UNIVERSITE DE NANCY II

FACULTE DE DROIT, SCIENCES ECONOMIQUES ET DE GESTION

_____________________________________________________

 

 

 

 

 

 

COMPARAISON FRANCO-ALLEMANDE DES

 

DROITS ET OBLIGATIONS DES PARTENAIRES

 

D’UN PARTENARIAT ENREGISTRE

 

(PACTE CIVIL DE SOLIDARITE ET LEBENSPARTNERSCHAFT)

 

 

 

_______________

 

MEMOIRE

DE

DEA DE DROITS EUROPEENS COMPARES

 

Présenté par

 

 

Stéphanie ROSATI

 

 

 

 

 

Année universitaire 2000 / 2001

 

 

A

 toutes les personnes qui m’ont guidée par leurs conseils et par leurs suggestions,

 

à tous ceux qui m’ont aidée dans mes recherches et m’ont permis d’accéder aux sources de document et d’information,

 

j’adresse mes plus vifs remerciements ;

 

 

à  M. François Jacquot,

 

à  Mme Françoise Furkel,

 

j’exprime ma reconnaissance toute particulière.

 


 

 

 

 

 

 

« La faculté n’entend donner ni approbation, ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire, celles-ci devant être considérées comme propres à leur auteur »

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

LISTE DES ABREVIATIONS

 

 

Abs.                       Absatz

Abschnitt                section

Al.                          alinéa

AN                         Assemblée  Nationale

art.                         article

Art.                        Artikel

AusLG                   Ausländergesetz

 

BGB                        Bürgerliches Gesetzbuch vom 18.8.1896

BT-Drucks              Bundestag Drucksache                     

BverfG                    Bundesverfassungsgericht

 

C.                            Code

CA                          Cour d’appel

Cass. 1ère civ.           Cour de Cassation, première chambre civile 

Cass. 3ème civ.          Cour de Cassation, troisième chambre civile

C.Civ                       Code Civil

CGI                         Code Général des Impôts

CSP                         Code de la Santé Publique

CSS                         Code de la Sécurité Sociale

C.trav                      Code du Travail

 

D.                            Dalloz                        

Defrénois                Répertoire du notariat Defrénois

Droit de la famille  Revue Droit de la famille, éditions du Juris-Classeur

 

éd.                           édition

éd. G                       édition générale

 

FamRZ                    Zeitschrift für das gesamte Familienrecht

 

GG                          Grundgesetz

 

InfAuslR                 Informationsbrief Ausländerrecht

 

JCP                         Semaine juridique

JCP éd. N                Semaine juridique édition notariale et immobilière

J.O.                         Journal Officiel

JR                           Juristische Rundschau

JW                          Juristische Wochenschrift

JZ                           Juristen-Zeitung

 

LPartG                    Lebenspartnerschaftsgesetz vom 16.02.2001

LPartGErgG            Lebenspartnerschaftsgesetzergänzungsgesetz

 

MDR                       Monats-schrift für Deutsches Recht

 

NJW                        Neue Juristische Wochenschrift

Nr                           Numer

                            numéro

 

p.                           page

PACS                      pacte civil de solidarité

 

RIDC                      Revue internationale de droit comparé

RnotZ                      Rheinische Notar-Zeitschrift

RTDCiv.                  Revue trimestrielle de droit civil

 

S.                            Seite

StAG                       Staatsangehörigkeitsgesetz

StGB                       Strafgesetzbuch

StPO                       Strafprozessordnung

 

TA                           Tribunal administratif

TGI                         Tribunal de grande instance

TI                            Tribunal d’instance

 

ZPO                         Zivilprozessordnung

ZRP                        Zeirschrift für Rechtspolitik

 

§                             paragraphe

 

 

 

 

 

 

 

 


 

SOMMAIRE

 

 

 

 

 

 

Introduction                                                                  

Chapitre I :

Les relations de  couple :

les droits et les obligations des partenaires                                     

 

Section 1 :

Les rapports non patrimoniaux entre les partenaires            

 

Section 2 :

Les rapports patrimoniaux entre les partenaires                           

 

 

Chapitre II :

Les droits et les obligations vis-à-vis des tiers au couple       

 

                                                       

Section 1 :

Les relations personnelles entre tiers et partenaires                      

 

Section 2 :

Les relations patrimoniales entre tiers et partenaires           

 

 

Conclusion                                                             

 

 

Bibliographie                                                                 

 

 

Table des matières                                                         

 

 

Annexes (non jointes à ce document en raison de leur volume)                                                            

 

 


 

 

INTRODUCTION

 

 

L

e droit doit-il suivre ou précéder l'évolution sociologique ? Le législateur doit-il prévoir ce que seront les besoins de ses concitoyens et y répondre avant même qu'ils ne se soient exprimés, ou matérialiser des réponses à des attentes clairement formulées par la population, voire par une minorité de celle-ci?

 

En matière d'encadrement juridique des unions de fait homosexuelles (symboles des mutations considérables qui touchent le droit de la famille), le législateur, allemand ou français, a préféré la seconde voie, faisant du droit  l'écho des revendications. C'est à cette occasion qu'apparaît la dimension sociologique du droit. En effet, le droit, avant d'être une discipline autonome, est lié à la réalité sociale dans laquelle il agit et tire son efficacité de cette application concrète dans la société.

La situation qui a précédé les législations mérite d’être exposée (section 1) car les textes législatifs adoptés en sont la conséquence directe (section 2).

 

 

Section 1: L’état des lieux avant l'adoption d'une réglementation   sur les partenariats enregistrés

 

Force est de constater que les propositions qui se sont succédées (§2) ont voulu combler un manque (§1).

 

§1: Le constat d'un manque

 

Le mouvement, d'envergure européenne, est né de la revendication des couples homosexuels qui veulent qu'un statut leur soit reconnu[1]. Pourquoi y aurait-il en effet des différences entre les couples homosexuels et les couples hétérosexuels, notamment du point de vue des droits conférés au partenaire (prestation de sécurité sociale, continuation du bail en cas de décès du titulaire) et fondées seulement sur l’orientation sexuelle?

Le débat devient aussi présent sur la scène politique française puisque, lors de la campagne électorale de 1981, le candidat François Mitterrand se prononce sur l'homophobie en déclarant : « l'homosexualité doit cesser d'être un délit ». Parallèlement, en Allemagne, le législateur est intervenu pour la dépénaliser en 1969.

Cette volonté de légaliser le couple homosexuel est le corollaire de la volonté de reconnaissance juridique du concubinage ; le phénomène a pris une ampleur considérable, dans la mesure où aujourd'hui ce mode de vie à deux est très largement  répandu.

 En effet, depuis 1990, en France, plus d'un million de personnes s'installent, par an, en concubinage (statistiques de l'INSEE), alors qu’environ 300 000 mariages sont célébrés pour une même période. En outre, le concubinage homosexuel représente une large part des couples non mariés. Il y aurait, entre 20 000 et 45 000 couples homosexuels masculins. En Allemagne, en 1992, le nombre de personnes vivant en union libre était huit fois plus élevé qu’en 1972, d’après une estimation de l’office fédéral des statistiques[2], et aujourd’hui, l’Allemagne compterait plus de 41 000 couples homosexuels[3].

 

Le mouvement se fonde sur le principe d'égalité entre les couples, du point de vue de leur reconnaissance et des droits des partenaires, quelle que soit leur orientation sexuelle et peu importe que la relation soit officialisée par les liens du mariage ou non. Cette égalité revendiquée n'est que la traduction de l'obligation de non-discrimination fondée sur l'orientation sexuelle d'un individu.

 

La Cour de Cassation française avait refusé de reconnaître le concubinage homosexuel (Cass. 3ème civ, 17 décembre 1997) en remarquant que « le concubinage ne peut résulter que d'une situation stable et continue ayant l'apparence du mariage, donc entre un homme et une femme »[4]. La Cour réitère dans cet arrêt une position déjà adoptée en 1989 et qui définit le concubinage comme « la situation de fait consistant dans la vie commune de deux personnes ayant décidé de vivre comme des époux, sans pour autant s'unir par le mariage, ce qui ne peut concerner qu'un couple constitué d'un homme et d'une femme ».[5] De façon marginale, certaines juridictions avaient admis, dans un souci d’équité, la reconnaissance des couples homosexuels.[6]

 

Comme la jurisprudence française, le juge allemand se montrait particulièrement sévère à l'égard non seulement des couples de concubins hétérosexuels, mais plus encore à l'égard des couples de même sexe, qu'il ignorait purement et simplement. Un progrès avait été fait en faveur du concubin hétérosexuel, la Cour Fédérale de Justice ayant admis en 1993 la continuation du bail au profit « de la personne ayant vécu avec le locataire décédé au sein d'une communauté semblable au mariage » (par interprétation analogique du §569a, Abs 2, S.1 du BGB).[7] Or, cette communauté « semblable au mariage » vise uniquement les communautés formées d'un homme et d'une femme, excluant le concubinage homosexuel. La Cour Constitutionnelle Fédérale le rappelle en définissant le mariage, au sens de la Loi Fondamentale, comme « l'union d'un homme et d'une femme en vue de former une communauté essentiellement indissoluble ».

 

La nécessité d'agir était d'autant plus importante que l'exclusion du concubinage homosexuel de la société juridique se trouvait aggravée par le problème tragique du sida. Par ailleurs, ce mouvement s'inscrivait dans une dynamique européenne, diverses lois ayant déjà été votées en Europe (dans les pays scandinaves, en Catalogne) ou des projets sérieux étant à l'étude (Luxembourg, Portugal, Finlande, …). Parallèlement, l'abolition des inégalités de traitement fondées sur l'orientation sexuelle des citoyens européens est aussi une priorité pour les institutions de l'Union. Le Parlement européen avait adopté une résolution en ce sens le 8 février 1994; de même, la Cour Européenne des Droits de l'Homme condamne cette discrimination.

Le législateur a donc dû intervenir pour répondre à ces attentes, mais le travail ne fut pas sans peine .                              

 

 

§2 : Les difficultés rencontrées et les propositions qui se sont      

        succédées

 

Se pose en premier lieu un problème lié à l’évolution des mœurs, l’homosexualité étant mal acceptée. Les débats parlementaires français ont montré combien ce problème est présent notamment avec quelques réflexions comme : « pratique de la contamination sidaïque » pour parler du PACS ou encore en se référant au lieu d'enregistrement du pacte : « la direction  des services vétérinaires ».[8]

Bien que les débats aient été moins houleux en Allemagne, les obstacles qui ont jalonné le parcours de création et d'adoption des lois (loi du 15 novembre 1999 en France sur le pacte civil de solidarité[9] et loi du 16 février 2001 sur le partenariat enregistré[10]) traduisent les difficultés d'évolution d'une société dont le modèle traditionnel est celui du couple homme-femme. L'homosexualité est une notion qui dérange; or les législateurs ne sauraient prétendre ignorer un phénomène social simplement parce qu'il heurte une partie de la population, fût-ce la majorité. Il en va de l'intérêt des citoyens, n'oublions pas que les minorités elles aussi, constituent la Nation, Une et Indivisible.

Plus encore, en second lieu, se pose le problème de l’encadrement juridique de l’homosexualité. S’exprime ici toute la  difficulté d'adaptation du modèle rigide, qu'est le mariage, aux évolutions d'une société qui aspire à aller plus loin que la simple reconnaissance de fait du couple.

 

En France, cela s'est traduit par la nécessité de trouver un juste équilibre entre le mariage classique et le concubinage de fait, pour ne pas trop s'approcher de l'un ou de l'autre tout en s'en inspirant. Ces difficultés expliquent les rapports successifs (et d'ailleurs aussi les difficultés d'adoption de la loi du 15 novembre 1999). Plusieurs textes avaient été élaborés à propos de l'organisation d'une communauté de vie entre personnes de même sexe ou non, voire même entre frères et sœurs, mais aucun n'avait abouti. Toutefois, le PACS, tel qu'il existe aujourd'hui, est le résultat de cette longue évolution, et les propositions qui se sont succédées ont contribué à la construction de son armature. Retracer cette évolution dans ses moindres détails n’est pas nécessaire, mais il est intéressant d'en donner les étapes essentielles.

 

Dès mai 1990, le sénateur Jean-Luc Mélanchon propose une loi sur le partenariat civil, qui vise entre autres à conférer aux couples homosexuels un statut similaire aux mariés, à l'image de ce qui existe au Danemark ; cependant, elle n'est pas discutée à l'Assemblée Nationale. En 1992 et 1993, la proposition relative au Contrat d'Union Civile (CUC), soutenue par le collectif pour le Contrat d'Union Civile et par Jean-Paul Pouliquen est présentée, mais l'Assemblée Nationale refuse de l'examiner. En septembre 1995, un avant-projet voit le jour ; le ministre de la justice s'y oppose (le Contrat  d'Union Sociale). En janvier et février 1997, Parti Communiste et Parti Socialiste déposent chacun une proposition de loi, or la dissolution de l'Assemblée Nationale en avril 1997 rend caduque toutes ces propositions. Le débat s'intensifie. Un rapport (rédigé par le professeur Jean Hauser sur la possibilité d'un « modèle fondé sur la communauté de vie et la mise en commun d'un certain nombre de biens ») est remis au Garde des Sceaux en février 1998. Enfin, un troisième projet est proposé par la sociologue Irène Théry. En mai 1998, Patrick Bloche (PS) et Jean-Pierre Michel (Mouvement des Citoyens), membres de la Commission des lois, rendent une proposition de loi relative au pacte civil de solidarité, résultat de l'harmonisation des différents projets présentés auparavant.

 

En Allemagne, la loi sur le partenariat enregistré est également le résultat de diverses initiatives prises au cours des années passées, afin que soit créée en faveur des couples homosexuels une forme juridique adaptée à leur couple. Dès 1995, des propositions variées avaient été présentées au Bundestag, certaines osant établir des règles propres aux couples homosexuels et d'autres, au contraire, visant les couples non mariés dans leur ensemble. Des projets avaient vu le jour en 1995[11], en 1997[12], et en 1998[13], mais sans succès. En 1998, le Bundestag invita le Gouvernement Fédéral à introduire une institution juridique pour les couples de même sexe[14].

En automne de la même année, les élections au Bundestag ont été suivies de discussions à propos de la création d'une loi de lutte contre la discrimination, qui instaurerait l'égalité de traitement entre les couples homosexuels et les couples hétérosexuels, et introduirait le concept d'un partenariat enregistré (avec des droits et obligations à la charge de ses membres). En 1999, un projet de loi concernant les règles régissant les rapports de droit au sein d'un tel partenariat (« eingetragene Lebenspartnerschaft ») est déposé ; le 4 juillet 2000, ce projet est retenu, et s'intitule: « projet de loi sur la fin de la discrimination à l'égard des communautés de vie formées par des personnes de même sexe : partenariat de vie »[15]. Il avait été déposé par le groupe parlementaire SPD et l'alliance 90/les Verts. Depuis quelques mois, également, les couples homosexuels peuvent « s’unir » devant un officier d’état civil à Hambourg. Cette « union » (« Hamburger Ehe ») est bien plus symbolique qu’elle n’est créatrice de droit, puisqu’il n’y a aucun lien juridique entre les partenaires ainsi liés.

 

Comment ces divers projets sont-ils devenus les lois actuelles ?

 

 

Section 2: L'adoption de la loi du 15 novembre 1999 relative au PACS et de la loi du 16 février 2001 relative à la fin de la discrimination à l'égard des concubins de même sexe ( Lebenspartnerschaft  ou partenariat de vie)

 

Le texte présenté en France en mai 1998 est examiné en octobre de la même année, dans le cadre de la niche parlementaire réservée au groupe socialiste; toutefois, la gauche plurielle est faiblement présente et la droite rejette le texte. Le 24 octobre, le projet est soumis à l'Assemblée, mais le Sénat s'y oppose en mars 1999. En seconde lecture, le texte est voté par les députés, mais les sénateurs renvoient le vote à l'automne. Le projet est finalement adopté le 13 octobre 1999 par l'Assemblée Nationale, à 315 voix contre 253, et le PACS voit le jour avec la loi du 15 novembre 1999, publiée au Journal Officiel du 16 novembre 1999, et immédiatement entrée en vigueur.

 

A l'image de la course d'obstacles qui a caractérisé l'adoption du texte français, le vote de la loi allemande a soulevé de nombreuses difficultés. Le projet devait obtenir l'assentiment du Bundesrat, or il contenait certains points contestés par celui-ci. La commission de médiation (« Rechtsausschuss ») du Bundestag décida alors de diviser le projet initial en deux projets distincts ; le premier s'intitule « Lebenspartnerschafts-gesetz » (LPartG), et reprend tous les points principaux du projet initial ne nécessitant pas l'assentiment du Bundesrat. Le second, « Lebenspartner-schaftsgesetzergänzungsgesetz » (LPartGErgG), rassemble les points litigieux devant obtenir l'accord du Bundesrat. Ces deux projets ont été traités en deuxième et troisième lectures le 10 novembre 2000, et ont été adoptés à la majorité des partis de la coalition.

Le Bundesrat les examina ensuite, les 1er et 6 décembre 2000. Il refusa de donner son approbation au LpartGErgG. En revanche, il accepta le premier projet. La LPartG a donc été votée en tant que loi le 16 février 2001[16], et est entrée en vigueur le 1er août 2001. Notons que la LpartGErgG contient un certain nombre de dispositions, notamment des règles procédurales concernant la compétence et les modalités d’enregistrement du partenariat, mais que, n’ayant pas encore reçu l’assentiment du Bundesrat, elle ne peut s’appliquer (son sort est encore incertain, et dépendra du comité de médiation du Bundestag).

 

Les Länder ont donc dû combler ce vide en  adoptant des lois d'application (« Ausführungsgesetze zum Lebenspartnerschaftsgesetz »), qui désignent l'autorité compétente pour recevoir la déclaration des partenaires. Ils ont dû le faire avant le 1er août 2001 ; rappelons qu'il existe, à l'égard des Etats Fédérés, une obligation de se comporter loyalement envers la Fédération (« Bundestreue »), en vertu de laquelle ils n’ont pu refuser d'adopter ces lois d'application. L’Etat de Bavière s’obstine à boycotter la loi, et ne souhaite adopter la loi d’application qu’en automne ; un recours a été déposé par une association homosexuelle bavaroise, devant la Cour Constitutionnelle Fédérale. En ce qui concerne l’« autorité compétente », l'officier d'état civil est le plus apte à recevoir cette déclaration, mais un bémol existe, certains Länder préférant réserver aux communes le soin d’organiser elles-même les modalités de l’enregistrement.[17]

 

 

                   §1: Bref exposé des deux lois

 

La loi allemande (§1 Abs1 LPartG) dispose qu'un Lebenspartnerschaft[18] est conclu dès lors que deux personnes de même sexe expriment, en même temps et en présence l'une de l'autre, leur volonté d'être liées à vie dans un partenariat (« Auf Lebenszeit »).Ces personnes ne doivent pas être mineures (§ 1 Abs 2 LpartG).

L'article 515-5 C.Civ dispose « qu'un pacte civil de solidarité est un contrat conclu par deux personnes physiques majeures, de sexes différents ou de même sexe, pour organiser leur vie commune ».

 

Ces deux définitions expriment la volonté des législateurs d'établir un cadre juridique pour des couples hors mariage. Toutefois, une différence capitale existe quant aux destinataires des deux lois : alors que le partenariat allemand n'est réservé qu'aux homosexuels, le législateur français a cru bon d'accorder la possibilité de « se pacser » à des couples aussi bien homosexuels qu'hétérosexuels.

Le législateur allemand, en osant réserver cette loi aux seuls couples de même sexe, est allé jusqu'au bout de sa logique, puisqu'à l'origine, la revendication n'émanait que des couples homosexuels ; pourquoi, en effet, faire bénéficier les couples hétérosexuels d’un cadre juridique alors qu’ils le refusent dans le mariage ? Il a su, encore une fois, faire preuve de l'audace catégorique qui le caractérise, en adoptant une position tranchée, et en faisant du Lebenspartnerschaft une quasi-copie du mariage allemand (comme nous l'expliquerons dans les développements qui suivront).

 Le législateur français, au contraire, est marqué par un esprit de compromis; il est partagé entre le désir de certaines minorités d'être reconnues juridiquement et l'esprit de modération qui est le sien. Dans la continuité des réformes qui ont modifié le droit de la famille depuis quelques décennies, la loi sur le PACS traduit la « volonté de s'investir entre les deux pôles de la conservation et de la novation »[19].

 

En outre, les deux lois reposent sur des motivations tout à fait différentes, bien qu'elles poursuivent le même but qui est l'établissement d'un cadre juridique pour le couple hors mariage; cela se traduit par leur intitulé; en effet, la loi allemande se présente avant tout comme une réglementation de lutte contre la discrimination, et assoit ainsi sa légitimité sur la Loi Fondamentale, les Droits Fondamentaux ayant une importance considérable en Allemagne (Art. 3 I GG, selon lequel « tous les êtres humains sont égaux devant la loi », Art. 3 III GG qui stipule « nul ne doit être privilégié en raison de son sexe…de ses opinions… » et Art. 2 selon lequel « chacun a droit au libre épanouissement de sa personnalité »)[20]. Le législateur allemand insiste sur la fonction symbolique de la loi, et institue un partenariat dont les modalités de constitution sont à l'image du sacrement du mariage[21] ; en revanche, le législateur français ne souligne que le côté pratique : il ne mentionne que le but du texte (l'organisation de la vie commune), ainsi que les préoccupations matérielles ou techniques. La loi sur le Lebenspartnerschaft est le symbole de l'égalité retrouvée entre les couples, à l'image de la loi portant réforme du droit de l'enfant, qui est, quant à elle, le symbole de l'égalité retrouvée entre les enfants naturels et légitimes en matière de filiation et d'autorité parentale.[22] Pour les Allemands, la personne et son développement méritent avant tout considération, et les lois réformatrices qui ont ponctué le droit de la famille ces dernières années sont marquées par ces valeurs (loi sur l’égalité civile de l’homme et de la femme du 18 juin 1957, loi sur les enfants naturels du 19 août 1969, entrée en vigueur le 1er juillet 1970, loi portant réforme du droit de la filiation du 16 décembre 1997...)[23].

 

Une autre question se pose, concernant la nature juridique des entités ainsi créées: sont-elles des contrats ou des institutions à l'image de l'Institution civile qu'est le Mariage? Les approches sont nettement différentes dans les deux pays.

En Allemagne, le législateur ne définit pas la nature du Lebenspartnerschaft, alors que l'article 515-1 C.Civ fait expressément référence à un « contrat conclu entre deux personnes… ». Cependant, les auteurs allemands s'accordent pour parler d'une institution juridique (« Rechtsinstitut »)[24] et les juges de la Cour Constitutionnelle Fédérale d’une « nouvelle institution du droit de la famille »[25] ; les références nombreuses au droit du mariage attestent de cette assimilation. Certains parlent même du « Homo-Ehe », ou  « mariage homosexuel »[26] (cependant, ce terme ne fait pas l’unanimité chez les auteurs défenseurs du texte[27]).

En outre, le tribunal compétent pour les questions qui concernent le partenariat (« Lebenspartnerschaftsache ») est le tribunal de la famille ou "Familiengericht", également compétent en ce qui concerne le mariage et le couple (« Ehesachen » et « Familiensachen ») ; l'assimilation entre mariage et Lebenspartnerschaft est quasi totale, on peut presque parler de "mariage bis". Pourquoi ne pas avoir alors étendu le mariage traditionnel aux couples homosexuels? La réponse est simple: les Allemands, comme les Français d'ailleurs, sont très attachés au mariage qui doit rester uniquement l'union d'un homme et d'une femme; faire du partenariat une union proche du mariage est nécessaire conformément aux principes constitutionnels. Faire du Lebenspartnerschaft le mariage est inconcevable.

 

En France, certains ont accusé le PACS de concurrencer et menacer le mariage, d'être une « Institution-substitution » de celui-ci. Des auteurs ont contesté cela[28]. Le Conseil Constitutionnel, interrogé entre autres à ce propos, a répondu à ceux qui soutenaient que le PACS était un mariage homosexuel, que « la conclusion d'un pacte civil de solidarité ne donne lieu à l'établissement d'aucun acte civil, l'état civil des personnes qui le concluent ne subissant aucune modification…en instaurant un contrat nouveau ayant pour finalité l'organisation de la vie commune des contractants  … », mais aussi que « les dispositions générales du code civil relatives aux contrats et aux obligations conventionnelles auront par ailleurs vocation à s'appliquer…en particulier, les articles 1109 et suivants du code civil, relatifs au consentement, sont applicables au pacte civil de solidarité… ».[29] Le Conseil Constitutionnel cantonne donc le PACS à une dimension purement et simplement contractuelle, qu'il renforce en faisant référence au juge des contrats (TGI ou TI) comme juge des litiges découlant du PACS ( à l'exception des questions de filiation).

C'est un contrat synallagmatique, car les parties ont des obligations réciproques (qui seront expliquées ultérieurement) ; c'est un contrat intuitu personae et à exécution successive, à titre onéreux (du fait des prestations que les parties se doivent, des dépenses communes), commutatif, puisque les prestations réciproques des parties sont établies et connues au moment de sa conclusion; il est enfin consensuel, car la loi n'impose aucune formalité ad validitatem.

Or, même si le législateur et le Conseil Constitutionnel ont souhaité faire du PACS un contrat spécifique, des doutes subsistent. L'influence du mariage se ressent à un tel point que certains parlent de « l'essence matrimoniale du PACS » ( interdiction de la bigamie, de l'inceste, ce qui n'existe pas pour le simple concubinage)[30], et M. Malaurie résume parfaitement sa nature ambiguë: « un entre deux, plus stable qu'une union libre, moins contraignant que le mariage: une institutionnalisation de l'union libre et une contractualisation du mariage »[31]. En outre, le PACS est inséré dans le livre 1er du code civil sur les personnes…

 

Ces lois ont donc pour but l'encadrement juridique d'un couple particulier, le couple hors mariage. Ceci passe exclusivement par l'organisation des relations patrimoniales et personnelles des intéressés, c'est-à-dire la «judiciarisation» des droits et obligations qui existent à l'état de fait ou sous forme d'obligations naturelles entre eux[32] (aussi bien au cours de leur partenariat qu’à la fin de celui-ci, dans un souci de protection du partenaire le plus faible). C'est cette étude des droits et des obligations mises à la charge des partenaires qu'il est important de mener, pour voir comment, à partir d'une même revendication, les législateurs y ont répondu, et pour montrer que ce qui se dit hors mariage peut être tout aussi contraignant que le mariage (en Allemagne) voire même plus (en France, pour quelques aspects du PACS). Il est en outre intéressant de comparer ce que peuvent apporter à des couples hors mariage, d'une part une loi qui est la copie quasi-conforme du mariage  (loi allemande), et d'autre part une loi que le législateur a voulu étrangère au mariage ( loi française).

Cependant, de nombreuses incertitudes ponctuent la loi française, ce qui a soulevé le problème de son adéquation à la Constitution. Le problème de la conformité des dispositions concernant le Lebenspartnerschaft à la Loi Fondamentale allemande s'est posé de la même manière.

 

 

§2 : Le problème de la conformité des lois aux Constitutions  respectives

 

De nombreux griefs ont motivé la saisine du Conseil Constitutionnel, entre autres: violation du principe d'égalité, atteinte au mariage républicain et au principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, atteinte au respect de la vie privée, aux droits des concubins…Dans une longue décision, le Conseil répond point par point aux attaques des opposants au PACS, en concluant sur la conformité de la loi du 15 novembre 1999 à la Constitution française (après avoir tout de même admis de nombreuses réserves d'interprétation). Il laisse des questions en suspend, en reléguant par exemple le PACS au rang de simple contrat, pour ne pas admettre que celui-ci puisse être une institution concurrente du mariage.

 

En Allemagne, les Etats de Saxe, de Bavière et de Thuringe ont, dès juin 2001, attaqué la loi allemande du 16 février 2001 devant la Cour Constitutionnelle Fédérale (« Normenkontrollklagen »). Ils estiment que cette loi est contraire à l’article 6 de la Loi Fondamentale et demandent que son entrée en vigueur, prévue pour le 1er août 2001, soit repoussée[33]. L’article 6 stipule que le mariage et la famille sont placés sous la protection de l'Etat, et d’après la jurisprudence de la Cour Constitutionnelle Fédérale, seuls les couples mariés, et non « les unions qui leur ressemblent » sont protégés ; si d'autres droits fondamentaux risquent de menacer le mariage ou la famille, ils ne doivent par conséquent pas recevoir application. Le Lebenspartnerschaft est la traduction de droits fondamentaux tels le droit au libre épanouissement de sa personnalité ; certains estiment que ce partenariat menace mariage et famille, puisqu’en étant mis sur un plan d’égalité avec le mariage, il le dépouille de cette protection de l’article 6. Cependant, dans quelle mesure le partenariat allemand menacerait-il le mariage puisqu'il  ne concerne pas les couples hétérosexuels? Par ailleurs, les états opposants soutiennent que retarder l’entrée en vigueur de la loi pour permettre un examen plus approfondi serait moins préjudiciable que de l’appliquer pour un temps très court, s’il s’avère qu’elle est abrogée dans le futur, du fait de son inconstitu-tionnalité. Enfin, ils font remarquer que l’adoption par chaque état de ses propres règles procédurales risque de conduire à des disparités.

