Diplôme d’Etudes
Approfondies de Droit Social, dirigé par Monsieur le Professeur Antoine Lyon-Caen, près
l’Université Paris X - Nanterre
Quelles réactions du droit du
travail face à la sous-traitance ?
Les
enseignements de l’exemple italien
Mémoire réalisé par
Monsieur Arnaud OLIVIER,
Suite aux interventions
de :
-
Maria-Vittoria
Ballestrero, Professeur près
l’Université de Gênes,
-
Elisabeth
Fortis, Professeur près
l’Université Paris X - Nanterre,
-
Antoine
Lyon-Caen, Professeur près
l’Université Paris X - Nanterre,
-
Adalberto
Perulli, Professeur près l’Université
de Venise,
Et aux entretiens que ces
derniers ont bien voulu lui accorder ;
Avec pour Maître de
mémoire, Monsieur le Professeur Antione
Lyon-Caen.
Année universitaire 2001 - 2002
Monsieur Arnaud Olivier tient à
remercier vivement les Professeurs Ballestrero, Fortis, Lyon-Caen et Perulli
pour leurs enrichissantes interventions, les clefs de compréhension offertes,
et surtout pour leur disponibilité et leur patience.
Le phénomène de la
sous-traitance ou l’extériorisation des risques
Avant de déterminer en quoi la sous-traitance interroge le
droit du travail, la discussion commande de s’accorder sur une définition de la
notion de sous-traitance…
‘La chose’ - identification de
l’acception pertinente :
« Je ne discute jamais du nom,
pourvu qu’on m’avertisse quel sens on lui donne »
Blaise Pascal[1]
Le terme « sous-traitance » est de ceux qui ont un
sens juridique beaucoup plus étroit que leur sens économique, sens économique lui-même
plus étroit que le sens commun du mot.
Légalement, seule la loi du 31 décembre 1975
dite « relative à la sous-traitance » propose une définition de la
notion. « Au sens de cette loi, la sous-traitance est l’opération par
laquelle un entrepreneur, dit entrepreneur principal, confie par une convention
appelée ‘sous-traité’ [ou ‘contrat de sous-traitance’], et sous sa
responsabilité, à une autre personne nommée ‘sous-traitant’, tout ou partie de
l’exécution du contrat d’entreprise ou du marché public conclu avec le maître
de l’ouvrage » ; le recours à la sous-traitance impliquant, pour
l’entrepreneur principal, l’obligation de faire accepter les sous-traitants par
le maître de l’ouvrage[2].
Il va en résulter une relation
triangulaire (du moins dans l’hypothèse la plus simple qui se complique en
cas de sous-traitance en chaîne) : maître de l’ouvrage – entrepreneur
principal – sous-traitant ; le tout dans le cadre de contrats d’entreprise
qui « découlent » les uns des autres. L’intérêt de cette notion juridique
est d’instituer un certain réaménagement des risques au profit du
sous-traitant qui bénéficie d’une protection particulière pour le paiement de
son marché[3]
: action directe contre le maître de l’ouvrage à certaines conditions.
La loi du 31 décembre 1975 propose
une définition bien trop étroite pour notre propos, définition créée uniquement
pour les besoins de la loi, dont l’objectif est d’éviter les faillites en
chaîne en prévoyant une action directe du sous-traitant contre le maître de
l’ouvrage en cas de défaillance de l’entrepreneur principal. Cette définition
ne nous sera d’aucun secours dans le cadre de notre travail[4].
Cette sous-traitance au sens juridique est souvent désignée comme
« sous-traitance de marché » pour l’opposer à la « sous-traitance
économique ».
Economiquement, on parle de sous-traitance à
chaque fois qu’un agent de production n’assure pas personnellement toutes
les opérations conduisant à la confection du produit qu’il élabore, mais
recourt, pour tout ou partie de ces opérations, à un autre agent : le
sous-traitant. L’exemple type est celui du constructeur automobile achetant ou
faisant confectionner certains éléments d’équipement.
Cette sous-traitance se traduit
donc, contrairement à la « sous-traitance juridique », par des
rapports juridiques qui sont toujours bipartites, entre d’une part l’agent
producteur et le consommateur, d’autre part l’agent et son sous-traitant. Ces
derniers contrats, achats ou prestations de service, sont à la fois antérieurs
et extérieurs au contrat final conclu avec le consommateur.
Bien que le droit (italien et
français) du travail ait réservé un certain écho à cette conception de la
sous-traitance, ce n’est pas celle-ci que nous prendrons comme point de départ
à nos développements, d’une part parce qu’elle laisse peu de place à la
sous-traitance de service, d’autre part parce qu’elle lie cette notion à un
rapport assez immédiat avec la production du donneur d’ordres. Partant elle
nous semble trop étroite pour permettre de saisir le phénomène qui nous
interroge dans le cadre de ce travail.
Dans le langage
commun, la
sous-traitance prendra un sens beaucoup plus large par rapport aux deux sens
qui viennent d’être rappeler. Nous désignerons par sous-traitance toute
relation par laquelle un agent économique autre que le consommateur final,
agent que nous appellerons « le donneur d’ordres », recourt à un
autre agent, « le sous-traitant » pour que ce dernier produise un
bien ou réalise un service. C’est bien à cette acception du terme que se
réfèrent les agents économiques lorsqu’ils affirment : « Je
sous-traite la paye, la comptabilité, la confection de tel élément…etc. »
Peu importe alors la forme
juridique que pourra prendre cette opération. Notons simplement qu’il s’agira
le plus souvent d’un contrat de vente ou d’un contrat d’entreprise. Peu importe
également le rapport plus ou moins direct de ce qui est sous-traité avec la
production du donneur d’ordres (‘production’ étant ici entendu très
largement : il pourra s’agir aussi bien de la production de biens que de
la ‘production de services’).
C’est cette dernière acception du
terme que nous adopterons dans le cadre de nos réflexions. Nous noterons
d’emblée que si le droit français du travail utilise le terme « sous-traitance »[5],
il ne définit pas expressément la notion[6].
En ce qui concerne le droit italien, nous verrons qu’il se réfère à la
définition proposée par le langage commun français pour appréhender le
phénomène, mais non pour le traiter. Seule la définition proposée par la langue
commune permet de saisir ‘ce phénomène de la sous-traitance qui interroge le
droit du travail’…
‘Le problème’ -
identification de la problèmatique :
L’extension des relations de sous-traitance depuis une
vingtaine d’années s’inscrit dans une profonde transformation de l’organisation
productive, organisation visant à donner davantage de flexibilité et de
compétitivité sur des marchés élargis. Comme mode de coordination entre les
agents économiques qui s’inscrit dans une nouvelle division du travail, ces
relations conduisent à de nouvelles formes de gestion de l’emploi, sinon à de
nouvelles relations salariales qui participent au double mouvement de
flexibilité de l’outil de la production et de flexibilité de l’emploi.
La sous-traitance
apparaît motivée par le choix de limiter les effectifs en interne,
d’extérioriser les opérations les moins rentables financièrement, et les plus
coûteuses socialement, auprès d’entreprises tierces. Plutôt que de recruter,
via des contrats de travail, la main d’œuvre nécessaire à la satisfaction de
ses besoins, un agent économique va ‘sous-traiter’. De ce fait il transfère le
coût social sur le sous-traitant, puisque c’est ce dernier qui va le plus
souvent être identifié par le droit comme débiteur (en tant qu’employeur) de
l’application du statut social garanti par le droit social au(x)
salarié(s) ; et ce alors même que la sous-traitance permet fréquemment au
donneur d’ordres d’exercer, de fait (voire même de droit), un certain pouvoir
sur l’entreprise sous-traitante. Or les sous-traitants étant
généralement des PME, la garantie offerte par ce statut sera plus fragile et
plus faible. Plus fragile en raison de la plus grande fragilité
économique qui est souvent celle du sous-traitant par rapport à une grande
entreprise, sa survie étant plus difficile (plus de risque social parce que
plus de risque économique). Plus faible en raison de la division de
l’organisation productive en unités plus petites. Car contrairement à un
certain discours, le droit du travail astreint les PME à moins d’obligations
(et assure donc moins de garanties, d’avantages pour les salariés) qu’il ne le
fait pour de plus grandes entreprises[7].
Le transfert du risque de l’emploi, et de sa gestion, est d’ailleurs un élément
déterminant de la stratégie des donneurs d’ordres. Ce faisant, la
sous-traitance produit un ensemble de différenciations : un même travail
peut être accompli avec un statut social différent.
Les conséquences de la
sous-traitance sur la gestion de la main d’œuvre interrogent directement le
droit du travail. Celui-ci a pour objet la protection du travail subordonné,
et, en tant qu’il détermine les règles d’utilisation du travail, il a aussi
pour fonction d’organiser la concurrence entre les agents économiques. Le Professeur
Supiot observe que « ceci se justifie par la particularité de ce qui
s’échange sur le marché du travail : non pas une marchandise, mais une
« ressource humaine » dont l’entretien et la reproduction sur la
longue durée ont un coût qui doit être supporté par celui qui en bénéficie,
et non pas abandonné à la charge de la collectivité ou des autres
entreprises »[8]. Or la
sous-traitance introduit un ensemble de liens et de différenciations entre
entreprises qui ont des conséquences importantes sur l’application des règles
de droit du travail, qu’il s’agisse des règles de l’emploi, de celles qui
concernent l’organisation et les conditions de travail, ou des relations
professionnelles. Pour les appréhender, il faut tenir compte non seulement du
lien d’emploi mais aussi de la relation qui s’établie entre les entreprises.
Fondamentalement, la sous-traitance pose alors la question de savoir si les
bases sur lesquelles s’est construit le droit du travail sont adaptées pour
saisir ces relations et leurs conséquences sur l’emploi.
Comment le droit
appréhende-t-il cette déconcentration/décentralisation (?) productive ?
C’est peut-être cette hésitation entre les deux termes qui traduit le malaise.
Elle permet de comprendre la distance qui existe entre les situations concrètes
et leur représentation juridique[9],
c'est-à-dire les modèles normatifs qui doivent permettrent d’évaluer l’action
des parties à laquelle ils servent de cadre[10].
De fait, avec la sous-traitance, nous ne sommes, la plupart du temps, ni
tout à fait dans la déconcentration, ni complètement dans la décentralisation.
Nous sommes entre les deux : il n’y a ni ‘subordination absolue’, ni
‘autonomie totale’ de l’entreprise sous-traitante vis-à-vis de l’entreprise
donneuse d’ordres. De fait coexistent souvent une certaine autonomie de
l’entreprise sous-traitante et un certain pouvoir (ordres, instructions…) du
donneur d’ordres ; ce que le langage commun a le mérite de nous suggérer à
travers le vocable « donneur d’ordres ». Certains sociologues du
travail nous éclaireront certainement avec cette idée d’ « autonomie
contrôlée »[11]. Or, de
droit (du travail), tant en Italie qu’en France, traditionnellement
« c’est tout l’un, ou tout l’autre ». Soit il y a « lien ‘juridique’ J de subordination_ »[12],
auquel cas le droit du travail trouve à s’appliquer, soit il n’y a pas cette
« subordination juridique » (doit-on alors en déduire qu’il y a
‘autonomie juridique’ ?), auquel cas le droit du travail n’a pas à
s’appliquer. Et surtout, de droit (italien et français du travail), il ne peut
y avoir qu’un seul lien juridique de subordination, qu’un seul et unique
détenteur du pouvoir de direction.
Ainsi le phénomène
sous-traitance brouille largement les relations de subordination, ce à quoi le droit
italien du travail, inflexible, entend s’opposer, alors que le dispositif
français s’avère être plus souple sur ce terrain (I). Mais finalement, contre
l’extériorisation, la solution passe peut-être par un traitement en aval des
effets qu’elle induit ; ces effets motivant considérablement le succès du
phénomène. Cela ne peut toutefois se faire sans un dépassement du critère du
lien juridique de subordination (II). Enfin la négociation collective, qui
serait aujourd’hui à même[13]
de solutionner tous les problèmes, pourrait peut-être nous apporter quelques
secours (III).
I - Les
verrouillages en amont : un droit français plus permissif que le droit italien
quant au 'truquage' du lien juridique de subordination
A
travers l’interdiction de l’ « interposition », le droit italien
du travail s’avère être plus strict que ne l’est le dispositif français (B). Ce
faisant il offre une très belle illustration des limites rencontrées par les
représentations juridiques traditionnellement utilisées pour appréhender les
problèmes posés par la sous-traitance (A).
A –
L’interdiction de l’ « interposition » en droit italien du
travail : une illustration des limites des critères traditionnels
d’identification de l’employeur
Le législateur italien est intervenu dès 1960, avec la loi n°
1369[14],
afin de réagir aux problèmes posés par la sous-traitance[15].
L’intitulé de la loi a son importance, il en illustre très bien la
philosophie : « « Interdiction d’intermédiation et
d’interposition dans les prestations de travail ET nouvelle discipline quant à
l’emploi de main d’œuvre dans la sous-traitance d’œuvre ou de
service » »8.
L’article 1er alinéa 1er
de cette loi interdit à l’entrepreneur d’utiliser, au moyen d’un contrat de
sous-traitance ou de toute autre opération, l’exécution de véritables
prestations de travail à travers l’emploi de main d’œuvre engagée et rétribuée
par le sous-traitant ou l’intermédiaire, et ce quelque soit la nature de
l’œuvre ou du service auxquels se réfèrent la prestation. Un tel schéma est qualifié
par le droit italien d’ « interposition »[16].
Il s’agira alors de déterminer si il y a réellement sous-traitance, ou si les
relations existant entre l’entrepreneur et les salariés du sous-traitant ne
révèlent pas plutôt un contrat de travail.
Quel pouvoir de direction ?
Les juges italiens sont
venus éclaircir cet énoncé. Selon l’Assemblée plénière de la Cour de cassation
italienne, il suffit, pour tomber sous le coup de l’interdiction légale, qu’il
y ait une situation effective de travail utilisé par le donneur d’ordres et
sous son pouvoir de direction, qui prévaut sur la situation formelle telle
qu’elle résulte du contrat conclu avec l’employeur nominal (qui est aussi
sous-traitant du donneur d’ordres)[17].
Dans ce même arrêt, la Cour précise que l’existence ou non d’une intention
frauduleuse entre les parties n’a aucune importance pour caractériser une
violation de la loi.
Une orientation assez importante
chez les juges du fond a consisté à s’attacher, non pas tant à l’objet de
l’opération, mais plutôt à la nature du sujet présumé interposé. Il s’agirait
alors de vérifier si ce sujet a ou non « une réelle autonomie
organisationnelle et entrepreneuriale » dans l’absolu[18].
Les Professeurs Ballestrero et De Simone ont estimé qu’une telle lecture conduisait
à restreindre le champ d’application de l’interdiction[19].
Mais la Cour de cassation a rappelé qu’il convenait de procéder à cette
recherche, d’utiliser ces deux indices, dans le cadre de la relation objet du
contrat de sous-traitance[20].
La Cour observe qu’il est possible que le sous-traitant ait une autonomie
organisationnelle (c’est-à-dire un pouvoir de direction), mais qu’il ne
l’emploie pas, ne l’utilise pas précisément dans l’exécution de l’œuvre ou du
service commandé en l’espèce.
A notre sens, le
raisonnement emprunté par la Cour de cassation italienne met en lumière quelque
chose que les décisions judiciaires françaises ne rendent pas aussi
transparent. A travers cette observation, la Cour pointe du doigt le fait qu’il
existe divers degrés, ou peut-être plutôt plusieurs domaines du pouvoir de
direction : un pouvoir global, d’organisation générale, et un pouvoir de
direction plus immédiat (« Vous ferez çà, comme ceci… »). Et la Cour
nous dit que le premier, le pouvoir global d’organisation générale, n’implique
pas nécessairement le second, le pouvoir de direction immédiat. Nous sommes
tentés de prolonger le raisonnement de la Cour de cassation italienne pour
affirmer que la proposition se vérifie aussi dans l’autre sens : le
second, le pouvoir de direction immédiat, n’implique pas nécessairement le
premier, le pouvoir global d’organisation générale. Partant, la lecture d’une
partie des juges du fond n’était pas nécessairement plus restrictive. Nous
marquerons ainsi notre désaccord avec l’analyse proposée par les Professeurs
Ballestrero et De Simone. Il peut donc y avoir une déconnexion entre un pouvoir
de direction global et un pouvoir de direction plus immédiat, l’un n’impliquant
pas nécessairement l’autre, et vice versa.
Un
indice volant non identifié par le droit français : l’autonomie
‘entrepreneuriale’
Aussi il importe de
relever que la pratique judiciaire italienne utilise clairement un troisième
critère pour identifier l’employeur réel : celui de l’ « autonomie
‘entrepreneuriale’ »[21].
Par « autonomie ‘entrepreneuriale’ », nous proposerons
d’entendre : capacité d’autodétermination de ses chances de profits et des
risques de pertes. Ce troisième critère, qui n’est en fait qu’un indice, est
beaucoup plus utilisé qu’en droit français (où, selon le Professeur A.
Lyon-Caen, il ne serait que subsidiaire, c’est-à-dire mobilisé par les juges
uniquement en cas d’hésitation quant à l’existence d’un lien de subordination
juridique[22]). Or nous
sommes tentés de soutenir que ce que nous avons observé pour les deux domaines
du pouvoir de direction vaut également pour les rapports entre l’autonomie
entrepreneuriale et le pouvoir de direction (qu’il soit global ou
immédiat) : le lien de subordination stricto sensu ne coïncide pas
nécessairement avec cet indice.
Prenons par exemple le cas d’un
travailleur qui assure des services informatiques. Nous souhaiterions vivement
que la Cour de cassation française nous démontre par quel miracle un tel
travailleur n’est pas subordonné[23].
Il reçoit des ordres, des instructions on ne peut plus précises sur tout. Il
est difficile de faire plus subordonné que ce travailleur là !! Pourtant
les juges français, comme les juges italiens du reste, nous disent qu’il n’y a
pas prêt de main d’œuvre illicite[24],
et ce en se référant au seul lien de subordination juridique. Cette solution ne
peut s’expliquer que par la présence d’un second indice pour identifier un
rapport de travail subordonné, celui de l’autonomie entrepreneuriale. Indice
clairement avoué par les juges italiens mais pas par la pratique judiciaire
française. Certes ce travailleur est très subordonné, mais par sa compétence
très particulière, il a une très forte capacité à déterminer lui même ses
chances de profits, ses risques de pertes. Il est en effet dans une position
très enviable lorsqu’il s’agit de fixer le prix de sa prestation[25].
