompent totalement avec une vision patrimoniale de l'entreprise et donc avec le concept d'entreprise en droit commercial. Là où le droit commercial distingue plusieurs personnes morales juridiquement distinctes, le droit du travail, dans le cadre de la représentation collective, ne voit qu'une seule et même entreprise[53]. La notion ne diffère donc pas de la définition de l'entreprise établie ci-dessus mais l'élargit à des situations tout à fait licites qui à priori permettaient de contourner la législation en matière de représentation collective en divisant la collectivité de travail.

 


2- Le groupe.

 

            La notion de groupe, au contraire de la notion d'unité économique et sociale, est avant tout une notion commercialiste. L'article L.439-1 du code de travail renvoie au code de commerce pour déterminer si deux entreprises ont des liens de filialisation et constitue un groupe de sociétés. Cependant le groupe diffère assez peu de la définition de l'entreprise par les juridictions dans le domaine du droit du travail.

 

            Certes les notions d'unité économique et sociale et de groupe ne se confondent pas. Les comités mis en place dans le cadre d'un groupe ou d'une unité économique et sociale se distinguent par leur finalité: le comité de groupe est une structure d'information "permettant aux instances responsables du personnel de connaître l'information économique produite au niveau où se prennent les décisions"[54]: Le groupe existe en présence d'une société dominante et de filiales directes ou indirectes détenues plus de la moitié du capital. L'article L.439-1 du code du travail qualifie les rapports susceptibles d'entraîner la création d'un comité au niveau d'un groupe de sociétés, grâce à la notion de "société dominante"[55]. Cette notion pourrait, dans le cadre de relations de sous-traitance, servir à mettre en place un comité. Cependant l'article écarte cette possibilité car il calque la définition de tels rapports sur la définition du groupe retenue par le droit commercial (L.24 juillet 1966, article 354). Ce qui finalement rend la notion de groupe, en droit du travail, bien proche de la notion, très insaisissable, d'entreprise. Notion qui ne permet pas de prendre en compte les relations entre donneur d'ordre et sous-traitant.

 

            Cette notion a également permis à la jurisprudence d'étendre l'obligation de reclassement à l'ensemble des entreprises juridiquement distinctes composant le groupe. L'identification d'un groupe saisit l'unité économique dans la diversité juridique. L'ensemble des sociétés juridiquement indépendantes le composant forment une même unité économique en raison de liens financiers étroits qui n'existent pas dans les relations de sous-traitance. Unité économique qui se double d'une "certaine" unité sociale dans de la jurisprudence concernant le reclassement des salariés en cas de licenciement pour motif économique: les juges recherchent en effet la mobilité du personnel au sein du groupe.

 

            La sous-traitance reste en marge des notions utilisées par les tribunaux pour préserver les droits des salariés car ses modalités d'organisation de la production s'écartent des données socio-économiques sur lesquelles s'est édifié le droit du travail.

            A diverses reprises, le droit du travail a dû faire face à de nouveaux modes d'organisation (scission d'entreprise en établissements distincts, filialisation...) qui cherchaient à éluder certaines de ses dispositions. A chaque fois, les solutions adoptées reposent sur la notion d'entreprise (unité économique, groupe, unité économique conservant son identité...). Les liens entre les différentes entreprises composant un réseau de sous-traitance sont purement contractuels.

            Le droit du travail ne permet pas ni de saisir l'organisation en réseau de sous-traitance ni de responsabiliser le donneur d'ordre à l'égard des travailleurs qui exécutent des prestations indirectement pour lui, ceux de ses sous-traitants.

 

Section 2: L'employeur et le chef d'entreprise.

 

            La notion d'entreprise est mise en relation permanente avec la notion d'employeur: l'entreprise est le cadre au sein duquel le droit du travail organise des relations professionnelles entre l'employeur et ses salariés. Le droit du travail recherche par-delà des apparences, la réalité du pouvoir, c'est-à-dire l'employeur ou le chef d'entreprise. Leur identification dévoile la personne juridique[56] responsable de l'application des dispositions du droit du travail contrepartie de ses pouvoirs.

 

            Selon B.TEYSSIE, le chef d'entreprise et l'employeur, généralement ne se confondent pas [57]. Le chef d'entreprise détient le pouvoir de direction (économique) de l'entreprise,  déterminant sa gestion, tandis que l'employeur possède le pouvoir de direction des salariés puisqu'il les maintient dans un état de subordination juridique. Une distinction entre les deux concepts est malaisée. Le terme d'employeur est surtout utilisé par le législateur pour traiter des relations individuelles avec le salarié: l'employeur est le cocontractant de ce dernier dans le contrat de travail. Mais l'on peut considérer que l'employeur et le chef d'entreprise sont les deux facettes d'une même personne physique: la décision d'embaucher un salarié  émane de celui qui détient un certain pouvoir, même partiel, de gestion de l'entreprise?[58]. Le concept d'employeur sous-tendra donc le concept de chef d'entreprise, ce dernier sera utilisé pour signifier que l'employeur est vue sous l'angle plus économique de dirigeant de l'entreprise.

 

            L'employeur, telle l'entreprise, est en effet un concept flexible, modelé selon les différentes fonctions "que le législateur et le juge entendent lui faire jouer dans l'aménagement des rapports sociaux".[59] Ces fonctions étant de plus en plus exercées par des personnes physiques ou morales distinctes, pour tenir compte de cette évolution, le droit positif a emprunté selon nous deux voies distinctes: la première reconnaît l'existence de plusieurs employeurs pour un même salarié, la deuxième reconnaît que certaines personnes physiques détiennent partiellement les pouvoirs de l'employeur sans en avoir pourtant la qualité.

 


§1. La pluralité d'employeurs.

 

            L'identification de l'employeur, partie au contrat de travail, est souvent malaisée lorsque l'entreprise prend une forme sociétaire. Le droit positif reconnaît l'existence d'employeurs multiples lorsque l'auteur du recrutement n'assume pas seul le pouvoir de direction. La direction conjointe du travail requiert la mobilité du personnel entre les différentes sociétés ou l'immixtion d'une entreprise dans l'autorité exercée par une autre entreprise sur ses propres salariés.

 

            Ainsi, la société mère d'un groupe sera considérée comme l'employeur des salariés de la dite filiale si elle dicte au moins indirectement à sa filiale sa politique du personnel, donne directement des instructions aux salariés de la société subordonnée, et impose un compte-rendu de leur action. Sans exclure l'unité du lien contractuel, la chambre sociale de la Cour de Cassation en tire la conclusion que la qualité d'employeur doit être reconnue à la société mère et à la filiale[60]. La solution est identique lorsque les activités de deux entreprises appartenant à un même groupe se confondent au point qu'il est impossible de déterminer la société pour laquelle les salariés exécutent leur tâche[61]. Les employeurs multiples sont solidairement responsables des obligations qui incombent au contractant du salarié.

 

            Les juges ne se contentent pas du fait que la société mère tienne sa filiale sous sa dépendance économique. Ils recherchent si elle détient une autorité sur le ou les salarié(s). Fondamentalement, l'employeur reste celui qui maintient le salarié sous une subordination juridique révélé par son autorité. La qualité d'employeur ne peut être reconnu au donneur d'ordre faute d'autorité directe sur les salariés de son sous-traitant. Cependant sa pseudo autorité  présente dans bien des cas de sous-traitance se répercute sur les salariés de son cocontractant. Ainsi, dans le cadre de la sous-traitance sur site, le donneur d'ordre peut refuser la présence d'un salarié du sous-traitant sans se justifier par des motifs "réels et sérieux". Le licenciement qui pourra s'ensuivre ne lui sera pas imputable.

 

§ 2. Les personnes ayant un rôle proche de celui de l'employeur sans en avoir sa qualité.

 

            Certaines personnes juridiquement indépendantes ou non de l'employeur jouent son rôle sans toutefois en voir la qualité. Elles profitent, d'après la doctrine, d'une délégation de pouvoir émanant de l'employeur juridique[62].

 

            A. Le délégataire salarié.

 

            Au sein d'une entreprise de forme complexe l'employeur-chef d'entreprise confie fréquemment à une personne physique la gestion d'un établissement. Il délègue partiellement son autorité sur le personnel de l'établissement, non sur l'ensemble du personnel de l'entreprise. Ce chef d'établissement sera alors l'interlocuteur des institutions représentatives à ce niveau lorsque la nature de la revendication ne nécessite pas la présence du véritable chef d'entreprise[63].

            Le chef d'entreprise s'exonère de sa responsabilité pénale en invoquant la délégation de ses pouvoirs à l'un des salariés de l'entreprise à condition que le délégataire dispose d'une autonomie de décision suffisante. Le délégataire détient alors une parcelle du pouvoir patronal  dans la limite de ce qui est nécessaire pour veiller efficacement à l'observation de certaines des dispositions en vigueur.

            Cependant, ces deux formes de délégations ne nous sont d'aucun secours: les délégataires sont des salariés de l'employeur-chef d'entreprise. Or les relations de sous-traitance ne supposent pas un lien de subordination juridique.

 


            B. L'utilisateur.

 

            Nous avons vu que la qualité d'utilisateur a des implications en matière de responsabilité. Dans le cadre du travail temporaire ou dans celui du prêt de main-d'oeuvre licite, l'utilisateur de la main-d'oeuvre  est responsable de l'application de la réglementation des conditions de travail. En cas de défaillance de l'employeur juridique, il assure le paiement de la rémunération. L'employeur juridique délègue alors son pouvoir de direction à l'entreprise qui a eu recours à ses services, l'entreprise utilisatrice, sur le salarié mis à sa disposition. Ainsi "l'entreprise de travail temporaire procède au recrutement et définit contractuellement la qualification et la rémunération du salarié, paie, garantit les congés annuels, affilie à la sécurité sociale et aux régimes complémentaires de retraite ou de chômage; donne l'ordre au salarié de se mettre à la disposition d'un tiers...". "Tandis que l'utilisateur fixe les contours de la tâche quotidienne et exerce en fait l'autorité sur les préposés et profite des prestations accomplies..."[64]

 

            L'utilisateur est donc celui qui dirige la main-d'oeuvre mais ne tient pas ce pouvoir du contrat de travail. La responsabilité patronale se dissocie du contrat de travail. La caractéristique de l'employeur "est moins l'exécution directe de la prestation à son profit que l'acceptation par lui de... (la) prise en charge du travailleur"[65]. Cette dissociation critiquable entre l'employeur juridique et l'utilisateur (ce sont en vérité les décisions de l'utilisateur de la force de travail, plus que celles de l'employeur qui atteindront l'emploi du salarié), prive les travailleurs d'une grande partie de leurs droits collectifs (perte mal résorbée par les correctifs législatifs). Le régime lié à l'existence d'un utilisateur de la main-d'oeuvre, plus qu'imparfait, ne s'applique pas dans le cadre de relations de sous-traitance, bien que là encore, les situations soient très proches.

 

            Les deux pratiques ne sont pas assimilables.

Dans la sous-traitance sur site, le personnel reste intégré dans l'organisation du sous-traitant. L'existence de liens étroits entre le donneur d'ordre et le sous-traitant pour l'accomplissement de la tâche sous-traitée ne s'accompagne pas d'une mobilité du personnel entre les deux entreprises[66]. Avec l'identification des fonctions à extérioriser, la sous-traitance sur site a remplacé le prêt de main-d'oeuvre licite. Le sous-traitant reste officiellement le seul qui dirige ses salariés. Cependant le nouveau concept d'entreprise utilisatrice d'entreprises extérieures, apparu en matière d'hygiène et sécurité serait à exploiter

 

            Dans la sous-traitance, les séparations entre les différentes entreprises intervenant dans le même processus productif, sont bien établies. La sous-traitance se situe dans une logique de métier que les concepts jurisprudentiels et légaux ne permettent pas d'aborder pleinement, même si la définition jurisprudentielle du prêt de main-d'oeuvre licite en tient exceptionnelle compte. La fragilité de la situation du sous-traitant ressemble parfois à la situation du salarié. Cette fragilité se répercute donc sur ses salariés lorsqu'il en a.

 

            Le réseau de sous-traitance développe un nouveau lien d'emploi qui se concrétise non plus par un contrat de travail qui entraîne l'application d'un régime protecteur pour le salarié, mais par un contrat de sous-traitance. Le contrat de sous-traitance se substitue véritablement au contrat de travail. Ce contrat donne au donneur d'ordre une grande souplesse de gestion et réduit ses coûts fixes. Il met à la charge de son cocontractant, le sous-traitant, une obligation de résultat, et non une obligation de moyen comme celle issue du contrat de travail. Il nous faut donc examiner maintenant le réseau de sous-traitance à travers la relation contractuelle entre le donneur d'ordre et son sous-traitant.

 


Titre 2 : Le sous-traitant:

 

            La relation contractuelle entre le sous-traitant et le donneur d'ordre relève du droit des affaires, du droit de la concurrence ou du droit civil. Le droit du travail ne régit pas cette relation malgré les similitudes entre les rapports salariaux et les rapports de sous-traitance (CH1). Bien que le droit du travail n'a pas vocation à régir les relations de deux personnes juridiquement distinctes, La jurisprudence requalifie la fausse sous-traitance. Le contrat de sous-traitance sera requalifié en contrat de travail ou en prêt de main-d'oeuvre illicite (CH 2).

Chapitre 1 : En principe exclu du droit du travail.

 

            Le contrat de sous-traitance relève en principe du régime juridique du contrat d'entreprise (art. 1787 Code civil). Le contrat d'entreprise se distingue du contrat de vente de chose future par un critère économique, la valeur respective des matières et du travail fournis. Lorsque la part du travail est plus importante que celle des matières le contrat est qualifié de contrat d'entreprise. "Le travail doit être considéré comme élément principal du contrat lorsque l'objet réalisé est spécialement conçu et produit en vue d'objectifs définis et selon des spécifications, qui même si elles ne portent pas sur les moyens à mettre en oeuvre, sont imposées à l'une des parties pour satisfaire à des exigences précises et déterminées à l'avance"[67]. Dès lors le contrat de sous-traitance de production est un contrat d'entreprise.


 

Section 1: L'inégalité économique.

 

            Les relations purement contractuelles entre le donneur d'ordre et le sous-traitant marquent bien ainsi leur volonté de préserver leur indépendance réciproque. La sous-traitance ne se concrétise ni par une filialisation ni par des prises de participation (ou alors très faibles). "Les donneurs d'ordres distinguent bien les stratégies de prise de contrôle institutionnel et les stratégies de croissance contractuelle et se refuse à une prise de participation déterminante dans le capital de leurs sous-traitants". Les sous-traitants, totalement autonomes dans leurs décisions, doivent seulement s'organiser pour répondre aux besoins de leur donneur d'ordre. Les donneurs d'ordres aussi bien que les sous-traitants veulent préserver leur autonomie réciproque. Cependant cette autonomie juridique souhaitée est une "autonomie contrôlée"[68] par le donneur d'ordre ou une semi autonomie selon l'expression de G.TEUBNER[69]

            La dépendance du sous-traitant est issue de liens contractuels et non de liens organisationnels ou institutionnels stables. Elle peut être d'ordre économique telle que définie par G.J. VIRASSAMY[70] ou beaucoup plus subtile. Sous l'apparence d'une totale autonomie nous débusquerons l'asymétrie de ces relations pour en voir ensuite les conséquences dans les rapports contractuels du donneur d'ordre et du sous-traitant.

 

§ 1. Le principe de l'inégalité économique .

 

A. Extrinsèque aux relations de sous-traitance.

 

            La situation des sous-traitants dépend ici de l'aspect du marché dans un secteur d'activité donné. La distinction entre secteur industriel de pointe, de haute technologie, et secteur traditionnel est essentielle.

 

            Dans les secteurs de haute technologie, les activités nécessitent de lourds investissements, les entreprises donneuses d'ordres doivent disposer d'une large couverture financière. Ainsi, les donneurs d'ordres, dans une branche telle que l'aéronautique[71], sont peu nombreux et de taille importante. De l'asymétrie des relations de sous-traitance découle alors un nombre d'autant plus restreint de clients potentiels pour l'entreprise sous-traitante qu'elle exerce elle-même une activité très spécifique. Dans certains secteurs, le marché est dominé par un ou quelques donneurs d'ordres en situation de monopole ou de quasi monopole en mesure d'imposer leurs conditions dans les contrats de sous-traitance. Ces secteurs subissent une forte concurrence internationale.

 

            Dans les secteurs plus traditionnels, tel que le textile-habillement, l'asymétrie n'est plus liée au nombre d'entreprises donneuses d'ordres mais à celui des entreprises sous-traitantes. Leur nombre permet au donneur d'ordre de faire jouer la concurrence entre elles.

            Dans ces secteurs où le niveau technique des sous-traitants est secondaire pour le donneur d'ordre, le cas d'entreprises sous-traitantes n'ayant qu'un seul donneur d'ordre est courant. De très petite taille, elles sont très fragiles. Les formes de dépendance économique du sous-traitant vis-à-vis de son donneur d'ordre les plus poussées, se rencontrent dans ces secteurs.

 

            Dans ces deux types de secteurs le sous-traitant tire fréquemment l'essentiel ou la totalité de son revenu d'un seul donneur d'ordre. Cette situation se retrouve systématiquement lorsque la mise en place du réseau recoure de manière important à la pratique de l'essaimage[72].

            Cependant il n'existe pas de dépendance économique au sens où l'entend G.Virassamy[73]: Les sous-traitants restent libres d'avoir plusieurs donneurs d'ordres. Ils sont d'ailleurs parfois pousser en cela par leur donneur d'ordre qui souhaite retrouver leur cocontractant après un rapatriement des charges confiées. Cette autonomie apparente n'exclue pas des formes de dépendance économique encore plus diffuses résultant des particularités même du contrat de sous-traitance de production.

 

B. Intrinsèque aux relations de sous-traitance.

 

1-  Le sous-traitant ne maîtrise pas le cycle productif

 

            Le sous-traitant comble les carences d'une autre unité de production. Il remplit une fonction adjacente à un processus de production dont il ne maîtrise pas le déroulement.