Le Premier Sénat de la  Cour (« Erste Senat ») s’est prononcé le 18 juillet 2001, à cinq voix contre trois, en faveur de l’entrée en vigueur de la loi sur le Lebenspartnerschaft le 1er août 2001, attestant ainsi de la constitutionnalité de celle-ci[34]. La cour allemande précise expressément que l’entrée en vigueur de la loi sur le partenariat enregistré n’aura aucune conséquence préjudiciable à l’encontre du mariage, que le fondement du mariage restera inchangé[35]. Elle démontre que les conséquences juridiques d’un partenariat conclu (droit de succession, refus de témoigner…) ne seraient pas anéanties, quand bien même la loi serait ultérieurement déclarée contraire à la Constitution. Elle ajoute en outre que les divergences entre les lois d’application prises dans les différents Länder ne sont que l’expression de la compétence dont ils bénéficient grâce à la Loi Fondamentale. Enfin, elle rappelle que retarder l’entrée en vigueur de cette loi serait une atteinte considérable à la « liberté de création » ( Gestaltungsfreiheit ) du législateur.

 

Les relations entre les partenaires ne se limitent pas aux seuls rapports dans le partenariat, les législateurs ayant également prévu des effets à l'égard des tiers. Des droits et des obligations vont donc exister à l'intérieur même du couple, entre les partenaires (chapitre premier), mais aussi à  l'égard des tiers au partenariat conclu (chapitre second).

Dans la perspective d'une recherche de solutions concrètes aux interrogations suscitées par les textes de loi nouveaux non encore précisés  par la jurisprudence, il est nécessaire de se référer aux modèles connus que sont le mariage et le concubinage, ce qui va permettre quelquefois des raisonnements par analogie.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

CHAPITRE I

 

LES RELAIONS DE COUPLE :

LES DROITS ET OBLIGATIONS DES PARTENAIRES

 

 

Q

u’il soit un contrat ou qu’il soit une institution quasi identique à celle du Mariage, le partenariat enregistré est avant tout la consécration d’un lien entre deux personnes. De ce lien juridiquement établi vont naître non seulement des obligations pécuniaires (section 2), mais encore des  obligations non matérielles (section 1). Ces multiples obligations constituent le cœur des partenariats, elles matérialisent et renforcent, dans certaines circonstances, les relations à l’intérieur du couple.

 

 

Section 1: Les rapports non patrimoniaux entre les partenaires

 

Tant en France qu’en Allemagne, les rapports extra patrimoniaux des partenaires se résument en l’obligation de vie commune (§1), en la présence éventuelle de devoirs moraux des partenaires (§2) ; le choix d’un nom commun complète le dispositif allemand (§3).

                  

 

§1: L'obligation de vie commune, fondement des partenariats

 

Bien que les textes soient équivoques au sujet de l’obligation de vie commune (A), celle-ci est fondamentale et ses constituants méritent d’être précisés (B).

 

A. Des textes équivoques

        

L'art. 515-1 C.Civ stipule que le PACS est un contrat par lequel deux personnes physiques majeures  organisent leur vie commune. L'organisation de la vie commune constitue donc la cause du contrat, mais cela implique-t-il la vie commune ? Les partenaires sont-ils obligés à une communauté de vie, à l’image de l’art. 215 C.Civ ? Une simple relation stable, notoire et durable suffit-elle pour que soit admis le partenariat, comme en matière de concubinage? Le texte légal peut être équivoque à certains égards ; d’une part, le législateur prévoit l’organisation de la vie commune sans précision supplémentaire, mais d’autre part, il établit qu’en cas de rupture d’un commun accord du PACS, les partenaires peuvent remettre une déclaration écrite aux greffes du tribunal « dans le ressort duquel l’un d’entre eux au moins a sa résidence » (article 515-7 C.Civ). La vie commune est donc exigée des partenaires.

La même question se pose en Allemagne : les Lebenspartner[36] sont-ils tenus de vivre ensemble ? Aucune disposition de la loi du 16 février 2001 ne l’exige expressément, et aucun article de cette loi ne renvoie à cette obligation légalement prévue pour les conjoints par le paragraphe 1353 BGB[37] (alors même que d’autres dispositions de ce paragraphe sont reprises en matière de partenariat, comme la notion de perpétuité du partenariat[38] et le fait que les conjoints soient responsables l’un de l’autre). Or, le législateur allemand prend soin de régler la vie séparée des partenaires (Getrenntleben, à rapprocher de la notion française de séparation de fait)[39] ; la vie séparée est donc permise, à la différence du droit français, elle est l’exception, la vie commune reste le principe ; le législateur ne le dit pas, mais c’est déduit des dispositions légales. Alors qu’en France, la vie commune est le fondement du PACS puisque les déclarations et l’enregistrement ne constituent que des formalités d’opposabilité, elle est moins essentielle en Allemagne où la déclaration de volonté des partenaires devant l’autorité compétente prime car elle permet la constitution du partenariat. Certains auteurs doutent du caractère obligatoire de cette vie commune[40]. Toutefois, elle doit être considérée comme telle, sinon le Lebensparterschaft perdrait sa symbolique et sa raison d’être.

 

 

                            B. Les constituants de la vie commune

 

Il convient de préciser quels sont les constituants de cette vie commune, dans la mesure où le législateur français ne le spécifie pas. Or, le Conseil Constitutionnel a rappelé que « …la vie commune suppose, outre la résidence commune, une vie de couple… ». La résidence commune est donc l'élément de base du partenariat, auquel les « pacsés» ne peuvent pas se soustraire : c’est la vie  «sous le même toit». Le Conseil Constitutionnel a bien pris soin d'évoquer la notion de résidence commune et non pas le domicile commun, rendant vraisemblablement applicable aux partenaires la jurisprudence concernant les époux (ceux-ci peuvent avoir un domicile distinct, mais doivent avoir une résidence commune, selon l’article 108 C.Civ). La résidence commune matérialise la stabilité et la notoriété de la relation, d'autant plus nécessaire que l'enregistrement n'est pas une condition de formation du pacte. A défaut de résidence commune, il n'y a pas de vie de couple[41].

De la même manière en Allemagne, la vie commune implique un logement commun et le législateur l’évoque seulement en ce qui concerne son sort en cas de vie séparée ou de rupture du  Lebenspartnerschaft. Comme la vie commune des partenaires est à l’image de celle des conjoints, le logement commun (gemeinsame Wohnung) des partenaires a pour modèle celui des époux ; le législateur les aborde en des termes identiques, que le couple soit marié ou en partenariat. Il s’agit d’une communauté de résidence[42], notion identique à celle du droit français.

 

La seule résidence commune n'est pas suffisante en France ; le Conseil Constitutionnel dégage implicitement trois autres conditions, lorsqu'il précise que le PACS n'implique « pas seulement une communauté d'intérêt et une simple cohabitation entre deux personnes » et que « la vie commune suppose…une vie de couple ». La communauté d'intérêts fait référence à des intérêts patrimoniaux communs comme une communauté de dépenses[43]; la cohabitation est englobée dans la notion de résidence commune, mais suggère en outre l'obligation de recherche d’une certaine entente entre les « pacsés » (que l'on pourrait considérer comme une obligation de moyens et non de résultats) ; enfin, la vie de couple doit être comprise comme une communauté de lit. Les avis sont partagés à ce sujet[44]. Toutefois, avec la prohibition des PACS entre alliés ou frères et sœurs (art. 515-2 C.Civ), le législateur entend prohiber l'inceste, ce qui suggère bien l’implication des relations sexuelles. Bien qu’elle ne soit pas expressément mentionnée dans la loi allemande, l’union charnelle doit être également considérée comme une obligation, car cette notion est inhérente à l’obligation de vie commune, par analogie avec le mariage (dans lequel la « communauté sexuelle » (Geschlechtsgemeinschaft) résulte de la communauté de vie). Il est facile d’en faire une obligation, il sera plus difficile de vérifier que le partenariat a bien été « consommé », car cela touche à la vie privée des personnes.

 

Ces conditions sont cumulatives et, en France, toute clause établissant une résidence séparée serait nulle (nullité relative). La non-exécution par l’un des partenaires de cette obligation pourrait entraîner l’engagement de sa responsabilité contractuelle (une exécution forcée de cette obligation de vie commune, ou obligation de faire, serait impossible en vertu de l’article 1142 C.Civ, applicable car le PACS est un contrat).

En Allemagne, une action en établissement ou en rétablissement de la vie commune pourrait être intentée contre le partenaire qui s’y refuse, sur le modèle de l’action entre conjoints (sur le fondement du § 1353 BGB et du § 606 ZPO, l’Art3 §16 Nr.10 LPartG renvoyant à ces dispositions) ; mais, en matière de mariage, aucune exécution forcée de la décision du tribunal de la famille n’est possible, l’Etat ne devant pas s’introduire dans cette sphère privée des individus (§ 888 ZPO). Une incertitude subsiste à propos de l’application de cet article aux partenaires, dans la mesure où la loi sur le partenariat n’y fait pas référence.

Une question demeure : l’obligation de vie commune est–elle renforcée par des obligations morales entre les partenaires, comme elle les implique pour les conjoints ?

                                   

                  

§2: Les devoirs moraux des partenaires, des notions divergentes

 

Alors que le législateur allemand a légalement établi des obligations morales à l’égard des Lebenspartner, le législateur français n’en prévoit pas, laissant le soin aux « pacsés » d’en créer contractuellement s’ils le souhaitent (A). En outre, les caractéristiques de la rupture attestent, en France, d’un manque de considération morale (B) ; enfin, la création d’un lien familial entre partenaires, en Allemagne, renforce le lien qui les unit (C).

 

 

A. Un régime facultatif en France, des devoirs légaux en_Allemagne

        

Le législateur allemand met à la charge des partenaires une obligation de soin et d’assistance, à l’image de celles qui existent pour les époux (Art .1 §2 LPartG)[45] ; il précise expressément que ces obligations sont mutuelles. Un auteur a suggéré à ce propos qu’elles sont identiques à l’obligation d’assistance due par les parents à leurs enfants, prévue par le §1618a BGB[46].

Dans le même paragraphe, il poursuit en expliquant que les partenaires sont responsables l’un de l’autre, formant ainsi une « communauté de responsabilité » (Verantwortungsgemeinschaft), non pas au sens pénal du terme ou en matière de responsabilité civile, mais dans le sens d’une prise en charge mutuelle. La jurisprudence a déjà pu constater le caractère obligatoire pour les époux d’une telle prescription[47], ce qui est donc valable pour les partenaires. Ce devoir de responsabilité commune est, en droit de la famille, une clause générale, à l’image du §242 BGB relatif au « Treu und Glauben » en droit des contrats. La communauté de responsabilité est liée à l’obligation pécuniaire qui unit les partenaires.

Les prescriptions de l’Art.1 §2 LPartG sont des considérations qui fondent tout lien de couple, et qui impliquent la considération de l’autre, son soutien, qu’il soit dans une situation de détresse ou non. Elles symbolisent le devoir moral de conseil et de respect réciproque liant les partenaires. Elles sont la base du partenariat allemand, comme elles sont celles du couple et sont désignées sous le terme de Grundpflichten.

Par ailleurs, les Lebenspartner sont obligés, par l’Art.1 §2 LPartG,  à une organisation de vie commune (qui doit être distinguée de l’obligation de vie commune, qu’elle n’implique pas[48]). Elle est une obligation de
codécision, de partage et de compromis supposant l’adéquation de leurs modes de vie[49].

Le législateur allemand n’a donc pas hésité à faire de l’obligation morale de soin et d’assistance le premier devoir des partenaires. Une précision doit être immédiatement apportée à ce sujet : un partenaire ne pourrait se voir reprocher d’avoir agi avec un manque de considération à l’égard de l’autre ou des affaires personnelles de celui-ci, dès lors qu’il a fait preuve à cet égard d’autant de diligence qu’il en aurait fait preuve pour ses propres affaires (Art.1 §4 BGB). Enfin, ces dispositions sont obligatoires, et si, lors de la déclaration constitutive du Lebenspartnerschaft, les partenaires s’y refusent, le partenariat est privé d’efficacité (Unwirksamkeit); il n’est pas valable (Art.1 §1 Abs.2 Nr.4 LPartG).

 

En revanche, en lisant à la lettre le seul article du code civil qui aborde la question des obligations inter-parties[50], il ressort que seules des obligations matérielles sont à leur charge, n’impliquant aucun devoir moral.

Doit-on pour autant considérer qu’aucune obligation morale, à l’image de la « morale conjugale légale »[51], n’est à leur charge ? Il est vrai, en effet, que le législateur n’a pas repris à leur intention la formule de l’art. 213 C.Civ qu’il consacre aux époux (« les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille »). Ne considérant pas le couple « pacsé » comme une famille, il n’a pas jugé utile de reproduire cette obligation ; le choix des mots par le législateur, et surtout le « non-choix » de certains mots est lourd de sens : c’est encore la preuve que le législateur n’a pas voulu une correspondance parfaite entre partenaires et époux, du point de vue des relations personnelles du couple. Toutefois, l’obligation morale n’existe-t-elle pas dans les faits ? Toute personne n’a-t-elle pas l’obligation d’assurer la protection morale de l’entité constituée par elle-même, son partenaire éventuel et les enfants qui vivent avec eux ? Le contraire ne peut être affirmé, surtout si des enfants sont à la charge des partenaires. Pourtant, non seulement le législateur l’ignore, mais il ne reprend pas non plus les obligations qui fondent tout devoir moral (la fidélité et l’assistance de l’art.214C.Civ), le dotant ainsi d’un régime facultatif. Les parties pourraient–elle alors organiser conventionnellement une obligation de fidélité ? La majorité de la doctrine l’admet ; néanmoins, un auteur exprime une opinion contraire en estimant que la liberté sexuelle ne peut avoir de limite que par l’effet de la loi, et non pas contractuellement[52].

Cependant, bien que les partenaires ne soient pas légalement tenus à des obligations morales l’un envers l’autre, la jurisprudence a toujours admis une obligation de « loyauté » entre concubins. Il reste à espérer que les tribunaux appliqueront cette jurisprudence aux « pacsés » qui n’auraient rien prévu contractuellement. De même, serait-il possible de considérer que l’art. 1134 al.3 C.Civ (qui prévoit l’exécution de bonne foi des contrats) imposerait aux partenaires non seulement  une obligation de fidélité[53], mais aussi de se comporter avec respect en ne rompant pas abusivement le contrat, l’abus s’appréciant eu égard aux circonstances de vie des partenaires. Encore une fois, la jurisprudence se prononcera, en vertu de ce qu’elle voudra favoriser : l’aspect contractuel ou la dimension sociale du PACS.

Le texte allemand ne crée pas non plus expressément à la charge des partenaires une obligation de fidélité (Traue Pflicht). Toutefois, elle pourra être déduite de dispositions du mariage auxquelles il est fait référence, notamment au § 1353 BGB, duquel la jurisprudence la déduit pour les époux. Les auteurs de la loi[54] parlent à ce propos de l’obligation « d’exclusivité », comme c’est le cas pour les époux (« Exklusivität wie in der Ehe »).

 

 

B. Une répudiation libre en France, une rupture encadrée en_Allemagne

 

 

Les modalités de rupture du PACS attestent également de cette absence d’engagement moral entre les partenaires ; le droit allemand est plus protecteur.

 

1.    Les modes de rupture en France : absence de considération de la personne de l’autre.

 

En effet, l’art. 515-7 al.2 C.Civ stipule que l’un des partenaires peut mettre fin au pacte civil de solidarité par décision unilatérale. La porte est donc ouverte à une rupture non discutée, qui, bien qu’expresse, n’exige ni le consentement de l’autre (sa seule  information suffit), ni même qu’une quelconque justification ne soit requise de la part de celui qui a pris l’initiative de la rupture. En d’autres termes, la rupture est libre et discrétionnaire, celui qui la provoque n’est pas dans l’obligation de la motiver. Certains parlent de répudiation unilatérale[55], d’autant plus inadmissible qu’elle est considérée comme contraire à l’ordre public en matière de mariage.

Le caractère purement contractuel du lien créé entre les partenaires est nettement établi et n’inclut pas, aux yeux du législateur, l’affectif et la symbolique d’une relation de couple. Le Conseil Constitutionnel, interrogé au sujet de l’inconstitutionnalité de cette répudiation unilatérale, a éludé la question en estimant que le PACS est étranger au mariage, et que de ce fait, la rupture unilatérale ne peut être qualifiée de répudiation. Comment justifier cette possibilité offerte par le législateur français à l’un des partenaires de quitter l’autre sans motif et de rompre unilatéralement le lien juridique qu’ils ont créé à deux ? Il paraît en effet choquant qu’un contractant puisse détruire de sa seule initiative ce que la volonté collective a établi, sans intervention judiciaire pour valider la séparation. Le législateur a encore voulu marquer la différence de nature entre mariage et PACS : le premier est une institution et le second n’est qu’un contrat à durée indéterminée, librement résiliable d’après le droit commun des contrats, mais aux seules conditions que la rupture ne soit pas abusive, et qu’un préavis soit respecté[56]. 

En ce qui concerne la première condition, la réparation du préjudice est toujours possible ; notons que les circonstances de la rupture, même si elles sont abusives, ne sont  pas un motif de maintien du partenariat. En ce qui concerne la seconde exigence, le législateur a-t-il prévu un préavis à respecter pour que la rupture soit effective ? L’art. 515-7 C.Civ prévoit que si l’un des partenaires veut mettre fin au pacte civil de solidarité, il doit signifier à l’autre sa décision, le pacte prenant fin trois mois après cette signification. Il s’agit du préavis exigé, mais ces règles sont purement contractuelles et ne prennent pas en compte la dimension morale, affective et personnelle du partenariat, dans la mesure où la possibilité est bien laissée à l’un d’abandonner l’autre sans explication.

Le Conseil Constitutionnel, qui souhaite considérer les partenaires comme de simples contractants, a refusé le qualificatif de répudiation unilatérale (qu’il réserve au seul mariage) ; si du point de vue du langage, ce n’est pas une répudiation, n’en est-elle pas toutefois une dans les faits ? Le législateur français en voulant insister sur la différence de nature entre rupture du PACS et divorce, a facilité les modalités de séparation des partenaires.

 

La rupture unilatérale peut aussi découler du mariage de l’un des partenaires avec un tiers. Celui qui se marie doit, d’après l’art. 515-7al.3 C.Civ, informer l’autre par voie de signification. Dans ce cas particulier, le législateur prend soin de préciser que le pacte prend fin au jour du mariage (art. 515-7 al.7 C.Civ), impliquant ainsi que le PACS n’est pas rompu trois mois après la signification en question. N’y aurait-il alors  aucun préavis à respecter dans ce cas ? La loi est ambiguë à ce sujet, et bien que le Conseil Constitutionnel  ait donné son feu vert à ce type de rupture en vertu du principe de la liberté matrimoniale, il n’en reste pas moins que cette hypothèse donne lieu à des séparations brutales, pires encore que la répudiation avec préavis. Pourrait-on considérer la durée de publication des bans (dix jours) comme le préavis nécessaire ? Il semblerait artificiel d’admettre cela, mais la jurisprudence aura l’occasion de le préciser.

Enfin, la rupture peut être demandée par un des partenaires, dès lors que l’autre est placé sous tutelle (art. 506-1 al.2 et art.515-7 al.2 C.Civ). C’est pousser loin l’absence de devoir moral, car l’incapable est abandonné à un moment où il a besoin de soutien.

Finalement, M. Malaurie souligne clairement qu’il est « choquant » de parler de l’engagement des partenaires du PACS comme d’« un engagement que l’on puisse librement et unilatéralement rompre, surtout lorsqu’il s’agit d’un engagement de couple ».

 

 

 

2.    La rupture encadrée en Allemagne, preuve de l’engagement moral

 

La fin du partenariat obéit à d’autres modalités en Allemagne[57]. En premier lieu, l’Art.1 §1 LPartG stipule que le Lebenspartnerschaft est conclu pour la vie. Bien que cela n’atteste pas de l’indissolubilité du partenariat, dans la mesure où la rupture est envisagée, le législateur a voulu donner une force certaine à l’institution, et a rappelé par ces propos que la dissolution du partenariat mérite réflexion. Comme en France, la rupture est sur l’initiative de l’un ou des deux partenaires ; en revanche son prononcé nécessite l’intervention d’un juge (Art.1 §15 LPartG). Elle est donc encadrée, alors qu’elle ne l’est pas en France. Le législateur explique dans quelles conditions le tribunal est autorisé à prononcer la rupture, et dans tous les cas, la personne qui prend l’initiative de la dissolution doit en exprimer la volonté, en expliquant au juge qu’elle désire mettre un terme au partenariat (Art.1 §15 LPartG).

 

 La séparation ne peut être prononcée par le juge qu’après l’écoulement de délais longs (Art.1 §15 LPartG), qui laissent aux partenaires la possibilité de réfléchir au bien-fondé de la rupture, à leur volonté réelle de se séparer, pour éventuellement revenir sur leur décision (Art.1 §15 Abs.3 LPartG fait mention de la révocabilité de la décision de rupture). Les délais en question sont différents suivant l’auteur de la rupture ; lorsque les deux partenaires expliquent qu’ils veulent rompre, le tribunal prononcera la rupture douze mois après cette déclaration de volonté. Quand l’un seulement des partenaires prend cette initiative, le tribunal prononcera la rupture trois ans après que le demandeur ait notifié son intention de rompre à l’autre. Même unilatérale, la rupture est loin d’être une répudiation. Une dernière hypothèse est soulevée par le législateur allemand : si la continuation du partenariat s’avère d’une dureté insurmontable pour l’un des partenaires, en raison de la personnalité de l’autre, le tribunal peut prononcer la rupture, quand bien même les délais précités ne seraient pas arrivés à leur terme. C’est une situation d’urgence qui exige que la continuation du partenariat soit particulièrement insupportable pour le demandeur.

 

En matière de divorce, la loi allemande impose une séparation de fait d’une certaine durée (un an ou trois ans) avant que ne puisse être prononcé le divorce. Les délais visés par le §15 LPartG sont-ils aussi des délais de séparation de fait ? La loi du 16 février 2001 ne l’exige pas pour que soit prononcée la rupture, et un auteur parle à ce propos de « résiliation facilitée » du Lebenspartnerschaft[58]. Elle est certes une rupture facilitée pour le juriste allemand, elle n’en reste pas moins une rupture encadrée pour le juriste français. Néanmoins, cette simplification n’est que formelle, et dans les faits, elle risque d’aboutir à des litiges, dans la mesure où le délai requis court à partir de la déclaration de volonté ou sa notification au partenaire défendeur (Trennungserklärung), et non pas à partir de la séparation factuelle des partenaires. Bien qu’ils aient vécu séparés pendant ce délai de réflexion, le tribunal sera dans l’impossibilité de prononcer la dissolution du Lebenspartnerschaft dès lors que la déclaration de volonté requise n’a pas été effectuée.

Une précision doit toutefois être apportée concernant les motifs de la rupture. Une déclaration de volonté doit certes être produite, mais les partenaires n’ont aucune obligation de motiver cette volonté de rompre : le tribunal n’a pas à apprécier les raisons de la rupture (sauf en ce qui concerne la dureté déraisonnable éventuellement invoquée), et en particulier, la rupture n’est pas conditionnée par l’échec du partenariat, comme elle l’est en matière de divorce ; elle n’exige aucun trouble profond et irréparable de la relation des partenaires. La rupture n’en devient pas brusque et irréfléchie pour autant.

 

La dimension morale est grandement présente dans les rapports de couple des Lebenspartner. Toutefois, un oubli du législateur risque de briser cette protection qu’il s’est efforcé de construire, et finalement, dans une hypothèse ponctuelle, la répudiation française n’est pas loin ; il s’agit du cas où l’un des partenaires se marie avec un tiers avant l’échéance des délais prévus, et particulièrement avant la fin du délai de trois ans (lorsque la volonté de rompre est unilatérale). Un tel mariage est tout à fait possible, puisque l’existence d’un partenariat n’a pas été érigée en empêchement à mariage. Peut-on admettre qu’une personne soit liée par deux unions : le mariage d’une part et le partenariat enregistré d’autre part ? Aucune disposition ne permettrait à l’officier d’état civil de refuser la conclusion du mariage dans un tel cas. Dans le silence de la loi, le partenariat doit être considéré comme ipso facto dissout, avec toutes les conséquences qu’une rupture implique[59].

 

De la même manière, une atténuation est à relever quant à l’affirmation selon laquelle les partenaires ne se doivent, en France, aucune obligation morale: le Conseil Constitutionnel parle de « cohabitation » des partenaires, ce qui peut être entendu comme la recherche d’une entente entre eux, le devoir de coopérer pour éviter les conflits, « mettre de la bonne volonté » dans le partenariat.

Une seconde limite doit être soulevée : les obligations morales réciproques ne sont certes pas légalement prévues,  mais elles ne sont pas pour autant interdites, et les parties disposent alors de la possibilité d’en établir, et d’équilibrer contractuellement des rapports qui ne le seraient pas. Par exemple, pourrait être insérée une clause prévoyant l’obligation d’informer le partenaire de toute acquisition au cours du contrat de vie commune, une clause obligeant à un soutien moral, une clause d’assistance mutuelle spécifique (en cas d’accident par exemple), une clause de contribution à l’éducation des enfants…

De façon similaire, l’incorporation de telles dispositions (règles de droit à aliments ou de droit à entretien) dans les partenariats allemands  risque d’entraîner la non-validité du partenariat sur le fondement de l’Art.1 § 1 LPartG, qui exige que la déclaration de volonté constitutive du partenariat soit faite sans condition. Il serait judicieux de conseiller aux partenaires qui veulent insérer une telle clause dans le partenariat de conclure un contrat strictement séparé du Lebenspatnerschaft.

La liberté est donc plus grande en France pour organiser ses relations à l’intérieur du partenariat ; le législateur allemand est certes plus précis, plus catégorique, plus directif que le législateur français, mais les partenaires allemands seront tous soumis au même cadre restrictif, sans possibilité d’aménagement de leur relation ; cette diversité fait la richesse du PACS français, quand bien même elle serait source de difficultés. Les parties devront être conseillées à ce sujet dans la rédaction d’un partenariat, ce qui ne sera pas nécessaire sur ce point en Allemagne.

 

 

C. L’appartenance familiale en Allemagne        

 

L’Art.1 §11 Abs.1 LpartG crée un lien familial entre les deux partenaires : chacun d’eux est considéré comme « membre de la famille de l’autre » (Familienangehörige), dès lors qu’ils n’en conviennent pas autrement. Outre le caractère moral que cela souligne, les conséquences sont importantes dans plusieurs domaines juridiques.

D’un point de vue civil tout d’abord, toute disposition du BGB visant les membres de la famille d’un individu ou  ses proches s’appliquera par extension au partenaire de cet individu, puisqu’il est membre de sa famille. Par exemple, le §530 BGB prévoit la révocation possible d’un don dès lors que le gratifié aurait commis une faute qualifiée d’ingratitude à l’égard du donateur ou de ses proches. La révocation sera alors possible si la faute est commise à l’encontre du partenaire.

Il est intéressant de noter un paradoxe au sujet de l’appartenance familiale : les Lebenspartner sont membres de la même famille, mais ils ne créent pas une famille ! Cela pose encore une fois la question de la définition de la famille, qui, en raison des évolutions sociologiques, et de l’ouverture d’un statut aux couples homosexuels, mériterait peut être d’être reconsidérée par la Cour Constitutionnelle Fédérale[60].

 

Ce lien familial se traduit également par le droit, offert à chaque partenaire, de refuser de témoigner à l’encontre de l’autre (Zeugnisverweigerungsrecht ) dans les procédures civiles ou judiciaires dans lesquelles celui-ci serait impliqué, afin de tenir compte d’un éventuel cas de conscience ; le droit de refuser de prêter serment dans de telles circonstances existe aussi (Art.3 §§ 16 Nr.9 et 18 Nr.2 LPartG modifiant respectivement le §383 du Zivilprocessordnung ou code de procédure civile et le Strafprocessordnung ou code de procédure pénale)[61].

En matière procédurale, le partenaire détient, du fait de son statut, un droit de participation dans les procédures concernant l’autre. Il dispose, par exemple, de la possibilité d’être entendu dans les procédures qui concernent l’attribution d’un droit de soin sur l’enfant, lorsqu’il est le partenaire du demandeur (Art.3 §19 Nr.9 LPartG). Il peut également être auditionné dans toute procédure de placement ou d’internement de l’autre ( Art.3 §19 Nr.19 LPartG), et enfin, il peut jouer un rôle dans les procès concernant l’établissement de la paternité, dès lors que le prétendu père est décédé (Art.3 §18 Nr.3 LPartG).

 

En outre, le législateur veut préserver une communauté émotionnelle et intime entre les partenaires. Pour cela il institue au profit de chaque partenaire un droit de participation à des décisions concernant les affaires personnelles de l’autre. Il met le partenaire au rang des plus proches parents de l’autre, comme le conjoint, et lui reconnaît de ce fait le droit de prendre des décisions touchant à sa santé ou ses traitements médicaux (Art. §7 Nr.1 et 2 LPartG, qui modifie la loi sur la transplantation). Il lui accorde en outre, en tant que proche, un droit d’information (Auskunftrecht) en vertu duquel, par exemple, il a l’obligation d’être informé de l’état de santé de l’autre ou de sa situation patrimoniale.

 

Les prémices d’une éventuelle évolution font leur apparition en France au sujet de l’appartenance familiale. Bien que le texte légal français ne crée aucun lien familial entre les parties au pacte, le Conseil Constitutionnel a laissé sous-entendre que les personnes concluant un tel pacte sont parentes[62], ce qui donne un poids moral au lien qui les unit.

La dimension morale de la relation est renforcée par le choix d’un nom commun.

 

 

§3: Le nom commun des partenaires: légal en Allemagne, ignoré en France

 

En Allemagne, les partenaires peuvent porter un nom commun , le Lebenspartnerschaftsname ou « nom du partenariat » (« Die Lebenspartner können einen gemeinsamen Namen bestimmen », Art.1 §3 Abs1 LPartG ). Ce n’est pas une obligation pour les partenaires d’adopter ce nom commun, dans la mesure où le législateur utilise le terme « sie können », qui n’implique aucun devoir pour eux de le faire ; la possibilité leur en est simplement offerte[63]. Le rapprochement avec le mariage est évident, et cette unité de nom traduit l’unité du foyer, c’est le ciment du couple que recherche le législateur allemand pour les partenaires, à l’image des couples mariés.

