UNIVERSITé DE NANCY II
FACULTE DE DROIT, SCIENCES
ECONOMIQUES ET GESTION
Année universitaire
2001-2002
LA
LOI DU 2 NOVEMBRE 1892
SUR LE TRAVAIL DES FEMMES ET SON APPLICATION A NANCY A LA FIN DU
XIX
ème SIECLE
Mémoire présenté par
Brigitte VENADE, sous la direction de M. le Professeur DUGAS de la BOISSONNY,
en vue de l’obtention du D.E.A. d’Histoire du Droit et des Institutions en
France et en Europe.
Je
tiens à remercier en premier lieu Monsieur le Professeur Hugues Richard pour
m’avoir acceptée au sein de ce D.E.A. pour ses précieux conseils de recherche
et de rédaction, pour son soutien tout au long de l’année. Merci !
Merci
à Monsieur le Professeur Christian Dugas de la Boissonny, lui qui ne s’est pas
lassé de mes e-mails, m’a toujours soutenue et comme d’habitude a fait preuve
d’une extrême et inlassable disponibilité pour ses étudiants.
Merci
à Monsieur Daniel Berni pour sa gentillesse, son dévouement et son aide lorsque
nos recherches ne sont pas si fructueuses que ce que l’on espère.
Enfin,
merci à Melle Aline Dupré pour son soutien continu et fidèle, ses remarques et
conseils avisés.
Le
travail féminin n’est pas un phénomène nouveau, agricultrices, travailleuses à
domicile, nourrices, domestiques, commerçantes ou mères au foyer, les femmes
ont toujours travaillé. Mais l’apparition de l’industrie au XIX ème siècle a
considérablement modifié les conditions de la division sexuelle du travail et
a, par conséquent, posé des problèmes nouveaux : promiscuité des usines,
danger sanitaire, risque d’indépendance de la femme par rapport à son mari,
difficultés pour assurer activité salariée et activité reproductive, risque de
corruption morale.
Une femme doit-elle travailler pour
de l’argent ? Quelle sera l’influence de ce travail sur son corps et sur
son rôle de mère ? Quelle sorte de travail est convenable pour une
femme ?
D’abord en Angleterre, puis en
Belgique et en France, les femmes vivent plus dramatiquement la fin du travail
industriel à domicile.
Saint-Simon développe au XIX ème
siècle ses idées sur ce cas particulier de milliers d’êtres que constitue le
travail des femmes. A l’image du rapport de force existant dans la lutte des
classes, il envisage, à travers son manuscrit de 1848, les relations de l’homme
à la femme comme le rapport type de l’exploiteur à l’exploité. Le mouvement
féministe en particulier viendra apporter des solutions pour que la femme
puisse se délivrer de ce rapport de force (chapitre préliminaire). Le Code Civil
napoléonien de 1804 formalise la société post-révolutionnaire mais ne connaît
pas la notion de femme à proprement parler mais uniquement de femmes classée
selon leurs rapports institutionnels aux hommes et leur éventuelle maternité,
elles sont ainsi des filles majeures - autrement dit des femmes célibataires -
des femmes mariées ou des veuves. Sans époux, la femme majeure et la veuve sans
enfant sont les plus autonomes. Mariées, les femmes sont simplement estimées
incapables d’exercer leurs droits individuels, ce qu’énonce l’article 1124 du
Code Civil : « Les personnes privées de droits sont les enfants
mineurs, les femmes mariées, les criminels et les débiles mentaux ». Qui
plus est le régime matrimonial légal rend difficile l’accès des femmes à un
métier. L’autorisation du mari est requise pour que son épouse puisse
travailler, disposer de son salaire et de ses biens propres.
La
première loi réglementant le travail a été votée en 1841 mais ne concerne que
les enfants. Elle est suivie en 1848 d’une éphémère limitation de la durée du
travail de tous les travailleurs. La loi de 1874 traite pour la première fois
les femmes comme des individus spécifiques, les travaux souterrains et le
travail de nuit leur sont interdits. Après débat, ont été exclues les femmes mariées
mais incluses les filles mineures c’est-à-dire les jeunes femmes de 16 à 21
ans.
En
tant qu’être inférieur et frêle, privé de droit de vote, passant de la
protection paternelle à la domination maritale[1],
les femmes doivent être protégées à l’usine où ne règne plus que l’autorité de
l’industriel. La véritable loi innovante sur le travail des femmes est celle du
2 novembre 1892 (première partie) , fruit de l’Etat-Providence, elle n’est
cependant venue réglementer qu’une faible partie du travail féminin[2]
en excluant le travail à domicile, une partie des ateliers de famille,
l’agriculture, le commerce, et enfin le secteur tertiaire (deuxième partie).
Le
travail féminin et les problèmes qui en découlent, font couler beaucoup d’encre
au XIX ème siècle : existe-t-il pour les femmes un droit au travail ?
Au lendemain de la Révolution
française et de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août
1789, il paraît difficile de nier toute liberté au risque de retomber dans
l’arbitraire, fondé non pas sur le pouvoir politique mais sur la simple
sociologie.
A l’origine, les droits de l’homme
sont ceux de l’Homme en tant qu’entité, il s’agit de tout être humain qui est
visé. Toutefois, plusieurs auteurs ont cantonné la notion à l’individu
sexuellement homme (le mâle).
Les droits de l’homme regroupent
l’ensemble des droits qui ne peuvent être ôtés légitimement aux êtres humains
et qui sont les mêmes pour tous : ils sont ainsi fondés sur la naissance même
(droit naturel). Cependant, l’idée de droits de l’homme n’est pas une notion
universellement adoptée. Ainsi, dans les systèmes patriarcaux, les femmes ont
le devoir d’obéir à leur père, puis à leur mari, elles ne sont jamais
considérées comme des personnes majeures. Depuis la Déclaration des Droits de
l’Homme et du Citoyen de 1789, les droits de l’homme aspirent à s’imposer contre
des idéologies qui prônent la discrimination, que cela soit du racisme
(discrimination suivant la nationalité), du sexisme (ségrégation en fonction
d’exclusions des êtres prétendument inférieurs) ou du fanatisme (ceux qui ne
partagent pas les mêmes opinions sont mis à part).
L’idée
de droit naturel a été mise en exergue par les croyances de l’homme en la
création de tous à l’image d’un même Dieu. Au XVII ème et XVIII ème siècles,
les droits de l’homme ont trouvé leur formulation et leurs fondements philosophiques
auprès de Locke, Rousseau, Kant, Descartes. Mais le principe même de
l’existence de ces droits est contesté par des contre-révolutionnaires (de
Maistre, Burke) qui affirment que l’homme est une abstraction, l’individu lui
appartient à une région, une religion ou une profession. Selon Marx, les
classes sociales ont des intérêts inconciliables : pour le bourgeois, la
liberté c’est la liberté d’exploiter et celle du prolétaire est la liberté
d’être exploitée.
Au XIX ème siècle, apparaît la notion
de droits sociaux parmi lequel se trouve le droit, non restrictif ou
conditionné, au travail.
Les nouvelles formes de travail et
surtout sa féminisation posent de nombreux problèmes au XIX ème siècle ;
les structures essentiellement corporatistes[3]
ne conviennent plus. Les idées de liberté l’emportant à l’image de
l’Angleterre, Turgot, par un édit[4]
de février 1776 décide l’abolition des jurandes, maîtrises et corporations.
L’opposition privée entraîne la chute du ministre et son édit avec lui. En
effet , un nouvel édit d’août 1776 rétablit le système corporatif (six corps de
métiers).
La révolution abolit ces
réglementations. Le décret d’Allarde[5]
établit alors une liberté complète du travail.
La suppression des réglementations
n’est qu’illusion en ce sens que la liberté n’est pas totale à travers des
dispositifs tels que le livret d’ouvrier, crée en 1746, supprimé en 1791, et
rétabli par une loi du 12 avril 1803. Ce mécanisme vise à effectuer un contrôle
de police et à prémunir les patrons des impayés des ouvriers par une rétention
du livret. L’institution tombe en décadence sous la Restauration et la
Monarchie de juillet puis remise au goût du jour par Napoléon (loi[6]
du 22 juin 1854).
L’utilitarisme[7]
coïncidant avec le passage de l’économie familiale à la société industrielle,
joue un rôle prépondérant dans le développement d’un mouvement féministe
organisé.
Cette philosophie s’est fait l’échos de plusieurs
personnalités qui ont marqué l’Histoire.
Le
féminisme est une doctrine favorable à l’extension des droits des femmes dans
la société jusqu’à une parfaite égalité avec ceux des hommes. Depuis le début
du XIX ème siècle, des efforts sont faits pour donner aux femmes un statut
identique à celui des hommes au triple point de vue juridique, économique et
social.
Dès le XV ème siècle, Christine de
Pisan (1365-1431) relève l’importance de l’éducation des femmes. Elle s’insurge
dans La cité des Dames (1405) tant contre les écrits misogynes qui
fleurissent au XV ème siècle, que contre ceux de l’Antiquité. Instruite, elle
ne remet pas en cause le rôle de la femme qu’elle juge assignée par Dieu mais,
la vision typiquement masculine qui se complet à considérer la femme comme
inapte aux mêmes fonctions que ces derniers. Ce sera la Révolution française
qui permettra à ces militantes
d’affirmer le droit à un statut social et politique équitable dans le cadre de
la société en gestation : en 1791, Olympe de Gouges publie la Déclaration
des droits de la femme et de la citoyenne.
Malgré
cette ferveur, le code napoléonien de 1804 consacre l’incapacité juridique de
la femme.
Ce
mouvement se poursuit sur instigation du français Saint-Simon[8]
et l’anglais Stuart Mill.
Le passage de l’économie familiale à
la société industrielle a joué un rôle décisif dans le développement féministe
organisé[9].
L’industrie décharge les femmes d’une partie de leurs tâches domestiques et
leur crée, en même temps, des possibilités de travail en dehors de chez elles.
Les femmes acquièrent ainsi une situation plus indépendante. Le XIX ème siècle
connaît la poursuite discontinue de ce mouvement d’émancipation de la femme, au
rythme des événements politiques.
L’émergence
des doctrines utopistes[10]
en 1830, saint-simonienne et fouriériste[11]
tendent à faire ressortir le rôle déterminant des femmes dans les progrès
social et donne un nouvel essor au mouvement. C’est dans ce contexte que des
ouvrières (lingères et brodeuses) créent en 1832 La Femme libre (qui
deviendra La Tribune des femmes), revue qui plaide pour l’éducation des
femmes, la formation professionnelle, l’égalité des salaires, la révision du
Code Civil. Le relais est pris en 1836 par La Gazette des femmes, en
1848, La Voix des femmes, en 1851, L’Opinion des femmes, en 1869,
Le Droit des femmes, et enfin en 1879, La Fronde.
Pour Marx comme pour Saint-Simon,
quand ils disent l’homme, cela veut dire l’homme ou la femme. Fourier affirme
que l’homme ne travaille que par misère, avarice ou contrainte sociale voire
religieuse. Il envisage pour les femmes, la liberté du choix de leur profession
et une rémunération équivalente pour le même travail à celle des hommes.
Certaines femmes qui s’instituèrent ses disciples s’élèvent contre une opinion
unanime qui plaint celles qui sont contraintes à travailler et souhaitent à
plus ou moins brève échéance que ce travail des femmes disparaisse, sans
qu’aucun droit au travail ne soit reconnu.
Dans
les années 1830, les femmes touchées par ces mouvements ont compris que le
travail est seul à conférer la dignité. Elles le proposent alors comme
solution à la prostitution. Le travail permettant l’indépendance économique, il
favorise la dignité.
Un contre-courant est pourtant venu
limiter l’évolution potentielle du féminisme.
Une étude sérieuse du féminisme ne
serait complète sans l’examen de sa principale opposante que l’on nommera ici
l’antiféminisme.
Cet adversaire de la femme s’incarne
dans Pierre Joseph Proudhon dont les idées inspirèrent les syndicats masculins
et bien des hommes politiques.
Proudhon[12]
est un antiféministe pathologique, narcissique. Selon lui, la femme est une
inférieure congénitale incurable, aucune évolution n’étant possible. Il la craint
toutefois notamment lorsqu’il pressent tout signe de développement
intellectuel, menacé dans sa pensée, il injurie celles qui chercheraient à
penser, discuter ou poser des questions. Il exprime
« scientifiquement » le calcul de l’infériorité de la femme par une
fraction qui donne la valeur de la femme par rapport à la valeur de l’homme,
soit 8/27.
D’après
lui, le seul destin de la femme doit être le service de son époux, le ménage,
la procréation. Surtout pas de plaisir physique, ni d’éducation, encore moins
d’instruction et comme travail, rien qui ne puisse ressembler à un métier
(lequel serait synonyme de salaire et par conséquent d’indépendance). La femme
ne doit pas pouvoir subvenir à ses propres besoins. Elles ne peuvent donc
aspirer qu’à être courtisanes ou bonnes, dans le meilleur des cas. Sa pensée va
même jusqu’à désirer une sélection génétique permettant d’éliminer les
mauvaises épouses et former ainsi une race de bonnes épouses disciplinées.
Il
voit en la femme qui travaille une voleuse (elle prend le travail d’un homme)
bien que certaines tâches leur soient spécialement affectées mais dans ce cas
là, il préconise une différence de salaire entre hommes et femmes. Ce courant
de pensée a notamment pour conséquence l’emploi massif de femmes lorsque
l’employeur cherche à payer le salaire le plus bas possible et donc à long
terme, une concurrence entre les sexes qui empêchent tout relèvement de
salaire. C’est la guerre des sexes.
Sous l’influence proudhonienne, les
premiers de L’International ouvrière en 1867 à Paris revendiquent :
« Au nom de la liberté de
conscience, au nom de l’initiative individuelle, au nom de la liberté de la
mère, laissez-nous arracher à l’atelier qui la démoralise, et la tue, cette
femme que vous rêvez libre. La femme a pour but essentiel d’être mère de
famille, la femme doit rester au foyer, le travail doit lui être
interdit. »
De
ce contre-courant il ressort trois postulats :
-
La femme est une mineure (« l’homme est à
la femme ce que le femme est à l’enfant). Une sorte de père en quelque sorte.
La liberté du choix du travail, la liberté de gagner sa vie ne doit donc pas
être donnée à la femme.
-
L’unité de base de la société est la famille et
l’homme est le seul composant de cette cellule qui doive avoir contact avec la
société, la représenter, la faire vivre.
-
Le travail féminin crée une concurrence
préjudiciable au travail masculin et déprécie les salaires, incidemment il
favorise le chômage.
Répondant
à Proudhon, Jeanne Deroin, ancienne ouvrière lingère devenue institutrice de
façon autodidacte argue du fait qu’il « ne faut pas comme vous le dites,
sortir la femme de l’atelier, mais il faut transformer l’atelier, cette source
d’activité et d’indépendance ». Cette préeminance de l’être social de la
femme sur son être naturel se traduit par le droit au travail, qui leur semble
aussi sacré pour la femme que pour l’homme.
Puis les discours évoluent et d’une
incapacité simplement juridique[13]
ou sociologique, il apparaîtrait des arguments médicaux justifiant la
différence entre les sexes et le rapport de domination. Dès 1816, un médecin
déclare que les femmes « doivent leur manière d’être aux organes de la
génération, en particulier à l’utérus »[14].
Par ailleurs, le catholicisme est
actif. Officiellement, les catholiques font partie des premiers militants
contre le travail des femmes et réclament les femmes mères au foyer. En 1898,
plusieurs arguments sont avancés pour démontrer la nocivité du travail des
femmes : le travail « démoralise » la femme et ne lui permet pas
d’acquérir une morale prolétarienne, il dévalorise le travail des hommes.
L’opposition se matérialise alors dans l’interdiction de certains emplois aux
femmes et dans le cas contraire, l’organisation de grèves.
Pour
autant, le prêtre Poullain de la Barre devenu protestant et philosophe genevois
établit selon un raisonnement cartésien (L’Egalité des deux sexes, 1673) que
l’éducation, plus que la nature commande la condition subordonnée de la femme.
Il demande la liberté totale d’accès des femmes à toutes les carrières.
La
réglementation légale du travail apparaît inéluctable au lendemain de la
révolution industrielle réalisée par l’apport d’un outillage mécanique. Cette
législation à vocation sociale visait les enfants dans un premier temps puis
les femmes qui, au même titre que les premiers sont qualifiées d’êtres
sensibles, faibles, vulnérables et dépendants voir inférieurs nécessitant dès
lors une protection particulière. Qui plus est, le législateur n’a pas le souci
d’attenter à la liberté individuelle des citoyens puisque, s’agissant de femmes
et d’enfants, ceux-ci ne disposent pas du pouvoir politique.
La loi du 19 mai 1874 ne vise que
les enfants au dessous de seize ans et les filles mineures, celle du 2 novembre
1892 s’applique aux enfants jusqu’à dix-huit ans et aux femmes de tout âge.
L’étude particulière du travail de la femme s’étendra législativement parlant,
sur cette loi pionnière et à ses applications fort éloignées de la volonté du
législateur.
Le contexte économique, politique et
social est difficile au XIX ème siècle ce qui ne facilite guère les travaux
préparatoires. Déposée par le gouvernement le 13 décembre 1886, elle n’a été
définitivement votée que le 29 octobre 1892 :
« Alors – dit l’honorable M.
Tallon dans son rapport à l’Assemblée Nationale sur le projet qui devint plus
tard la loi du 19 mai 1874 – un danger imprévu jusque là a sollicité
l’attention et la prévoyance du législateur.
L’enfant et la femme, placés jadis
en dehors de toutes prévisions des lois industrielles qui n’attachaient de prix
qu’à la force, ont pu trouver dans une infinie variété de travaux un emploi
auquel s’était refusée jusque là leur faiblesse naturelle.
Puis les charges croissantes de la
fabrication, les vicissitudes de la concurrence, l’infatigable et incessante
activité des agents mécaniques, ont conduit l’industrie à mettre, parfois, de
frêles créatures à son service au delà du temps que permettent leurs forces,
jour et nuit, dans des ateliers dont l’atmosphère peut altérer leur délicate
organisation. »
Ladite loi ne s’applique pas à tous
les employeurs embauchant les femmes et enfants mais est limitée à un secteur
particulier d’activité.
Sont régis par la loi de 1892, les
activités rémunérées ou non du secteur industriel.
L’article 1er de ladite
loi dispose : « Le travail des enfants, des filles mineures et des
femmes dans les usines, manufactures, mines, minières et carrières, chantiers,
ateliers et leurs dépendances, de quelque nature que ce soit, publics ou
privés, laïques ou religieux, même lorsque ces établissements ont un caractère
d’enseignement professionnel ou de bienfaisance, est soumis aux obligations
déterminées par la loi.
Toutes les dispositions de la présente loi s’appliquent
aux étrangers travaillant dans les établissements ci-dessus désignés.
Sont exceptés
les travaux effectués dans les établissements où ne sont employés que les membres de la famille sous
l’autorité soit du père, soit de la mère, soit du tuteur.
Néanmoins, si le travail s’y fait à
l’aide de chaudière à vapeur ou de moteur mécanique, ou si l’industrie exercée
est classée au nombre des établissements dangereux ou insalubres, l’inspecteur
aura le droit de prescrire les mesures de sécurité et de salubrité à prendre,
conformément aux articles 12, 13 et 14. »
De l’examen de cet article premier,
il ressort que tous les établissements dans lesquels des enfants, des filles
mineures ou des femmes sont occupés à un travail industriel sont soumis à la
loi du 2 novembre 1892.
Cette volonté d’application générale
de la loi existe déjà au moment des travaux préparatoires comme le révèle le
rapport de Richard Waddington à la chambre des députés le 10 juin 1890[15].
Les premières lacunes de la loi
s’aperçoivent d’ores et déjà puisqu’en s’appliquant aux établissements
industriels, elle exclue corrélativement les travaux agricoles[16]
et le commerce[17], sans
oublier le travail à domicile, le service domestique, les boutiques familiales
et ateliers domestiques, pourtant quantitativement non négligeables.
Malgré ce critère distinctif a
priori aisé quant à son application, la pratique a révélé des problèmes de
qualification des établissements agricoles ou commerciaux : sont-ils des
industries ou non ? Partant de là sont-ils soumis à la loi ou non ?