            Le sous-traitant a une marge de manoeuvre plus réduite qu'un fournisseur: ses prérogatives de chef d'entreprise et d'employeur pâtissent de l'exercice de la sous-traitance. Le sous-traitant est un agent économique à part. Il ne maîtrise ni le moment, ni le volume, ni la forme de sa contribution au système productif. Il participe à un cycle productif sans possibilité de création ou de contrôle sur sa propre action. Seuls les donneurs d'ordres formant "le noyau dur" du réseau contrôlent le processus productif et le volume de la production.

 

2- Le sous-traitant ne maîtrise pas le produit dont il a la charge.

 

            Dans la sous-traitance il n'y pas (ou très rarement) comme dans la distribution, de liens d'exclusivité entre les deux cocontractants. Le sous-traitant fabrique un produit spécifique d'après les exigences de son donneur d'ordre: en cas de refus d'une commande, le sous-traitant ne pourra trouver un autre acheteur. De même, dans la sous-traitance de services, les prestations fournies par le sous-traitant sont personnalisées...

            Selon la commission technique de la sous-traitance, "le travail fourni doit être considéré comme l'élément principal du contrat lorsque l'objet réalisé est spécialement conçu et produit en vue d'objectifs définis et selon des spécifications qui, même si elles ne portent pas sur les moyens à mettre en oeuvre, sont imposées à des parties pour satisfaire à des exigences précises et déterminées à l'avance." Le produit ainsi fabriqué par le sous-traitant lui échappe, conçu par le donneur d'ordre, il n'est pas interchangeable. Le refus d'une livraison a des conséquences dramatiques pour l'entreprise sous-traitante .

            Dans les secteurs de haute technologie, ce manque de contrôle du sous-traitant sur le produit se double de la sujétion technique qui consiste en des exigences importantes du donneur d'ordre sur la qualité du travail effectué[74].

 

§2. Les conséquences de l'inégalité économique

 

A. Les modalités d'exécution .

 

            Le donneur d'ordre, dès lors peut imposer à son sous-traitant des délais de livraison très courts et des délais de paiement au contraire très longs (90 jours)[75]. Les contraintes de délais, de prix... poussent les sous-traitants dans des pratiques souvent illégales (recours de contrats dits précaires sans tenir compte des restrictions légales, recours aux heures supplémentaires, au travail clandestin) et leur imposent pour eux-mêmes un travail sans horaire voir sans repos hebdomadaire. Les impayés sont courants. Les sous-traitants, fragiles saisissent difficilement les juridictions pour contraindre le donneur d'ordre à exécuter son obligation.

            Certains sous-traitants tirant l'essentiel de leurs revenus d'un seul cocontractant, travaillent dans des conditions proches du salariat voire pires ne bénéficiant pas de la protection du droit du travail, notamment en matière de durée du travail ou de rupture du contrat.

 

B. La durée et cessation des relations.

 

            Là encore les relations de sous-traitance dépendent de l'activité extériorisée:

Pour des activités de pointe, les sous-traitants bénéficient de la contractualisation des rapports: les différentes commandes du donneur d'ordre s'insèrent dans un contrat-cadre qui pérennise les relations.

Pour des activités de petites industries (tel que l'industrie du textile et de l'habillement), les relations se concrétisent de commande à commande.

 

1- Des relations pérennes: le partenariat.

 

- La durée des relations:

            Dans les secteurs de pointe se trouvent des relations de sous-traitance stables. Le contrat de sous-traitance dure plusieurs années[76]. Pendant cette durée le rapatriement des charges confiées au sous-traitant est impossible. Il existe plusieurs raisons économiques à cette contractualisation des relations.

            Les activités extériorisées nécessitent une maîtrise technique du produit et une certaine surface financière. Le sous-traitant partage avec le donneur d'ordres les risques financiers, industriels et commerciaux. La contrepartie des risques acceptés par le sous-traitant est la garantie de ne pas rapatrier les contrats en cas de baisse des charges. Une coopération d'entreprises de hauts niveaux s'instaure.

            Grâce à la durée du contrat, le sous-traitant effectue des investissements matériels mais aussi structurels requis par l'activité sous-traitée. Le donneur d'ordre, par les sujétions techniques qu'il impose à son partenaire oblige le sous-traitant à élever son niveau de compétence. Il ne participe pas financièrement aux investissements de son sous-traitant. Il se contente de le conseiller sur le choix et les achats de matériel et aide parfois à la formation des salariés du sous-traitant.

 

- La cessation des relations:

            La volonté de fidélisation qui existe dans les relations de partenariat, n'empêche pas la remise en concurrence du sous-traitant à l'expiration du contrat. Les sous-traitants manquent de garanties sérieuses de la part du donneur d'ordre. De plus ce dernier peut toujours dénoncer le contrat au moment de la livraison.

 

2- Des relations instables

 

            L'activité de main-d'oeuvre est rarement contractualisée. Nécessitant des investissements en matériel faible et une forte part de travail peu qualifié, le donneur d'ordre recherche pour ce genre d'activité les prix les plus bas et une grande flexibilité chez son cocontractant. Les carnets de commande et les plans de charge des entreprises sous-traitantes sont étudiés à très court terme.

            La très forte pression sur les prix exercée par le donneur d'ordre a un effet d'entraînement. Pour obtenir un marché  certaines entreprises n'hésitent pas à proposer des prix excessivement bas. Par la suite elles sont contraintes de sous-traiter certaines prestations dans des conditions draconiennes. Ayant elles-mêmes accepté des prix très bas, et des délais extrêmement brefs, ces entreprises vont sous-traiter les prestations dans des conditions plus dures encore[77]. Les travailleurs qui veulent à leur tour, obtenir ces prestations ne pourront pas négocier les conditions du contrat, mais ce qui est plus grave, ils n'auront généralement pas le choix de leur statut, celui-ci leur étant imposé par le donneur d'ordre. La condition exigée pour conclure le contrat est le statut d'indépendant. Il s'agit du "chantage à l'emploi" dénoncés par de nombreux auteurs et que relèvent les contrôleurs URSSAF . Dans certains de ces cas la requalification du contrat de sous-traitance sera toutefois possible[78]. Le donneur d'ordre "principal" ne sera cependant pas impliqué par cette requalification alors que les contraintes qu'il impose à son cocontractant dans le cadre d'une sous-traitance de premier niveau sont souvent à l'origine du comportement fautif.

 

            La conjoncture dicte les relations entre le donneur d'ordre et le sous-traitant. En l'absence de contrat les relations résultent du jeu du marché. Cela renforce la concurrence entre les entreprises et accroît les risques classiques en matière de sous-traitance. La rupture des relations soudaine entraîne fréquemment une procédure de liquidation ou de redressement judiciaire pour l'entreprise sous-traitante.

 

            Il existe parfois, pour ce genre d'activités, des contrats assurant une certaine durée aux relations, dans le cadre souvent d'un essaimage. Mais, même dans ce cas, rien ne garantit le respect du contrat. Les difficultés rencontrées lors des procédures de recours conduisent souvent les sous-traitants à déposer le bilan avant que l'affaire ne soit jugée.

 

            Compte tenu des exigences des donneurs d'ordres, de leur nombre  souvent limité, de la spécialisation des sous-traitants qui les rend très vulnérables à la situation de leur secteur d'activité, les sous-traitants demeurent globalement dans une situation de dépendance économique même si celle-ci peut prendre des formes nouvelles. Il est plus facile de parler de partenariat en période d'expansion que de récession.

 

            Le concept d'autonomie contrôlée utilisée par M.-L. MORIN pour caractériser ces relations, exprime bien leurs ambiguïtés actuelles. Le donneur d'ordre n'exerce pas un pouvoir de type hiérarchique sur son sous-traitant. L'unité de contrôle se différencie juridiquement et matériellement de l'unité autonome et contrôlée


Section 2: La prestation

 

            Le lien de subordination juridique, critère du contrat de travail, a crée une séparation nette entre le travail subordonné et le travail indépendant, traçant une frontière entre le contrat de travail et le contrat d'entreprise. Cette frontière  s'est dessinée progressivement à partir de l'objet de l'activité louée. Ces contrats étaient, à l'origine, considérés comme des louages d'ouvrage  (article L. 1710 du Code civil). Ils se différencient par leur objet: la force de travail de la personne qui se loue du côté du contrat de travail, un savoir-faire du côté du contrat d'entreprise[79]. La jurisprudence, partant de l'objet de l'activité louée comme critère distinctif, s'est par la suite orientée vers les modalités d'exécution du contrat. Le salarié, contrairement au travailleur indépendant, n'a pas une liberté totale dans l'organisation du travail dont il a la charge.

 

            Aujourd'hui leur frontière est de moins en moins nette: que cela soit dans la pratique des entreprises, dans la loi ou la jurisprudence, le flou entre ces deux formes de mobilisation du travail s'installe[80]. A tel point, qu'une grande partie de la doctrine appelle de ses voeux l'instauration d'un droit de l'activité professionnelle, et annonce la fin du salariat[81]. Nous nous attacherons dans cette section à l'objet des deux contrats. Le critère de distinction basé sur l'organisation du travail sera examiné dans le chapitre 2 à travers la jurisprudence sur la requalification du contrat de sous-traitance.

 

§1. La différence entre contrat de travail et sous-traitance.

 

            Selon la vision des économistes: le salarié loue une chose (un bien) dont il a la propriété (sa puissance de travail) contre rémunération (le salaire) dont le montant est fixé avec l'employeur (en congruence avec les contraintes du marché)[82]. Désigner le travail par le terme de marchandise est fictif. La relation salariale n'est pas véritablement assimilable à une relation marchande. Le contrat de travail ne porte pas sur la livraison du produit du travail mais sur la mise à disposition de la force de travail, contrairement au contrat de sous-traitance.

 

            Le contrat de sous-traitance met à la charge du sous-traitant une obligation de résultat (livrer une marchandise élaborée selon les directives du donneur d'ordre). Par opposition le contrat de travail met à la charge du salarié une obligation de moyen (exécuter une tâche selon les instructions de selon employeur).

 

            Apparaît alors les premiers point communs entre l'activité salariée et l'activité indépendante dans le cadre du contrat de sous-traitance: un destinataire identifié (le donneur d'ordre et l'employeur) qui définit le travail effectué par le salarié et le sous-traitant.

 

            De plus, la distinction entre obligation de résultat et obligation de moyen est de moins en moins nette. Traditionnellement, le sous-traitant ayant à sa charge une obligation de résultat, assume l'entière responsabilité de son travail et supporte donc les risques de son activité[83]. Le salarié, au contraire, ne supporte pas les risques d'exploitation de l'entreprise dans laquelle il travaille: il perçoit une rémunération mensuelle fixe, quelque soit les résultats de l'entreprise, pour une duré du travail également fixe. C'est la contrepartie à l'autorité qu'exerce sur lui l'employeur. C'est pourquoi il n'a à sa charge qu'une obligation de moyen et non de résultat. La responsabilité du salarié à l'égard de son employeur n'est engagée qu'en cas de faute lourde.

            Or, aujourd'hui cette proposition n'est plus toujours recevable. De nouveaux rôles sont attribués aux salariés visant à leur faire supporter les risques de l'entreprise: on parle de "salarié-associé à la marche de l'entreprise"[84]. Le salarié subit de plus en plus les aléas du marché. L'employeur fait ainsi varier la durée du travail du salarié en fonction des besoins conjoncturels de l'entreprise ou encore lui fixe des objectifs et sanctionne lorsqu'il ne sont pas atteints par une perte de rémunération voir un licenciement[85].

 

§2. Malgré des ressemblances entre le contrat de travail et la sous-traitance

 

            Dans le cadre de la relation de sous-traitance, le produit n'existe pas au moment de la rencontre des parties. Bien sûr, il est défini mais rien ne garantit par la suite une parfaite exécution de la transaction. Comme dans la relation salariale, "l'objet de la coordination n'est pas l'échange d'une marchandise, mais l'établissement d'un lien multidimensionnel"[86]: il n'y a pas une identification précise de l'objet du contrat préalablement à la rencontre des volontés, tout du moins pour l'une des parties (l'employeur dans le contrat de travail et le donneur d'ordre dans la relation de sous-traitance). Le donneur d'ordre recherche un sous-traitant apte à livrer un produit répondant à ses spécifications en temps et lieu et à fournir les quantités prévues . Comme l'employeur vis-à-vis du travailleur qu'il va embaucher, le donneur d'ordre recherche l'aptitude de son futur cocontractant, un savoir-faire et une qualification: le savoir-faire se référant à l'activité exercée par le sous-traitant et la qualification à la personne même du salarié.

 

            Une incertitude existe pour le sous-traitant comme pour le salarié. Elle se concrétise par l'existence d'aléas susceptibles de modifier les conditions d'exécution du contrat initial ou de le rompre. Ces aléas sont des événements soit "exogènes" soit "endogènes": exogènes lorsque la relation va être perturbée pour des motifs "économiques", endogènes lorsque les motifs sont dus à l'incapacité" du sous-traitant / salarié à justifier le choix du donneur d'ordre / employeur. Ces motifs invoqués par ces derniers révèlent l'asymétrie des relations. Dans le cadre d'une relation salariale  ces motifs font l'objet d'un contrôle par les juges, ce qui n'est pas le cas dans le cadre de la relation de sous-traitance.

 

            Le contrat de travail et le contrat de sous-traitance présentent d'étranges similitudes lorsque l'on s'attache à la nature de l'activité déployée par le sous-traitant et le salarié. Cependant leur régime juridique diffère car la jurisprudence s'est attachée aux modalités d'exécution de l'activité déployée et non à l'objet même de l'activité. La subordination juridique se révèle à travers les contraintes imposées par l'employeur dans l'exécution du travail du salarié.

 

            Les similitudes entre les deux contrats amènent parfois les juges a requalifié le contrat de sous-traitance, soit en contrat de travail lorsque le donneur d'ordre place son cocontractant dans une subordination non pas économique mais juridique, soit en prêt de main-d'oeuvre illicite lorsque l'opération de sous-traitance cherche à éluder les dispositions du droit du travail pour les salariés du sous-traitant.


 

Chapitre 2: Exceptionnellement appréhendé par le droit du travail

 

Section 1 : La requalification en contrat de travail

 

            Les cas de requalification du contrat de sous-traitance en contrat de travail montrent que la frontière est ténue entre la dépendance économique (plus ou moins importante) du sous-traitant vis-à-vis de son ou ses donneur(s) d'ordres et l'état de subordination juridique dans lequel se trouve le salarié vis-à-vis de son employeur[87].

            La loi du 11 février 1994, dite loi Madelin, a entendu limité le cas de requalification d'un contrat d'entreprise, au nom de la sécurité juridique pour les parties, mais aussi pour favoriser le recours aux entreprises extérieures et donc le passage du salariat à l'indépendance.

            Nous examinerons donc, en premier lieu, l'impact de l'article L. 120-3 du Code du travail issu de cette loi, pour en  second lieu examiner la jurisprudence en matière de requalification.

 

§1. L'impact de l'article L. 120-3 du Code du travail.

 

            La loi du 11 février 1994 a semé le trouble parmi les auteurs: elle instaure une présomption simple d'indépendance dès lors qu'une personne est inscrite au registre du commerce. Cette présomption rompt avec le principe de réalité qui était au coeur de la construction jurisprudentielle.

            La jurisprudence avait progressivement affirmé que la qualification du contrat résultait "des seules conditions dans lesquelles le travail est effectivement accompli". Dès lors, "la seule volonté des parties est impuissante à soustraire un travailleur au statut social qui découle nécessairement de l'accomplissement de son travail"[88]. Or, désormais, le rejet du statut de salarié ne résulte plus des relations réelles entre les cocontractants mais d'un élément à la fois extérieur et formel au contrat: l'immatriculation à un registre professionnel (R.C.S., répertoire des métiers...) ou auprès de l'URSSAF. Critère formel d'autant plus choquant que dans de nombreuses situations de fausse sous-traitance, l'immatriculation est souvent contrainte, conséquence d'un véritable chantage à l'emploi. L'immatriculation est alors destinée à un maquillage juridique, dont la victime est celui qui prend (ou au nom de qui est prise) l'immatriculation[89]

 

            Cependant cette présomption d'indépendance n'est pas irréfragable. Elle peut être renversée par la preuve d'un lien de subordination juridique "permanente" entre le donneur d'ouvrage et le travailleur immatriculé. Cet adjectif accolé à la subordination juridique a laissé perplexe plus d'un auteur[90]. Ce n'est pas la durée du contrat qui est  visée ni la durée de la prestation: cela aurait pour conséquence de viser les situations d'esclavage (aboli en France en 1848...) et serait en contradiction avec l'article L.1780 du Code civil[91].

            La permanence semble plutôt faire référence soit à l'emprise que le donneur d'ordre exerce sur l'activité du débiteur, soit à la régularité de la prestation[92]. Dans le premier cas, la requalification du contrat commercial se ferait dans les hypothèses où le donneur d'ouvrage exerce des contraintes en permanence sur l'activité de son cocontractant: celui-ci aurait un seul client. Dans le second cas, la relation entre les deux parties au contrat serait régulière, inscrite dans une certaine durée. Ces deux propositions excluraient des prestations occasionnelles ou épisodiques.

            Pour les indépendants faisant l'objet d'une assimilation aux travailleurs salariés par le jeu de textes, se posent le problème de savoir si la présomption de l'article L. 120-3 s'applique. Lorsque la qualification de contrat de travail ne se fonde pas sur la subordination juridique mais sur une dépendance économique du travailleur indépendant[93], le texte ne peut jouer. Par contre lorsque la preuve du contrat de travail résulte d'une présomption de subordination, comme pour les journalistes, les artistes et mannequins, une réponse négative est plus difficile à apporter[94].

            En définitive, la loi du 11 février 1994 ne modifie pas de manière conséquente les positions des juges en matière de requalification. Les juges tiennent compte déjà de la permanence de la subordination.

 

§2. La jurisprudence

 

            Les similitudes entre le contrat de sous-traitance et le contrat de travail découlent de l'objet du travail fourni par le sous-traitant et le salarié. En matière de requalification les juges s'attachent à la marge de manoeuvre dont dispose ces parties dans l'organisation de leur activité. La subordination juridique suppose en effet que l'employeur dirige le travail du salarié, soit directement, soit indirectement en le contraignant à des horaires de travail, à un lieu de travail et en mettant à sa disposition les moyens matériels nécessaires à l'exécution de sa tâche. Le salarié est alors intégré dans un "service organisé" par l'employeur[95].