 

En France, les partenaires ne peuvent pas adopter de nom commun, la possibilité pour la femme d’utiliser le nom de son mari en tant que nom d’usage n’étant réservée qu’aux époux, car découlant du lien matrimonial. Cependant, souvent dans les faits, les concubines portent le nom de leur concubin, donnant ainsi l’apparence du mariage. Toutefois, c’est un usage illicite du nom du concubin, puisqu’il n’existe aucune règle juridique prévoyant cette possibilité d’usage. Ce n’est pas une autorisation légale, mais une simple tolérance de la jurisprudence, qui prend soin de rappeler que « l’usage non autorisé du patronyme, par la concubine doit être interdit »[64] ; a contrario, si le concubin ne s’y oppose pas, l’usage en sera admis par la jurisprudence. Il faut toutefois remarquer qu’en droit français, le seul usage du nom de l’autre est toléré ; en revanche, en Allemagne, c’est plus qu’un usage par l’un du nom de l’autre, puisqu’en devenant nom commun, le nom de l’un devient aussi la propriété de l’autre, un élément de sa personnalité sur lequel il a des droits.

 

Les partenaires qui choisissent un nom commun en déclarent la volonté au moment de la constitution du partenariat (Art.1 §3 Abs.1 LPartG), et ceci devant « l’autorité compétente » (« zustandige Behörde ») désignée par la loi d’application adoptée par chaque Land. A défaut de déclaration de volonté devant l’autorité compétente, le choix d’un nom commun serait inefficace (Unwirksam). Les partenaires, s’ils décident d’opter pour un tel nom commun, peuvent le déterminer après la constitution du partenariat ; la validité de ce choix ultérieur sera soumise  à l’authentification publique de la déclaration.

Les partenaires ont certes la liberté de déterminer le « nom du partenariat » (« Lebenspartnerschatfsname »), mais cette possibilité est limitée dans la mesure où ils ne peuvent choisir que  le nom de naissance d’un des partenaires comme nom commun[65]. Une option supplémentaire est néanmoins mise à la disposition du partenaire dont le nom n’a pas été choisi comme nom commun (Art.1 §3 Abs2 LPartG): il pourra joindre à ce Lebenspartnerschaftsname son propre nom en tant que nom d’accompagnement (« Begleitname », qui est soit son nom de naissance, soit le nom qu’il portait au moment de la conclusion du partenariat). Cette option existe pour les époux, le Lebenspartnerschaftsname est mis sur un plan d’égalité avec le nom commun des époux, symbole de l’unité conjugale et même familiale.

Les partenaires ont également la possibilité de conserver, même après la rupture du partenariat, le nom commun. C’est le principe. Le fait de reprendre son nom de naissance ou le nom porté au moment de la conclusion du partenariat (ou d’opter pour le seul nom commun) est l’exception ; les raisons d’un tel choix doivent être expliquées.

 

C’est bien l’application du principe de propriété du nom ; il devient véritablement un droit de la personnalité. En France, l’inverse se produit dans la mesure où après un divorce, chacun reprend l’usage de son propre nom (art.264 C.Civ). La possibilité de continuer à utiliser le nom du mari est ouverte à la femme, mais à certaines conditions précises prévues par l’art.264C.Civ (divorce demandé par le mari, ou si, quel que soit le divorce, il en va de son intérêt ou de celui des enfants).

Ce choix d’un nom commun en Allemagne n’est pas une condition de formation du partenariat. Enfin, la détermination d’un nom commun par les partenaires n’aura aucune influence sur le nom des enfants de chacun d’eux. En principe en effet, le §1617c BGB permet le changement de nom d’un enfant lorsque le nom de famille de l’auteur, dont le nom de l’enfant est dérivé, est modifié. Or, l’Art.2 Nr.10 LPartG crée expressément une dérogation à cette exception : l’enfant n’acquiert pas le nouveau nom de son auteur, lorsque ce nom est celui d’un nouveau mariage ou d’un nouveau partenariat.

 

Les engagements juridiques moraux qui lient les partenaires sont légaux en Allemagne, contractuels ou inexistants en France puisque faisant partie d’un régime facultatif ; en revanche, les obligations patrimoniales qui sont à leur charge entrent dans un régime obligatoire (tout au moins au cours du partenariat), auquel les parties ne peuvent se soustraire.

 

 

Section 2: Les rapports patrimoniaux entre les partenaires

 

Les relations pécuniaires des parties, bien que contrepartie de leur obligation de vie commune,  ne se limitent pas aux rapports au cours de cette vie commune (§1), dans la mesure où la fin du partenariat implique des obligations pécuniaires particulières (§2).

 

 

§1: Les rapports au cours du partenariat

 

Etablissant un statut juridique pour les couples, les législateurs ont prévu un statut patrimonial des relations entre les partenaires. En effet, comment les partenaires vont-ils gérer leurs relations patrimoniales ? Quel va être le statut des biens acquis au cours du partenariat, et celui des   biens appartenant aux parties avant sa conclusion ? Ces questions sont  inévitables, puisque toute vie commune engendre dépenses, achats, enchevêtrement des patrimoines, voire même assistance financière de l’un par l’autre quand le besoin s’en fait sentir. Les lois instaurent donc, en contrepartie des avantages successoraux ou fiscaux dont bénéficient les partenaires, des obligations patrimoniales (A) ; elles envisagent le régime de gestion applicable à leurs biens (B), dispositions complétées en Allemagne seulement par l’instauration de rapports patrimoniaux au cours de la séparation de fait des partenaires (C). 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A.   Les obligations pécuniaires des partenaires : une

 notion plus large en Allemagne qu’en France

 

Exposons clairement chaque définition avant d’en préciser le champ d’application.

 

1.    Définitions

 

a – La définition française de l’obligation pécuniaire entre partenaires

 

L’article 515-4 du code civil stipule que les partenaires s’apportent une aide mutuelle et matérielle. Cela rappelle l’obligation des époux aux charges du ménage (art. 214 C.Civ ). Le principe d’un engagement réciproque entre les partenaires est ainsi établi par la loi. Cependant, la législation ne précise pas ce que recouvre l’aide mutuelle et matérielle. Or, le législateur a prévu, dans le même article, que les modalités de cette aide seront fixées par le pacte. Il revient en conséquence aux parties de définir comment s’établit cette aide mutuelle et matérielle, d’inclure librement ce qu’elles veulent sous ce concept, et d’organiser leurs rapports patrimoniaux comme elles le désirent[66].

Néanmoins, deux limites restreignent cette liberté : d’une part, les parties ne peuvent exclure totalement de s’apporter une aide mutuelle et matérielle, puisqu’il s’agit du régime obligatoire du PACS. Le Conseil Constitutionnel a d’ailleurs expliqué que «… serait nulle toute clause méconnaissant le caractère obligatoire de ladite aide… ». C’est une obligation légale incontournable, comme le paiement du prix dans tout contrat à titre onéreux. Remarquons que c’est le Conseil Constitutionnel qui en forge le caractère obligatoire, et qui précise que la nullité est encourue par toute clause qui méconnaîtrait lesdites obligations[67]. D’autre part, les parties  en établissant des obligations réciproques, ne doivent pas mettre en place de manière non justifiée des rapports déséquilibrés, car ceci reviendrait à un abus de droit : abus du droit de recevoir une aide de l’autre. En effet, puisque les parties disposent de liberté dans la rédaction de leur contrat, les excès sont possibles, notamment de la part de la partie économiquement forte ; il faut éviter que celle-ci impose des obligations trop contraignantes à la partie faible. Par conséquent, non seulement chacun des partenaires y prend part, mais surtout, les deux doivent y contribuer en vertu de clauses non léonines[68]. Il est évident que la situation personnelle de chacun est appréciée pour définir la qualité de léonine d’une clause de participation et de ce fait, la mutualité des apports sous-entend également que chacun le fait en fonction de ses propres facultés. Toute clause d’équité est justifiée en matière de relations patrimoniales.

 Il est utile de conseiller aux parties de prévoir dans le contrat initial la part de chacun aux charges relatives à la vie commune. Si les parties se réfèrent aux seules dispositions de la loi, sans établir de façon plus précise ce que sera l’aide mutuelle et matérielle, leur accord restera vague, à l’image de la loi qui est elle-même floue sur ce point, et cela peut s’avérer source de litige en cas de rupture.

 

Que recouvre cette notion d’aide ? Le texte ne vise qu’une aide « matérielle » ; à première vue, ceci exclut tout ce qui n’est pas matériel, c’est-à-dire l’aide non pécuniaire, comme l’assistance morale ou psychologique, devoir des époux qui se doivent assistance. On peut se demander à ce propos si le législateur n’avait pas voulu clairement distinguer l’aide mutuelle de l’aide matérielle ; l’aide matérielle serait l’aide patrimoniale, et l’aide mutuelle inclurait un devoir moral des partenaires l’un envers l’autre. Elles ne peuvent toutefois pas être deux obligations distinctes. Il n’existe qu’une seule et unique obligation, avec deux conditions cumulatives : qu’elle soit mutuelle d’une part et matérielle d’autre part. Le contrat devient ainsi synallagmatique, avec des engagements à la charge de chacune des parties.

L’aide mutuelle et matérielle représente donc ce que chacun  des partenaires va apporter au ménage, au « pot commun », ceci aussi bien au début du partenariat qu’au cours de la vie commune. Il peut s’agir d’un apport en argent, en travail, en biens. Tout est admis dès lors que les rapports ne sont pas déséquilibrés. Il n’est pas exclu que les parties prévoient la prise en charge commune de dépenses qui seraient purement personnelles à l’un des partenaires. Les salaires constituent souvent l’essentiel de l’apport, avec mise en commun de cet argent pour couvrir les dépenses ; si l’un n’exerce aucune activité professionnelle, sa participation à l’activité professionnelle de l’autre ou sa contribution active à l’entretien du ménage, de la maison, des enfants (s’il y en a) est un apport. La répartition de la contribution de chacun aux charges du ménage pourrait être aussi prévue.

 

En utilisant la notion d’aide, est-ce que le législateur ne sous-entend pas que l’obligation de chaque partie n’existe que si l’autre est dans le besoin ?

La réponse à cette question est  négative. L’obligation d’aide entraînera deux conséquences : la participation pécuniaire de chacun à la vie commune, ce qui s’apparente à l’obligation de chaque époux aux charges du ménage prévue par l’art. 214 C.Civ, et ceci n’exige pas que l’autre partenaire soit dans une situation de besoin. Le deuxième aspect de l’aide est l’assistance matérielle de celui qui serait dans le besoin, ce qui est le parallèle du devoir de secours entre les époux.

        

Il est un principe acquis : les contractants sont tenus à cette aide ; si rien n’était prévu dans le contrat, les parties y seraient quand même tenues, et devraient, en cas de litige, s’accorder sur la façon d’exercer cette obligation ou saisir le tribunal d’instance pour définir les modalités d’exécution. En cas de litige, si l’une des parties  refuse d’exécuter ses obligations ou désire les exécuter à d’autres conditions, une condamnation judiciaire est possible. Le juge supplée au silence en fonction de la situation respective des parties.

 

Les dispositions sur la participation pécuniaire obligatoire de chacun des partenaires vont plus loin que le simple concubinage, dans lequel les concubins ne sont pas tenus de contribuer aux charges de leur vie commune, puisqu’il n’existe aucune obligation légale de partage des dépenses, d’entretien commun, d’aide mutuelle. Par ailleurs, ce n’est pas aussi précis que ce qui est prévu pour le mariage, car en dépit du cadre légal, ce sont quand même les partenaires qui définissent les modalités.

 

b- La définition allemande d’obligation pécuniaire entre partenaires

 

En Allemagne, les partenaires sont tenus de la même façon à une obligation mutuelle « d’entretien convenable », ou Lebenspartnerschaftsunterhalt  (Art.1 §5 LPartG). Le législateur n’en donne pas de définition, mais renvoie aux §§ 1360a et 1360b BGB, qui prévoient l’étendue de cette obligation alimentaire lorsqu’elle concerne les époux. Ces dispositions, même si elles visent les conjoints, sont applicables aux partenaires, puisque le législateur s’y réfère expressément. Paradoxalement, le législateur allemand ne fait pas référence à la définition de cette obligation alimentaire établie dans le §1360 BGB ;  néanmoins, il convient de la reprendre car la définition qu’elle édicte est intimement liée aux paragraphes 1360a et 1360b, qui sont applicables. En vertu de cet article, les partenaires sont obligés, de façon réciproque, à subvenir de façon appropriée aux besoins de la famille, en mettant à contribution leur travail ou leur patrimoine. Lorsque l’un n’exerce pas d’activité rémunérée, il apporte sa contribution en gérant le ménage ou en se chargeant de l’éducation des enfants (le législateur n’a pas non plus repris, pour les partenaires, les règles du §1356 BGB, selon lesquelles les époux agencent la conduite du ménage d’un commun accord; ces dispositions doivent néanmoins être appliquées aux partenaires[69]).

 

Il faut d’une part retirer de cette définition la notion de réciprocité de l’obligation alimentaire, qui comme en France, conduit à ce qu’ils y contribuent de façon non déséquilibrée, en fonction de leurs propres facultés, c’est-à-dire de façon proportionnelle à leurs propres revenus.

Cet entretien raisonnable de la famille englobe les frais du ménage, les exigences personnelles des époux et le minimum vital des enfants communs (notons qu’en appliquant cette définition aux partenaires, la notion « d’enfant commun entretenu » est élargie à la notion d’enfant vivant au sein du ménage, même s’il n’est pas commun aux partenaires). Mais surtout, cette obligation alimentaire recouvre ce qui est raisonnablement nécessaire. Ce qu’ils doivent apporter «au pot commun» se mesure non seulement en fonction de leur capacité contributive propre, mais aussi en fonction de ce qui peut être attendu d’eux d’après les besoins raisonnables de l’autre. D’ailleurs, le §1360b BGB ajoute en ce sens que si l’un des partenaires verse, pour l’entretien de la famille, plus d’argent qu’il ne le devrait, il est présumé qu’il n’en demandera pas remboursement. La convenabilité de la participation et l’adéquation avec les besoins sont les seuls critères d’appréciation.

Cette obligation d’entretien assure la sécurité du partenariat, et elle est la conséquence directe des liens étroits créés par les §1 et §2 Art.1 LPartG.

 

2.  Champ d’application

 

Même si les notions sont identiques, le champ d’application de l’obligation pécuniaire des partenaires est plus étendu en Allemagne, dans la mesure où, en se référant aux §1360 a et b BGB, elle inclut l’entretien de la famille, alors qu’en France, l’obligation d’aide mutuelle et matérielle ne concerne que les partenaires ; l’obligation d’un « pacsé » français a pour destinataire pur et simple l’autre partenaire, tandis que l’obligation d’un Lebenspartner allemand a pour destinataire tous les membres potentiels du ménage. C’est en quelque sorte une « familiarisation » légale de l’obligation pécuniaire des partenaires. Toutefois, en France, les fonds provenant de l’un ou de l’autre des partenaires serviront aussi dans les faits à l’entretien de la famille au complet, constituée par les partenaires et les enfants éventuels, si tenté que l’on puisse parler d’une famille ! D’ailleurs, une clause d’entretien des enfants pourrait être insérée. En France, les obligations à l’égard des enfants sont conventionnelles, tandis qu’elles sont légales en Allemagne. Par ailleurs, comme on le verra dans le chapitre II en ce qui concerne la solidarité des « pacsés», ceux-ci sont solidaires pour les dettes contractées pour les besoins de la vie courante (art.515-4 C.Civ), et celles-ci incluent les dépenses faites pour les enfants qui vivent au sein du partenariat.

Les relations patrimoniales à l’intérieur du couple sont également divergentes du point de vue du régime de gestion des biens des partenaires.

 

L’obligation alimentaire entre partenaires (Unterhaltpflicht) a un champ d’application plus large en Allemagne, non seulement parce qu’elle inclut l’entretien de la famille, mais aussi car elle est maintenue en cas de séparation de fait des partenaires.

La séparation de fait ou Getrenntleben[70] est une option légalement permise aux parties allemandes, et elle est précisément réglementée par le législateur (sur le modèle de celle qui concerne les époux, §1361 BGB). Une telle option serait impensable en France, dans la mesure où le pacte existe entre autres parce que les partenaires sont obligés à une communauté de vie.

Au cours de la séparation de fait, le lien entre les partenaires n’est pas rompu, il existe mais de façon atténuée. Dans cette mesure, l’obligation alimentaire est maintenue, mais elle obéit à des règles propres (Art.1 §12  Abs.1 LPartG). En vertu de ces dispositions, l’un des partenaires est en droit d’attendre de l’autre une pension alimentaire convenable (Angemes-senen Unterhalt). Le concept d’obligation alimentaire est alors différent de celui qui existe en matière de vie commune. En effet, cette obligation devient unilatérale alors qu’elle était réciproque au cours de la vie commune. Cela est justifié par le fait que les rapports de dépendance sont moins forts entre les partenaires à ce moment[71]. Dans la mesure où cette obligation devient unilatérale, il convient de préciser lequel des partenaires peut attendre de l’autre cette obligation. Il s’agit de celui qui, d’après les acquisitions réalisées au cours du partenariat et les biens qu’il possède, est en mesure de fournir à l’autre l’entretien convenable. D’après cette définition, la possibilité de solliciter des aliments n’est pas explicitement liée à un état de besoin. C’est le plus fortuné qui aidera l’autre; néanmoins il le fera toujours dans la mesure du raisonnable.

Ce droit subit cependant une limite : le bénéficiaire sans activité professionnelle peut être contraint d’en exercer une pour s’assumer lui-même, à moins que cela ne puisse être attendu de lui, en raison notamment de la durée du partenariat et des relations économiques qui le liaient à l’obligé.

 

Une autre limite est apportée, fondée sur l’équité : un droit à aliments doit être refusé, diminué dans son montant ou limité dans le temps, dès lors que la mise à contribution de l’obligée serait injuste. Le législateur, dans la loi du 16 février 2001, ne précise malheureusement pas cette notion d’injustice. L’appréciation en reviendra-t-elle entièrement au tribunal saisi ? Une analogie se fait avec les dispositions concernant le droit des époux, notamment le §1579 BGB qui donne la définition de l’injustice grave (bien que le degré de l’injustice exigée doive être plus élevé lorsque c’est un époux qui l’invoque, la définition de l’injustice grave doit s’appliquer aux partenaires). Selon ce texte, il s’agit des cas où les partenaires n’avaient pas établi des relations assez fortes pour justifier l’octroi d’aliments pendant la Getrenntleben (courte durée du partenariat par exemple), lorsque le bénéficiaire a gravement porté atteinte à l’obligé ou à ses proches (crime, délit grave intentionnel) ou lorsqu’il a volontairement provoqué son indigence. L’article ouvre une autre cause d’indignité, qui permettra une libre appréciation par les tribunaux, puisqu’il s’agit « de tout autre motif aussi grave que ceux énumérés » (il s’agit d’une clause de dureté).

Comme les partenaires français, qui ne peuvent  écarter l’obligation d’aide mutuelle et matérielle, les Lebenspartner ne peuvent exclure ce devoir d’entretien pendant la séparation de fait[72].

 

 

B.   Des régimes de gestion de biens différents

 

Les régimes de gestion des biens présentent des caractéristiques propres dans chaque système(1), spécificités qui se retrouve dans les limitations à la gestion individuelle des biens qui servent au ménage (2).

     

1.  Les caractéristiques des régimes de gestion de biens

 

Le problème de la reconnaissance d’un type particulier de couple hors mariage entraîne la question du statut des biens d’un tel couple, qu’ils aient été acquis au cours du partenariat ou antérieurement à sa conclusion.

Le droit français y apporte une réponse, en distinguant suivant le moment de l’acquisition, et la catégorie du bien en question, se référant à un procédé du droit des biens : la technique de l’indivision (art. 515-5 C.Civ ). Le droit allemand a également une solution, mais s’inspire en revanche du droit des régimes matrimoniaux (Art.1 §6 et §7 LpartG ).

 

L’art. 515-5 C.Civ envisage le sort des biens acquis à titre onéreux au cours du partenariat, et établit un système de présomption de propriété indivise de ces biens ; a contrario, les biens acquis avant la conclusion du pacte ou à titre gratuit au cours du partenariat ne sont pas soumis aux présomptions établies par la loi, mais restent la propriété exclusive du partenaire qui les a acquis. Les biens  pour lesquels il n’est pas prouvé qu’ils appartiennent  en propre  à l’un ou à l’autre sont soumis à cette présomption d’indivision.

Les meubles meublants sont présumés indivis par moitié, sauf si le pacte en prévoit autrement, les autres biens sont également soumis à une présomption d’indivision par  moitié, dès lors que l’acte d’acquisition ou de souscription n’en prévoit pas autrement (art. 515-5 C.Civ). Il est important de préciser à ce stade que l’exclusion d’un bien meuble meublant du régime de l’indivision ne peut se faire dans l’acte d’acquisition de ce bien. Les meubles meublants sont ceux qui meublent le logement commun des partenaires (lit, table, Hi fi, appareils ménagers…). Les « autres biens » sont les meubles non meublants et immeubles. Qu’en est-il des gains et salaires ? En appliquant à la lettre l’art. 515-5 al 2 C.Civ qui fait référence aux biens résultant d’un acte d’acquisition ou de souscription, les gains et salaires ne sauraient tomber dans la masse indivise. Il est de ce fait utile de conseiller aux partenaires d’annexer au contrat une liste des biens qui appartiennent à chacun d’eux afin d’éviter qu’ils ne tombent sous le coup de la présomption d’indivision.

 

L’indivision est un système de propriété collective dans lequel chacun des partenaires est pleinement  et entièrement propriétaire des biens indivis, et chacun possède les mêmes droits sur ces biens. Ce régime est en adéquation avec les faits, les parties devant avoir des droits égaux sur leurs biens (c’est un système qui protège chacun des partenaires des créanciers de l’autre). Concernant la gestion des biens indivis, les deux partenaires sont obligés de collaborer dans la mesure où tout acte d’administration ou de disposition sur le bien indivis requiert le consentement de tous les indivisaires (art.815-3 C.Civ.) Echappent à cette obligation de concertation les actes conservatoires. La nécessité d’obtenir l’accord unanime des indivisaires pose problème, notamment lorsque les règles de l’indivision sont confrontées à la règle de paiement solidaire des dettes (ceci sera expliqué ultérieurement.)

La présomption  d’indivision peut avoir des conséquences fâcheuses : elle s’appliquera même si le bien a été acquis par l’un des partenaires sans que l’autre ne soit au courant[73]. Par ailleurs, comme le souligne Madame Boutin[74], le régime de l’indivision est générateur de difficultés, dans la mesure où il place les tiers dans l’incertitude (seront-ils toujours au courant de l’existence de l’indivision quand ils traitent avec les « pacsés » ?), et qu’en outre il existe un doute quant à la fin de l’indivision. Est-elle concomitante de la fin du PACS ? En l’absence de dispositions spécifiques dans la loi, il faut se référer au droit commun de l’indivision : elle prendra fin par partage, et ne résultera pas de manière automatique de la fin du PACS. Celle-ci privera l’indivision de fondement mais n’en provoquera pas pour autant le partage. La fin de l’indivision peut aussi résulter de la vente par un indivisaire de sa quote-part. Il est des cas où cela s’avère dangereux, par exemple lorsque le bien indivis est le logement commun, et que le partenaire décide de vendre sa quote-part à un tiers (il n’existe aucune règle de protection  du logement commun, comme en matière de mariage), quand bien même l’autre partenaire aurait un droit de préemption ( art.815-14 C.Civ).

 

Une autre difficulté est liée à la rédaction de la loi : celle-ci distingue différents régimes applicables suivant le type de biens concernés (meubles meublants et autres), ce qui est manifeste d’une absence d’unification. Enfin une dernière incertitude est mise en avant par Madame Boutin, concernant le régime de l’indivision : est-il supplétif ou impératif ? Le Conseil Constitutionnel n’apporte aucune réponse claire à ce propos et se contredit ; il adopte, dans ses considérants 88 et 32 des positions divergentes, se prononçant une fois en faveur du caractère impératif et une autre fois en faveur du caractère supplétif. La jurisprudence se prononcera, mais la lettre de l’art. 515-5 C. Civ suppose le caractère supplétif de l’indivision. Les parties peuvent l’écarter, choisir une autre proportion que la moitié ou même opter pour l’indivision conventionnelle des articles 1873-1 et suivants du Code Civil[75] . Les parties n’ont néanmoins pas la possibilité de choisir, pour gérer leurs biens, un des régimes matrimoniaux prévus pour le mariage. D’ailleurs, un tel choix, plus judicieux, car porteur de simplicité, est strictement refusé par le législateur. Les partenaires seraient trop proches des époux, ce que redoute le législateur français (à la différence du législateur allemand.) Il a en outre voulu doter les partenaires de mêmes droits sur les biens qu’ils utilisent en commun, et pour lesquels ils participent dans la plupart des cas ensemble à l’acquisition. Les partenaires vont profiter tous deux de l’enrichissement, comme par exemple des loyers d’un immeuble indivis commun. 

 

En revanche, le droit allemand opte non seulement pour l’ouverture aux partenaires de régimes de biens comparables aux régimes matrimoniaux, mais encore, il bannit toutes formes de présomption trop incertaines pour assurer la sécurité des relations juridiques ; en effet, le choix d’un régime de gestion des biens (Vermögenstand) est une formalité obligatoire de constitution de partenariat[76] (Art.1 §6 LPartG). Les partenaires peuvent opter pour ce qui est le régime légal (Ausgleichsgemeinschaft), qui est la copie du régime légal de participation aux acquêts (Zugewinngemeinschaft) des paragraphes 1363 et suivants du BGB (une simple convention l’indiquant suffit). S’ils ne choisissent pas ce régime, les régimes conventionnels s’offrent à eux (séparation de biens ou Gütertrennung, communauté de biens ou Gutergemeinschaft, communauté d’acquêts). Ce choix ne peut se faire que par contrat notarié, et les parties devront expliquer son contenu au moment de la déclaration de volonté constitutive du partenariat (devant les autorités compétentes.)

 

Le régime légal présente deux caractéristiques essentielles : les patrimoines des partenaires restent séparés (que les biens aient été acquis avant ou après la conclusion du partenariat) ; tout compte bancaire reste personnel à celui qui l’a ouvert en son nom ; les dettes restent personnelles. Chacun gère ses propres biens (des limites existent mais elles seront exposées ultérieurement), et il n’y a pas de biens communs. La seconde caractéristique consiste en la répartition, à la fin du partenariat, des gains faits par chaque partenaire, et de façon égalitaire entre eux. Le législateur français permet aussi aux partenaires de participer en quelque sorte aux gains réalisés au court du ménage ; ils participent ensemble à l’enrichissement commun en qualité d’indivisaire, la présomption d’indivision y contribue. L’Art.1 §6 LPartG expose le cas où la déclaration du régime choisi ne produit pas d’effet : les partenaires sont dans ce cas considérés séparés de biens (ce serait par exemple le cas si le contrat notarié n’était pas valable, ou si le régime choisi était fictif). En France, si la clause d’exclusion de la présomption d’indivision (contenue dans le Pacte ou l’acte d’acquisition du bien non meuble meublant) s’avérait inefficace, la présomption d’indivision s’appliquerait ; le législateur n’ayant pas prévu de régime de substitution.

En Allemagne, si les parties veulent choisir un autre régime que le régime légal, un contrat notarié doit être établi par écrit en présence des deux partenaires, et le régime choisi ne peut pas être fondé sur un droit étranger ou obsolète (l’Art. 1 §7 LPartG rend   applicable le §1409 BGB). Il serait judicieux de la part des parties de solliciter un conseil notarié, quand bien même elles opteraient pour le régime légal.

 

Les deux systèmes juridiques établissent toutefois des garde-fous dans le but de préserver le couple et ses biens d’un éventuel excès de l’un ou l’autre.

 

2.  les limites de gestion individuelle des biens qui servent au ménage

 

La protection française repose sur le régime de gestion de l’indivision, et la protection allemande se sert de la réglementation des régimes matrimoniaux. Rappelons qu’en Allemagne, chacun gère ses biens de manière individuelle. Or, deux articles du BGB (rendus applicables par la loi du 16 février 2001) restreignent la gestion individuelle. La première limite résulte du §1365 Abs.1 BGB : l’un des partenaires ne peut engager l’ensemble de ses biens sans l’accord de l’autre (quel que soit le régime choisi)[77]. C’est une protection forte de la « famille », qui ne doit pas être menacée dans sa subsistance par un acte inconsidéré du partenaire. Cette protection est la traduction de l’obligation de cogestion du ménage détenue par les Lebenspartner  en vertu de l’Art. 1 §2 LPartG, elle s’applique même s’ils vivent séparés de fait. Les débats au Bundestag avaient parlé dans ce cas d’une volonté de protection du droit à aliments[78].

Que se passerait-il en France si l’un des partenaires engageait la totalité de ses biens propres ? La loi est muette ; l’autre pourrait éventuellement engager sa responsabilité civile contractuelle sur le fondement du non-respect de l’obligation d’aide mutuelle et matérielle, dès lors qu’il ne serait plus en mesure de l’assurer en raison de l’aliénation. La jurisprudence pourrait décider de se baser sur l’art. 1429 C.Civ, qui prévoit que si l’un des époux met en péril les intérêts de la famille (notamment en dissipant ou détournant les revenus qu’il retire de ses biens propres) son conjoint peut demander qu’il soit dessaisi des droits d’administration et de jouissance (reconnu par l’art. 1428 C.Civ). C’est une assimilation trop forte des partenaires aux époux, que la jurisprudence n’est peut-être pas encore prête à accepter.