Prenons maintenant l’hypothèse, non
pas d’un travailleur mais d’une société assurant des services informatiques. Si
ce travailleur est engagé par cette entreprise, ce sera bien elle qui détiendra
dans une large mesure l’autonomie entrepreneuriale. Ainsi, de la même manière
qu’il peut y avoir déconnexion entre pouvoir global d’organisation générale et
pouvoir de direction immédiat, il peut y avoir déconnexion entre titulaire du
pouvoir de direction et titulaire de l’autonomie entrepreneuriale. Les trois
indices utilisés par les juges peuvent donc ne pas coïncider…
Employeur et employeurs
Que faire alors si les trois
indices que le droit italien identifie (autonomie organisationnelle – pouvoir
de direction immédiat – autonomie entrepreneuriale) sont respectivement
rattachables à trois agents différents ? Le juge italien se trouve alors
dans une situation bien peu confortable, puisque la Cour de cassation décide
qu’ « il n’est pas possible de retenir la coexistence de deux
rapports de travail subordonné en même temps »[26].
Toutefois, le système italien a au moins
le mérite d’être cohérent avec lui-même. En effet, la Cour de cassation
italienne affirme qu’un salarié ne peut toujours avoir qu’un seul et unique
employeur, et ce même dans les groupes. Et partant la même Cour admet qu’il
puisse y avoir interposition, y compris au sein d’un groupe[27].
Par contre les juges français admettent, en présence d’un groupe de sociétés,
et seulement dans ce cadre, qu’il puisse y avoir, de droit, une pluralité de
liens de subordination (ou peut-être, pour être plus exact, une segmentation du
lien de subordination)[28].
Nous nous trouverions en face d’un « employeur conjoint »[29],
ou peut être plutôt d’une conjonction d’employeurs[30].
Partant, il ne serait pas possible de « faire commerce avec soi
même »[31].
Pourquoi la Cour de cassation
française distingue t-elle, alors qu’aucun texte du Code du travail ne le
commande, entre l’hypothèse du groupe de sociétés et les autres cas ? Pour
la Cour de cassation italienne, « s’il existe des liens
‘économico-financiers’ entre des entreprises gérées par des sociétés
appartenant à un même groupe, cela n’emporte aucune conséquence sur l’autonomie
[juridique] des diverses sociétés, lesquelles demeurent dotées d’une
personnalité juridique propre ». Et la Cour d’en conclure que l’existence
d’un groupe de sociétés ne doit entraîner aucune conséquence dans notre matière
(l’identification de l’employeur)[32].
L’argument paraît difficilement contestable. En effet, l’existence d’un groupe
de sociétés (identifié par les liens ‘économico-financiers’ qui existent entre
les différentes sociétés) ne devrait pas entraîner de conséquence quant à
l’identification de l’employeur. Dès lors, la position de la Cour de cassation
française nous paraît très critiquable en ce qu’elle n’admet l’existence d’une
conjonction d’employeurs QUE dans les groupes de sociétés. Malgré tout,
il est aisé de comprendre ce qui anime la Cour : c’est bien plus l’idée de
groupe d’entreprises que celle de groupe de sociétés qui peut expliquer
la solution. L’idée serait la suivante : les liens économico-financiers
qui caractérisent un groupe de sociétés font présumer l’existence d’un pouvoir
vertical[33]. Mais alors
pourquoi limiter cette reconnaissance de la conjonction d’employeurs à la seule
hypothèse du groupe de sociétés ? Une telle relation de pouvoir peut aussi
bien exister dans des configurations autres que celle du groupe de sociétés[34].
Nous penserons notamment aux « réseaux »[35], et à la… sous-traitance. Au moins devrait-on
admettre que la preuve de l’existence d’une telle relation de pouvoir produise
quelque effet en droit (du travail)[36].
Le raisonnement tenu par la Cour de cassation italienne ne peut qu’être
approuvé en ce qu’il refuse de distinguer les cas où il y a groupe de sociétés
et les autres hypothèses. Ce que la Cour de cassation française admet en
présence d’un groupe de sociétés, elle devrait pareillement l’admettre en
l’absence d’un tel groupe. Il peut tout à fait y avoir groupe d’employeurs en
dehors d’un groupe de sociétés.
Il est d’ailleurs révélateur que le
tout récent article L. 432-1-2 du Code du travail[37],
prévoit une « information / explication utile » du comité
d’entreprise du sous-traitant en cas de projet de restructuration du
donneur d’ordres, projet de nature à affecter le volume d’activité ou d’emploi
de l’entreprise sous-traitante. Nous ne pourrons toutefois que nous interroger
sur les conséquences possibles de l’introduction de cette disposition dans le
Code du travail. Certes à travers ce texte le législateur reconnaît
nécessairement l’existence d’un pouvoir vertical, voire d’un pouvoir global
d’organisation générale, mais il n’en tire que de timides conséquences. Il est
donc permis de se demander si, bien plus qu’il ne traite le problème, le
législateur ne le légitime pas. En effet, lorsqu’il s’agira de statuer sur les conséquences
logiques de l’existence de relations de pouvoir, les donneurs d’ordres pourront
désormais invoquer un argument a contrario. L’argument vaudra a
fortiori dans le cas des réseaux…[38]
Rejet
d’une approche fonctionnelle
Nous ne pourrons résister
à l’envie de faire part d’une interrogation d’observateur extérieur, lequel ne
maîtrise bien évidemment pas tous les tenants et les aboutissants de la
pratique judiciaire italienne. Mais cette observation n’est pas neutre, puisque
c’est défendre une idée qui nous est chère, celle du fonctionnalisme. La Cour
de cassation italienne n’adopte t-elle pas une approche fonctionnelle en
la matière ? Dans l’arrêt précité[39],
l’occasion du litige était la suivante : un salarié était licencié. Afin
de bénéficier de garanties plus importantes quant à ce licenciement, il
soutenait que son employeur réel était la société mère (et non la filiale comme
son contrat de travail l’indiquait). Or pour apprécier si c’était la société
mère qui devait être considérée comme l’ employeur, la Cour s’est en
l’espèce attachée au fait que c’était bien la société mère qui décidait de
la constitution du rapport de travail subordonné, de ses modifications
formelles (rattachement à telle ou telle filiale), et de sa cessation. Et c’est
tout : la Cour ne fait pas état d’autres éléments appréciés. Quid
du pouvoir de direction immédiat ? L’arrêt ne fait aucune référence plus
ou moins directe à ce pouvoir.
Autrement dit le juge italien ne
peut reconnaître l’existence de deux employeurs dans un même litige, dans une
même décision. Pour autant, il n’est peut-être pas exclu qu’un salarié ait une
option, qu’il puisse faire valoir ses droits auprès de différents agents, dès
lors qu’il est suffisamment averti. Ainsi il y aurait comme une règle de concordance.
De cette règle, dégagée par la jurisprudence française, il résulte que la
qualité représentative d’un syndicat doit s’apprécier dans le cadre de la
prérogative invoquée (ou plutôt contestée), et uniquement dans ce cadre[40].
L’approche des juges est alors clairement empreinte de
fonctionnalisme : ils devront déterminer si le syndicat est représentatif
pour cette prérogative. Comme nous l’avons vu, les juges italiens semblent
bien se livrer à une appréciation fonctionnelle pour identifier
l’employeur. Mais en tirent-ils les mêmes conséquences que les juges français
en matière de qualité représentative ? En droit français, il découle de
cette appréciation fonctionnelle qu’une même décision de justice ne peut
reconnaître un syndicat représentatif à tous les égards (pour toutes les
prérogatives)[41]. Or
l’article 1er de la loi n° 1369 dispose que l ’employeur
identifié est employeur « à tous les effets »[42].
Cette disposition constitue un obstacle sérieux à la reconnaissance juridique
d’une conjonction d’employeurs, et plus encore à la consécration d’une
véritable approche fonctionnelle[43].
Mais aucune disposition semblable n’existe en droit français. Par a
contrario…[44]
Si nous poussions cette logique
fonctionnelle à l’extrême, les garanties entourant le licenciement pourraient
s’appliquer à la décision du donneur d’ordres de cesser l’activité à laquelle
est occupé le salarié (officiellement assumé par le sous-traitant)[45].
En droit français, pour être justifiée, sa décision devrait donc se rattacher
soit à des difficultés économiques, soit à une mutation technologique, soit à
une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité (une
prestation mal faite par le sous-traitant pourrait rentrer dans cette dernière
hypothèse)[46]. En bref,
serait employeur celui qui utilise l’un des pouvoirs de direction (quel qu’il
soit) vis-à-vis du salarié[47].
Ce faisant, une telle approche permettrait d’accompagner le phénomène de la
sous-traitance tout en s’inscrivant dans le prolongement des idées en vogue de développement
durable et de bonne foi entre les acteurs économiques.
Mais ce n’est pas la voie empruntée
par le système italien puisque l’employeur identifié, le seul, l’unique,
devra répondre des obligations découlant d’un contrat de travail à tous les égards[48].
Si c’est le donneur d’ordres, il sera lié au salarié par un contrat de travail
à durée indéterminé, et ce, quelque soit la relation de travail initiale qui a
pu exister avec le sous-traitant[49].
En
fin de compte, à travers l’interdiction de l’interposition, le droit italien du
travail s’emploie à éviter que la situation de subordination formelle ne
prévale sur la situation de subordination réelle. Une institution française
remplit-elle cette même fonction ?
B – Le
prêt de main d’œuvre illicite : de la tolérance par le droit français du
travail de l’interposition
En droit français, deux institutions principales encadrent la
légalité, entre autre, des opérations
de sous-traitance. Il s’agit du prêt illicite de main d’œuvre et du
marchandage, prévus respectivement aux articles L. 125-3 et L. 125-1 du Code du
travail. Aux termes du dernier de ces textes, est constitutif du délit de
marchandage, « toute opération à but lucratif de fourniture de main
d’œuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou
d’éluder les dispositions de la loi ou du règlement ou de convention ou accord
collectif de travail ». Il apparaît donc immédiatement que cette
institution ne pourra être utilement comparée avec celle de l’interposition,
laquelle vise tout autre chose. Par contre, il est indéniable que ce que vise
l’interposition en droit italien n’est finalement rien d’autre que le prêt
de main d’œuvre. C’est donc le prêt illicite de main d’œuvre que nous
rapprocherons de l’interposition italienne. D’ailleurs le fait que les deux
institutions soient, dans leurs environnements respectifs, opposées au travail
temporaire, nous confortera dans cette entreprise.
L’article L. 125-3
alinéa 1er du Code du travail interdit toute opération à but lucratif
ayant pour objet exclusif le prêt de main d’œuvre, dès lors qu’elle n’est pas
effectuée dans le cadre de la législation relative au travail temporaire.
Immédiatement nous percevons que le droit français ne paraît pas interdire tout
prêt de main d’œuvre, puisque les conditions du délit semblent s’accumuler. Le
prêt de main d’œuvre en lui même ne serait donc pas nécessairement illicite,
contrairement à l’interposition qui l’est nécessairement[50].
Ainsi l’interdiction française serait plus restreinte.
A le supposer
constitué, le délit de prêt illicite de main-d’oeuvre est passible d’un
emprisonnement de deux ans et/ou d’une amende de 30 000 €[51]. Il faut souligner que le
fournisseur, mais aussi l’utilisateur, en tant que participants à l’opération
de prêt de main d’œuvre, peuvent être condamnés comme coauteurs de l’infraction[52].
Il s’ensuit qu’ils seront condamnés in solidum en cas d’action en
réparation basée sur cette infraction. Seconde conséquence sur le plan
civil : l’impossibilité pour chaque coauteur d’agir efficacement contre
l’autre en paiement des sommes normalement dues au titre de l’opération
(incriminée)[53], en
application du principe ‘Nemo auditur… (propriam
turpitudinem allegans)’’[54].
La sévérité (croissante) de la
répression de cette infraction est tout à fait remarquable, ce qui traduit
l’extrême gravité, dans l’esprit du législateur, des agissements
répréhensibles. En effet, le délit est passible, depuis la loi n° 91-1383 du 31
décembre 1991, de peine d’emprisonnement et non plus seulement d’amende, ce qui
a notamment pour effet de rendre possible, pour les officiers de police
judiciaire, la procédure de flagrance. Outre les peines principales, tout un
arsenal répressif a été progressivement mis en place. Les juges pourront ainsi
prononcer une interdiction d’exercer l’activité de sous-entrepreneur de main
d’œuvre pour une durée de deux à dix ans, interdiction dont l’irrespect est
lui-même pénalement sanctionné[55].
Ils pourront également ordonner l’affichage ou[56]
la publication du jugement[57].
Le prêt illicite de main d’œuvre a fait en outre partie des toutes premières
infractions imputables aux personnes morales, ce qui peut paraître logique
puisqu’elles sont les premières à bénéficier des agissements incriminés[58].
La loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 a prévu, concernant les personnes
morales, la peine d’amende (150 000 €), l’affichage ou la publication de
la décision prononcée, la confiscation, l’exclusion des marchés publics, le
placement sous surveillance judiciaire, la fermeture d’établissement, et même,
alors pourtant que l’esprit du nouveau Code pénal est de la réserver aux
infractions les plus graves, la dissolution[59].
A ces sanctions proprement pénales s’ajoute, depuis la loi n° 97-210 du 11 mars
1997, la possibilité pour
l’autorité administrative compétente de refuser d’accorder des aides publiques
à l’emploi ou à la formation professionnelle pendant une durée de cinq ans, et
ce dès lors que l’intéressé a fait l’objet d’une verbalisation[60].
De plus, la loi a étendu, pour la poursuite de ces infractions, le droit
reconnu aux organisations syndicales représentatives d’exercer l’action civile
en substitution du salarié sans avoir à justifier d’un mandat de l’intéressé,
lequel ne dispose que d’un simple droit d’opposition[61].
Cette volonté d’accroître la répression est relayée par la pratique judiciaire
qui a estimé que cette action spécifique laisse entière la possibilité l’action
syndicale générale fondée sur l’article L. 411-11 du Code du travail[62].
La chambre criminelle retient en effet qu’un préjudice matériel et moral,
distinct de celui personnellement subi par le salarié, est causé à la
profession représentée par le syndicat, du fait de la diminution des
possibilités d’embauche de travailleurs permanents[63].
Mais quels sont
précisément les opérations, les agissements, constitutifs du délit de prêt
illicite de main d’œuvre ? Quels sont les critères utilisés pour
caractériser l’illicéité de l’opération ? Y a-t-il en la matière une
concordance entre ce qui est dit, ce qui est commandé, et ce qui est jugé ?
La
présentation traditionnelle du droit positif français
Toutes les
présentations du droit positif que nous avons pu rencontrer[64]
convergent dans une même direction : pour distinguer, en matière de
sous-traitance, le licite de l’illicite, il convient de se référer aux
caractéristiques du contrat d’entreprise. Parmi ceux qui prétendent décrire le
droit positif, un consensus se dégage pour définir le contrat d’entreprise à
peu près comme ceci : le contrat d’entreprise est une convention par
laquelle l’entrepreneur s’engage à exécuter, avec ses propres moyens, une tâche
précise, objective, nettement définie, rémunérée de façon forfaitaire, et ce en
toute indépendance (notamment en conservant son autorité sur le personnel).
Il appartiendrait aux juges, chaque fois
qu’ils sont saisis, d’appliquer la méthode du faisceau d’indices pour
déterminer s’il y a véritablement contrat d’entreprise, ou bien prêt de
main d’œuvre illicite. En effet, ce serait la combinaison de tous les « critères »
qui permettrait de caractériser la véritable nature de l’opération, chacun des
« critères » étant insuffisant à lui seul pour en établir la licéité
ou l’illicéité[65]. La
recherche de l’objet véritable de l’opération conduira les juges à définir avec
précision la nature même de la prestation à accomplir, les moyens matériels,
mais aussi humains, affectés à l’exécution de cette prestation, ainsi que ses
modalités de facturation.
La nature spécifique de la prestation à exécuter
L'absence d’une réelle
prestation nettement définie et distincte de celle de la société utilisatrice
constitue un indice révélant un prêt de main d’œuvre illicite.
Il va de soi que l’objet du contrat
organisant la relation de sous-traitance ne doit pas être la mise à disposition
de personnel. Les auteurs et les commentateurs rappellent que la mise à
disposition d’un ou plusieurs salariés pour effectuer le travail convenu doit
être un moyen et non l’objet du contrat d’entreprise. L’objet de la convention
serait le résultat à atteindre par le sous-traitant : la tâche doit être
nettement définie[66].
Dans la mesure du possible, elle doit être matérialisée quand bien même il
s’agirait d’une prestation de nature intellectuelle : le résultat attendu par
le client pourra être par exemple la mise au point d’un programme informatique,
l’établissement d’un rapport d’étude ou d'expertise, le recrutement d’un
salarié, la traduction d’un document…etc. Ainsi constitue un prêt de main
d'œuvre illicite, et non un contrat d’entreprise, la mise à disposition de
dessinateurs et de projeteurs auprès de huit entreprises utilisatrices pour de
longues périodes, dès lors que la société prestataire n’était chargée
d’aucune étude technique spéciale, et que ses propres dirigeants eux‑mêmes
étaient dans l’incapacité de préciser sur quels projets travaillait le
personnel mis à disposition[67].
La présence d’une obligation de résultat de la part du prestataire s’analyse
comme un indice important du caractère illicite de l’opération[68].
Si le sous-traitant peut faire état d’une compétence spécialisée dans le type
de travail convenu, cela sera perçu comme un indice de l’absence d’un prêt
illicite de main-d’oeuvre. Toutefois, la technicité propre au sous-traitant
n’est déterminante qu’autant que ce type de compétence n’est pas disponible
chez le client[69]. De même
est‑il préférable de recourir à un contrat à temps déterminé plutôt
qu’indéterminé pour ne pas s’exposer à des poursuites pénales.
Ainsi, dès lors que la prestation
fournie à une société n’est pas définie autrement que par une mise à
disposition de démonstrateurs, pour réaliser des ventes, pendant une période
indéfinie ; que la durée de la formation donnée aux démonstrateurs est
insusceptible de conférer une qualification réelle aux salariés qui l’ont suivie ;
que la tâche des démonstrateurs est rigoureusement identique à celle des
vendeurs salariés permanents de la société utilisatrice, la situation est
caractéristique d’un prêt de main d’œuvre illicite[70].
L'absence de spécificité des travaux effectués par le sous‑traitant est
de nature à caractériser l’illicéité de l’opération[71].