 

            En matière de sous-traitance, les situations dévoilées par cette jurisprudence, sont souvent des cas de chantage à l'emploi, dans le cadre souvent d'un essaimage.

            Mais les cas de requalification du contrat de sous-traitance en contrat de travail restent très rares dans la jurisprudence, à cela deux raisons:

            - La dépendance économique du sous-traitant devient subordination juridique lorsqu'il se trouve sur le même site que le donneur d'ordre ou travaille en étroite collaboration avec lui.

            - Cette requalification est exclue lorsque le sous-traitant a la qualité d'employeur. Dans un tel cas de figure, le sous-traitant montre son autonomie juridique par rapport au donneur d'ordre, il n'y a plus de place pour un lien de subordination juridique[96].

 

            L'opposition entre le travail pour son propre compte et le travail pour le compte d'autrui se révèle aujourd'hui réductrice sinon inexacte: parmi les travailleurs subordonnés, certains sont entièrement indépendants dans l'exercice de leur activité et parmi les indépendants, certains sont dans une situation de réelle dépendance. C'est pourquoi G. LYON-CAEN propose de simplifier l'accès du droit du travail au travailleur dépendant (économiquement)[97].

            L'assimilation de ce dernier à un travailleur subordonné, devrait viser tout particulièrement celui qui s'est mis à son compte sous la pression de son ancien employeur[98]. Pour cela, il faudrait affiner le critère de la subordination juridique. Deux nouveaux indices peuvent être mobilisés:

 

            1er indice: les risques et profits. L'indépendant ne doit pas être seulement celui qui court les risques de son activité, il devrait aussi en recueillir le profit.

            L'idée de profit se retrouve dans la jurisprudence qui reconnaît aux distributeurs de journaux gratuits ou de prospectus dans les boîtes aux lettres, le statut de salariés. Elle ne fonde pas ce choix sur la notion de service organisé (ils ne sont pas intégrés à une organisation, au sens matériel, car ils supportent peu de contraintes), mais sur le fait que dépourvus de clientèle, n'ayant que leurs bras à vendre, ces distributeurs travaillent "au profit" de leur cocontractant. D'une certaine manière le juge présume la subordination juridique de la dépendance économique.

 

            2ème indice: la clientèle. Si le seul client de l'indépendant reste une seule entreprise dont il dépend exclusivement alors l'indépendance est fallacieuse.

 

            Seuls les sous-traitants sans salarié pourraient bénéficier d'un tel statut. Reste pour ceux ayant des salariés la possibilité de requalifier le contrat en prêt de main-d'oeuvre illicite.

 

Section 2 : La requalification en marchandage et prêt de main-d'oeuvre illicite.

 

            En pratique, le problème de la requalification du contrat de sous-traitance en délit de prêt de main-d'oeuvre illicite (art. L125-3 du code du travail) ou délit de marchandage (art. L125-1 du code du travail) se pose lorsque la réalisation de la prestation implique de faire intervenir le personnel du sous-traitant au sein de l'entreprise utilisatrice (donneuse d'ordre) ou sur le site où le donneur d'ordre exerce son activité (il peut s'agir d'un chantier). L'extériorisation est  structurelle. Le fait que des travailleurs externes côtoient les salariés de l'entreprise donneuse d'ordre peut être révélateur de la volonté de limiter le volume des contrats de travail.

 

            De prime abord l'infraction pénale décrite à l'article L.125-1 alinéa 1 du Code du travail établit une correspondance parfaite entre l'opération prohibée de marchandage et l'opération de sous-traitance sur site. Le marchandage est décrit comme l' "opération à but lucratif de fourniture de main-d'oeuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu'elle concerne ou d'éluder l'application des dispositions de la loi, de règlement ou de convention ou accord collectif de travail". Or, nous l'avons vu dans le Titre 1 de cette Partie, le recours à la sous-traitance a dans tous les cas pour conséquence (recherchée ou non) de priver les salariés de nombreuses dispositions du code du travail ou des avantages prévus dans les conventions collectives. On s'attend alors à ce que de nombreuses condamnations soient prononcées pour marchandage caractérisé...

            Il n'en est rien : les décisions jurisprudentielles prononçant le délit de marchandage se font même plutôt rares. On peut considérer qu'il existe une mauvaise volonté des juges à caractériser le délit. On peut y voir également la conséquence de la  duplicité ou de la maladresse du législateur: dans la rédaction de l'article et dans l'existence d'une deuxième infraction crée par la loi du 6 juillet 1973 et prévue à l'article L.125-3 du Code du travail[99].

 

            Telle n'est cependant pas notre position: les juges n'ont pas cherché à restreindre le champ d'application des deux articles mais se sont heurtés aux fondements du droit du travail et aux concepts clés sur lesquels il s'est édifié. La jurisprudence a été marquée par deux évolutions significatives:

            En premier lieu, les juges semblent au contraire avoir simplifier la démonstration de telles infractions en créant progressivement une infraction unique (§1) telle que celle qu'appelait de ses voeux Y.CHALARON en 1980[100].

            En second lieu, l'objet de l'infraction de marchandage semble s'être profondément modifié. A l'origine il sanctionnait  le faux prestataire de services ou le faux sous-traitant, aujourd'hui le principal responsable de l'infraction pénale est devenu l'utilisateur de main-d'oeuvre extérieure (§2).

 

§1. L'émergence d'une infraction unique.

 

            De prime abord les deux incriminations ne sont pas placées dans un rapport de "loi générale avec une loi spéciale puisqu'aucune ne comporte la totalité des éléments constitutifs de l'autre"[101]. Il apparaît donc que chacune des infractions a un domaine d'application déterminé. En suivant à la lettre les formulations du législateur et les décisions des différentes juridictions nous montrerons qu'en vérité ces deux infractions ont fusionné .

 

A. L'opération

 

1- Le prêt de main-d'oeuvre exclusif ou non.

 

                        Les infractions prévues aux articles L.125-1 et L.125-3 ne semblent pas visées les mêmes opérations: l'objet du contrat dans le deuxième article est exclusivement le prêt de main-d'oeuvre à but lucratif, condition qui n'apparaît pas nécessaire pour l'opération qualifiée de marchandage. Le marchandage aurait vocation à s'appliquer lorsque le prêt de main-d'oeuvre serait un accessoire à une autre prestation. Ainsi l'objet principal du contrat de sous-traitance n'est pas le prêt de main-d'oeuvre mais une prestation correspondant à l'activité spécifique du sous-traitant.

            Selon J. DE MAILLARD[102] la fourniture de main-d'oeuvre (L.125-1) est une terminologie plus large que le "prêt" de main-d'oeuvre de l'article L125-3. M. PETIT[103] fait cette distinction, voyant dans la fourniture aux salariés de matériel lourd ou léger l'existence d'une opération n'ayant pas pour objet exclusif le prêt de main-d'oeuvre. Lorsque le prestataire exécute une tâche spécifique et bien définie représentant une véritable obligation de résultat alors nous sommes dans le domaine d'application de l'article L.125-1 du code du travail[104].

 

            Pendant de nombreuses années la jurisprudence fût hésitante, une certaine gêne s'installait se concrétisant par un nombre très restreint de condamnations pour délit de marchandage. La peur de sanctionner de multiples relations juridiques "que nul ne songe à proscrire tant elles s'intègrent à la pratique ordinaire de la gestion technique ou commerciale des entreprises"[105], paralysait les juges. De 1976 à 1985, les juges constataient le délit de marchandage uniquement après avoir caractériser l'infraction à l'article L.125-3[106]. Le marchandage ne prenait donc corps qu'à travers une opération "ayant pour objet exclusif un prêt de main-d'oeuvre".

            Le tournant va s'effectuer en 1986 par un attendu de principe formulé par la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans lequel elle donne une définition précise de l'opération licite de sous-traitance ne pouvant tomber ni sous le coup de l'interdiction de marchandage, ni sous le coup de l'interdiction de l'article L.125-3. L'opération de sous-traitance est licite "dès lors qu'elle comporte l'exécution d'une tâche nettement définie, rémunérée de façon forfaitaire ainsi que le maintien de l'autorité du sous-traitant sur son personnel et que la réalité de ces caractères spécifiques est établie"[107] .

 

            Cette définition de l'opération licite a permis une certaine "procéduralisation" de l'examen des situations litigieuses par les juges. Procéduralisation dont il nous est donné d'en voir la matérialisation dans un des nombreux arrêts rendus en 1989 par la Chambre criminelle sur la question[108]. Dans cet arrêt de rejet la Cour de Cassation reprend mot pour mot le raisonnement des juges du fond[109]: deux étapes peuvent être ainsi dégager.

1) Dans un premier temps, ils réunissent les éléments permettant d'identifier l'objet du contrat. En l'espèce les juges identifient l'objet du contrat, d'après les parties, puis selon les éléments concrets de sa réalisation, le mode de rémunération de l'opération ainsi que le maintien de l'autorité du sous-traitant sur son personnel. Cette étape permet en outre de montrer l'existence d'un but lucratif. En l'espèce ils ont conclu que le contrat était bien un contrat d'entreprise.

2) Ils examinent dans un second temps les conséquences de l'opération. Cette étape permet de regarder si les salariés n'ont pas subi un préjudice en étant privés de droits et d'avantages, soit en comparaison avec le traitement des salariés de l'entreprise donneuse d'ordre, soit par inapplication des dispositions légales ou conventionnelles.

 

2- L'exclusivité du prêt de main-d'oeuvre.

 

            Ainsi, les juges du fond ont condamné avec plus d'assurance les opérations de fausse sous-traitance par le biais de l'Article L.125-1 du Code du travail[110]. Dans ces arrêts les juges ont systématiquement recherché si l'opération soumise à leur examen n'avait pas pour objet principal, non pas une prestation, comme le soutenait les prévenus, mais une fourniture de main-d'oeuvre. Dès lors cela revient à ajouter une condition supplémentaire à l'article L. 125-1, une condition prévue à l'article L.125-3. Cette condition supplémentaire paraît être la conséquence de la définition de la sous-traitance licite par l'arrêt de 1986[111].

 

            La définition du contrat de sous-traitance permet de révéler l'objet réel du contrat. Les juges utilisent la méthode des faisceaux d'indices: deux éléments sont principalement recherchés:

a) La spécificité de la tâche exécutée par le sous-traitant

Elle est ici un élément déterminant, particulièrement lorsque la sous-traitance est de spécialité[112].Le prêt de main-d'oeuvre ne peut être illicite lorsqu'il n'est "que la conséquence nécessaire de la transmission d'un savoir-faire ou de la mise en oeuvre d'une technicité qui relève de la spécificité propre à l'entreprise prêteuse"[113]. Si le matériel ou les matières premières nécessaires à l'exécution de la tâche sont  fournis par le donneur d'ordre, si toute l' activité du sous-traitant est tournée vers l'entreprise donneuse d'ordre[114], ou encore si la rémunération du sous-traitant tient compte du nombre de salariés fournis et de la duré de la mission[115]... alors il y a une forte présomption que l'activité confiée n'est pas spécifique.

            Cependant le seul fait que les travaux sous-traités ne "présentent aucune différence de nature, de substance, ou de technicité"[116] par rapport à ceux qui rentrent dans la compétence de l'entreprise donneuse d'ordre, ne rend pas pour autant l'opération illicite, on peut être en présence d'une sous-traitance de capacité très courante sur les chantiers du bâtiment.

b) Le sous-traitant doit avoir conservé toute son autorité

Le sous traitant doit avoir conservé toute son autorité (de manière "permanente") sur les salariés qu'il a fourni. Un transfert même temporaire de son pouvoir de direction aux agents de maîtrise de l'entreprise donneuse d'ordre fait présumé l'illicite[117].

 

            Or à contrario de cette démonstration cela signifie qu'est illicite l'opération où le sous-traitant, qui sous couvert d'une fausse prestation, fournit en réalité exclusivement son personnel.

            Selon le principe de réalité qui domine leur jurisprudence en matière de requalification, ils ne se s'attachent pas à la volonté des parties manifestée dans le contrat. Une opération de fausse sous-traitance peut aussi bien être requalifié en prêt de main-d'oeuvre illicite par application de l'article L.125-1 que de l'article L.125-3.[118] : les mêmes éléments sont relevés pour constituer les deux délits pénaux.[119]. La démonstration d'une opération de fourniture de prêt de main-d'oeuvre à but lucratif devrait être simplifiée si on la distinguait de l'opération "ayant pour objet exclusif un prêt de main-d'oeuvre". Dès lors les deux textes semblent avoir ab initio  égale vocation à s'appliquer. Ce que montre en vérité la définition de la sous-traitance licite par la Cour de cassation , c'est sa volonté de créer une cohérence entre sa jurisprudence en matière de qualification du contrat de travail et celle sur les opérations prohibées: les éléments qui révèlent la sous-traitance licite permettent de si le salarié est bien intégré dans l'entreprise sous-traitante et non pas dans l'entreprise donneuse d'ordre.

 

B. Le but lucratif.

 

            Pour Y.CHALARON[120], l'exigence d'un but lucratif présent dans les deux articles est inadaptée dans le cadre du trafic de main-d'oeuvre. L' "opération à but lucratif" est une "notion ambiguë voire abstruse, car à propos d'un seul acte elle invite une recherche d'intention inséparable en fait de l'analyse de l'ensemble de l'activité". Il propose donc que le législateur modifie ces termes par une "opération à titre onéreux".

            L'intervention du législateur n'a cependant pas été nécessaire, les juges ont entendu très rapidement l'exigence d'un but lucratif comme étant constitué dès lors que l'opération n'était pas à titre gratuit.

            Dans le cadre de l'infraction à l'article L.125-3, ils ont ainsi considérés que la présence de démonstrateurs dans un supermarché révélait une opération à but lucratif dès lors que l'entreprise qui les employait était rémunérée par l'augmentation des prix des produits ainsi vendus. Une définition précise du "but lucratif" nous a été donné dans un arrêt du 23 mars 1993 pour l'opération de marchandage où c'est l'utilisateur qui était impliqué: il est constitué quand l'entreprise bénéficiaire n'a pas supporter les charges sociales et financières des salariés utilisés[121] .

 

C. Les résultats de l'opération.

 

            La distinction entre les deux incriminations se trouverait-elle dans les résultats de l'opération comme le laisse suggérer la formulation des deux articles? L'opération de marchandage serait alors un prêt de main-d'oeuvre illicite aggravé puisqu'il porterait préjudice au(x) salarié(s) fourni(s) en plus de contrevenir aux dispositions du code du travail temporaire ou d'autres dispositions conventionnelles ou légales[122]. Ainsi après avoir relever que l'objet du contrat était exclusivement un prêt de main-d'oeuvre et non pas une prestation de services quelconque les juges recherchent, si les salariés non pas subi un préjudice de ce fait. Les deux infractions seraient alors placées dans le rapport de la loi générale (art. L.125-3) avec une loi spéciale (art. L.125-1). Tel n'est pas le cas.

            Tout d'abord l'art. L.125-1 ne nécessite pas la recherche d'un préjudice subi par le(s) salarié(s) mis à disposition: le marchandage peut-être constitué lorsque l'application des dispositions "de la loi, de règlement ou de convention ou accord collectif de travail" a été éludée (alternative expressément prévue par l'article). Dès lors, le prêt de main-d'oeuvre illicite de l'article L.125-3 n'ayant pas respecté les dispositions concernant le travail temporaire, le délit de marchandage serait également constitué.

            Or, les juges, non seulement ne recherchent pas systématiquement, après avoir relevé l'infraction pénale prévue à l'article L125-3, la présence d'un délit de marchandage[123], de même ils caractérisent le délit de marchandage sans avoir préalablement recherché si l'infraction de l'article L.125-3 était constituée[124].

 

            Les juges ont simplifié considérablement la démonstration du préjudice causé aux salariés par l'opération. Ainsi ce préjudice peut-il résulter de la précarisation de leur situation[125], du non bénéfice des avantages résultant de la convention collective ou des avantages sociaux, dus aux salariés permanents de l'entreprise utilisatrice.

 

            Il résulte de cet examen des éléments constitutifs des deux textes, que les juges ont bien élaborés une infraction pénale unique. Cette infraction du prêt de main-d'oeuvre exclusif peut avoir plusieurs auteurs.

 

§2. Les responsables de l'infraction.

 

A. Quels responsables?

 

            Le législateur semble n'avoir voulu réprimer que le seul "fournisseur" et "prêteur" de main-d'oeuvre et non pas l'utilisateur[126]. Pendant vingt ans, les juges ont condamné celui-ci et non celui-là[127]. L'utilisateur n'étant parfois mis en cause que par l'intermédiaire de la théorie de la complicité. L'arrêt du 25 avril 1989 marque un tournant: les juges du fond avaient condamné les utilisateurs pour complicité du délit de marchandage, la chambre criminelle les approuve mais rectifie: les utilisateurs ne sont pas complices mais bel et bien coauteurs de l'infraction[128]. Cependant, on peut regretter que le législateur ne soit pas intervenu pour établir une responsabilité solidaire et conjointe du prêteur et de l'utilisateur telle qu'elle existe dans les textes réprimant le travail clandestin[129]

            Ce tournant jurisprudentiel a été suivi par la réforme du code pénal: la loi du 20 décembre 1993 introduit un nouvel article L.152-3-1 qui permet de rendre responsables pénalement les personnes morales. Le jugement pionnier en la matière est celui du T.G.I de Versailles du 18 décembre 1996 qui rend responsables le dirigeant de l'entreprise utilisatrice et l'entreprise utilisatrice du délit de marchandage[130]: l'imputation du délit à la personne morale nécessite deux conditions: le délit doit avoir été commis par le représentant et pour le compte de la société.

 

B. A la recherche de l'intention délictueuse

 

            L'identification d'un trafic de main-d'oeuvre permet aujourd'hui de débusquer l'utilisateur ou donneur d'ordre qui plutôt que d'embaucher à préférer recourir à une extériorisation de l'emploi afin d'économiser le coût de la main-d'oeuvre. L'opération illicite révèle que les réelles motivations du donneur d'ordre étaient de se soustraire aux responsabilités qui incombent aux employeurs et donc aux dispositions du code du travail. Comme en matière de requalification du contrat de sous-traitance en contrat de travail, les juges révéleront l'intention délictueuse par l'intégration des salariés fournis dans l'entreprise donneuse d'ordre: l'entreprise utilisatrice détient le véritable pouvoir de direction sur les salariés du faux sous-traitant. L'absence de certains éléments constitutifs de l'opération de la sous-traitance dévoilent la fraude de l'entreprise donneuse d'ordre et le profit illicite pour le prêteur de main-d'oeuvre.