Une première
réponse peut être apportée dans une démarche d’interprétation théologique du
droit. La loi nouvelle ayant été édictée dans le but d’étendre les
prescriptions de la loi du 19 mai 1874, elle ne peut avoir pour effet de
soustraire à la réglementation des établissements qui y était soumis avant sa
promulgation (la loi du 2 novembre 1892 est entrée en vigueur le 1er
janvier 1893).
D’ailleurs, c’est surtout la nature
du travail bien plus que le caractère de l’établissement qu’il convient
d’appréhender dans l’opération de qualification.
Eugène Tallon donne, dans son commentaire[18]
de la loi de 1874, dont il avait été le rapporteur, une définition du travail
industriel qu’il convient de rappeler :
« La nature du travail
industriel peut être le plus souvent caractérisée par l’emploi ou la
transformation des produits mis entre les mains de l’ouvrier. C’est
principalement par cette transformation qu’il se différencie du travail
commercial où le produit est l’objet d’une simple transmission sans qu’il soit
dénaturé ou modifié ».
Ainsi, un
commerçant qui emploierait des femmes à la manipulation de ses produits, par
exemple un épicier qui fait torréfier du café par grandes quantités, devrait
respecter les prescriptions de la loi.
Selon un avis
du Conseil d’Etat[19],
les professions qui se rattachent aux industries de l’alimentation, restaurateurs,
cuisiniers, pâtissiers, charcutiers... n’auraient pas le caractère industriel
au sens légal du mot et ne seraient pas soumises aux dispositions de la loi du
2 novembre 1892, ni à celles de la loi du 12 juin 1893 sur l’hygiène et la
sécurité des travailleurs.
S’agissant
des travaux agricoles, ils ne sont pas soumis à la loi. Sur ce point, la
déclaration[20] opérée par
Richard Waddington dans son rapport est
très nette. A l’instar du commerce, existe un problème de
délimitation de ce travail agricole.
Selon Tallon, il faut envisager
exclusivement la nature même du travail. Des interpénétrations peuvent exister
créant ainsi une mixité de fait : un travail industriel peut être effectué
dans un établissement strictement agricole et réciproquement. Son analyse
coïncide avec le paragraphe additionnel introduit suite à l’amendement déposé
par le député Thellier de Boncheville : « Sont également exceptés les
travaux qui, bien qu’exécutés dans les dépendances de l’usine, de la
manufacture ou de l’atelier, doivent néanmoins, par leur nature, être
considérés comme travaux agricoles.
Des règlements d’administration
publique détermineront quels sont ces travaux. »
L’article
1er de la loi de 1892 détermine son champ d’application, lequel s’étend
aux établissements industriels « et leurs dépendances ».
Par
ce mot, le législateur a voulu viser jusqu’aux locaux très souvent exigus et
insalubres où couchent les femmes qui sont logées par leurs patrons. Ces
locaux, les inspecteurs ont désormais le droit de les visiter et d’exiger
qu’ils remplissent, au même titre que les ateliers eux-mêmes, les conditions de
salubrité et de sécurité imposées par l’article 14 de la loi.
Au
delà des commentaires des rapporteurs à la Chambre des députés et au Sénat, qui
ne parlaient que de la question de la salubrité, il est évident que les
inspecteurs peuvent également réprimer tout ce qui serait contraire à l’article
16 c’est-à-dire tout ce qui serait contraire aux bonnes mœurs.
Ce
droit de contrôle attribué aux inspecteurs doit se concilier avec le respect dû
au domicile privé de l’industriel, qui la plupart du temps est le lieu où sont
hébergées ces travailleuses. L’administration générale, par le biais
d’instructions générales, recommande aux inspecteurs d’effectuer leur contrôle
de jour afin d’éviter que les locaux ne soient occupés par le personnel. Une
dérogation est alors possible selon ces instructions, mais uniquement dans des
cas absolument exceptionnels.
Il
existe un certain nombre d’établissements possédés et administrés par l’Etat et
dont le caractère industriel ne saurait être contesté. Il s’agit des
manufactures de tabacs, les fabriques d’armes et de munitions, les chantiers de la marine et les
arsenaux, les ateliers d’équipements militaires, les manufactures de Sèvres et
des Gobelins, l’Imprimerie Nationale…
Ces
établissements n’étaient pas visés par la loi du 19 mai 1874.
Dans
une première délibération du 16 juin 1876, la Commission supérieure émit l’avis
que ces établissements devaient se soumettre aux règles imposées à tous les
établissements industriels et demanda que le Ministre du commerce s’entendît
avec ses collègues pour que chacun désignât le fonctionnaire avec lequel
l’inspecteur divisionnaire pourrait se mettre en relation pour l’exécution de
la loi de 1874.
En
ce qui concerne l’application des dispositions de la loi de 1874 dans les
établissements de l’Etat, tous les départements ministériels, excepté celui de
la marine, l’admirent sans difficultés.
S’agissant du droit de visite des
inspecteurs du travail, la discussion fût plus houleuse. Plusieurs ministres
notamment celui de la guerre, déclarèrent qu’ils voyaient de sérieux
inconvénients à laisser pénétrer des agents n’appartenant pas au département dont
ils avaient la responsabilité. Ils s’engageaient en outre à donner des
instructions formelles aux directeurs d’établissements publics en vue d’une
parfaite application de la loi de 1874.
Par circulaire du 20 mars 1877, le
Ministre du commerce avertit les inspecteurs de l’inapplicabilité de leur droit
de visite quant aux établissements publics. Plusieurs réclamations s’en
suivirent. Certaines commissions locales, dans le départements de la Seine
notamment, se plaignirent du non respect de la loi dans divers ateliers
dépendants de l’Etat. La Commission supérieure demanda formellement, dans son
rapport annuel du 14 août 1884, que dans un souci d’exemplarité que lesdits
établissements soient soumis au droit de visite des inspecteurs puisque le
privilège exigé était difficilement explicable.
Le Ministre de la guerre affligé par
le souci d’assurer la défense nationale se vu répondre par la Commission
supérieure que les inspecteurs du travail étaient des fonctionnaires
assermentés d’une honorabilité et d’un patriotisme équivalents à ceux des
agents employés dans des établissements d’Etat.
Le problème est tranché par
l’incorporation expresse des mots « publics et privés » dans
l’article 1er de la loi de 1892.
Désormais les établissements gérés
par l’Etat, les départements ou les communes, quoiqu’on en dise, sont soumis à
la loi de 1892 dès lors que ceux-ci emploient les personnes protégées par cette
loi.
Au delà de ces
établissements purement industriels, la réglementation sus-visée s’applique à
des espaces de travail plus restreints : en l’occurrence, les ateliers de
famille.
Lors
de la discussion devant l’Assemblée Nationale, tout comme dans le texte
finalement adopté, il appert que les ateliers de famille sont exclus du champ
d’application de la loi. Est considérée comme telle la structure productive qui
n’emploie aucun ouvrier ou apprenti étranger.
Toutefois,
cette exclusion n’est pas absolue, dans des cas strictement prévus,
l’inspection peut exercer un contrôle limité. Il s’agit de :
1°-
ceux où le travail se fait à l’aide de chaudière à vapeur ou de moteur
mécanique.
2°-
ceux qui sont classés au nombre des établissements dangereux ou insalubres
(sont ici exclus les établissements incommodes).
Il
en résulte donc que les prescriptions des articles 12, 13 et 14 de la loi ainsi
que les règlements d’administration publique s’y référant sont applicables aux
ateliers de famille au même titre que les établissements industriels. Les
prescriptions relatives au repos hebdomadaire, à la durée du travail et au
travail de nuit ne concernent dès lors pas les ateliers de famille.
Une
fois visés, les industries, dépendances et ateliers se voient contraints à un
régime juridique spécial.
Cette durée légale est encadrée par
un maximum auquel il est parfois possible de déroger sous certaines conditions.
L’article
3 alinéa 3 de la loi de 1892 est explicite à ce sujet : « Les filles
au-dessus de 18 ans et les femmes ne peuvent être employées à un travail
effectif de plus de onze heures par jour. »
Dame
Thiriot, constructeur à Nancy s’est vu dresser procès-verbaux[21]
suite à la violation de l’article 3 de la loi puisqu’elle faisait travailler
ses ouvrières treize heures : le jugement du 23 mai 1900 la condamne à
neuf contraventions à cinq francs d’amende chacune.
Dame
Picot et Casse, constructeur elle aussi à Nancy, s’est vu poursuivre du chef de
seize contraventions[22]
à l’article 3 de la loi.
La
loi du 30 mars 1900 portant modification de la loi du 2 novembre 1892 sur le
travail des enfants, des filles mineures et des femmes dans les établissements
industriels prévoit que cette durée sera, dans les deux ans suivant la
promulgation de ladite loi, portée à dix heures et demi.
Des
règles particulières ont cependant été édictées en faveur de certaines
industries ou de certains travaux ( article 4 al. 2, 4 et 5).
Il
convient de préciser que le texte parle de durée effective de travail et donc
la durée de présence des ouvrières à l’usine n’est pas intrinsèquement limitée.
Les repos ne doivent pas non plus entrer dans le calcul des heures légales de
travail.
Il faut au
minimum une heure de repos par jour de travail en un ou plusieurs arrêts
(article 4 de la loi). Cette période de non activité ne doit pas avoir pour
conséquence, soit de faire commencer le travail avant cinq heures du matin soit
de le faire se terminer après neuf heures du soir, sous peine d’être en
infraction avec l’article 4 de la loi du 2 novembre 1892, hormis le cas des
deux équipes travaillant alternativement (article 4 al. 2). La loi du 30 mars
1900 interdit l’organisation du travail par relais pour les personnes protégées
puisque ce travail emporte obligation légale de travail continu [sauf période
de repos].
Durant ce laps de temps tout travail
est strictement interdit.
Pour
éviter toute fraude, la loi a imposé à l’industriel l’obligation d’afficher,
dans ses ateliers, les heures auxquelles commencera et finira le travail ainsi
que les heures et la durée du repos. Un duplicata de cette affiche est envoyé à
l’inspecteur et un autre remis à la mairie.
Il ressort des documents[23]
étudiés que cet article 7 de la loi de 1892 n’était pas intégralement appliqué
à Nancy.
La
loi du 30 mars 1900 institue l’obligation d’astreindre les personnes protégées
aux mêmes heures de repos.
Enfin, l’article 11 de la loi de
1892 établit l’affichage péremptoire de cette loi ainsi que ses règlements
d’administration publique, également les heures de travail et de repos.
L’inspecteur[24]
départemental de Meurthe et Moselle relève en 1894, trois contraventions[25]
à cet article 11 et un procès-verbal du 7 juin 1900 chez une manufacture de
chaussures de Nancy entraînant une amende de cinq francs par jugement du 20
juin 1900.
Poursuivant dans la lignée de la
réglementation temporelle du travail féminin, le législateur s’attèle au
travail nocturne.
Ce
travail réalisé dans des conditions spécifiques est l’objet d’une interdiction
(A) assorties de nombreuses exceptions (B) qui ont des conséquences sur la
durée légale du travail.
Article
4 al. 1 de la loi : « Les enfants âgés de moins de 18 ans, les filles
mineures et les femmes ne peuvent être employés à aucun travail de nuit dans
les établissements énumérés à l’article 1er ».
Cet
article est fondamental et précurseur en ce sens qu’il interdit le travail de
nuit aux femmes de tout âge. Par travail de nuit, la loi entend tout travail
exécuté entre neuf heures du soir et cinq heures du matin.
Une
fois instaurée, le législateur s’est rendu compte de la difficulté d’appliquer
cette interdiction avec la plus extrême rigueur. L’organisation du travail dans
certaines industries, résultant soit de la nature même de ces industries, soit
de circonstances spéciales ou des conditions de la production qu’il est
impossible de modifier brusquement et complètement, impose quelques
adoucissements.
Principe
éphémère aux diverses exceptions, la loi du 30 mars 1900 abroge les dispositions
de la loi de 1892 concernant le travail de nuit sauf celles visant le travail
souterrain.
La
loi a donc prévu quelques exceptions :
·
le travail est autorisé de quatre heures du
matin à dix heures du soir, quand il est réparti entre deux postes d’ouvriers
ne travaillant pas plus de neuf heures chacun (article 4 al. 2). Le travail de
chaque équipe devant être coupé par un repos d’une heure au moins.
A
priori et telle était sans doute la volonté du législateur, cette disposition réduirait
le travail effectif de chaque équipe à huit heures. Dans la pratique, il en va
différemment ; par exemple en occupant la première équipe de quatre heures
du matin à huit heures trente, et de treize heures jusqu’à dix-sept heures
trente, la seconde de huit heures trente à treize heures puis de dix-sept
heures trente à vingt-deux heures, le travail serait continu pendant dix-huit
heures (soit neuf heures pour chaque équipe) sans aucune contravention à la
loi.
La
tâche des inspecteurs est sur ce point mal aisée. Comment être certain qu’une
même ouvrière ne fait pas partie des deux équipes ?
·
la loi a également prévu la possibilité de créer
des exceptions par des règlements d’administration publique : l’article 4
al. 4 de la loi indique que les premières à en bénéficier sont les industries
fonctionnant au rythme des saisons c’est-à-dire des époques où les commandes
affluent et où le fabricant doit les satisfaire dans un délai très court. Pour
ces industriels placés dans des conditions spéciales par suite de circonstances
ne dépendant pas de leur volonté et qui les mettent dans l’impossibilité de les
modifier alors la loi via des règlements d’administration publique, autorise
ces patrons à prolonger temporairement (période continue de soixante
jours annuels maximum) la journée de travail jusqu’à onze heures du soir. Ce
cas particulier est ainsi dérogatoire
à la fois à l’article 4 qui interdit le travail de nuit et à la fois à l’article 3
qui limite la durée du travail journalier des femmes.
Pour
éviter cependant toute fraude et abus la loi est venue préciser qu’en aucun cas
la durée du travail féminin ne pouvait dépasser douze heures.
Les
règlements d’administration publique sont totalement libres dans la
détermination des industries concernées (surtout la couture[26]
et industries se rattachant à la mode). Toutefois, il résulte des rapports et
discussions à la Chambre et au Sénat que les exceptions doivent être aussi
restreintes que possible. C’est le décret du 15 juillet 1893 qui détermine ces
industries de saison permettant des veillées jusqu’à vingt-trois heures, il
s’agit : des industries qui touchent au vêtement et la bijouterie, celles
qui se rattachent à l’ameublement et à la décoration (papiers peints surtout en
avril et octobre), les imprimeries lithographiques, la reliure et la
transformation du papier, la tabletterie et industries s’y rattachant
(fabriquant surtout les objets dénommés « articles de Paris » ).
Deux
systèmes sont alors envisageables : soit le législateur détermine les
périodes ou saisons pour chaque usine et pendant lesquelles les veillées seront
autorisées pour les femmes, soit, conformément à la volonté exprimée par le
rapporteur, ces périodes sont prédéterminées et permettent ainsi un contrôle
plus efficace des inspecteurs. Privilégiant l’homogénéité voire même
l’universalité de la règle de droit, le décret du 15 juillet 1893 opte pour la
première solution suivant le tableau ci-dessous :
INDUSTRIES |
EPOQUES
DE L’ANNEE |
Ameublement, tapisserie, passementerie pour
meubles. |
Décembre, janvier. |
Bijouterie et
joaillerie. |
Décembre, mai. |
Chapeaux en toutes
matières pour hommes et femmes. |
Février, mars. |
Confections,
coutures et lingeries pour femmes et enfants. |
Décembre, avril. |
Confections pour
hommes. |
Mars, octobre. |
Dorures sur bois et
sur métal pour ameublements. |
Mars, octobre. |
Fleurs
artificielles. |
Février, mars. |
Fourrures. |
Novembre, décembre. |
Imprimeries
typographiques. |
Du 15 novembre au 15
décembre et du 15 juin au 15 juillet. |
Imprimeries
lithographiques. |
Décembre, janvier. |
Papier, fabrication
des enveloppes, du cartonnage, des cahiers d’école, des registres, des
papiers de fantaisie. |
Novembre, décembre. |
Papiers de tenture. |
Mars, septembre. |
Plumes de parure. |
Du 16 août au 15
octobre. |
Reliure. |
Décembre, juillet. |
Tabletterie et
industrie s’y rattachant. |
Avril, octobre. |
Teinture, apprêt, blanchiment, impression,
gaufrage et moirage d’étoffes. |
Avril, octobre. |
Tissages des étoffes
de nouveauté destinées à l’habillement. |
Du 15 avril au 15
mai et du 15 octobre au 15 novembre. |
Tulles, dentelles et
laines de soie. |
Du 1er
février au 31 mars. |
·
l’article 4 al.5 prévoit des exceptions
permanentes. Les personnes ainsi visées par la loi et qui seront occupées
la nuit d’une façon permanente ne pourront travailler au maximum que sept
heures sur vingt-quatre.
Quelles
industries sont ainsi visées ?
Le
législateur accorde cette exception aux plieuses de journaux, selon les
discussions parlementaires[27].
Les teintureries et apprêts sont également compris dans le règlement
d’administration publique. Le décret du 15 juillet 1893 vise également les
brocheuses d’imprimés et les allumeuses de lampe de sûreté dans les mines (leur
travail se prolonge de quatre heures du matin à sept heures et de trois heures
de l’après-midi à sept heures).
Après
les veillées temporaires et les exceptions permanentes, mais avec un travail
d’une durée très limitée, l’article 4 prévoit encore des exceptions (article 4
al. 6) dont la dissemblance se fonde sur plusieurs points :
1°-
le travail peut se prolonger pendant toute la nuit et non pas seulement jusqu’à
vingt-trois heures.
2°-
bien que temporaires comme les veillées, elles ne sont pas limitées à soixante
jours par an. Le règlement d’administration publique déterminera leur durée.
Elles diffèrent également des exceptions prévues à l’alinéa 5 en ce qu’elles
sont temporaires et que le travail peut durer plus de sept heures sur
vingt-quatre.
Existe
alors une tolérance édictée par règlement d’administration publique, laquelle
concerne l’hypothèse de « fabrications d’une nature spéciale dont la
matière première doit être mise en manutention sans retard et sans interruption
sous peine d’être complètement perdue ; telles sont par exemple, les
fabriques de conserves de poisson des côtes de Bretagne, la préparation des
fruits et légumes conservés, les usines de parfumeurs-distillateurs des
Alpes-Maritimes. »[28].
Le décret du 15 juillet 1893 inclut dans cette catégorie les travaux de
délainage des peaux de mouton qui, en cas d’orage, doivent être effectués sur
le champ, les réparations urgentes des navires et des machines motrices, la
confection des chapeaux en toutes matières pour hommes et femmes, les
confections, la couture et la lingerie pour femmes et enfants, les fleurs
artificielles, la confection de fourrures, les plumes de parure et les
imprimeries. Il est à noter que ces industries touchant à la couture et à la
mode ainsi que les fleurs artificielles et les imprimeries sont des industries
déjà concernées par les dispositions dérogatoires attachées aux veillées.
Le
tableau ci-dessous récapitule les durées de ces dérogations temporaires :
INDUSTRIES |
DUREE
TOTALE DES DEROGATIONS |
Chapeaux en toutes matières pour hommes et
femmes. |
30 jours. |
Confections, couture
et lingerie pour femmes et enfants. |
30 jours. |
Confiseries. |
90 jours. |
Conserves alimentaires de fruits et légumes. |
90 jours. |
Conserves de
poissons. |
90 jours. |
Délainage des peaux
de mouton. |
60 jours. |
Fleurs
artificielles. |
30 jours. |
Fourrures. |
30 jours. |
Imprimeries
typographiques. |
30 jours. |
Imprimeries lithographiques. |
30 jours. |
Extraction du parfum
des fleurs. |
90 jours. |
Pâtes alimentaires. |
30 jours. |
Plumes de parure. |
30 jours. |
Réparations urgentes de navires et machines
motrices. |
120 jours. |
Tonnellerie pour
embarillage des produits de la pêche. |
90 jours. |
Enfin,
l’article 4 al. 7 de la loi prévoit une levée temporaire par l’inspecteur du
travail de cette interdiction du travail de nuit « en cas de chômage
résultant d’une interruption accidentelle ou de force majeure » et ce
quelque soit l’industrie en cause. L’inspecteur devra alors en déterminer la
durée. Suite à la délibération de la Commission supérieure en date du 26
novembre 1892, le Ministre du commerce et de l’industrie adresse aux
inspecteurs les instructions suivantes :
« 1°-
l’interdiction du travail de nuit peut, en cas de chômage pour cause de force
majeure, être levée par l’inspecteur départemental, sauf ratification, dans les
48 heures, par l’inspecteur divisionnaire qui fixera le délai.