Les moyens mis en oeuvre
L’indépendance du
prestataire se mesurera à sa capacité à mettre en oeuvre les moyens nécessaires
à l'exécution du travail à accomplir. L’absence de moyens matériels ou de
matériaux indispensables à l’activité qui fait l’objet de l’opération de
sous-traitance caractérise « inévitablement » le prêt de
main-d’oeuvre[72]. Il peut
s'agir des moyens matériels (tels que outillage, matériaux, matériel… – le fait
de travailler avec les matériaux du donneur d’ordres et avec son matériel est
révélateur d'un prêt de main‑d'œuvre, et non d’un contrat d’entreprise[73]),
ainsi que des moyens humains (c'est-à-dire disposer d’un personnel compétent
pour l’exécution de la prestation à accomplir). La mise à disposition de
personnel peut se justifier par la compétence spécifique des salariés
concernés. C’est ainsi qu’une Cour d’appel s’est vue reprocher d’avoir
condamné un chef d'entreprise spécialisée en services et conseils en informatique,
sur le fondement de l’article L. 125‑3 du Code du travail, sans répondre
aux conclusions du prévenu qui faisaient valoir que « l’une des activités
essentielles l’oblige à déléguer son personnel auprès de sa clientèle, [et que]
l'entreprise assure à cet effet la formation technique de ses employés en vue
de l'exécution des programmes prévus… »[74]. La prestation revêt alors la forme
d'un « accompagnement intellectuel, composé de toute une série de services que
peut rendre la société prestataire, en plus de la fourniture de la main
d’œuvre. C’est ce plus, matériel ou intellectuel qui permet en fin de compte de
distinguer le contrat d’entreprise du prêt illicite de main-d’oeuvre »[75].
L’autorité du prestataire sur son personnel
Pour échapper à la
qualification pénale de prêt de main-d’oeuvre illicite, l’opération de
sous-traitance ne doit pas aboutir au transfert du lien de subordination au
profit du donneur d’ordres vis à vis du personnel détaché. Même lorsqu’il
effectue une prestation sur site, le sous-traitant doit conserver l’autorité
sur son personnel, et exercer un contrôle sur la réalisation du travail. Cette
exigence se traduira par la présence d’un personnel d’encadrement qui
supervisera l’accomplissement du travail. Le donneur d’ordres ne doit pas
intervenir directement auprès du personnel, dans le cadre de l’exécution des
travaux confiés au sous-traitant, comme il le ferait avec ses propres salariés.
Il ne peut en principe intervenir directement dans la gestion de ce personnel,
qu’il s’agisse de la fixation des horaires de travail, de la discipline…etc[76].
Les juges se montrent très vigilants et considèrent qu’il y a prêt illicite de
main-d’œuvre, lorsque les circonstances de fait démontrent que le salarié mis à
disposition par le sous-traitant est soumis à l’autorité du donneur d’ordres[77].
La rémunération de la prestation
La prestation fournie
doit être rémunérée forfaitairement. Toute forme de rémunération en fonction du
nombre d'heures constitue un indice allant dans le sens de l’existence d’un
prêt de main d’œuvre illicite. Se trouve ainsi condamnée la pratique dite du « travail en régie », qui consiste à mettre un salarié à la disposition d’une entreprise en
lui refacturant le nombre d'heures passées[78].
Beaucoup d’auteurs considèrent que
cet indice est secondaire, la spécificité des tâches accomplies par
sous-traitant pouvant justifier un mode de rémunération prenant en compte la
durée du travail et le nombre de salariés mis à disposition. A l’inverse, la
facturation forfaitaire ne sera pas considérée comme un indice décisif du
contrat d’entreprise lorsque l’entreprise utilisatrice peut facilement
déterminer à quel nombre d’heures de travail correspond exactement le travail
confié[79].
Pour le Professeur Blaise, le critère de la rémunération « joue un rôle
accessoire »[80].
Ainsi
donc les juges se fonderaient sur la convergence de ces indices pour distinguer
l’illicite du licite, à savoir le prêt de main d’œuvre du contrat d’entreprise,
en dépit de la lettre et de l’esprit des textes…
De
l’esprit et de la lettre des lois
Ce discours sur le droit a de quoi surprendre l’observateur,
du moins le juriste coutumier du contrat d’entreprise, et plus encore celui qui
aura lu attentivement l’article L. 125-3 alinéa 1er du Code du
travail.
Tout
d’abord, l’opposition du prêt illicite de main-d’oeuvre au contrat
d’entreprise, et surtout la présentation qui vient d’être faite de ce dernier,
ont de quoi étonner. En effet cette présentation contredit l’essentiel des
caractéristiques du contrat d’entreprise telles que consacrées par le droit
positif (effectif). Commençons par le premier article relatif au contrat
d’entreprise dans le Code civil[81].
Celui-ci nous enseigne que la fourniture par l’entrepreneur de la matière n’est
nullement un critère du contrat d’entreprise, bien au contraire. L’article 1787
du Code civil dispose effectivement qu’il est possible de convenir que
l’entrepreneur « fournira seulement son travail ou son industrie, ou
bien qu’il fournira aussi la matière ». Au contraire la fourniture de
la « matière » peut conduire à écarter la qualification de contrat
d’entreprise au profit de celle de contrat de vente[82].
En outre le contre d’entreprise est un contrat consensuel qui n’est soumis à
aucune forme déterminée. L’établissement d’un devis descriptif n’est donc pas
nécessaire à son existence[83],
alors qu’un tel devis est souvent présenter comme un élément éloignant du prêt
de main d’œuvre illicite (et rapprochant donc du contrat de sous-traitance).
Surtout l’accord préalable sur le coût des travaux n’est pas un critère du
contrat d’entreprise[84].
Qui plus est, en cas d’absence d’accord sur le prix, il incombe aux juges de
fixer celui-ci en fonction des éléments de la cause, et notamment en fonction du
nombre d’heures de travail nécessaires[85].
Ajoutons à cela que la présence d’une obligation de résultat pesant sur
l’entrepreneur n’est en aucune manière une condition du contrat d’entreprise.
D’ailleurs, la plupart du temps, l’entrepreneur ne sera pas soumis à une telle
obligation de résultat[86].
Enfin le Code civil n’attribue pas spécialement les risques de l’entreprise
commandée à l’entrepreneur[87],
et les parties sont en toutes hypothèses totalement libres d’aménager un
certain partage des risques comme elles l’entendent[88],
contrairement à ce que la présentation du droit positif évoquée laisse souvent
entendre.
Ainsi, à notre sens, l’opposition
prêt illicite de main d’œuvre / contrat d’entreprise se ferait contre nature[89].
Elle ne peut pas tenir, et ce d’autant plus que dans de nombreux cas, le
support juridique de la sous-traitance sera un contrat de vente et non un
contrat d’entreprise[90].
D’ailleurs, il est particulièrement révélateur que la Cour de cassation ne se
réfère pas dans ses décisions, au (prétendu) « contrat
d’entreprise », mais au « contrat de sous-traitance »
(véritable, par opposition à celle masquant un prêt de main d’œuvre illicite).
La
question n’en devient alors que plus pressente : Qu’est ce que vise le texte
sur le prêt illicite de main d’œuvre ?
L’article L. 125-3 alinéa 1er du Code du travail dispose
« Toute opération à but lucratif ayant pour objet
exclusif le prêt de main d’œuvre est interdite sous peine
des sanctions prévues à l’article L. 152-3 (dès lors qu’elle n’est pas
effectuée dans le cadre des disposition du livre Ier , titre II,
chapitre IV du présent code relatives au travail temporaire »). Ainsi le
lecteur peut remarquer la présence de trois critères (cumulatifs) quant
à la constitution du délit. Aussi convient-il de s’attarder quelque peu sur la
signification de ces différents critères.
La condition première est celle de
l’existence d’un prêt de main d’œuvre. Que faut-il entendre par
là ? Certains soulignent la différence entre le prêt de main
d’œuvre, visé à l’article L. 125-3 du Code du travail, et la fourniture de main
d’œuvre, visée quant à elle à l’article L. 125-1 du même code, sans pour autant
proposer une définition des deux concepts. Il peut en effet sembler raisonnable
de penser que les mots ont un sens et que le législateur n’a pas entendu viser
la même chose, faute de quoi il aurait employé le même terme. Ceux qui
remarquent la différence entre les deux termes soutiennent souvent que le
concept de fourniture est plus large que celui de prêt, qu’il engloberait. Mais
ces remarques ne sont pas d’un grand secours. En ce qui nous concerne, nous ne
pensons pas qu’un concept soit plus vaste que l’autre, de sorte qu’il le
recouvrirait. Par contre la comparaison des deux concepts peut aider à en
comprendre la portée. A notre sens, « fournir », c’est apporter
quelque chose à quelqu’un, lui créer un plus, un avantage[91].
Pour sa part, l’emploi du verbe « prêter » suppose que celui qui
prête remet à autrui ce qu’il possède lui-même. Appliqué au prêt de main
d’œuvre, cette approche conceptuelle amène à la conclusion suivante : le
prêteur de main d’œuvre prête ce qu’il a lui-même, c'est-à-dire son autorité,
son pouvoir de direction vis-à-vis du personnel[92].
La notion de prêt de main d’œuvre impliquerait donc en elle-même un certain
transfert du lien juridique de subordination. Mais contrairement à ce qu’il en
est en droit italien, ce critère ne devrait pas être suffisant à lui seul pour
caractériser une opération illicite, puisque le texte français ajoute d’autres
conditions à la constitution de l’infraction.
Le deuxième des trois critères
requis par le texte pour établir l’illicéité de l’opération doit être recherché
dans l’objet (réel[93])
de cette dernière. L’opération doit avoir exclusivement pour objet le prêt
de main d’œuvre. Ainsi le ‘truquage’ du lien juridique de subordination
semble permis par le texte dès lors que l’opération a un objet plus large que
le simple prêt de main d’œuvre. Partant, si le sous-traitant fournit une
véritable prestation, si il apporte quelque chose, un plus, au donneur
d’ordres, au delà du prêt de main d’œuvre qu’il peut lui consentir, l’opération
devrait échapper aux foudres de la répression pénale, comme le principe
d’interprétation stricte de la loi pénale[94]
le commande.
Enfin, pour que l’infraction soit
constituée, encore faut-il que l’opération ait un but lucratif. Cette
notion devrait logiquement être plus restrictive que celle de contrat à titre
onéreux. En effet, tout contrat à titre onéreux n’implique pas nécessairement
la réalisation d’un profit, lequel profit pourra résulter de la recherche d’un
gain ou d’une économie[95].
Opposer le caractère lucratif d’une opération à son caractère gratuit paraît
donc être une fausse piste. Notons que cette condition devrait pouvoir être
facilement remplie dans le cadre d’opérations à vocation commerciale. Il peut
paraître douteux qu’un donneur d’ordres ou un sous-traitant n’entende pas tirer
quelque profit de l’opération. Mais il est tout de même nécessaire
qu’apparaisse ce but lucratif, sans lequel l’infraction prévue à l’article L.
125-3 du Code du travail ne sera pas caractérisée, un des trois éléments
nécessaire à sa constitution faisant défaut.
Plus
restrictive que sa consœur italienne, l’institution du prêt illicite de main
d’œuvre se veut donc bien plus permissive que l’interposition quant aux
opérations de sous-traitance. C’est bien ce que paraît enseigner l’étude de la
pratique judiciaire.
Une
application pragmatique mais désormais rigoureuse des textes
Depuis
le début des années 1990’ au moins, les juridictions répressives et civiles
semblent bien se livrer à une application très rigoureuse de l’article L. 125-3
alinéa 1er du Code du travail ; même si certaines décisions
antérieures ont pu laisser penser que les juges mettaient en œuvre la méthode
du faisceau d’indices pour opposer le prêt illicite de main d’œuvre au contrat
d’entreprise.
Le
sentiment de « flou » exprimé et relaté par les observateurs pouvait en
effet se comprendre avant le début de la décennie 90’. Les décisions rendues
semblaient alors effectivement correspondre à la présentation habituelle du
droit positif. Parce qu’elle ne présente plus, à notre sens, qu’un seul intérêt
historique, nous ne prendrons qu’un exemple de la pratique judiciaire de cette
période. Il s’agira d’un arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de
cassation le 18 avril 1989, arrêt connu sous le nom de
« Eurodif-Production »[96].
En l’espèce la société « Eurodif-Production » avait conclu avec la
société « Entreprise Industrielle » un contrat prévoyant l’exécution
par cette dernière de travaux en atelier et d’assistance technique. Les
dirigeants de ces deux sociétés se sont vus poursuivis devant les juridictions
répressives du chef de prêt de main de main d’œuvre illicite. Les juges du fond
ont estimé que les poursuites n’étaient pas fondées. Pour écarter la
qualification de prêt illicite de main d’œuvre, la Cour d’appel prétendait
avoir caractérisé l’existence d’un contrat d’entreprise. Celle-ci se voit
approuvée par la Cour de cassation d’avoir considéré l’infraction non établie,
en ce qu’elle a relevé que la rémunération était partiellement forfaitaire, que
le sous-traitant fournissait les moyens et matériels nécessaires à sa mission,
qu’il devait assumer une obligation de résultat, qu’il supportait seul la
responsabilité des travaux, et enfin qu’il exerçait seul l’autorité
hiérarchique sur son personnel. Il apparaissait bien que c’était la convergence
de ces (prétendus) indices du contrat d’entreprise qui avait permis d’écarter
la qualification de prêt illicite de main d’œuvre, comme le relevait alors le
premier commentateur de cet arrêt, le Professeur Blaise[97].
Ce dernier proposait alors une présentation synthétique, et fidèle, d’une
pratique judiciaire[98]
qu’il pensait établie. Sa présentation allait être reprise par tous les
commentateurs postérieurs[99],
alors pourtant que cet arrêt « Eurodif-Production » de 1989 a
probablement été le dernier grand arrêt se livrant à une telle approche.
En
effet, par la suite, les juges se sont livrés à une application plus rigoureuse
de l’article L. 125-3, rendant du même coup les qualifications moins
incertaines. Dès 1990, la Cour de cassation modifie son approche. Dans un arrêt
« Dutruch » du 4 avril 1990[100],
la chambre sociale estime que la Cour d’appel « a légalement
caractérisé le prêt illicite de main d’œuvre », parce qu’elle a
relevé « QUE le seul objet de la convention entre les
deux sociétés était la fourniture de main d’œuvre […], ET QUE (le salarié
du sous-traitant) travaillait, en réalité, sous les ordres directs (du
donneur d’ordres) […], ET QUE le contrat ayant été conclu entre les
deux sociétés, moyennant une rémunération, l’opération avait un but
lucratif ». Autrement dit, pour que l’infraction de prêt de main
d’œuvre illicite soit établie, il convient, selon la Cour, de vérifier :
1 – le caractère
exclusif de l’objet réel de l’opération : la fourniture de main d’œuvre
doit être l’unique objet de la convention. L’opération ne doit pas apporter un
véritable plus au donneur d’ordres, en dehors de la mise à disposition de
personnel, faute de quoi la qualification de prêt illicite de main d’œuvre
devrait, de ce seul fait, être écartée ;
2 – qu’il y a prêt de main
d’œuvre, c'est-à-dire que le donneur d’ordres exerce une certaine autorité sur
le personnel formellement assumé par le sous-traitant ;
3 – que l’opération a
un but lucratif, c'est-à-dire qu’elle vise à produire un profit.
Tous les arrêts postérieurs
procèdent de cette même démarche en trois temps, y compris ceux de la chambre
criminelle de la Cour de cassation[101].
Celle-ci prenait effectivement le soin de relever, dans un arrêt du 3 décembre
1991[102],
que « la juridiction du second degré (avait bien) énoncé » : 1 –
que le sous-traitant « s’était borné, ainsi que le reconnaissaient
les prévenus, à fournir de la main-d’œuvre » ; 2 – que c’était le
donneur d’ordres « qui fixait journellement le nombre d’ouvriers
nécessaires et qui surveillait l’exécution des travaux » ; 3 –
« enfin que des factures étaient établies ». La Cour en déduit donc,
« qu’en l’état de ces motifs, la Cour d’appel a, sans contradiction,
caractérisé en tous ses éléments l’infraction poursuivie ». Et
cette (nouvelle) pratique judiciaire semble, pour le coup, bien établie. Malgré
les nombreux pourvois qui se réfèrent aux soi-disant « critères du contrat
d’entreprise »[103],
l’approche de la Cour de cassation est restée intangible. Il est d’ailleurs
révélateur que la Cour se refuse à reprendre cette terminologie, pour préférer
au terme « contrat d’entreprise », celui de « (contrat de)
sous-traitance » lorsqu’il s’agit de désigner des opérations licites. La
mise en œuvre des différents critères par les juges mérite quelques
observations. La pratique judiciaire, si elle applique rigoureusement les
textes, n’en procède pas moins à une approche pragmatique. Pratiquement, les
critères du but lucratif et du transfert du lien juridique de subordination étant
le plus souvent remplis concernant des opérations de sous-traitance, les juges
se livreront systématiquement à l’examen du critère de l’objet exclusif en
premier lieu, l’absence d’une telle exclusivité excluant à elle seule
l’infraction (sans qu’il soit nécessaire de s’attarder sur les autres
conditions de celle-ci).
L’objet de la prestation est en
effet le premier élément sur lequel se portera l’attention des juges. Ces
derniers vérifieront toujours que le sous-traitant ne se « borne »
pas à apporter (seulement) de la main-d’œuvre au donneur d’ordres, faute de
quoi le premier élément constitutif du délit de prêt de main-d’œuvre illicite
sera caractérisé. Si la prestation apporte autre chose que de la main-d’oeuvre
au donneur d’ordres, l’opération sera parfaitement licite au regard de
l’article L. 125-3 alinéa 1er du Code du travail[104].
Mais il faut souligner que les juges, en se livrant à une appréciation fine et
pragmatique de la situation, se montrent particulièrement exigeants quant à cet
« autre chose ». L’intervention du sous-traitant doit se justifier[105]
par l’apport d’une certaine spécificité, la mise en œuvre d’une technicité
propre, d’un savoir-faire particulier. Lorsqu’ils ont à se prononcer sur les
cas d’espèce desquels ils sont saisis, les juges procèdent à une analyse in
concreto. Autrement dit il s’agira, non pas de déterminer si la prestation
est, dans l’absolu, particulière, mais de spécifier si oui ou non elle se
présente comme spécifique eu égard à l’activité du donneur d’ordres.
Pour reprendre les termes de la Cour de cassation, il n’y a spécificité
« qu’autant que le sous-traitant apporte un savoir-faire distinct de celui
de l’utilisateur »[106].