Une autre question a surgi : les actes obligationnels conduisant à accomplir ensuite un acte de disposition font-ils partie des actes pour lesquels le consentement de son partenaire est exigible ? Il faut considérer que le consentement du partenaire est nécessaire si l’acte fait baisser de façon considérable et effective le patrimoine de l’obligé dans sa quasi-totalité[79]. La deuxième limite est établie par le §1369 BGB : l’un des partenaires ne peut disposer des biens ménagers lui appartenant que si l’autre partenaire lui a donné son consentement. Cette disposition vise, comme la première, à protéger les partenaires.

Dans tous les cas, refuser d’accorder son consentement n’est pas un droit discrétionnaire du partenaire, la preuve étant que le tribunal des tutelles peut donner son accord à la place du conjoint (si celui-ci refuse sans raison valable d’en donner l’explication, à cause d’une maladie ou d’une absence et qu’un danger est encouru du fait du retard). Dans ce deuxième cas, le mandat domestique du §1357 BGB ne constitue pas une exception à l’exigence de cet accord.

En France ce sont les règles de l’indivision qui permettent à un partenaire d’apporter des restrictions au pouvoir de l’autre de disposer des biens indivis, dans la mesure où tout acte d’administration ou de disposition sur un tel bien nécessite l’accord unanime de tous les indivisaires (art. 815-3 C.Civ). Le partenaire est protégé avant tout en tant qu’indivisaire ; en Allemagne, il l’est en tant que partenaire à proprement parler.

 

Les rapports patrimoniaux au cours d’un partenariat allemand ne se limitent pas au cas où les partenaires vivent ensemble ; ils trouvent application également lorsque les partenaires vivent séparés de fait, mais les obligations ainsi prévues sont différentes de celles qui existent au cours de la vie commune.

 

 

C. La séparation de fait des partenaires allemands ou_« Getrenntleben »

 

Ces dispositions attestent de l’extrême précision du législateur allemand, qui va jusqu’à régler les conséquences d’une « rupture passagère », alors que le législateur français ne réglemente même pas la rupture définitive (dont il laisse la gestion des conséquences patrimoniales aux parties).

En ce qui concerne la distribution de l’équipement domestique, chacun est en droit d’attendre de l’autre la restitution des biens qui lui appartiennent, sauf si celui-ci les utilise pour mener un ménage distinct, et que cela n’est pas contraire à l’équité (l’Art.1 §3 LPartG est la copie du §1361a BGB qui concerne les époux). Les biens domestiques qui appartiennent aux deux en commun  sont partagés entre eux sur le fondement de l’équité (un partenaire qui n’utilise manifestement pas le bien ne peut le revendiquer). Le tribunal a la possibilité de prévoir une rémunération convenable de celui qui, en étant privé, ne les utilise pas. Toutefois, les rapports de propriété restent inchangés tant qu’il n’en est pas conclu autrement.

De même, l’attribution de la possession du logement n’est  pas laissée au hasard (Art.1 §14 LPartG) : l’un peut attendre de l’autre qu’il lui laisse l’utilisation privative du logement commun (ou d’une part de celui-ci) tant que cela lui est nécessaire pour éviter une situation difficile. Le partenaire privé de l’utilisation du logement commun est en droit d’attendre de l’autre une indemnité convenable dans la limite de l’équité. Ce paragraphe est inspiré du §1361b BGB. Cette action nécessite l’intervention du « tribunal de la famille » (Familiengericht) et manifeste l’exclusion légale d’un partenaire de son droit de jouissance ou de propriété, mais est justifiée et admissible quand le demandeur ou ses enfants sont en danger. Le logement reste néanmoins le « logement  du partenariat » (Lebenspartnerschafts-wohnung).

 

Les rapports patrimoniaux se créent donc au cours du partenariat, mais ils doivent être également envisagés après dissolution de celui-ci, lorsqu’il s’agit entre autre de liquider le régime.

 

 

§2: Les rapports à la fin du partenariat, des obligations aux fondements différents

 

Le partenariat prend fin par rupture ou  Aufhebung en Allemagne, qui y est l’équivalent du divorce (A). Le partenariat prend également logiquement fin par la mort de l’un ou des deux partenaires (B). Les rapports patrimoniaux ne sont pas identiques selon la cause de la dissolution. Chaque cas a des conséquences patrimoniales propres.

 

 

A.   Fin du partenariat par rupture (Aufhebung)

 

La rupture est suivie de plusieurs conséquences. Les partenaires doivent régler le sort des biens qu’ils ont pu acquérir au cours du ménage et qu’ils utilisaient conjointement. L’organisation de la séparation peut s’avérer complexe lorsque les parties ont créé au cours de leur vie commune des liens économiques étroits, avec confusion de patrimoine. L’étude nous montrera que les deux systèmes gèrent l’organisation de la rupture de façon tout à fait opposée, ainsi que le sort de l’obligation d’aide matérielle qui est à la charge des partenaires. Il n’est enfin pas exclu que ceux-ci se quittent en mauvais termes, l’un ayant causé un préjudice à l’autre. Se pose dans ce cas la question de l’engagement de la responsabilité du fautif.

 

1.    Le sort de l’obligation alimentaire et de l’aide mutuelle et matérielle à la fin du partenariat

 

L’aide mutuelle et matérielle, légalement prévue au cours du partenariat, relève du régime obligatoire du PACS. Son sort en cas de rupture n’est pas prévu par le législateur, qui fait de cette obligation post-PACS une obligation totalement facultative. D’ailleurs, l’art. 515-7 C.Civ  reconnaît la liberté des parties de procéder elles-mêmes à la liquidation des droits et obligations résultant du pacte. Les parties peuvent donc prévoir l’introduction dans le contrat initial de clauses incluant que l’aide pécuniaire se poursuit après rupture.

 

En Allemagne, l’obligation alimentaire (Unterhaltspflicht) ne s’éteint pas au moment de la rupture du partenariat, car elle est la conséquence de la conclusion « à vie » de celui-ci (Art.1 §16 LPartG). Elle reste une obligation légale pour les Allemands alors qu’elle n’est que conventionnelle en France. Dès lors qu’un partenaire ne peut plus assumer seul son entretien et ne peut exercer d’activité professionnelle convenablement rémunérée (en particulier en raison de son âge, de sa maladie, ou d’une infirmité),  l’autre peut  être contraint de  lui fournir une créance alimentaire convenable. Le principe posé est celui de la prise en charge individuelle par chacun de ses propres besoins. Toutefois si l’un est dans une situation de détresse car dans l’impossibilité, pour des raisons pertinentes, de se prendre en charge, il peut légitimement attendre que l’autre le fasse. Le principe de nécessité du §1569 BGB (valable entre époux) est ici reproduit. Comme en matière de séparation de fait, la créance alimentaire acquiert un caractère unilatéral, mais elle devient une exception. Notons qu’il s’agit en Allemagne de la protection de la partie économiquement faible, plus que d’un palliatif au déséquilibre de revenus entre les deux partenaires (caractéristique de la prestation compensatoire en France.)

Le §16 LPartG renvoie à des dispositions sur le droit de la créance alimentaire après le divorce des époux. En premier lieu, selon l’Art.1575 BGB, cette obligation alimentaire doit couvrir l’ensemble des besoins des créanciers, et doit être déterminée dans son montant en fonction de la situation « partenariale » antérieure (le créancier doit continuer à vivre comme il le faisait au cours du partenariat.) C’est une créance qui tient compte à la fois des besoins du créancier, mais aussi  et surtout de la capacité financière du débiteur (selon le §1581 BGB, le débiteur doit avoir des capacités financières (Leistungsfähigkeit) suffisantes, sinon il sera autorisé à ne verser qu’une somme mensuelle équitable).

Les besoins couverts sont ceux essentiels pour l’homme (logement, nourriture, frais médicaux), mais aussi l’assurance maladie, la formation professionnelle ou scolaire, la formation continue, la reconversion professionnelle et même le coût d’une assurance vieillesse ou invalidité.

 

Bien qu’elle ait un caractère légal, les parties peuvent tout à fait y renoncer au moment de la conclusion du partenariat (d’après le principe de l’autonomie de la volonté), mais il faut leur conseiller de le stipuler dans un contrat séparé, car rappelons que le Lebenspartnerschaft ne peut être conclu sous condition (Art.1 §1LPartG). Cette renonciation n’est néanmoins pas efficace lorsque, au moment de la conclusion du partenariat, les parties étaient conscientes de la situation de besoin ( en aides sociales) de l’un des partenaires ou lorsqu’elle  est imposée à l’une d’elle.

En outre une clause « d’équité négative » s’applique, selon laquelle toute créance alimentaire doit être déniée, diminuée dans son montant ou limitée dans le temps lorsque l’obligation du débiteur serait « gravement inéquitable » (grob unbillig), notamment quand le partenariat a été de courte durée, le créancier est coupable d’un crime ou d’un délit grave contre la personne du débiteur, le créancier a délibérément provoqué son état de besoin, ou qu’il existe un motif aussi grave que ceux mentionnés (§1579 BGB). Cette obligation prend la forme d’une rente mensuelle (§1585 BGB).

 

Le législateur pousse très loin la précision, puisqu’il établit un ordre entre les différents débiteurs alimentaires du partenaire dans le besoin. Le partenaire sollicité doit répondre d’une obligation alimentaire envers son ancien compagnon. S’il ne le peut pas ce sont les parents du partenaire dans le besoin qui y subviendront (§1584 BGB). Par ailleurs, l’Art.1 §16 Abs.3 LpartG prévoit un ordre entre les divers créanciers du partenaire obligé à une pension alimentaire post-rupture, dès lors que celui-ci est redevable de plusieurs créances d’aliments ; il s’agit, dans cet ordre, des ayants droits légaux (enfants, conjoints s’il y en a eu), le partenaire d’un premier partenariat  déjà rompu, les partenaires plus récents, et enfin les autres parents.

La créance alimentaire n’est plus due dans plusieurs cas : quand son bénéficiaire se marie, conclut un autre pacte[80] ou quand il décède (§1586 BGB). D’après cet article, on peut étendre cette extinction par conclusion d’un pacte aux pensions alimentaires résultant de mariages précédents. La créance alimentaire disparaît également lorsque celui qui la reçoit n’est plus dans le besoin. Toutefois en cas de mort du débiteur, cette obligation passe à la succession en tant que passif successoral, mais les héritiers ne sont pas garants pour une somme qui est supérieure à la part héréditaire qui aurait du revenir à l’ayant droit si la rupture n’avait pas été prononcée (§1586b BGB). Il est intéressant de s’interroger à ce stade sur le sort d’une obligation alimentaire française (prestation compensatoire ou pension alimentaire) lorsqu’un pacte est conclu par le bénéficiaire. Il n’est pas impossible qu’une personne divorcée, créancière d’une telle obligation,   s’engage, non plus dans les liens d’un mariage, mais dans les « liens d’un PACS ». Le législateur français ne réglemente pas la situation quand un PACS est conclu ; en revanche, il prévoit qu’un remariage met fin au versement de la pension alimentaire allouée au divorcé, à présent jeune marié (art. 283 C.Civ). La justification se trouve dans le fait que, en tant que nouveau marié, l’individu bénéficie d’un devoir de secours de la part de son conjoint, prenant ainsi le relais du devoir de secours résultant du premier mariage, matérialisé par la pension alimentaire. Dans la mesure où l’aide mutuelle et matérielle est à rapprocher du devoir de secours qui existe entre époux, il est logique de tenir le même raisonnement qu’en matière de mariage, et d’estimer que la signature d’un PACS met fin au versement de la pension alimentaire touchée par le « pacsé ». Qu’en est-il d’une prestation compensatoire ? La situation est plus controversée et moins claire qu’en matière de pension alimentaire. Un doute existe que la jurisprudence règlera peut-être en matière de PACS. Enfin, imaginons une dernière situation qui pourrait se produire en France, encore une fois ignorée par le législateur : que devient une obligation alimentaire post-rupture que des partenaires auraient prévue par convention, quand le partenaire bénéficiaire se marie ou conclut un nouveau partenariat ? Est-il admissible qu’une « nouvelle union » modifie ce que des parties ont contractuellement prévue ? La réponse à cette question doit être négative, et seule une nouvelle convention des parties pourrait y mettre fin. Toutefois, la question reste ouverte, et la jurisprudence l’appréciera peut-être.

Enfin, en Allemagne, la compensation des droits à pension de retraite (Versorgungsausgleich)[81], qui existe pour les époux, n’a pas été reprise pour les partenaires, et ceci pour des raisons inexpliquées. Est-ce un oubli ? Est-ce la volonté de distinguer au moins sur ce point le partenariat du mariage, afin qu’il ne soit pas taxé de l’étiquette « mariage homosexuel », et qu’il ne risque pas d’être considéré comme contraire à l’Art.6 de la Loi Fondamentale ?

Se pose en outre le problème de l’organisation de la rupture, au travers de la liquidation des droits et obligations.

 

2.    La liquidation des droits et obligations au moment de la rupture

 

Rien n’est laissé au hasard pas le législateur allemand, tandis que le législateur français s’en remet à la liberté des partenaires (art.515-7 al.8 C.Civ). Mais cette formule consacrant la liberté des partenaires d’organiser patrimonialement leur séparation est floue ; le législateur n’offre aucun mécanisme juridique à ces partenaires qui, rappelons-le, ne seront pas toujours des professionnels du droit. C’est pourquoi, le législateur envisage la possibilité de recourir au juge pour régler la rupture et la liquidation des droits et obligations des partenaires lorsque ceux-ci ne parviennent à aucun accord. Il est vraisemblable qu’en pratique, le juge soit fortement sollicité.

 

La seule disposition légale concernant le partage des biens fait référence à l’attribution préférentielle de l’art.832 C.Civ qui concerne les époux et les héritiers (art.515-6 C.Civ). Cette disposition offre aux partenaires la possibilité d’obtenir, au moment du partage, l’attribution préférentielle de l’entreprise (commerciale, industrielle ou artisanale) à laquelle il a participé ou de la propriété ou du droit au bail du local qui lui servait d’habitation.

Qu’en est-il alors des biens indivis ? Les parties doivent liquider l’indivision, dans la mesure où elle ne prend pas fin automatiquement avec la rupture du PACS. Les indivisaires ne sont pas contraints d’attendre la fin du partenariat pour liquider l’indivision, ils peuvent le faire à tout moment (art.815 C.Civ). Les parties doivent nécessairement recourir au partage amiable ou judiciaire, et il faut leur conseiller de le faire le plus tôt possible dès la rupture du PACS, afin que des situations litigieuses soient évitées. Si le logement commun est en indivision, il sera géré par ces règles. Il paraît en outre utile que les parties incluent dans le pacte des dispositions concernant la liquidation de leurs droits et obligations, pour éviter la naissance de litiges lors de la rupture du contrat. En outre, aucune règle relative aux remplois et récompenses ne s’applique automatiquement au PACS. Il faut la prévoir. Il pourrait être question d’une clause relative aux créances entre partenaires (qui s’inspirerait du système des récompenses[82] entre époux) pour faciliter l’action en enrichissement sans cause.

 

Si les parties n’ont rien prévu dans leur pacte, et que l’une s’estime lésée au moment de la rupture, considérant qu’elle s’est appauvrie au cours du partenariat en faveur de son partenaire, elle dispose d’un certain nombre de techniques pour rétablir la situation[83]. Le partenaire qui s’estime appauvri pourra agir sur le fondement de l’enrichissement sans cause ou recourir à la notion de société de fait. La première technique vise le cas où un des partenaires s’est enrichi au détriment de l’autre, en ayant par exemple moins participé que lui aux dépenses de la vie courante. Cette action est possible dès lors qu’il n’existe aucun autre moyen d’obtenir une indemnité, notamment par le recours à la société de fait. Cette seconde technique suppose des conditions d’action précises qui sont : une volonté de la part du demandeur de s’associer dans une entreprise, des apports respectifs de chacun (en biens, argent ou travail) et une vocation à participer aux bénéfices et aux pertes. Elle suppose en outre que le demandeur n’ait rien reçu en contrepartie de sa collaboration. La jurisprudence a eu l’occasion de rappeler que les conditions cumulativement exigées doivent être toutes réunies, une simple cohabitation ne suffisant pas à l’établir[84] (même si les concubins sont sous le régime de l’indivision conventionnelle) et la preuve devant être apportée par le demandeur[85].

 

Ces techniques sont également offertes aux concubins en Allemagne, mais les partenaires s’y réfèreront peu en pratique dans la mesure où le régime légal de gestion de leurs biens conduit au partage de tout gain effectué par l’un ou l’autre. Le législateur allemand a précisément organisé la séparation. D’une part, le sort des biens gérés au cours du ménage est réglé par l’application des règles concernant le régime de participation aux acquêts : chaque partenaire conserve ses biens propres, et les gains faits par chacun d’eux sont répartis égalitairement entre eux (§1363 BGB). Le gain est la plus-value réalisée, différence positive entre la valeur du patrimoine de départ et celle du patrimoine final.

En ce qui concerne le traitement particulier du logement et des biens du ménage, la loi laisse les parties libres de s’accorder, et de trouver un arrangement convenable (Art.1 §17 LPartG). La partie faible est protégée : une clause non équitable ne doit pas lui être imposée. Si elles ne s’entendent pas, le tribunal de la famille intervient en réglant la répartition des biens du ménage et l’attribution du logement commun[86]. Il doit non seulement tenir compte de la relation des parties à l’égard des biens en question (une partie qui se sert de façon habituelle d’un bien est en droit de l’obtenir), mais aussi des besoins de chacune d’elles (un partenaire qui aurait une autre maison n’aurait pas besoin de disposer du logement commun).

Le §18 LPartG traite de l’attribution de ce logement commun lors d’un litige. S’il est en location, le tribunal déterminera lequel des partenaires peut disposer du logement indépendamment du fait qu’il en soit locataire ou non. Un partenaire peut tout à fait obtenir le droit au bail alors que l’autre en était le titulaire ; il « prend sa place ». De la même manière, si le logement appartient à un partenaire, le tribunal peut accorder au partenaire non-propriétaire le droit de rester dans le logement en tant que locataire. Cette attribution doit néanmoins se justifier par le caractère exceptionnellement dur que revêtirait pour lui la perte du droit à rester dans le logement commun. Cette technique est proche de celle de l’attribution préférentielle accordée à un partenaire par l’art.515-6 C.Civ (qui renvoie à l’application de l’art. 832 du Code civil). Le partenaire survivant peut obtenir l’attribution préférentielle de la propriété ou du droit au bail du local qui lui sert d’habitation et dans lequel il a sa résidence au moment du décès.

Il n’est pas exclu que la rupture soit génératrice d’un préjudice pour l’un ou l’autre des partenaires. Comment s’effectue alors sa réparation ?

 

3.    Le problème de l’engagement de la responsabilité d’un partenaire

 

Ni la législation française, ni l’allemande ne règlent l’éventuelle réparation du dommage subi par l’un des « pacsés », mais ils ne sont pas pour autant désarmés.

En France, les partenaires peuvent fonder leur requête sur le droit commun de la responsabilité et le Conseil Constitutionnel vise la responsabilité civile délictuelle de l’art.1382 du C.Civ (il explique que « l’affirmation de la faculté reconnue au partenaire auquel la rupture est imposée, notamment en cas de faute tenant aux conditions de cette rupture, d’agir en responsabilité met en œuvre l’exigence constitutionnelle posée par l’art.4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dont il résulte que tout fait de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer[87] »). Les parties ne peuvent exclure ce droit à réparation en cas de rupture unilatérale, et toute clause en ce sens serait réputée non écrite.

Le Conseil Constitutionnel vise la responsabilité civile délictuelle. Or, n’a-t-il pas, dans cette même décision, fermement affirmé la nature contractuelle du PACS ? Tout manquement à une obligation contractuelle peut donner lieu à l’engagement de la responsabilité civile contractuelle de celui qui en est l’auteur. Partant de ce présupposé, un problème se pose ; en vertu du principe de non-cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle, il est impossible pour toute partie à un contrat d’engager la responsabilité délictuelle de la partie qui lui a causé un dommage par le non-respect de prescriptions contractuelles. L’action doit se fonder sur la responsabilité contractuelle. Le Conseil Constitutionnel a néanmoins opté pour la responsabilité délictuelle de celui qui cause un préjudice à l’autre en raison de la rupture. Par conséquent, la faute donnant lieu à réparation ne peut se réduire à la seule méconnaissance d’une obligation contractuelle. L’existence d’une faute de la part du partenaire qui prend l’initiative de la rupture est déterminée par son comportement au moment de celle-ci (comportement brutal, grossier, dégradant…), la faute ne consiste pas en la rupture. Des auteurs préconisent l’insertion par les parties de clauses selon lesquelles la rupture donne droit à indemnisation[88] ou même d’une clause pénale prévoyant le paiement d’une somme à titre de dommages-intérêts par l’une des parties lorsqu’elle n’exécute pas le contrat[89]. Le problème de l’engagement de la responsabilité contractuelle n’est pas exclu pour autant : il s’applique lorsqu’une partie manque à l’une de ses obligations. Ce qui est exclu, en revanche, est que ce manquement soit une faute permettant l’attribution de dommages-intérêts au partenaire délaissé (ceci sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle).

 

La législation allemande n’évoque pas non plus le cas  où l’une des parties subirait un préjudice lors de la rupture unilatérale. L’unique cas qui pourrait se présenter est celui où l’un des partenaires se marie alors qu’il est toujours lié par un partenariat. Quel serait le fondement des réparations ? La responsabilité civile délictuelle s’impose, le Lebenspartnerschaft n’étant pas un contrat ; ce serait certainement la responsabilité civile délictuelle pour faute du droit commun. La partie victime invoquerait le §823 I BGB (quiconque agissant intentionnellement ou par négligence porte atteinte illégalement à la vie, au corps, à la santé, à la liberté, à la propriété, ou à tout autre droit d’autrui est tenu à la réparation du préjudice qui en résulte). Ce paragraphe protège l’atteinte aux droits de la personnalité, qui sont inclus dans le concept « tout autre droit ». La victime pourrait alors invoquer la violation du droit à sa dignité (Art.6 I GG). Mais la jurisprudence devra corroborer ce raisonnement.

Ces règles ne se retrouvent pas lorsque le partenariat prend fin par la mort d’un partenaire.

 

 

B.   Fin du partenariat par la mort d’un partenaire

 

La création d’un lien juridique entre deux personnes par la conclusion d’un PACS soulève la question d’une éventuelle vocation successorale entre ces deux personnes, fondée sur l’existence du lien juridique ainsi créé. La réponse à cette question est sans équivoque : le PACS en lui-même n’ouvre aucune vocation successorale au profit du partenaire du de cujus (à l’inverse des époux qui acquièrent qualité d’héritiers légaux en même temps que le statut de conjoint.) Cette non-vocation successorale ne saurait être justifiée par la présence d’autres héritiers du de cujus puisque même en leur absence, le partenaire n’acquiert pas par défaut la qualité d’héritier.

Afin de réserver toutefois un certain nombre de biens à son partenaire, l’autre dispose des techniques habituelles de gratification d’un bien à une personne (testament ou donation). Les règles classiques du droit des libéralités s’appliquent avec pour règle d’or le respect de la réserve des héritiers réservataires du de cujus (ascendants et descendants).

Le pacte civil de solidarité instaure simplement des avantages fiscaux en matière de droit de mutation (cette question sera abordée dans le cadre des relations entre tiers et partenaires).

La conclusion d’un PACS ne saurait valoir testament et il ne faut pas confondre le contrat de PACS et testament. La loi du 15 novembre 1999 n’exclut toutefois pas que les partenaires puissent prévoir des dispositions testamentaires ou instituer des donations dans le pacte. Les conditions du droit commun de formation d’un testament ou d’établissement d’une donation doivent être respectées. La jurisprudence aura peut-être à se prononcer sur le sujet, et pourra émettre une réticence car un testament ne peut avoir qu’un seul auteur, un testament commun à deux personnes n’est pas possible (art.968 C.Civ)[90]. Or le pacte est signé par les deux partenaires. Un doute est possible lorsque les deux partenaires instaurent des dispositions à cause de mort dans le pacte.

En revanche, toute donation doit être faite par acte notarié. Or, pour conclure un pacte les parties rédigent et signent elles-mêmes une convention produite en deux exemplaires originaux (art.515-3 C.Civ). Cette exigence suggère que l’acte notarié, établi en un seul original, ne peut valoir pacte (ni même une copie certifiée conforme). Pour établir une donation par PACS, celui-ci doit être rédigé par acte notarié en brevet, délivré en original directement aux intéressés[91].

 

La situation des partenaires allemands en matière successorale est tout à fait différente. L’Art.1 §10 LPartG institue le partenaire héritier légal, comme le conjoint, et reçoit d’ailleurs la même proportion qu’eux (§1931 BGB pour la vocation successorale entre époux). La proportion de la succession qu’il reçoit est variable suivant les héritiers appelés à la succession : un quart si des héritiers du premier ordre sont présents (descendants), la moitié en présence des grands-parents ou d’héritiers du second ordre (parents, frères et sœurs). Si aucune de ces personnes n’est présente, il reçoit la totalité de la succession, passant avant d’autres héritiers plus éloignés. Cette vocation successorale se justifie par le lien familial créé entre les deux partenaires par l’Art.1 §11 LPartG.

Le partenaire n’est pas un simple héritier : il est héritier réservataire au même titre que les conjoints (Art.1 §10 Abs.6 LPartG). Notons  immédiatement que la notion de réserve est divergente en droit allemand. Dans la législation française, l’héritier réservataire ne peut être exclu de la succession. En Allemagne, la réserve héréditaire (Pflichtteil) confère simplement à son bénéficiaire une créance à l’encontre des héritiers, qui n’est pas un droit réel et qui ne lui assure pas automatiquement un droit à la succession. Par conséquent, le bénéficiaire peut être évincé par le défunt (par testament). En perdant la qualité d’héritier, il perd son droit à demander sa part de réserve. Celle-ci est  fixée à la moitié de sa part légale.

L’Art.1 §10 Abs.3 LPartG ordonne l’exclusion du partenaire de la succession dans plusieurs hypothèses qui révèlent, au moment de la mort du de cujus, l’affaiblissement des liens qui l’unissaient à lui, ce qui justifie l’exclusion. La première hypothèse concerne le cas dans lequel les conditions d’une rupture (prévues par l’Art.1 §15 Abs.2  Nr.3 LPartG) sont remplies et que le de cujus avait sollicité la rupture ou y avait donné son assentiment. La seconde hypothèse vise le cas où le de cujus avait déposé une demande en vue de la rupture (lorsque la continuité du partenariat est pour lui d’une dureté exceptionnelle) et que la demande est fondée. Seul compte ici le fait qu’il voulait se séparer, l’exclusion de la succession n’étant pas conditionnée par le prononcé de la rupture par le tribunal (ce prononcé supposant l’achèvement d’un délai de un ou trois ans).

Cette part qu’il reçoit est le droit successoral proprement dit. S’y ajoutent d’autres droits : le droit à un préciput et le droit à la vocation successorale.

 

Le partenaire peut recevoir un préciput légal (Voraus du §10 Abs.1 LPartG). Il s’agit d’un droit aux objets ménagers (qui servent à la vie commune du couple et qui ne sont pas les accessoires d’un bien foncier) et aux cadeaux offerts lors de la conclusion du partenariat, qui appartiennent au de cujus. Pour en bénéficier, le partenaire doit avoir été appelé à la succession en tant qu’héritier légal, ne doit pas avoir renoncé à cette succession (§10 Abs7 LPartG) ni n’avoir été exhérédé par le de cujus. Le préciput est variable suivant les héritiers appelés à la succession : le partenaire en concours avec les héritiers du second ordre reçoit la totalité des biens en question ;  s’il est en concours avec les enfants du de cujus, il n’a droit qu’aux biens qui lui sont nécessaires pour la conduite convenable d’un nouveau ménage.

La solution successorale (erbrechtliche Lösung) est une somme forfaitaire, qui obéit à des règles spéciales tenant au régime de gestion des biens adopté (§ 1371 BGB, auquel renvoie l’Art.1 §6 Abs.2 LPartG). En cas de participation aux acquêts (régime légal des partenaires), il n’y a pas calcul de la créance de participation (les gains réalisés ne sont pas partagés comme ils le sont en matière de rupture par décision judiciaire), mais le partenaire reçoit un quart supplémentaire, pris sur la part des autres héritiers. Il importe peu que les partenaires aient réalisé au cours du partenariat un accroissement de leurs patrimoines respectifs.

 

Comme en droit français, le de cujus peut gratifier son partenaire par testament ou en lui faisant des dons. Toute disposition testamentaire tombe dans le cas où le partenariat est dissout avant la mort du disposant, et même si les délais légaux au terme desquels le tribunal prononce la rupture ne sont pas expirés, d’après le §2077 BGB, rendu applicable par le §10 Abs.5 LPartG. La volonté du testateur prévaut s’il a expressément maintenu les dispositions, même après rupture (§2077 Abs.3 BGB). Par ailleurs, les partenaires disposent d’une liberté de tester (Testierfreiheit) telle, qu’ils peuvent s’instituer héritiers réciproques par le biais d’un testament commun (Berlinertestament, §2269 BGB). Si l’un révoque des dispositions établies au profit de l’autre, les dispositions réciproques prises par l’autre partenaire tombent en conséquence. C’est un avantage certain par rapport au testament « simple » : si deux partenaires s’instituent réciproquement héritiers par deux testaments distincts, et que l’un révoque les dispositions qu’il a prises, à l’insu de l’autre, celui-ci sera privé et les dispositions par lesquelles il gratifie l’autre ne tombent automatiquement, laissant subsister un legs qui n’a plus lieu d’être.