            De plus en plus les juges relèvent l'état de dépendance économique dans lequel se trouve le prêteur[131]. Les juges du fond soulignent, ainsi, que l'entreprise donneuse d'ordre avait recours systématiquement à la sous-traitance dans le seul but de réduire le coût de la main-d'oeuvre et d'obtenir des marchés, que les entreprises sous-traitantes étaient dans un lien de dépendance économique complet vis-à-vis d'elle n'ayant pas d'autres clients et que ces dernières n'avaient pas de salariés permanents, les travailleurs étant engagés uniquement pour de courtes périodes en fonction des besoins sur le chantier[132]

 

C. Deux textes, deux responsables.

 

            On pourrait distinguer les deux articles selon la personne qu'ils visent à sanctionner. Le prêt de main-d'oeuvre peut être vu sous deux angles.

            L'article L.125-3 condamnerait le soi-disant prestataire de services ou sous-traitant, employeur juridique des salariés fournis. Les dispositions concernant le travail temporaire cherche à faire respecter au prêteur de main-d'oeuvre l'article L. 124-1 du code du travail. Cet article l'oblige à avoir pour activité exclusive la mise à disposition provisoire de salariés qu'elle embauche et rémunère à cet effet. Une entreprise qui prête de la main-d'oeuvre sans avoir le statut d'E.T.T. serait  la seule coupable du non respect des dispositions relatives au travail temporaire.

            L'article L.125-1 vise au contraire l'utilisateur de la main-d'oeuvre qui par une opération d'extériorisation d'emploi, chercherait exclusivement à éluder l'application de dispositions légales et conventionnelles de travail, causant par la même un préjudice aux salariés de son cocontractant. La requalification de l'opération de sous-traitance en marchandage identifie l'utilisateur comme le véritable employeur des salariés fournis. Le préjudice subi par les salariés est la perte de droits et d'avantages occasionnée par le défaut d'embauche par le donneur d'ordre[133]. Il faut effectuer une comparaison en tenant compte des conventions et accords collectives applicable dans l'entreprise donneuse d'ordre.

 

            Certains juges emprunte cette voie. Dans une décision du T.G.I. de Paris du 13 février 1980[134] , les juges relèvent, après avoir condamner le prêteur de main-d'oeuvre par application de l'article L.125-3, que les procédés utilisés en l'espèce "peuvent permettre à l'entreprise utilisatrice de s'affranchir des servitudes de la position d'employeur ou d'éluder pour une partie de sa force de travail, le bénéfice d'un statut protecteur" mais qu'il n'entre pas dans leur pouvoir d'attraire des personnes non citées par les parties poursuivantes. En l'espèce donc tous les éléments constitutifs de l'infraction de marchandage étaient réunies afin de condamner l'utilisateur, et ce dans le cadre d'une opération ayant pour objet exclusif un prêt de main-d'oeuvre qui avait valu au faux sous-traitant une condamnation[135].

            Les infractions à l'article L.123-1 impliquent systématiquement la responsabilité du faux sous-traitant[136]. Mais le faux prestataire peut être considéré comme coupable des deux infractions sans qu'il y ait condamnation de l'utilisateur, de même que l'utilisateur et le faux prestataire peuvent être coupables de marchandage sans que l'article L.125-3 soit invoqué. Cette "spécialisation" des deux textes permettraient une clarification de leur champ d'application. Les juges commencent  à emprunter cette voie: leurs décisions condamnent de plus en plus l'utilisateur pour délit de marchandage, en basant tout leur raisonnement sur son comportement fautif, les faux prestataires ou faux sous-traitants responsables pour le même chef d'inculpation sont condamnés d'une manière "subsidiaire"[137].

 

            il est certain que toutes les opérations de fourniture de main-d'oeuvre ne doivent pas être prohibées et encore moins toutes les opérations de sous-traitance sur site. Cependant, la sous-traitance (sur site ou externe) reste à la limite de l'acceptable: les préjudices qu'elle fait subir aux salariés sont bien réels[138] et si l'intention d'éluder les dispositions du droit du travail n'existe pas toujours, l'opération de sous-traitance, elle, a toujours pour résultat d'en éloigner l'application d'un certain nombre.

 

            L'écart se creuse entre des formes d'emploi aux variétés multiples, dont la légitimité dérive de la liberté d'agencement du capital, et un droit du travail qui se crispe sur des concepts archaïques. Les notions d'entreprise mais aussi de subordination juridique, ayant déjà fait l'objet d'une jurisprudence extensive, semblent avoir montrer leur incapacité à assurer les droits de chaque travailleur dans le cadre de la nouvelle organisation industrielle qu'est le réseau de sous-traitance.


PARTIE 2 : Les perspectives

 

 

            Les "hybrides", organisations reposant sur des liens contractuels et non hiérarchiques, permettent à l'entreprise donneuse d'ordre dominante de contourner les lois sur la protection de l'emploi. Ce comportement s'apparente à une fraude à la loi, même s'il s'inscrit dans une recherche de flexibilité de l'appareil productif face aux fluctuations du marché ou de réduction des coûts fixes. Les justifications économiques ne doivent pas cacher les conséquences juridiques. Grâce au  réseau, l'entreprise "centrale" fuit toute responsabilité, particulièrement en matière sociale.

 

            Deux voies s'ouvrent pour rétablir une égalité entre les salariés des sous-traitants et les salariés des donneurs d'ordres. La première est indirecte. Elle vise atténuer la dépendance du sous-traitant à l'égard  de son client de taille importante qui, ayant plusieurs clients et plusieurs activités, a une politique sociale de même qualité que celle des entreprises donneuses d'ordre (Titre1). La deuxième voie, plus directe, établit de nouveaux concepts de droit du travail appréhendant la nouvelle organisation du processus productif (Titre 2).

 

 

Titre 1 : Agir sur la situation du sous-traitant

 

            Permettre aux entreprises sous-traitantes de se développer et d'échapper à une relation de dépendance plus ou moins grande constituerait la meilleure façon d'optimiser l' application  du droit du travail . Le contrat de sous-traitance comme le contrat de travail véhiculent tous les deux des relations inégalitaires requérant Elles nécessitent une organisation de la relation. Même si l'inégalité de ces deux contrats diffère par sa nature, la mise en place d'un régime propre au contrat de sous-traitance serait pertinente afin de le soustraire à la dépendance tout en préservant l'autonomie de l'entreprise sous-traitante. L'analogie avec les solutions déjà exploitées en droit des contrats s'impose. Nous rechercherons dans un premier temps les critères identifiant la relation de sous-traitance inégalitaire pour ensuite tenter de trouver des solutions appropriées.

 

Chapitre 1 : Le droit face à l'inégalité contractuelle.

 

            A partir de quel moment l'inégalité contractuelle nécessite-t-elle l' intervention du législateur? Existe-t-il des critères?

            L' autonomie des volontés régit le  droit des contrats. Le contrat se formant par la rencontre de volontés autonomes, ne laisse pas de place à  la prise en compte de l' inégalité entre les parties. La période antérieure à la conclusion du contrat détermine la teneur de leur accord après éventuellement une discussion où les protagonistes s'affrontent pour en déterminer les modalités, . L' égalité absolue  entre les parties est illusoire.

 

            L'égalité est essentiellement juridique. L'égalité parfaite, absolue, n'existe pas car l'objectif des parties est le plus souvent d'ordre économique au sens large, or, la situation des cocontractants est rarement identique Dans les rapports contractuels entre personnes juridiques, l'égalité ne peut donc avoir qu'un sens étroit: une égalité juridique.

            L'égalité juridique réside dans une équivalence des statuts, en l'occurrence les rapports se nouent entre personnes juridiquement indépendantes, chacun agissant à ses risques et périls, chacun étant égal face à ses chances de succès ou d'insuccès de son activité commerciale.

            L'inégalité de pouvoir découlant de situations économiques différentes est cependant une réalité. Le droit combat les abus d'une position dominante. Le contrat de travail, le premier rapport contractuel inégalitaire a fait l'objet d'une intervention du législateur pour protéger la partie faible. Le critère de la subordination juridique met en oeuvre de cette protection mais tient pas compte des relations particulières entre le sous-traitant et le donneur d'ordre. La jurisprudence ayant rejeté le critère de la dépendance économique. Un accès simplifié au statut de salarié serait souhaitable pour  les sous-traitants dans un état de dépendance économique extrême. Un tel accès, déjà réservé à certaines professions indépendantes, serait possible[139]

 

            Reste à savoir si les sous-traitants ayant embauché des salariés et totalement sous la dépendance économique de leur donneur d'ordre, peuvent prétendre à un régime mixte de protection, inspiré par le droit du travail ou tout autre droit[140]. Peut-on mobiliser le concept de dépendance économique ou l'appartenance de la qualification de contrat d'adhésion suffirait-elle  ?

 

Section 1: La dépendance économique.

 

            En droit de la concurrence, la dépendance économique fut consacrée en 1985. Antérieurement , elle transparaissait à travers  certaines dispositions particulières, sans être nommée. Les textes énuméraient un certain nombre de critères de l'état de dépendance économique.

            G. VIRASSAMY est l'un des premiers à propose en 1986[141]  un régime propre aux contrats de dépendance économique. Il décrit trois contrats dits de dépendance économique: le contrat d'intégration agricole, le contrat de distribution et le contrat de sous-traitance.

 

            Dans le cadre du droit de la concurrence, un abus qui est recherché. La position dominante d'une entreprise sur un marché ou d'une dépendance économique d'une entreprise par rapport à une autre, ne suffisent pas.

            La dépendance économique est intrinsèque à un contrat nommé: pour bénéficier d'une protection, il faut avoir une qualité: producteur agricole, distributeur...

 

§1.. L'abus de dépendance économique.

 

            Nous ne ferons qu'effleurer ce sujet. Le régime que nous voulons mettre en place ne peut être "occasionnel". Ce régime ne peut être mis en place que dans la gestion quotidienne de la relation de sous-traitance. Sinon il se répercuterait  profondément sur l'entreprise de sous-traitance .

 

            La notion de dépendance économique, fut introduite en droit français par la loi du 31 décembre 1985. La loi aggrave les pénalités encourues en cas d'obtention d'avantages discriminatoires, "lorsque ces avantages sont obtenus d'un partenaire en situation de dépendance". Elle s'inspire de la sanction en droit allemand de l'abus de position dominante. L'ordonnance du 1er décembre 1986 consacre véritablement la notion dans son article 8-2. Elle prohibe l'exploitation abusive, par une entreprise ou un groupe d'entreprises, "de l'état de dépendance économique dans laquelle se trouve, à son égard, une entreprise cliente ou fournisseur qui ne dispose pas de solution équivalente. Ces abus consiste dans le refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de la relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées".

 

            Concrètement l'article 8-2° renvoie à trois principaux types de dépendance: la dépendance d'un commerçant, grossiste ou détaillant, à l'égard d'un industriel qui fabrique une gamme de produits jouissant d'une grande notoriété, l'engagement d'un professionnel par des contrats de longue durée ou des investissements importants dont le maintien conditionne l'équilibre, parfois même la survie de son entreprise, enfin, la situation d'un fournisseur, tributaire d'un acheteur déterminé (tel le producteur agricole dans un contrat d'intégration agricole.

            Cependant le Conseil de la concurrence s'est avant tout prononcé sur des hypothèses relevant du premier type. Seule la deuxième situation est susceptible de nous intéresser. En 1993, le Conseil a connu à deux reprises des d'hypothèses relevant de cette situation à propos de deux contrats de distribution[142]. Selon ces décisions la dépendance s'apprécie au regard des critères de: l'importance du chiffre d'affaires du distributeur réalisé par le fournisseur avec le distributeur, l'importance du distributeur dans la commercialisation des produits concernés, des facteurs ayant conduit à la concentration des ventes du fournisseur auprès du distributeur: choix stratégique ou nécessité technique; et enfin de l'existence et de la diversité  de solutions alternatives.

            Dès lors, le droit de la concurrence ne prend en compte que des situations extrêmes de dépendance économique. La dernière condition montre que la dépendance du sous-traitant ne peut être prise en compte, le sous-traitant étant libre de contracter avec d'autres donneurs d'ordres.

 

§2.  La dépendance économique et le contrat d'intégration agricole.

 

            Dans le contrat d'intégration agricole, un industriel apporte une aide substantielle à un producteur agricole pour qu'il démarre un élevage ou lance une culture. En contrepartie ce dernier  accepte de nombreuses obligations, notamment une exclusivité de fourniture ou d'approvisionnement. Le producteur a ainsi l'assurance d'écouler sa production et reçoit la garantie d'un revenu minimum assuré par son cocontractant.

            Malheureusement cette aide financière le mettre dans une situation de dépendance à l' égard de l'industriel et des rapports de commandement se substituent aux rapports contractuels normaux grâce à des stipulations très pointilleuses. Comme la sous-traitance, la situation d'intégration agricole présente une grande variété de situations selon la situation du marché du produit, la position de l'industriel sur ce marché et la taille de l'exploitation agricole.

            Pour le législateur, la nature du contrat crée l'assujettissement. Les parties au contrat d'intégration sont un producteur agricole et une entreprise industrielle ou commerciale. La caractéristique essentielle des contrats signés par ces deux parties est la réciprocité des obligations de fourniture de produits ou de services à la charge des parties. A coté de critères juridiques, les juges tiennent compte de faits révélant l'état de dépendance.

 

            Il n'existe pas de clauses d'exclusivité dans le contrat de sous-traitance malgré la dépendance économique du sous-traitant. Cette dépendance découle plus de la position dominante du donneur d'ordre sur le marché. Lorsque la relation de sous-traitance est pérennisée par un contrat-cadre . Dans les autres cas, le sous-traitant est dépendant parce qu'il retire l'essentiel de son revenu d'un seul et même donneur d'ordre. la survie de son entreprise dépend de sa relation avec le donneur d'ordre.

 

Section 2 : Les contrats d'adhésion

 

            Le traitement de l'inégalité contractuelle se développe. De nombreux auteurs civilistes observent un phénomène de multiplication des contrat d'adhésion. Le "contrat d'adhésion" montre un rapport inégalitaire. Pendant longtemps a été contesté la possibilité d'y répondre. L' "inégalité de puissance économique" ou plus simplement, l'inégalité née de l'urgence et de l'intensité du besoin, existerait partout et toujours. Mais il fut défini comme un contrat que l'une des parties accepte en bloc, sans possibilité réelle de discussion. Autrement dit, le choix de l'adhérent se réduit à conclure ou ne pas conclure le contrat dont le contenu échappe à sa volonté. A cet élément qui répond au terme "adhésion" s'ajoute généralement la "rédaction unilatérale des clauses du contrat par l'offrant"[143].

            Ces contrats ne posent un problème législatif spécifique que lorsque ces contrats types sont rédigés unilatéralement par l'une des parties.

 

            Cependant, les conditions dans lesquelles la rencontre des volontés a eu lieu ne détermine pas la nécessité d'une protection. Ce caractère fait présumer que l'une des parties abuse d'une position dominante vis-à-vis de son cocontractant. Il rend suspect la relation qui s'instaure. L' équilibre entre la protection de la partie faible et la sécurité juridique limite la sanction à l'exécution du contrat confirmant le rapport inégalitaire.

 

            Or de tels abus existent dans l'exécution du contrat de sous-traitance: ils prennent différentes formes selon que la relation entre les parties est pérennisée ou non par un accord-cadre et se concrétisent par des impayés...

 

Chapitre 2 : Les applications à la sous-traitance

 

            Les solutions envisagées doivent tenir compte des relations déjà existantes pour des contrats  dit d'adhésion. Deux possibilités s'offrent à nous: intervenir dans le cadre strict des relations contractuelles entre le donneur d'ordre et le sous-traitant ou en dehors de ce cadre.

 

Section 1 : Les applications au rapport contractuel.

 

Une intervention est envisageable aux trois stades de la relation: au moment de la formation du contrat, de son exécution et enfin de sa rupture.

 

§1. La formation du contrat.

 

A. La protection du consentement .

 

            La mise en place du protection à ce stade, contre les abus possibles d'un des futurs contractants s'opère de deux façons:

            La première consiste à mettre à la charge de celui qui est susceptible de commettre des abus, un obligation de renseignement et de conseil. C'est la voie empruntée notamment pour la relation entre un profane et un professionnel. Cependant la relation entre professionnels et notamment avec un professionnel dépendant, ne génère pas une obligation d'information ou de renseignement entre les intéressés. Leur qualité leur impose en effet de prendre l'initiative de se renseigner sans attendre de recevoir de leur partenaire des informations et leur impose même de vérifier les informations qu'il leur aurait été fournies.

            La deuxième consiste à imposer un document pré contractuel au moment de la formation du contrat. Ce document prend la forme d'un contrat-type. Il comporte une liste d'informations à fournir tels que l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives du marché concerné, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat...Le contenu exact de ce document est fixé par l'administration ou un organisme représentatif de la profession. C'est la voie en général suivie par le législateur pour intervenir lors de la formation d'un contrat entre professionnels où l'un domine l'autre. La loi Doubin du 31 décembre 1989 pour les contrats de distribution et la loi d'orientation agricole du 4 juillet 1980 pour les contrats d'intégration ont toutes deux utilisées cette technique.

 

            On peut se demander si un tel contrat-type ne serait pas opportun dans le cadre des relations de sous-traitance afin que le sous-traitant puisse connaître les perspectives de ses relations avec le donneur d'ordre. Un contrat-type pour chaque secteur d'activité serait requis

 

B. L'instauration d'un contrat-cadre.

 

            La contractualisation des relations permettrait de stabiliser le régime des relations entre les parties (contrat de partenariat ou de stabilité). Il faudrait développer une formule-type de contrat, prévoyant des exigences minimales auxquels devraient répondre tout contrat et dont le non respect serait sanctionné.