Au fond l’idée est la suivante : la sous-traitance ne doit pas être un
moyen, pour le donneur d’ordres, de s’assurer un volant de personnel. Ainsi,
face à un besoin de main-d’œuvre afférent à des travaux qui relèvent de son
domaine d’activité, un entrepreneur n’a légalement que deux solutions :
soit il recourt au travail intérimaire (ou conclut directement des Contrats à
Durée Déterminée), ce qui suppose que son besoin de main-d’œuvre est ponctuel[107] ;
soit il embauche lui-même du personnel sous Contrat à Durée Indéterminée. Il
lui appartient donc de choisir entre ces deux options exclusivement.
S’il venait à être tenté de recourir à la sous-traitance, il y aurait prêt
de main-d’œuvre (illicite)[108].
D’une manière tout aussi pragmatique et logique, la pratique judiciaire estime
que lorsque le personnel du sous-traitant travaille sous les seules
directives des cadres du donneur d’ordres, cela exclut toute prestation
(spécifique) apportée à ce dernier[109].
De ce raisonnement opéré par la
Cour de cassation, il résulte implicitement, mais nécessairement, que les juges
n’ont pas à relever l’existence d’un transfert total du pouvoir de
direction (du sous-traitant au donneur d’ordres) pour que le deuxième élément
de l’infraction soit caractérisé[110].
En effet, la pratique judiciaire, loin de nier le phénomène de dilution du
pouvoir de direction, se contente d’un transfert d’autorité partiel[111],
ce qui n’est pas sans rappeler l’approche développée en matière d’accidents
du travail[112], domaine
dans lequel elle a forgé la notion de travail en commun[113].
Contrairement à ce qui est très souvent soutenu, le délit n’est pas réservé aux
hypothèses de sous-traitance sur site à partir du moment où une telle autorité
peut exister, surtout à l’heure des Nouvelles Technologies d’Information et de
Communication (et de contrôle), en dehors de ces hypothèses. Il suffit donc de
constater que le donneur d’ordres exerce un certain pouvoir normalement propre
à l’employeur, par exemple qu’il donne des instructions[114] ;
la Cour de cassation ne semblant même pas exiger, à la manière de l’institution
italienne, que ce pouvoir de direction du donneur d’ordres prévale sur celui du
sous-traitant. Il en résulte que cette condition sera très facilement
remplie, puisque « la dilution de l’autorité est consubstantielle aux
relations triangulaires de travail »[115].
Le dernier élément du délit, le but
lucratif, est généralement tout aussi aisément établi. S’agissant d’opérations
commerciales, il pourrait tout de même paraître douteux que les participants à
de telles opérations n’entendent pas en tirer quelque profit[116].
Bien souvent la Cour de cassation se contente de la présence d’une facturation[117].
Si ceux qui prétendent décrire le droit positif voient souvent la facturation
comme un indice secondaire, c’est parce que très souvent la Cour de cassation
relève les constations des juges du fond à cet égard, afin de caractériser le
but lucratif, et ce quand bien même ce que ceux-la perçoivent comme un indice
tendrait à révéler ce qu’ils présentent comme un contrat d’entreprise. Il
importe effectivement peu, pour établir le but lucratif de l’opération, que la
rémunération soit (ou non) calculée sur une base forfaitaire.
Il en résulte que le
droit positif français n’interdit pas, ou du moins ne punit pas en lui-même le
‘truquage’ du lien juridique de subordination, contrairement au droit italien
qui condamne l’interposition (en elle-même). Il semble bien que ce à quoi
« s’attaque » le droit français soit avant tout la sous-traitance
dite ‘de capacité’[118].
Si
le critère du lien juridique de subordination a une importance moindre dans le
cadre du dispositif français, il joue tout de même le rôle de dénominateur
commun des deux institutions comparées, bien qu’il soit permis de se demander
s’il ne présente pas des faiblesses intrinsèques.
Le lien
juridique de subordination en question
D’abord, notons que ce critère
est relatif. Et les juges italiens en sont particulièrement conscients. La Cour
de cassation italienne nous dit qu’en cas de litige portant sur l’existence
d’une interposition, il incombe au juge de déterminer, « si la situation
concrète PREVAUT sur la situation formelle »[119].
Le juge de Turin, par exemple, se fixe expressément pour mission, d’évaluer,
de mesurer le pouvoir organisationnel, l’autonomie entrepreneuriale…[120]
Le droit italien utilise trois
indices pour identifier un lien juridique de subordination, trois indices qui
expriment des choses différentes. Même au-delà de ce qu’ils expriment, un même
indice peut conduire à des résultats contradictoires. Conclusion : Le
raisonnement des juges italiens nous enseigne, à travers les formules employées,
que nous sommes en présence d’un règlement procédural. Mais est-il satisfaisant
ce règlement procédural ? A notre sens non, parce qu’il est créé
artificiellement par la représentation très étroite de la réalité qu’impose le
droit italien : il n’y a qu’un employeur. Ces trois indices ne sont pas
contradictoires en soi, il est possible d’admettre la différence, notamment en
admettant qu’il puisse y avoir, de droit, une conjonction d’employeur, ou
encore en mettant en œuvre une approche fonctionnelle[121].
En outre il est
difficile, dans bien des cas, de rapporter la preuve du pouvoir réellement
exercé. Une direction avertie se débrouillera pour ne laisser aucune trace. Le
critère est manipulable : la direction peut envoyer par courriel des
instructions sous le nom de la filiale.
Enfin, tous les
juristes s’accordent à dire qu’une bonne norme est une norme facile à
appliquer, qui suscite peu de contentieux. Or force est de constater que ce
n’est pas le cas. Prenons une illustration parmi d’autres des difficultés qui
peuvent surgir : à partir de quand le rapport de travail devient-il un
rapport de travail subordonné ? Il n’est pas évident que le donneur
d’ordres exerce son pouvoir dès le début de la relation (de sous-traitance). Or
la question est d’une importance primordiale en droit italien vu les
conséquences attachées à la violation de l’interdiction de l’interposition. Le
donneur d’ordres devient alors employeur à tous les égards. Ainsi par
exemple, si il y a interposition, le sous-traitant, c'est-à-dire l’employeur
nominal, est privé du pouvoir de licencier[122].
De même, une démission qui lui serait adressée ne produirait aucun effet[123].
Ainsi le même pouvoir qui sert à
déterminer l’existence d’un lien juridique de subordination peut être contesté au
nom de l’absence de lien juridique de subordination. Autrement dit le pouvoir
peut être contesté au nom de l’absence de… pouvoir. Le droit italien, comme le
droit français du reste, fait de l’exercice du pouvoir à la fois une condition
et une conséquence de l’existence d’un contrat de travail. D’où évidemment le
sentiment de « tourner en rond ».
D’autres
critères seraient-ils susceptibles d’être mobilisés…
II - Les garde-fous en aval : un
nécessaire dépassement du critère du lien juridique de subordination
C’est
avec un intérêt particulier que nous découvrirons les critères que le droit
italien du travail fait émerger pour appréhender les relations dites ‘de
sous-traitance légitime’ (A) ; d’autant plus que cela ne pourra que nous
éclairer sur le délit français de marchandage (B).
A –
L’appréhension par le droit italien du travail de la « sous-traitance
‘légitime’ » (hors interposition) : l’émergence de nouveaux critères pour
étendre l’application de règles de droit du travail et pour identifier de
nouveaux ‘débiteurs patronaux’
La loi n° 1369 ne s’arrête pas à ‘la chasse du mauvais grain’.
Elle ‘discipline’ aussi l’utilisation de la ‘sous-traitance légitime’.
En effet l’article 3 de la loi n°
1369 prévoit que les entrepreneurs (donneurs d’ordres) qui sous-traitent des
œuvres ou des services à exécuter à l’intérieur de l’entreprise (ou d’un
établissement), avec une réelle organisation et gestion du sous-traitant, sont
tenus solidairement avec ce dernier d’assurer un traitement rétributif
et normatif non inférieur à celui applicable à leurs propres salariés. Et cela
vaut aussi pour la protection sociale. Ici nous sommes dans une hypothèse de
sous-traitance légitime. Il faut bien distinguer cette hypothèse des cas
dans lesquels il y a interposition, comme la Cour de cassation italienne a
pris soin de le rappeler[124].
Les salariés du sous-traitant disposent d’une année, à compter de la fin de la
relation de sous-traitance, pour faire valoir leurs droits auprès du donneur
d’ordres[125]. Et ce
dernier dispose d’une action récursoire contre le sous-traitant (pour le tout).
Donc en réalité, pour des juristes français, il s’agirait plutôt d’un
cautionnement solidaire. Il est prévu en cas d’inobservation des dispositions
précitées une amende de 2,58 €, à multiplier par le nombre de
travailleurs employés en méconnaissance de la règle et par le nombre de
journées de travail durant lesquelles la disposition n’a pas été respectée[126].
Il convient de voir plus avant dans quels cas ces sanctions trouvent à
s’appliquer…
Un outils audacieux : le critère de
l’insertion dans le cycle de production du donneur d’ordres
Il nous faut tout de
suite préciser que la Cour de cassation italienne a interprété la formule
« à l’intérieur de l’entreprise » comme s’entendant d’une « insertion
dans le cycle de production »[127].
Cependant, parfois la même Cour de cassation se réfère non pas à cette notion
mais à un critère géographique[128].
Il semblerait quand même que l’insertion dans le cycle de production soit le
critère prédominant, la Cour ne se référant au critère géographique que lorsque
la mise en œuvre du premier critère s’avère particulièrement délicate.
La lecture audacieuse de la Cour de
cassation italienne selon laquelle la formule « à l’intérieur de
l’entreprise » doit s’interpréter comme « insertion dans le cycle de
production » peut séduire. « Cette lecture a (d’ailleurs) été
accueillie très favorablement par la doctrine italienne »[129].
Cette interprétation semble contredire la lettre du texte mais elle paraît
conforme à son esprit. La disposition vise bien à ne pas encourager la
sous-traitance en limitant l’extériorisation des risques qu’elle permet. A cet
égard nous ne pouvons que regretter que la loi n’instaure qu’un cautionnement
solidaire et non une véritable solidarité au sens français du terme. Enfin quoi
qu’il en soit, le critère de l’insertion dans le cycle de production, entendu
comme « le fait que l’activité du sous-traitant ait un rapport instrumental
ou auxiliaire avec celle du donneur d’ordres », paraît conforme à une
interprétation téléologique du texte.
Cependant, à notre sens, la Cour ne
va pas jusqu’au bout de cette logique… Elle ne se contente pas de définir
l’insertion dans le cycle de production comme nous venons de le présenter. Elle
ajoute une proposition qui restreint notablement la portée de son innovation.
En effet, pour la Cour de cassation italienne, pour qu’il y ait insertion dans
le cycle de production, il faut que l’activité du sous-traitant ait un rapport
instrumental ou auxiliaire avec celle du donneur d’ordres, et ce, ajoute la
Cour, « de sorte que le résultat économique soit unitaire ; une
simple répartition d’activité n’étant pas suffisante »[130].
Autrement dit, il y a insertion dans le cycle de production seulement lorsque
la production du bien ou du service par le donneur d’ordres n’est pas (ou n’est
que partiellement) possible sans l’apport productif du sous-traitant.
L’insertion dans le cycle productif est par contre exclue en cas de
« simple augmentation de la production » (en quantité) par le
sous-traitant. Cette distinction n’est pas sans rappeler celle proposée par le
Professeur Blaise qui oppose les extériorisations conjoncturelles et les
extériorisations structurelles[131].
Cependant, ces deux classifications ne se recoupent pas complètement puisqu’il
peut tout à fait y avoir insertion dans le cycle de production du donneur
d’ordres, sans pour autant que l’extériorisation soit structurelle. La ligne de
démarcation adoptée par la Cour de cassation italienne se rapprocherait donc
plutôt de celle retenue par le Professeur Morin, qui distingue entre les
‘sous-traitances de capacité’ et les autres sous-traitances[132].
Cette interprétation est très
critiquable tant par rapport à la lettre du texte que sur le fond. Ne
pourrait-on pas soutenir exactement l’inverse ? Avec une telle solution,
c’est précisément lorsque l’entreprise sous-traitante est en position un peu
plus forte que la protection joue. A l’inverse, elle ne jouerait pas lorsque le
sous-traitant est dans une position plus faible, lorsqu’il est justement
utilisé comme un amortisseur de variation de charges, par un donneur d’ordres
qui ne fait alors, dans cette hypothèse, qu’extérioriser les risques sociaux
(et aussi économiques) sur lui.
Enfin,
en tous cas, l’idée de rattachement au cycle de production pour justifier
l’application de règles de droit du travail[133],
ET pour justifier un réaménagement du partage des risques (entre
sous-traitant et donneur d’ordres) nous semble intéressante. Il convient de
bien distinguer ces deux fonctions du critère de l’insertion dans le cycle de
production du donneur d’ordres.
L’insertion dans le cycle productif comme
facteur d’extension de l’application de règles de droit du travail
Tout d’abord, le droit
italien instaure une règle d’égalité de traitement [(normatif et rétributif)]
entre les salariés du donneur d’ordres et les salariés du sous-traitant insérés
dans le cycle productif de l’entreprise donneuse d’ordres. C’est donc bien l’insertion
dans le cycle de production qui justifie l’application d’une règle d’égalité de
traitement. Au nom de son insertion dans le cycle de production du donneur
d’ordres, le salarié du sous-traitant va pouvoir invoquer une règle d’égalité
de traitement et, par ricochet, il va pouvoir prétendre aux mêmes droits que
les salariés du donneur d’ordres. Par conséquent le salarié du sous-traitant va
être traité comme si il était le salarié du donneur d’ordres,
alors même que, par hypothèse, il n’y a aucun lien juridique de subordination
entre ce salarié et le donneur d’ordres. Ainsi le salarié du sous-traitant va
pouvoir revendiquer les mêmes droits que ceux qui sont reconnus aux salariés du
donneur d’ordres, et ce à tous les égards. Par exemple, il pourra profiter des
mêmes services collectifs (transports, restauration…). Il aura aussi les mêmes
droits syndicaux que ceux reconnus aux salariés du donneur d’ordres. Il sera
également en mesure de prétendre au même statut collectif (et notamment à
l’application de la convention collective de branche à laquelle est soumis le
donneur d’ordres).
Cependant, la fiction présente des
limites. Si le salarié du sous-traitant est traité comme si il était
le salarié du donneur d’ordres, il n’est pas pour autant son salarié. En effet,
seul le véritable employeur, c’est-à-dire le sous-traitant, dispose à son égard
du pouvoir de le licencier ou encore du pouvoir de le sanctionner. Reste
néanmoins que la notion d’insertion dans le cycle de production du donneur
d’ordres va servir de périmètre, d’espace d’application d’une règle d’égalité
de traitement. Ce faisant le critère de l’insertion dans le cycle de production
va permettre l’extension des règles applicables aux salariés du donneur
d’ordres (en vertu… du lien juridique de subordination), aux salariés du
sous-traitant. Résultat : lesdites règles (traditionnellement liées à
l’existence d’un lien juridique de subordination) vont s’appliquer à tout le
personnel rattaché au même cycle de production, et ce peu important que l’employeur
des salariés soit le sous-traitant ou le donneur d’ordres. Mais encore faut-il,
pour que les membres du personnel du sous-traitant puissent bénéficier de ces
règles, qu’ils soient liés à ce dernier dans le cadre d’un rapport de travail subordonné.
Il ne faut donc pas surestimer l’importance de cette notion d’insertion dans le
cycle productif. En effet son autonomie par rapport au critère du lien
juridique de subordination n’est que partielle. Insertion dans le cycle de
production ou pas, aucune règle de droit italien du travail ne peut trouver à
s’appliquer s’il n’y a pas (un) rapport de travail subordonné.
Au contraire le droit français du
travail envisage, dans certaines situations, l’application de pans entiers du
Code du travail sans qu’il soit nécessaire de caractériser l’existence d’un
lien juridique de subordination[134].
L’étude des cas dans lesquels la loi prévoit une application de règles de droit
du travail, hors lien juridique de subordination, enseigne que l’objectif de
ces dispositifs est bel et bien le même que celui qui motive la première règle
de l’article 3 de la loi n° 1369 : il s’agit de lutter contre
l’extériorisation des risques induite par certaines formes d’organisation
productive[135]. Cette
voie paraît efficace mais les hypothèses dans lesquelles le droit français les
mobilise sont particulièrement circonscrites, et partant insuffisantes pour
apporter une réponse générale aux phénomènes d’extériorisation. Pourquoi la
déconnexion entre lien juridique de subordination et application de règle de
droit du travail est-elle cantonnée à des hypothèses si réduites ? Le
droit italien du travail réprouve totalement une telle déconnexion, et la
réaction d’incompréhension des juristes italiens face aux dispositions
françaises est particulièrement marquante. Elle est probablement l’expression
du poids imposant d’une tradition juridique commune aux deux pays. Le droit du
travail s’est construit pour réagir à la subordination dans le travail, et aux
conséquences qui en découlent. Et de droit, pour l’identification de ce rapport
subordonné, seul un outil a été forgé : le lien juridique de subordination. Et
le dépassement de cet outil traditionnel ne se fait pas sans douleur, au point
que les juristes les plus empreints de cette tradition estiment que la déconnexion
entre application du droit du travail et le lien juridique de
subordination se ferait « contre nature »[136].
Toujours est-il que cette déconnexion, si limitée soit-elle, révèle, par son
existence même, les limites rencontrées par les critères traditionnels,
critères qu’il serait temps de renouveler.
L’égalité de traitement prévue par
le droit italien, telle qu’enrichie par la Cour de cassation italienne, ne
permet bien évidemment pas de pallier à ces limites à partir du moment où elle
suppose l’existence d’un lien juridique de subordination, lequel ne permet pas
d’appréhender toutes les formes de subordinations qui se développent
aujourd’hui. Partant, les deux voies ici à l’étude (le mécanisme de l’article 3
et l’application du droit du travail hors lien juridique de subordination) ne
sauraient être considérées comme alternatives. Le système italien de l’article
3 ne permet que d’éviter une dégradation des standards quant au
traitement des travailleurs subordonnés. Le droit français présente t’il
des institutions répondant à cette même fonction ? Pour se pencher sur la
question, il convient d’abord de bien comprendre l’institution italienne…
A des fins de compréhension de
l’institution italienne, le Professeur Ballestrero expliquait qu’il fallait la
justifier par l’idée suivante : « ceux qui travaillent dans une même
situation doivent être traités de la même manière ». Finalement,
« ces salariés (ceux du donneur d’ordres et ceux du sous-traitant qui sont
insérés dans le cycle de production du donneur d’ordres) travailleraient dans une
même entreprise »[137].