Il existe en outre des avantages fiscaux en matière de droit de mutation, mais ils sont traités par la loi qui n’a pas encore reçu l’assentiment du Bundestag.

 

La situation du partenaire allemand est nettement favorable à celle du partenaire français, car encore une fois plus protectrice des intérêts du survivant. Le droit successoral entre « pacsés » est un volet totalement occulté par la législation française, à l’image d’autres thèmes pourtant importants (des obligations morales implicites, une aide alimentaire qui est ignorée après rupture). Il y a une raison majeure à ces lacunes : le législateur veut éviter de reproduire le mariage, et même de donner l’impression qu’il s’en inspire. Paradoxalement, pour tous ces points où le législateur français n’ose établir une réglementation, la législation allemande est d’une précision extrême, ne se cachant pas de reproduire pour les partenaires ce qui existe pour les conjoints : le partenaire est héritier légal réservataire comme le conjoint, bénéficie d’une part identique à lui. Il en va entre autre de même pour les obligations morales qui fondent le régime obligatoire du Lebenspartnerschaft. La force des relations entre les partenaires allemands est manifeste, et résulte de la précision avec laquelle le législateur s’emploie à les régler, et en outre du fait qu’ils sont institués membres de la même famille. Les dispositions sont en conformité avec le but de la loi : lutte contre la discrimination entre homosexuels et hétérosexuels, car elles mettent conjoints et partenaires sur un même plan. Les relations entre les partenaires français sont plus hésitantes, et largement ouvertes, du fait de l'indétermination du concept même de couple de « pacsés », à une intervention jurisprudentielle. A la liberté du législateur d’établir les relations d’un nouveau couple se substitue la liberté des parties de l’organiser elles-mêmes, seul un cadre leur étant fourni.

 

Les relations avec les tiers exigent en revanche une sécurité juridique, le partenariat ne doit pas être menacé par les conséquences fâcheuses de relations incertaines, dès lors que les droits et les obligations des partenaires sont en correspondance avec des droits et obligations réciproques de tiers. L’objet du chapitre deux est l’étude des relations qui lient les tiers au couple, en terme de droits et obligations des partenaires.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


CHAPITRE II

 

LES DROITS ET OBLIGATIONS

VIS-A-VIS DES TIERS AU COUPLE

 

 

U

n acte juridique n’oblige que les parties qui y ont pris part : le principe est  établi. En revanche, un tiers peut toujours invoquer le partenariat pour que ses droits soient garantis (en tant que créancier par exemple), et même en demander la nullité dès lors que ses intérêts sont touchés. Cependant, pour cela, l’acte doit non seulement leur être opposable, mais les tiers doivent aussi pouvoir prendre connaissance des informations qui le concernent.

 

Le pacte civil de solidarité devient opposable aux tiers à partir de son inscription sur un registre au greffe du TI du ressort géographique de la résidence des deux partenaires, cette inscription donnant date certaine au contrat (art.515-3 C.Civ et art.1er du décret n° 99-1089 du 21 décembre 1999[92]), elle n’est pas une formalité de constitution du pacte. La législation organise parallèlement d’autres enregistrements : sur un registre tenu au greffe du TI du lieu de naissance de chacun, et si l’un est né à l’étranger, au greffe du TI de Paris.

En Allemagne, les Lebenspartner  doivent, pour créer le partenariat, faire une déclaration conjointe de volonté devant les « autorités compétentes », expliquant qu’ils veulent établir un Lebenspartnerschaft. A ce moment, l’autorité qui a reçu la déclaration l’inscrit sur un registre approprié  (Lebenspartenerschatfsbuch, dont la création et l’organisation sont laissées à la compétence des Länder qui établissent les lois d’application), et le partenariat est opposable aux tiers.

 

Il convient, avant d’entamer la présentation des relations personnelles (section 1) et patrimoniales (section 2) qui lient les partenaires aux tiers, de faire une remarque préliminaire au sujet de l’accès des tiers aux informations enregistrées concernant les partenariats. Cette nécessaire   publicité du pacte civil de solidarité pose en effet en France un problème d’intrusion des tiers dans la vie privée sexuelle des partenaires, dans la mesure où, en ayant accès librement aux informations enregistrées qui concernent l’identité des partenaires, les tiers peuvent savoir si le partenariat est homosexuel ou hétérosexuel. Le Conseil Constitutionnel, saisi à ce propos, a estimé que ces dispositions ne devaient pas être annulées, puisqu’elles sont utiles aux tiers : il a néanmoins émis des réserves que le gouvernement a dû régler.

Le gouvernement français a adopté un décret en réponse à la décision du Conseil Constitutionnel, après avis de la Commission Nationale de l’informatique et des libertés qui préconise une publicité limitée. Ce décret[93] limite le nombre de personnes ayant accès aux informations privées et nominatives figurant sur les registres et restreint les situations dans lesquelles ces informations peuvent être demandées et obtenues. Les personnes autorisées sont les signataires du pacte, les autorités judiciaires et fiscales, les personnes qui interviennent dans le cadre de procédures de liquidation de succession, liquidation judiciaire ou procédure d’exécution contre un partenaire (notaire, huissier, administrateur judiciaire et mandataire liquidateur) ; enfin, ce sont aussi les administrations débitrices de prestations à l’égard des partenaires. En outre, le créancier d’un « pacsé » peut avoir accès à certaines informations lorsque les partenaires sont solidairement tenus, mais toute connaissance nominative du partenaire du débiteur est impossible. De la même manière, ces personnes pourront avoir accès aux informations exclusivement parce que l’accomplissement de leur mission l’exige (le notaire lorsqu’il règlera la succession, par exemple). Le droit à l’accès des tiers aux informations sur les partenaires contenues dans le registre n’est donc pas absolu, et la publicité, chère au juriste, perd ici quelque peu sa force dans un souci de protection de la vie privée.

Ce problème n’a pas été soulevé par les détracteurs du Lebenspartnerschaft  en Allemagne. L’atteinte à la vie privée sexuelle ne s’y poserait pas de la même façon, dans la mesure où le partenariat n’y est réservé qu’aux couples homosexuels.

 

 

Section 1 : Les relations personnelles entre tiers et partenaires

 

Les relations des partenaires avec les tiers doivent être abordées différemment suivants le « statut » du tiers en question, statut qui est commandé par le lien affectif ou familial qui unit ce tiers  au couple. Il faut distinguer deux catégories de tiers: ceux qui sont considérés comme les « proches » des partenaires (§1) et les autres, qu’ils soient déterminés (bailleur, employeur, §2), ou indéterminés (§3).               

 

 

§1 : Les relations avec les « proches » des partenaires

 

Les proches sont les enfants élevés au sein du couple de partenaires (A), et les membres des familles respectives de chaque partie au partenariat (B).

 

 

A. Relations avec les enfants

        

L’absence d’enfants dans un couple de partenaires conduit à s’interroger, dans la mesure où le couple désire avoir une descendance, sur le droit des partenaires à l’enfant, avec, au cœur des débats, le problème de la parentalité homosexuelle ou « homoparentalité »[94]. C’est une question particulièrement présente, et les homosexuels ne cessent de revendiquer un droit à la parentalité; le thème de la « Gay Pride » ou « parade gay » qui s’est déroulée à Paris le 23 juin 2001 en atteste : homoparentalité et revendication d’un droit à l’adoption pour les couples de même sexe.

Parallèlement, la présence d’enfant au sein d’un tel couple suscite, elle aussi, plusieurs interrogations résumées par la notion de droit de l’enfant[95]. Il est intéressant de s’interroger sur son statut au sein de cette « famille », surtout lorsqu’elle est recomposée. Par ailleurs, qu’en est-il de son éducation, de son droit à recevoir des soins, et de l’autorité parentale exercée à son égard ? Qui supporte ces différents devoirs dont doit bénéficier tout enfant ?

 

1.    Un droit à l’enfant ?

 

La revendication des couples d’un droit à l’enfant concerne majoritairement les couples homosexuels, au travers du problème de l’adoption et de la procréation médicalement assistée (PMA). Toutefois, ni la loi allemande, ni la loi française, n’abordent ces questions, et aucune n’ouvre expressément la possibilité aux couples de partenaires d’adopter un enfant ou d’avoir recours aux techniques de la PMA. Par ailleurs, les lois sur les partenariats enregistrés ne modifient pas les textes qui y sont relatifs. La phobie à l’encontre de la parentalité homosexuelle a nettement influencé le choix des législateurs.

 A défaut de dispositions spécifiques, le droit commun de l’adoption et de la PMA s’applique.

 

a- L’application du droit commun de l’adoption

 

En France, l’adoption est régie par la loi n° 96-604 du 5 juillet 1996, qui ne réserve la possibilité d’adopter qu’à un couple marié non séparé de corps (art.343 C.Civ) ou à une personne seule (art.343-1 C.Civ) ; l’adoption n’est en conséquence pas ouverte à un couple non marié, tel les « pacsés ». L’art. 346 C.Civ souligne effectivement que « nul ne peut être adopté par plusieurs personnes, si ce n’est par deux époux ». L’adoption peut être demandée par toute personne (seule) âgée de plus de vingt-huit ans, sans distinction d’orientation sexuelle, mais un agrément administratif est nécessaire, afin de s’assurer que la personne demanderesse est apte à accueillir l’enfant, eu égard à l’intérêt et aux besoins de celui-ci. Toutefois, dans les faits, ce droit subit des limitations ; les célibataires homosexuels en sont souvent exclus, au motif que l’épanouissement de l’enfant qu’ils pourraient adopter et élever est menacé. L’administration, chargée d’octroyer l’agrément précité, fonde dans la plupart des cas son refus sur l’exigence du modèle traditionnel  homme-femme nécessaire à l’éducation de l’enfant, remettant en cause l’aptitude des homosexuels à offrir un cadre d’accueil idéal au développement de l’enfant.

 

En Allemagne, l’adoption est réglementée par la loi du 2 juillet 1976, entrée en vigueur le 1er janvier 1977. Le §1741 Abs.2 BGB ouvre l’adoption au couple, à condition qu’il soit marié et à une personne seule, qui sera l’unique titulaire de la qualité d’adoptant. Comme en France, l’adoption est par conséquent exclue pour des couples qui ne seraient pas unis par le mariage,  tels des frères et sœurs, des concubins, et a fortiori des homosexuels, même unis dans un partenariat. Quiconque sollicite une adoption doit pouvoir offrir à l’enfant un cadre de vie propice à son épanouissement, et le bien de l’enfant (Kindeswohl) est nécessairement pris en compte pour le prononcé de l’adoption. Celle-ci pourrait être refusée à une personne homosexuelle, dès lors que le tribunal des tutelles chargé de la prononcer considèrerait que l’homosexualité de l’adoptant n’est pas favorable à l’intérêt de l’enfant. De ce point de vue, les législations sont claires et identiques : les couples homosexuels ne peuvent adopter d’enfants.

        

L’adoption par l’un des membres du couple de l’enfant de l’autre est une hypothèse envisageable, à propos de laquelle les lois relatives aux partenariats sont tout autant muettes ; ce n’est pourtant pas un cas d’école. La loi française autorise l’adoption plénière par un époux de l’enfant de son conjoint, mais à certaines conditions strictes (l’art.345-1C.Civ) ; pourrait-on ouvrir cette possibilité aux partenaires d’un pacte civil de solidarité, en leur appliquant par analogie l’art. 345-1 C.Civ ? La jurisprudence aura peut-être la possibilité de se prononcer à ce sujet ; néanmoins une réponse négative est à prévoir, dans la mesure où l’art.345-1 C.Civ ne vise que les époux. Par ailleurs, le législateur, s’il octroyait cette possibilité aux couples hétérosexuels « pacsés », devrait l’accorder de la même façon aux homosexuels soumis au même statut ; or, ce serait paradoxal d’admettre conjointement pour l’enfant un lien  à l’égard des deux partenaires homosexuels (lien de filiation adoptive à l’égard de l’un, lien de filiation légitime ou naturelle à l’égard de l’autre), alors que l’adoption commune leur est refusée.

 

De la même façon en Allemagne, un époux a la possibilité d’adopter l’enfant de son conjoint (§1741 Abs.2 S.3 BGB) ; c’est l’hypothèse de la Stiefelternadoption. Pourrait-il en être de même pour les partenaires homosexuels ? Comme en France, la réponse à cette interrogation est négative. L’adoption par un partenaire de l’enfant d’un premier lit de l’autre répond à un but précis : générer une parenté commune (§1754 Abs.1 BGB), traiter juridiquement l’enfant comme commun aux deux partenaires[96]. Ceci ne peut être admis, puisque l’adoption commune, qui répond au même objectif, est refusée. Un partenaire pourrait certes adopter l’enfant de l’autre, le prendre à sa charge, avec l’accord des parents, mais cet enfant acquérrait le statut d’enfant adoptif du partenaire adoptant, et perdrait ainsi le lien qu’il possède à l’égard du partenaire qui est son auteur (§1754 Abs.2 BGB)[97].

 

En matière d’adoption, les législateurs ont voulu faire de l’intérêt de l’enfant le critère décisif à prendre en compte pour accorder ou non un droit d’adoption à un homosexuel ; c’est à cette occasion que se manifeste le caractère encore hésitant de la reconnaissance de l’homoparentalité. L’opinion publique, qu’elle soit française ou allemande, n’est pas prête à accepter la parentalité commune de deux homosexuels, et cela se perçoit aussi en matière de PMA, pour laquelle, rappelons-le, les lois sur les partenariats sont aussi muettes. Les partenaires peuvent-ils pour autant être exclus de la PMA en vertu du droit commun ?

 

b- L’application du droit commun de la PMA

 

La loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 régit la procréation médicalement assistée en France. Cette technique n’est réservée qu’aux couples formés d’un homme et d’une femme, mariés ou pouvant prouver une vie commune d’au moins deux ans, à certaines conditions strictes édictées par l’art. L152-2 CSP ( la PMA doit soit permettre de remédier à une infertilité dont le caractère pathologique a été médicalement diagnostiqué, soit d’éviter la transmission à l’enfant d’une maladie d’une particulière gravité). Les couples homosexuels sont exclus. Pour résumer, les « pacsés » hétérosexuels peuvent avoir recours à la PMA, alors que les « pacsés » homosexuels s’en voient refuser l’accès. Il y a une divergence de traitement entre les couples à l’intérieur du même statut, mais cette différenciation est fondée sur une nécessité de réalité  biologique : alors que des hétérosexuels pourraient, par un processus naturel, engendrer, les couples homosexuels ne le peuvent pas.

 

En Allemagne, la loi sur la protection de l’embryon du 13 décembre 1990 aborde la procréation médicalement assistée en établissant son cadre juridique, mais aucune réglementation précise et uniforme concernant les bénéficiaires de cette technique n’est précisée : est-elle réservée aux seuls couples hétérosexuels, comme en France ? Des directives de l’Ordre fédéral des Médecins ont été édictées, et des lois éparses existent dans les Länder. Certaines admettent la PMA pour les couples homosexuels, d’autres la leur refusent. Un élément de réponse peut toutefois être apporté en se basant sur la loi de 1989 sur l’entremise en matière d’adoption : cette loi interdit la gestation pour le compte d’autrui. En outre, la loi de 1990 sur la protection de l’embryon prohibe le don d’embryon et le don d’ovocyte. Ces considérations conduiront à refuser la procréation assistée à des couples homosexuels masculins, qui ne pourraient, pour procréer, recourir qu’à ces techniques interdites. La jurisprudence nous donnera peut être des éléments de réponse dans le futur.

 

Outre ces considérations sur le droit des partenaires à avoir des enfants, il est un constat qui ne doit pas être éludé : des enfants d’un premier lit peuvent être amenés à vivre avec le couple de partenaires, et ils doivent disposer comme tous les enfants d’un droit à être nourris, élevés et entretenus[98], et d’un droit à être éduqués[99], que les parents aient été  mariés ou non au moment de la naissance.

 

2.    Les droits de l’enfant

 

Les rapports des partenaires à l’égard des enfants qui vivent au sein de leur foyer sont différents selon que l’enfant est commun aux deux partenaires ou qu’il est l’enfant de l’un seulement.

a- Les droits de l’enfant commun aux partenaires : une hypothèse purement française

Lorsque l’enfant né au cours du partenariat a pour parents les deux partenaires (cela ne concerne que les partenaires français puisque le Lebenspartnerschaft n’est pas ouvert aux hétérosexuels), les droits dont il bénéficie à leur encontre ne découlent pas du statut de  « pacsés »  de ceux-ci. Le PACS est sans effet sur les règles de la filiation[100], puisqu’il se contente de régler les rapports entre les partenaires, ignorant purement et simplement les enfants. En ce qui concerne le soin, l’éducation des enfants, et l’autorité parentale, le droit commun de la filiation trouve application, et les dispositions qui concernent la filiation naturelle voient leur champ d’application élargi aux « pacsés »[101].

Il est pertinent de se demander si, en comparaison avec le mariage (qui légitime un enfant naturel né antérieurement à sa conclusion) la passation d’un PACS change le statut de l’enfant né avant que ses parents ne se «pacsent». La réponse est simple : ce contrat n’ayant aucune incidence sur la filiation, l’enfant ne verra pas son statut modifié. Est-ce alors à dire qu’un enfant né de relations adultérines restera adultérin, quand bien même ses parents « officialiseraient » leur relation en se « pacsant »[102] ? La situation est paradoxale mais sans réponse, la jurisprudence n’ayant pas encore eu l’occasion de se prononcer. En outre, puisque la loi du 15 novembre 1999 se borne à ignorer l’enfant, pourrait-on admettre que le pacte civil de solidarité, par analogie avec le mariage, inclut une présomption de paternité à l’égard du partenaire de la mère ? En l’absence de précision expresse à ce sujet, et d’autant plus que le PACS concerne aussi les couples homosexuels, il serait déraisonnable d’admettre une telle présomption dans le cadre du PACS. Par ailleurs, les partenaires n’étant pas soumis à une obligation légale de fidélité, l’exclusion de la présomption de paternité se justifie. Une évidence s’impose toutefois : dans le cadre d’une action en recherche de paternité naturelle, le pacte qui aurait lié la mère à un homme au moment de la conception de l’enfant pourrait être considéré comme « un indice grave » au sens de l’art. 340 C.Civ, suffisant pour pouvoir établir l’existence de relations sexuelles au moment de la conception, facilitant l’action en recherche de paternité naturelle.

 

Lorsque l’enfant a pour parent un seul des partenaires, et qu’il vit avec lui au sein du partenariat, le droit français et le droit allemand gèrent différemment la relation « enfant / beau-parent ».

 

b- Les droits de l’enfant de l’un seulement des partenaires

 

 Alors que le législateur français se refuse purement et simplement à réglementer le lien qui les unit[103], le législateur allemand innove en créant  en faveur du partenaire du parent de l’enfant une « petite autorité parentale » ou kleines Sorgerrecht  (Art.1 §9 LpartG), qui lui confère un certain nombre de droits à l’égard de l’enfant. La distinction nettement visible entre le droit français et le droit allemand souligne de façon marquée le caractère lacunaire du texte français qui ne laisse aucune place aux enfants, alors que la réalité est tout autre. Une fois encore, le législateur a redouté la parentalité homosexuelle. En effaçant totalement l’enfant de la loi, et en ne trouvant aucune situation médiane comme l’a fait le législateur allemand avec le kleines Sorgerrecht, le législateur français a calmé les esprits « horrifiés » par cette idée d’homoparentalité, au détriment d’un enfant qui pourtant est bien présent[104].

 

La législation allemande instaure donc au profit du partenaire homosexuel d’un parent qui exerce seul l’autorité parentale, et en accord avec celui-ci, un pouvoir de décision conjointe concernant les affaires de la vie de tous les jours de l’enfant[105], et l’autorisation d’effectuer en cas de péril imminent[106] tous les actes indispensables au bien de l’enfant (Art.1 §9 Abs.1 et 2 LPartG). Le kleines Sorgerrecht est conféré au partenaire du parent par la conclusion du Lebenspartenerschaft, mais peut être limité ou exclu par le tribunal de la famille, dès lors que l’intérêt de l’enfant l’exige (Art.1 §9 Abs.3 LPartG). Par ailleurs, ce n’est pas un droit automatique pour le partenaire en question, dans la mesure où le parent doit y donner son accord. Il doit en outre être informé en cas de décision urgente (Art.1 §9 LPartG). La motivation du législateur allemand est avant tout d’assurer le bien de l’enfant, pour permettre son libre développement, et un épanouissement optimal, le droit des parents passant en seconde position.

 

Ce droit conféré au partenaire d’intervenir légalement dans les affaires qui concernent l’enfant de son partenaire est la traduction légale des relations qui existent dans les faits, mais doit, avant d’être perçu comme un droit du partenaire, être considéré comme un devoir à l’égard de l’enfant. Le principe de l’éducation des enfants dans la famille a une valeur institutionnellement protégée par la Loi Fondamentale, beaucoup plus que toute forme collective d’éducation. Le législateur allemand assimile quasiment le partenaire au parent. En réalité, la notion de « personne qui élève l’enfant » se substitue peu à peu à la notion de parent en matière d’éducation.

Le Congrès des Notaires de France avait, en 1999, émis l’idée que des tiers (intervenant dans l’éducation de l’enfant) se voient conférés par acte authentique le pouvoir d’accomplir des actes de la vie courante de celui-ci, dans les mêmes conditions que le devoir de soin attribué  au partenaire dans la loi allemande du 16 février 2001. Il désire symboliser des liens de « solidarité familiale », sans qu’un lien de filiation ne soit créé entre l’enfant et le « mandataire ».

 

Le devoir conféré au partenaire d’intervenir en cas d’urgence implique un pouvoir de représentation de l’enfant (mais qui se limite aux seuls actes qui sont utiles au bien de l’enfant). Néanmoins, le partenaire est dans ce cas précis assimilé aux parents qui, eux, disposent de l’autorité parentale. En effet, le §9 II est la copie du §1629 Abs.1 S.4 BGB, qui offre ce même droit d’action aux époux en cas d’urgence. C’est un raisonnement logique de la part du législateur allemand, dans la mesure où le bien de l’enfant ne doit pas être limité à un quelconque lien de filiation. Ce pouvoir de représentation ponctuel est considérable, puisque le parent (celui qui ne vit pas avec l’enfant et qui ne dispose pas de l’autorité parentale) se voit opposer par le partenaire de l’autre parent des décisions qui concernent son enfant.

        

Le législateur allemand pousse plus loin la légalisation des liens que le partenaire homosexuel entretient avec l’enfant qui vit au sein du couple, rapprochant l’entité « partenaires/enfants » de la famille au sens traditionnel du terme.

En effet, en cas de rupture du partenariat le législateur offre au partenaire le droit de maintenir des relations avec l’enfant ou Umgangsrecht (ce qui englobe un droit de visite), à condition que l’enfant ait vécu pendant longtemps au sein du ménage formé par les Lebenspartner (le §1685 Abs.2 BGB concernant les époux est rendu applicable en matière de partenariat par l’Art.2 Nr.12 LPartG). Ce droit du partenaire qui avait contribué à l’éducation de l’enfant est établi sans préjudice du droit des parents à entretenir eux aussi des relations avec leur enfant ( §1684 Abs.1 BGB), et n’est pas conditionné par l’attribution de l’autorité parentale, mais sera permis dès lors que cela contribue au bien de l’enfant. Le législateur allemand passe ici outre la vérité biologique à laquelle il est tant attaché, pour favoriser la réalité affective et sociologique. Il tient compte du vécu de l’enfant, de sa relation avec le partenaire de son auteur, évitant une situation potentiellement catastrophique pour l’enfant en cas de rupture du couple qui l’élève: se voir privé d’une personne qui l’a, dans les faits, élevé et qu’il considère comme son « deuxième papa » ou sa « deuxième maman », pour la seule raison qu’il ne vit, avec elle, que des liens affectifs, et non juridiques.

 

Enfin, le législateur allemand applique aux Lebenspartner le §1682 BGB relatif au lieu de résidence de l’enfant (Art. 2 Nr.11 LPartG). En vertu de ce paragraphe, modifié par la loi du 16 février 2001, le tribunal de la famille peut décider du maintien de l’enfant avec le partenaire homosexuel de son parent (décédé par exemple), dès lors que l’autre parent (qui pourrait alors décider seul du lieu de résidence de l’enfant) veut le retirer au partenaire en question. Le tribunal doit se décider de la sorte dès lors qu’il en va de l’intérêt de l’enfant, qui a vécu pendant longtemps avec le partenaire en question, et dont le bien physique ou moral serait mis en danger par son transfert chez le parent qui en est demandeur. Notons que la seule condition, outre le fait qu’il en va de l’intérêt de l’enfant, est qu’il ait vécu pendant longtemps au sein du ménage formé par son parent et le partenaire de celui-ci. La notion de longévité n’est pas plus explicitée par le législateur, et cela laisse une porte ouverte à l’appréciation au cas par cas du tribunal de la famille qui va pouvoir, en ayant égard à la relation dont il sera question, considérer que l’enfant a vécu pendant une durée assez longue pour fonder le droit au maintien avec son « beau-parent », ou en revanche estimer que ce n’est pas le cas. Les tribunaux, s’ils font preuve de trop de rigueur, risqueront de briser ce que la loi a établi en faveur du partenaire homosexuel.

 

C’est une concession importante qui est faite par le législateur allemand aux Lebenspartner, pour assurer le bien de l’enfant. Le pas est franchi : la totale reconnaissance du couple homosexuel, traduite par la place qui lui est faite dans l’éducation de l’enfant, s’est substituée à son ignorance. Le législateur allemand n’en est pas resté à ce stade : il a créé par ailleurs certains liens familiaux.

 

 

B. Relations avec la  famille : un concept absent de la législation française mais fondateur des relations allemandes

 

La loi allemande met en place un lien de parenté entre les ascendants de chaque partenaire (désignés par le terme Verwandten) et l’autre partenaire (Art.1 §11 Abs.2 LPartG) ; ils seront considérés comme des alliés, ce que le législateur a établi avec l’expression «sie gelten als verschwägert ». Ce lien n’est pas détruit par la dissolution du Lebenspartnerschaft qui y a donné naissance. Il existe une particularité que le juriste français peut soulever : en cas de dissolution du partenariat, les liens juridiques unissant les partenaires sont totalement détruits, alors que la parenté liant chaque partenaire avec la famille de l’autre survit. Elle ne dépend plus du lien « d’alliance » qui unit les partenaires. Serait-elle devenue un élément de la personnalité, comme le nom ? Ces dispositions sont les copies conformes de ce qui est prévu par le §1590 BGB en matière de mariage.

 

En revanche, en France, le pacte civil de solidarité ne crée aucune relation familiale entre un des « pacsés » et la famille de l’autre. Le PACS a pour but essentiel l’organisation de la vie commune des partenaires, et les relations familiales n’en font pas partie. Il faut remarquer en outre qu’un pacte est, pour le législateur, bien plus un contrat qu’une Institution à l’image du Mariage. La création de tout lien de parenté serait paradoxale avec sa nature de contrat.

 

Le législateur, en Allemagne, veut préserver la famille et l’instauration du lien de parenté va permettre la protection des partenaires; en effet, en vertu du lien créé, les alliés pourront refuser de témoigner les uns contre les autres dans une procédure, ce qui ne peut être le cas en France pour un partenaire à l’égard de la famille de sa compagne (ou compagnon). Ce droit survivra après la fin du partenariat.

 

Les relations avec les autres tiers sont tout à fait différentes : la spécificité conditionnée par les liens affectifs disparaît, laissant majoritairement la place à des droits au profit des partenaires.

 

 

§2 : Les relations avec les autres tiers

 

Les « autres tiers » sont ceux qui ne sont pas considérés comme des proches des partenaires. Ceux-ci pourront invoquer des droits à leur égard, et cela concerne les relations contractuelles en matière de bail (A) et les relations contractuelles avec l’employeur (B). Les partenaires sont certes créanciers d’un droit à leur égard, mais le droit invoqué ne sera pas une dette d’argent.

 

 

A. Relations contractuelles en matière de bail ; une protection analogue des partenaires dans les deux systèmes, mais des conditions d’octroi différentes

 

Les relations en matière de bail se rapportent à deux cas de figure : d’une part, les relations des partenaires à l’égard de leur bailleur, et d’autre part les relations d’un partenaire bailleur à l’égard de ses locataires.

 

1.    Les droits des partenaires à l’égard du bailleur

 

C’est à l’égard du logement commun que la situation des concubins homosexuels était particulièrement critique, les tribunaux refusant de leur accorder le transfert du bail en cas de décès du concubin titulaire du contrat de bail (et les tribunaux français ne leur octroyant pas non plus le droit de continuer le bail en cas d’abandon du domicile par le locataire). Aujourd’hui, les dispositions des lois du 15 novembre 1999 et du  16 février 2001 accordent ce droit aux partenaires « pacsés » (quelle que soit leur orientation sexuelle) ou unis par un Lebenspartnerschaft. La protection du partenaire « survivant » est donc assurée selon une même technique en France et en Allemagne, mais les conditions de l’octroi de ce droit présentent une petite différence dans les deux pays.

 

L’art.14 de loi du 15 novembre 1999 a modifié la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 relative aux rapports locatifs, et notamment son art.14, qui prévoit le transfert du contrat de location à certaines personnes qui vivent avec le locataire (conjoint, descendants, personnes à charge) au moment du décès de celui-ci. A présent, le «pacsé » survivant non partie au contrat de location bénéficie lui aussi d’un droit au transfert du contrat de location à son profit. Pareillement, en vertu de ces nouvelles dispositions, le partenaire pourra continuer le contrat de location en cas d’abandon brusque du domicile par le partenaire locataire[107].