 

            Deux types de clauses relatives à l'inexécution des contrats sont envisageables des clauses relatives aux garanties d'exécution du contrat et à l'indemnisation du préjudice. Ce dernier type de clauses permettraient d'éviter le recours judiciaire. Elle pourrait être liée au cautionnement et aux clauses de garantie d'exécution: l'indemnisation pouvant en ce cas être promise par le cocontractant ou un tiers qui s'engage à la bonne exécution du contrat.

 

§2. L'exécution du contrat.

 

            Une intervention serait la bienvenue dans la relation de sous-traitance, afin que le donneur d'ordre respecte les contrats. Le nombre de factures impayées l'un des grands problèmes. Les actions en justice sont trop coûteuses pour les entreprises sous-traitantes. En matière de sous-traitance de marché soumise à la loi du 31 décembre 1975 il existe une procédure de cautionnement. Les sommes dues par l'entrepreneur principal au sous-traitant doivent être garanties par une caution personnelle et solidaire obtenue par l'entrepreneur principal auprès d'un établissement de crédit agréé.

 

            La généralisation du mécanisme au cas de la sous-traitance industrielle aurait pour conséquence un engagement financier du donneur d'ordre sur un certain volume et le dissuaderait de rompre le contrat. L'obtention d'un tel cautionnement auprès d'un établissement de crédit agréé aurait pour corollaire l'exigence par le dit établissement de crédit, d'engagements de la part du donneur d'ordre, de l'absence pour un temps donné au moins de volonté de rupture de la relation de sous-traitance.

§3. La rupture du contrat.

 

            Dans le contrat de sous-traitance, des garanties analogues à celles qui figurent dans le contrat de travail pourraient contribuer à stabiliser l'emploi et à organiser la concurrence: il est ainsi envisageable de créer des modalités de rupture du contrat de sous-traitance inspirées de celles qui existent pour le licenciement: indemnisation du préjudice subi du fait de la rupture et préavis.

 

            Comme le souligne T. REVET, "le droit de la rupture du contrat de travail vise avant tout à favoriser une certaine stabilité du contrat de travail, pour des raisons d'ordre économique et social": le droit de la rupture du contrat de travail est donc le droit de la protection d'un contrat de dépendance[144]. Ce régime aurait une vocation naturelle à être appliquée à toute rupture d'un contrat de dépendance: c'est pourquoi ce régime s'applique déjà pour deux catégories de gérants mandataires[145]. Il serait donc pertinent d'étendre ce régime ou une partie de ce régime aux contrats de sous-traitance. Ainsi est-il possible d'imaginer:

 

            - Le contrôle de la réalité des motifs du partenaire dominant.

            Le motif invoqué doit être objectif, réel et légitime. L'auteur de la rupture est dissuader de procéder à une rupture intempestive du contrat. Une certaine stabilisation des relations s'ensuit nécessairement et réduit, ce faisant l'aléa consécutif à la dépendance professionnelle. Cependant dans le cadre de contrat de dépendance économique, seul s'opère pour l'instant un contrôle non abusif de la décision.

            En cas de rupture du contrat anticipée, le motif serait une faute grave commise par le sous-traitant. La brusque rupture est sanctionnée en tenant compte du manque à gagner résultant de l'impossibilité d'accomplir le contrat.

            Par contre, il n'y a pas dans la relation de travail comme dans les relations de dépendance d'obligation de motiver le refus de renouveler le contrat puisqu'il manifeste l'exercice d'un droit. Seul l'abus peut permettre un certain contrôle de cette décision.

 

            - Les suites de la rupture.

            La nécessité de respecter un préavis est aujourd'hui générale. Elle s'impose à tout contrat conclu sans durée déterminée.

            Plus difficile est la prévision de l'indemnisation du prestataire dépendant,  fondée sur la rupture, indépendante de toute faute commise lors de la résiliation par le partenaire. La démonstration d'un préjudice causé par la rupture donne droit à une telle indemnité serait par exemple pertinent .

 

            Cependant rien pour le moment laisse présager une telle évolution. Cette évolution nécessite des changements radicaux dans les manières d'envisager les contrats entre professionnels. La mise en place de solutions extérieures au lien contractuel serait certainement plus rapides.

 

 

Section 2 : Les applications extra contractuelles

 

§1. Les stratégies individuelles.

 

            Des solutions émanant du sous-traitant sont possibles pour échapper à une dépendance du donneur d'ordre. Elles nécessitent une volonté et une capacité à développer son entreprise. Des incitations pourraient être développées pour l'aider dans cette démarche.

 

            Il faudrait soutenir le sous-traitant dans sa recherche de nouveaux  donneurs d'ordres : pour être plus indépendant et pour se préserver des variations de charges qui pourraient toucher le donneur d'ordres. Cette politique existe déjà chez certains sous-traitants, ceux spécialisés dans des activités de pointe. Ils sont poussés souvent par leur donneur d'ordre. Cependant dans les secteurs de haute technologie, les donneurs d'ordres sont peu nombreux, ils doivent donc démarcher à l'étranger.

            La diversification des produits ou le développement de produit propres serait une autre stratégie pour échapper à la dépendance des donneurs. Cependant, le sous-traitant doit avoir une surface financière suffisante et une structure commerciale lui permettant d'assurer sa vente. Le regroupement de sous-traitants éviteraient cette

 

§2. Les stratégies collectives.

 

            Les stratégies collectives sont privilégiées dans les contrats d'adhésion. La partie faible retrouve au niveau collectif, le rapport de force perdu dans la relation contractuelle.

            La représentation collective en droit du travail est une illustration parfaite de ce propos. Les associations de consommateurs, les regroupements de producteurs agricoles, en assurant la représentation collective des parties faibles au contrat leur permettent d'assurer la défense de leurs intérêts.

 

            Plusieurs modes de regroupement s'offrent aux sous-traitants.

Le regroupement peut s'articuler autour de l'appartenance à un même réseau de sous-traitance. Les sous-traitants d'un même donneur d'ordre et/ou situés dans une même zone géographique pourraient notamment avoir la possibilité d'agir en justice collectivement pour obtenir l'exécution des obligations du donneur d'ordre.

            La création d'un pool de plusieurs entreprises de spécialités différentes s'inscrirait dans la recherche de nouveaux débouchés, créant une complémentarité et une coordination des différents métiers. Une entreprise chef de file assurerait la fonction commerciale.

 

            Toutefois, les regroupements d'entreprises constituent une stratégie particulièrement difficile à mettre en oeuvre. Deux raisons à cela:

            La principale difficulté est l'individualisme farouche des sous-traitants qui sont déjà hostiles à la création de Bourses de sous-traitance. ils ne veulent aucune relation de dépendance juridique vis-à-vis d'un autre, ils défendent résolument leur identité et leur autonomie.

            La deuxième tient au choix de la personnalité juridique à donner à ce groupement. La plupart des regroupement relevés dans l'enquête de M. -L. MORIN, n'ont pas de personnalité juridique.

 

            Les différentes solutions qui ont été abordées ici rapidement, posent de gros problèmes de mise en place. Celles basées sur la relation contractuelle ne sont, la plupart, que de pures spéculations. La jurisprudence est encore bien loin d'y aboutir. Les relations de sous-traitance rappelons-le, sont très diversifiées. Il est très délicat de parler de dépendance économique au sens où l'entend les auteurs ou les textes législatifs.

 

Titre 2 : Agir sur la situation des salariés.

 

            L'évolution du lien de subordination entre l'employeur et le salarié suggère l'abolition d' un droit où l'aire géographique de l'employeur, c'est-à-dire l'entreprise, déterminait le statut du travailleur et de l'ensemble de ses conditions d'emploi.

            L'entreprise figure incontournable et insaisissable du droit du travail, permet de déceler la présence d'une relation de subordination juridique. Elle doit être dépassée. Les conséquences de la relation de sous-traitance sur l'application du droit du travail sont importantes. Les écarts de traitement qui existent ne se justifient pas, bien au contraire: les salariés les plus touchés par la déformation sont les plus fragiles sur le marché du travail.

 

            Cependant toute solution future ne pouvant s'inscrire que dans une certaine continuité du présent, nous allons mobiliser les problématiques traditionnelles en droit du travail: le pouvoir de décision et l'entreprise:

            Le paradigme de l'entreprise est fondé sur un double critère: l'unité de direction (critère  hiérarchique) et l'existence d'un service organisé (qui consacre le but unique ou l'activité commune poursuivie). Ce raisonnement permet d'identifier le responsable de l'application des dispositions du droit du travail: le chef d'entreprise - employeur. A l'intérieur de ce cadre le salarié pourra être intégré dans une collectivité organisée, lui assurant une représentation.

            Le droit positif a utilisé ce double critère pour étendre certaines dispositions dans le cadre de nouvelles structures industrielles afin de reconstituer l'entreprise. Les notions d'unité économique et sociale, de groupe, mais aussi de site ont permis de prendre en compte une nouvelle répartition des pouvoirs de direction et de gestion de l'entreprise: dans certains cas on recherche le pouvoir central d'une organisation hiérarchisée, dans d' autres on met en valeur la cohabitation de différents centres de décision économique. Mais c'est bien la localisation des pouvoirs économiques qui est recherchée.

 

            Le droit positif ne prend en compte le pouvoir de décision économique que dans le cas de la responsabilité et la représentation collective. Ces deux domaines relèvent d'une logique différente. L'identification d'un responsable reste cantonné au cadre strict de l'appareil productif, contrairement à la représentation collective qui a parfois lieu à un autre niveau. C'est pourquoi nous rechercherons la manière de prendre en compte une nouvelle organisation de l'appareil productif pour ensuite rechercher un nouvelle organisation de la négociation collective.

 

CH1: Une nouvelle organisation de l'appareil productif.

 

            La seule raison pour laquelle les "hybrides" n'ont pas d'identité juridique, c'est-à-dire de personnalité morale, tient au fait qu'ils ont été démantelés en unités de capital différentes, soudées par des liens contractuels" (...): "il y a scission entre la multitude des unités de capital et l'unicité de la structure d'organisation responsable de toutes les décisions à prendre"[146]. L'entreprise choisissant sa propre taille, elle choisit également les limites de ses responsabilités juridiques et se soustrait à ses responsabilités légales dont celles qui découlent de la qualité d'employeur. La loi ne saurait donc tolérer que le simple choix d'une forme juridique permette de définir les frontières entre un salarié dépendant et un entrepreneur indépendant et puisse priver de facto des salariés de droits sociaux fondamentaux. L'unité de l'organisation doit donc être rétablie.

 

            Quels moyens juridiques permettraient de prendre en compte, vis-à-vis des salariés, les relations interentreprises et de fonder une responsabilité des entreprises qui travaillent ensemble ou les unes pour les autres? Deux voies nous sont ouvertes:

            - La première repose sur des relations de type hiérarchique, comme le groupe: ne peut -on évoquer le réseau en tant que structure hiérarchique?

            -La deuxième tient compte de l'interférence entre les activités de plusieurs entreprises: c'est ce que nous nommerons la co-activité.

Ces deux justifications permettent de révéler une organisation. Elles ne sont pas exclusives l'une de l'autre, elles peuvent cohabiter. Cependant elles conduisent à des solutions différentes en matière de responsabilité.

 

Section 1: Le réseau.

 

            Le réseau est une figure difficile à cerner. Il est généralement considéré comme une structure de relations de même type entre divers points localisés d'un espace géographique.

            Faut-il assimiler juridiquement les réseaux contractuels à des entreprises dotées de la personnalité morale? Peut-on appliquer à un certain nombre d'entreprises juridiquement autonomes mais fédérées sous le contrôle d'une entreprise dominante, les règles de protection progressivement développées pour les groupes de sociétés? C'est ce à quoi nous tenterons de répondre.

            "La reconnaissance formelle de l'identité juridique propre des membres d'organisations économiques complexes peut cacher ce qui constitue, en réalité, un seul et même ensemble de relations productives", il "devrait être traité comme un seul et même groupe, lorsqu'il s'agit d'imputer une responsabilité légale à ce groupe"[147]. Le groupe est en droit du travail, la seule notion tenant compte d'une structure complexe en matière de responsabilité. Nous établirons les parallèles existant entre les structures pour voir ensuite si l'on peut établir une responsabilité liée à cette notion.

 

 

§1. Le parallèle entre la structure de groupe et le réseau..

 

A. La centralisation du pouvoir de décision économique

 

            Monsieur Champaud définit le groupe comme "un ensemble de sociétés apparemment autonomes, mais soumises à une direction économique unitaire"[148]. L'existence d'une direction économique unitaire découle de la présence d'une société mère qui domine toutes les sociétés du groupe. Le lien de domination qu'elle établit sur ses sociétés se concrétise par des participations dans leur capital à hauteur de 10%. Dans le cadre du réseau, il existe bien une entreprise dominante, l'entreprise centrale donneuse d'ordre mais elle ne détient que rarement des participations dans le patrimoine des entreprises sous-traitantes.

            Cependant cette entreprise détermine la politique économique pour l'ensemble du réseau.

L'innovation majeure de G.TEUBNER dans l'analyse de ces nouveaux acteurs qu'il nomme hybrides, est, en effet, de mettre en lumière les rapports de puissance au sein du réseau : il existe une entreprise maîtresse qui déplace le risque sur les autres membres du réseau mais aussi sur des tiers[149].

 

            Cette entreprise maîtrise l'ensemble du processus productif. Le produit fabriqué par les sous-traitants est défini par cette entreprise. Elle l'intègre dans un produit final complexe ou elle se charge de sa commercialisation. Ainsi la fabrication d'un avion est un produit final complexe. Les différentes pièces le composant proviennent de différentes entreprises sous-traitantes. Dans le textile les modèles sont conçus par l'entreprise donneuse d'ordre qui sous-traite l'ensemble de la production. C'est donc elle qui détermine la charge de travail confiée au sous-traitant, ceux-ci n'ayant aucune prise sur la quantité de travail fourni. Il en découle nécessairement une étroite collaboration entre l'entreprise donneuse d'ordre et l'ensemble des entreprises sous-traitées.

 

            En cas de perturbations extérieures, la direction du réseau, l'entreprise centrale maîtresse, peut choisir soit une réaction de l'hybride dans son ensemble (créer un effet accordéon), soit une répercussion que sur certains de ses maillons. Le réseau de sous-traitance ressemble au réseau de distribution: il existe une entreprise maîtresse entourée d'un réseau de satellites "qui conservent la propriété et les bénéfices résiduels de leurs entreprises, mais sont intégrés à une organisation étroitement imbriquée au moyen d'un ensemble de contrats conclus avec l'entreprise maîtresse".

 

            Les entreprises sous-traitantes, gardent, comme les sociétés membres du groupe, une autonomie dans la gestion de leur activité, mais ne se préoccupent pas d'appréhender les aléas du marché: elles les subissent.

            "La spécificité des "contrats symbiotiques" tient au fait que l'une des parties transfère l'intégralité du contrôle à l'autre, tout en conservant la propriété de son entreprise et les bénéfices résiduels découlant de l'activité"[150]. Les entreprises sous-traitantes perdent ainsi la maîtrise des décisions fondamentales, qui permettent d'avoir une gestion à long terme de leur activité. Dans le cadre de relations de partenariat, les prévisions peuvent se faire à moyen terme (sur trois à quatre ans). Lorsqu'il n'y pas de relations pérennisées par un contrat-cadre mais que les relations avec le donneur d'ordre se concrétisent "à la commande", le sous-traitant n'a vision qu'à court terme de son activité.

B. La cohésion de la structure.

 

            Les liens patrimoniaux entre les sociétés filiales et la société-mère ont deux conséquences que l'on ne peut retrouver dans le réseau, faute de tels liens.

            Dans les groupes, des flux de biens et de services s'établissent entre la société-mère et ses filiales et entre filiales. Certaines sociétés ont par rapport aux autres la qualité de fournisseur et de client. Les contrats qui à cet égard peuvent les lier sont souvent assortis d'une clause d'exclusivité, laquelle oblige le filiales à livrer leurs produits uniquement à des sociétés soeurs ou bien à ne se fournir qu'auprès d'elles.

            Le groupe est une structure industrielle stable: la société-mère ne se défait pas d'une de ses filiales aux moindres variations de la demande sur le marché.

 

            Dans le réseau, cette cohésion n'existe pas:

            Les sous-traitants ne se connaissent que lorsque leurs activités sont exercées sur un même site, ou lorsque leurs entreprises sont situées sur une même zone géographique.

            Mais surtout le réseau est une structure flexible et qui ne lie pas les sous-traitants à leur donneur d'ordre par une exclusivité.

            Dans certains secteurs les relations contractuelles entre l'entreprise dominante et les différentes entreprises sous-traitantes, sont très instables. L'installation d'un réseau permet aux entreprises de répondre de façon adaptée aux fluctuations de leur environnement. Dans le réseau, c'est le marché qui régule les relations entre les entreprises le composant, dans le groupe c'est la hiérarchie. Il existe un nombre restreint d'entreprises sous-traitantes qui bénéficient d'un contrat-cadre avec leur donneur d'ordre: ce sont les sous-traitants les plus solides, qui possèdent une technicité importante. Les donneurs d'ordres doivent pouvoir les fidéliser.

            Il n'y pratiquement pas de clauses d'exclusivité dans les contrats de sous-traitance. Au contraire des distributeurs qui eux ne dépendent que d'un seul fournisseur qui leur impose ses conditions. Les sous-traitants restent libres juridiquement d'avoir plusieurs donneurs d'ordres. Dans le cadre des relations de partenariat, les donneurs d'ordres encouragent même leur sous-traitants à avoir plusieurs clients: en cas de rapatriement des charges pendant un certain temps, ils ont tout intérêt à ce qu'il puisse compter à nouveau sur leur sous-traitant quand il y a une reprise sur le marché. Pour les activités de haute technologie extériorisées, les sous-traitants doivent être solides de tous les points de vue.

 

§2. Quelle responsabilité ?.

 

            En droit du travail, la notion de groupe se caractérise non seulement par une unité économique mais également par une unité sociale. L'unité sociale ne peut être recherchée dans un réseau de sous-traitance. Dans le groupe elle se concrétise par la mobilité des salariés. Ils peuvent être détachés dans chaque entreprise appartenant au groupe. Cette mobilité n'existe pas dans le réseau de sous-traitance. Mais la structure du groupe avec une centralisation du pouvoir de décision économique, existe au sein du réseau. L'unité sociale est un critère qui ne pourra pas fonder une responsabilité de l'entreprise donneuse d'ordre vis à vis des salariés de ses sous-traitants. Cependant, nous considérons que cette responsabilité pourra par contre être fondée sur l'existence du bénéfice que cette entreprise donneuse d'ordre tire du travail de ces salariés.