2°-
l’inspecteur divisionnaire pourra accorder une tolérance dont la durée ne
dépassera pas un mois au maximum ; pour une prolongation, il devra en
référer au Ministre.
3°-
la tolérance ne peut être accordée qu’en ce qui concerne le travail de
nuit ; les autres prescriptions de la loi, notamment celles relatives à la
durée du travail, devront continuer à être observées ».
L’inspecteur
doit aviser immédiatement l’administration centrale des tolérances qu’il a
accordées. Les mêmes prescriptions sont applicables aux mines, minières et
carrières, l’autorisation est, dans ce cas, accordée par l’ingénieur qui en
avise le Ministre du commerce.
Après
avoir organiser légalement les conditions de travail journalières de la
travailleuses, l’opération législative se penche sur un période s’articulant
autour d’un moyen terme.
La
cadence soutenue des ouvrières est un fait. Les conditions précaires qui sont
les leurs ne favorisent pas la santé. Toutefois, le législateur veille au repos
obligatoire afin que les femmes soient en mesure de reprendre leurs forces.
L’article
5 de la loi du 2 novembre 1892 dispose « ( …) les femmes de tout âge ne
peuvent être employées dans les établissements énumérés à l’article 1er,
plus de six jours par semaine, ni les jours de fête reconnus par la loi, même
pour rangement d’atelier.
Une affiche apposée
dans les ateliers indiquera le jour adopté pour le repos hebdomadaire ».
Cette obligation est une norme
instituée in personam, au profit des femmes et ouvriers mineurs, il ne s’agit
aucunement d’une obligation de fermeture de l’atelier un jour par semaine.
La loi ne
prévoit pas non plus que cette journée de repos (contrairement à la loi de 1874
qui fixa ce jour de repos au dimanche tout en aménageant des tolérances[29])
soit la même pour toutes les ouvrières du même atelier, l’industriel est sur ce
point libre d’organiser son usine conformément à ses besoins et de façon à ne
pas interrompre le fonctionnement de celle-ci.
Toutefois, pour
permettre le contrôle effectif des inspecteurs, le patron doit être en mesure
de fournir un tableau récapitulatif du roulement des équipes et le nombre de
femmes et d’enfants présents dans chacune d’elles.
Dans une
manufacture de Nancy est dressé le 8 avril 1900 un procès-verbal[30]
de contravention à l’article 5 de la loi qui entraînera vingt-quatre amendes à
cinq francs (jugement du 2 mai 1900).
De façon plus
périodique, au rythme de fêtes religieuses, la loi de 1892 impose aux femmes de
na pas travailler.
Ces
jours de fête sont ceux qui sont reconnus par la loi, ce qui exclut les
dimanches (en matière de procédure civile, le dimanche est un jour férié et par
conséquent ne constitue pas un jour de fête reconnu par la loi), conformément à
la volonté de la Chambre qui refusa l’amendement du comte de Mun[31],
jugé restrictif[32].
Lors
de la séance du 7 février 1891, et pour supprimer toute ambiguïté, le Président
de la Commission précise quels sont ces jours de fête reconnus par la
loi : il s’agit du 1er janvier, du 14 juillet, de l’Ascension,
de l’Assomption, de la Toussaint, de la Noël, du lundi de Pâques et du lundi de
Pentecôte.
Ainsi
ces jours sont des jours de congés obligatoires pour les femmes sauf pour les
usines à feu continu.
Est-il
possible de considérer comme jour hebdomadaire de repos, le jour de fête
reconnu par la loi pour la semaine considérée ?
La
rédaction de la loi ne semble pas s’y opposer bien que la volonté de la
Commission[33] soit
de distinguer les deux sortes de jours de repos.
La
jurisprudence semble considérer que ce qui est prohibé aux femmes le jour du
repos hebdomadaire et les jours de fête, c’est le travail industriel pour le
compte du patron soit qu’il ait instamment commandé ce travail soit qu’il l’ait
toléré, le travail personnel et pour le propre compte de l’ouvrière ne permet
pas de constituer la contravention (Cour d’Appel de Toulouse, 21 novembre
1890).
A l’écoute des
besoins de la production plus que de l’objectif déclaré de protection de la
femme, l’article 6 de la loi envisage les exceptions à ces jours de repos
obligatoires mais non péremptoires.
Il
s’agit tout d’abord d’usines au fonctionnement particulier.
Quelles sont-elles ?
Suivant
la définition donnée par le Comité consultatif des arts et manufactures lors de
la préparation des règlements d’administration publique complétant la loi de
1874, les usines à feu continu sont les industries qui exigent nécessairement
l’emploi d’une source calorique continue et dans lesquelles l’emploi du feu,
élément direct de fabrication et agent indispensable de la transformation que
l’on fait subir à la matière, est constamment entretenu pour des raisons tirées
soit des dimensions du foyer, soit de la température qu’il s’agit de maintenir,
soit des propriétés mêmes du produit fabriqué. Par exemple, la fabrique de
fonte usant de hauts fourneaux est une usine à feu continu.
Sous
la loi du 19 mai 1874 quatre industries avaient été consacrées en tant
qu’usines à feu continu : les verreries, les papeteries, les
sucreries et les usines métallurgiques. Le décret du 15 juillet 1893 y ajoute
les fabriques d’huiles, les raffineries de sucre et les distilleries de
betteraves, les fabriques d’objets en fonte et en fer émaillés et les huileries[34].
Ainsi,
l’article 6 de la loi du 2 novembre 1892 prévoit que dans ces usines à feu
continu, les femmes « peuvent être employées tous les jours de la semaine,
la nuit, aux travaux indispensables sous la condition qu’ [elles] auront au
moins un jour de repos par semaine. » Lesdits travaux ouvrant droit à
dérogation sont déterminés par le décret du 15 juillet 1893 comme suit :
USINES A FEU CONTINU |
TRAVAILLEURS |
TRAVAUX TOLERES |
Distillerie de
betteraves. |
Enfants et femmes. |
Laver, peser, trier la betterave, manœuvrer
les robinets à jus et à eau, aider aux batteries de diffusion et aux
appareils distillatoires. |
Papeteries. |
Enfants et femmes. |
Aider les surveillants de machines, couper,
trier, ranger, rouler et apprêter le papier. |
Fabriques et raffineries de sucre. |
Enfants et femmes. |
Laver, peser, trier la betterave, manœuvrer
les robinets à jet et à eau, surveiller les filtres, aider aux batteries de
diffusion, coudre les toiles, laver les appareils et ateliers, travailler le
sucre en tablettes. |
S’agissant
des autres usines à feu continu, aucun travail pour les femmes n’a été toléré
par le décret sus-visé. Lorsque le dispositif reproduit les inclut, alors elles
peuvent être employées toute la nuit, sans toutefois dépasser dix heures par
jour, avec des intervalles de repos d’une durée d’au moins deux heures.
Une
autorisation spéciale permet également de déroger à l’obligation de repos
ponctuels.
Selon
l’article 7 de la loi « L’obligation du repos hebdomadaire et les
restrictions relatives à la durée du travail peuvent être temporairement levées
par l’inspecteur
divisionnaire, pour les travailleurs visés à l’article 5, pour certaines
industries à désigner par le susdit règlement d’administration publique ».
Eût
égard aux documents préparatoires, sont ici concernées les industries visées à
l’article 4 al. 6 autrement dit les fabriques de conserves de légumes, les
parfumeries et autres industries ayant le même caractère[35].
Le
décret du 15 juillet 1893 détermine les industries concernées, ce sont :
-
les briqueteries en plein air ;
-
la confection de chapeaux en toutes matières
pour hommes et femmes ;
-
la confection de corsets ;
-
les confections, coutures et lingerie pour
femmes et enfants ;
-
les conserves de fruits et confiseries ;
-
les conserves de légumes et de poissons ;
-
la corderie en plein air ;
-
le délainage des peaux de moutons ;
-
les fleurs artificielles ;
-
l’extraction des parfums des fleurs ;
-
la confection des fourrures ;
-
les imprimeries lithographiques ;
-
les imprimeries typographiques ;
-
les plumes de parure ;
-
les réparations urgentes de navires et de
machines motrices ;
-
les teinture, apprêt, blanchiment, gaufrage et
moirage des étoffes ;
-
le tissage des étoffes de nouveauté destinées à
l’ameublement.
Pour
éviter toute fraude au dispositif législatif, le décret a prévu un double
dispositif de contrôle :
·
l’industriel doit, chaque fois qu’il sollicite
une tolérance, avertir au moins douze heures à l’avance, l’inspecteur ou
inspectrice du travail de sa circonscription et le maire de sa commune. La
durée de la dérogation court à partir de cette information.
·
Une copie de cet avis doit être immédiatement
affiché de façon apparente dans les ateliers et ce, pendant toute la période de
dérogation. S’il s’agit d’un cas d’application de l’article 5 du décret
(autorisation de l’inspecteur) alors une copie de cette autorisation doit aussi
être affichée.
A
l’origine, la période d’exception pendant laquelle les règles relatives au
repos hebdomadaire et à la durée du travail étaient suspendues ne s’établissaient
que sur quarante jours au maximum, mais dès la première délibération (18 juin
1888) ce laps de temps est porté à trois mois. Devant la Chambre, le débat ne
tourne qu’autour de la durée du travail sans jamais plus qu’il soit question de
demande spéciale ni de période limitative de suspension des règles ordinaires
(tout en devant demeurer temporaires).
Une
fois posé ce premier cadre juridique, le législateur veille aux conditions
matérielles d’exécution du travail féminin qui doit prendre en compte la
fragilité de cet être ainsi que veiller à la préservation de sa vertu.
Après avoir interdit le travail de
nuit, il apparaît légitime d’en faire autant s’agissant du travail diurne dans
un endroit où le jour ne peut par essence y pénétrer.
La
loi du 19 mai 1874 interdisait déjà le travail souterrain mais en 1869, le
secrétaire[36] du Comité
des houillères évoque en termes idylliques le travail des femmes au fond de la
mine.
Hormis
toutes les prescriptions de droit commun applicables à tout établissement
industriel employant femmes et enfants, la loi du 2 novembre 1892 a estimé
devoir jeter un regard particulier (article 9 de la loi) sur la situation des
ouvrières travaillant dans les mines, minières ou carrières.
Ainsi,
les femmes se voient interdire[37]
tout travail souterrain sans qu’aucune exception ne soit possible.
La
prolifération des maladies chez les ouvrières au XIX ème siècle est telle
qu’une mesure préventive se doit d’intervenir.
Articles 12,
13, 14 et 15 de la loi.
Cet aspect doit porter sur plusieurs
points, de la dangerosité physique ou morale à l’insalubrité, la protection de
la femme est a priori règle d’or.
La
dangerosité des travaux s’apprécie eu égard à l’excès de celui-ci par rapport
aux forces du travailleur ou à la dangerosité qu’il présente pour la moralité
de l’ouvrier (article 12 de la loi). Ces travaux sont déterminés par le
règlement d’administration publique du 13 mai 1893. A Nancy[38],
cet article préventif ne sera pas respecté.
Il est interdit
d’employer des femmes au graissage, au nettoyage, à la visite ou à la
réparation des machines ou mécanismes en marche.
La simple
opération d’époussetage, qui consiste à enlever avec un balai le duvet de coton
qui s’attache aux cordes pendant la marche, doit être considérée comme le travail de nettoyage d’une
machine en marche et constitue une contravention (T. Corr. De Rouen, 7 juin
1883[39]).
Il est prohibé d’employer des femmes
dans un atelier où se trouvent des machines actionnées à la main ou par un
moteur mécanique[40], dont les
parties dangereuses ne sont point couvertes de couvre-engrenages, garde-mains
et autres organes protecteurs.
Selon
la Cour de Cassation (arrêt du 9 juin 1883[41]),
la contravention existe par le seul fait de l’emploi de femmes dans l’atelier
où se trouve la machine dangereuse sans qu’il soit nécessaire qu’un
procès-verbal ait constaté préalablement la cause du danger.
Les machines à pédale, roues
horizontales et verticales, scies mécaniques, lames tranchantes, le cueillage
et le soufflage du verre, les robinets à vapeur, les tréfileries sans appareils
protecteurs, les travaux sur les toits ne sont quant à eux, interdits qu’aux
seuls enfants.
L’inspecteur
départemental de Meurthe et Moselle a dressé en 1894 quatre contraventions à
l’article 14 de la loi.
Le règlement d’administration
publique du 13 mai 1893 érige en interdiction le fait d’employer des femmes à
la confection d’écrits, d’imprimés, affiches, dessins, gravures, peintures,
emblèmes, images ou autres objets dont la vente, l’offre, l’exposition,
l’affichage ou la distribution sont réprimés par les lois pénales[42]
comme contraires aux bonnes mœurs.
La dangerosité
est aussi une conséquence de l’insalubrité des locaux où travaillent les
femmes.
Au delà de ces
travaux interdits comme présentant des dangers physiques ou psychiques
(l’industriel[43] est garant
des bonnes mœurs dans son établissement), le législateur a reconnu qu’il existe
un certain nombre d’établissements dangereux ou insalubres dans lesquels
l’emploi des femmes doit être, soit absolument défendu, soit tout au moins
réglementé, suivant règlement d’administration publique.
Ces
établissements ont été divisés en trois catégories comprises dans les tableaux
A, B et C suite au décret du 13 mai 1893 relatif à l’emploi des enfants, des
filles mineures et des femmes aux travaux dangereux, insalubres, excédant les
forces ou contraire à la moralité.
Le tableau A contient la
nomenclature des établissements les plus insalubres et les plus dangereux dans
lesquels le travail est interdit à toutes les catégories de travailleurs que la
loi du 2 novembre 1892 a inclut.
Le tableau B regroupe méthodiquement
la liste la nomenclature des industries dangereuses dans lesquelles l’emploi
des enfants au dessous de 18 ans est seul interdit. On peut y occuper les
femmes et surtout elles puisqu’elles sont reconnues pour leur patience, leur
attention, leur habileté, leur douceur et leur souplesse.
Le tableau C englobe les
établissements dans lesquels l’emploi des femmes est autorisé, mais sous
certaines conditions et seulement à certains travaux.
TABLEAU
A
TRAVAUX |
RAISONS
DE L’INTERDICTION |
Acide arsénique (fabrication) au moyen de
l’acide arsénieux et de l’acide azotique. |
Danger d’empoisonnement. |
Acide fluorhydrique (fabrication). |
Vapeurs délétères. |
Acide nitrique (fabrication). |
Vapeurs délétères. |
Acide oxalique (fabrication). |
Danger d’empoisonnement. |
Acide picrique (fabrication). |
Vapeurs délétères. |
Acide salicylique (fabrication) au moyen de
l’acide phénique. |
Emanations nuisibles. |
Acide urique. |
Emanations nuisibles. |
Affinage des métaux au fourneau. |
Emanations nuisibles. |
Aniline (voir Nitrobenzine). |
Emanations nuisibles. |
Arséniate de potasse (fabrication)au moyen de
salpêtre. |
Danger d’empoisonnement. Vapeurs délétères. |
Benzine. |
Danger d’empoisonnement. Vapeurs délétères. |
Blanc de plomb[44]
(voir Céruse). |
Danger d’empoisonnement. Vapeurs délétères. |
Bleu de Prusse (voit cyanure de potassium). |
Danger d’empoisonnement. Vapeurs délétères. |
Cendres d’orfèvre par le plomb. |
Maladies spéciales dues aux émanations
nuisibles. |
Céruse ou blanc de plomb (fabrication). |
Maladies spéciales dues aux émanations
nuisibles. |
Chairs, débris et issues provenant de
l’abattage des animaux |
Emanations nuisibles. Danger d’infection. |
Chlore (fabrication). |
Emanations nuisibles. |
Chlorure de chaux (fabrication). |
Emanations nuisibles. |
Chlorure alcalins, eau de javel (fabrication). |
Emanations nuisibles. |
Chlorure de plomb (fonderie) |
Emanations nuisibles. |
Chlorures de soufre (fabrication). |
Emanations nuisibles. |
Chromate de potasse (fabrication). |
Maladies spéciales dues aux émanations. |
Cristaux (polissage à sec). |
Poussières dangereuses. |
Cyanure de potassium et bleu de Prusse |
Danger d’empoisonnement. |
Cyanure rouge de potassium ou prussiate rouge
de potasse. |
Danger d’empoisonnement. |
Débris d’animaux. |
Poussières dangereuses. |
Dentelles (blanchissage à la céruse). |
Poussières dangereuses. |
Eau de javel (fabrication). |
Poussières dangereuses. |
Eau forte (voir acide nitrique). |
Vapeurs délétères. |
Effilochage et déchiquetage des chiffons. |
Poussières nuisibles. |
Emaux (grattage) dans les fabriques de verre
mousseline. |
Poussières nuisibles. |
Engrais (dépôt et fabriques) au moyen de
matières animales. |
Emanations nuisibles. |
Equarrissage des animaux. |
Nature du travail. Emanations nuisibles. |
Etamage des glaces par le mercure. |
Maladies spéciales dues aux émanations. |
Fonte et laminage du plomb, du zinc et du
cuivre. |
Maladies spéciales dues aux émanations. |
Fulminate de mercure (fabrication). |
Emanations nuisibles. |
Etamage[45]
des glaces. |
Maladies spéciales dues aux émanations. |
Grillage des minerais sulfureux. |
Emanations nuisibles. |
Huiles et autres corps gras extraits des
débris de matières animales. |
Emanations nuisibles. |
Litharge (fabrication). |
Maladies spéciales dues aux émanations. |
Massicot (fabrication). |
Maladies spéciales dues aux émanations. |
Matières colorantes (fabrication) au moyen de
l’aniline et de la nitrobenzine. |
Emanations nuisibles. |
Métaux (aiguisage et polissage). |
Poussières dangereuses. |
Poussières dangereuses. |
|
Minium[48]
(fabrication). |
Maladies spéciales dues aux émanations. |
Murexide (fabrication) en vase clos par la
réaction de l’acide azotique et de l’acide urique de guano. |
Vapeurs délétères. |
Nitrate[49]
de méthyle (fabrication). |
Vapeurs délétères. |
Nitrobenzine, aniline et matières dérivant de
la benzine (fabrication). |
Vapeurs nuisibles. |
Peaux de lièvre et de lapin. |
Poussières nuisibles ou vénéneuses. |
Phosphore (fabrication). |
Maladies spéciales dues aux émanations. |
Plomb (fonte et laminage). |
Maladies spéciales dues aux émanations. |
Poils de lièvre et de lapin. |
Poussières nuisibles ou vénéneuses. |
Prussiate de potasse. |
Danger d’empoisonnement. |
Rouge de Prusse et d’Angleterre. |
Vapeurs délétères. |
Secrétage des peaux ou poils de lièvre ou de
lapin. |
Poussières nuisibles ou vénéneuses. |
Sulfate de mercure (fabrication). |
Maladies spéciales dues aux émanations. |
Sulfure[50]
d’arsenic (fabrication). |
Danger d’empoisonnement. |
Sulfure de sodium (fabrication). |
Gaz délétère. |
Triperies annexes des abattoirs. |
Emanations nuisibles. |
Verre (polissage à sec). |
Poussières dangereuses. |
Les
activités non interdites aux femmes et même reconnues pour leur compétence
(tableau B) sont relatives aux fabrications d’amorces fulminantes, artifices,
cartouches de guerre, celluloïd et produits nitrés analogues, dynamite,
étoupilles avec matières explosives, poudre de mine comprimée ! Ainsi que
l’infirmerie de chiens et l’extraction des parties soyeuses des chrysalides.