 La notion de continuation du bail en cas d’abandon du domicile familial est inconnue en tant que telle en Allemagne, aussi bien en matière conjugale que pour les partenaires. Ils ne sont pas pour autant désarmés : les dispositions concernant « l’affectation du logement familial » (Wohnungszuweisung)  en cas de séparation de fait des partenaires (Art.1 §14 LPartG) seront appliquées.

 

En revanche, en cas de décès du titulaire du bail, le législateur allemand a établi un droit de substitution du Lebenspartner survivant à la place du locataire décédé qui vivait avec lui (Art.2 Nr.3 LPartG qui modifie le §569 BGB relatif aux rapports locatifs). Le droit allemand évoque un droit « d’entrée » dans le contrat de location (Eintrittsrecht in der Mitvertrag). Un principe important est respecté : en cas de décès du locataire, les rapports locatifs doivent passer à la succession ; or, le Lebenspartner étant institué héritier légal, il est normal qu’il poursuive le contrat de location en cette qualité. Qu’en est-il alors s’il est exhérédé ? La jurisprudence est muette, elle se prononcera peut-être en matière de partenariats. Ce droit n’est toutefois pas absolu, dans la mesure où le bailleur peut, dans un délai donné, résilier le bail à l’encontre du Lebenspartner nouveau preneur, pour des raisons importantes qui relèvent de la personne du locataire ( §569 Abs.4 nouveau BGB).

 

Toutefois, la loi allemande soumet l’attribution de ce droit à une condition plus restrictive que la simple vie commune (qui est la seule condition en France). Afin que le Lebenspartner se substitue à son partenaire décédé, il doit avoir « conduit avec lui un ménage commun » (« Gemeinsamen Haushalt führen ».) La LPartG ne définit pas ce que signifie cette obligation de gestion d’un ménage commun. Elle ne  renvoie pas non plus au §1356 BGB, qui traite du Haushaltsführung ou « gestion du ménage », et qui la définit comme l’ensemble des activités extrapatrimoniales qui consistent à s’occuper du foyer commun, des tâches de gestion du ménage commun, et qui sont réglées d’un commun accord par les époux. Néanmoins, même en l’absence d’un renvoi exprès à cette définition, son contenu doit s’appliquer aux partenaires, un « ménage » relevant de la même définition que ceux qui le tiennent soient  homosexuels ou hétérosexuels. D’ailleurs, pour la jurisprudence, un ménage commun suppose des liens internes entre les partenaires, une prise en charge mutuelle, avec une communauté de logement et une communauté économique. Ces caractéristiques se retrouvent en matière de partenariat.

Ni la loi française ni la loi allemande ne mettent à la charge des partenaires une condition de durée de vie commune dans les lieux pour avoir le droit d’y être maintenu.

 

Enfin, en Allemagne, le partenaire est préféré à d’autres personnes qui vivent dans le logement, en ce qui concerne l’attribution du droit au bail en cas de décès du locataire. Cependant, si des enfants du locataire vivent dans le logement, il est mis sur le même plan qu’eux, et sera titulaire du bail avec eux (§569 Abs.2 nouveau BGB).

En France, le « pacsé » pourra bénéficier du transfert du contrat de location dès lors que des descendants du locataire ne vivaient pas dans le logement depuis au moins un an à la date du décès (art.14 al 2 de la loi du 6 juillet 1989.) Le droit français est plus sévère que le droit allemand, car il fait passer les enfants avant le partenaire. C’est la preuve de l’attachement du législateur français à la famille, dont il exclut les « pacsés », à la différence du législateur allemand qui justement les en rapproche.

 

En ce qui concerne le droit au bail, il est intéressant de conclure sur une réforme prévue en Allemagne (Mitrechtsreform) qui doit entrer en vigueur le 1er septembre 2001, et qui instaure expressément en faveur des homosexuels, indépendamment de l’existence d’un Lebenspartnerschaft, le droit de continuer le contrat de bail de leur concubin homosexuel qui décède (à condition qu’il y ait eu une vie commune dans le logement)[108]. Les Lebenspartner disposeront par conséquent de deux moyens d’action pour bénéficier du transfert du bail du partenaire décédé, mais leur statut de Lebenspartner leur confèrera un rang plus favorable que le rang de simple concubin dès lors que d’autres personnes (outre les enfants) vivent dans le logement.

 

         2. Les droits d’un partenaire bailleur à l’égard de ses locataires

        

Le bailleur dispose en France du droit de délivrer un congé-reprise à son locataire (art.15 de la loi du 9 juillet 1989) dès lors qu’il veut habiter lui-même dans les lieux loués, ou y loger ses proches ( conjoint, concubin notoire, descendants…). La loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité ajoute à cette liste de bénéficiaires le partenaire du bailleur, auquel il est lié par un PACS.

La loi allemande n’établit pas de disposition analogue.

Les tiers sont aussi les employeurs avec lesquels l’un des partenaires a conclu un contrat de travail.

 

 

B. Relations avec l’employeur

 

Il existe en France une situation spécifique à certains fonctionnaires, qui, du fait de leur statut d’époux, bénéficient de priorités d’affectation afin que soit facilité le rapprochement familial. Simultanément, certains avantages sont accordés à des salariés, fonctionnaires ou non, également grâce à leur statut d’époux. La loi sur le pacte civil de solidarité étend le bénéfice de ces avantages aux partenaires liés par un  PACS.

Les partenaires, en Allemagne, devraient eux aussi bénéficier de droits à l’égard de leur employeur, particulièrement en ce qui concerne le statut des fonctionnaires et les promotions du travail. Ces dispositions ne trouvent pas encore application, dans la mesure où elles figurent dans la loi qui n’a pas reçu l’assentiment du Bundesrat. Notons seulement qu’un premier pas a été franchi en matière de lutte contre la discrimination dont sont victimes les homosexuels dans le monde du travail. En effet, un élargissement de la loi sur l’organisation du travail dans les entreprises est à l’étude au Bundestag, qui aura pour conséquence l’introduction d’une nouvelle interdiction en matière de discrimination : l’interdiction de la discrimination en raison de l’orientation sexuelle.     

        

L’art.8 de la loi du 15 novembre 1999 rend applicable aux partenaires d’un PACS les articles L 223-7, L226-1 et L 784-1 du Code du Travail.

En vertu de l’art. L 223-7 C.trav, l’employeur doit tenir compte, pour déterminer l’ordre des départs en congé de ses salariés (à condition que cet ordre ne résulte pas des stipulations des conventions ou accords collectifs de travail ou des usages) de leur  situation familiale, notamment des possibilités de congé du conjoint. La conclusion d’un pacte civil de solidarité relève donc de la situation familiale à laquelle doit se référer l’employeur, au même titre que le mariage. Le choix de la terminologie est paradoxal, dans la mesure où en matière civile, les partenaires ne sont pas considérés comme membres de la même famille.

Les partenaires qui travaillent dans une même entreprise ont droit à des congés simultanés.

 

L’art. L 226-1 C.trav est relatif aux congés pour évènements familiaux. En application de ce texte, tout salarié bénéficie notamment d’une autorisation d’absence de quatre jours lorsqu’il se marie, d’une autorisation d’absence de trois jours lorsqu’une naissance survient dans son foyer ou en cas d’adoption, et d’une absence deux jours lors du décès de son conjoint ou d’un enfant. Les auteurs sont divisés quant à la transposition de ces permissions d’absence en faveur des salariés partenaires d’un PACS. Certains estiment entre autres que l’autorisation d’absence de quatre jours doit leur être accordée pour la conclusion d’un PACS, comme l’exige le législateur[109] ; d’autres au contraire refusent l’application de ces quatre jours en matière de partenariat[110]. Il reste à souhaiter que la jurisprudence apporte une réponse, mais ne pourrait-on pas considérer que la volonté du législateur a bien été de transposer tous les délais concernés par l’art. L 220-6 C.trav, et qu’aucune distinction n’est à faire puisque le législateur ne l’a pas expressément prévu.

 

Enfin, l’art. L 784-1 C.trav rend le code du travail applicable au salarié conjoint du chef d’entreprise, dès lors qu’il exerce son activité sous son autorité, qu’il participe effectivement à l’entreprise ou à l’activité de son époux à titre professionnel et habituel, et qu’il reçoit une rémunération horaire minimale égale au salaire minimum de croissance.  Les dispositions du code du travail (sur le salarié et sa protection, les congés payés) concerneront par conséquent également le partenaire « pacsé » du chef d’entreprise, lorsque toutes les conditions de l’art. L 784-1 C.trav sont remplies.

 

En outre, les « pacsés » fonctionnaires bénéficient des priorités d’affectation de la fonction publique, qu’il s’agisse de la fonction publique de l’Etat[111], de la fonction publique territoriale[112], ou de la fonction publique hospitalière[113] ; ces priorités d’affectation ont pour but d’assurer le rapprochement du fonctionnaire et de son partenaire « pacsé ». Cela concerne majoritairement les cas où le fonctionnaire a dû s’éloigner pour des raisons professionnelles, et qu’il fait une demande de mutation dans le but de se rapprocher de son partenaire. Beaucoup de concubins hétérosexuels se « pacsent » pour bénéficier des avantages que sont les priorités d’affectation, et les PACS blancs risquent d’être nombreux pour ces motifs. Le Conseil Constitutionnel a validé l’octroi de priorités d’affectation aux « pacsés », au motif qu’il n’y a aucune rupture d’égalité entre « pacsés » et concubins, les situations différentes dans lesquelles ils sont placés exigeant un traitement différent.

 

Les partenaires ont des droits à l’égard de ces tiers parce qu’ils sont déterminés dans une relation juridique (contrat de travail ou contrat de location). Mais les partenaires peuvent invoquer le partenariat à l’égard de tiers, indépendamment d’un contrat. C’est la question du statut juridique des partenaires étrangers

 

 

§3 : L’incidence des partenariats sur le statut des étrangers

 

Il n’est pas interdit de se « pacser » avec une personne qui n’aurait pas la nationalité française. Il est, de la même façon, impensable de refuser la conclusion d’un Lebenspartnerschaft entre un ressortissant allemand et une personne qui ne le serait pas. La conclusion d’un partenariat n’est dans aucune loi conditionnée par la nationalité, ce serait une discrimination. La question qui se pose est de savoir dans quelle mesure un partenariat enregistré va influencer le statut de cet étranger, quels sont les avantages que cela va lui apporter, si cela va lui permettre d’invoquer le droit de rester sur le territoire national. Toutes ces questions concernent les droits des partenaires avec les tiers, dans la mesure où ce sont des droits qu’ils vont revendiquer à l’encontre des autorités administratives compétentes. Les droits ainsi acquis vont être opposés à tous tiers.

 

 La conclusion des partenariats influence dans une certaine mesure « l’intégration » sur le territoire national des étrangers (A), et cela a pour contrepartie le risque de conclusion de partenariats blancs (B).

 

 

A.   Les avantages accordés ou refusés aux étrangers

 

La législation française ne confère pas automatiquement la nationalité française à l’étranger qui a conclu un pacte civil de solidarité avec un ressortissant français. Il peut invoquer une naturalisation, mais devra suivre la procédure légale, c’est à dire justifier d’une résidence habituelle en France de cinq ans au moins au moment de sa demande.

En Allemagne, l’Art.3 §1 LPartG modifie le §9 I StAG (loi relative à la nationalité). Le partenaire étranger est soumis aux mêmes conditions que l’époux étranger pour être naturalisé allemand. Plus qu’en France, le partenariat allemand ouvre des facilités pour la naturalisation. Il en va de l’unité familiale chère au législateur allemand.

 

Le pacte a d’autres conséquences favorables pour l’étranger en France : il s’avère utile pour l’obtention d’un permis de séjour sur le territoire français.

L’art.12bis de l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 autorise la délivrance de plein droit d’une carte de séjour d’un an portant la mention « vie privée et familiale ». L’alinéa 7 ce cet article ouvre ce droit à « l’étranger dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus ». Ainsi, même si la loi du 15 novembre 1999 ne permet pas automatiquement l’attribution d’une telle carte de séjour, la conclusion d’un PACS s’avère être un élément d’appréciation des liens personnels créés en France par cet étranger (art.12 de la loi du 15 novembre 1999). Cet élément doit être corroboré par l’existence d’une communauté de vie affective des partenaires[114], renforcé par la justification du caractère notoire et relativement ancien de la relation de couple en France, et de l’impossibilité de poursuivre une telle relation à l’étranger. La jurisprudence française a eu pour la première fois à se prononcer sur l’incidence de la conclusion d’un PACS sur le droit des étrangers en matière de reconduite à la frontière

 

En l’espèce, un ressortissant de nationalité algérienne avait conclu un pacte civil de solidarité avec un homme français le 29 novembre 1999, alors qu’il était arrivé en France le 8 septembre 1998 muni d’un visa de court  séjour. Il a fait l’objet d’un arrêté du préfet du Rhône de reconduite à la frontière le 9 mars2000, ce qu’il a contesté au motif que cet arrêté porte atteinte au respect dû à sa vie privée et familiale que lui assure l’art.8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et que cette atteinte est disproportionnée par rapports aux buts en vue desquels il a été pris. Saisi d’une demande en annulation, le tribunal administratif de Lyon a estimé  qu’il n’était porté aucune atteinte à sa vie privée et familiale, dans la mesure où « le caractère récent des liens noués dans le cadre du pacte civil de solidarité était manifeste, compte tenu de la durée et des conditions de séjour de l’intéressé » (TA Lyon, 6 avril 2000, JCP éd. G  2000 II, 10 349, Note Fulchiron).

 

Cet arrêt a le mérite de rappeler de façon claire que la conclusion d’un PACS n’entraîne pas automatiquement le droit pour l’étranger « pacsé » à rester sur le territoire français.

 

En Allemagne, le Lebenspartnerschaft joue un rôle à la fois en matière d’autorisation d’entrée sur le territoire et en matière d’autorisation de résidence. Une autorisation d’entrée est délivrée à un partenaire si l’autre est allemand (§23 AuslG). Si les deux partenaires sont étrangers, le §27a AuslG s’applique, identique aux dispositions qui concernent le rapprochement familial : une demande fondée sur le rapprochement peut être accueillie si les relations existaient avant l’entrée en Allemagne du premier partenaire, qu’elles présentent une certaine persistance, même dans le cas où le partenariat n’est pas encore conclu (mais doit l’être). L’octroi est laissé à l’appréciation du service des étrangers (Ausländer Behörde), il s’agit d’un pouvoir discrétionnaire de l’administration. Par ailleurs, si l’étranger possédait déjà une autorisation de séjour sur le territoire allemand, et qu’il a connu son partenaire actuel pendant ce séjour, il n’est attendu de lui aucun séjour d’un an à l’extérieur du territoire allemand pour l’octroi d’une nouvelle autorisation de résidence afin d’établir le partenariat.

Le Lebenspartnerschaft favorise l’obtention de permis de travail pour l’étranger, sans délai d’attente lorsque son partenaire est allemand ou citoyen européen ; un délai d’attente s’impose dans les autres cas (de un an à six ans).

 

B.   Le risque de partenariats fictifs

 

Les partenariats sont pris en compte pour le droit des étrangers à établir un lien (nationalité, résidence) avec le territoire national allemand ou français, mais les législations prennent soin de limiter la force des partenariats en la matière, exigeant toujours que la relation qu’ils matérialisent ne soit pas fictive. Ces dispositions (délais à respecter, preuve de l’existence réelle de relations affectives) visent à lutter contre les « PACS blancs » et les « Scheinpartnerschaften » (partenariats fictifs) qui risquent de se multiplier. Le partenariat fictif est celui conclu dans le seul but d’avoir une autorisation d’entrée ou de séjour, et dans lequel les partenaires n’ont aucune volonté d’être soumis aux droits et obligations légales. Ils ne désirent bénéficier que des avantages, sans les inconvénients. En Allemagne, un tel partenariat est frappé d’inefficacité (Art.1 §1 LPartG), en France, il serait nul. Cette nullité est soumise à une double condition : que le partenaire français ait connaissance du motif qui animait l’étranger, et qu’un tiers agisse, car il ne peut pas invoquer sa propre turpitude.

 

Le partenariat doit être une fin en soi, en aucun cas un moyen d’accéder à ces seuls avantages. Les partenaires bénéficient de ces droits s’ils en acceptent en contre partie les obligations. Ces obligations sont entre autre contenues dans les relations patrimoniales qui complètent les rapports personnels.

 

 

Section 2 : Les relations patrimoniales entre tiers et partenaires

 

La relation patrimoniale entre tiers et partenaires suppose des transferts de biens ou d’argent, les uns ayant la qualité de créancier, les autres celle de débiteur. Chaque partenaire est investi d’un pouvoir de gestion (sur les biens du ménage en Allemagne, sur les biens indivis en France) et chacun peut traiter avec les tiers mais en principe en accord avec l’autre partenaire. Il existe néanmoins des cas difficiles où l’un peut être dans l’impossibilité de donner son consentement (il est hospitalisé par exemple) et un consensus ne peut de ce fait être obtenu. La situation ne doit pas pour autant rester bloquée.

 

En Allemagne, les partenaires ont une obligation générale d’assistance mutuelle (Beistand) et de ménagement (Rücksicht), qui ne cesse pas si l’un des partenaires est dans l’impossibilité d’exprimer sa volonté. En revanche, cette obligation va permettre à l’autre de prendre des décisions au nom des deux , ne serait-ce que dans les actes de la vie courante ; la possibilité pour le partenaire d’agir seul à l’égard des enfants de l’autre en cas d’urgence en est la preuve.

Contrairement à la législation allemande, aucune mesure n’est spécifiquement prévue en cas de situation difficile pour les partenaires français, qui autoriserait l’un à gérer seul les biens du couple et ceux de l’empêché. Un seul moyen est offert aux partenaires, préservant les biens indivis seulement ; c’est une technique du droit des biens : les indivisaires peuvent établir en faveur de l’un un mandat général d’administration, ou même un mandat spécial (art.815-3 C.Civ)[115], en vertu duquel il peut agir sans le consentement des autres (leur consentement est tacite par l’effet du mandat). En outre, si l’un des indivisaires est « hors d’état de manifester sa volonté, un autre peut se faire habiliter par la justice à le représenter, d’une manière générale ou pour certains actes particuliers, les conditions et l’étendue de cette représentation étant fixée par le juge » (art.815-4 C.Civ).

Cette technique est offerte aux partenaires parce qu’ils ont la qualité d’indivisaire, et non sur le fondement de leur qualité de partenaire. Il n’existe aucune disposition analogue aux articles 217 et 219 du code civil, grâce auxquels un des époux peut être autorisé à passer seul un acte pour lequel le concours de son conjoint est nécessaire, quand celui-ci est hors d’état de manifester sa volonté.

 

Les relations juridiques avec les tiers sont source de droits et obligations pour les partenaires. Ils ont des droits en tant que créanciers (A) et des obligations en tant que débiteurs de tiers (B).

 

 

 

 

§1 : Les partenaires créanciers

 

La conclusion d’un partenariat a deux types d’incidences quant au statut des partenaires en matière de dettes : soit elle leur confère la qualité de créancier (A), soit elle la leur retire (B).

 

 

A. Acquisition de la qualité de créancier en vertu de la conclusion du partenariat

 

Les droits créés sont essentiellement de nature sociale et tiennent compte en Allemagne de la situation patrimoniale du partenaire non assuré et en France, de la qualité d’ayant droit du partenaire non assuré. Peu importe le fondement, le résultat est le même : la volonté d’assurer à ce partenaire des prestations minimums, en particulier quand il ne peut lui-même l’assurer. La volonté de préserver le partenaire lorsque l’autre décède est une préoccupation présente, particulièrement importante en France puisque le partenaire est exclu de la succession. L’un des partenaires peut-il invoquer une qualité de créancier d’aliments à l’égard de la succession de son partenaire décédé ?

 

1.    Situation en matière de Sécurité Sociale

 

L’art. L 161-14 CSS, modifié par l’art.7 de la loi du 15 novembre 1999 permet au partenaire « pacsé » qui est à la charge effective totale et permanente de son partenaire assuré social de bénéficier de la qualité d’ayant droit de celui-ci pour « l’ouverture du droit aux prestations en nature des assurances maladie et maternité », dès lors qu’il ne peut être couvert à titre personnel, et ceci automatiquement dès la conclusion du pacte. Les conditions de preuves pour l’octroi de cette prestation sont cumulatives ; il s’agit d’attester le fait d’être à la charge de l’assuré[116], de ne pas relever d’un régime obligatoire d’assurance ; par ailleurs aucune condition de durée du partenariat n’est exigée.

 

En Allemagne, la conclusion d’un partenariat entraîne l’intégration du partenaire sans revenus propres et de son enfant dans « l’assurance familiale », c’est-à-dire celle dont son partenaire est le souscripteur. Il recevra, dès lors qu’il n’a pas de revenus, et sans même avoir besoin de verser lui-même les cotisations, des prestations d’assurance maladie légales ou Krankenversicherung (Art 3 §52 Nr.4 LPartG modifie en ce sens le §10 I S.1 et S. 3 de la cinquième partie du  Sozialgesetzbuch), et des prestations d’assurance santé[117] (Art 3 §56 Nr.6 LPartG modifie le §25 I, II, III de la partie précitée). Les partenaires sont mis sur un plan d’égalité avec les époux, le mariage conférant les mêmes droits aux époux. Le fait que les partenaires soient responsables et garants l’un de l’autre justifie ces prestations.

 

2.    Le droit à un capital décès

 

En Allemagne, les ayants droit de l’assuré décédé ont un sort encore incertain, puisque les dispositions qui concernent l’obtention d’un « capital décès » (Hinterbliebenenversorgung) pour les ayants droit de l’assuré figurent dans la loi qui n’a pas encore été votée au Bundesrat. Cela n’est donc pas exclu, mais en attente.

 

En France, le but d’un capital décès est d’apporter une aide immédiate et ponctuelle à ceux qui étaient à la charge effective, totale et permanente de l’assuré au moment du décès ; c’est une allocation de secours. Dès lors que plusieurs personnes remplissent ces conditions, la loi instaure un ordre de priorité entre elles, plaçant le conjoint ou le partenaire de l’assuré social en tête, avant même les enfants. Ces dispositions résultent de l’art. L361-4 CSS, modifié par l’art.9 de la loi relative au PACS.

Il est intéressant de souligner que l’ouverture du droit à des prestations sociales, en France, est non exclusivement conditionnée par l’existence d’un partenariat ; les simples concubins peuvent bénéficier de ces prestations, dès lors qu’ils sont à la charge effective, totale et permanente de l’assuré. Or, la qualité de « pacsé » confère un meilleur rang puisqu’un ordre est établi entre les ayants droits (art. L 361- CSS) ; elle permet surtout à un partenaire homosexuel d’accéder à des droits qui lui seraient refusés en tant que concubin (ces droits nécessitant que l’ayant droit mène une vie maritale avec l’assuré (art. L161-14 CSS par exemple), notion que refuse la jurisprudence aux couples homosexuels).

 

Le survivant acquiert-il la qualité de créancier de la succession du partenaire décédé en vertu de sa qualité de partenaire?

 

 

3.    Le partenaire est-il créancier de la succession du partenaire décédé ?

 

En France, dès lors qu’il est considéré que l’aide mutuelle et matérielle s’apparente au devoir de secours qui existe entre époux, alors cette obligation peut être transmise aux héritiers, comme c’est le cas en matière de mariage. Pour éviter toute incertitude à ce sujet liée à la liberté d’un tribunal d’en décider ainsi ou non, les parties auraient tout intérêt à le prévoir contractuellement.

 

En Allemagne, la situation ne se règle pas conventionnellement, mais légalement : l’appartenance familiale instituée par l’Art.1 §11 LPartG entraîne l’application aux partenaires du §1969 BGB, qui autorise le conjoint déshérité, donc également le partenaire, à demander à la succession une créance alimentaire pendant les trente jours qui suivent la mort du conjoint (ou du partenaire), ceci parce qu’il est membre de la famille du de cujus. Une condition doit être remplie : que les partenaires aient vécu ensemble jusqu’à la mort du de cujus (condition qui paraît logique si on admet comme condition du Lebenspartnerschaft que les partenaires vivent ensemble). Encore une fois, les droits créés en Allemagne sont certains, le partenaire même déshérité ne doit pas rester dans le besoin.

 

La qualité de créancier peut malheureusement être perdue du fait de la conclusion d’un partenariat.

 

 

B. Perte de la qualité de créancier en raison de la conclusion du partenariat

 

Il existe un certain nombre d’aides ou d’allocations dont le versement est conditionné par « l’isolement » de la personne bénéficiaire. Dès lors que celle-ci conclut un partenariat, elle perd cette qualité de « personne isolée », et par la même le droit d’être créancière de ce type d’allocation. En ce qui concerne les prestations familiales et assimilées, les partenaires d’un pacte civil de solidarité se voient appliquer les dispositions relatives aux personnes vivant en concubinage (art. R. 553-2 CSS)[118]. Ainsi, l’allocation de soutien familial versée au parent qui assume seul la charge d’un enfant n’est plus accordée à celui-ci s’il se « pacse » (art. L 523-2 CSS modifié par l’art. 10 de la loi de 1999.) Il en est de même pour l’allocation veuvage, versée au conjoint survivant d’un assuré social (art. L 356-3 CSS modifié par l’art. 11 de la loi de 1999). Enfin  l’allocation de parent isolé (art. L 524-1 CSS) cesse d’être versée quand son bénéficiaire conclut un partenariat. En effet, « toute personne isolée résidant en France et assumant seul la charge d’un ou plusieurs enfants bénéficie d’un revenu familial dont le montant varie avec le nombre d’enfants », et « est considérée comme isolée la personne veuve, divorcée, séparée de droit ou de fait, abandonnée ou célibataire, sauf si elle vit maritalement ». La personne en question n’est logiquement plus « isolée » lorsqu’elle se « pacse ».

 

Il existe d’autres allocations dont la perte n’est pas conditionnée par la conclusion d’un pacte, mais qui peut en être favorisée. En France, les allocations considérées comme minima sociaux (minimum invalidité, minimum vieillesse, allocation de solidarité spécifique, revenu minimum d’insertion, aide au logement…) ne sont versées que lorsque les ressources du bénéficiaire auxquelles se cumulent celles de son conjoint n’atteignent pas un certain plafond. Aux conjoints sont maintenant assimilés les partenaires, ainsi leurs ressources sont prises en compte pour l’appréciation du dépassement ou non de ce plafond.

 

En Allemagne, la même logique s’applique pour l’attribution d’aides sociales aux personnes sans emploi (Arbeitslosenhilfe établie par la troisième partie du Sozialgesetzbuch) : cette allocation prend en compte les revenus du partenaire du chômeur, et elle ne sera pas versée si un certain plafond est dépassé.

L’attribution d’une allocation logement ou d’autres aides sociales (par modification de la loi sur l’aide sociale étatique) sont prévues dans la loi qui n’a pas encore été votée.

 

Les partenariats n’octroient pas que des avantages : certes, ils favorisent l’acquisition d’un certain nombre de prestations par les partenaires, mais ils contribuent aussi souvent à la perte de la qualité de créancier ; surtout ils instaurent une obligation fondamentale au partenaire d’un débiteur.

 

 

§ 2 : Les partenaires débiteurs

 

Lorsqu’un des partenaires a la qualité de débiteur, il est légitime de permettre à son créancier d’être protégé de façon certaine contre son éventuelle insolvabilité. La conclusion d’un partenariat modifie le rapport d’obligation dans la mesure où le créancier n’a plus un seul et unique débiteur, mais deux débiteurs solidaires : les partenaires (A). Il existe des cas où les partenaires sont débiteurs d’un créancier particulier (l’Etat) et les règles sont en l’espèce particulières (B).

 

 

A. La solidarité passive des partenaires

 

Cette solidarité passive est la conséquence logique de l’obligation d’aide pécuniaire réciproque que les partenaires doivent s’apporter : unis dans la créance, unis dans la dette. Les deux prennent en charge les dépenses qui les concernent mutuellement, quand bien même l’un seulement l’aurait contractée. Néanmoins, cet engagement de l’un par les actes de l’autre ne doit pas être sans limite.

 

1.    Les cas d’engagement de la solidarité des partenaires et les exclusions : des systèmes analogues

 

a- Les cas d’engagement de la solidarité

 

En établissant une telle solidarité, le législateur a en 1999 construit un second type de solidarité ménagère d’origine légale (le premier étant la solidarité des époux.)

Les créanciers des partenaires sont favorisés par rapport aux créanciers des simples concubins, car ceux-ci ne sont débiteurs solidaires que si une clause de l’opération donnant naissance à la dette le prévoit[119]. Les créanciers sont certes favorisés, encore faut-il qu’ils aient connaissance de l’existence du pacte.

 

L’art.515-4 al 2 pose le principe de solidarité des partenaires en matière de dettes, ceci à deux conditions cumulatives : la dette doit avoir été contractée par l’un au moins des partenaires[120], et pour les besoins de la vie courante ou pour les dépenses relatives au logement. Lorsque la solidarité joue, le créancier peut saisir l’un ou l’autre des partenaires pour la totalité de la dette contractée (même si elle l’est par l’un seulement). Le parallèle est ici clairement établi avec la solidarité des époux de l’art.220 C.Civ[121]. Toutefois  le législateur n’a pas repris la formule consacrée aux époux alors que le but de la solidarité est le même dans les deux cas. La voie est ouverte à deux interprétations : soit le législateur a totalement voulu ignorer le régime légal de solidarité des époux, soit il s’en inspire sans juger utile de le reprendre textuellement, laissant la possibilité aux tribunaux saisis d’un litige d’appliquer les principes connus à propos des époux.

Les notions de dettes contractées pour les besoins de la vie courante et pour les dépenses relatives au logement méritent explications.