 

            Pour G.TEUBNER, seule la théorie des attributions permet de saisir les hybrides. Cette théorie décide de la construction de personne en tant qu'unités d'action pour leur imputer des actions ou des "événements communicatifs". Ainsi, la personne morale est l'une de ses plus grandes créations, elle a permis de découvrir de nouvelles réalités sociales à partir de fictions communicatives. Elle permettrait d'identifier les acteurs organisationnels que sont les hybrides et mettrait en valeur les choix collectifs présentant des "propriétés dominantes par rapport aux choix individuels". Ces acteurs auraient, dès lors, des droits et des obligations dont la durée excède celle des individus qui la composent. Chaque opération hybride devant répondre à une double exigence: elle devrait être orientée vers le profit du réseau et vers le profit de chaque acteur individuel. Cette contrainte est également un stimulant puisque chaque entreprise du réseau recherche avant tout son propre profit et est autonome juridiquement.

 

            Il est difficile de voir "l'ensemble des effets nocifs d'une telle structure pour l'environnement, mais il est certain qu'il y a nécessité à instituer une responsabilité collective du réseau: une responsabilité "contracto-organisationnelle", globale et collective où les quotes-parts individuelles de responsabilité seraient réattribuées" à l'intérieur du réseau. En droit du travail, il serait difficile d'établir une responsabilité collective des sous-traitants fondée sur l'appartenance à un réseau.. Il faudrait que la requalification du contrat de sous-traitance en contrat de travail ne soit pas entravée par la présence de salariés au sein de l'entreprise sous-traitante. Ce serait le signe d'un élargissement significatif de la notion d'employeur.

 

            La structure en réseau n'offre aucune prise à une responsabilité en son sein. Les sous-traitants ont peu ou prou de liens entre eux. La domination économique du donneur d'ordre ne suffit pas à engager la responsabilité du réseau. Il nous faudra faire appel à un autre ordre de justification basé sur la co-activité[151].

 

            Cependant il faut noter dès à présent que la structure en réseau peut être essentielle pour réorganiser la négociation collective.

 

Section 2: La co-activité.

 

            La co-activité est une notion qui respecte la pluralité et l'autonomie juridique des entreprises. Cependant la problématique de la co-activité concerne moins la relation d'emploi, que l'exécution du travail proprement dit mais elle permet d'appréhender concrètement les conditions de la direction du travail. Les solutions qu'elle apporte sont donc limitées à la sous-traitance sur site car la co-activité nécessite des interférences entre les activités d'entreprises juridiquement différentes.

            De nombreuses dispositions du Code du travail font déjà découler de cette proximité un certain nombre de responsabilités. Les unes mettent surtout des responsabilités à la charge du donneur d'ordre et sont basées sur l'idée de profit ou de bénéfice du travail. Les autres visent un partage des responsabilités entre les différentes entreprises présentes pour réaliser une opération commune.

 

§1. Le bénéfice du travail.

 

A. Responsabilités pénales et profit.

 

            En matière pénale, le donneur d'ordre peut engager sa responsabilité sans que celle-ci ait pour fondement le contrat qui le lie à son sous-traitant. Il existe deux domaines où l'idée de profit réalisé par le recours à des entreprises extérieures est mobilisé. Dans le premier, le profit est réalisé non par le donneur d'ordre personne physique, mais par le donneur d'ordre personne morale. Dans le premier c'est le donneur en tant que bénéficiaire direct qui peut être condamné.

 

1- La jurisprudence en matière de marchandage

La jurisprudence en matière de marchandage n'hésite plus à condamner l'utilisateur de la main- d'oeuvre. Dans le cadre de cette infraction de marchandage ou dans le cadre des dispositions en matière d'hygiène et sécurité, la responsabilité pénale de la personne morale est engagée lorsque le délit a été commis par le représentant de celle-ci et pour son compte. Pour quel type de faute la personne morale est-elle condamnée? L'opération ayant été réalisée pour son compte, on peut évoquer l'idée d'une faute lucrative, la commission de l'infraction ayant permis au groupement de réaliser un profit, ou à défaut, une économie sans que pour autant d'ailleurs il y ait à rechercher systématiquement une intention délibérée de sa part.

 

2- Les bénéficiaires du travail "dissimulé".

Le travail dissimulé doit, dans la plupart des situations, être considéré, non seulement en s'attachant à l'auteur apparent et principal du délit mais également à ses bénéficiaires. Le donneur d'ordre peut être considéré pénalement responsable (ou civilement lorsqu'il s'est juste abstenu d'effectuer les vérifications que lui impose les articles L. 324-14 et R. 324-4 du Code du travail) du délit de travail dissimulé.

            Selon une circulaire du 12 mars 1981, la mise en cause du donneur d'ouvrage doit "permettre de mettre fin à l'impunité des donneurs d'ouvrage qui, soit pour excessive négligence, soit de mauvaise foi, se retranchent derrière des sociétés écrans pour ne pas assumer les conséquences des conditions dans lesquelles les travaux sont effectués à leur profit". Le donneur d'ouvrage ainsi pénalement responsable d'une dissimulation de travail, est aussi bien celui qui a signé un contrat avec l'entrepreneur clandestin, que celui qui a confié un travail à un entrepreneur travaillant dans la légalité mais qui a lui-même recours à un sous-traitant, qui lui travaille dans la dissimulation.

            Le profit est au coeur de cette responsabilité, les donneurs sont considérés comme les véritables bénéficiaires de ces pratiques frauduleuses puisqu'ils imposent de prix trop bas à leurs sous-traitants. Ainsi un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 14 décembre 1993[152] relève que les rémunérations accordées aux faux sous-traitants les mettaient "dans l'impossibilité du fait du montant de celles-ci, d'assumer régulièrement leurs obligations d'employeurs". Le donneur d'ordre a été condamné en même temps et au même titre que l'employeur qui avait dissimulé le travail de son salarié.

 

            On peut se demander si l'idée de profit ne pourrait pas être au coeur d'un nouveau partage des responsabilités entre le donneur d'ordre et ses sous-traitants à l'égard des salariés de ces derniers. Derrière l'idée de profit retiré par le recours à une entreprise extérieure, n'y a-t-il pas également l'idée de l'utilisation de la force de travail? Cette notion n'est-elle pas à l'origine du contrat de travail? Il reste cependant que le donneur d'ordre n'est lié par aucun contrat avec les salariés de ses sous-traitants, il serait difficile de mettre à sa charge des responsabilités autres que, pénales basées essentiellement sur l'idée de profit. Seules les dispositions d'ordre public peuvent mettre en marche une responsabilité fondée sur un tel fondement. L'unique cocontractant du donneur d'ordre reste le sous-traitant qui a entière liberté pour diriger et organiser le travail de ses salariés.

 

B. Responsabilité contractuelle et paiement des salaires.

 

            Trois dispositions du Code du travail rendent le donneur d'ordre débiteur des salaires des salariés de son cocontractant.

            Les articles L. 143-6 et L. 143-8-1° du Code du travail disposent que les ouvriers des entreprises de travaux publics et du bâtiment ont des garanties de paiement vis-à-vis du maître de l'ouvrage ou de l'entrepreneur principal, en cas de défaillance de leur employeur.

            L'article L. 125-2 du Code du travail substitue le donneur d'ordre au sous-traitant pour le paiement des salaires en cas de défaillance du sous-traitant. Cette disposition concerne essentiellement des contrats dont l'objet principal est la main-d'oeuvre nécessaire à l'exécution du contrat, alors même que la main-d'oeuvre est dirigé par le sous-traitant: elle permet que le donneur d'ordres n'échappe pas à toute responsabilité en faisant appel à des tiers sans responsabilité effective et sans surface financière. Elle vise seulement les situations de sous-entreprise de main-d'oeuvre où le sous-traitant n'est pas propriétaire de son fonds de commerce. Cette condition restreint la portée de ce texte.

 

            Les premières sont plus aptes à être étendues à l'ensemble des situations de sous-traitance. On peut songer notamment à insérer des clauses de nature à mettre en jeu la responsabilité sociale du donneur d'ordre en cas de faute de sa part dans l'exécution du contrat (non respect des délais de paiement par exemple...), voir des clauses contractuelles de reclassement en s'inspirant des solutions dégagées dans les groupes de sociétés, lorsque les relations contractuelles sont stables....

 

§ 2. L'opération commune.

 

            L'activité en commun  se concrétise donc par la présence de plusieurs entreprises juridiquement distinctes sur un même lieu de travail et  par l'apparition d'une nouvelle collectivité de travail composée de l'ensemble des salariés de ces entreprises. Cette activité commune justifie des conditions de travail semblables et des règles de travail commune. Le législateur a mis en place une réglementation particulière pour coordonner les mesures de prévention des risques en matière d'hygiène et sécurité où les entreprises participant à une opération commune se partage les responsabilités. L'objet de cette réglementation n'est pas le lien d'emploi avec l'employeur mais l'accomplissement concret du travail par plusieurs entreprises. Chaque chef d'entreprise a ses responsabilités propres et doit veiller à la sécurité de son personnel: "il ne s'agit pas de substituer une entreprise à une autre, ou de définir des responsabilités solidaires, mais au contraire de coordonner les responsabilités"[153]. De même entre les C.H.S.C.T des différentes entreprises intervenantes une coopération est prévue. La loi du 31 décembre 1991 crée un collège interentreprises présidé par le coordinateur . Le C.H.S.C.T. ou les délégués du personnel des entreprises intervenantes sont informées des délibérations et peuvent le saisit de toute question concernant sa compétence.

 

            Reste que les solutions liées à la co-activité ne s'appliquent pas à la sous-traitance externe. L'organisation de la co-activité de plusieurs entreprises à un même processus productif peut se traduire par la définition de conditions contractuelles communes entres le donneur d'ordre et ses sous-traitants. Le rôle de la négociation collective et de la représentation collective doit être également redéfinit, car la structure actuelle ne permet plus l'efficacité des institutions.

 

 

CH2: Une nouvelle organisation des relations collectives.

 

            La négociation collective de branche serait le moyen le plus efficace pour appréhender les différences de traitement entre les salariés des sous-traitants et ceux du donneur d'ordre. Mais elle doit prendre en considération les découpages juridiques de la production en réseau de sous-traitance et recréer une solidarité entre les salariés rattachés à des entreprises juridiquement distinctes.

 

            En matière de négociation collective point n'est besoin du cadre de l'entreprise, même élargie, ni même de liens de droit entre les différentes entreprises pour mettre en place des institutions représentatives du personnel. Mise à part la négociation collective d'entreprise, la négociation collective a pour objectif de définir des règles communes minimales de travail et d'emploi pour organiser la concurrence.

 

            Le réseau de sous-traitance lance véritablement un défi à notre système de négociation collectif . Ni le cadre de la branche, ni même le cadre territorial, ne sont pleinement adaptés pour le saisir.

            Il n'y a pas de définition à priori de la branche d'activité. Ce sont les organisations patronales qui opèrent les regroupements d'activités ou les regroupements sectoriels. C'est en effet leur représentativité qui détermine le champ d'application de la convention de branche. Certaines branches sont ainsi organisées autour d'un marché local du travail, d'autres se forment autour de grandes entreprises, d'autres enfin sont de toutes petites branches définies à un niveau national ou local qui regroupe un seul secteur d'activité.

            Le cadre de la branche d'activité ne permet plus toujours de définir de façon unitaire des règles semblables applicables aux donneurs d'ordres et aux sous-traitants. La spécialisation des entreprises par la création d'un réseau et donc l'apparition d'activités nouvelles accroît cette dispersion.

 

            Le réseau de sous-traitance s'implante parfois dans une zone géographique précise: dans une région la plupart du temps. Mais les petites entreprises sous-traitantes faisant partie du même réseau ne se côtoient pas, n'ont pas d'échanges réguliers.

 

            Deux perspectives s'offrent à nous: l'une s'appuie sur le développement local de la négociation, l'autre sur le réseau de sous-traitance. Mais ces solutions se heurtent à d'importantes difficultés.

 

Section 1: La possibilité de recourir à la négociation de branche.

 

§1. Instaurer des relations professionnelles tripartites.

 

            Au niveau de la branche, à côté des organisations syndicales d'employeurs, la loi mentionne tout autre groupement d'employeurs. L'article L. 132-2 du Code du travail précise que les associations d'employeurs (loi du 1er juillet 1901) ont compétence pour négocier conventions et accords collectifs et qu'elles sont dans le droit de la négociation collective assimilées aux organisations syndicales. Pourquoi ne pas inciter les entreprises sous-traitantes à constituer de telles associations. La négociation collective doit tenir compte des disparités qui existent dans un même secteur entre différents employeurs.

            Cet article a déjà été utilisé. La jurisprudence s'est efforcée de faciliter la conclusion de conventions collectives émanant d'ordres professionnels ou d'organismes analogues, dans les offices publics et ministériels tel que le conseil supérieur du notariat. Le C.N.P.F. est constitué sous forme de la loi 1901 et a pu signer les grands accords collectifs ayant institué le régime d'aide complémentaire aux travailleurs sans emploi....

 

§2. Le choix entre le niveau local et le réseau de sous-traitance.

 

            La négociation locale reste dans la conception classique de la négociation collective de branche. Mais c'est un niveau qui n'a jamais été très développé par le partenaires sociaux. E. GAZON, a réalisé une recherche sur ce niveau de négociation dans la métallurgie où les conventions collectives départementales sont une tradition [154]. Il constate que "le niveau décentralisé des signatures ne signifie pas une plus grande implication des acteurs locaux", que les conventions territoriales sont restées très en retrait par rapport à l'évolution du droit et que ces conventions ont "une faible légitimité" et conclut qu'elles ne jouent pas un rôle important. Il relève en effet qu'elles ne font que répercuter le dispositif législatif en vigueur et n'abordent pas les rémunérations salariales. La formation a cependant été abordé de façon dynamique. Les négociations collectives mobilisent des acteurs extérieurs aux relations industrielles traditionnelles (enseignants, chercheurs, instituts et autorités locales administratives et politiques) afin d'accroître le niveau général de qualifications des salariés.

            Nous pouvons en tirer deux enseignements: le niveau local est méconnu et doit être exploité mais nécessite plus que tout autre niveau une dynamique importante des partenaires sociaux. Ce niveau permet l'élaboration de réponses originales et très concrètes collant aux besoins des entreprises en permettant de tenir compte de toutes les structures qui existent à proximité.

 

            Le cadre du réseau de sous-traitance serait plus pertinent. Les partenaires sociaux seront plus amène de négocier dans une organisation ayant sa propre cohérence. Il faudrait pouvoir développer deux niveaux de négociation distincts et articulés. Le premier concernerait les relations donneurs d'ordres sous-traitants. Il serait intéressant qu'à ce niveau, les conventions définissent le rattachement des sous-traitants à une même convention collective lorsque dans un même secteur d'activité plusieurs sont susceptibles de s'appliquer territorialement. Le Code du travail n'offre-t-il pas la possibilité d'adhérer à une convention collective à l'article L.132-9 du Code de travail? Les règles sont cependant complexes et restrictives lorsque le rattachement se fait auprès d'une branche qui n'est pas la sienne: il suppose l'accord des signataires de l'accord de branche et l'accord des négociateurs dans l'entreprise.

            Cette négociation suppose la participation de toutes les entreprises et de tous les syndicats représentatifs dans les entreprises considérées.

 

Section 2: Les limites du recours à la négociation de branche.

 

            §1.Les obstacles au développement de ces nouveaux espaces.

 

            La première difficulté tient à l'articulation de ses espaces avec la négociation de branche. En l'état actuel des règles légales, la convention de branche applicable en fonction de l'activité principale de l'entreprise s'impose. C'est la règle aussi qui prévaut pour l'ensemble des entreprises d'un groupe. Si les conventions sont conclues dans un autre cadre, elles ne peuvent qu'améliorer, ou être équivalente aux règles de la branche[155].

 

            la seconde difficulté est moins juridique qu'économique. Les entreprises doivent souhaiter ces changements. La politique de sélection des donneurs d'ordre n'encourage pas le développement de la négociation collective. C'est pourtant l'équilibre du tissu économique et social qui est en cause. Le développement d'une concurrence accrue par les coûts salariaux, mais aussi par l'appel à de toutes petites entreprises d'une grande fragilité présente de nombreux risques qui ne peuvent être surmontées que s'il y a un minimum de règles communes. On ne peut pas à la fois accroître les exigences de formation du personnel, de qualité du travail et du prix, sans organiser le marché du travail correspondant. La négociation collective est la solution qui respecte le plus l'autonomie juridique des sous-traitants.

 

            La troisième difficulté est celle de faire émerger des intérêts communs qui soient à la base de nouveaux collectifs de négociation. Pour pouvoir y répondre, il faudrait à la fois une présence syndicale dans les entreprises qui fait actuellement défaut, et un renforcement des structures interprofessionnelles locales. La négociation interprofessionnelle n'a guère de réalité au niveau local, surtout pour définir les règles du travail.

 

            §2. La loi du 12 novembre 1996: de nouveaux espoirs?

 

            L'objectif de la réforme est de donner force de loi à un accord national interprofessionnel du 31 octobre 1995 relatif à la politique contractuelle qui ne pouvait en l'état des textes s'appliquer. Les dispositions n'ont été prises qu'à titre expérimental. Les signataires de cet accord ont retenu deux modalités pour remédier à l'absence de représentation syndicale dans les P.M.E. Le but avoué est de relancer la négociation d'accords dérogatoires en matière d'aménagement du temps de travail.

Pour remédier à cela, les signataires de l'accord, suivis par le législateur, ont prévu la faculté de déroger dans l'entreprise au monopole de négociation et de signature des accords collectifs reconnu aux syndicats. La loi du 12 novembre entérine les dispositions de l'accord dans son article 6 .Cette dérogation doit être autorisée par les partenaires sociaux au niveau de la branche.