TABLEAU
C
ETABLISSEMENTS |
CONDITIONS |
MOTIFS |
Acide chlorhydrique (production) par la
décomposition des chlorures de magnésium, d’aluminium et autres. |
Les femmes ne seront pas employées dans les
ateliers où se dégagent des vapeurs et où l’on manipule les acides. |
Danger d’accidents. |
Acide sulfurique (fabrication). |
Les femmes ne seront pas employées dans les
ateliers où se dégagent des vapeurs et où l’on manipule les acides. |
Danger d’accidents. |
Affinage de l’or et de l’argent par les
acides. |
Les femmes ne seront pas employées dans les
ateliers où se dégagent des vapeurs et où l’on manipule les acides. |
Danger d’accidents. |
Blanchiment (toile, paille, papier). |
Les femmes ne seront pas employées dans les
ateliers où se dégagent le chlore et l’acide sulfureux. |
Vapeurs nuisibles. |
Boyauderies. |
Les femmes ne seront pas employées au
soufflage. |
Danger d’affections pulmonaires. |
Caoutchouc (application des enduits). |
Les femmes ne seront pas employées dans les
ateliers où se dégagent les vapeurs de sulfure de carbone et de benzine. |
Vapeurs nuisibles. |
Caoutchouc (travail du) avec emploi d’huiles
essentielles ou du sulfure de carbone. |
Les femmes ne seront pas employées dans les
ateliers où se dégagent les vapeurs de sulfure de carbone. |
Vapeurs nuisibles. |
Chiffons (traitement) par la vapeur de l’acide
chlorhydrique. |
Les femmes ne seront pas employées dans les
ateliers où se dégagent les acides. |
Vapeurs nuisibles. |
Cotons et cotons gras (blanchisseries de leurs
déchets). |
Les femmes ne seront pas employées dans les
ateliers où l’on manipule le sulfure de carbone. |
Vapeurs nuisibles. |
Cuivre (dérochage[51])
par les acides. |
Les femmes ne seront pas employées dans les
ateliers où se dégagent les vapeurs acides. |
Vapeurs nuisibles. |
Dorure et argenture. |
Les femmes ne seront pas employées dans les
ateliers où se produisent des vapeurs acides ou mercurielles. |
Emanations nuisibles. |
Eaux grasses (extraction pour la fabrication
des savons et autres usages des huiles contenues dans ces eaux). |
Les femmes ne seront pas employées dans les
ateliers où l’on emploie le sulfure de carbone. |
Emanations nuisibles. |
Email (fabrication) sur les métaux. |
Les femmes ne seront pas employées dans les
ateliers où l’on broie et brûle les matières. |
Emanations nuisibles. |
Emaux (fabrication) avec fours non fumivores. |
Les femmes ne seront pas employées dans les
ateliers où l’on broie et brûle les matières. |
Emanations nuisibles. |
Epaillage des laines et draps par la voie
humide. |
Les femmes ne seront pas employées dans les
ateliers où se dégagent des vapeurs acides. |
Emanations nuisibles. |
Fer (dérochage). |
Les femmes ne seront pas employées dans les
ateliers où se dégagent des vapeurs et où l’on manipule des acides. |
Vapeurs nuisibles. |
Filature de lin. |
Les femmes ne seront pas employées lorsque
l’écoulement des eaux ne sera pas assuré. |
Humidité nuisible. |
Grillage des minerais sulfureux quant les gaz
sont condensés et que le minerai ne renferme pas d’arsenic. |
Les femmes ne seront pas employées dans les
ateliers où l’on produit le grillage. |
Emanations nuisibles. |
Grillage et gazage des tissus. |
Les femmes ne seront pas employées lorsque les
produits de combustion se dégageront librement dans les ateliers. |
Emanations nuisibles. |
Mégisseries[52]. |
Les femmes ne seront pas employées à l’épilage
des peaux. |
Danger d’empoisonnement. |
Nitrates métalliques obtenus par l’action
directe des acides (fabrication). |
Les femmes ne seront pas employées dans les
ateliers où se dégagent les vapeurs et où se manipulent les acides. |
Vapeurs nuisibles. |
Réfrigération (appareils) par l’acide
sulfureux. |
Les femmes ne seront pas employées dans les
ateliers où se dégagent les vapeurs acides. |
Emanations nuisibles. |
Sinapismes[53]
(fabrication) à l’aide des hydrocarbures. |
Les femmes ne seront employées dans les
ateliers où se manipulent les dissolvants. |
Vapeurs nuisibles. Danger d’incendie. |
Sulfate[54]
de peroxyde de fer (fabrication) par le sulfate de protoxyde de fer et de
l’acide nitrique (nitro-sulfate de fer). |
Les femmes ne seront pas employées dans les
ateliers où se dégagent les vapeurs acides. |
Vapeurs nuisibles. |
Sulfate de protoxyde de fer ou couperose verte
par l’action de l’acide sulfurique sur la ferraille. |
Les femmes ne seront pas employées dans les
ateliers où se dégagent les vapeurs acides. |
Vapeurs nuisibles. |
Superphosphate de chaux et de potasse
(fabrication). |
Les femmes ne seront pas employées dans les
ateliers où se dégagent les vapeurs acides et les poussières. |
Emanations nuisibles. |
Teintureries. |
Les femmes ne seront pas employées dans les
ateliers où l’on emploie des matières toxiques. |
Danger d’empoissonnement. |
Toiles peintes (fabriques) |
Les femmes ne seront pas employées dans les
ateliers où l’on emploie des matières toxiques. |
Danger d’empoissonnement. |
Tourteaux d’olives (traitement) par le sulfure
de carbone. |
Les femmes ne seront pas employées dans les
ateliers où l’on manipule le sulfure de carbone. |
Emanations nuisibles. |
Tôles et métaux vernis. |
Les femmes ne seront pas employées dans les
ateliers où l’on emploie des matières toxiques. |
Danger d’empoissonnement. |
Verreries, cristalleries et manufactures de
glaces. |
Les femmes ne seront pas employées dans les
ateliers où les poussières se dégagent librement et où il est fait usage de
matières toxiques. |
Poussières nuisibles. |
Vessies nettoyées et débarrassées de toute
substance membraneuse (atelier pour le gonflement et le chauffage de
celles-ci). |
Les femmes ne seront pas employées au travail
de soufflage. |
Danger d’affections pulmonaires. |
Les
auteurs du décret du 13 mai 1893 s’efforcent d’apporter le moins d’entraves
possibles au travail des femmes adultes. Ils se sont ainsi conformés au
véritable esprit de la loi dont les travaux préparatoires établissent nettement
que le principal objectif du législateur, en ce qui concerne la femme majeure,
était surtout de la soustraire au travail de nuit dans l’intérêt de la vie
conjugale et de l’accomplissement de ses fonctions maternelles.
S’agissant
de la salubrité des ateliers et de la sécurité du travail, les dispositions de
la loi du 2 novembre 1892 ne sont que la reprise des normes établies par la loi
du 19 mai 1874. Quelques légères modifications peuvent toutefois être
notées : l’inspecteur[55]
a désormais la charge de veiller, outre la propreté et la ventilation, à
l’éclairage des établissements, ainsi qu’à la sécurité et la salubrité
nécessaires à la santé du personnel[56].
Sur ce dernier point, il est loisible et peu critiquable de penser que cette
disposition[57] ne
s’appliquerait pas uniquement aux personnes protégées par la loi de 1892 mais à
toutes les catégories d’ouvriers, y compris les hommes, et c’est là une avancée
majeure dans le système de protection du travailleur. Etant donné que l’équité
n’est pas une norme d’applicabilité du droit, la Commission supérieure, lors de
sa séance du 26 novembre 1892, relève que comme son titre l’indique les
prescriptions érigées par la loi du 2 novembre 1892 ne s’appliquent qu’aux
enfants, filles mineures et femmes.
Par
ailleurs, l’article 14 de la loi impose des règles spécifiques lorsqu’un
établissement industriel emploie des femmes (cf. section 3 § 2. A. 1°).
La
jurisprudence[58] précise que
l’inspecteur peut dresser procès-verbal contre un industriel même sans l’avoir
préalablement prévenu, car celui-ci est obligé de prendre les précautions
exigées sans qu’il soit besoin d’un avertissement.
Malgré toutes ces normes de protection,
respectées ou non par l’industriel, surviennent des accidents dont la cause
doit être connue de l’inspecteur.
Article
15 de la loi.
Cette
déclaration permet de connaître les violations aux règles établies par les
articles 12, 13 et 14. Sous l’empire de la loi de 1874, la déclaration des
accidents n’était que facultative. La loi nouvelle est péremptoire,
l’inspecteur doit être immédiatement avisé de l’accident afin qu’il puisse se
rendre sur les lieux, faire son enquête en temps utile, sévir s’il le juge
nécessaire ou, à tout le moins prescrire les mesures préventives
indispensables.
Bien
entendu, cet article vise les accidents de personnes et non les accidents
purement matériels.
Mais
quelle est alors la définition de l’accident donnant lieu à déclaration ?
Il
n’existe aucune définition légale cependant les séances sénatoriales des 4
juillet et 29 novembre 1889 donnent quelques bribes de réponse : sont
considérés par l’article 15 les accidents ayant réellement quelque importance,
ceux par exemple qui nécessitent une visite
chez le médecin ou imposent au salarié un arrêt de son travail, à l’exception
des simples coupures de doigt, comme il en existent tant surtout dans les
ardoisières.
Il
résulte de la formule de procès-verbal de déclaration d’accident, qui a fait
l’objet du règlement d’administration publique du 21 avril 1893 que l’industrie
doit déclarer tout accident paraissant devoir entraîner une incapacité de
travail d’au moins trois jours.
Ladite déclaration, réalisée dans
les quarante-huit heures, est obligatoire lorsqu’est concernée une personne
visée par le dispositif de protection de la loi du 2 novembre 1892. Elle est
adressée au maire de la commune par le responsable de l’usine, à défaut son
préposé, elle indique le nom et l’adresse des témoins de l’accident et y est
joint un certificat médical contenant mention de l’état du blessé, les suites
probables de l’accident, l’époque à laquelle il sera possible d’en connaître le
résultat définitif (date de consolidation).
A
réception de cette déclaration, le maire doit en donner récépissé et dresser
procès-verbal selon la forme prévue à cet effet par le règlement
d’administration publique du 21 avril 1893, il informe immédiatement
l’inspecteur du travail (inspecteur divisionnaire ou départemental) rattaché à
la circonscription de sa commune. S’il s’agit d’un accident survenu dans une
mine (n’oublions pas que le travail souterrain est strictement interdit aux
femmes), l’avis est adressé à l’ingénieur des mines.
La mixité des établissements
industriels a été un argument fard des militants anti-féministes, le
législateur a entendu répondre à cette préoccupation.
Bien
qu’un membre du Sénat estimait que l’article16 de la loi faisait double emploi
eu égard à l’existence de l’article 334 du Code Pénal, lequel permet de
poursuivre tout patron qui tolèrerait dans son établissement tout outrage aux
bonne mœurs ou à la décence.
L’article
16 est tout de même adopté puisqu’il existait déjà en 1874 et que d’ailleurs,
les inspecteurs du travail n’ont pas qualité pour faire respecter les
dispositions du Code Pénal.
La valeur cardinale du
droit, outre son origine, réside dans l’existence de sanctions répondant aux
violations de celui-ci.
De prime abord, la
démarche juridique cherche à imputer des faits à une personne afin d’établir sa
responsabilité civile et /ou pénale.
Article
26 al. 1 de la loi.
En premier lieu sont responsables
des contraventions à la loi les chefs d’industrie, mais aussi les directeurs ou
gérants lorsqu’existe une délégation de pouvoirs concernant la gestion de
l’usine et de ses employés. Il faut sur ce point que la délégation soit
complète et que le droit de diriger ou de recruter appartienne exclusivement
audit directeur ou gérant. S’il n’a que la charge de la surveillance et de la
conduite des travaux ou s’il ne peut ignorer l’existence des contraventions du
fait du nombre de visites opérées par lui, la responsabilité de l’industriel
reste entière, la jurisprudence estime alors qu’en ne délégant pas les pouvoirs
de direction, il ne peut être responsable des agissements des ouvriers[59].
Cette responsabilité directe et personnelle du chef d’entreprise existe même
lorsqu’il a traité avec un sous-entrepreneur pour l’exécution de certains
travaux, et que l’ouvrier en contravention a été embauché par ce dernier[60].
Toutefois cette responsabilité, à
l’instar de la loi de 1874, ne concerne jamais un agent secondaire tel qu’un
contremaître mais bel et bien l’agent ayant l’autorité effective dans l’usine.
Ainsi, il a été jugé qu’une compagnie industrielle, être moral et collectif,
civilement responsable des fautes de ses agents, ne saurait encourir une
responsabilité pénale qui doit être basée sur un fait personnel et
précis ; dans ce cas, c’est le directeur de l’usine qui est poursuivi.
La responsabilité des parents ne
peut être mise en cause dès lors qu’en faisant entrer son enfant dans l’usine,
le père délègue son autorité à l’industriel détenteur l’autorité effective.
Cette hypothèse connaît néanmoins une
exception dans le cas où le père est également le patron de ses enfants et
d’autres ouvriers ou lorsqu’il n’emploie que ses enfants mais qu’il y a dans
l’atelier un moteur mécanique ou que ceux-ci exercent une profession dangereuse
ou insalubre.
Enfin, même en cas de délégation le
chef d’industrie demeure responsable civilement des condamnations prononcées[61].
Le responsable ayant été déterminé,
la sanction peut s’appliquer.
Elle
diffère selon son objet.
La
contravention relève de la compétence du tribunal de simple police du fait de
l’amende encourue qui s’étale entre cinq et quinze francs pour chaque
contravention.
En effet, il existe un principe de
cumul des peines, en ce sens que l’amende doit être appliquée autant de fois qu’il
y a de personnes employées dans des conditions violant la loi du 2 novembre
1892.
Conformément
au droit commun, la prescription s’acquiert au terme d’un an pour la poursuite
et de deux ans pour la peine.
Un seul fait justificatif est invocable à bon escient, il s’agit de la
fraude qui a surpris absolument la bonne foi de l’industriel (article 26 al.
3).
Jouant son rôle intimidant, la
récidive réalise une augmentation de la peine encourue : de seize à cent
francs d’amende. La juridiction compétente est alors le tribunal correctionnel.
La loi de 1892 estime qu’il y a récidive
lorsqu’une autre contravention est réalisée dans l’année qui suit une première
condamnation de même nature. Le cumul des peines est toujours applicable. En
outre, le tribunal correctionnel peut ordonner l’affichage ou l’insertion du
jugement, aux frais du contrevenant, dans un ou plusieurs journaux du
département.
L’amende encourue est ici de cent à
cinq cents francs (article 29 al. 1 de la loi) et de cinq cents à mille francs
en cas de récidive (article 29 al. 2).
L’appréciation des faits s’effectue in
concreto, toutefois il est possible de retirer une définition de cette
infraction dans, tout acte, toute résistance même passive de nature à entraver
l’exercice de l’inspection.
La jurisprudence a sur ce terrain
retenu l’infraction en cas de :
-
refus d’entrer opposé à l’inspecteur[62] ;
-
refus de communication du registre d’inscription
ou de documents de même nature[63] ;
-
dissimulation d’enfants au moment de l’arrivée
de l’inspecteur[64] ;
Les
débats devant le Sénat ont mis en exergue le fait que toute fausse déclaration
à l’inspecteur sera constitutive de l’infraction.
Les injures et les voies de fait
exposent leur auteur à une peine de six jours à un mois d’emprisonnement et
d’une amende de seize à deux cents francs ou l’une de ces deux peines
seulement.
Cette infraction est constituée par
des dons, offres ou promesses en faveur d’un inspecteur du travail. Le quantum
de la peine est alors ceux prévus par l’article 179 du Code Pénal[65].
Enfin,
toutes les contraventions à l’article 29 de la loi relèvent de la compétence du
Tribunal Correctionnel, les circonstances atténuantes[66]
sont quant à elles applicables aux faits de la cause.
Ce
tableau presque féerique dressé par le législateur est bien loin des réalités
du travail féminin. Sauf, peut-être dans les manufactures textiles,
comparativement au rapport du docteur Villermé, il y a une certaine
amélioration, la condition de la femme au travail ne se modifie que très
sensiblement. L’exemple le plus flagrant est le calvaire enduré par les
ouvrières, courbées pendant dix heures dans les raffineries de sucre : les
casseuses ont les doigts râpés par le sucre, les porteuses doivent transporter
chaque jour sept à huit cents caisses de plaquettes de sucre pesant chacune
seize kilogrammes.
Ces lois supposées protectrices ne
sont guère respectées. Les écrits[67]
révèlent que la journée de travail de la femme est plus courte que sa durée
légale pour les ouvrières des manufactures d’Etat (allumettes et tabacs) et
pour les ouvrières très qualifiées (typographes). Elle tend à se rapprocher de
la durée légale dans les grandes manufactures suite à la loi du 30 mars 1900
qui uniformise cette durée quelque soit le sexe de l’ouvrier. Toutefois la
journée de travail est plus longue que le maximum légal dans les petits
ateliers et sans limites s’agissant du travail à domicile.
Mary Lynn Stewart assimile cette loi
à une longue liste de dispenses : « Des exemptions furent accordées
aux industries qui recouraient au travail féminin bon marché ; elles ont accéléré
le déplacement des femmes vers des secteurs non réglementés, accentué leur ruée
vers les industries les moins avancées. L’application de la loi renforça ces
effets. Les inspecteurs appliquèrent la loi à la lettre pour les métiers
masculins, mais fermèrent les yeux sur les infractions liées aux postes
féminins. En bref, une législation du travail en relation avec le
sexe du travailleur sanctionne et
renforce l’affectation des femmes à des postes moins bien payés et secondaires
sur le marché du travail.
La seule véritable protection
sociale qui a lieu concerne le congé de maternité[68],
concept défendu dès 1886 par Albert de Mun mais qui n’aura pas d’échos avant
1892 du fait de l’opposition des
libéraux. Paul Lafargue, député du Parti ouvrier français dépose une
proposition de loi visant l’instauration de congés de maternité pour les
travailleuses françaises. D’après cette politique, la femme se voit payer un
salaire journalier à partir du quatrième mois de grossesse et ce jusqu’à la fin
de la première année de l’enfant. Se pose alors le problème du financement
d’une telle mesure. Question à laquelle Lafargue répond par une taxation des
employeurs pour payer l’accouchement, contribution à la « fonction
sociale » de la femme.
Les
données du débat sont modifiées lors de l’élection de Paul Strauss au Sénat en
1897. Fervent militant contre la mortalité infantile, il axe sa campagne sur le
péril national que constitue la dépopulation, « l’avenir de la
race », et établit un parallèle entre le service armé et le service de la
maternité. Il ne s’agit alors pas d’indemniser les femmes en couches sur la
base du salaire mais d’assister temporairement les femmes avant que le système
ne soit relayé par le cadre de l’assurance.
Les femmes ont toujours travaillé[69].
Le
travail productif étant seul consacré, les études historiques et recensements
effectués ne portent que sur le travail des femmes salariées.
Jusqu’à la fin du XIX ème siècle, la
France est un pays somme toute à dominante agricole : soixante-dix pour
cent de la population active est issue de ce domaine, soit en qualité de
propriétaires, soit en qualité de salariés ou domestiques. Le travail à
domicile constitue également une source de revenu complémentaire qu’apporte la
femme, ainsi non contrainte à l’éloignement du domicile conjugal ( loin de la
promiscuité de l’usine, d’une autorité extérieure) et surtout à l’éloignement
des tâches parentales et domestiques.
Toutefois, dès le XIX ème siècle,
les femmes travaillent aussi dans l’industrie surtout au sein d’industries
textiles, manufactures d’Etat comme celles du tabac ou des allumettes, mines,
papeteries et autres petites entreprises telles que les 138 000 manufactures et
usines, 82 000 moulins à grains, 20 000 briqueteries et tuileries, concentrés
pour les neuf dixièmes, sur les communes de moins de 5 000 habitants.
Leur présence dans le monde du
travail n’est pas seulement significative comme en témoignent les gravures,
dessins et photographies : en 1861, elles sont 1,6 million à travailler
dans l’industrie contre un million en 1836. D’autres, emploient leurs forces à
la boutique de leur conjoint (0,7 million en 1836 et 1,1 million en 1861), sont
domestiques (600 000 femmes au milieu du XIX ème siècle), ou commerçantes dans
des grands magasins comme le Bon Marché (1852) ou quelques rares exercent leur
métier dans un bureau.