 

La loi ne donne aucune définition des besoins de la vie courante. De manière stricte, le terme « besoin » renvoie à ce qui est nécessaire, tout ce qui ne le serait pas absolument étant exclu. Avec « besoins de la vie courante », le législateur désigne les dépenses de la vie quotidienne, qui ne sont pas de luxe. Certains auteurs parlent de dépenses fréquentes[122]. Notons toutefois que c’est une notion fluctuante, qui varie d’un couple à l’autre, en fonction de leurs revenus, de leur train de vie, de l’importance de la dette et de son utilité. Cette notion couvre entre autre l’achat de nourriture, de meubles, et  de choses destinées uniquement à l’un des partenaires (comme des vêtements). Deux types de dépenses soulèvent des difficultés. L’une est liée au silence de la loi, l’autre à l’association de la solidarité et de l’indivision.

 

La première difficulté concerne les dépenses relatives à des enfants qui, contrairement à ce que veut penser le législateur, peuvent tout à fait grandir au sein du couple. Avec cet oubli, le législateur place le PACS loin de la notion de « famille », laissant a priori au seul parent la charge de son enfant. Cet « oubli » du législateur peut  être contourné, dans la mesure où les dépenses liées à l’éducation des enfants sont susceptibles d’entrer dans le registre des dépenses contractées pour les besoins de la vie courante (les besoins scolaires, médicaux). La porte est laissée ouverte à l’interprétation de la jurisprudence qui pourrait considérer qu’en excluant l’éducation des enfants du champ légal de la solidarité, le législateur n’a pas du tout voulu les y faire entrer.

 

La seconde difficulté est liée à l’association légale d’indivision et de solidarité. Considérons l’achat par les partenaires d’un meuble meublant (un réfrigérateur par exemple) et admettons que les parties aient exclu dans le pacte la présomption d’indivision pour de tels biens. Le bien appartient alors à celui qui l’a acheté en propre ; il s’agit d’une question de propriété du bien acheté. Or, dans le PACS, le paiement d’un bien acheté n’est pas lié à la propriété. L’achat du bien meuble meublant entre dans les dépenses relatives aux besoins de la vie courante pour lesquels les partenaires sont tenus solidairement. On aboutit à la situation paradoxale où le partenaire non-acquéreur n’est pas propriétaire mais est néanmoins tenu au paiement de la dette, situation d’autant plus injuste lorsqu’il n’a pas été mis au courant de l’achat. La solidarité dans ce cas s’explique comme la contrepartie de l’utilisation du meuble meublant par les deux partenaires.

 

Le législateur envisage la solidarité des « pacsés » pour les dettes contractées pour le logement commun, lieu où habitent ensemble les partenaires. Les dépenses ainsi visées n’exigent pas, d’après l’art.515-4 C.Civ, le caractère utile de la dépense contractée alors que celles relatives aux besoins de la vie courante impliquent cette utilité. L’ajout de cette précision par le législateur n’est donc pas superflu.

Les partenaires sont tenus de la même façon qu’ils soient tous les deux locataires ou propriétaires du logement, ou que l’un des deux seulement en ait la qualité. Lorsque les partenaires sont propriétaires, les charges de copropriété ainsi que l’achat du logement commun sont considérés comme une telle dépense, même si les avis sont partagés (certains l’excluent, car l’achat d’un logement commun est une opération d’investissement n’entrant pas dans le cadre de l’art.220 C.Civ qui vise au contraire les opérations de consommation; puisque c’est exclu pour les époux, cela peut l’être par analogie pour les partenaires; pour S. Pierre, qui s’en tient à la lettre du texte, il ne faut pas exclure l’achat du logement de la solidarité). Lorsque les partenaires sont locataires, les « dettes contractées pour le logement commun » sont les loyers, les charges locatives, les dettes d’amélioration du logement, les dépenses accessoires du logement commun (entretien et rénovation), et les factures (eau, électricité, chauffage).

De façon récurrente se pose le problème de la confrontation des règles de l’indivision et de la solidarité. Un exemple sera parlant. Les travaux d’entretien dans le logement commun indivis, comme la pose d’un
nouveau papier peint, sont des actes d’administration, qui requièrent le consentement de tous les indivisaires (art.815-3 C.Civ). L’action sans l’accord de l’autre se solde normalement par la nullité de l’acte entrepris ; il est dans la plupart des cas simplement inopposable au partenaire récalcitrant. Par ailleurs, en vertu de  l’art.515-4 C.Civ, les partenaires sont solidairement tenus pour les dépenses relatives au logement commun (que l’un l’ait fait avec ou sans l’accord de l’autre). Une situation paradoxale voit encore une fois le jour. Le partenaire sera solidaire d’une dépense dont l’acte générateur lui est inopposable. Quel droit faut-il dans ce cas appliquer ? Le problème se situe dans les rapports créancier/partenaire du débiteur ; il faut donc appliquer les dispositions relatives à cette relation c’est à dire celles de l’art.515-4 C.Civ ; la solidarité joue.

 

En Allemagne, l’Art.1 §8 Abs.2 LPartG renvoie à l’application du §1357 BGB qui énonce la théorie du mandat domestique entre époux (Schlüsselgewalt). Cette théorie habilite chaque partenaire à passer envers l’autre les actes destinés à satisfaire de façon appropriée les besoins de la famille, et  de tels actes font naître des droits et obligations à l’égard des deux partenaires, sauf s’il en va autrement des circonstances (§1357 S.1 BGB). Aujourd’hui ce mandat domestique concerne les deux époux, alors qu’auparavant il était édicté en faveur du seul époux (souvent la femme) qui avait la charge du ménage et qui était amené à passer des actes nécessaires à ce foyer.

De tels actes font naître des doits et des obligations à l’égard des deux partenaires, ce qui signifie que les deux sont tenus solidairement, et la notion de solidarité des partenaires est la même qu’en France[123].

 

Les actes destinés à satisfaire de façon appropriée les besoins de la famille sont ceux qui sont d’une part nécessaires aux besoins de la famille et d’autre part qui y répondent de façon convenable. C’est comme en France (sauf pour les dépenses relatives au logement commun) la nécessité et l’utilité de l’acte qui commandent la solidarité des partenaires. Les besoins de la famille sont ceux de chacun des partenaires et des enfants qui vivent avec eux (que le législateur n’ignore pas par sa référence à la « famille »). Entrent dans cette définition les actes d’entretien de la famille, les besoins de consommation (nourriture, vêtements, meubles) ainsi que les besoins du logement (eau, électricité, rénovation…). Sont exclus les actes qui déterminent les conditions de vie de la famille ou qui entraînent des changements fondamentaux dans celle-ci (l’achat d’un logement). C’est un moyen d’assurer la participation de chaque partenaire aux besoins vitaux minimum de la famille. Tout ce qui a été dégagé de la définition française doit ici s’appliquer, les « besoins de la famille » étant la traduction allemande de « besoins de la vie courante et dépenses relatives au logement ».

Une difficulté est liée à l’acte générateur de solidarité, qui découle à la fois de la formulation du §1357 BGB (création de « droits et obligation ») et du caractère dualiste de la notion d’acte juridique en Allemagne : il peut être acte obligationnel (qui crée des obligations à l’égard des parties et qui relève du droit des obligations) ou acte de disposition (par lequel un droit est transmis, modifié ou grevé, qui relève du droit des biens). Ces deux types d’acte permettent-ils la création de « droits » tels que visées par le §1357 BGB ? La Cour Fédérale de justice[124] avait décidé que « le §1357 BGB ne développe aucun effet en droit des biens, c’est à dire que l’époux qui n’a pas passé personnellement l’acte ne participe pas à l’acquisition du droit réel correspondant, sauf si la volonté des parties au contrat a été exprimée en ce sens lors de l’aliénation »[125]. C’est une position contestable dans la mesure où le §1357 parle « droits et obligations ». La jurisprudence pourra se prononcer en matière de partenariat.

 

Il est impossible d’évoquer la solidarité sans prévoir des garde-fous.

 

b- Les limites à la solidarité

 

Dans les deux systèmes, l’exclusion de la solidarité résulte de la rédaction des articles. En France, l’absence de disposition légale explicite limitant la solidarité a suscité des doutes. Le Conseil  Constitutionnel a bien vite précisé que : « l’instauration de la solidarité ne saurait toutefois faire obstacle, en cas d’excès commis par l’un des partenaires, à l’application de règles de droit commun relatives à la responsabilité civile ». C’est certes un remède, mais cela n’empêchera pas la solidarité de jouer. Elle reste le principe. C’est dangereux pour les partenaires, et sévère pour celui qui veut se faire indemniser parce qu’il aurait été contraint de verser, du fait de la solidarité, une somme élevée pour lui. En effet, il supportera la charge de la preuve d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité, sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code Civil.

Or, à l’examen de l’article 515-4 C.Civ, la solidarité pour les besoins de la vie courante comporte ses propres limites ; la solidarité exige, comme il l’a déjà été précisé, des dépenses qui au regard du train de vie des partenaires ne sont pas excessives. Cette limite ne concerne pas d’après la lettre de l’art. 515-4 C.Civ les dépenses engendrées pour le logement commun. Les parties sont néanmoins libres d’inclure dans le contrat une clause fixant par exemple une somme au-delà de laquelle la dépense serait excessive.

 

De la même façon en Allemagne, le législateur restreint la solidarité aux actes absolument nécessaires aux besoins de la vie de la famille. La notion de nécessité est appréciée exactement comme en France. Il existe des limitations supplémentaires au jeu de la solidarité en Allemagne, qui ne sont pas implicites. Tout d’abord le §1357 Abs.2 BGB dispose « qu’un époux (ou partenaire) peut limiter ou exclure le pouvoir de l’autre de passer des actes produisant des effet à son égard ». C’est une limitation conventionnelle qui, pour être opposable aux tiers, exige qu’ils en aient connaissance. Ensuite, elle est écartée quand «les circonstances exigent qu’il en soit autrement » ( §1357 BGB). C’est par exemple le cas où l’un des partenaires est mandataire de l’autre et informe son cocontractant qu’il ne souhaite pas lui-même s’engager. Enfin, les partenaires ne sont pas solidaires quand ils vivent séparés de fait (§1357 BGB). A ce propos, la jurisprudence française a précisé que « la séparation de fait laisse subsister les obligations nées du mariage », mais elle est dans l’ensemble hésitante. Qu’en sera-t-il des « pacsés » ? La question de l’application de la jurisprudence sur le mariage est ouverte.

 

Concernant la fin de la solidarité, la loi du 15 novembre 1999 ne prévoit rien, ni même la loi allemande. Il faut admettre que la solidarité cesse lorsque la fin du PACS est opposable aux tiers, ceux-ci ne pouvant plus l’exiger à l’encontre des partenaires à ce moment. En matière de mariage la solidarité prend fin entre époux quand le jugement de divorce a été transcrit sur les actes de l’état civil. La fin du PACS est opposable aux tiers quand la déclaration de rupture est transcrite sur l’acte de PACS.

En Allemagne, la solidarité ne joue pas quand les partenaires vivent séparés de fait. C’est très protecteur et la solidarité prend fin avec la rupture du partenariat. La législation allemande lie solidarité à effectivité de la vie commune.

 

Quand se pose la question de la solidarité, se pose immanquablement la question des biens saisissables par le créancier en la faveur duquel joue la solidarité. Un partenaire peut en outre être débiteur à titre individuel et non solidaire d’un créancier ; sur quel bien se fera le paiement ?

 

2.    Les biens saisissables par les créanciers

 

Les créanciers des partenaires solidaires sont traités de la même façon en France et en Allemagne : les partenaires solidaires répondent chacun de la dette sur leurs biens personnels. En France, les biens saisissables sont les biens propres de chacun, et les biens indivis.

La même logique guide le législateur allemand et le créancier des partenaires solidaires a des droits sur les biens propres de chacun (il n’existe pas, tout au moins dans le régime légal de gestion des biens, de masse de biens communs).

 

En revanche, les créanciers personnels de l’un des partenaires sont favorisés en Allemagne, par l’instauration d’un système de présomption en leur faveur, système qui découle directement du partenariat. L’Art.1 §8 Abs.1 LPartG présume que les choses mobilières qui sont en possession de l’une des parties ou des deux appartiennent au débiteur. C’est une présomption favorable au créancier de l’un. Normalement, celui-ci ne peut saisir que les biens propres de son débiteur ; mais il n’est pas toujours facile de prouver la propriété notamment celle des biens meubles corporels quand ils servent à l’usage des deux et qu’aucun acte d’acquisition n’en atteste la propriété[126].

Cette présomption est exclue quand les partenaires sont séparés de fait, ce qui est logique puisqu’elle est liée à l’usage commun du bien en question. Sont exclus de la présomption les biens qui se trouvent en la possession de celui qui n’est pas débiteur car il n’y a, dans ce cas, aucun doute sur la propriété du bien ; la chose est présumée appartenir à celui qui s’en sert.

Il n’est pas admis en France que le créancier personnel d’un partenaire (pour une dette née après la conclusion du pacte) puisse saisir la part de son débiteur dans les biens indivis, le bien indivis lui-même, ni les biens propres du partenaire non débiteur. Le législateur allemand, avec le paragraphe 8, veut régler une situation parce qu’elle génère un doute à propos de la propriété du bien, ce qui conditionne sa saisie ou non. Le législateur français a réglé ce doute en instaurant la présomption d’indivision : tout bien pour lequel il n’est pas prouvé qu’il appartient personnellement à l’un tombe en indivision. Alors que la présomption allemande favorise le créancier personnel d’un des partenaires, la présomption française protège d’avantage le partenaire débiteur à titre individuel : le bien dont on ne peut prouver la propriété tombe en indivision, échappant au créancier de ce partenaire.

 

Les partenaires français sont également solidaires pour le paiement de l’impôt de solidarité sur la fortune (art. 1723 ter 00-B CGI), de l’impôt sur le revenu et de la taxe d’habitation (art. 1685 CGI).  Examinons plus particulièrement la situation des partenaires en matière d’impôts et de droits de mutation à titre gratuit.

 

 

B. Les partenaires débiteurs en matière d’impôts et de droit de mutation

 

Le lien qui se crée entre  les partenaires ne peut être ignoré en matière fiscale : les partenaires sont obligés durant leur vie commune de s’apporter des  aides financières et sont solidaires pour les dettes de la vie courante. Toutes ces obligations doivent avoir pour contrepartie des avantages en matière d’imposition. Les législateurs leur ont donc créé des statuts fiscaux s’inspirant des couples mariés.

 

En Allemagne, les dispositions fiscales prévues figurent dans la loi qui, n’ayant pas encore reçu l’assentiment du Bundesrat, ne peut être appliquée. Pour les résumer brièvement, il s’agit d’un alignement des partenaires sur la situation des époux en matière d’imposition successorale (Erbschaftssteuer) et d’impôts sur les donations (Schenkungssteuer). En matière d’imposition sur le revenu, le partenariat est tout autant pris en compte, car il permet entre autre des abattements fiscaux, instaurés en compensation de l’obligation alimentaire que les partenaires se doivent.

 

En France, une imposition commune et un système spécifique d’imposition en matière de droits de mutation à titre gratuit fondent le statut des « pacsés ».

 

1.    L’imposition commune des partenaires d’un PACS

 

La loi du 15 novembre 1999 modifie le Code Général des Impôts, en y introduisant les « pacsés » : la loi prévoie une imposition commune des partenaires au titre de l’impôt sur le revenu et au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune.

L’imposition commune des revenus n’est pas immédiate dès la conclusion du pacte : elle s’applique à compter de l’imposition des revenus de l’année du troisième anniversaire de l’enregistrement du contrat (art 6-1 al. 3 CGI). Un tel délai est nécessaire pour lutter contre les « PACS blancs », certaines personnes ne voulant bénéficier que de ces avantages considérables sans en supporter les inconvénients. Le délai de trois ans qui conditionne l’imposition commune atteste de la réalité des relations.

L’imposition sera établie au nom des deux partenaires et ils ne constituent plus qu’un seul foyer fiscal. C’est une disposition impérative à laquelle les partenaires ne peuvent déroger en établissant deux déclarations séparées.

À la fin du partenariat, chacun redevient imposable personnellement sur les revenus obtenus pendant l’année de déclaration de cette rupture (art 6-7 al.1er CGI, ajouté par l’art. 4 II de la loi du 15 novembre 1999). Ceci admet une exception : quand le PACS prend fin par mariage des deux partenaires, l’imposition commune est maintenue. Si le contrat prend fin par décès d’un partenaire le survivant est personnellement imposable pour la période postérieure au décès.

Les mécanismes fiscaux d’imposition sont maintenus car l’art. 4 III de la loi du 15 novembre 1999 stipule que « les règles d’imposition et d’assiette, les règles de liquidation et de paiement de l’impôt sur le revenu et des impôts directs locaux ainsi que celles concernant la souscription des déclarations et le contrôle des mêmes impôts prévus par le Code Général des Impôts et le livre des procédures fiscales… s’appliquent aux partenaires liés par un pacte civil de solidarité qui font l’objet d’une imposition commune. »

En ce qui concerne l’impôt de solidarité sur la fortune, les partenaires y sont soumis dès la conclusion du pacte, aucune condition de durée du partenariat n’étant exigée (art. 885 A modifié par l’art. 6 I de la loi relative au PACS).

Une instruction fiscale du 30 décembre 1999 a étendu des époux aux « pacsés »  l’imposition commune en matière de taxe d’habitation relative à leur habitation principale. L’imposition, l’assiette, la liquidation, et le contrôle de la taxe concernant les époux s’appliquent aux partenaires.

 

Il est pertinent de s’interroger sur les avantages accordés par l’imposition commune aux partenaires, par rapport à la situation qui aurait été la leur s’ils étaient restés concubins. À certains égards elle permet aux « pacsés » de réaliser des économies d’impôts, dès lors qu’ils ont des revenus très disproportionnés ou que l’un a des revenus imposables que l’autre n’a pas.

Les partenaires liés par un pacte bénéficient en outre d’une réduction du taux des droits de mutation à titre gratuit.

 

2.  Le régime fiscal propre aux partenaires en matière de libéralités

 

La réduction du taux des droits de mutation à titre gratuit reste quand même bien moins avantageuse pour les partenaires que celle frappant les époux. Les mesures accordées concernent les abattements conférés, et les taux d’imposition favorables (par rapport à la situation des concubins).

 

L’art. 5 III de la loi du 15 novembre 1999 complète l’art. 799 CGI : « Il est effectué un abattement de 300 000 Fr. pour la perception des droits de mutation à titre gratuit et ceci sur la part du partenaire lié au donateur ou au testateur par un PACS ». Pour les mutations à titre gratuit entre vifs consenties par actes passés à compter du 1er janvier 2000 et pour les successions ouvertes à compter de cette date, le montant de l’abattement est de 375 000 Fr. L’abattement ne s’applique qu’aux donations consenties après le deuxième anniversaire de la date d’enregistrement du pacte. En revanche, le partenaire bénéficie de l’abattement prévu dès l’ouverture de la succession, même si celle-ci s’ouvre moins de deux ans après l’enregistrement du pacte.

 

En ce qui concerne les taux d’imposition s’appliquant à une libéralité consentie à un partenaire (après abattement), l’art. 5 I de la loi du 15 novembre 1999 insère un art. 777 bis dans le Code Général des Impôts. Cet article dispose que : « la part nette taxable revenant au partenaire lié au donateur ou au testateur par un pacte civil de solidarité… est soumise à un taux de 40 % pour la fraction n’excédant pas 100 000 Fr. et un taux de 50 % pour le surplus ». Il s’agit d’un véritable avantage par rapport aux concubins qui sont taxés à 60 %, sans distinguer en fonction du montant de la fraction de part nette taxable. En revanche, les époux sont mieux lotis en la matière : le taux de 40 % s’applique à eux au-delà de 11 200 000 Fr.

 

Le partenaire bénéficie en outre du « non rappel » des donations consenties depuis plus de dix ans, cela signifie que lorsqu’un délai de dix ans sépare deux donations ou une donation et l’ouverture de la succession, l’abattement prévu peut de nouveau s’appliquer (art. 784 CGI) pour le paiement des droits de mutation.

 

C’est en conséquence un statut favorable qui est conféré aux partenaires, certes moins avantageux que celui des époux, mais non négligeable puisque les concubins quant à eux ne disposent d’aucun abattement et d’un taux d’imposition nettement plus élevé.

Le Conseil Constitutionnel a validé ces multiples dispositions, justifiant cela par le fait que les avantages accordés sont la contrepartie du régime obligatoire contraignant de l’aide mutuelle et matérielle ou de la solidarité.

 

C’est néanmoins un texte flou  à certains égards que le législateur a produit en France. Face à ces manques, la jurisprudence choisira- t-elle d’établir un régime uniforme valable quel que soit le couple, « pacsé » ou marié, hétérosexuel ou homosexuel (en matière de solidarité par exemple) ? Choisira-t-elle de consacrer les différences ? La première solution est plus favorable, notamment aux créanciers qui seraient protégés de la même façon face à un couple de « pacsés » ou face à un couple marié.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

CONCLUSION

 

 

 

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ne constatation s’impose : quel est finalement le bilan à tirer des débats parlementaires houleux, des critiques doctrinales, des attaques à l’égard de la constitutionnalité de la loi française ou de la conformité de la loi allemande à la Loi Fondamentale ?

La conclusion est uniforme, ne laisse pas la place à l’hésitation : les lois ont bénéficié d’un accueil favorable dans l’opinion publique, d’autant plus paradoxal en France qu’il est certain que la loi y est incomplète.

Les sondages effectués aussi bien en France qu’en Allemagne en attestaient déjà avant le vote des lois. Une enquête SOFRES, réalisée par le magazine TETU, montre que 70% des Français sont favorables au pacte civil de solidarité, dont 27% très favorables[127]. En Allemagne, 54% de la population est en faveur d’un partenariat enregistré[128], 86% de la population est prête à accepter l’assimilation des partenaires aux époux pour le droit au bail et 72% de l’opinion consent à l’assimilation des partenaires aux conjoints en matière de droit successoral[129].

 

Le succès de la loi allemande est incontestable, le nombre de partenariats enregistrés le jour même de l’entrée en vigueur de la loi le prouve : cent partenariats auraient déjà été enregistrés dans toute l’Allemagne (mis à part en Bavière)[130]. Dans certains Etats, il était prévu que 600 partenariats soient conclus au mois d’août 2001[131]. En France, l’accueil de la loi du 15 novembre 1999 a été tout aussi considérable. D’après le Ministère de la Justice, 6211 PACS ont été signés en fin d’année 1999, et plus de 19 000 PACS ont été conclus entre le 15 novembre 1999 et le 30 juin 2000, dont 75 % par des couples homosexuels[132]. Ils ne cachent pas leur joie, ces textes expriment pour eux l’égalité retrouvée, l’espoir de reconnaissance plus forte. Certains l’écrivent aux députés défenseurs de la loi[133] en faisant référence au problème du sida.

 

Les droits et les obligations des partenaires s’apprécient en fonction de l’intérêt qu’ils tirent du statut qui leur est conféré, leurs prérogatives doivent être certaines. Les avantages offerts aux partenaires ne laissent aucun doute en matière d’obligations pécuniaires entre eux : une contribution réciproque réelle existe, composante principale du régime légal obligatoire, en France tout au moins. Cette prise en charge pécuniaire commune se double d’un devoir de soutien affectif et moral en Allemagne, volet important de la loi. Envers les tiers, les avantages pécuniaires sont certains : les partenaires ont des droits sociaux et fiscaux non négligeables.

 

Du recul doit nécessairement être pris par rapport à ces lois trop neuves pour qu’une conclusion définitive soit tirée. Tous droits se doublent d’obligations, et tout texte créateur d’un statut, parce que contraignant, n’a pas que des côtés positifs. La solidarité des partenaires peut s’avérer injuste, surtout si celui qui n’a pas contracté personnellement la dette n’en est pas au courant. En France, les principaux litiges résulteront essentiellement du caractère trop flou de la loi, et la liberté contractuelle des parties instaurée par le législateur comme un palliatif aux manques dont il a conscience ne règle pas tout. Les incertitudes ne manqueront pas quand le PACS sera rompu, car les droits et obligations ne sont pas suffisamment définis par la loi : des obligations financières existent sans leur contrepartie morale ; les partenaires ne sont pas forcément au courant de leurs obligations à l’égard des tiers : qui pensera à exclure l’indivision en bloc pour les meubles meublants dans l’acte d’institution du PACS ? Qui pensera à l’exclure pour les « autres meubles » dans l’acte d’acquisition ? Les partenaires français devront être vigilants lors de la conclusion d’un pacte civil de solidarité, d’autant plus que l’assistance d’un professionnel du droit n’est pas requise pour la validité de l’acte conclu.

En Allemagne, ces questions ne se poseront pas : les parties, obligées de déterminer un régime de gestion de leurs biens,  sont conscientes des obligations qui leur incombent. Si elles n’optent pas pour le régime légal, l’intervention d’un notaire est exigée, facilitant la rédaction de la convention.

 

Par conséquent, le Lebenspartnerschaft  mérite son qualificatif de statut juridique des couples, car les droits et les obligations qu’il instaure sont très précisément réglés. Elles le sont à un tel point que l’autonomie de la volonté des parties tient une faible place dans l’organisation de leurs relations. La preuve en est que le partenariat ne doit pas être fait sous condition, et que, dans le doute, toute clause conventionnelle non strictement séparée de l’acte de partenariat entraînerait son inefficacité. En revanche, par comparaison avec le statut instauré en Allemagne, le statut français apparaît comme lacunaire ; la seule base qui relève d’un statut est le caractère obligatoire des relations pécuniaires. Les enjeux politiques du PACS ont conduit à une loi incomplète, caractérisée par de prudents mais lourds silences, des manques incontournables pourtant (les enfants sont ignorés). Le législateur a voulu traiter deux problèmes bien différents dans une même loi : celui des couples qui ne veulent pas se marier et celui de ceux qui ne le peuvent pas ; cela a conduit aux défaillances du texte législatif. Pour un auteur, ces compromis politiques ont donné naissance à un «camouflage législatif»[134], que le Conseil Constitutionnel a dû préciser, se faisant «législateur bis».

 

Le choix de l’évocation ou non des enfants en matière de couple hors mariage soulève une question majeure : l’union hors mariage fonde t-elle une famille ? Mais, qu’est-ce que la famille ? Est-ce uniquement le couple formé par les parents et leurs descendants ? Les descendants doivent-ils être communs aux deux ? La notion est aujourd’hui controversée en France. Elle l’est d’autant plus avec l’instauration d’une entité qui y ressemble : les partenaires vivant avec leurs enfants. En Allemagne, c’est une notion strictement protégée par la Cour Constitutionnelle Fédérale : la famille implique potentialité de reproduction, c’est à dire l’homme, la femme et leurs enfants. La notion traditionnelle de famille est quelque peu bouleversée par la loi sur les partenariats : les partenaires homosexuels ne peuvent avoir d’enfants communs, le partenariat ne crée pas une famille, mais les relations qu’il instaure sont familiales. Une précision de la notion de famille s’impose.

 

La question de la réforme de la notion de famille est en réalité plus vaste, car elle conduit à évoquer la réforme du droit lui-même de la famille, en chantier actuellement en France. Le législateur français entreprend aujourd’hui ce que le législateur allemand a réalisé depuis quelques  années déjà : faire de la famille un lieu de construction et de repère pour l’enfant (quelles que soient les circonstances de la naissance), rendre le droit plus adapté aux modes de vie (notamment lorsque des familles sont recomposées), et assurer l’équilibre entre l’évolution des mœurs, la liberté individuelle et l’organisation nécessaire de la société. Pour assurer cela, le législateur français entend entre autre définir un droit commun de tous les enfants, déjà institué par le législateur allemand depuis quelques années ; il entend aussi par exemple admettre un aménagement de l’accouchement sous X et un accès encadré aux origines personnelles, pour ne pas priver l’enfant de son histoire. Le droit à la connaissance de ses origines affirmé en 1989 par la Cour Constitutionnelle Fédérale allemande obéit aux même fondements. Le législateur français, avec la réforme du droit de la famille,  s’inspire grandement de la législation allemande en la matière.

 

Finalement, les droits ne sont pas enfermés dans des carcans opaques : ils se ressemblent, ils sont divergents, ils s’inspirent les uns des autres, et sont constamment en corrélation. Pour preuve, la presse relatait récemment « Union franco-allemande ; le député allemand Volker Beck a annoncé son intention de s’unir avec son ami français Jacques Kaufmann, scellant les premières noces homosexuelles du Bundestag »[135]. Le droit international privé n’est pas loin…

        

 

 


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J. Carbonnier, La Famille, l’enfant, le couple, Thémis droit privé, 20ème édition, 1999.

 

 

Ouvrages allemands

 

D. Schwab, Familienrecht, 10. übertreibe Auflage, 1999.

 

D. Leipold, Erbrecht, 12. Auflage, 1998.

 

Palandt, Bürgerlisches Gesetzbuch Kommentar, 60. Auflage, 2001.

 

Allemagne, Mariage et Famille en question, institut de Droit Comparé de l’Université Jean Moulin (Lyon III), CNRS, 1980.

 

F. Ferrand, Droit privé allemand, Dalloz, Précis, 1997.

 

 

Articles, chroniques françaises et décisions de justice

 

- Defresnois, n°10/00, article 37175 : B.Beignier, « Pacte civil de solidarité et indivision ; visite aux enfers ».

 

- JCP éd. G. 1999, aperçu rapide, p.1909 : J Rubellin-Devichi, « Présentation de la loi   adoptée le 13 octobre 1999relative au PACS ».

 

- JCP éd. N. 2000 II 10349 : TA Lyon, 6 avril 2000, note Fulchiron.

 

- JCP éd. N. n°9, 3 mars 2000, p.4111 : J. Hauser, « Statut civil des partenaires ».