            Les entreprises visées sont les entreprises sans délégué syndical, y compris les entreprises de moins de cinquante salariés sans délégué du personnel faisant fonction de délégué syndical, comme le prévoit l'article L.412-11 alinéa 4 du Code du travail. Les accords de branche autorisant la négociation et la signature d'accords d'entreprise avec d'autres représentants que les délégués syndicaux devront préciser le seuil d'effectifs en deçà duquel cette faculté sera possible.

            Deux formules de dérogation sont prévues. Les accords de branche peuvent reconnaître aux chefs d'entreprise la possibilité de négocier et de signer, en l'absence de délégués syndicaux, des accords avec soit les représentants élus du personnel, soit un ou des salariés expressément mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives.

            Bien que ces dispositions dérogatoires ont été prises à titre expérimental, dans le but bien précis de la négociation collective en matière d'aménagement du temps de travail, elles ouvrent des perspectives nouvelles.

            On peut douter d'une véritable négociation au sein de petites unités, faite de propositions et de contre-propositions. Cependant, il est possible que les formules choisies aient plus de succès que celle prévue à l'article L. 412-11 et L. alinéa 4 du Code du travail car elle a pour objet la négociation sur l'aménagement du temps de travail. Cette négociation présente un intérêt pour les petits entrepreneurs, c'est la meilleure des incitations.

            Si la formule marche, cela peut avoir un effet d'entraînement et obliger les syndicats à tenter de s'implanter de nouveau dans les petites structures: soit parce que c'est la deuxième formule qui est choisie (un ou des salariés expressément mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives), soit en réaction contre le grignotage de leur monopole.

            Dès lors, si ce texte arrive à cet effet dynamisant, il serait plus aisé de mettre en place une négociation dans le réseau de sous-traitance ou de la développer au niveau local.

 

            Il reste dommage que les partenaires sociaux et le législateur n'aient pas choisi une solution permettant un véritable équilibre des forces pendant la négociation collective. Dépoussiérer l'article L.132-30 du Code du travail était envisageable. Ce texte prévoit la possibilité de négocier dans le cadre de plusieurs entreprises lorsque celles-ci occupent moins de 11 salariés et qu'elles sont proches géographiquement. Les chefs de ces petites entreprises et les organisations syndicales représentatives dans la sphère géographique correspondant à l'activité de ces entreprises peuvent négocier un accord collectif instituant une commission paritaire. Cette commission paritaire peut être professionnelle ou interprofessionnelle car la faculté de négocier ces accords intéressant plusieurs entreprises ayant des activités différentes.

            La négociation dans le cadre de plusieurs entreprises permet un meilleur équilibre des rapports entre les négociateurs.

 

 


 

            CONCLUSION

 

 

            Comment impliquer un tiers au contrat de travail lorsque ses relations avec l'employeur a des effets néfastes sur l'application du droit du travail? On peut le considérer comme un employeur conjoint.

 

            Si on utilise le critère classique du lien de subordination juridique, il ne sera employeur des salariés que dans le cadre d'une fraude aux dispositions du droit du travail: le contrat de sous-traitance sera requalifié en contrat de prêt de main-d'oeuvre illicite. Cette possibilité n'est offerte que dans le cas de sous-traitance sur site lorsque le donneur d'ordre dirigeait en fait les salariés.

 

            D'où la volonté de mettre en valeur une structure en réseau de sous-traitance: la participation à un même processus productif pourrait responsabiliser le donneur d'ordre vis-à-vis des salariés de son sous-traitant.

            Le droit du travail prend en compte seulement les structures ayant une certaine unité économique et sociale. Dans le réseau de sous-traitance une telle unité n'existe pas.

            De plus, le réseau de sous-traitance est insaisissable:

            Il est instable car les liens contractuels entre donneur d'ordre et sous-traitant le sont également (sauf dans les secteurs de haute technologie, où on trouve des relations de partenariat).

            Il n'a pas de contours. Les sous-traitants peuvent avoir plusieurs donneurs d'ordres ou recourir à une sous-traitance de deuxième niveau: peut-on considérer qu'un sous-traitant puisse appartenir à plusieurs réseaux? Doit-on comprendre dans le réseau les sous-traitants de deuxième niveau?

            Il n'y a pas de communauté d'intérêt dans le réseau. Les relations de sous-traitance sont d'une nature très variable. Le donneur d'ordre peut avoir recours à une sous-traitance de prestations de services, à des sous-traitances de production de spécialité ou de capacité, de haute technologie ou de petite qualité...

            Il n'a aucune des qualités de son grand-frère, le réseau de distribution qui fait l'objet déjà d'une reconnaissance en droit commercial. En le comparant à lui, ses défauts se révèlent insurmontables. Le réseau de distribution se nourrit de relations stables (le distributeur bénéficie d'un contrat-cadre), qui ont toutes la même nature (la distribution du même produit) et a des contours bien définis (le distributeur est tenu par un lien d'exclusivité à son fournisseur).

 

            Il ne reste que des solutions éparses pour tenir compte d'une intrusion de ce tiers dans la relation salariale. Elles ne permettent pas de dégager un régime unique pour l'ensemble des entreprises participant à un même processus productif. La notion de co-activité a de l'avenir mais elle exclut la sous-traitance externe, majoritaire dans la sous-traitance de production.

            Deux autres possibilités laissent plus d'espoir:

            L'une reste dans le cadre du droit du travail: le développement de la négociation collective locale ou dans un réseau, seule capable d'unifier les statuts de salariés.

            L'autre fait couler beaucoup d'encre chez les juristes ces derniers temps. Elle assainirait la relation du sous-traitant avec son donneur d'ordre. Il s'agit du développement d'un droit de l'activité qui établirait un parallélisme entre le régime du contrat de travail et le régime des contrats professionnels.


LES RÉSEAUX DE SOUS-TRAITANCE ET LE DROIT DU TRAVAIL. 1

INTRODUCTION.. 3

1- Le développement de l'organisation en réseau de sous-traitance, de nouvelles raisons de sous-traiter. 3

2- Les répercussions de l'organisation en réseau de sous-traitance sur les salariés: 5

3- Le droit du travail doit-il réagir?. 7

4- La sous -traitance, une réalité complexe. 9

5- Le réseau de sous-traitance, une observation et une démarche. 10

6- Des solutions respectant cette nouvelle organisation. 12

PARTIE 1 : L' état du droit positif 14

Titre 1 - Les salariés du sous-traitant 15

Chapitre 1 : Les conséquences de la sous-traitance sur les droits des salariés. 15

Section 1 : L'emploi 16

§ 1. L'embauche. 16

A. La politique d'embauche. 16

B. Les conséquences. 17

1- Sur le plan quantitatif 17

2- Sur le plan qualitatif 17

a- Dans les textes, une égalité de traitement et des compensations. 18

b- En réalité, un principe  facilement contourné. 19

§2. La gestion de l'emploi 20

A. La politique salariale et les avantages sociaux. 20

1- L'absence d'accord collectif d'entreprise sur les salaires. 21

2-  La présence d' accords collectifs de branches différents. 21

B. La qualification et la formation. 21

1- La politique du sous-traitant 21

a) Une seule priorité : la réduction des coûts. 22

b)  L'exception dans le cadre des relations de partenariat 22

2-  Les conséquences. 23

§3. Les règles de licenciement. 23

A. La taille des entreprises sous-traitantes. 24

B. Le donneur d'ordre, un tiers. 25

C. L'inapplicabilité de l'article L122-12 du Code du travail 27

Section 2 : Les conditions de travail. 29

§1. Le principe. 29

A. Dans la sous-traitance externe. 29

B. Dans la sous-traitance sur site. 30

§2. L'exception. 30

A. L'obligation de coordination et de coopération du donneur d'ordre. 31

B. Le devoir d' "ingérence" du donneur d'ordre. 31

Section 3 : La représentation et la négociation collective. 32

§1. La représentation collective et la négociation collective au niveau de l'entreprise. 32

A. Les facteurs. 32

1- L'effet de taille des entreprises. 32

2- L'éclatement de la collectivité de travail 34

B. Des solutions inexploitées ou inexploitables. 34

1- Le lieu de travail. 34

2- Le regroupement d'entreprises. 35

a) L'unité économique et sociale. 35

b) Le groupe. 38

§2. La négociation collective de branche. 38

A.  L'élaboration. 39

B.  L'applicabilité. 40

C.  L'application. 41

Chapitre 2 : Les raisons d'une déformation. 43

Section 1: L'entreprise. 43

§1. L'effet de taille. 43

§2. Le paradigme de l'entreprise. 44

A. L'entreprise: un ensemble de moyens. 44

1- La notion de service organisé. 44

2- La conception de l'entreprise dans l'alinéa 2 de l'article L.122-12. 45

a) La perte d'un marché ?. 45

b) L'entité économique conservant son identité. 46

B. La pluralité d'entreprises juridiquement distinctes. 48

1- L'unité économique et sociale. 48

2- Le groupe. 50

Section 2: L'employeur et le chef d'entreprise. 51

§1. La pluralité d'employeurs. 53

§ 2. Les personnes ayant un rôle proche de celui de l'employeur sans en avoir sa qualité. 54

Titre 2 : Le sous-traitant: 57

Chapitre 1 : En principe exclu du droit du travail. 57

Section 1: L'inégalité économique. 58

§ 1. Le principe de l'inégalité économique . 58

A. Extrinsèque aux relations de sous-traitance. 58

B. Intrinsèque aux relations de sous-traitance. 60

1-  Le sous-traitant ne maîtrise pas le cycle productif 60

2- Le sous-traitant ne maîtrise pas le produit dont il a la charge. 60

§2. Les conséquences de l'inégalité économique. 61

A. Les modalités d'exécution . 61

B. La durée et cessation des relations. 62

1- Des relations pérennes: le partenariat. 62

2- Des relations instables. 63

Section 2: La prestation. 66

§1. La différence entre contrat de travail et sous-traitance. 66

§2. Malgré des ressemblances entre le contrat de travail et la sous-traitance. 68

Chapitre 2: Exceptionnellement appréhendé par le droit du travail 70

Section 1 : La requalification en contrat de travail 70

§1. L'impact de l'article L. 120-3 du Code du travail. 70

§2. La jurisprudence. 72

Section 2 : La requalification en marchandage et prêt de main-d'oeuvre illicite. 74

§1. L'émergence d'une infraction unique. 75

A. L'opération. 76

1- Le prêt de main-d'oeuvre exclusif ou non. 76

2- L'exclusivité du prêt de main-d'oeuvre. 78

a) La spécificité de la tâche exécutée par le sous-traitant 78

b) Le sous-traitant doit avoir conservé toute son autorité. 79

B. Le but lucratif. 80

C. Les résultats de l'opération. 81

§2. Les responsables de l'infraction. 82

A. Quels responsables?. 82

B. A la recherche de l'intention délictueuse. 83

C. Deux textes, deux responsables. 84

PARTIE 2 : Les perspectives. 87

Titre 1 : Agir sur la situation du sous-traitant 87

Chapitre 1 : Le droit face à l'inégalité contractuelle. 88

Section 1: La dépendance économique. 89

§1.. L'abus de dépendance économique. 90

§2.  La dépendance économique et le contrat d'intégration agricole. 91

Section 2 : Les contrats d'adhésion. 92

Chapitre 2 : Les applications à la sous-traitance. 93

Section 1 : Les applications au rapport contractuel. 93

§1. La formation du contrat. 93

A. La protection du consentement . 93

B. L'instauration d'un contrat-cadre. 94

§2. L'exécution du contrat. 95

§3. La rupture du contrat. 95

Section 2 : Les applications extra contractuelles. 97

§1. Les stratégies individuelles. 97

§2. Les stratégies collectives. 98

Titre 2 : Agir sur la situation des salariés. 99

CH1: Une nouvelle organisation de l'appareil productif. 100

Section 1: Le réseau. 101

§1. Le parallèle entre la structure de groupe et le réseau.. 102

A. La centralisation du pouvoir de décision économique. 102

B. La cohésion de la structure. 104

§2. Quelle responsabilité ?. 105

Section 2: La co-activité. 107

§1. Le bénéfice du travail. 107

A. Responsabilités pénales et profit. 107

1- La jurisprudence en matière de marchandage. 108

2- Les bénéficiaires du travail "dissimulé". 108

B. Responsabilité contractuelle et paiement des salaires. 109

§ 2. L'opération commune. 110

CH2: Une nouvelle organisation des relations collectives. 111

Section 1: La possibilité de recourir à la négociation de branche. 112

§1. Instaurer des relations professionnelles tripartites. 112

§2. Le choix entre le niveau local et le réseau de sous-traitance. 113

Section 2: Les limites du recours à la négociation de branche. 114

 


 

 

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[1] Avis du 31 mars 1973.

[2] voir notamment:

 J. MAGAUD, L'éclatement de la collectivité de travail, Dr. Soc. 1975 p525;

 A. LYON-CAEN, A propos de l'entreprise éclatée, Dr. ouvrier 1981 p127;

 M. JEANTIN, L'entreprise éclatée : intérêts d'une approche commercialiste du problème, Dr. Ouvrier 1981, p118.

[3] voir l'effet accordéon décrit par M.-L. MORIN dans son enquête réalisée pour le Commissariat au Plan, Sous-traitance et relations salariales, aspects de droit du travail, 1994, p80.

[4] voir supra. Note 2.

[5] G. TEUBNER, Droit et réflexivité, l'auto-référence en droit et dans l'organisation. L.G.D.J. 1994.

[6]  G.TEUBNER, Nouvelles formes d'organisation et droit. Revue Française de Gestion, nov-déc. 1993, p.58.

[7] Question posée par G. LYON-CAEN, Le droit du travail, une technique réversible. Dalloz 1995.

[8] La sous-traitance à l'étranger ,importante dans certains secteurs d'activités, ne sera cependant pas étudier ici faute notamment de documentation à ce sujet.

[9] Précitée.

[10] "Externalisée" est pris dans le sens où l'activité du sous-traitant ne s'exerce pas dans les mêmes locaux que celle du donneur d'ordre.

[11]  la sous-traitance de production entraîne souvent la réalisation de prestations de service sur le site de l'entreprise donneuse d'ordre afin d'installer ou d'entretenir les produits réalisés sur la commande de ce dernier.

[12] G.TEUBNER, Nouvelles formes d'organisation et droit. Revue Française de Gestion, nov-déc. 1993, p50.

[13]. Nous nous concentrerons sur la sous-traitance de premier niveau, c'est-à-dire sur l'extériorisation effectuée par cette entreprise et non celle effectuée par les sous-traitants de celle-ci, appelée sous-traitance de deuxième niveau. Voir supra.

[14] Voir notamment: G. VIRASSAMY, Les contrats de dépendance, L.G.D.J. 1986.

[15] Le domaine de la distribution a fait aussi l'objet d'une thèse publiée: L. AMIEL-COSME, Les réseaux de distribution. LGDJ 1995. Cette recherche vise, comme son intitulé l'indique, une nouvelle approche des contrats de distribution par une vision en réseau.

[16] Voir cependant la requalification en prêt de main-d'oeuvre illicite. Infra.

[17]. Voir récemment la fermeture  prévue de l'usine Renault de Vilvoorde.

[18] sans parler des conséquences lorsque certaines activités sont délocalisées à l'étranger.

[19] Articles L.122-1, L.122-2 et L.122-1-1 du code du travail pour les contrats à durée déterminée; et L.124-2 et suiv. pour le contrat de travail temporaire.

[20] Voir cependant l'article L124-4-6 du code du travail sur les règles concernant les conditions de travail.

[21] Les sous-traitants de grande taille dans les secteurs de pointe ont une politique salariale identique, mais ils restent minoritaires parmi l'ensemble des sous-traitants.

[22] Voir supra les négociations et conventions ou accords collectifs.

[23]  L'article L951-1 du code du travail obligent les entreprises de plus de dix salariés à financer des actions de formation à hauteur de 1,5% de la masse salariale. Ce taux est baissé à 0,15% pour les entreprises de moins de dix salariés.

[24] M. -L. MORIN, Enquête précitée.

[25] Voir G. LYON-CAEN.

[26] Selon l'expression utilisée par Mme M.-L. MORIN.

[27] Voir infra.

[28] voir infra.

[29] De même, dans les raisons d'un licenciement pour motif personnel, il peut y avoir le refus de la présence d'un salarié par le donneur d'ordre dans son entreprise (dans le cadre de la sous-traitance sur site).

[30] Voir infra, Partie2.

[31] Voir infra.

[32] Ass. plén. 16 mars 1990 (deux arrêts), Droit Soc. 1990, p410 note .G. Couturier. La formule de principe est celle utilisée par la Cour Européenne de Justice dans sa jurisprudence sur l'application de la directive du 14 février 1977 relative aux conséquences sur les contrats de travail d'un transfert d'entreprise.

[33] "Le critère réside dans la continuité d'une même entreprise, définie comme une entité économique autonome dont l'activité se poursuit sous une responsabilité nouvelle, avec la totalité ou une partie essentielle des moyens de production ou d'exploitation". Ass. pl.du 16 mars 1990 Appart et Schwindling c/Touring Club de Paris-Ouest.

[34]  Voir Soc. 26 septembre 1990 Mme Pink c/ Castorama, Gaz. Pal. 1991 panor. 102. Voir également Soc. 12 décembre 1990 Société Autocars Bonnot, J.C.P. IV 54: où seule l'activité de transport avait été transférée sans les moyens matériels servant à son exécution.

[35] Voir notamment Soc. 12 décembre 1990 Société Eurotransit international, J.C.P. IV, 53.

[36] Voir notamment Cass. Soc. 12 décembre 1990 Guegan J.C.P. 1991 IV, 53, Gaz. Pal. 1991 1 panor. 152.

[37] Selon une décision du Conseil d'État le règlement intérieur comportant les prescription en matière d'hygiène et sécurité, est "applicable à toutes les personnes qui exécutent un travail dans l'entreprise, que ces personnes soient ou non liées par un contrat de travail avec l'employeur qui a établi le règlement". CE 4 mai 1988, JCP 1988 IV 231.

[38] Voir supra.

[39] L'unité économique et sociale peut ainsi exister entre des associations mais ne peut exister entre deux établissements distincts d'une même société. Cass. soc. 8 avril 1992 et Cass. soc.21 nov. 1990: Bull. civ. V, n°578.