Les femmes ont de tout temps été des
agricultrices, à tout le moins, pour le compte de leur propre foyer.
L’agriculture, conformément à
l’article 2 de la loi du 2 novembre 1892 est un cas de non applicabilité de
cette législation soit disant protectrice des femmes. Or, elles sont en 1821,
trois millions de femmes dans l’agriculture, propriétaires ou salariées soit
plus de 60 % de la population féminine.
Outre la terre et les animaux, la
plupart des exploitations sont en fait des fermes-ateliers, où la cellule
familiale travaille, dès le XVIII ème siècle, les tissus, les bois, les métaux
pour le compte des marchands-fabricants des villes.
D’exploitation, il en est question.
Mais celle-ci est légitimée par le fait qu’elle est l’œuvre de l’époux.
Largement en dessous des tarifs
pratiqués dans les ateliers urbains, ce métier ne nécessite aucun
investissement en locaux ou en matériel, cette population éparse ne participe
pas aux mouvements sociaux et fait preuve d’une totale flexibilité quant à
l’organisation de leur temps de travail.
Le
travail du textile à domicile, c’est aussi le tissage de la laine, du coton, du
chanvre, le bobinage[70]
et le raccoutrage[71].
A
côté de ce travail rural, les femmes dont les portes de l’usine étaient fermées
au début du XIX ème siècle, travaillent à domicile pour pouvoir subvenir aux
besoins de la famille qui ne ressortissent pas à la terre.
L’exclusion des ateliers familiaux
du champ d’application des lois protectrices engendre la multiplication de la
sous-traitance à domicile et la surexploitation concomitante des femmes.
Ces métiers sont ceux de la
préindustrialisation, supposés disparaître par l’accroissement de la
productivité en usine via l’organisation scientifique du travail, ils n’ont
subi en fait qu’une modification par l’apport du progrès technique (électricité
et machine à coudre). Ainsi, le métier à tisser s’est modernisé en particulier
pour les tissages de tissus précieux comme la soie.
Les passements sont directement et
spécialement achetés par les femmes, puis durant l’opération du tissage, leurs
tâches se situent à tous les stades préparatoires : ourdisseuses, elles
confectionnent la chaîne (travail très minutieux), font les canettes, finissent
les rubans bref, elles interviennent dans toutes tâches pourvu qu ’elle
soit secondaire.
Lors de la « mise en
train », elles aident à l’installation de la trame sur le métier et
surveillent leurs filles. A partir des années 1890, l’électrification des
métiers dispense du recours aux ouvriers, jusqu’alors chargés d’actionner
manuellement le métier. Une partie des hommes quittent alors le métier pour
l’usine et les mines voisines.
Le recours aux hommes du fait de
leur force n’est donc plus d’actualité, les femmes reprennent en nombre la
machine à tisser et les prix baissent. La loi de l’offre et de la demande
n’étant pas bien assimilée par les syndicats[73],
ceux-ci protestent par mouvements contre le travail des femmes.
A côté de ce métier à tisser se
trouve la machine à coudre révolutionnée au milieu du XIX ème siècle par la
firme américaine Singer qui innove avec une machine à piquer, dite
« familiale » pour les coutures droites et courbes, munie d’un
pied-de-biche souple pour maintenir le tissu et sur laquelle le tissu avance à
l’aide d’une roue verticale tournant sur le plan de travail. Les machines à
coudre surfilent, cousent les boutons ou les boutonnières.
La productivité augmente : la
couseuse fait vingt-cinq à trente points par minute alors que la machine en
fait deux cents puis mille jusqu’à huit milles. Soumises à des impératifs de
production, elles demeurent faiblement rémunérées : se système est alors
qualifié de « sweating system ».
Outre les vêtements, cet apport
industriel[74] touche le
domaine de l’assemblage de la ganterie, la chapellerie, la cordonnerie.
Bien que les ouvriers de la
confection soient des couturiers (1677 hommes en Meurthe et Moselle au 1er
avril 1883) et couturières (2034 femmes en Meurthe et Moselle au 1er
avril 1883), ce sont principalement les femmes qui sont visées par les
publicités des machines à coudre, chères mais vendues à crédit. Ce moyen de
payement facilite leur achat même dans les régions les plus reculées.
L’arrivée massive de ces machines
conduit à un accroissement notable de la production industrielle à domicile. Le
Bon Marché, la Belle Jardinière, la Samaritaine, le Printemps ou les
Galeries Lafayette ne fonctionnent longtemps que grâce à ce travail à
domicile (montage) couplé avec le travail en grands ateliers (pour la coupe et
le repassage).
Personne ne se soucie alors de
l’interdiction du travail de nuit ou les quinze heures passées devant la
machine puisque de toute façon le travail à domicile n’est pas concerné par la
loi de 1892. L’essentiel est la flexibilité et la disponibilité de ces
ouvrières, qui profitent des mortes saisons : six mois par an pour les
fleurs artificielles, quatre mois dans la tapisserie et la confection pour
dames, trois mois pour les giletières de la confection pour hommes.
La seule inquiétude sur la travail
de ces femmes porte sur les conséquences physiques des mouvements répétitifs
réalisés. Pertes blanches, aménorrhées, stérilité, l’Académie des sciences
incrimine[75] le
mouvement des jambes lié aux pédales. D’ailleurs, en 1893 est promulgué un
décret qui interdit l’usage de machines à coudre à pédales aux femmes de moins
de 16 ans, ce qui accélère l’électrification des machines.
A Nancy, au XIX ème siècle, s’érige
un mouvement contestataire important contre l’exploitation du travail des
femmes. Exploitation car le niveau de leur salaires[76]
est largement injustifié objectivement, et surtout s’agissant des travailleuses
à domicile. L’Office du travail de Nancy s’est alors livré à une enquête sur
les conditions de travail de ces femmes. S’organisent alors des ligues sociales
d’acheteurs[77], des
syndicats féminins. Or, le nombre de ces travailleuses dans la région est
considérable, l’industrie textile, de la lingerie à la broderie prédominent. A
elle seule, l’industrie de la broderie regroupe en Meurthe et Moselle au moins
vingt milles ouvrières dont leurs particulières compétences les assimilent à de
véritables artistes. D’ailleurs, ce qui témoigne de la valeur de leur travail,
c’est à Nancy que les grandes maisons d’exportation appelés les Grands Magasins
de Paris tels que le Louvre, le Bon Marché viennent
s’approvisionner, envoûtés par la beauté, le raffinement des dessins et la
finesse de leur exécution. Au delà de l’industrie du vêtement, il s’agit aussi
de la lingerie (chemises, taies d’oreillers, pantalons), la chapellerie, les
industries de confection (corsages, jupes, vestons, vareuses), les fabriques de
chaussures et de cartonnage pour boîtes de chaussures qui emploient une très
grande partie de ces femmes travailleuses à domicile de tout temps ou victimes
du chômage dans les usines et manufactures, elles deviennent temporairement
couturières pour ainsi survivre.
D’une façon très surprenante, on
retrouve souvent des épouses de contre-maîtres et d’autres milieux user de ce
métier pour constituer un salaire d’appoint.
Toute
cette offre de main d’œuvre participe plus que de raison à la chute
vertigineuse des salaires, sans compter les prélèvements des intermédiaires.
Le groupe féminin nommé le
« Sillon lorrain » s’active pour améliorer la condition des ouvrières
nancéennes de l’aiguille. Recrutées dans toutes les classes sociales, il se
compose principalement d’ouvrières qui se réunissent[78]
plusieurs fois par semaine pour s’instruire et travailler ensemble. De fil en aiguille,
les sujets d’études varient de simples lectures à l’élucidation et à la
discussion sur des questions économiques visant les ouvrières, en passant par
des initiations particulières des jeunes recrues aux œuvres de l’aiguille par
ces dames sillonistes. Les arts d’agrément tels que le solfège et la musique
sont partagés : on travaille en chantant.
Elles enquêtent aussi sur les
conditions misérables dans lesquelles vivent leurs consœurs, une conclusion est
rapidement tirée malgré la peur de la plupart de témoigner : à Nancy, le
coût de la vie augmente comme ailleurs et son niveau s’apparente à celui de
Paris, les loyers sont élevés[79],
le salaire moyen[80] pour une
journée de dix à douze heures de travail est d’environ 1,50 francs sans compter
les périodes de chômage. Bref, leurs revenus ne dépassent pas quatre cents
francs par an. Il en va différemment de certaines ouvrières comme celles qui
confectionnent des chemises de femmes piquées à la machine ou des pantalons
qui, perçoivent 0,75 à un franc par jour pour le même temps de travail. Celles
qui créent la dentelle renaissance ne gagnent pas davantage c’est-à-dire deux
cents francs par an. Or, on estime qu’une femme qui veut subvenir seule à ses
besoins doit dépenser à Nancy environ deux francs par jour soit une balance des
paiements qui révèle un déficit de 0,50 francs par jour parfois plus de un
franc!
Ces chiffres sont parmi les plus bas
relevés en France ou à l’étranger.
Ainsi, ces femmes souvent malades
travaillent dans des conditions hygiéniques déplorables, comme cette mère de
famille tuberculeuse qui fabrique des cornets de bonbons, semeurs de contagion
parmi les enfants et qui perçoit pour cette tâche moins de 0,15 francs par
heure.
Toutefois très peu de protestations
purement féminines dans ce milieu où règnent l’inconscience, la résignation, le
surmenage et l’épuisement. La plupart du temps, elles ne se rendent même pas
compte de la valeur de leur travail ; « des ouvrières en confection
qui sont de véritables créatrices, qui inventent des types de corsage et en
produisent sans cesse des nouveaux »[81].
Outre l’objectif de constatation de
l’état de fait, le Sillon lorrain a cherché des solutions notamment
sensibiliser l’opinion publique (ouvrières, patrons et consommateurs). Pour ce
faire, les membres du groupement ont organisé une exposition pendant plusieurs
jours dans un magasin de la ville loué à cet effet, des objets confectionnés
par les ouvrières en question. Des échantillons de la plupart des produits du
travail féminin à domicile avaient été réunies : vareuses, pantalons,
pèlerines, casquettes, lingerie, dentelles, robes d’enfants, jupes, robes,
corsages, lainages, couvertures, brassières… Sur chaque objet une étiquette
indique le temps nécessaire à sa confection et le salaire versé à l’ouvrière.
Sur les murs, des
inscriptions : « Une femme qui doit se suffire peut-elle vivre à
moins de deux francs par jour ? Une femme peut-elle travailler plus de dix
heures par jour sans porter atteinte à sa famille et à sa santé ? »….
Tous les visiteurs se voient
distribuer copie de quelques couplets de la célèbre chanson de « La
chemise »[82] de Thomas
Hood. Le succès de cette exposition et de la conférence de Marc Sangnier sur
« celles qu’on oublie » est fulgurant.
Travaillant soit à domicile soit au
domicile de leur employeur, les femmes sont aussi des nourrices.
La collectivité refuse la prise en
charge des jeunes enfants. Or pour les femmes qui souhaitent travailler les
solutions sont peu nombreuses : quelques rares places dans les crèches
publiques et le placement en nourrice.
Plusieurs sens sont attachés au mot
« nourrice ». En effet, il existe les mères nourricières de son lait
pour un enfant qui n’est pas le sien, mais aussi les nourrices sèches qui
gardent des enfants sevrés ou non.
Jusqu’au dernier quart du XIX ème
siècle, coexistaient plusieurs modes de garde, soit par la mère soit par la
nourrice, laquelle pouvait travailler au domicile des parents (« sur
lieu ») ou chez elle (« hors lieu »).
Avant la découverte de la
pasteurisation, le moyen le plus sûr est l’allaitement. Or, les traités,
encyclopédies ou livres médicaux adressés aux notables leur conseillent le
recours à la nourrice pour s’affranchir des inconvénients sociaux et matériels
de la maternité : étaient proscrites à la mère nourricière toutes
relations sexuelles pour ne pas gâter le lait, mais également la lecture, la
musique ou toute activité intellectuelle. Qui plus est, comme l’écrivaient des
médecins « les femmes de la classe riche ne sont pas toutes aptes à
nourrir ».[83]
Les nourrices dites « sur
lieu » sont un phénomène du XIX ème siècle corrélativement au changement
de statut de l’enfant et de la mère, et de la lutte contre la mortalité
infantile. Les conditions de travail[84]
de celles-ci sont difficiles puisqu’elles doivent se séparer de leur
propre enfant.
La loi Roussel en 1874 tente d’y remédier en
interdisant aux mères de quitter l’enfant avant ses sept mois, à moins qu’il ne
soit pris en charge par une autre femme.
Les parents préfèrent les femmes de
la campagne, réputées plus robustes ainsi que les brunes. Si sont récusées les
primipares, trop inexpérimentées, trente cinq ans semble être un âge maximum. A
Paris, dans les années 1880, vingt milles enfants ont une nourrice à domicile,
payée trois à quatre fois plus qu’une ouvrière. Elles sont enviées des
domestiques du fait de leur condition de vie : elles dorment dans la
chambre claire et bien aérée de l’enfant, mangent parfois à la table des
maîtres le morceau le meilleur qui lui est réservé en cuisine. Au delà,
diverses gratifications lui sont octroyées : les étrennes, la première
dent, les premiers pas et à partir des années 1880 lui est confectionné un
costume ostentatoire, symbole de la richesse[85]
de ses maîtres (souliers, grandes capes, dentelles et longs rubans pour les
promenades dans les jardins publics).
Côtoyant les nourrices, les
domestiques ont des conditions de travail et de vie plus rudimentaires.
6 000 domestiques
(1320 à Nancy) sont recensés en 1851,
786 000 quelques
années plus tard.
Au XIX ème siècle, on dit des bonnes
qu’elles sont « placées », soit par des contacts avec des bourgeois
en villégiature, soit par des paysans ayant migrés, soit par des bureaux de
placement publics ou privés[86].
Contrairement à la condition de la
nourrice, la situation des bonnes n’a rien d’enviable. Leur journée commence à
six heures du matin pour se terminer vers dix heures le soir. La législation du
travail ne s’applique pas aux domestiques, ni pour la limitation journalière,
ni pour le repos hebdomadaire : la domesticité relève du domaine privé.
Les patrons accordent ou non le dimanche après-midi, pendant leurs vacances le
contrat de louage est automatiquement suspendu et ne donne pas lieu à
rémunération. Leur rémunération inclut la nourriture, le blanchissage, les
vêtements démodés de la patronne et le logement sous les toits.
Lors
du Congrès international de la condition et des droits des femmes en 1900 est
émis le vœu de faire bénéficier les domestiques des conditions de repos et
d’hygiène des employées et ouvrières.
La nature des tâches dévolues à la
domestique dépend intrinsèquement du statut social et de l’activité de la
famille : fille de ferme, fille de boutique, domestique des grandes
maisons ou bonne à tout faire des ménages petits-bourgeois.
Très souvent aux ordres de
maîtresses exigeantes et autoritaires, elles cumulent de fait les rôles de
femme de chambre, cuisinière, bonne d’enfants. Leurs tâches sont accompagnées
du manque de confort et d’eau courante, les cuisines sont petites, mal aérées
et surchargées de tentures, tapis, meubles à entretenir.
Bénéficiant d’une meilleure image,
le service domestique est préféré aux emplois industriels car il serait plus
respectable et inculquerait une formation ménagère. Qui plus est, elles
seraient tout de même mieux payées que les ouvrières et cet emploi ne
constituerait qu’une passerelle vers une mobilité sociale appuyée sur des
économies (les témoignages sont rares) ou sur le mariage. La plupart des domestiques
épousent des hommes de position sociale supérieure à celle de leur famille
d’origine tels des boutiquiers ou artisans.
Toutefois, un écueil surgit. Les
manières et aspirations développées au contact de ces classes supérieures
constituent les facteurs principaux de leur vulnérabilité sexuelle. Plus que
d’autres, elles sont exposées au risque de la séduction ce qui conduit la
majorité d’entre elles à devenir mères seules ou concubines quand elles ne
subissent pas, dans les chambres de bonne des étages, les ardeurs de leur
maître ou hommes qu’elles côtoient.
La bourgeoisie n’est pas la seule à
profiter de ces bonnes, exploitées aussi dans les campagnes, cafés, hôtels,
chez les commerçants, artisans où elles aident à la boutique et à la
comptabilité.
Sortant de la sphère familiale et
domestique, la femme suit les chemins de l’usine, à l’heure de la Révolution
Industrielle.
Section 2 : Les femmes
à l’usine, l’ère industrielle
Au delà de la séparation entre la
mère et son enfant, ce qui gêne le plus les hommes c’est la potentielle
émancipation de la femme grâce au salariat (travail hors de chez soi) et à sa
contre-partie pécuniaire.
Malgré quelques idées préconçues,
les femmes n’ont pas attendue l’industrialisation pour travailler en tant que
fileuses, couturières, ouvrières des usines de tabac ou des brasseries. Le
débat se cristallise toutefois sur la légitimité de ce travail devenu
industriel, au rythme de la productivité, des horaires figés par des sifflets
ou sirènes et d’une mixité ambiante. Comment les femmes pourraient-elles
cumuler activité productive et activité reproductive ? Comment les
protéger de toute la promiscuité et l’immoralité régnante ?
Selon Jules Simon « une femme
qui se met à travailler n’est plus une femme ». Bien heureusement pour
elles, ce n’est pas l’avis de tout le monde : « Par des instructions
sagement combinées, on peut répandre chez le sexe faible des connaissances et
des talents qui créeront la concurrence avantageuse entre le travail de l’homme
et celui de la femme »[87].
A partir de 1871, la ville de Nancy
connaît un essor industriel intense : exploitation sidérurgique du bassin
de Nancy, développement de l’industrie lourde par la mise au point du procédé
Thomas[88],
impulsion de l’industrie chimique via l’exploitation du procédé Solvay[89]
à Dombasle.
Le textile est le premier secteur
concerné par la féminisation du travail industriel.
Elles
utilisent diverses matières premières.
Présentes[90]
partout mais surtout dans les emplois peu qualifiés, à chaque étape de la
modernisation industrielle : dans les industries textiles (mais aussi dans
les mines, dans les usines métallurgiques, au sein de fabriques de céramique)
dès le XVIII ème siècle avec l’arrivée de la vapeur[91]
puis dans les autres domaines au rythme de la mécanisation, de l’électricité et
de la maîtrise des métaux composés qui mettent en exergue un manque de
personnel. Les femmes deviennent alors les servantes interchangeables des
machines, dans des tâches décomposées et simplifiées, répétitives et monotones.
Les premières grandes entreprises
sont celles des filatures[92]
de laine et de coton dont le travail est facilité par les nouvelles énergies
que sont la machine à vapeur puis l’électricité dans le troisième quart du XIX
ème siècle. A Nancy, ce sont ces usines de filatures et de tissage qui
engendrent des heures supplémentaires.
En
Meurthe et Moselle au 1er avril 1883, ce sont 3180 ateliers
embauchant 4319 femmes contre 25 935 hommes.
La laine utilisée en Lorraine
provient en grande partie de productions environnantes. Celle de la Meurthe est
de « bonne qualité ordinaire », celle de la Lorraine allemande de
« qualité plus commune », celle d’Allemagne est une laine « lourde,
chargée et d’un mauvais rendement de fabrication ». Elles sont mêlées aux
laines françaises[93].
Une
nouvelle répartition des tâches s’opère : aux hommes sont attribués la
préparation, l’entretien, la réparation des métiers, aux femmes sont réservés
la place devant les métiers, le rattachement des fils cassés, la surveillance
des navettes et le pliage des tissus. Le peignage regroupe entre 1 200 et 1 800
salariées qui lavent la laine brute, la trient, la travaillent et la filent. Le
triage est le seul métier qualifié.
Cette division du travail entre les
sexes est variable[94] :
dans le tissage, les femmes et les enfants sont les auxiliaires du chef de
famille, dans la fabrication de dentelle, l’activité ne concerne que des
femmes. Une chose est sûre, en tous domaines, le travail des femmes est
inéluctable et nécessaire au bon fonctionnement de l’atelier ou du commerce.