Nous fûmes tentés de faire observer au Professeur Ballestrero que si cette
institution assure un traitement égal à situation égale, elle peut conduire à
contrarier le principe ‘à travail égal - traitement égal’[138].
Surtout, nous fûmes tentés d’objecter que l’insertion dans le cycle de
production du donneur d’ordres ne retirait rien au rattachement du salarié du
sous-traitant à l’entreprise sous-traitante[139].
Mais le droit italien prend en compte cette situation. Et c’est là que nous
pouvons apprécier la clef de compréhension offerte par le Professeur
Ballestrero. En effet l’article 5 indice g) de la loi n° 1369 exclut
l’application de l’article 3 lorsque le personnel du sous-traitant travaille
dans diverses entreprises (autres que celle du sous-traitant) en même temps[140].
Autrement dit, il y aurait l’idée d’une sorte de « super
entreprise », pour la détermination de l’espace d’application d’une règle
d’égalité de traitement. Or il ne peut y avoir cette « super
entreprise » si le personnel du sous-traitant est dispersé près la
production de plusieurs donneurs d’ordres. L’entreprise du sous-traitant (dans
son entier) ne peut alors s’insérer dans celle du donneur d’ordres. Par
conséquent le principe ‘à travail égal – traitement égal’ ne pourrait être
contrarié par l’institution qui nous retient ici. Notons au passage que
l’article 5 de la loi n° 1369 prévoit d’autres dérogations à l’application de
l’article 3. Nous retiendrons notamment l’exclusion des « sous-traitances
relatives à des activités productives particulières, lesquelles, organisées en
plusieurs phases successives de travail, requièrent l’emploi d’une main d’œuvre
qui se distingue par sa spécialisation, ses compétences, de celle ‘normalement’
employée par l’entreprise du donneur d’ordres »[141].
L’exclusion ne jouera toutefois qu’à condition que l’utilisation de ces
prestations n’ait pas un caractère continu. L’application de l’article 3 est
également exclue, avec l’autorisation préventive de l’inspecteur du travail,
pour des prestations irrégulières et occasionnelles, de brève durée, qui ne
relèvent pas habituellement du cycle de production. Finalement le
droit italien se rapprocherait donc très nettement de la distinction proposée
par le Professeur Blaise[142].
En effet, c’est uniquement lorsque le recours à la sous-traitance est
structurel que la distinction proposée par le Professeur Morin[143]
a une importance en droit italien. Pratiquement, la question de savoir si la
sous-traitance s’analyse en une sous-traitance de capacité (dispositif de
l’article 3 inapplicable) ou non (dispositif applicable) ne se posera que si
cette sous-traitance ne s’avère pas conjoncturelle, ce qui n’est pas sans
restreindre la portée de l’innovation italienne.
Aucune institution n’assure la même
fonction en droit français. L’espace d’application de la règle de l’égalité de
traitement paraît être circonscrit à l’entreprise. La loi est muette au sujet
de ce périmètre et la question n’a jamais été, à notre connaissance, directement
posée aux juges français. Mais toujours est-il qu’implicitement, et peut-être
même inconsciemment, ceux-ci semblent considérer que le périmètre d’application
de la règle de l’égalité de traitement ne peut dépasser les frontières de
l’entreprise[144]. Or le
droit français ne connaît pas une approche de la notion d’entreprise semblable
à celle proposée par le Professeur Ballestrero. Pourtant, la question de savoir
si les salariés du sous-traitant peuvent être insérés dans ce périmètre
mériterait d’être clairement posée aux juges. Et une solution s’inspirant de
l’institution italienne, en plus d’être souhaitable, serait conforme aux
principes juridiques français les plus haut placés dans la hiérarchie des
normes. En effet, aux termes de l’article 1er de la Déclaration des
Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, « les hommes naissent libres et
égaux en droit, les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur
l’utilité commune ». Quelle utilité commune y a-t-il à distinguer la
situation des salariés des sous-traitants de celle des salariés du donneur
d’ordres lorsque l’entreprise sous-traitante et l’entreprise donneuse d’ordres
constituent une « super entreprise » au sens évoqué plus haut ?
Une telle solution serait conforme à une logique civique mais également à une
logique de marché (dans sa vision la plus pure). En effet l’égalité est un
principe indispensable à l’institution d’un marché. Les vertus autorégulatrices
prêtées à celui-ci dépendent de l’équilibre entre les ‘partenaires’ aux
échanges qui s’y déroulent. D’où la nécessité de postuler l’égalité entre les
agents présents sur ce marché, et la place fondamentale du principe d’égalité
dans les sociétés à économie de marché[145].
Une telle solution permettrait effectivement d’assurer, non pas une libre
concurrence (aux effets nécessairement dévastateurs), mais une véritable
concurrence entre les agents présents sur le marché.
Mais on nous objectera un argument
dont nous ne contesterons point le caractère péremptoire : concrètement,
l’égalité ne serait pas assurée puisque la règle ne s’appliquerait que pour les
salariés des sous-traitants participant au cycle productif d’un seul et unique
donneur d’ordres, à l’exclusion des salariés employés par des sous-traitants
travaillant pour plusieurs donneurs d’ordres. Nous le voyons bien, la règle
italienne est bien plus justifiée par la volonté de ne pas encourager la
sous-traitance que par un véritable principe égalitaire[146].
Par la même occasion, nous observerons que l’institution italienne de la
« super entreprise » est en pratique d’un intérêt limité et ne
saurait apporter une réponse viable aux problèmes posés par la
sous-traitance : combien de sous-traitants n’ont qu’un donneur
d’ordres ? Ce critère restrictif de la « super entreprise »
n’est peut-être pas le plus pertinent pour lutter contre l’extériorisation des
risques.
A cette objection, nous étions
tentés de répondre que c’est… l’utilité commune (la lutte contre l’extériorisation
des risques) qui justifie une entorse à une situation d’égalité entre les
salariés. Mais alors, pour satisfaire au mieux cette utilité commune, pourquoi
ne pas dépasser le cadre d’analyse développé par le droit italien ?
Pourquoi distinguer entre les cas où le sous-traitant ne travaille que pour un
seul donneur d’ordres (application du dispositif d’égalité de traitement) et
ceux où il en a plusieurs (inapplication du dispositif) ? Seule une telle
solution permettrait d’établir une
véritable égalité des acteurs présents sur le marché, en assurant une lutte
efficace et égale contre certains effets[147]
de l’extériorisation. Face au dispositif italien, il est effectivement trop
facile aux agents économiques de se débrouiller pour avoir recours à un
‘multi-sous-traitant’, ce qui suffira pour écarter efficacement la règle de
l’article 3. Alors là certes on nous objectera que cela aboutirait à une
situation d’inégalité, touchant « les pauvres salariés » du
sous-traitant, selon qu’ils travaillent pour l’exploitation de tel ou tel
donneur d’ordres[148].
Alors là nous répondrons d’autant plus fort que c’est l’utilité commune qui le
commande. Nous ajouterons que ces salariés jouiraient en toute hypothèse d’un
« plancher égalitaire » en deçà duquel ils ne pourraient être
traités. Enfin une considération psycho-sociologique nous confortera dans notre
position : de tels salariés auront bien plus le sentiment de travailler
pour la firme donneuse d’ordres que pour le sous-traitant auquel on veut les
rattacher. Le sentiment d’appartenance de ces salariés se dirigera bien plus
vers l’entreprise du donneur d’ordres que vers celle, pour le moins formelle,
de leur employeur en titre. Ce faisant le critère de l’insertion dans le cycle
de production (tel que nous l’envisageons) se rapprocherait beaucoup de celui
du travail pour autrui. Insertion dans le cycle de production deviendrait
synonyme de « contribution à l’exploitation ». Finalement, n’est-ce
pas à celui qui profite du travail d’autrui, à celui qui voit son capital
fructifié par ce travail, qu’il faudrait rattacher les artisans de cette
valorisation ? [149]
Il
convient de relever que les dérogations précédemment étudiées de l’article 5
valent pour l’application de la « règle d’égalité de traitement »,
mais également pour la seconde fonction assurée par la notion d’insertion dans
le cycle de production : l’identification d’un responsable (quant à
l’application de règles de droit du travail).
Une seconde fonction d’identification d’un
responsable supplémentaire quant à l’application du statut garanti au salarié
par le droit du travail
Une seconde fonction
est effectivement attachée par le droit italien à la notion d’insertion dans le
cycle productif, complétant ainsi le dispositif présenté. La notion d’insertion
dans le cycle de production permet aussi d’ajouter un responsable
supplémentaire quant à l’application des règles auxquelles peuvent prétendre
les salariés de l’entreprise sous-traitante inséré[e/s] (?) dans le cycle de
production du donneur d’ordres : l’entrepreneur donneur d’ordres. Ainsi y
a-t-il, en droit italien, deux co-débiteurs de l’application du statut garanti
par le droit du travail aux salariés du sous-traitant, statut sur lequel peut
interférer la « règle de l’égalité de traitement » prévue par le même
article 3. Notons que le droit italien ne limite pas la responsabilité de
l’entrepreneur donneur d’ordres à la seule mise en oeuvre de la « règle de
l’égalité de traitement » induite par l’insertion dans le cycle de
production, mais autorise à poursuivre ce donneur d’ordres comme responsable de
l’application du statut garanti aux salariés du sous-traitant (dans son
intégralité). Nous comprenons alors assez mal que l’absence d’insertion dans le
cycle productif, de même que les dérogations de l’article 5, permette d’exclure
cette responsabilité.
Cette voie de la solidarité semble
intéressante pour limiter l’extériorisation des risques et assurer une
responsabilisation des acteurs. Pourquoi ne pas envisager une utilisation
plus massive de la notion d’insertion dans le cycle de production pour
identifier les débiteurs de l’application de règles de droit du travail ? Mais, la notion de « super
entreprise » étant aussi manipulable par les ‘partenaires’ aux échanges
que le critère du lien juridique de subordination, pourquoi s’arrêter à mi
chemin et ne pas envisager une conception plus large de ce critère, la seule qui soit à même d’assurer une égalité
entre les acteurs présents sur le marché[150].
Avec la notion de contribution à l’exploitation (d’autrui), nous pourrions
imaginer une responsabilité solidaire, quant à l’application du droit du
travail, de tous ceux à qui profite la valeur, la valorisation créée par le
travail (subordonné).
« Avec des si on mettrait
Paris en bouteille… »
Que propose pour sa part le droit
français ? Il prévoit également une responsabilité du donneur d’ordres
vis-à-vis des salariés du sous-traitant[151].
Cependant la responsabilité du donneur d’ordres n’est pas solidaire. Il s’agit
plutôt d’un cautionnement de (contre) nature civile, puisque le donneur
d’ordres ne pourra être recherché qu’en cas de défaillance du sous-traitant. La
responsabilisation des donneurs d’ordres quant à l’extériorisation des risques
induite par la sous-traitance est donc encore plus faible en droit français qu’en
droit italien. Ce ‘cautionnement légal’ est en outre limité au seul traitement
rétributif dû aux salariés (du sous-traitant). Surtout, la garantie ne joue que
lorsque le sous-traitant n’est pas propriétaire d’un fonds de commerce ou d’un
fonds artisanal ; limitation que nous avouerons ne pas comprendre ;
limitation qui rend en outre la disposition assez symbolique en pratique. Le
dispositif prévu par le droit français se révèle donc assez décevant.
A
priori le droit
français n’offre aucune ressource semblable à l’institution italienne ici à
l’étude. Mais ne convient-il pas, afin de déjouer les « pièges »
tendus par tout travail comparatiste, comparer les institutions ‘en action’ ?[152]
Ce précepte nous dictera un rapprochement entre le dispositif italien et celui
du marchandage ; celui-là pouvant en outre éclairer celui-ci.
B –
L'article L. 125-1 éclairé par le droit italien ou la nécessaire utilisation du
critère de l'insertion dans le cycle de production en matière de marchandage
Nous
étions attirés par l’institution du marchandage[153]
en raison de la place des textes qui le concernent dans le Code du travail (aux
côtés de l’article L. 125-2), non anodine à notre sens ; et surtout parce
qu’elle ouvre la porte, en ce qu’elle fait du fournisseur de main d’œuvre et de
son utilisateur des co-auteurs du délit, à une condamnation in solidum
(sur le plan civil), relativement à la réparation du dommage résultant
nécessairement[154]
de cette infraction. L’article L. 125-1 du Code du travail vise toute
opération à but lucratif de main d’œuvre qui a pour effet de causer un
préjudice au salarié qu’elle concerne, ou d’éluder l’application des
dispositions de la loi, du règlement ou de convention ou accord collectif de
travail. Or, d’une certaine manière, le dispositif prévu par l’article 3 de la
loi italienne n° 1369 ne mire t-il pas, lui aussi, les effets préjudiciables
auxquels peut aboutir une opération de sous-traitance ? Dans les deux cas,
le droit tend à ce que le recours à la sous-traitance ne se traduise pas par
une certaine précarité de la situation des salariés du sous-traitant. Les deux
institutions, appréhendées ‘en action’, devraient se révélées bien bien
proches, dès lors que le critère du lien de subordination doit nécessairement
être écarté en droit français, pour laisser place à des notions plus larges.
Le lien de subordination ‘hors jeu’
Rappelons
les termes les termes de l’article L. 125-1 du Code du travail, pour tenter de
comprendre la signification du texte : « Toute opération à but
lucratif de fourniture de main
d’œuvre qui a pour effet de
causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application des
dispositions de la loi, du règlement ou de convention ou accord collectif
de travail, ou marchandage, est interdite ». A la lecture du texte, nous
constatons immédiatement que celui-ci pose trois conditions cumulatives à la
constitution du délit[155].
La premier de ces éléments, le but lucratif, n’appelle pas d’autre remarque que
celles formulées à propos du prêt illicite de main-d’œuvre, dès lors que la
prévision est rédigée en des termes identiques à ceux utilisés par le
législateur à l’article L. 125-3. Concentrons nous plutôt sur les deux autres
conditions énoncées par la disposition.
La condition première du délit est
une condition alternative. L’opération doit avoir pour effet de
causer un préjudice au salarié qu’elle concerne OU d’éluder l’application des
dispositions d’une loi, d’un règlement, ou d’un texte conventionnel, peu
important le but de l’opération à cet égard. Probablement par commodité
de langage, cette condition est (très) généralement présentée par le pratique
judiciaire, et ceux qui s’intéressent à cette dernière, comme « l’exigence
d’un préjudice »[156].
Il peut être très tentant de penser qu’il ne peut y avoir préjudice pour les
salariés qu’autant que le lien juridique de subordination a été ‘truqué’, et
c’est du reste ainsi que sont présentées les choses par les commentateurs[157].
En effet, à partir du moment où c’est le lien juridique de subordination qui
détermine normalement le statut social applicable au travailleur, seul une
altération de ce modèle peut causer un préjudice au salarié.
Bien qu’il soit, extrêmement
tentant[158], ce
raisonnement n’en demeure pas moins quelque peu hâtif. Comme nous l’avons vu,
l’article L. 125-3 sur le prêt illicite de main-d’œuvre s’intéresse
essentiellement au ‘truquage’ du lien juridique de subordination. Il peut donc
sembler douteux que le législateur entende se pencher par deux fois sur un
objet identique. Surtout, comme nous l’avons vu, à travers le dispositif
institué à l’article L. 125-3, le législateur a entendu légitimer certains
‘truquages’ du lien juridique de subordination, lesquels sont tout à fait
permis dès lors que l’opération ne s’analyse pas en une simple sous-traitance
de capacité. Il peut donc sembler encore plus douteux que ce même législateur
ait entendu interdire d’un côté ce qu’il a permis de l’autre (à certaines
conditions). C’est pourtant ce que soutiennent beaucoup d’‘observateurs’ à
travers la ‘réflexion’, un peu rapide, évoquée plus haut. C’est d’ailleurs ce
raisonnement pressé qui amène beaucoup d’entre eux à la conclusion tout aussi
précipitée que les deux délits se confondent. Ainsi Madame Hautefort écrivait,
et c’est très fort, que le prêt (illicite) de main-d’œuvre et le marchandage ne
sont que deux « appellations » différentes (quand même !!) d’une
seule et même infraction, « même si les puristes aiment à faire un
distinguo purement théorique entre le prêt de main-d’œuvre à but lucratif et le
marchandage »[159],
affirmation d’autant plus grave que les propos de Madame Hautefort[160]
sont très copieusement diffusés auprès des entreprises[161].
N’est ce pas là prendre le législateur pour un imbécile ? N’est-il pas
raisonnable de penser que si ce dernier a ressenti le besoin de rédiger deux
articles différents, c’est parce qu’il a entendu viser deux choses
différentes ? Heureusement certains reconnaissent qu’ils existent une
dissemblance entre les deux infractions[162],
même si personne n’a jamais réellement proposé d’explication claire de cette
différence. Si tel n’était pas le cas, pourquoi le législateur et la pratique
judiciaire[163] se
donneraient-ils la peine de faire un effort de qualification en distinguant les
deux délits ? Il est permis d’envisager que l’article L. 125-1 du Code du
travail ne peut pas interdire ce que la loi permet d’autre part. L’étude de la
dernière des conditions prévues par l’article L. 125-1 ne peut que confirmer
cette analyse.
Selon le texte, le dernier élément
nécessaire à la constitution du délit de marchandage doit être recherché dans
l’objet de l’opération en cause. Celle-ci doit être une opération de fourniture
de main-d’œuvre. A supposer que les mots aient un sens[164],
le législateur, en employant le terme « fourniture », et non
« prêt » (de main d’œuvre), a certainement voulu nous signifier
qu’aucun ‘truquage’ du lien de juridique de subordination n’est nécessaire à
la constitution de l’infraction[165].
Ainsi il faut donc conclure qu’il importe peu que l’opération apporte un ‘plus’
au donneur d’ordres (ce qui aura pour conséquence de rendre licite le prêt de
main-d’œuvre au regard de l’article L. 125-3 du Code du travail), une
fourniture suffisant (sans qu’il soit nécessaire de constater un prêt) à
caractériser un des trois éléments constitutifs du délit, délit que le
législateur a du reste cru utile d’instituer à côté du prêt illicite de
main-d’œuvre. Il peut donc paraître des plus douteux que la loi, en utilisant
le critère très large de la fourniture, ait entendu dans la même phrase viser
le prêt de main d’œuvre à travers l’ « exigence d’un
préjudice », ce qui reviendrait à nier le deuxième des trois critères
qu’elle a pourtant bien pris soin de prévoir[166].