 

-JCP éd. N. n°10, 10 mars 2000, p.452 : F. Monéger, « PACS : aspects sociaux ».

 

-JCP éd. N. n°15-16, 13 avril 2001 : M. Monteillet-Geoffroy, « Le Notaire et le contentieux du PACS ».

 

- Juris-Classeur, 2001 fasc.10, art.515-1 à 515-7 C.Civ : « Pacte civil de solidarité », F. Granet et H. Lécuyer.

 

- Revue Droit de la famille, hors série, décembre 1999.

 

- Revue droit de la famille, mars 2000, p.17 : CA Bordeaux, note de H. Lécuyer.

 

- Revue droit de la famille, avril 2000, p.7 : B. Beigner, J. Combret et A. Fouquet, « Pacte civil de solidarité : formule de convention ». 

 

- Revue droit de la famille, juin 2000, p.4 : R. Cabrillac, « Les réformes du droit de la famille et le PACS ».

 

- Revue Droit de la famille, juillet-août 2000, p.8 : S Pierre, « La solidarité passive des partenaires du PACS ».

 

- Revue droit de la famille, décembre 2000, 12 : CA Riom, 4 juillet 2000 et CA Grenoble, 10janvier 2000.

 

- Revue droit de la famille, mars 2001, p.22 n°27.

 

- RIDC, 4 avril 2000, p. 819 : R. Franck « Le centenaire du BGB : le droit de la famille face aux exigences du raisonnement politique, de la Constitution et de la cohérence du système juridique ».

 

- RTDCiv, janvier-mars 2000, p.173 : Th. Revet.

 

 

Articles et chroniques allemandes

 

-FamRZ 7, avril 2001, p.385 : D. Schwab, « Eingetragene Lebenspartnerschaft. Ein Überblick ».

 

- InfAuslR juin 2001, 268 : A. Dietz, « Anmerkung zum Lebenspartnerschaftsgesetz aus ausländerrechtlicher Sicht ».

 

- JZ 12, juin 2001, p.617 : D. Kaiser, « Das Lebenspartnerschaftsgesetz ».

 

- NJW 6, 2001, p.393 : R. Scholz, « Eingetragene Lebenspartnerschaft und Grundgesetz ».

 

-NJW 27, juillet 2001, p.1894 : V. Beck, « Die Verfassungsrechtliche Begründung der Eingetragene Lebenspartnerschaft ».

 

- RnotZ 4, 2001 ; p.151 : C. Dorsel, « Grundzüge des neuen Lebenspartnerschaftsgesetz ».

 

- BT-Drucks, 14/3751.

 

 

Sites Internet

 

http://www.bverfg.de/entscheidungen/frames/qs20010718_1bvq002301

http://www.bverfg.de/bverfg_cgi/pressemitteilungen/frames/bvg76-01

http://www.sospapa.net/articles

http://www.gruene-fraktion.de

http://www.justice.gouv.fr/presse/reffam.htm

http://www.lsvd.de

 


 

TABLE DES MATIERES

 

 

Liste des abréviations_______________________________  4        

 

Sommaire________________________________________________   6                      

Introduction______________________________________ 7                     

                                                                                                                                           

Section I : L’état des lieux avant l’adoption d’une réglementation sur les                                                      

                  partenariats enregistrés______________________________________       7             

           

§1 : Le constat d’un manque___________________________________________      7               

§2 : Les difficultés rencontrées et les propositions qui se sont succédées_________          9             

                                                                                                                                              

Section II : L’adoption de loi du 15 novembre 1999 relative au PACS et de la loi du

                   16 février 2001 relative à la fin de la discrimination à l’égard des

                   concubins de même sexe (Lebenspartnerschaft ou partenariat de vie)__11

 

§1 : Bref exposé des deux lois__________________________________________    12             

§2 : Le problème de la conformité des lois aux Constitutions respectives________         15             

 

Chapitre I : Les relations de couple : Les droits et les

                            obligations des partenaires_________________________ 18                          

Section 1 : Les rapports non patrimoniaux entre les partenaires________________18

          

§1 : L’obligation de vie commune, fondement des partenariats________________ 18

                       

          A : Des textes équivoques_________________________________________ 18

          B : Les constituants de la vie commune______________________________ 19

          

 §2 : Les devoirs moraux des partenaires, des notions divergentes_______________     21

                        

          A : Un régime facultatif en France, des devoirs                                                  

                légaux en Allemagne__________________________________________ 21   

          B : Une répudiation libre en France, une rupture

                encadrée en Allemagne________________________________________ 23

 

                                1. Les modes de rupture en France : absence de

                                    considération de la  personne de l’autre_________________    23               

                                2. La rupture encadrée en Allemagne,

                                    preuve de l’engagement moral________________________    25

                         

          C : L’appartenance familiale en Allemagne___________________________ 27

 

 

 §3 : Le nom commun des partenaires : légal en Allemagne, ignoré en

        France_________________________________________________________ 28               

 

                                                                                                                                   

Section 2 : Les rapports patrimoniaux entre les partenaires____________________     30

 

§1 : Les rapports au cours du partenariat__________________________________    30

 

          A : Les obligations pécuniaires des partenaires :

               une notion plus large en Allemagne qu’en France__________________   31

                                                                                                                                   

                                1. Définitions_______________________________________   31

 

a.  La définition française d’obligation pécuniaire entre partenaires_____________        31

b.  La définition allemande d’obligation pécuniaire entre partenaires____________         33

 

                                 2. Champ d’application_______________________________   34

 

          B : Des régimes de gestion de biens différents_________________________ 35

 

     1. Les caractéristiques des régimes de gestion de biens______    35

     2. Les limites de gestion individuelle des                                                                                                       

                                        biens qui servent au ménage________________________    38

 

          C : La séparation de fait des partenaires allemands

                ou Getrenntleben_____________________________________________ 40  

 

§2 : Les rapports à la fin du partenariat, des obligations

       aux fondements différents__________________________________________    40

 

           A : Fin du partenariat par rupture (Aufhebung)_______________________ 40   

 

            1. Le sort de l’obligation alimentaire et de l’aide mutuelle

                                        et matérielle à la fin du partenariat___________________     41             

                                    2. La liquidation des droits et obligations au moment

                                        de la rupture____________________________________  43

                                    3. Le problème de l’engagement de la

                                        responsabilité d’un partenaire_______________________   45                           

          B : Fin du partenariat par la mort d’un partenaire_____________________ 47

 


 

Chapitre II : Les droits et les obligations vis-à-vis

                         des tiers au couple____________________________  51

 

Section 1 : Les relations personnelles entre tiers et partenaires________________        52

 

 §1 : Les relations avec les « proches » des partenaires_______________________     52

 

           A : Relations avec les enfants_____________________________________ 52

 

1.      Un droit à l’enfant ?_______________________________   53

 

 a.   L’application du droit commun de l’adoption___________________________     53

 b.   L’application du droit commun de la PMA_____________________________    55

 

2.      Les droit de l’enfant_______________________________   56

 

 a.   Les droits de l’enfant commun aux partenaires : une hypothèse

       purement française_______________________________________________    56

 b.  Les droits de l’enfant de l’un seulement des partenaires___________________       57

 

          B : Relations avec la famille : un concept absent de la  législation

                française mais fondateur des relations allemandes__________________ 59

 

§2 : Les relations avec les autres tiers____________________________________     60

 

          A : Relations contractuelles en matière de bail ; une protection

                analogue des partenaires dans les deux systèmes, mais

                des conditions d’octroi différentes_______________________________ 60

                              

1. Les droits des partenaires à l’égard du bailleur___________      60             

   2. Les droits d’un partenaire bailleur à l’égard

                                    de ses locataires___________________________________  62

 

          B : Relations avec l’employeur____________________________________  62

 

§3 : L’incidence des partenariats sur le statut des étrangers___________________       64

 

          A : Les avantages accordés ou refusés aux étrangers___________________ 65             

          B : Le risque de partenariats fictifs_________________________________ 66

 

Section 2 : Les relations patrimoniales entre tiers et partenaires________________      67

 

§1 : Les partenaires créanciers__________________________________________   68

 

           A : Acquisition de la qualité de créancier en vertu

                de la conclusion du partenariat_________________________________ 68    

                                                     

                                1. Situation en matière de Sécurité Sociale________________      68

               2. Le droit à un capital décès___________________________ 69     

               3. Le partenaire est-il créancier de la succession

             du partenaire décédé ?______________________________   69

 

 

           B : Perte de la qualité de créancier en raison

                de la conclusion du partenariat_________________________________ 70

 

 

 

 §2 : Les partenaires débiteurs__________________________________________    71

 

           A : La solidarité passive des partenaires____________________________  71

 

1.      Les cas d’engagement de la solidarité des partenaires et

      les exclusions : des systèmes analogues________________     71

                                                   

a.  Les cas d’engagement de la solidarité__________________________________    71

b.  Les limites à la solidarité____________________________________________    75

 

                                2.  Les biens saisissables par les créanciers________________     76

 

            B : Les partenaires débiteurs en matière d’impôts

                 et de droit de mutation_______________________________________ 77

 

1.   L’imposition commune des partenaires d’un PACS_______      77

2.   Le régime fiscal propre aux partenaires

     en matière de libéralités_____________________________   78

 

 

Conclusion______________________________________________ 80

 

Bibliographie___________________________________________   83

 

Table des matières______________________________________ 86

 

Annexes  (non jointes à ce document en raison de leur volume)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] Les premières revendications datent des années 80, et sont dues à l'action d'associations de lutte contre le sida, qui réclament l'élaboration de droits civils et sociaux en faveur des homosexuels.

[2] NIEMEYER,Wirtschaft und Statistik, 1994, p.504 et suivantes.

[3] Berliner Zeitung, 1er août 2001.

[4] D 1998, jurisprudence, p111, note Weber.

[5] JCP éd. G, 1998 II 10093, note A. Djigo.

[6] TGI Belfort, 25 juillet 1995, JCP édition générale, 1996 II 22724, note Paulin.

[7] Cour Fédérale de Justice, 13 janvier 1993, (BGHZ 121, 116)

[8]« Le PACS entre haine et amour », Roselyne BACHELOT-NARQUIN.

[9] Loi n°99-944 du 15 novembre 1999.

[10] Gesetz zur Beendigung der Diskriminierung gleichgeschlechtlicher Gemeinschaften : Lebens-  partnerschaften, vom 16. Februar 2001 (Bundesgesetzblatt 2001 Teil I Nr 9).

[11] « Entwurf eines Gesetzes zur Einführung des Rechts auf Eheschliessung für Personen gleichen Geschlechts », du 25 octobre 1995.

[12] « Entwurf eines Gesetzes zur Regelung der Rechtsverhältnisse nichtehelicher Lebensgemeinschaften », du 14 mars 1997.

[13] « Entwurf eines Gesetzes zur Durchsetzung des Gleichbehandlungsgebotes des Artikels 3 Grundgesetz (Gleichbehandlungsgesetz) » du 9 mars 1998.

[14] « Eingetragene Partnerschaft », le 10 juillet 1998.

[15] « Entwurf eines Gesetzes zur Beendigung der Diskriminierung gleichgeschlechtlicher Gemeinschaften: Lebenspartnerschaft –LPartG-. »

[16] « Bundestag hat das folgende Gesetz beschlossen ».

[17] Par exemple, les Etats de Berlin, de Bremen ou de Hamburg ont opté pour la compétence de l’officier d’état civil; les Etats de Brandenburg ou de la Sarre ont laissé aux communes la compétence d’organiser les modalités en question. 

[18] Le partenariat légal enregistré entre homosexuels, établi par la loi du 16 février 2001, sera désigné dans les développements qui suivront par « Lebenspartnerschaft ».

[19] J. Carbonnier, « Droit et passion du droit sous la Vème République ».

[20] Ces droits fondamentaux s'imposent au pouvoir législatif, exécutif et judiciaire en tant que droits directement applicables (art 1er al 3 GG). La puissance publique doit respecter les droits fondamentaux lors de l'adoption des lois.

[21] Les partenaires doivent expliquer en même temps et en présence l'un de l'autre, devant les autorités compétentes pour recevoir cette déclaration de volonté, qu'ils veulent mutuellement s'engager dans un Lebenspartnerschaft, et ceci de façon perpétuelle (§ 1 LPartG). C'est la quasi-copie des § 1310 et 1311 du BGB, qui concernent la formation du lien matrimonial. De plus, le § 10 Abs 1 LPartG fait référence aux cadeaux reçus lors de la conclusion du partenariat, comme les cadeaux de mariage.

[22] « Kindschaftsrecht-Reformgesetz » du 16 décembre 1997.

[23] « Le centenaire du BGB : le droit de la famille face aux exigences du raisonnement politique, de la constitution, et de la cohérence du système juridique. », R. Frank, RIDC, 4 avril 2000, p.819.

[24] R. Scholz, « Eingetragene Lebenspartnerschaft und Grundgesetz, NJW  6 2001, p.393; ou encore  D.Schwab, « Eingetragene Lebenspartnerschaft. Ein Überblick. »,FamRZ, 48. Jahrgang, Heft 7, 1. April 2001, p. 385-398.

[25] Bundesverfassungsgericht, 1 BvQ 23/01 vom 18.7.2001, Absatz-Nr. (1-36), http://www.bverfg.de/entscheidungen/frames/qs20010718_1bvq002301.

[26]  « Eilige Güterabwägung », Süddeutsche  Zeitung. Nr. 157. p.2.

[27] V. Beck, «  Die verfassungsrechtliche Begründung der Eingetragene Lebenspartnerschaft », NJW 27 2001, p.1894.

[28] S. Dibos-Lacroux  « PACS: le guide pratique »,Prat mars 2000.

[29] Décision 99-419 DC du 9 novembre 1999 du Conseil Constitutionnel, JO 16 novembre 1999.

[30] Th. Revet, RTDCiv.  janvier-mars 2000, p.173.

[31] « Sur le PACS », Droit de la famille, décembre 1999, hors série p.30.

[32] L’obligation naturelle est une obligation dont l’exécution n’est pas juridiquement sanctionnée, et qui ne contraint qu’en conscience ; son exécution spontanée vaut paiement. (Lexique de termes juridiques Dalloz).

[33] « Eilige Güterabwägung », Süddeutsche Zeitung Nr. 157, p.2.

[34] Bundesverfassungsgericht, 1 BvQ 23/01 vom 18.7.2001, Absatz-Nr. (1-36), http://www.bverfg.de/entscheidungen/frames/qs20010718_1bvq002301

[35] « Lebenspartnerschaftsgesetz kann in Kraft treten », Pressemitteilung Nr 76/2001 vom 18.7.2001, http://www.bverfg.de/bverfg_cgi/pressemitteilungen/frames/bvg76-01

[36]  Ce terme désignera les partenaires d’un partenariat allemand (« Lebenspartnerschaft »).

[37]  « Die Ehegatten sind einander zur ehelichen Lebensgemeinschaft verpflichtet ».

[38]  « Eine Partnerschaft auf Lebenszeit führen zu wollen ». 

[39] Abschnitt 3, § 12, §13, §14.

[40] D. Kaiser, « Das Lebenspartnerschaftsgesetz », JZ, 12, 15. Juin 2001, p. 617.

[41] Cette exigence traduit la volonté d'éviter les PACS de pure complaisance.

[42] « Mariage et famille en question , Allemagne », H.A Schwarz-Liebermann von Wahlendorf.

[43] J. Rubellin-Devichi, « Présentation de la loi adoptée le 13 octobre 1999 relative au PACS », JCP éd. G, 1999, aperçu rapide, p.1909.

[44] Pour Mme Bachelot, le PACS n'exclut pas l'existence de relations sexuelles, mais ne l'implique pas non plus, car cela relève « d'un choix strictement privé ». Pour Mme Guigou, le pacte civil de solidarité implique la communauté de lit (discours à l'Assemblée Nationale le 30 mars 1999, www.justice.gouv.fr).

[45]  Die Lebenspartener sind einander zur Fürsorge und Unterstützung...verpflichtet.

[46]  D. Schwab, „Eingetragene Lebenspartnerschaft. Ein Überblick“, FamRZ 7, avril 2001, p.385.

[47]  BGH, NJW 1988, 2032.

[48]  D. Schwab, « Eingetragene Lebenspartnerschaft. Ein Überblick », article précité.

[49]  R. Scholz, « Eingetragene Lebenspartnerschaft  und Grundgesetz », NJW, 6, 5 février 2001, p. 393.

[50]  Art. 515-4, selon lequel les partenaires s’apportent une aide mutuelle et matérielle.

[51]  J. Carbonnier, « Droit Civil. La famille, l’enfant, le couple », Thémis, éd. 1999.

[52] J. Hauser, « Statut civil des partenaires », JCP éd. N. n° 9-3 mars 2000, p 411.

[53] CA Bordeaux, 4 janvier 2000, note H. Lécuyer, Revue Droit de la famille, mars 2000, p. 17.

[54] V. Beck, « Die verfassungsrechtliche Begründung der Eingetragene Lebenspartnerschaft », NJW, 27, 2001, p. 1900.

[55] R. Cabrillac, « Les réformes du droit de la famille et le PACS »,Revue Droit de la famille juin 2000, p. 4.

[56] Le Conseil Constitutionnel a en effet expliqué que : « si le contrat est la loi commune des parties, la liberté qui découle de l’art.4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de1789 justifie qu’un contrat de droit privé à durée indéterminée puisse être rompu unilatéralement par l’un ou l’autre des contractants, l’information du contractant ainsi que la réparation du préjudice éventuel résultant des conditions de la rupture devant être garanties ».

[57] La rupture du Lebenspartnerschaft (ou Aufhebung ) correspond au divorce en matière de mariage.

[58] D. Kaiser, « Das Lebenspartnerschaftsgesetz », JZ, 12, juin 2001, p.621.

[59] D. Schwab, « Eingetragene Lebenspartnerschaft. Ein Überblick », article précité.

[60]  La Cour entend par famille uniquement l’entité qui a vocation à la procréation.

[61] Ces divers droits sont reconnus aux conjoints, et ont pendant longtemps été revendiqués par les concubins, pour lesquels des cas de conscience pouvaient aussi se présenter du fait de leur relation proche et intime avec l’autre concubin. Mais ils ne leur ont pas été accordés. (V. Hohloch, « Das Recht der Nichtehelichen Lebensgemeinschaft », Handlbuch, 1999, p.115 et suivantes).

[62] Décision du 9 novembre 1999 précitée : « …prévoir…en faveur des personnes liées par un pacte civil de solidarité…un régime fiscal plus favorable que celui qui régit les donations et successions entre personnes non parentes… »

[63] En revanche, le législateur fait de cette détermination du nom commun une obligation pour les époux, l’expression « Die Ehegatten sollen einen gemeinsamen Familiennamen (Ehenamen) bestimmen » en atteste (§ 1355 I s.1BGB). Toutefois, dans les faits, ils n’y sont pas contraints.

[64] Paris, 17 avril 1989, D 1989, IR, p.160.

[65] Les partenaires ne pourraient pas choisir un nom purement fantaisiste. Le nom de naissance est le nom porté à la naissance, et doit être distingué du « nom porté au moment de la conclusion du partenariat », qui peut être le nom d’un précédant mari ou partenaire.

[66] Le Conseil Constitutionnel avait été saisi à ce propos, le législateur se voyant reprocher de ne pas avoir exercé la compétence qu’il tient de l’article 34 de la constitution dans la mesure où il ne prévoit ni le contenu ni l’étendue de l’aide mutuelle et matérielle.

[67] En Allemagne, c’est le législateur lui-même qui précise le caractère fondamental d’obligations qui entrent dans ce qui peut être considéré comme le régime légal obligatoire (il s’agit des obligations morales).

[68]  Ali Aoun, « le PACS ».

[69] La raison de ce renvoi est la référence constante dans la loi de février 2001 à des dispositions où il est question de l’organisation de la gestion du ménage par les partenaires ( §1357 BGB, §1369 BGB).

[70] La séparation de fait est le stade entre la vie commune et le divorce. Ses conditions sont précisées par le § 1567 Abs.1 S.1 BGB : il ne doit plus y avoir de communauté de vie entre les époux, et l’un au moins ne veut pas la rétablir, il la refuse car elle n’est plus possible. Elle ne nécessite pas l’intervention d’un juge.

[71] C. Dorsel, « Grundzüge des Neuen Lebenspartnerschaftsgesetz », RnotZ, Heft 4, 2001, p. 151.

[72] D. Schwab, « Eingetragene Lebenspartnerschaft », FamRZ, 7, avril 2001, p. 385.

[73]  « Pacte civil de solidarité », revue Droit de la Famille, mars 2001, p. 22 n°27.

[74]  B.Beignier,  « Pacte civil de solidarité et indivision ; visite aux enfers »,Defresnois, n°10/00,article 37 175.

[75]  F. Granet et H. Lécuyer refuse la possibilité de choix du régime conventionnel (Juris-Classeur,  « Pacte civil de solidarité »,2001 fasc.10, art.515-1 à 515-7 C.Civ).

[76] Toutefois, la sanction de l’omission d’une telle déclaration n’est pas l’inefficacité du partenariat, ce serait trop excessif.

[77]  Il peut s’agir de la disposition d’un seul de ses biens personnels par le partenaire en question, dès lors que ce bien constitue la quasi-totalité de son patrimoine.

[78]  BT-Drudks, 14/3751.

[79] Grever un immeuble d’un droit réel d’habitation, si cela s’en suit des conséquences décrites, nécessite l’accord du partenaire. La jurisprudence a refusé la nécessité du consentement pour un engagement de payer comme le cautionnement.

[80] Lorsque le partenariat qui a mis fin à l’obligation alimentaire est dissout, la créance alimentaire du premier partenaire ne se recrée pas, car le §1586a (qui prévoit la renaissance d’un aliment après divorce) n’est pas transposé en matière de partenariat.

[81]  Cette compensation permet à l’époux qui a cessé d’exercer une activité professionnelle (de façon définitive ou pour un temps limité), afin de s’occuper der enfants ou du ménage, d’avoir une pension de retraite qui ne soit pas amoindrie du fait de la cessation d’activité.

[82]  La récompense est une indemnité due par un époux à la communauté lors de la liquidation de cette communauté, lorsque le patrimoine personnel de celui-ci s’est enrichi au détriment de la communauté.

[83]  Ce sont les techniques qui sont offertes aussi aux concubins qui s’estiment de la même manière lésés.

[84]  CA Riom, 4 juillet 2000, Revue Droit de la Famille, décembre 2000, p.12.

[85]  CA Grenoble, 10 janvier 2000, Revue Droit de la Famille, décembre 2000, p.12.

[86]  le tribunal doit prononcer un jugement « juste » (§17 LPartG)

[87] Ce principe de réparation est élevé au rang de principe à valeur constitutionnelle par le Conseil Constitutionnel.

[88]  M. Monteillet-Geoffroy, « Le Notaire et le contentieux » du PACS, JCP éd. N., n°15-16, 13 avril 2001, p.744.

[89]  J. Hauser, « Statut civil des partenaires », JCP éd. N., n°9, 3 mars 2000, p. 411.

[90]  Le droit Allemand en revanche le permet (§2265 à 2273 BGB) .

[91]  M. Monteillet-Geoffroy, doctrine précitée.

[92] Ce décret est relatif à la déclaration, à la modification et à la dissolution du pacte civil de solidarité.

[93] Décret n° 99-1090 du 21 décembre 1999, relatif aux conditions dans lesquelles sont traitées et conservées les informations relatives au pacte et autorisant la création d’un  traitement automatisé des registres.

[94]« Homoparentalité » est un néologisme créé en 1996, à partir des mots « parentalité » et « homosexualité » (F. Leroy-Forgeot, « Les enfants du PACS : réalités de l’homoparentalité »). Ce terme désigne entre autres la relation entre un enfant, son ou ses parents biologiques, et le nouveau couple formé par un de ses parents avec un partenaire de même sexe.

[95] Un sondage BPS réalisé en janvier 1997, pour le magasine Têtu, montre que 11% des lesbiennes et 7% des gays ont un enfant.

[96] D. Kaiser  « Lebenspartnerschaftgesetz », JZ, 15 juin 2001, p. 624.

[97] D. Kaiser parle à ce propos de « permutation de parent » (doctrine précitée).

[98] Ce à quoi est obligé tout couple marié qui a des enfants, en vertu de l’art. 203 C.Civ.

[99] L’art. 213 C.Civ dispose que les époux « pourvoient à l’éducation  des enfants et préparent leur avenir », et l’article 6 II de la Loi Fondamentale dispose qu’ « élever et éduquer les enfants sont pour les parents un droit naturel et leur premier devoir ».

[100] Le Conseil Constitutionnel a précisé que : « la loi n’a aucune incidence sur les questions relatives à l’état civil, à la filiation, à la filiation adoptive, et l’autorité parentale », ni même sur les conditions d’application de ces dispositions.

[101] L’autorité parentale est exercée en commun si les parents d’un enfant naturel, l’ayant tous les deux reconnu avant qu’il ait atteint l’âge d’un an, vivent en commun au moment de la reconnaissance concomitante ou de la seconde reconnaissance (art.372 C.Civ).

[102] Il faut, dans cette hypothèse, admettre comme présupposé que les parents en question ne sont plus mariés à des tiers au moment où ils concluent le pacte civil de solidarité, sinon ce pacte serait nul, en application de l’art. 515-2 C.Civ.

[103] Le partenaire parent exercera juridiquement une fonction parentale à titre individuel.

[104] La place du beau-parent est toutefois actuellement discutée dans le cadre de la réforme du droit de la famille, notamment avec le rapport Dekeuwer-Défossez, qui préconise la considération du beau-parent au travers de la construction d’un statut du tiers, qui assumerait la charge de l’enfant. (http://www.sospapa.net/articles/art/t5.htm.).

[105] Les décisions prises dans les affaires de la vie courante de l’enfant sont, en application du § 1687 BGB, celles qui concernent la prise en charge et l’entretien quotidien de l’enfant qui n’ont pas d’effet significatif sur son développement, comme des préoccupations scolaires ou médicales habituelles.

[106] Un péril imminent, au sens de la loi, menace l’enfant lorsque son intégrité physique ou morale est en danger, que son développement ou ses biens sont menacés. La situation doit être tellement urgente que le partenaire ne puisse pas attendre d’en discuter avec le parent ; l’urgence médicale pourrait engendrer un péril imminent (D. Schwab, « Familienrecht »).

[107] Un abandon de domicile n’est pas un départ concerté ; c’est un départ subit et imprévisible, imposé à l’autre.

[108]  « Gleichberechtigung für Schwule und Lesben », http:// www.gruene-fraktion.de

[109] A. Aoun, « Le PACS ».

[110] S. Dibos-Lacroux, « PACS. Le guide pratique ».

[111] Art. 60 et 62 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, modifiés par l’art. 13 I et II de la loi sur le PACS.

[112] Art. 54 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, modifié par l’art. 13 II de la loi sur le PACS.

[113] Art. 38 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, modifié par l’art. 13 IV de la loi sur le PACS.

[114] Ces précisions sont apportées par une circulaire du Ministre de l’Intérieur du 10 décembre 1999, relative aux modalités d’application des nouvelles dispositions relatives au PACS.

[115]  Le mandat spécial est nécessaire pour tout acte qui n’entre pas dans la gestion normale du bien indivis, pour la conclusion et le renouvellement des baux.

[116]  Pour F. Monéger, la charge doit être effective, totale et permanente d’après la lettre de l’article (JCP éd. N, n°10, mars 2000, p.452); J. Rubellin-Devichi estime, en revanche, que ces trois caractéristiques ne sont pas nécessaires (JCP éd. N, n°43-27, octobre 1999, p.1909).

[117]  Il s’agit de sommes allouées à un invalide ayant besoin de l’assistance d’une tierce personne.

[118]  Le décret n° 2000-97 du 3 février 2000 concernant les prestations familiales et assimilées en dispose ainsi.

[119]  « Chacun des concubins doit, en l’absence de volonté expresse à cet égard, supporter les dettes de la vie courante qu’il a exposées » (Cass. 1ère civ., 19 mars 1991, Bull civ I n°92.)

[120]  Le législateur utilise la formule « dette contractée. » La question de la nature d’une telle dépense avait agité la jurisprudence en matière de solidarité conjugale. Les auteurs ont admis qu’elle ne s’applique pas aux seules dettes d’origine contractuelle, mais qu’elles concernent également les dettes d’origine légale ou quasi-contractuelle ( paiement des cotisations retraites, invalidité ; gestion d’affaire.)

[121]  Toute dette contractée par l’un des époux pour l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants oblige l’autre solidairement.

[122]  S. Dibos-Lacroux, ouvrage précité.

[123]  Notons que le législateur utilise l’expression « produire effet à l’égard de l’autre ». Cela signifie que celui qui n’a pas passé l’acte est non seulement débiteur solidaire mais aussi créancier solidaire de la dette née de l’acte.

[124]  12ème civ, 13 mars 1991, FamRZ 1991, p.923.

[125]  F. Ferrand, Droit Privé Allemand.

[126]  C’est une disposition copie du §1362 BGB, qui institue une telle présomption en faveur des créanciers d’un époux.

[127] La voix du Nord, 14 novembre 2000.

[128] Der Tagesspiegel, 18 novembre 2000.

[129] Der Spiegel, 17 juillet 2000.

[130] Taz Nr.6512, 2 août 2001.

[131] Berliner Zeitung, 1er août 2001.

[132]  www.justice.gouv.fr

[133]  Des lettres de remerciements ont été adressées à Madame Bachelot (R. Bachelot, « Le Pacte entre haine et amour »)

[134]  S. Pierre, « La solidarité passive des partenaires du PACS », Revue de Droit de la Famille, juillet-août 2000, p.8.

[135] Le Républicain Lorrain, 23 juillet 2001.