L’industrie de Nancy manie peu de
laines fines. Les réponses opposées à un questionnaire de 1824 révèlent
l’ambition d’amélioration de la qualité de la draperie ; bien que l’une
estime qu’ « on en trouve assez sur place », l’autre affirme que
« la qualité de nos laines s’est généralement améliorée ; mais elle
est bien insuffisante à nos besoins ».
Dans les années 1840, la laine subit
la baisse des prix. Pour contrecarrer ce phénomène, les éleveurs se dirigent
vers la fabrication de la viande de boucherie, ce qui améliore considérablement
la laine pour le peignage. Le problème est que ce type de fabrication
« n’existe pas dans nos contrées »[95].
La Chambre consultative demande donc en 1843 la création d’une foire aux laines
qui permettrait aux Lorrains de vendre leur laine et d’en acheter conformément
aux besoins et productions particulières de chacun. Loin des résultats
escomptés, les foires sont de moins en moins fréquentées, quasiment abandonnées
en 1847.
L’industrie de la laine alimente
dans la région de Nancy des filatures et des fabriques de bonneterie mais
surtout des manufactures de drap et leurs annexes que sont les filatures.
En 1815, ces dernières sont au nombre de
sept, employant 260 ouvriers. Elles ont surtout la fonction d’engendrer du
travail à domicile à côté du roulement d’ateliers. Beaucoup travaillent pour
leur propre compte vendant leurs filés ou de la bonneterie.
En
tant qu’usines , elles ne sont que deux à Nancy ou plus exactement dirigées par
des industriels nancéens mais implantées à Tomblaine et à Saint Nicolas de
Port.
La production nancéenne de draperie,
essentiellement des draps de troupe, est vendue dans tout l’Empire, mais aussi
en Suisse, en Allemagne et en Italie puis la situation évolue (réduction de
l’armée) et la marché aussi ; en 1830, il n’y a plus à Nancy que douze
fabriques en activité.
Les métiers du vêtement vivent
l’industrialisation mais de façon très hiérarchisée : les
« trotteuses » font les courses et autres corvées tandis que les
« premières », hautement qualifiées et estimées, partagent avec la
patronne le « déjeuner à la fourchette ». Les autres ouvrières se
contentent d’un morceau de pain et de bouillon. Toutefois, le dîner est pris en
commun avant de reprendre, la plupart du temps, le travail jusqu’à minuit. Les
ouvrières quittent la table après les légumes tandis que les premières
savourent le dessert.
Dans la couture, la journée débute à
neuf heures du matin et se poursuit jusqu’à onze heures du soir ou minuit. Les
saisons se déroulent de mars à mai et de septembre à janvier.
Vers
1850, le nombre des ouvriers de l’industrie cotonnière de la région de Nancy
n’atteint pas mille (hommes, femmes et enfants). Cependant c’est une telle
entreprise qui est la plus importante à Nancy et la première du département
après les verreries et salines.
Le
tissage ne survit que très peu à l’industrialisation, les machines sont
coûteuses pour les petites et moyennes entreprises, le cardage et la
fabrication d’ouate a alors plus de succès.
Dans
l’indiennage, l’impression des tissus de coton, les femmes sont pinceleuses ou
pinceauteuses[96],
picoteuses. Ce travail de longue haleine n’est pas qualifié, il demeure
minutieux, toxique mais n’est effectué que par des femmes (contrairement aux
dispositions de la loi du 2 novembre 1892 qui prohibent le travail des femmes
dans les établissements utilisant du sulfure d’arsenic). Dans certains ateliers,
elles sont même plusieurs centaines de pinceauteuses !
Introduite à Nancy en 1800, la
broderie au plumetis ne connaît pas un succès fulgurant les premières années.
Les femmes sont réticentes à s’aventurer dans un apprentissage aussi long et
délicat car évolutif au gré de la mode. Le négociant Chenut y croit et ouvre un
atelier à Nancy, en 1810 un dépôt à Paris. Il étend alors sa clientèle dans
toute la France mais encore en Hollande en Allemagne et surtout en
Angleterre : les ouvrières Lorraines sont de plus en plus nombreuses à
s’atteler à la tâche pour que les Anglo-saxonnes soient à la dernière mode de
Paris.
Trois en 1815 (deux milles femmes) à
Nancy, les broderies sont au nombre de trente deux en 1826 et emploient dix
milles brodeuses. Les broderies de la région participent aux expositions
nationales et remportent des prix.
La main d’œuvre exclusivement
féminine travaille essentiellement à domicile pour un salaire d’appoint par le
biais de commissionnaires ou d’entrepreneurs, intermédiaires entre l’ouvrière
et le fabricant. Il opère finissage, assemblage, blanchissage, apprêt et vente
en gros, demi-gros ou détail.
En 1850, la broderie est une
tradition[97] en même
temps qu’un élément important de la vie économique de Nancy.
Les femmes travaillent également
dans le secteur alimentaire.
Elles représentent la seconde
activité dominante à Nancy, surtout les vermicelleries et brasseries.
Le blé est produit dans plusieurs
régions de la Meurthe (le Saintois surtout) et dans la Moselle. A Nancy, se
situent des moulins au lieu-dit « Les Grands Moulins » et à hauteur
du ruisseau de Saint-Thiébaut, amidonneries et vermicelleries.
La première industrie équipée d’une
machine à vapeur à Nancy est une fabrique de pâtes en 1810.
Les huileries à Nancy (une dizaine
en 1830) sont encore de fabrication artisanale à base de navette, colza et
chènevis et destinées à un usage industriel. On trouve aussi des fabriques de
liqueurs et de confitures, des féculeries et sucreries.
Mais
le textile n’est pas le seul secteur proprement féminin, elles sont aussi
employées dans les fabriques de chaussures à très bas prix, dans les fabriques
de chandelles acceptant les tâches que refusent les hommes. Robert Gubbels[98]
cite ces femmes qui travaillent dans les sucreries et sont amenées à décharger
la nuit les betteraves « parce-qu’elles résistent mieux que les hommes à
la saleté et au froid ».
Elles sont cependant exclues
formellement parmi les compositeurs et imprimeurs. Un article du règlement de
la société typographique interdit le travail des femmes dans l’imprimerie
« pour des raisons économiques, financières[99]
et morales ». Des heurts se produisent fréquemment, les plus graves ont
lieu à Nancy chez Berger-Levrault, hommes et femmes se battent physiquement à
la Bourse du travail à Paris.
L’entreprise Polton fabrique à Nancy
sous la Restauration du bleu de Prusse (la loi du 2 novembre 1892 interdit le
travail des femmes dans une usine utilisant un tel produit) pour les papeteries
des Vosges[100]. Les
résidus sont utilisés pour la teinture et le traitement des tissus où la
présence féminine est des plus importantes.
Juridiquement encadrée, l’activité
industrielle féminine n’en offre pas moins un spectacle affligeant.
A
Lunéville, le sous-préfet répond[101]
à la Commission d’enquête parlementaire sur les conditions de travail en France[102]
que les femmes dans son arrondissement travaillent aux industries de broderie,
ganterie, ce qui les empêche de se mettre ensuite aisément aux travaux des
champs. Pour lui, « cet état de choses est préjudiciable à la moralité et
au développement physique chez les femmes ».
La
mécanisation croissante et la peur des révoltes ouvrières urbaines à l’image de
celle de Lyon dans les années 1830 ainsi que la crainte de la promiscuité
aboutit à un enfermement proche des usines-couvents. Ces ouvrières sont
internes au mois ou à la semaine, encadrées par des religieuses. Le besoin de
la pratique donne naissance à des congrégations de ce type.
A
Nancy, se constitue sous la protection de l’évêque Monseigneur Joseph, la
Société de Persévérance de Notre Dame de Sion (La persévérance)[103]
dont le but est de « contribuer au bien moral et religieux des ouvrières
de Nancy, en les protégeant contre les dangers qui les entourent, et en les
aidant à persévérer dans les devoirs de la vie chrétienne, de leur venir en
aide lorsqu’elles sont malades, en leur procurant gratuitement les soins du
médecin, les remèdes… t en outre une indemnité pour chaque jour de
maladie ».
Placées
sous la surveillance de dames patronnesses et de sœurs de charité, ne sont
admises que les ouvrières non mariées entre 16 et 35 ans domiciliées à Nancy.
Outre
cette organisation à vocation sociale et morale voire religieuse se crée
l’Oeuvre de placement des jeunes filles ouvrières à Nancy. Fondée en 1897 par
Monseigneur Turinaz, ce groupement veille à procurer du travail aux femmes
honnêtes et laborieuses en faisant se rencontrer, après un contrôle sévère[104],
les offres sûres et les demandes d’emploi recommandables. Elle s’occupe
essentiellement des ouvrières à domicile (au domicile du particulier), des
employées de magasin ou d’atelier, des institutrices ou dames de compagnie pour
un établissement ou une famille[105].
En
vue de faciliter le placement lointain des protégées et surtout des
institutrices, l’Oeuvre de placement adhère à l’Oeuvre Internationale
Catholique de la Protection de la Jeune Fille dont la sphère d’action s’étend à
tous les pays[106] ayant des
organisations charitables gérant les femmes qui travaillent.
Au
début, leur rémunération, fruit de leur travail à l’usine est uniquement
constitué du logement et de la nourriture. Leurs contrats prévoient que le
départ volontaire ou le renvoi fait perdre tout droit au salaire. En outre le
règlement prévoit que toute la semaine, il est interdit de parler à l’atelier,
au réfectoire et au parloir, pendant les récréations, elles ne peuvent ni
courir, ni crier. Leur emploi du temps est strict et chargé :
-
5 heures : lever, prière, café
-
de 6 heures à 8 heures trente : repos et
soupe
-
de 9 heures à midi : travail
-
de midi à midi trente : déjeuner
-
de midi trente à 13 heures : récréation
-
de 13 heures à 16 heures : travail
-
de 16 heures à 16 heures trente : repos et
goûter
-
de 16 heures trente à 19 heures : travail
-
de 19
heures à 19 heures trente : souper
-
de 19 heures trente à 19 heures 45 :
récréation
-
prières et coucher.
L’environnement
des ateliers est propice au développement de nombreuses maladies notamment la
tuberculose. Dans les manufactures de soie, Villermé[107]
contemple malgré lui « les pauvres femmes, qui assises toute la journée,
dans la saison des fortes chaleurs auprès d’un fourneau et d’une bassine d’eau
bouillante, où elles se brûlent les doigts, qu’elles essaient vainement de
rafraîchir en les trempant régulièrement dans l’eau froide ou du vin rouge,
tirent la soie des cocons au milieu des émanations infectes de la chrysalide et
les tourneuses encore plus misérables qui les aident en faisant marcher à bras
leurs dévidoirs devraient être regardées par les médecins comme placées sous
l’influence dangereuse de leur profession. Les premières souffrent de fièvres
putrides, de catarrhes, de congestions humorales dans les organes de la
respiration, d’une espèce de bouffissure du visage, de clous, de panaris, de
tumeurs. »
En
outre l’industrie du coton est favorise le développement de la misère humaine
comme en atteste le rapport[108]
d’un médecin du Manchester, le Docteur Percival, dont les conclusions basées
sur des constatations propres au Lancashire sont transposables en France.
La discipline est amère, toute
occasion est valable pour retenir une faute à l’encontre de l’ouvrière :
ouvrir une fenêtre, se lever au cours du travail, ou être sale, ou laisser
traîner le moindre déchet sur les broches ou les métiers, ou pire, être malade
et n’avoir pas envoyé de remplaçante. Parfois les amendes sont si élevées que
sur un salaire de 30 francs, sont prélevés 26,75 francs à ce titre. Autant dire
que les commis usent et abusent de leur droit de cuissage.
A Nancy, le travail dans les usines
s’effectue entre six et dix-neuf heures sauf pour ce qui est du tissage et
lainage qui débutent une heure plus tôt et ferment à la même heure que les
autres industries. La durée de travail effectif varie entre dix et onze heures
trente par jour. Les repos journaliers sont de une heure trente à deux heures,
en outre les femmes qui ont des travaux ménagers à accomplir peuvent quitter
leur travail à onze heures trente au lieu de douze heures. Bien que les
tissages ne travaillent pas la nuit, il en va différemment pour les filatures
et ce malgré la forte proportion féminine du personnel.
Il leur faut en outre subir une
période d’apprentissage non rémunérées pour acquérir ensuite le droit
d’exécuter des tâches secondaires de pliage, empaquetage, finissage… Malgré
tout, vers les années 1860, le salaire journalier moyen en usine est du double
de celui des travailleuses à domicile.
La grande atelière (la Manufacture
de tabacs) et l’imprimerie Berger-Levrault recrutent leurs ouvrières jusqu’à
Champigneulles, commune située à trois kilomètres de Nancy.
La Compagnie de l’Est,
sur certificat de l’industriel, consent un abonnement moyennant un franc par
semaine.
Les congrès ouvriers sont imprégnés
de la pensée proudhonienne sur l’infériorité féminine et la défense des rôles
de chacun : l’homme à l’usine, la femme au foyer. Le Congrès National
Ouvrier tenu à Marseille en 1879 consacre neuf rapports soit un dixième du
compte-rendu à la question de la femme. S’exprime toutes sortes
d’opinions :
-
la faiblesse naturelle de la femme et son rôle dans la perpétuation et la
sauvegarde de la race ;
-
l’importance de la famille pour l’ouvrier ;
-
la résistance à l’entrée des femmes dans le salariat industriel et la
préférence pour le travail à domicile ;
-
l’aspiration à ce que le salaire de l’homme suffise à faire vivre sa famille.
Les
militants ouvriers de la III ème République expriment l’idée que « c’est
le travail même à l’atelier qui produit l’infériorité de la femme, c’est
l’atelier qui est le lieu de l’oppression spécifique, économique mais surtout
corporelle et sexuelle »[109].
Hubertine Auclert, représentante de
la Société Le Droit des Femmes et celle des Travailleuses de
Belleville insiste sur l’indépendance économique des femmes en tant que
question de dignité et l’égalité économique et politique en tant que
légitimation de la lutte des travailleurs contre la domination bourgeoise. Les
prochains Congrès Nationaux Ouvriers élucident la question de la condition de
la femme qui ne reste dès lors discutée que dans les congrès de fédérations
ouvrières.
Le commerce offre quant à lui, de
nombreuses opportunités pour les femmes qui souhaitent travailler.
Tenancières de boutiques ou
vendeuses de grands magasins, le choix n’est qu’embarras.
Curieusement les femmes de
commerçants et d’artisans ne sont pas quantifiées parmi les femmes actives. Au
XIX ème siècle, commerçantes et artisanes se comptent en grand nombre, dans les
campagnes comme dans les villes, dans tous les commerces de l’alimentation, de
la boulangerie à l’épicerie et aux marchandes d’eau, de vin, de fleurs, de
tabac, mais aussi l’artisanat du bois et de l’ameublement, de la plomberie, de
l’habillement, de la cordonnerie ou de la coiffure.
Malgré
leur indispensable présence, l’accès des femmes aux formations est encore
impossible. Dès lors, elles interviennent en qualité d’auxiliaire de leur
conjoint même si elles demeurent seules maître à bord lorsque les époux sont
amenés à se déplacer ou à travailler la nuit.
La
boulangerie est l’exemple le plus flagrant de la totale partition entre les
sexes ; les femmes ne sont jamais au fournil (activité nocturne). Si elles
sont veuves ou patronnes, elles doivent embaucher un homme boulanger pour faire
le pain. En revanche, elles dominent quant à leur présence dans le magasin où
elles vendent les produits, tiennent la caisse et les comptes des clients.
Eu
égard à la quantité d’heures de travail, bien souvent ces femmes sont logées
dans une habitation contiguë à la boulangerie, ce qui permet également de
recruter les enfants de celles-ci.
Rarement
artisanes puisqu’elles n’ont pas l’accès aux formations professionnelles régies
par des corporations masculines, les femmes ont toujours été commerçantes
autonomes ou rattachées à leur mari (dans ce cas, elles reçoivent les clients,
servent et font la comptabilité). Mais à la fin du XIX ème siècle apparaissent
des corporations mixtes voire totalement féminines ; les femmes ont alors
librement accès à la maîtrise et forment des apprenties sans pouvoir toutefois
exercer le pouvoir de direction de la corporation.
Certains domaines de la vente sont plus
féminisés que d’autres, il en va ainsi de la mercerie, associée à la confection
où la proportion de femmes est déjà fort représentée, le commerce des fleurs ou
la vente de tabac.
Selon
les recensements, parmi deux millions de patrons de l’industrie et du commerce
en 1866, on dénombre un million de patronnes dont la moitié exercent sans leur
conjoint.
La
modernisation imposée par une distribution massive de l’alimentation via des
préempaquetages vulgarisés par Casino ou Félix Potin à la fin du XIX ème
siècle, conduit les épiciers à vendre des produits anonymes provenant de
fabricants anonymes. Les boutiques sont ainsi des lieux de pesée, d’emballage,
d’étiquetage, de fabrication de certains produits, confitures et café torréfié,
manipulations[110] qui
requièrent l’intervention des membres de la famille, domestiques, apprentis ou
commis (les horaires d’ouverture vont de six à vingt-deux heures).
L’eau
courante non potable permet aux débitantes d’eaux minérales du XIX ème siècle de pulluler.
Sous
surveillance administrative et préfectorale, elles sont aussi herboristes (leur
nombre correspond à la moyenne des actives), à la jonction des métiers de
commerce de bouche et le monde de la santé.
La
législation napoléonienne réserve les débits de tabac aux anciens soldats et
fonctionnaires ainsi qu’à leurs veuves et enfants.
Hormis
ces commerces traditionnels, d’autres voient le jour avec l’urbanisation, ce
sont : les boutiques d’objets comme la vaisselle, la ganterie, la
bijouterie, mais aussi les commerces d’étoffes, de tissus, de mode (ces
commerces sont appelés commerces de nouveauté[111]).
L’idée de la baguenaude et du shopping, de la libre circulation des clientes
entre les rayons fait son apparition. Le Bon Marché[112],
qui a inspiré « au Bonheur des Dames » d’Emile Zola, ouvre en 1869,
puis La Belle Jardinière, Les Galeries Lafayette et emploient
principalement des vendeuses provenant de l’épicerie, de la mercerie, des
boutiques de nouveautés.
Le
recrutement s’effectue à bas salaire avec une part fixe assortie d’un
pourcentage[113] sur les
articles vendus.
Là
aussi, le travail est sexué, les femmes se voient attribuer les rayons de
l’habillement pour femmes et enfants, les tissus et l’entretien de la maison,
les vendeurs quant à eux héritent des rayons de l’équipement, de l’électricité,
du chauffage, de la quincaillerie et de la peinture. Malgré tout, le débauchage[114]
est fréquent du fait des mortes saisons.
Elles
sont aussi charretières, démarcheuses, marchandes ambulantes, blanchisseuses,
tenancières de pension…
A
Nancy, l’œuvre de placement innove et crée une pension de famille pour
employées de commerce dont le loyer s’élève à 50 francs par mois.
Plus
éloignées du mercantilisme, les femmes innovent dans le secteur social.
Par nature altruiste, il paraît
incongru de rémunérer ces activités féminines mais peu à peu ces occupations se
professionnalisent et donnent place à des métiers à part entière.
Un panel de profession s’offrent à
elles.
Sous l’effet de nombreuses
communautés augustines et surtout suite à l’apparition de formes communautaires
nouvelles, les congrégations, l’idée sous-jacente se créé de protéger les
pauvres malades, figures du Christ.
Ces
femmes d’une foi apostolique ne prononcent pas de vœux définitifs et peuvent
quitter la communauté quand elles le désirent.
Dès le milieu du XVIII ème siècle,
apparaissent sur tout le territoire les filles de la Charité[115]puis
les filles de la sagesse, les filles de Nevers.
Dans les années
1830, les municipalités les ont appelés dans les hôpitaux du fait des épidémies
de choléra, la loi de 1893 sur l’assistance médicale gratuite confirme leur
rôle.
Ces fondations ont pour objet la
lutte contre la déchristianisation et la démocratisation de la vie religieuse
(pour se faire elles recrutent essentiellement des filles de classes
populaires).
En 1861, les congrégations féminines
rassemblent 90 000 membres dans 12 000 établissements.
Les
membres de ces organisations particulières agissent dans les hôpitaux mais
aussi par des soins à domicile, surtout dans les régions peu médicalisées. Les
médications sont de leur propre confection ou des pharmacies des hôpitaux
(remèdes à bas prix).