Si tel n’était pas le cas, le législateur n’aurait-il pas plutôt envisagé le
marchandage comme une condition d’aggravation du délit prévu à l’article L.
125-3 du Code du travail ? Mais une telle analyse n’est évidemment pas
tenable à partir du moment où le ‘truquage’ du lien juridique de subordination,
qui est une condition nécessaire à la constitution du délit visé à l’article L.
125-3, cause ipso facto un préjudice au salarié, ce qui montre bien que
l’exigence d’un préjudice ne peut raisonnablement s’interpréter comme celle
d’un ‘truquage’ du lien juridique de subordination. Enfin, l’absence de
l’adverbe « exclusivement » au sein de l’article L. 125-1 confirme
qu’il pose des questions d’un tout autre ordre que celles induites par
l’article L. 125-3. Toutes ces considérations convergent vers la nécessité de
dépasser une approche en terme de lien juridique de subordination.
La nécessaire utilisation d’un critère plus
large
Mais qu’est ce que le
législateur a bien pu lorgner à travers la formule « toute opération (…) qui
a pour effet de causer un préjudice au salarié ou d’éluder les dispositions de
la loi, du règlement ou de convention ou accord collectif de travail ».
Une première remarque peut venir d’une considération d’ordre systémique :
si le dénominateur commun du délit de l’article L. 125-3 est le ‘truquage’ du
lien juridique de subordination, en tant qu’il précède celui là, l’article L.
125-1 ne peut se référer qu’à un critère plus large, les dispositions légales
d’ordre général précédant, selon une tradition juridique bien établie,
les dispositions plus spécifiques[167].
Alors de quoi peut-il bien s’agir ? C’est là qu’apparaît pour nous
l’intérêt le plus concret d’une étude de l’institution italienne de l’article 3
de la loi n° 1369, qui présente le grand mérite de rendre très visible
l’utilisation du critère de l’insertion dans le cycle de production, de même
que la nécessité d’une telle application. En effet, il appert instantanément
que le critère immédiatement plus large que le lien juridique de subordination
est celui de l’insertion dans le cycle production. Au minimum, il serait
question du concept d’insertion dans le cycle productif tel que consacré par le
droit italien. Au maximum, il convient de se référer à la notion d’insertion
dans le cycle de production envisagée dans son sens fort[168],
ce qui paraît conforme tant à une interprétation systémique qu’à une
interprétation littérale du texte, mais encore à la volonté du législateur…
Si nous resituons le marchandage
dans son cadre d’ensemble, nous nous rendons compte qu’il ne peut pas être
opportun de se référer à la notion d’insertion dans le cycle de production
prise dans son sens faible. Un minimum de cohérence commande de penser que le
législateur français ne peut condamner la sous-traitance de capacité d’un coté,
pour admettre de l’autre qu’une opération, par cette seule caractéristique,
puisse se soustraire des prises de l’article L. 125-1[169].
Surtout, il serait pour le moins étrange que la loi se montre plus sévère à
l’égard des opérations lucratives qu’elle ne l’est concernant les opérations
non lucratives. Or, aux termes de l’article L. 125-3 alinéa 2 du Code du
travail, en cas d’opération de main-d’œuvre à but non lucratif, le salarié
loué, qui contribue alors à l’exploitation de l’utilisateur, a droit à un
traitement rétributif égal à celui que percevrait un salarié ‘directement’
employé par l’emprunteur[170].
Un tel travers, pour le moins choquant, ne peut être évité que si, dans le
cadre du marchandage, le critère de l’insertion dans le cycle productif est envisagé
dans son sens fort. D’ailleurs cette approche se révèle être en harmonie avec
la lettre du texte.
« Des devoirs précis, qu’on a
pas d’excuse pour éluder»
Roger
Caillois[171]
Décidemment nous nous obstinons à
croire que l’emploi par le législateur de tels ou tels mots a un sens. A lire
le texte, nous nous rendrons compte que le critère premier du délit de
marchandage est le suivant : l’opération doit avoir pour effet de
causer un préjudice aux salarié qu’elle concerne, ou d’éluder l’application des
dispositions de la loi, du règlement, ou de convention ou accord collectif de
travail. La seconde branche de l’alternative mérite que nous nous y arrêtions
quelques instants, bien que ceux qui se sont intéressés au délit de marchandage
ne s’y soient pas attardés plus que çà. A partir de quand une opération
a-t-elle pour effet d’éluder l’application de dispositions légales,
réglementaires et surtout conventionnelles ? Dans son sens moderne,
‘éluder’ signifie « éviter avec adresse, se soustraire adroitement
à »[172].
Dès lors que les salariés du sous-traitant contribuent à l’exploitation du
donneur d’ordres, si ceux-ci ne bénéficient pas, de facto, de l’ensemble
normatif applicable à l’activité à laquelle ils concourent, l’opération
n’a-t-elle pas pour effet d’éluder l’ensemble des dispositions légales,
réglementaires et conventionnelles ? Il est d’ailleurs révélateur que le
terme le plus fréquemment usité pour aborder le ‘phénomène sous-traitance’, à
savoir « extériorisation », suggère lui-même cette perspective.
L’utilisation de la sous-traitance ne permet-elle pas aux opérateurs
économiques d’ « éviter adroitement » la ‘tutelle du
droit’ normalement afférente à un
travail apportant à l’exploitation du donneur d’ordres ? Le choix du sens
fort de la notion d’insertion dans le cycle de production s’avère en outre être
imposé par l’esprit du texte.
Par la loi du 6 juillet 1973, le
législateur, « afin de rendre opératoire et redoutable la répression du
marchandage »[173],
a élargi les éléments de l’incrimination de l’article 30 b du Code du travail.
Il ‘suffit’ de constater, comme le relevait également Monsieur Moreau[174],
qu’une opération de fourniture de main-d’œuvre à but lucratif a pour effet de
causer un préjudice au salarié qu’elle concerne, ou d’éluder l’application des
dispositions de loi, de règlement, ou de convention collective. Aux termes du
rapport sur le projet de loi, « Il faut s’en remettre, dans un domaine où
l’abus est susceptible de formes multiples, et à l’avance indéterminées, à la
sagesse du magistrat affronté à l’épreuve des faits […]. Il semble en tout cas
important d’indiquer clairement au juge que l’intention du législateur est de
détourner les tribunaux d’une interprétation qu’il estime trop restrictive, et
de les conduire à frapper d’une répression sévère des pratiques qui en l’état
actuel du droit restent aujourd’hui trop souvent impunies »[175].
Faire en sorte que l’utilisation de la sous-traitance ne puisse être l’occasion
de ‘précariser’ le statut du travail fait pour le compte de l’exploitation,
n’est-ce pas la meilleur moyen de couper l’herbe sous le pied au phénomène
d’extériorisation ; et partant de rendre plus opératoire et redoutable la
répression de pratiques encore trop souvent impunies ? Pour Monsieur
Petit, « il n’est pas inutile de faire payer le plus cher possible le coût
de cette précarité [précarisation] de l’emploi »[176].
A cet égard, il observait qu’ « en effet, du seul fait que le profit
est le moteur du système, toutes les solutions, y compris judiciaires,
susceptibles de réduire ce profit ne peut que freiner le mouvement
d’ensemble »[177].
Mais le message destiné aux juges est-il passé ?
Il semble que le législateur ait
été entendu par les magistrats du siège. Tout d’abord, relevons qu’il est très
clair pour ceux ci que l’article L. 125-1 n’exige pas, à la différence de
l’article L. 125-3, que l’opération ait un caractère exclusif[178].
L’analyse développée par la Cour de cassation est même en parfaite harmonie
avec la lecture des textes que nous avons proposée, celle-ci admettant tout à
fait qu’il puisse y avoir marchandage sans qu’aucun transfert d’autorité sur le
personnel n’ait été constaté[179],
ce qui n’a pas manqué d’émouvoir les rares commentateurs qui s’en sont rendus
compte[180]. La Cour a
également souligné que, « quelles que fussent les obligations du
[sous-traitant] à l’égard [des salariés] », le délit est constitué dès
lors que les conditions en sont remplies, et ce y compris pour le donneur
d’ordres [181]. En ce qui
concerne l’existence d’un préjudice ou d’une ‘éludation’, la même Cour de
cassation y voit une pure question de fait, relevant par conséquent de la seule
et souveraine appréciation des juges du fonds[182].
L’adoption d’une telle démarche implique nécessairement une indifférence
certaine quant au ‘truquage’ du lien juridique de subordination, et donc, une
réflexion en terme d’insertion dans le cycle de production. Peut-être
est-il permis de regretter que la Cour soit à ce point économe quant à l’exposé
de ses raisonnements, et qu’elle ne s’inspire pas de la transparence propre aux
démarches de la Cour de Justice des Communautés Européennes, ou encore de la
Cour de cassation italienne. Mais la tendance actuelle aux réductions
budgétaires devrait parfaitement s’accommoder des traditionnels attendus
synthétiques de la Cour de cassation française. Toujours est-il que le droit
français offre bel et bien de précieuses ressources en matière
d’extériorisation. Encore faut-il les mettre en œuvre…
Selon
Monsieur Petit, il appartient à tous les intéressés, et en particulier aux représentants
du personnel, de mener l’action revendicative nécessaire en matière de
sous-traitance[183].
Au-delà de la voie judiciaire éventuellement empruntée en référé, ces derniers
en ont-ils vraiment les moyens ? Acceptant l’invitation de Monsieur Petit,
nous allons désormais nous demander, en partant de l’exemple du travail
temporaire italien, si la représentation du personnel peut nous être d’un
quelconque secours…
III – Quels apports possibles d’une
intervention des représentants du personnel ? – L’exemple de la
réglementation italienne encadrant le travail temporaire
C’est la loi n° 196 du 24 juin 1997[184]
qui a procédé à la mise en place d’une réglementation italienne permettant et
encadrant le travail temporaire[185].
Il en résulte un ensemble normatif relativement proche de celui qui existe en
droit français. Nous ne présenterons donc pas l’ensemble de ce dispositif
normatif, dispositif au demeurant difficilement rattachable à la problématique
de la sous-traitance. Par contre, nous nous intéresserons à un trait
particulier de la réglementation italienne pour nous demander si il pourrait
utilement être transposé au cas français, en particulier en ce qui concerne la
sous-traitance : il s’agit du rôle de premier plan conféré aux
représentants du personnel dans l’encadrement du recours au travail temporaire.
L’information/négociation prévue par le
droit italien
La loi italienne
assigne à la négociation collective de branche la mission de déterminer les cas
possibles de recours au travail temporaire (en outre de ceux prévus par la loi[186])[187].
De même, il appartient aux partenaires sociaux d’arrêter les cas dans lesquels
il pourra y avoir prorogation de la mission[188].
La convention collective de branche peut aussi interdire le recours au travail
temporaire pour certaines fonctions[189].
Surtout la loi italienne dispose que « le nombre de travailleurs
temporaires occupés dans l’entreprise ne peut pas dépasser les pourcentages
fixés dans les conventions collectives de branches »[190].
Ce système est combiné avec une
information des représentants du personnel. Ceux-ci doivent être informés,
avant le recours au travail temporaire, sur le nombre et les motifs du recours
au travail temporaire[191].
Ils reçoivent également tous les 12 mois une information portant sur le nombre
de contrats de mission, leurs motifs de recours, la durée, la qualification des
intéressés…[192]
Potentialité
d’une négociation en droit français
Or, en droit français,
si le législateur a instauré une information des représentants du personnel sur
la situation de l’emploi, et particulièrement sur celle du travail temporaire[193],
il n’a pas prévu la fixation négociée par les partenaires sociaux d’un plafond
de recours au travail temporaire[194].
Ce système est-il transposable en France en l’état actuel des textes ? A
priori non : la clause de la convention collective ne peut pas être plus
favorable que la loi puisque, par hypothèse, le recours au travail temporaire
ne peut avoir pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à
l’activité normale de l’entreprise. Donc il répond à un besoin particulier, et
limiter le recours au travail temporaire ne peut que limiter l’emploi[195],
si précaire soit-il. Il n’est en outre pas exclu que nous nous trouvions face à
un ordre public absolu.
Mais en droit français, les
représentants du personnel sont également informés sur la situation de la
sous-traitance[196].
Serait-il possible de négocier efficacement un pourcentage à ne pas dépasser de
recours à la sous-traitance ? Dans cette hypothèse, il n’y a pas de loi
pour comparer si c’est plus ou moins avantageux. Partant, l’autonomie
collective devrait pouvoir s’exprimer pleinement.
Une ‘sanctionnabilité‘ à préciser
Mais la question sera
alors celle des sanctions. Dans le système italien que nous avons présenté, il
existe une interrogation quant à la sanction applicable en cas de non respect
par l’entreprise utilisatrice. Le texte ne prévoit pas expressément de sanction
alors qu’il précise que la violation des alinéas qui précèdent entraîne
l’application du droit commun, c’est à dire de la loi n° 1369[197].
Le Professeur Perulli estime pour sa part que si les conditions de la
dérogation à la loi de 1960 ne sont pas remplies, l’on doit retomber sur
l’application du droit commun, donc de la loi n° 1369 (il y aurait
interposition)[198].
Admettons, mais alors quelles sanctions appliquer : Faut-il requalifier
tous les contrats de mission ou seulement les derniers, ceux qui font que le
quota est dépassé ? Peut-être les partenaires sociaux pourraient-ils eux même
prévoir les conséquences du dépassement : on peut songer à une obligation
de recruter, dans un temps déterminé, faute de quoi il y aurait une
augmentation générale… Mais qui signerait une telle clause ? Ce système
est intéressant mais il impliquerait une intervention du législateur, ne
serait-ce que pour fixer la sanction applicable. Notons qu’il faudrait obliger
les partenaires sociaux à conclure sur ce pourcentage. On pourrait s’inspirer
du système italien pour le dépasser : seule la négociation collective peut
prévoir les cas de recours possibles au travail intérimaire et ces cas ne
peuvent être effectivement utilisés que si un accord a été trouvé sur le
pourcentage relatif à la sous-traitance. Et pourquoi pas des cas d’interdiction
conventionnelle ???
Seul
le droit conventionnel a peut-être un avenir en Italie puisque le Parlement
italien a délégué ses pouvoirs au Gouvernement pour ce qui a trait au marché du
travail, et notamment pour procéder à l’abrogation de la loi n° 1369 du 23 octobre
1960[199]…
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Pour une approche sociologique du problème :
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L’autonomie contrôlée, Cahier du GEDISST n° 6, 1993.
- Direction générale de l’Industrie, des Technologies de l’Information, et des Postes - Service des Etudes et des Statistiques Industrielles (SESSI), La sous-traitance en chiffres, hors série - Production industrielle, collection Chiffres clés, novembre 2001 (disponible sur le site www.industrie.gouv.fr).
[1] Pascal, Pensées, 60.
[2] Article 1 de la loi n° 75-1122 du
31 décembre 1975, relative à la sous-traitance.
[3] Articles 6 et 12 de la loi du 31
décembre 1975.
[4] Le législateur avait d’ailleurs
pris le soin de nous avertir ab initio, dès l’article 1er « Au sens de la présente loi, la
sous-traitance est… »
[5] Voir notamment l’article L. 432-4
alinéa 2 du Code du travail.
[6] Relevons quand même que le
législateur vise aussi les ‘entreprises extérieures’ – articles L. 132-21, L.
421-2, L. 431-2, L. 432-4-1 du Code du travail. Il n’est pas interdit de
penser, qu’à travers l’emploi de cette formule, la loi se réfère implicitement
à l’acception commune du terme ‘sous-traitance’. Notons enfin que la récente loi
n° 2002-73 du 17 janvier 2002 dite « loi de modernisation sociale »,
qui utilise expressément le terme, semble se rattacher à cette même définition
– V. article L. 431-1-2 du Code du travail.
[7] A titre d’exemple, en matière de
licenciement économique ou de représentation du personnel, la « tutelle du
droit » (expression empruntée à la doctrine italienne), est bien moins
forte pour les ‘petites entreprises’; et ce aussi bien en droit italien qu’en
droit français.
[8] A. Supiot, Du bon usage des lois
en matière d’emploi, Droit social 1997, pp. 229.
[9] Ou autre.
[10] Sur cette distance, nous
renverrons aux travaux du Pr A. Jeammeaud, Evaluer le droit, D. 1992 Ch.
263 ; Le droit et l’action, D. 1993, Chr. LV p. 207.
[11] Selon l’expression empruntée à B.
Appay, Individuel et Collectif – Questions à la sociologie du travail –
L’autonomie contrôlée, Cahier du GEDISST n° 6, 1993.
[12] Par « lien juridique de
subordination », nous entendrons le lien de subordination juridique
tel qu’enrichi officiellement par les juges italiens - et officieusement par
les juges français (V. infra).
[13] Selon un certain discours.
[14] Legge 23 ottobre 1960, n. 1369 – “Divieto
di intermediazione ed interposizione nelle prestazioni di lavoro e nuova
disciplina dell’impiego di mano d’opera negli appalti di opere e di servizi”.
[15] Le phénomène serait donc loin
d’être nouveau.
[16] En effet, le sous-traitant ou
l’intermédiaire vient s’interposer dans la relation de travail entre
l’entrepreneur et les salariés (en ‘assumant’ formellement ces derniers alors
que c’est bien l’entrepreneur qui est le véritable détenteur du pouvoir de
direction, pouvoir propre à la figure du contrat de travail).
[17]
Cass. S.U. 21 marzo 1997, n. 2517, RIDL, 1997, II, 705.
[18] P. ex. : Pret. Milano,
28 dicembre 1998, OGL, 1999, I, 145 ; Pret. Torino, 17 gennaio 1994, RIDL,
1995, II, 62.
[19] M.V. Ballestrero – G. De Simone, Diritto
del lavoro : domande e percorsi di risposta, Giuffrè, 2001, pp. 45.
[20]
Cass. S.C. 23 aprile 1999, n. 4046, NGL, 1999, 475.
[21] P. ex. : Pret. Milano,
28 dicembre 1998, OGL, 1999, I, 145 ; Pret. Torino, 17 gennaio 1994, RIDL,
1995, II, 62 ; Cass. S.C. 23 aprile 1999, n. 4046, NGL, 1999, 475.
[22] A. Lyon-Caen, propos tenus lors du
séminaire intitulé « Droit de l’emploi », dispensé près
l’Université Paris X - Nanterre dans le cadre du D.E.A. de droit social. Le Pr
A. Lyon-Caen citait les arrêts suivant à l’appui de ses développements :
Cass. soc., 19 décembre 2000, DS 2001, p. 227 ; Cass. soc., 11 mai 2001,
RJS 2001, n° 914 ; Cass. soc., 11 janvier 2002, RJS 2002, n° 253.