[40] Voir notamment l'arrêt du 24 nov. 1992.

[41] La notion a été définie dans un arrêt du 15 mai 1990.

[42] Sauf dans le cadre d'une relation de sous-traitance de type partenariale où le donneur d'ordre demande à son cocontractant d'être qualifié.

[43] La loi du 2/11/1996 en témoigne: cette loi vise à permettre une négociation collective sur les modulations du temps de travail dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux, seuls habilités à négocier. Voir aussi la loi du 20 déc. 1993 faisant suite au rapport Bélier sur la représentation collective dans les P.M.E..

[44] Le lien de subordination juridique est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné; le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail. Cass. soc. 13 nov. 1996. Dr. Soc. 1996, p1067, note Dupeyroux.

[45] Vr Dr. Soc. 1986 p606.

[46] Bull. civ. v, n°3 et Dr. Soc. 1986, p1, concl. PICCA.

[47] C.J.C.E. 10 fév. 1988. Dr. Soc. 1988, p12.

[48] Ass. plén. 16 mars 1990, Cahiers soc. du Barreau de Paris, n°19 à 23.

[49] Cass. soc. 10 janv. 1995, R.J.S. 1995, 98 n°108 (reprise d'une activité de prospection de clientèle).

[50] J. BARTHELEMY, Le droit des groupes de sociétés, Dalloz, 1991, n°1402.

[51] R. de LESTANG, La notion d'unité économique et sociale d'entreprises juridiquement distinctes: Dr. Soc., 1979, p5.

[52] Les formules utilisées auparavant ont été : "ensemble économique unique", "ensemble économique et social unique", "groupe économique unique", "une seule entreprise au regard du droit du travail" et "unité de travail".

[53] Voir notamment un arrêt du 28 fév. 1973 (Bull. n°124, Centre Auvergne) où la Cour de Cassation annule la désignation d'un délégué syndical commun à un groupe de sociétés au motif qu'elles ne constituaient pas "une entreprise unique".

[54] G. PICCA, Entreprise et unité économique et sociale. Sur l'entreprise et le droit social, Études offertes à J. BARTHELEMY, Hors série de Dr. du trav. et de la sécurité sociale, 1994, p9.

[55] Terminologie qui s'inspire de la directive européenne qui visait à organiser l'information et la consultation des salariés dans le cadre communautaire et donc à dépasser le droit du travail de chaque État membre.

[56] Personne physique ou morale depuis la refonte du code pénal.

[57] B.TEYSSIE, L'interlocuteur des salariés. D. Soc. 1982, p51.

[58]"Par suite, employeur et chef d'entreprise ne doivent pas être opposés; car nous sommes en présence non de deux notions juridiques distinctes, mais d'un concept à double dimension: au plan de la relation juridique abstraite et individuelle, l'employeur est un contractant, au plan des rapports collectifs, concrets, cette qualité se résorbe dans celle de chef d'entreprise". I. VACARIE, L'employeur. Thèse publiée. Édition Sirey, 1979, p.1.

[59]. I. VACARIE, op. cit.

[60] Cass. soc. 13 mai 1969, citée dans B. TEYSSIE, op. cit., p44-45.

[61] Cette confusion d'activités étant souvent aggravé par celle des locaux, la présence à leur tête des mêmes personnes...

[62] I. VACARIE, op. cit., p41 et suiv.;  et p217 et suiv.

[63] B. TEYSSIE, op. cit., p54.

[64] B. TEYSSIE, op. cit. p46.

[65] G.H. CAMERLYNCK, Traité de droit du travail, T.1, 1968, p97 n°55.

[66] En pratique, cependant, diverses formes d'arrangements informels permettent de maintenir le personnel sur place entre deux contrats.

[67] A. LABBE, Contrat de vente et contrat d'entreprise en matière de sous-traitance (Compte rendu des travaux du groupe de travail juridique chargé par la Commission Technique de la sous-traitance d'étudier les critères distinctifs du contrat de vente et du contrat d'entreprise), R.T.D. Com., 1981, p.13, n°24. Cité par G. VIRASSAMY, Th. précitée p. 42.

[68] Pour reprendre l'expression de M.L. MORIN dans son enquête précitée.

[69] Nouvelles formes d'organisation et droit. Revue française de gestion, Nov.- Déc. 1993

[70] G. VIRASSAMY, Les contrats de dépendance, L.G.D.J. 1986.

[71] Voir l'enquête de M.-L. MORIN, précitée.

[72] Pratique, rappelons-le, qui consiste à encourager un salarié à quitter l'entreprise qui l'emploie afin qu'il se mette "à son compte" financé en partie par cette dernière qui s'engage souvent en contrepartie à recourir à ses services.

[73]   Les contrats de dépendance économiques sont des "contrats régissant une activité professionnelle dans laquelle, l'un des partenaires l'assujetti, se trouve tributaire pour son existence et sa survie, de la relation régulière privilégiée ou exclusive qu'il a établi avec son cocontractant, le partenaire privilégié, ce qui a  pour effet de le placer sous sa dépendance économique et sous sa domination". Ouvrage précité.

[74] M.-L. MORIN, Sous-traitance et relations salariales, aspects du droit du travail. Travail et Emploi n°60, p28.

[75] Pratique courante pour la production ne requérant pas beaucoup de technicité.

[76] De 3 ans ou plus.

[77] Sous-traitance de deuxième niveau.

[78] Voir infra.

[79] Cette distinction ressort de l'article L. 1779 du Code civil qui dissocie le louage des gens de travail et celui des architectes, entrepreneurs d'ouvrages et techniciens.

[80] Nous ne faisons pas, ici, la distinction terminologique entre travail et activité. Cependant voir sur ce point: F. GAUDU, Travail et activité. D. soc. 1997, p119.

[81] Voir notamment, G. LYON-CAEN,Le droit du travail, une technique réversible. Dalloz 1995. Et aussi, T. AUBERT-MONTPEYSSEN, Les frontières du salariat à l'épreuve des stratégies d'utilisation de la force de travail. D. Soc. 1997, p616.

[82] M. LALLEMENT et M. MAILLEFER, Du contrat à la convention: les nouvelles théories économiques de la relation d'emploi." Documents pour l'enseignement économique et sociale, n°78-79, déc. 1989, p106.

[83] Pour certains indépendants ont parle plus volontiers d'obligation de moyen renforcé lorsque le résultat ne peut être garanti: il s'agit des professions libérales, médecins, avocats...

[84] F. MEYER et C. SACHS-DURAND, Evolution du rapport salarial. Etudes en hommage à Mme H. SINAY. 1994, Ed. Peter Lang, p.373.

[85] Voir notamment: A.LYON-CAEN, Les clauses de transfert de risques sur le salarié. Revue juridique d'Ile-de-Fance n°39-40 1996, p 151.

[86] C. FAVEREAU, Evolution récente des modèles et des représentations théoriques du fonctionnement du marché du travail. Problèmes économiques n°1955, 1er janv. 1986, p9.

[87] Il est à noter que le Doyen Cuche avait proposé comme critére du contrat de travail, le critère de dépendance économique, mais que cette solution a été écartée par la Cour de cassation dans un arrêt du 6 juillet 1931: "la condition juridique du travailleur à l'égard de la personne pour laquelle il travaille, ne saurait être déterminée par la faiblesse ou la dépendance économique dudit travailleur et ne peut résulter que du contrat conclu entre les parties, que la qualité de salarié implique, nécessairement l'existence d'un lien juridique de subordination du travailleur à la personne qui l'emploie". Civ., 6 juillet 1931, D.P. 1931,1 , 121. Cité par L. AMIEL-COSME, Les réseaux de distribution. LGDJ 1995, p.193.

[88] Ass. Plén. 4 mars 1983, Bull. n°3.

[89] Voir notamment: J. FERRION, Sous-traitance ou prêt de main-d'oeuvre illicite? Droit du travail et de la sécurité sociale, janvier 1996 p3.

[90] Voir notamment: VILLERME Association, La loi Madelin et le Code du travail: à contre-courant, une menace qui devrait pourtant rester sans effet. Dr. Soc. 1994, p673.

[91] On ne peut engager ses services à temps ou pour une entreprise déterminée.

[92] I. VACARIE, Travail subordonné, travail indépendant: question de frontière? Revue Juridique d'Ile-de-France, n°39-40, p103.

[93] Tel l'article L. 781-1 pour les distributeurs.

[94] Voir notamment: F. GAUDU, L'application du droit du travail à des travailleurs non salariés. Revue juridique d'Ile-de-France, n°39-40 1996, p 163.

[95] Voir supra.

[96] Cependant le seul fait d'avoir la possibilité d'embaucher, non exercée, n'empêche pas la requalification du contrat commercial en contrat de travail. C'est ce qui semble découler de l'arrêt du 10 avril 1991 de la chambre sociale de la Cour de cassation. Arrêt n° 1604, pourvoi n° 87-45.870. En l'espèce le contrat concernait une activité de gardiennage et prévoyait l'agrément des deux donneurs d'ordres pour toute embauche de personnel de la part du dit sous-traitant.

[97] G. LYON - CAEN, Où mènent les mauvais chemins. D. Soc. 1995, p647.

[98] Nombreux sont ceux qui ne réalisent pas les conséquences sur leur statut. Leur ancien employeur établit souvent lui-même les factures de ces anciens salariés. Voir notamment: F. DOROY, La vérité sur le faux travail indépendant. D. Soc. 1995, p. 638.

[99] Article L.125-3 du Code du travail: "Toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d'oeuvre est interdite sous peine des sanctions prévues à l'Article L.152-3 dès lors qu'elle n'est pas effectuée dans le cadre des dispositions du livre 1er, titre 2, chapitre IV du présent code relative au travail temporaire."

[100]  Y.CHALARON, Pour un nouveau concept pénal de marchandage ou "trafic de main-d'oeuvre". Dr. Soc. 1980, p507.

[101] Article précité.

[102] Éclatement de la collectivité de travail. Observations sur les phénomènes d'extériorisation de l'emploi, Dr. soc. n°9-10 1979. Cité par A. LEBAIL, La sous-traitance à l'épreuve du droit du travail. Thèse, Paris X.

[103] M. PETIT, Les pratiques et leur justification judiciaire. Dr. Ouvrier 1981, p139.

[104] H. BLAISE, A la frontière du licite et de l'illicite; la fourniture de main-d'oeuvre. Dr. Soc. 1990, p419.

[105] Y. CHALARON, article précité.

[106] Voir notamment: T.G.I. 28 mai 1980, D. soc. 1981, p334; Crim. 25 juin 1985, Bull. Crim 1985, n°250, cité par A. LEBAIL, Thèse précitée, p 95.

[107] Crim. 21 janv. 1986, J.C.P.E. n° 714869.

[108] Crim. 18 avril 1989, D. soc. 1990, p424. Voir également: 25 avril 1989, idem, p425.

[109] Leurs investigations et leur travail de qualification est en la matière primordiale.

[110] Voir notamment: CA Lyon 17 mai 1988, D. ouv. janv. 1990, p33. Crim. 7 août 1995, D. ouv. 1996, p138.

[111] Arrêt Crim. 21 janv. 1986, précité .

[112] Dite aussi sous-traitance structurelle: cette sous-traitance est par nature de longue durée: l'activité extériorisée n'est pas une activité que l'entreprise donneuse d'ordre garde en partie en interne. Elle est opposée à la sous-traitance de capacité ou conjoncturelle qui, au contraire de la précédente, extériorise une activité que l'entreprise donneuse d'ordre ne peut momentanément exercée (hausse trop importante de la demande...). Il ne faut cependant pas perdre de vue qu'une sous-traitance de capacité peut se transformer en une sous-traitance de spécialité.

[113] Soc. 9 juin 1993. Sem. juridique. V, n°164, p. 111.

[114] Soc. 4 avril 1990, D. ouv. 1990, p. 492. Dans cette affaire la seule activité prestataire était la commercialisation des produits pharmaceutiques de l'entreprise utilisatrice. Voir également Tribunal correctionnel de Versailles 18 déc. 1995, J.C.P. 1996, 22-640.

[115] La rémunération n'est pas forfaitaire.

[116] Crim. 7 août 1995, D. ouv. 1996, p. 138.

[117] Crim. 23 juin 1987, Bull. crim. n°263.

[118] Voir notamment: T G.I. 17 déc.1980, Droit ouvrier 1981,p156; et CA Lyon 17 mai 1988, D. ouv. 1990 p32: où la Cour d'appel relevait pour caractériser l'infraction pénale prévue à l'article L.125-1 que le contrat ne répondait à aucun des caractères spécifiques du véritable contrat de sous-traitance.

[119] A comparer notamment: CA Lyon 17 mai 1988, D. ouv. 1990, p33 (L.125-1) ; et CA Rouen 29 janv. 1980, D. ouv. 1981 p149 (L.125-3).

[120] Article précité de 1980.

[121] Crim.23 mars 1993, C.S.B. 1993. 185, S. 101.

[122] Il est à noter en effet que dès lors qu'on constate que l'objet principal du contrat n'est pas une prestation particulière, mais bien un prêt de main-d'oeuvre, ce prêt contrevient forcément aux dispositions réglementant le seul prêt à but lucratif autorisé, c'est-à-dire le travail temporaire. Voir J.H. ROBERT, note sous T.G.I. du 18 déc. 1995, J.C.P. 1996 II 22-640.

[123] Voir notamment: Soc. 4 avril 1990, D. ouv. 1990, p142.

[124] Voir notamment: Crim. 7 août 1995, D. ouv. 1996, p138.

[125] Les salariés sont souvent embauchés pour la durée du contrat de sous-traitance ou de prestations de services. Vr notamment Tribunal Correctionnel de Versailles 18 déc. 1995, précité.

[126] Y. CHALARON, précité, p.512.

[127] Les procés verbaux des inspecteurs du travail visaient aussi systématiquement le prêteur de main-d'oeuvre et non l'utilisateur.

[128] Crim. 25 avril 1989, D ouv. 1990, p. 403.

[129] Articles L.324-10 et L. 324-13 du code du travail. Vr infra.

[130] Précité. Les gérants des entreprises prestataires sont également responsanbles.

[131] Cela peut peut- être également expliquer les longues années sans condamnation pour délit de marchandage les juges hésitant à condamner des prestataires poussés par leur donneur d'ordre à contourner les dispositions légales. Voir notamment: T.G.I. 17 déc. 1980, D. ouv. 1981, p. 156. où les juges dénoncent que le montage juridique crée entre une E.T.T. et une entreprise prestataire, n'a été fait qu'à la demande de l'entreprise utilisatrice.

[132] T.G.I. 18 déc. 1995 précité. Voir également C.A. de Paris 18 mars 1996, D. ouv. 1996, p.256: où l'entreprise sous-traitante manquait d'autonomie et était sous la "subordination" de l'entreprise donneuse d'ordre.

[133] Tel que nous avons procédé dans le CH1 du Titre 1 de cette partie.

[134] D. ouv. 1981, p.150.

[135] Voir cependant: CA Paris 11 fév.82, cité par A. LEBAIL, Thèse précitée, p129. Dans cette arrêt les juges du fond ont recherché le délit de marchandage par rapport au sous-traitant relevant que l'opération n'avait causé aucun préjudice aux salariés qui percevaient la même rémunération et bénéficiaient des mêmes avantages collectifs pendant la durée de leur extériorisation !! (toutefois ils relevaient que l'entreprise utilisatrice n'avait pas tenter d'éviter le dépassement d'un certain seuil d'effectif).

[136] Voir notamment CA Rouen  12 fév. 1980. D. ouv.1981, p150.

[137] T.G.I. de Versailles 18 déc. 1995, précité.

[138] Voir infra.

[139] Voir supra.

[140] Protection qui pourrait aboutir à un droit de l'activité. Voir notamment: G. LYON-CAEN, précités, 1995.

[141] Précité.

[142] Décis. 8 juin 1993, "Pratiques mises en oeuvre par le groupe Cora". Rapp. 1993, p.206; décis.15 déc. 1993, "Pratiques relevées dans le secteur de la publicité", Rapp. 1993, p.394.

[143] P. A. CREPEAU, cité par J. GHESTIN, Les caractères actuels des relations contractuelles et du droit positif, Traité de droit civil. L.G.D.J. 1980, 2eme édition, p. 68.

[144] T. REVET, Rupture des contrats de dépendance et rupture du contrat de travail. Revue juridisque d'I-D-F, n° 39-40 1996, p. 195.

[145] Articles L. 781-1 et L. 782-1 du Code du travail.

[146] G. TEUBNER, 1993, précité, p. 56.

[147] H. COLLINS, Ascription of Legal Responsability to Groups un Complex Patterns of Economic Interaction. Modern Law Review, 53, p.744. Cité par G. TEUBNER, Nouvelles formes d'organisation et droit. Revue Française de Gestion, nov.-déc. 1993, p. 55.

[148] Cité par I. VACARIE, précité, 1979.

[149] Des tiers tels que les sous-traitants de deuxième niveau (sous-traitants des entreprises sous-traitées par l'entreprise centrale).

[150] G. TEUBNER, précité, Revue française de gestion.

[151] Terme emprunté à M. -L. MORIN, précité, 1996.

[152] Cité par: F. SALAS, La mise en cause des bénéficiaires du travail clandestin. Dr. Soc. 1996, p917.

[153] M.-L MORIN, précité, 1996 p.129.

[154] E. GAZON, La décentralisation des négociations collectives dans la métallurgie: limites et différenciations. Travail et Emploi n°65, p.39.

[155] "La pratique des accords de groupe se développe permettant une unification des statuts après une absorption ou une prise de contrôle. Cette pratique n'a pas fait l'objet de dispositions législatives et la jurisprudence ne favorise pas leur conclusion. Si un accord d'entreprise, conclu au sein d'un groupe, soumet le groupe dans son ensemble à une seule convention collective de branche (chimie), il ne peut faire échapper une des sociétés du groupe à la convention correspondant à sa propre activité et qui l'avait jusque-là régie (pharmacie). Il y a là un frein à l'unité de statut collectif au sein d'un groupe traité comme une seule entreprise; par là même, une subordination de la négociation d'entreprise à la négociation de branche". A. ROTSCHILD-SOURIAC, Les accords de groupe, quelques difficultés juridiques, Dr. soc. 1991.491