Vingt congrégations de
gardes-malades[116]
sont créées entre 1820 et 1880 parmi lesquelles se dénombrent 3 500 sœurs
réparties dans quatre cents maisons dont les plus connues sont les sœurs du Bon
Secours, les sœurs de l’Espérance, les sœurs de Sainte Marie des Anges, de
l’Assomption, de la Providence, de Saint-Louis, du Cœur Agonisant de Jésus….
Pour assurer une continuité,
l’Assistance Publique de Paris demande l’ouverture des premières écoles
d’infirmières. Sous la responsabilité municipale, elles s’installent dans des
locaux hospitaliers : la Salpetrière et Bicêtre en 1878, la Pitié en 1880,
Lariboisière en 1895.
Cette formation vise
des cours du soir quotidiens de deux niveaux. Le premier revoit les notions
inculquées à l’école primaire (calcul, français) alors que le second niveau est
assuré par des médecins et internes enseignant l’anatomie, la psychologie, les
pansements, l’hygiène, les soins aux femmes en couches ainsi que trois leçons
de petite pharmacie et d’admission. A son terme, les savoirs sont sanctionnés
par un diplôme qui accueille en 1884, quarante trois admises.
Parallèlement, la Croix Rouge assure
des formations plus sommaires[117]
visant en particulier les femmes bénévoles des milieux aisés. En 1899, elle
ouvre un dispensaire, l’Ecole de Plaisance. Le docteur Duchaussoy fonde en 1879,
l’Association des dames de France qui ouvre l’Ecole d’ambulancières et de
gardes-malades dont les cours sont gratuits. Elle sera scindée en 1881 par
l’Union des Femmes de France, sous l’impulsion de Koechlin-Schwartz.
De l’Ancien Régime au XIX ème siècle, des
matrones aux premières sages-femmes, il s’agit là d’une histoire de femmes.
La loi de 1802 sur l’exercice de la
médecine les y intégrait, en définissant leurs pratiques limitées aux
accouchements simples sans usage d’instruments tels que des forceps. La loi
régit aussi la formation obligatoire de celles-ci : un cours
d’accouchement dans l’hospice le plus fréquenté de chaque département, deux
cours au choix et un stage. Le diplôme n’est délivré qu’après un examen oral
sur le théorie et la pratique des accouchements, sur les accidents pouvant
survenir et les moyens de les résoudre.
Entre 1800 et 1850, elles sont 30
000 sages-femmes surtout en milieu urbain, conformément aux grands axes de
circulation. Dans l’arrière-pays, ce sont les congréganistes et matrones qui
officient. Toutefois, l’heure n’est pas à la professionnalisation.
Le
problème de la garde des jeunes enfants dont les mères travaillent n’est pas
une question nouvelle. Les garderies sont encore mal connues alors que les
années 1850 connaissent des mères accaparées par diverses tâches.
Au XIX ème siècle, la distinction
est mal aisée entre garderies et salles d’asile, futures écoles maternelles
dont la première fut créée à Paris en 1826. En 1831, la circulaire
d’application de la loi Guizot sur l’enseignement primaire demande aux préfets
de propager ces écoles. Dès 1836, elles sont financées par les municipalités et
placées sous tutelle de l’Etat qui en nommait les inspecteurs et inspectrices.
Des dames patronnesses contrôlent la tenue des enfants et des locaux,
distribuent vêtements et nourriture, offrent meubles, fourneaux et lavabos,
passent en moyenne cinq fois par mois dans les établissements et s’autorisent
visites et avertissements aux familles.
Ces maîtresses congréganistes ou
laïques assurent le savoir dans ces salles d’asile.
En 1837, une circulaire exige la
présence d’une femme dans l’établissement et en 1855 un décret y prohibe la
présence masculine.
Bien plus occupée que les
enseignantes des écoles primaires, leurs journées oscillent entre dix heures en
hiver et douze heures en été, leurs vacances sont de six semaines (huit pour
lesdites enseignantes). Elles sont logées contre rémunération prélevée sur
leurs salaire (250 francs par an).
Leur formation se prépare jusqu’en
1882 dans une école spéciale, l’Ecole maternelle normale, créée à Paris en
1848.
En 1880, elles sont 55 % dans
l’enseignement primaire. A l’extrême fin du XIX ème siècle, les femmes accèdent
enfin aux professions des bureaux.
Celui-ci n’est envisageable qu’à
partir des années 1880 grâce à l’extension du télégraphe et du téléphone, la
diffusion des machines à écrire et à calculer.
L’Etat développe ses services
notamment la communication et crée en 1889 le Ministère des Postes et
Télécommunications. La baisse des tarifs entraîne concurremment l’augmentation
du trafic, dès lors pour répondre à la demande, des femmes sont embauchées dans
des fonctions très spécifiques : en 1886, 464 femmes sont affectées au
service des télégraphes, en 1899, ce sont 750 d’entre elles qui sont réparties
dans les centraux des grandes villes ou lieux spécialisés comme la Bourse de
Paris.
Or,
traditionnellement dans des services comme la Poste, ce sont des hommes qui
sont commis, ce qui vaudra des protestations agitées entre 1887 et 1893 à
l’arrivée de ces femmes concurrentes ou « voleuses » de place. La
réponse est alors la titularisation des hommes et la création d’un corps
spécial[118] pour les
femmes où toute promotion est impossible, celui des dames employées. Le plus
haut poste pouvant être atteint par une femme est celui de surveillante.
Corrélativement
à l’extension des tâches étatiques se fait ressentir le besoin d’autres femmes
mais qui, cette fois, occupent des postes spécialement conçus pour elles en
termes de salaires[119]
et de carrières.
Dans
les Ministères et autres bureaux se développe une autre profession féminine,
celle de dactylographe[120]
avec comme associée la sténographe.
Pour les universités pionnières du
XIX ème siècle, certaines facultés sont plus faciles à conquérir que d’autres
et d’ailleurs, le droit aux examens y est accordé avant celui d’assister aux
cours ou d’accéder aux bibliothèques. Le motif avancé ? La morale qui
s’oppose au mélange des sexes dans les amphithéâtres et dans le côtoiement des
livres.
En 1884, a lieu la première
inscription d’une femme à la Faculté de Droit de Paris
En 1887, Emma Chenu s’inscrit à la
Faculté de Sciences de Paris
En 1893, la première femme entre à
la Faculté de Pharmacie
Entre 1866 et 1882, on recense trois
licenciées ès sciences, deux ès lettres et vingt docteurs en médecine. Il
faudra attendre 1900 pour qu’une femme prête le serment d’avocat pour la
première foi.
Ainsi, Victor Duruy créé en 1869
l’Ecole Supérieure de Médecine pour jeunes filles qui dispense une formation
théorique et pratique. Seulement ce n’est pas le titre de docteur en médecine
qui est délivré mais un simple Brevet de médecine. Durant leur apprentissage,
il leur est enseigné l’arabe parce-que ledit Brevet ne pouvait avoir qu’une
valeur d’opinion ne conférant aucun droit professionnel en France. Médecins oui
mais pour les patients des colonies.
La
loi du 2 novembre 1892 dont le but clairement affiché, était la protection de
la travailleuse industrielle n’a pas eu en pratique la portée désirée. Non
respectée la plupart du temps au nom des impératifs de la production et du
capitalisme, elle a revêtu un aspect pervers du problème, en ce sens qu’elle a
préjudicié aux femmes en intensifiant la ségrégation sexuelle. A l’origine, le
travail féminin était perçu comme une concurrence faites aux hommes permettant
de faire fluctuer le niveau des salaires : l’industriel a ainsi le choix
entre la main-d’œuvre bon marché et les hommes. L’aménagement des horaires,
l’interdiction du travail de nuit et du travail souterrain eût pour effet de légitimer
les différences de salaire, la division sexuelle du travail, des statuts
différents pour les hommes et pour les femmes.
Les syndicats, quant à eux, sont à
cette époque peu intéressés par le travail des femmes et surtout pas par son
éventuelle défense. Le seul congrès qui en fasse vraiment état est celui de
Marseille en 1879 où la « question de la femme » revient plusieurs
fois. Mais c’est pour reléguer l’activité féminine dans des travaux qui, par
coutume, ne concernent pas les hommes : une ouvrière doit ainsi exercer un
emploi compatible avec sa nature c’est-à-dire les travaux de l’aiguille ou de
façon plus globale l’industrie textile. Toutefois, la Fédération Nationale des
Ouvrières et Ouvriers des Manufactures d’allumettes d’Etat, fondée en 1892
affiche clairement l’objectif d’augmentation des salaires et la suppression du
phosphore blanc, un poison[121]
contenu dans la partie inflammable des allumettes bon marché. Des femmes
témoignent qu’enceintes contre leur gré, elles se font embaucher pour provoquer
une fausse couche. En 1897, après une grève de six semaines, l’Etat qui y
trouvé son intérêt[122],
décide de remplacer le phosphore blanc par du rouge, peu nocif.
Peut-être
le contexte du XIX ème siècle et surtout l’état des mentalités ne permettaient
pas de véritables solutions au travail des femmes, conciliables avec
l’impératif conservatoire de liberté individuelle. Une chose est sûre, les
jalons sont posés et ce sont ces bases qui, mêlées d’autres éléments,
permettront un évolution ultérieure.
Ces
lois sont reproduites dans les recueils de lois au Centre Lorrain d’Histoire du
droit.
-
Décret-loi des 9 et 14 septembre 1848 relatif
aux heures de travail dans les manufactures et usines.
-
Loi des 7 et 15 mars 1850 sur les moyens de
constater les conventions entre patrons et ouvriers, en matière de tissage et
de bobinage.
-
Décret impérial des 20 juillet et 19 août 1853
portant application de la loi du 7 mars 1850 sur le tissage et le bobinage, à
la coupe des velours de coton, ainsi qu’à la teinture, au blanchiment et à
l’apprêt des étoffes.
-
Loi du 19 mai 1874 sur le travail des enfants et
des filles mineures employées dans l’industrie.
-
Loi du 2 novembre 1892 sur le travail des
enfants, des filles mineures et des femmes dans les établissements
industriels.
-
Loi du 30 mars 1900 portant modification de la
loi du 2 novembre 1892.
Les
séries 10 M 27, 10 M 28 et 10 M 29 ne contiennent aucune donnée intéressant le
sujet ici traité.
Les
informations de première main recueillies relèvent des séries suivantes :
-
10 M 9 contenant des procès-verbaux
d’infractions à la législation du travail des enfants et des femmes dans les
départements de l’Aisne, des Ardennes, de la Marne, de Meurthe et Moselle, de
la Meuse et des Vosges (1842-1914).
-
10 M 21 relative à la législation du travail et
plus particulièrement quant aux généralités (livrets d’ouvriers, contrats
d’apprentissage, grèves, durée
du travail….) : application des lois (1880-1891),
infractions (1883-1887). Salaires et conditions de travail des ouvriers
employés dans le département et les communes (1924-1938).
-
10 M 23 concernant la durée du travail :
application des lois relatives à la journée de 12 heures (loi du 9 septembre
1848) et à la journée de 8 heures (loi du 21 avril 1919) (1848-1935).
-
10 M 30 sur les conditions de travail de la
femme.
·
La Persévérance : statuts et
règlement de la société de secours mutuels des jeunes ouvrières de la ville de
Nancy. Nancy. 1876.
Bibliothèque
Municipale de Nancy , cote 800 55 (3).
·
La Persévérance : statuts et
règlement de la société de secours mutuels des jeunes ouvrières de la ville de
Nancy. Nancy. 1898. 19 pages. Bibliothèque
Municipale de Nancy, cote 800 55 (4).
·
Mme DEGLIN. Rapport sur l’œuvre de placement
pour jeunes filles et ouvrières à Nancy. Congrès international des œuvres
catholiques. Paris. 1900. 8 pages. Bibliothèque Municipale de Nancy, cote 80
315 (9).
·
BROCARD (Lucien). Le travail des femmes à
domicile dans la région de Nancy. 1908. Défêt paginé de 353 à 359.
Bibliothèque Municipale de Nancy section fonds lorrain, cote 98 010 (17)
·
COMMUNAUX (Carole). Recherche sur le travail des
enfants au XIX ème siècle. Application dans le département de la Meurthe.
Centre Lorrain d’Histoire du Droit, cote ZM 352 Bis.
·
Encyclopédie BORDAS.
·
« Le dictionnaire historique et
géopolitique du XX ème siècle ». CORDELLIER, Serge. Bibliothèque
Universitaire de Nancy.
·
Colloque de Besançon réalisé le 19 avril
2002 : LA FEMME DANS L’HISTOIRE DU DROIT ET DES IDEES POLITIQUES.
~ Mouvements féministes
et évolutions de la législation sur les droits des femmes en Europe au XIX ème
siècle.
J.L
Halperin, Professeur à l’Université de Bourgogne, Doyen de la Faculté de Droit
de Dijon.
~ La femme ouvrière au
XIX ème siècle.
R.
Bueb, Maître de Conférences à l’Université de Besançon.
·
Sites Internet :
* Site le la
Bibliothèque National de France (BNF) :
http :
//gallica.bnf.fr
* Moteur de recherche équipé d’une encyclopédie :
http :
//www.encyclo.voila.fr
-
BOUQUET (Louis). Le travail des
enfants : des filles mineures et des femmes dans l’industrie :
commentaire de la loi du 2 novembre 1892. 3ème édition. Paris,
Nancy, Berger Levrault. 1893. 524 pages. Bibliothèque Municipale de Nancy, cote
265 053.
-
FOLHEN (Claude) et BEDARIDA (François). Histoire
générale du travail. Nouvelles librairies de France. 403 pages. Centre
Lorrain d’Histoire du Droit de Nancy, cote E 810 (3).
-
Rapport de M. DESPAX. La femme en droit du
travail français. Annales de la Faculté de Droit de Toulouse, Tome XIV,
fasc. 2. 1966. 228 pages. Centre Lorrain d’Histoire du Droit de Nancy, cote F
19.
-
BART (J. ), CLERE (J.-J. ), COURVOISIER (C.-L.
), VERPEAUX (M. ). La Constitution du 4 novembre 1848 : l’ambition
d’une république démocratique. Publication de l’Université de Bourgogne.
1966. 463 pages. Centre Lorrain d’Histoire du Droit de Nancy, cote G 293.
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BARD (Christine). Les femmes dans la société
française au XX ème siècle. Armand Colin 2001. 270 pages. Bibliothèque
Universitaire de la Faculté de Droit de Nancy.
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DUBY (Georges), PERROT (Michelle). Sous la
direction de FRAISSE (Geneviève) et PERROT (Michelle). Histoire des femmes
en Occident – Le XIX ème siècle. Paris, Plon. 627 pages. Médiathèque de
Nancy.
-
SULLEROT (Evelyne). Histoire et sociologie du
travail féminin. Essai. Editions Gonthier, collection Grand Format
Femme. 1968. 395 pages. Bibliothèque Municipale de Nancy, cote 417 619.
-
Comité du travail féminin.
Le travail des femmes en France. Paris, La documentation française,
1973. 95 pages. Bibliothèque Municipale de Nancy, cote 424 881.
-
VOILLARD (Odette). Nancy au XIX ème siècle
1815-1871 une bourgeoisie urbaine. Paris, éditions Ophrys. Association des
Publications près les Universités de Strasbourg. 1978. 391 pages. Possession
privée.
-
CHARLES-ROUX (Edmonde), ZIEGLER (Gilette),
CERATI (Marie), BRUHAT (Jean), GUILBERT (Madeleine), GILLES (Christiane). Les
femmes et le travail du Moyen-âge à nos jours. Milan. Temps actuels, 1981.
220 pages. Médiathèque de Nancy, cote 331.4 FEM.
-
OBSERVATOIRE REGIONAL DE L’EMPLOI, DE LA
FORMATION ET DES QUALIFICATIONS. Femmes actives en Lorraine. Nancy,
2001. 19 pages. Bibliothèque Municipale de Nancy, section fonds lorrain, cote
92 116.
-
BATTAGLIOLA (Françoise). Histoire du travail
des femmes. Paris, La découverte, 2000. 122 pages. Médiathèque de Nancy,
cote 331.4 BAT H.
-
SCHWEITZER (Sylvie). Les femmes ont toujours
travaillé : une histoire de leurs métiers, XIX ème et XX ème siècles.
Paris, O. Jacob, 2002. 288 pages. Médiathèque de Nancy, cote 331.4 SCH F.
Loi
du 2 novembre 1892 sur le travail des enfants, des filles mineures et des
femmes dans l’industrie (extraits)
Art. 1 :
Le travail des enfants, des filles mineures et des femmes dans les usines,
manufactures, mines, minières et carrières, chantiers, ateliers et leurs
dépendances, de quelque nature que ce soit, publics ou privés, laïques ou
religieux, même lorsque ces établissements ont un caractère d’enseignement
professionnel ou de bienfaisance, est soumis aux obligations déterminées par la
loi.
Toutes les dispositions de la
présente loi s’appliquent aux étrangers travaillant dans les établissements
ci-dessus désignés.
Sont exceptés les travaux effectués
dans les établissements où ne sont employés que les membres de la famille sous
l’autorité soit du père, soit de la mère, soit du tuteur.
Néanmoins, si le travail s’y fait à
l’aide de chaudière à vapeur ou de moteur mécanique, ou si l’industrie exercée
est classée au nombre des établissements dangereux ou insalubres, l’inspecteur
aura le droit de prescrire les mesures de sécurité et de salubrité à prendre,
conformément aux articles 12, 13 et 14.
Art. 2 :
(…)
Art. 3 :
(…)
Les jeunes ouvriers ou ouvrières de
seize à dix-huit ans ne peuvent être employés à un travail effectif de plus de
soixante heures par semaine, sans que le travail journalier puisse excéder onze
heures.
Les filles au-dessus de dix-huit ans
et les femmes ne peuvent être employées à un travail effectif de plus de onze
heures par jour.
Les heures de travail ci-dessus
indiquées seront coupées par un ou plusieurs repos dont la durée totale ne
pourra être inférieure à une heure et pendant lesquels le travail sera interdit.
Art. 4 :
Les enfants âgés de moins de dix-huit ans, les filles mineures et les femmes ne
peuvent être employés à aucun travail de nuit dans les établissements énumérés
à l’article premier.
Tout travail entre neuf heures du
soir et cinq heures du matin est considéré comme travail de nuit ;
toutefois, le travail sera autorisé de quatre heures du matin à dix heures du
soir quand il sera réparti entre deux postes d’ouvriers ne travaillant pas plus
de neuf heures chacun.
Le travail de chaque équipe sera coupé
par un repos d’une heure au moins.
Il sera accordé, pour les femmes et
les filles âgées de plus de dix-huit ans, à certaines industries qui seront
déterminées par un règlement d’administration publique et dans les conditions
d’application qui seront précisées dans ledit règlement, la faculté de
prolonger le travail jusqu’à onze heures du soir, à certaines époques de
l’année, pendant une durée totale qui ne dépassera pas soixante jours. En aucun
cas, la journée de travail effectif ne pourra être prolongée au delà de douze
heures.
Il sera accordé à certaines
industries, déterminées par un règlement d’administration publique,
l’autorisation de déroger d’une façon permanente aux dispositions des
paragraphes 1 et 2 du présent article, mais sans que le travail puisse, en
aucun cas, dépasser sept heures par vingt-quatre heures.
Le même règlement pourra autoriser,
pour certaines industries, une dérogation temporaire aux dispositions
précitées.
En outre, en cas de chômage
résultant d’une interruption accidentelle ou de force majeure, l’interdiction
ci-dessus peut, dans n’importe quelle industrie, être temporairement levée par
l’inspecteur pour un délai déterminé.
Art. 5 :
Les enfants âgés de moins de dix-huit ans et les femmes de tout âge ne peuvent
être employés dans les établissements énumérés à l’article premier plus de six
jours par semaine, ni les jours de fêtes reconnus par la loi, même pour un
rangement d’atelier.
Une affiche apposée dans les
ateliers indiquera le jour adopté pour le repos hebdomadaire.
Art. 6 :
Néanmoins, dans les usines à feu continu, les femmes majeures et les enfants du
sexe masculin peuvent être employés tous les jours de la semaine, la nuit, aux
travaux indispensables, sous la condition qu’ils auront au moins un jour de
repos par semaine.