[23] Cass. soc., 9 juin 1993, Bull.
civ. V, n° 164.
[24] Institution équivalant, grosso
modo, à l’interposition (illicite) – P. ex. Cass. crim., 7 février 1984,
Bull. crim. n° 46 ; ou encore Cass. soc., 9 juin 1993, Bull. civ. V., n°
164.
[25] Encore faut-il que le savoir-faire
spécifique ainsi prêté soit distinct de celui des salariés de la société
utilisatrice (Cass. crim., 3 mai 1994, RJS 1994, n° 1224), faute de quoi il
contribuerait bien plus à l’autonomie ‘entrepreneuriale’ de cette dernière
qu’il ne révélerait une quelconque autonomie du sous-traitant.
[26]
Cass. S.U. 21 marzo 1997, n. 2517, RIDL, 1997, II, 705.
[27]
Cass. 27 aprile 1992, n. 5011, MGL, 1992, 496.
[28] Cass. soc., 22 janvier 1992, RJS
1992, n° 241 ; Cass. soc., 20 octobre 1998 : ‘Société SCAC’.
[29] A. Lyon-Caen et J. de Maillard, La
mise à disposition de personnel, Droit social 1981, p. 320 s, spécialement
n° 20 s.
[30] Cette expression aura le mérite
pédagogique d’éviter une fausse piste : les employeurs identifiés ne seront pas
débiteurs conjoints, contrairement à ce que la formule employeurs conjoints pourrait
laisser penser.
[31] A. Lyon-Caen et J. de Maillard, La
mise à disposition de personnel, précité n° 29.
[32]
Cass. 27 aprile 1992, n. 5011, MGL, 1992, 496.
[33] Relevons d’emblée que ce pouvoir
vertical ne saurait se confondre ipso facto avec un pouvoir de
direction. Dans leurs décisions, les magistrats du siège français prennent au
demeurant le soin de caractériser ce (pouvoir vertical qui se traduit en)
pouvoir de direction, le seul à permettre l’identification d’un employeur. Par
conséquent, il conviendrait peut-être de parler de groupe d’employeurs
plutôt que d’entreprises.
[34] En ce sens : G. Teubner, Nouvelles
formes d'organisation et droit, Revue Française de Gestion, novembre 1993,
p. 50.
[35] La franchise se présente comme le
modèle type de ces réseaux.
[36] Faute de quoi, comme le relève
G.Teubner (op. cit.), la situation ne peut manquer de créer des avantages au
profit des détenteurs de ce pouvoir, lesquels auront alors tout loisirs pour
assumer ou non les obligations qui sont en principe le pendant d’un tel pouvoir
– Rappr. A. Lyon-Caen - J. De Maillard (La mise à disposition de personnel,
Droit Social 1981, pp. 329) qui observaient déjà que « l’extériorisation -
sa création comme sa cessation - offre à l’utilisateur une liberté
remarquable ».
[37] Issu de la loi « de
modernisation sociale ».
[38] La remarque vaut également pour la
reprise légale (encore la loi de modernisation sociale !) de la règle prétorienne
étendant le périmètre de l’obligation de reclassement à toutes les entreprises
appartenant au même groupe de sociétés (que l’entreprise qui licencie). Cette
règle était bel et bien motivée, à l’origine, par cette même idée de pouvoir
vertical ; lequel n’est pas, de fait, propre aux groupes de sociétés.
[39]
Cass. 27 aprile 1992, n. 5011, MGL, 1992, 496.
[40] Cass. soc., 7 décembre 1995, Droit
social 1996, p.434, obs. G. Borenfreund.
[41] Pourquoi pour les syndicats et pas
pour les employeurs ? Ne pourrait/devrait - on pas transposer à leur égard
le système applicable aux syndicats ? Une présomption irréfragable de la
qualité d’employeur pourrait être tirée de la mention de tel agent sur le
contrat de travail, sans pour autant exclure la preuve d’une qualité
d’employeur pour les autres agents.
[42] Ainsi y a-t-il une dichotomie,
lorsqu’il s’agit d’identifier l’employeur, entre d’une part une appréciation
fonctionnelle, et d’autre part les conséquences « logiques » (?) qui
en découlent pour le droit français en matière de qualité représentative. S’il
y a appréciation fonctionnelle, il n’y a pas vraiment approche fonctionnelle.
[43] Eu égard à la reconnaissance
juridique d’une conjonction d’employeurs, si nous concevons que l’obstacle
existe, il ne nous paraît pas pour autant insurmontable : ne pourrait-on
pas admettre qu’il existe plusieurs employeurs tous tenus à tous les égards.
C’est bien ce que font les juges français dans le cadre des groupes de
sociétés.
[44] Les juges français seraient-ils
sensibles à un « raisonnement a contrario
international » ? Après tout pourquoi pas : L’étude des systèmes
juridiques étrangers est une mission des avocats généraux clairement reconnue.
Sommes nous à l’heure européenne…??
[45] Ce qui aurait le mérite de limiter
la remarquable liberté offerte par l’extériorisation (Cf. supra) en
évitant que le donneur d’ordres n’échappe aux effets négatifs du pouvoir qu’il
détient.
[46] Nous noterons que la loi de
modernisation sociale, à travers l’introduction de ce nouvel article L. 432-1-2
dans le Code du travail (information/consultation du comité d’entreprise du
sous-traitant), s’est timidement inspirée d’une telle idée.
[47] Cependant il convient de rappeler
que s’il ne rencontre pas le même obstacle textuel que le droit italien, le
droit français s’avère être encore plus éloigné d’une approche fonctionnelle
puisqu’il rejette ‘déjà’ toute appréciation fonctionnelle lorsqu’il s’agit
d’identifier un employeur (Voir spécialement Cass. soc., 20 octobre 1998 –
précité -, qui applique avec rigidité les critères habituels).
[48] Article 1er dernier
alinéa de la loi n° 1369.
[49]
Cass. 5 agosto 1998, n. 7670, NGL, 1998, 672 ; 27 maggio 1996, n. 4862, RIDL,
1997, II, 311
[50] Bien entendu, nous mettrons de côté
le cas du travail temporaire qui doit répondre à ses propres conditions de
licéité.
[51] Article L. 152-3, alinéa 1 du Code
du travail.
[52]
Cass. crim., 25 avril 1989, Bull. crim. n° 170.
[53] Cass. soc.,5 juillet 1984, Bull.
civ. V, n° 299.
[54] Pour être plus exact, il s’agit
plutôt de la règle ‘In pari causa… (turpitudinis cessat repetitio)’,
encore que la distinction tend, avec le temps, à s’essouffler.
[55] Article L. 152-3, alinéa 3 du Code
du travail.
[56] Certes le texte dispose
« et/ou », mais il ne paraît pas conforme aux principes généraux du
droit pénal qui commandent l’alternative, comme le souligne les Professeurs A.
Cœuret et E. Fortis – Droit pénal du
travail, Litec, 2000, n° 737.
[57] Mais la possibilité de prononcer
une interdiction d’exercer une fonction juridictionnelle doit être exclue –
Cass. crim., 13 novembre 1996, Droit ouvrier 1997, p. 476, Obs. critique.
[58] « Sources d’une concurrence
déloyale entre les entreprises » – H. Rauline, Droit Social 1994, pp. 123.
[59] Article L. 152-3-1 du Code du
travail.
[60] Article L. 324-13-2 du Code du
travail.
[61] Article L. 125-3-1 du Code du
travail.
[62] Cass. crim., 28 novembre 1995,
Bull. crim, n° 361.
[63] Cass. crim., 15 novembre 1983,
Bull. crim, n° 299.
[64] Outre tous les ouvrages dits
‘pratiques’ (Lamy social, mémento Francis Lefebvre, Navis social…) :
Blaise H., A la frontière du licite et de l’illicite : la fourniture de
main d’œuvre, Droit social 1990, p. 418 ; Bouloc, Répertoire de droit
du travail Dalloz, V° Marchandage ; Cahiers prud’homaux, A
propos du prêt de main d’œuvre, Cahiers n° 10, 1992, Chronique p. 1 ;
Cœuret A., Prêt de main d’œuvre, Juris-Classeur Travail, Dalloz,
Fascicule 3-20 ; Danti Juan M., Le détachement d’un travailleur auprès
d’une autre entreprise, Droit Social 1985, p. 834 ; Doroy F., Le
préjudice causé au salarié dans le délit de marchandage, Droit social 1994,
p. 547 ; Ferrion J., Sous-traitance ou prêt de main d’œuvre
illicite ? , Edition du Juris-Classeur, Droit du Travail, La lettre de
janvier 1996, p. 3 ; Frossard, Prestations de services, in
« flexibilité du droit du travail, objectif ou réalité ? », ELA
1986, p. 89 ; Gaudu F., La responsabilité civile du prêteur de main
d’œuvre, Recueil Dalloz 1998, Chronique p. 235 ; Lasserre, Travail
en équipe autonomes, Droit Social 1975, p. 96 ; Martinez J., Prêt
de main d’œuvre, Semaine Sociale Lamy, supplément au n° 315, 16 juin
1986 ; Moreau D., Trafics de main d’œuvre, Droit Social 1981,
p. 392 ; Petit M., Fausse sous-traitance et prestation de services illégale,
Droit ouvrier 1981, p. 138 ; Paillisser
J.B., Sous-traitance et prêt de main d’œuvre, Semaine Sociale Lamy, n°
697, 25 mai 1994.
[65] Ce qui devrait donc logiquement
amener à la conclusion qu’il s’agit, non pas de « critères », mais
d’indices.
[66] Cass. crim., 21 janvier 1986, n°
84-95.529.
[67] Cass. crim, 25 juin 1985, n° 84‑91.628.
[68] A l’appui de cette affirmation,
est généralement cité : Cass. crim., 18 avril 1989, n° 86‑96.663.
[69] Cass. soc, 9 juin 1993, n° 91‑40.222.
[70] Cass. crim., 6 septembre 1995, n°
94‑80.983.
[71] Cass. crim., 12 mai 1998, n° 96‑86.479.
[72] Cass. crim., 12 mai 1998, n° 96‑86.479.
[73] Cass. crim., 25 avril 1989, n° 88‑84.255.
[74] Cass. soc., 7 févr. 1984, Bull.
crim., n° 46.
[75] H. Blaise, A la frontière du
licite et de l’illicite : la fourniture de main d’œuvre, Droit social
1990, p. 418.
[76] Cass. crim., 25 avril 1989, n° 88‑84.222.
[77] Cass. crim., 25 avril 1989, n° 87‑81.212.
[78] Cass. crim, 5 mars 1985, n° 83.91.545.
[79] Cass. crim., 23 juin 1987, Bull.
crim. n° 263.
[80] H. Blaise, A la frontière du
licite et de l’illicite : la fourniture de main d’œuvre, Droit social
1990, pp. 421.
[81] Il nous faut bien « retourner
vers la terre ferme du droit civil », le discours sur le droit évoqué plus
haut nous y entraînant, malgré les avertissements du Pr Supiot – A. Supiot, Pourquoi
un droit du travail ?, Droit social 1990, p. 485.
[82] Cass. Civ. 1re, 6 juin
1990, JCP 1991. II. 21594, note Hassler (vente de films « traitement et
montage inclus ») ; Cass. Civ. 3e, 31 janvier 1996, Bull.
civ. III, n° 28 (vente avec pose d’éléments de menuiserie) ; et spécialement
Cass. Com., 3 janvier 1995 et 17 mars 1998 ; ainsi que Cass. Civ. 1re,
14 décembre 1999 (contrat d’entreprise et non vente lorsque le donneur d’ordres
fournit le matériel et la matière) dont les références sont
respectivement : Bull. civ. IV, n° 2 ; Bull. civ. IV, n° 104 ;
Bull. civ. I, n° 340.
[83] Cass. Civ 3e, 18 juin
1970, D. 1970. 674.
[84]
Cass. Civ 1re, 15 juin 1973, Bull. civ. I, n° 202 ; Cass. Civ 3e,
18 janvier 1977, Bull. civ. III, n° 25.
[85]
Cass. Civ 1re, 4 octobre 1989, Bull. civ. I, n° 301 ; Cass.
Civ. 1re, 24 novembre 1993, Bull. civ. I, n° 339.
[86] Cela est particulièrement vrai
pour les prestations intellectuelles - Cass. Civ. 1re, 21 décembre
1964, JCP 1965. II. 14005 (conseil en entreprise) ; Cass. Com., 9 octobre
1990, Bull. civ. IV, n° 234 (agent de publicité) ; Cass. Civ 3e, 5
novembre 1997, JCP 1997. IV. 2484 (bureaux d’études) ; Cass. Civ 3e,
23 octobre 1991, Bull. civ. III, n° 245 (maître d’œuvre chargé de la
coordination des travaux effectués par diverses entreprises).
[87] Article 1789 du Code civil.
[88] Cass. Civ 1re, 25 février 1964, Gaz. Pal. 1964. I.
391 ; Cass. Civ. 3e, 19 janvier 1994, Bull. civ. III, n° 6.
[89] C’est d’ailleurs ce qui
expliquerait le sentiment de « flou », reconnu par beaucoup, qui
règne sur la qualification de prêt illicite de main d’œuvre – Voir notamment H.
Blaise, A la frontière du licite et de l’illicite : la fourniture de
main d’œuvre, Droit social 1990, pp. 419 n° 5 .
[90] Il en sera ainsi en cas de
fourniture de choses ne présentant pas de caractère très spécifique. Nous
penserons à la fourniture de palettes ou encore à la plupart des
sous-traitances du secteur automobile. Mais la sous-traitance peut également se
présenter sous des formes juridiques autres, notamment sous celle du mandat –
P. ex. Cass. soc., 4 avril 1990, « Dutruch » Bull. civ. V, n° 157
(recrutement).
[91] Rappr. Vocabulaire juridique,
sous la direction de G. Cornu (association Henri Capitant), PUF, 1998.
[92] En ce sens : F. Gaudu, La
responsabilité civile du prêteur de main d’œuvre, D. 1988, Chr. pp. 236, n°
3.
[93] Au delà de l’apparence et des
qualifications opérées par les parties, il appartient aux juges de rechercher
la véritable nature juridique de l’opération, sur le fondement de l’article 12
du (nouveau) Code de procédure civile – P. ex. Cass. soc., 2 avril 1992, ‘BPPB
c/ Arias et Salle’. Ce serait même là un impératif – Cass. soc., 9 juin
1993, Bull. civ. V, n° 164 ; Cass. crim., 26 septembre 1996, n° 94-80.983 ;
Cass. crim., 18 mars 1997, n° 96-82.254.
[94] Rappelé par l’article 111-4 du
(nouveau) Code pénal.
[95] En ce sens : V. De Loreilhe
in Les échos du 5 mai 1999, p. 61 ; Rappr. Vocabulaire juridique,
sous la direction de G. Cornu (association Henri Capitant), PUF, 1998.
[96] Cass. crim., 18 avril 1989,
reproduit in Droit social 1990, p. 424.
[97] Blaise H., A la frontière du
licite et de l’illicite : la fourniture de main d’œuvre, Droit social
1990, p. 418.
[98] A notre sens critiquable – Cf. supra.
[99] Seuls deux auteurs ont proposé une
présentation différente du droit positif, mais ce antérieurement au Pr Blaise –
Voir A. Lyon-Caen et J. De Maillard, La mise à disposition de personnel,
Droit Social 1981, p. 320. Pour ces auteurs, la question est la
suivante : du donneur d’ordres ou du sous-traitant, « Qui est
l’employeur ? » En ce qui nous concerne, nous pensons que l’équation
est la même. Au bout du compte, ces (prétendus) « critères » du
contrat d’entreprise ne sont-ils pas les mêmes que ceux utilisés pour
caractériser l’existence (ou non) d’un contrat de travail. Cette observation
nous amènera à la conclusion suivante : finalement, à suivre la
présentation qui est traditionnellement faite du droit positif français, les
institutions italienne et française ici à l’étude seraient… identiques (recherche de l’employeur
réel).
[100] Cass. soc., 4 avril 1990, Bull.
civ. V, n° 157.
[101] Parmi d’autres : Cass. crim.,
20 octobre 1992, ‘Le Guern’, Droit social 1994, p. 550 ; Cass. soc., 9
juin 1993, arrêt n° 2416 P, ‘Sotralentz c/ Ruiz-sanchez’ ; Cass. crim., 15
mars 1994, ‘Luciani’, n° 93-81.110 ; Cass. crim., 3 mai 1994, n°
93-83.104 ; Cass. crim., 16 janvier 1996, n° 95-80.772 ; Cass. crim.,
28 janvier 1997, n° 96-80.727 ; Cass. crim., 18 mars 1997, ‘Madinier’ n°
96-82.254, Droit ouvrier 1997, p. 400 ; C.A. Bordeaux, Ch. Soc., sect. B,
18 novembre 1999, ‘Ballastre’, rôle n° 96/04948 ; Cass. crim., 21 mars
2000, ‘R.C. c/ M.P.’, n° 99-84.368, CSBP n° 122, S 350 ; Cass. crim., 16
mai 2000, ‘Y.P.’ n° 99-85.485.
[102] Cass. crim., 3 décembre 1991,
‘Vernet’, n° 90-86.793 PF.
[103] Ce qui explique qu’ils attaquent
souvent (mais en vain) pour contradiction de motifs – Particulièrement
significatifs : Cass. crim., 3 décembre 1991, ‘Vernet’, n° 90-86.793 PF ;
Cass. crim., 18 mars 1997, n° 96-80.727.
[104] Voir, très clair à cet
égard : Cass. soc., 9 juin 1993, Bull. civ. V, n° 164, qui affirme
« le prêt de main-d’œuvre n’est pas prohibé lorsqu’il n’est que la
conséquence nécessaire de la transmission d’un savoir-faire ou de la mise en
œuvre d’une technique qui relève de la spécificité propre du sous-traitant ».
[105] Aussi bien pour le donneur
d’ordres que pour le sous-traitant.
[106] Cass. crim., 15 mars 1994,
‘Luciani’, n° 93-81.110.
[107] Sauf à prendre le risque d’une
requalification (-sanction) de ces contrats en Contrat à Durée Indéterminée –
articles L. 124-7 alinéa 2 (lequel renvoie à l’article L. 124-2) et L. 122-3-13
(lequel renvoie à l’article L. 122-1).
[108] C’est pourquoi, la part de
l’utilisateur dans la réalisation de l’opération étant prépondérante (c’est
bien lui qui en est l’instigateur - et le principal artisan, à travers
l’exercice d’un pouvoir sur le sous-traitant et surtout sur les salariés de ce
dernier), ceux qui critiquent l’analyse de la Cour de cassation selon laquelle
les participants doivent être condamnés comme coauteurs du délit, pour soutenir
que le terrain de la complicité serait plus opportun (en ce sens
notamment : Y. Chalaron, Pour un nouveau concept pénal de marchandage
ou trafic de main-d’oeuvre, Droit Social 1980, p. 507), devraient à notre
sens en arriver à la conclusion que c’est bien le sous-traitant qui est
complice, et non l’utilisateur. Preuve que l’analyse développée par la Cour de
cassation a des vertus simplificatrices appréciables, et non critiquables dès
lors que s’il n’en est pas le principal instigateur et artisan, le sous-traitant
n’en est pas moins un participant à l’ « opération », au
demeurant irréalisable sans son intervention, bien plus qu’un quelconque
complice (lequel, faut-il le rappeler, se borne à faciliter la commission d’une
infraction – article 121-7 du Code pénal).
[109] Cass. crim., 15 mars 1994,
‘Luciani’, n° 93-81.110.
[110] A supposer qu’un tel transfert total
soit constaté, cela devrait permettre d’envisager efficacement des poursuites
pour travail dissimulé par dissimilation d’emploi salarié (article L 324-10),
ce qui peut s’avérer très lourd sur le plan financier (article L. 324-13-1).
[111] Cass. soc., 4 avril 1990, Bull.
civ. V, n° 157 ; Cass. crim., 3 décembre 1991, ‘Vernet’, n° 90-86.793 PF ;
Cass. crim., 20 octobre 1992, ‘Le Guern’, Droit social 1994, p. 550 ;
Cass. soc., 9 juin 1993, arrêt n° 2416 P, ‘Sotralentz c/ Ruiz-sanchez’ ;
Cass. crim., 3 mai 1994, n° 93-83.104 ; Cass. crim., 16 janvier 1996, n°
95-80.772 ; Cass. crim., 28 janvier 1997, n° 96-80.727 ; Cass. crim.,
21 mars 2000, ‘R.C. c/ M.P.’, n° 99-84.368, CSBP n° 122, S 350 ; Cass.
crim., 16 mai 2000, ‘Y.P.’ n° 99-85.485 ; et spécialement, en ce qu’il
(ne) se prononce (pas) sur une décision attaquée sur ce point : Cass.
crim., 18 mars 1997, ‘Madinier’ n° 96-82.254, Droit ouvrier 1997, p. 400.
[112] Opérant déjà un tel
rapprochement : A. Lyon-Caen – J. De Maillard, La mise à disposition de
personnel, Droit Social 1981, pp. 329.
[113] Cass. Ch. Réunies, 8 janvier 1908,
DP 1908, concl. Beaudouin, note Dupuich ; Cass. soc., 9 juillet 1979, JCP
1979, IV, 314 ; Cass. soc., 12 juin 1980. Bull. civ.
V, n° 524.
[114] Particulièrement
significatif : Cass. crim., 28 janvier 1997, n° 96-80.727.
[115] F. Gaudu, La responsabilité
civile du prêteur de main d’œuvre, D. 1988, Chr. pp. 236, n° 6-1.
[116] Contra : A. Cœuret et E. Fortis qui
dénoncent « une certaine ‘dérive’ concernant la notion de ‘but
lucratif’ » – Droit pénal du travail, Litec, 2000, n° 745. En ce
sens également : O. Godard, dans ses observations au JCP E., I, 340. Que
les sceptiques quant à la mort annoncée du service public soient rassurés !
Les entrepreneurs de tous poils seraient là pour nous servir, et ce sans
espérer en tirer quoi que ce soit. Belle entreprise…
Plus sérieusement, cette surprenante position peut
s’expliquer par le fait que ces auteurs estiment que le texte pose une exigence
d’exclusivité quant au caractère lucratif du but poursuivi (Cf. Op. cit.,
n° 744), ce qui ne peut manquer d’étonner, puisque l’article L. 125-3 alinéa 1er
du Code du travail dispose bien : « Toute opération à but _ lucratif
ayant exclusivement pour objet… »
[117] Cass. soc., 4 avril 1990, Bull.
civ. V, n° 157 ; Cass. crim., 3 décembre 1991, ‘Vernet’, n° 90-86.793 PF ;
Cass. crim., 20 octobre 1992, ‘Le Guern’, Droit social 1994, p. 550 ;
Cass. soc., 9 juin 1993, arrêt n° 2416 P, ‘Sotralentz c/ Ruiz-sanchez’ ;
Cass. crim., 3 mai 1994, n° 93-83.104 ; Cass. crim., 16 janvier 1996, n°
95-80.772 ; Cass. crim., 28 janvier 1997, n° 96-80.727 ; Cass. crim.,
18 mars 1997, ‘Madinier’ n° 96-82.254, Droit ouvrier 1997, p. 400 ; C.A.
Bordeaux, Ch. Soc., sect. B, 18 novembre 1999, ‘Ballastre’, rôle n°
96/04948 ; Cass. crim., 21 mars 2000, ‘R.C. c/ M.P.’, n° 99-84.368, CSBP
n° 122, S 350 ; Cass. crim., 16 mai 2000, ‘Y.P.’ n° 99-85.485.
[118] Pour reprendre la distinction
proposée par M.L. Morin – Sous-traitance et relations salariales – Aspects
de droit du travail, Travail et Emploi n° 60.
[119]
Cass. S.U. 21 marzo 1997, n. 2517, RIDL, 1997, II, 705.
[120]
Pret. Torino, 17 gennaio 1994, RIDL, 1995, II, 62.
[121] La personne juridique exerçant le pouvoir
organisationnel se verrait appliquer les règles attachées au pouvoir
organisationnel ; et celle qui exerce le pouvoir de direction immédiat,
les règles relatives à l’exercice de ce pouvoir…
[122]
Cass. 4 febbraio 1998, n. 1144 ; 20 aprile 1990, n. 3289 ; 19 maggio 1990, n.
4551
[123]
Cass. 27 maggio 1996, n. 4862.
[124]
Cass. S.U. 21 marzo 1997, n. 2517, RIDL, 1997, II, 705.
[125] Article 4 de la loi n° 1369.
[126] Article 6 de la loi n° 1369.
[127]
Cass. 17 dicembre 1998, n. 12641, GC, 1999, I, 3083.
[128] Cass. 26 giugno 1998, n. 6347, NGL, 1998, 672.
[129] Comme l’a affirmé le Pr
Ballestrero lors du séminaire intitulé « Droit social international et
européen », animé près l’Université Paris X – Nanterre, dans le cadre
du D.E.A. de droit social.
[130] Cass. 17 dicembre 1998, n. 12641,
GC, 1999, I, 3083.
[131] H. Blaise, A la frontière
du licite et de l’illicite : la fourniture de main d’œuvre, Droit
social 1990, p. 418.
[132] M.L. Morin, Sous-traitance
et relations salariales – Aspects de droit du travail, Travail et emploi n°
60, p. 23.
[133] Accords collectifs inclus.
[134] V. notamment les articles L. 721-1
et L. 781-1 du Code du travail.
[135] Une forme de sous-traitance pour
l’article L. 721-1, et les réseaux pour l’article L. 781-1.
[136] Ces derniers oublient probablement
que le droit du travail est né avant tout en réaction à la subordination
observée par les sociologues. Personne ne contestera que la naissance du droit
français du travail est bien la conséquence immédiate de la publication du
rapport Villermé. Si la subordination juridique prend de nouvelles formes afin
d’échapper à l’emprise du droit du travail, il incombe bien à ce dernier de
répondre : nouvelles formes de subordination, nouvelle appréhension de
cette subordination par le droit du travail. Il est grand temps que le discours
juridique travailliste réagisse aux phénomènes observés. C’est bien là
sa nature.
Rappr. F. Gaudu, La responsabilité civile du
prêteur de main d’œuvre, D. 1998, Chronique, pp. 235, n° 2.
[137] Propos tenus par le Pr Ballestrero
à l’occasion du séminaire intitulé « Droit social international et
européen », animé près l’Université Paris X - Nanterre dans le cadre
du D.E.A. de droit social.
[138] Lorsque les salariés du
sous-traitant, qui assurent un même travail, ne sont pas tous rattachés au
cycle de production du même donneur d’ordres.
[139] Ainsi le même droit italien qui
refuse la coexistence de deux rapports de travail subordonnés (en même temps)
n’exclurait pas le rattachement d’un même salarié à deux entreprises (en même
temps).
[140] Mais encore faut-il que
l’inspecteur du travail ait autorisé préventivement cette exclusion.
[141] L’hypothèse envisagée n’est pas
sans rappeler celle du prêt licite de main-d’œuvre.
[142] Entre les sous-traitances
structurelles et sous-traitances conjoncturelles – Cf H. Blaise, A la frontière
du licite et de l’illicite : la fourniture de main d’œuvre, Droit
social 1990, p. 418.
[143] Entre les sous-traitances
structurelles et les autres sous-traitances – Cf. M.L. Morin, Sous-traitance
et relations salariales – Aspects de droit du travail, Travail et emploi n°
60, p. 23.
[144] Cass. soc., 27 octobre 1999, Droit
social 2000, p. 185 ; Cass. soc., 23 novembre 1999, Bull. civ. V, n°
447 ; Cass. soc., 19 décembre 2000, RJS 2001, n° 305.
[145] Analyse classique chez
Tocqueville, spécialement in La démocratie en Amérique, Œuvres,
Gallimard, t. II ; V. aussi L. Dumont, Homo aequalis I – Genèse
et épanouissement de l’idéologie économique, Gallimard, 2e éd.
1985.
[146] La façon dont le texte est rédigé
est d’ailleurs assez révélatrice à cet égard : « « …nouvelle discipline quant à l’emploi de
main-d’œuvre dans la sous-traitance d’œuvre ou de service » ».
[147] Une telle solution ne serait
régler à elle seule tous les problèmes posés par l’extériorisation. Pensons par
exemple à cette hypothèse présentée par A. Lyon-Caen et J. De Maillard (La
mise à disposition de personnel, Droit Social 1981, pp. 329, n° 27) :
« pendant une dizaines d’années, une [société] recourt à un service
médical ‘inter-entreprises’ qui met à sa disposition un médecin du travail.
L’ardeur de celui-ci déplaît. La [société] décide de ne plus recourir à un
service extérieur mais de recruter un médecin qui serait son propre
salarié ». Une véritable approche fonctionnelle pourrait dans ce cas être
un utile complément.
[148] Qu’est ce que ne ferait pas la
rhétorique patronale pour les salariés les plus frappés de précarité !
[149] Rappr. A. Supiot, Du bon usage
des lois en matière d’emploi, Droit social 1997, pp. 229 ; A.
Lyon-Caen – J. De Maillard, La mise à disposition de personnel, Droit
Social 1981, pp. 320.
[150] Mais certes pas entre les
salariés, encore que si l’égalité ne serait pas assurée à travail égal, elle le
serait à situation égale (travailler pour tel donneur d’ordres). Somme toute
est-ce choquant ? Les salariés exerçant un métier donné sont-ils tous
rattachés à la même convention collective de branche ?
[151] Article L. 125-2 du Code du
travail.
[152] C’est en tout cas le propos tenu
par le Pr A. Lyon-Caen lors du séminaire intitulé « Droit social
international et européen », dispensé près l’Université Paris X -
Nanterre dans le cadre du D.E.A. de droit social.
[153] Marchandage au sens strict,
c'est-à-dire tel que prévu par l’article L. 125-1 du Code du travail, si
référence peut être faite à la distinction proposée par F. Gaudu, entre
marchandage entendu lato sensu et marchandage entendu stricto sensu
– La responsabilité civile du prêteur de main d’œuvre, D. 1998, Chr. pp.
236, n° 5. Il est vrai que l’article L. 125-1 est lui-même inséré dans un
chapitre intitulé « Marchandage ».
[154] L’existence d’un préjudice est en
effet une condition du délit.
[155] Délit auquel sont associées les
mêmes sanctions que attachées au prêt illicite de main-d’œuvre.
[156] Cass. crim., 22 juin 1993, n°
92-82.928.
[157] Particulièrement significatif, par
la clarté de ses propos : F. Doroy, Le préjudice causé au salarié dans
le délit de marchandage, Droit social 1994, pp. 548.
[158] Il est d’ailleurs (très très)
largement suivis par ceux qui se sont intéressés au marchandage.
[159] M. Hautefort, in Les échos du 21
septembre 1993, chronique juridique.
[160] Responsable des éditions sociales
et fiscales Lamy.
[161] Au point que beaucoup d’entre
elles n’ont accès qu’à ces seules ‘informations’.
[162] F. Gaudu, La responsabilité
civile du prêteur de main d’œuvre, D. 1998, Chr. p. 235 ; M. Petit,
Fausse sous-traitance et prestation de services illégale, Droit ouvrier
1981, pp. 139.
[163] Cass. crim., 16 janvier 1996, n°
95-80.772.
[164] Ce qui n’est apparemment pas
l’avis de tout le monde…
[165] Dans le même sens : F. Gaudu,
La responsabilité civile du prêteur de main d’œuvre, D. 1998, Chr. pp.
236, n° 5.
[166] En visant, ce qui ne peut être
anodin, non pas le prêt mais la fourniture de main-d’œuvre.
[167] La simple lecture de la table des
matières de tous les codes se révèlera significative à cet égard.
[168] Cf. supra nos développements de la
page 62.
[169] Rappelons le, une des
caractéristiques essentielles du dispositif italien est de faire échapper les
sous-traitances de capacité à la ‘tutelle’ de l’article 3 de la loi n° 1369.
[170] Voir l’art. L. 125-3 al. 2, qui
renvoie à l’art. L. 124-9, qui renvoie lui-même aux « dispositions qui
précèdent » et donc à l’art. L. 124-4-2 (lequel… renvoie - une fois n’est
pas coutume - à l’article L. 124-3 indice 5° [6°]) – Magnifique illustration de
« l’abus de la technique du… renvoi ».
[171] R. Caillois, in L’homme et le
Sacré, repris par : le Petit Robert, 1996, V° éluder.
[172] Définition proposée
par : Le Grand (dictionnaire encyclopédique) Larousse Universel,
1989, V° éluder ; Le dictionnaire des noms communs, Larousse, 1972 ;
le Petit Robert, 1996.
[173] Rapport sur le projet de loi sur
la répression des trafics de main-d’œuvre, n° 439, p. 11.
[174] D. Moreau, Trafics de main
d’œuvre, Droit Social 1981, pp. 397.
[175] Rapport sur le projet de loi sur la
répression des trafics de main-d’œuvre, n° 439, p. 11.
[176] M. Petit, Fausse sous-traitance
et prestation de services illégale, Droit ouvrier 1981, pp. 143.
[177] M. Petit, Fausse sous-traitance
et prestation de services illégale, Droit ouvrier 1981, pp. 143.
[178] Cass. crim., 23 juin 1987,
‘société Kodak’, Bull. crim. n° 263.
[179] Cass. crim., 23 juin 1987,
‘société Kodak’, Bull. crim. n° 263.
[180] F. Doroy, Le préjudice causé au
salarié dans le délit de marchandage, Droit social 1994, pp. 548.
[181] Cass. soc., 20 octobre 1992, ‘Le
Guern’, Droit social p. 550.
[182] Cass. crim., 22 juin 1993, n°
92-82.928 ; Cass. crim., 18 mars 1997, n° 96-82.254.
[183] M. Petit, Fausse sous-traitance
et prestation de services illégale, Droit ouvrier 1981, pp. 140.
[184] Legge 24 giugno 1997, n. 196 – « Norme
in materia di promozione dell’occupazione ». L’intitulé de cette loi
illustre une fois de plus que la promotion de la qualité de l’emploi (et même
sa simple préservation) ont définitivement céder le pas devant les
« exigences » de (toujours plus de) flexibilité.
[185] Et ce dans le cadre d’un très bel
exemple de règlement procédural : d’abord l’Assemblée plénière de la Cour
de cassation italienne, dans un arrêt du 21 mars 1997 (n. 2517, RIDL, 1997, II,
705.), prend acte de l’existence de thèses selon lesquelles la rigidité
normative alors actuelle, fondée sur le modèle du contrat de travail à temps
plein et stable, entraverait le développement de l’emploi. Mais elle refuse de
prendre parti et considère que c’est au législateur qu’il appartient de décider
s’il y a lieu de procéder ou non à une réforme par la voie législative. Celui
intervient quelques mois plus tard, mais il prévoit, d’une part la création
d’un fonds paritaire qui devra vérifier l’efficacité du dispositif normatif en
matière de promotion de l’emploi (article 5), et d’autre part une vérification
de ses effets par le Gouvernement et les organisations syndicales, avec une
information du Parlement deux ans et demi après l’entrée en vigueur de la loi
(article 11).
[186] Pour sa part, la loi n° 196 de
1997 prévoit deux cas de recours : le remplacement de travailleurs
absents, et l’utilisation temporaire de compétences différentes de celles
incluses dans le système productif normal de l’entreprise utilisatrice –
article 1er alinéa 2, indices b) et c).
[187] Article 1er alinéa 2,
indice a) de la loi n° 196 de 1997.
[188] Article 3 alinéa 4.
[189] Article 1er alinéa 4.
[190] Article 1er alinéa 8.
[191] En cas d’urgence, l’information
peut se faire dans les 5 jours de la conclusion du contrat avec
l’ « entreprise » de travail temporaire.
[192] Tout ce système d’information des
représentants du personnel est prévu à l’article 7 alinéa 4.
[193] Code du travail, articles L.
132-27 (examen annuel avec les délégués syndicaux), L. 432-4-1 (comité d’entreprise).
[194] Ni même la possibilité pour ces
derniers de prévoir des cas de recours au travail temporaire autres que ceux
prévus par la loi.
[195] De droit en tout cas.
[196] Code du travail, articles L.
132-27 (examen annuel avec les délégués syndicaux), L. 432-4 et L. 432-4-1
(comité d’entreprise).
[197] Article 10 alinéa 1er.
Les alinéas en question visent les cas de recours admis (par la loi ou la
convention collective de branche), ainsi que la forme que doit revêtir le
contrat de fourniture temporaire de main d’œuvre (passé entre l’utilisateur et
l’entreprise de travail temporaire).
[198] Propos recueillis le 6 mai 2001
lors d’un entretien que celui-ci a bien voulu nous accorder.
[199] Et ce dans la loi de… finances
pour 2002.