Les travaux tolérés et le laps de
temps pendant lequel ils peuvent être exécutés seront déterminés par un
règlement d’administration publique.
Art. 7 :
L’obligation du repos hebdomadaire et les restrictions relatives à la durée du
travail peuvent être temporairement levées par l’inspecteur divisionnaire, pour
les travailleurs visés à l’article 5, pour certaines industries à désigner par
le susdit règlement d’administration publique.
Art. 8 :
(…)
Art. 9 :
Les filles et les femmes ne peuvent être admises dans les travaux souterrains
des mines, minières et carrières. (…)
Art. 10 :
(…)
Art. 11 :
Les patrons ou chefs d’industrie et loueurs de force motrice sont tenus de
faire afficher dans chaque atelier les dispositions de la présente loi, les règlements
d’administration publique relatifs à son exécution et concernant plus
spécialement leur industrie, ainsi que les adresses et les noms des inspecteurs
de la circonscription.
Ils afficheront également les heures
auxquelles commencera et finira le travail, ainsi que les heures et la durée
des repos. Un duplicata de cette affiche sera envoyé à l’inspecteur, un autre
sera déposé à la mairie.
L’organisation de relais qui aurait
pour effet de prolonger au delà de la limite légale la durée de la journée de
travail est interdite pour les personnes protégées par la présente loi. (…)
Art. 12 :
Les différents genres de travail présentant des causes de danger, ou excédant
les forces, ou dangereux pour la moralité, qui seront interdits aux femmes,
filles et enfants, seront déterminés par des règlements d’administration
publique.
Art. 13 :
Les femmes, filles et enfants ne peuvent être employés dans des établissements
insalubres ou dangereux, où l’ouvrier est exposé à des manipulations ou à des
émanations préjudiciables à sa santé, que sous les conditions spéciales
déterminées par des règlements d’administration publique pour chacune de ces
catégories de travailleurs.
Art. 14 :
Les établissements visés dans l’article premier et leurs dépendances doivent
être tenus dans un état constant de propreté, convenablement éclairés et
ventilés. Ils doivent présenter toutes les conditions de sécurité et de
salubrité nécessaires à la santé du personnel.
Dans tout établissement contenant
des appareils mécaniques, les roues, les courroies, les engrenages ou tout
autre organe pouvant offrir une cause de danger, seront séparés des ouvriers de
telle manière que l’approche n’en soit possible que pour les besoins du
service.
Les puits, trappes et ouvertures de
descente doivent être clôturés.
Art. 15 :
Tout accident ayant occasionné une blessure à un ou plusieurs ouvriers, survenu
dans un des établissements mentionnés à l’article premier, sera l’objet d’une
déclaration par les chef de l’entreprise ou, à son défaut et en son absence,
par son préposé.
Cette déclaration contiendra le nom
et l’adresse des témoins de l’accident ; elle sera faite dans les
quarante-huit heures au maire de la commune, qui en dressera procès-verbal dans
la forme à déterminer par un règlement d’administration publique. A cette
déclaration sera joint, produit par le patron, un certificat du médecin
indiquant l’état du blessé, les suites probables de l’accident et l’époque à
laquelle il sera possible d’en connaître le résultat définitif.
Récépissé de la déclaration et du
certificat médical sera remis, séance tenante, au déposant.
Avis de l’accident est donné
immédiatement par le maire à l’inspecteur divisionnaire ou départemental.
Art. 16 :
Les patrons ou chefs d’établissements doivent, en outre, veiller au maintien
des bonnes mœurs et à l’observation de la décence publique.
Art. 17 à 25 :
(…)
Art. 26 :
Les manufacturiers, directeurs ou gérants d’établissements visés dans la
présente loi, qui auront contrevenu aux prescriptions de ladite loi et des
règlements d’administration publique relatifs à son exécution, seront
poursuivis devant le tribunal de simple police et passibles d’une amende de 5 à
15 francs.
L’amende sera appliquée autant de
fois qu’il y aura de personnes employées dans des conditions contraires à la
présente loi. (…)
Les chefs d’industrie seront
civilement responsables des condamnations prononcées contre leurs directeurs ou
gérants.
Art. 27 :
En cas de récidive, le contrevenant sera poursuivi devant le tribunal
correctionnel et puni d’une amende de 16 à 100 francs.
Il y a récidive lorsque, dans les
douze mois antérieurs au fait poursuivi, le contrevenant a déjà subi une
condamnation pour une contravention identique.
En cas de pluralité de
contraventions entraînant ces peines de la récidive, l’amende sera appliquée
autant de fois qu’il aura été relevé de nouvelles contraventions.
Les tribunaux correctionnels
pourront appliquer les dispositions de l’article 463 du Code Pénal sur les
circonstances atténuantes, sans qu’en aucun cas l’amende, pour chaque
contravention, puisse être inférieure à 5 francs.
Art. 28 :
L’affichage du jugement peut, suivant les circonstances et en cas de récidive
seulement, être ordonné par le tribunal de police correctionnelle.
Le tribunal peut également ordonner,
dans le même cas, l’insertion du jugement aux frais du contrevenant dans un ou
plusieurs journaux du département.
Art. 29 :
Est puni d’une amende de 100 à 500 francs quiconque aura mis obstacle à
l’accomplissement des devoirs d’un inspecteur.
En cas de récidive, l’amende sera
portée de 500 à 1000 francs.
L’article 463 du Code Pénal est
applicable aux condamnations prononcées en vertu de cet article.
Art. 30 :
Les règlements d’administration publique nécessaires à l’application de la
présente loi seront rendus après avis de la Commission supérieure du travail et
du Comité consultatif des arts et manufactures.
Le Conseil général des mines sera
appelé à donner son avis sur les règlements prévus en exécution de l’article 9.
Art. 31 :
(…)
Art. 32 :
Les dispositions édictées par la présente loi ne seront applicables qu’à dater
du 1er janvier 1893.
La loi du 19 mai 1874 et les
règlements d’administration publique rendus en exécution de ces dispositions
seront abrogés à la date sus-indiquée. (…)
Cette loi a été adoptée sous la
Présidence de Monsieur Carnot ayant comme Garde des Sceaux L. Richard.
Usines
de la grande industrie à Nancy entre 1871 et 1882[123]
|
HOMMES |
FEMMES |
Verrerie. |
60 |
19 |
14 imprimeries. |
121 |
19 |
Imprimerie. |
220 |
52 |
Lang Emmanuel filature. |
89 |
35 |
Lignage. |
50 |
35 |
Broderies. |
55 |
19 |
Ackar. |
- |
86 |
Chapellerie. |
147 |
51 |
18 ateliers de chaussures. |
293 |
61 |
925 ateliers employant ou non des aides. |
103 |
26 |
Manufacture de tabac. |
56 |
625 |
Forges[124]. |
inconnu |
- |
Fourneaux. |
inconnu |
- |
Mines. |
inconnu |
- |
Salines. |
inconnu |
- |
Femmes adultes employées dans les
ateliers, usines et manufactures
(rapport[125]
du 20 novembre 1882[126])
INDUSTRIES |
FEMMES
ADULTES A PARTIR DE 22 ANS |
Allumettes.
|
50 |
Broderie au
métier et à la machine à coudre. |
138 |
Cartonnage. |
52 |
Chapellerie,
chaussures. |
137 |
Chiffon et
papeterie. |
86 |
Faïencerie,
verrerie. |
388 |
Imprimerie,
imagerie. |
82 |
Quincaillerie
(limes, toiles métalliques). |
91 |
Tabac. |
625 |
Tissage et
filature de laine et coton. |
618 |
TOTAL |
2267 |
Les courants de pensée au XIX ème siècle
Section 1 : La liberté du travail, un droit de
l’homme
I - La doctrine des droits de
l’homme
TITRE I : Un carcan législatif
Section 1 : Les établissements soumis à la loi du 2
novembre 1892
A - L’établissement industriel
C - Les établissements de l’Etat
Section 2 : les conditions légales du travail
2 - Les tolérances temporaires
Section 3 : les conditions matérielles du travail
II - Hygiène et sécurité des
travailleuses
A - Les travaux présentant des
causes de danger
2 -
La protection des machines
3 - Les travaux dangereux pour la
moralité
B - Les établissements dangereux et
insalubres
III - La déclaration des accidents
IV - La préservation des bonnes
mœurs
Section 4 : le régime des peines
I - L’imputabilité des violations de
la loi de 1892
A - en cas de violations des
articles de la loi de 1892
B - Les infractions réalisées à l’encontre
des inspecteurs du travail
1 - L’obstacle à l’accomplissement
des devoirs d’un inspecteur
2 - Les injures et voies de fait
3 - La tentative de corruption
TITRE II : LES METIERS EXERCES PAR LES FEMMES
Section 1 : les métiers hors protection sociale
législative
II - Les travailleuses à domicile
Section 2 : Les femmes à l’usine, l’ère industrielle
B - Les industries alimentaires
II - La condition ouvrière dans
l’usine
Section 3 : Les métiers du commerce
Section 4 : Le milieu social comme milieu
professionnel
A - Les infirmières et assistantes sociales
II - Les maîtresses de jeunes
enfants
Section 5 : Le travail de bureau
I - Les « demoiselles »
des Ministères
II - La place des femmes sur les
bancs de l’université en France
B – Les Archives Départementales de
Meurthe et Moselle
[1] L’article 213 du Code Civil dispose « la femme doit obéissance à son mari ».
[2] Selon Michelle PERROT, cette notion s’appuie sur des qualités attribuées « par nature » aux femmes, telles que la méticulosité ou la dextérité opposés à la force physique masculine.
[3]Cette structuration de l’économie est le fruit des édits de 1581 et 1608 renforcés par les règlements de Colbert.
[4] « Nous devons à tous nos sujets de leur assurer la jouissance pleine et entière de leurs droits ; nous devons surtout cette protection à cette classe d’hommes qui, n’ayant de propriété que leur travail et leur industrie, ont d’autant plus besoin et le droit d’employer les seules ressources qu’ils aient pour subsister…
Nous voulons abroger ces institutions arbitraires, qui ne permettent pas à l’indigent de vivre de son travail, qui repoussent un sexe à qui sa faiblesse a donné plus de ressources, et semblent , en le condamnant à une misère inévitable, seconder la débauche et la séduction….. ; qui retardent le progrès des arts par les difficultés multipliées que rencontrent les inventeurs auxquels les différentes communautés disputent le droit d’exécuter les découvertes qu’elles n’ont point faites ; qui par les frais immenses que les artisans sont obligés de payer pour acquérir la faculté de travailler, par les exactions de toute espèce qu’ils essuient par les saisies multipliées pour de prétendues contraventions… surchargent l’individu d’un impôt énorme, onéreux pour les sujets sans aucun fruit pour l’Etat.
Tout le monde sait, d’ailleurs, combien la police des jurandes, quant à ce qui concerne la perfection des ouvrages, est illusoire. »
[5] « Art.2 : les offices de perruquiers, barbiers, baigneurs-étuvistes et tous les autres offices pour l’inspection et les travaux des arts et commerce ; les brevets et lettres de maîtrise et jurandes, ceux du collège de pharmacie et tous privilèges de profession, sans quelque dénomination que ce soit, sont supprimées.
Art.7 : il sera libre à toute personne de faire tel négoce ou d’exercer telle profession, art ou métier qu’elle trouvera bon ; mais elle sera tenue de se pourvoir d’une lettre patente, d’en acquitter le prix, de se conformer aux règlements de police qui sont ou pourront être faits. »
[6] « Les ouvriers de l’un et l’autre sexe attachés aux manufactures, fabriques, usines, mines, minières, carrières, chantiers, ateliers et autres établissements industriels ou travaillant chez eux pour un ou plusieurs patrons sont tenus de se munir d’un livret. »
[7] L’utilitarisme est une doctrine philosophique de Jeremy Bentham (1748-1832) et John Stuart Mill (1806-1873), qui pose l’intérêt, général ou particulier, comme fin dernière des actions humaines. L’intérêt correspond à un plaisir réfléchi et calculé. L’homme n’ayant d’autre souci que d’atteindre le bonheur, la morale doit permettre, théoriquement et pratiquement, la réalisation des conditions optimales du bonheur. Pour Bentham ( Traité des peines et des récompenses, 1811), le principe d’utilité est le « principe du plus grand bonheur du plus grand nombre », car la satisfaction de l’intérêt individuel bien compris exige de tendre au bonheur généralisé. Pour Stuart Mill (L’utilitarisme,1811), le bonheur coïncide avec la bien.
[8]Claude Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon, (1760-1825), né à Paris, issu d’une branche cadette de la famille du mémorialiste Louis de Saint-Simon, philosophe et économiste français. Précurseur de al sociologie moderne, Saint-Simon concevait une science positive de l’homme comme fondement de la politique. Ayant reconnu l’importance du développement de « l’industrialisme », il préconisait une société où le pouvoir serait partagé entre les savants et les industriels (« les producteurs ») ; son idéal était de substituer « l’administration des choses au gouvernement des personnes ». D’autre part, il prêchait un « nouveau christianisme », débarrassé des dogmes et du culte et réduit à la morale évangélique.
Son œuvre est considérable. Parmi ses principaux ouvrages : Introduction aux travaux scientifiques du XIX ème siècle (1807), Mémoire sur la science de l’homme (1813), L’industrie (1816-1818), Catéchisme des industriels (1824), Nouveau catéchisme (1825). Il lança également plusieurs revues (Le censeur, L’industrie, Le politique).
L’influence de Saint-Simon fut grande au XIX ème siècle notamment sur Auguste Comte, puis dans les milieux touchant à l’Ecole polytechnique, à l’industrie et aux finances. Ses disciples avec Barthélemy Prosper Enfantin et Saint Armand Bazard, donnèrent un exposé systématique de la doctrine du maître, puis tentèrent de fonder à Ménilmontant, une Eglise saint-simonienne. Ce fut un échec, dû au ridicule de certaines pratiques, à des querelles entre les « apôtres » et finalement, aux poursuites entamées par le gouvernement. Dès lors, deux courants se dégagèrent du saint-simonisme : l’un allait retenir avant tout l’intérêt accordé par Saint-Simon à « l’amélioration morale et physique de la classe la plus pauvre » et devait rejoindre avec Pierre Leroux par exemple, le socialisme ; l’autre allait être formé de disciples sensibles à cette exaltation de al production industrielle qui est l’un des éléments de la pensée de Saint-Simon. Ils devaient être parmi les grands animateurs du capitalisme français, au XIX ème siècle, avec des hommes comme Bazard, Enfantin, Michel Chevalier, Paulin Talabot…
[9] Le premier mouvement féministe organisé fut crée lors d’un congrès à Seneca Falls, aux Etats-Unis, en 1848. Après cela des organisations se développèrent dans la plupart des pays européens au cours du XIX ème siècle. En 1888, fut crée l’Association internationale des femmes.
[10] L’utopie est un terme crée par Thomas More (Utopia, 1516) à partir du grec ou et topos ( « qui n’est d’aucun lieu », « nulle part » pour désigner une île imaginaire accueillant une société parfaite, en référence à la phrase de Platon suivant laquelle la République qu’il décrit dans le dialogue du même nom n’existe sur aucune partie de la terre. Ce terme est l’occasion d’une appréciation qui peut être aussi bien péjorative-la perfection de la société projetée la dénonce comme une chimère-que positive- l’utopie encourage une volonté de progrès. Quoi qu’il en soit l’utopisme s’impose comme une composante permanente, constitutive peut-être, de la pensée occidentale, comme s’il s’avérait être le complément indispensable d’un rationalisme rigoureux. La raison n’est-elle pas, à la fois, descriptive et prescriptive normative : l’utopie est l’une des manifestations de cette dernière dimension de al rationalité, grâce à laquelle est énoncé ce qui devrait être.
A considérer les différentes utopies qui ont été formulées au cours de l’histoire, il apparaît que, pour l’essentiel, la matrice de l’utopie est fournie par le mythe de l’âge d’or, mis à l’honneur par la poésie gréco-latine (Hésiode, VIII-VII ème siècle av. J.C, Les travaux et les jours ; Virgile, 1er siècle av. J.C, Georgiques). Au cours de cette période, supposée la plus ancienne, les homes vivaient comme des dieux, au milieu d’une nature abondante qui les déchargeait de l’obligation de travailler et leur épargnait toute souffrance et toute angoisse. Heureuse et pacifique, telle est l’humanité de l’âge d’or, non enfermée dans les limites de la propriété privée. Ce thème de la communauté des biens, naturels ou produits (communisme) est au centre de al pensée utopique, qui dénonce dans l’appropriation privée la source des maux qui affectent les sociétés historiques : la convoitise, la pauvreté, le vol et la guerre. Il est affirmé par Thomas More (Utopia, 1516) comme par Thomas Campanella dans la Cité du soleil (1623). L’appropriation privée revient en effet à « priver » la majeure partie de l’humanité des bienfaits de la nature, ou de la production des hommes, que l’âge d’or promettait à tous, et la condamne à la misère et au vol pour compenser une telle situation. Aussi, la construction utopique fonctionne-t-elle comme la référence à partir de laquelle il est possible de dénoncer l’état présent d’une société et d’entrevoir son dépassement. C’est donc tout naturellement que la pensée socialiste s’empare de la thématique utopiste, comme le prouvent l’œuvre de Robert Owen (The New Moral World, périodique publié de 1836 à 1844) qui inspira le mouvement chartiste, celle de Charles Fourier (diffusée à travers l’hebdomadaire Le Phalanstère) ainsi que celle d’Etienne Cabet (Le voyage en Icarie, 1840 et 1842) qui fut influencé par Owen. Le phalanstère fouriériste, base de la nouvelle organisation sociétaire, est une communauté de travailleurs de 400 à 2000 membres, fonctionnant à la manière d’une coopérative par actions. La fédération mondiale des phalanstères doit assurer l’avènement de l’harmonie universelle grâce au libre développement de la vie passionnelle. Fourier prône l’émancipation des femmes, l’amour libre, la disparition de la famille et l’éducation collective des enfants.
Friedrich Engels a critiqué le « socialisme utopique » au nom du « socialisme scientifique » (Socialisme utopique et socialisme scientifique, 1880) parce qu’il ne réussit pas à se donner les moyens de se réaliser dans le cadre historique qui est le sien. Critique qui, à cet égard, épouse le reproche le plus communément adressé à l’utopisme, son irréalisme. La définition du communisme par Marx et Engels doit cependant beaucoup à la pensée utopique
[11] Charles Fourier (1772-1837), né à Besançon (Doubs), philosophe et économiste français, l’un des représentants les plus importants du socialisme utopique. Le fouriérisme voit dans « l’attraction passionnelle » la loi du monde social et définit la phalange, groupe de 1620 caractères différents, comme la cellule initiale et harmonique de la société. Tous les membres de al phalange se retrouvent dans la phalanstère, qui est une communauté de travail, installée à la campagne, reposant sur le coopératisme intégral. Des tentatives furent faites pour créer des phalanstères, en France et aux Etats-Unis, qui échouèrent. Fourier n’en demeure pas moins l’instigateur du mouvement coopératif. Ses principales œuvres : Théorie des quatre mouvements et des destinées générales (1808), Nouveau Monde industriel et sociétaire (1829).
[12] Né à Besançon (1809-1865), il est un penseur socialiste français. D’origine modeste, Proudhon exerça divers métiers, dont celui de typographe et resta pauvre toute se vie. Il publia en 1840 un mémoire « Qu’est-ce que la propriété ? » question à laquelle il répondit : « la propriété c’est le vol ». En 1846 parut Philosophie de la misère (Marx répondit en écrivant Misère de la philosophie). En 1848, il fonda un journal, le Représentant du peuple et fut élu député. Il créa ensuite La voix du peuple et enfin Le peuple de 1850. Il fut emprisonné pour délit de presse de 1849 à 1852 ; condamné à nouveau en 1858, il s’exila en Belgique, d’où il revint amnistié en 1862. En 1858, il publia De la justice dans la révolution et l’Eglise, en 1861, La guerre et la paix, en 1863 Du principe fédératif.
On publia, après sa mort, un certain nombre d’œuvres importantes notamment De la capacité politique des classes ouvrières. La pensée de Proudhon est complexe : socialiste, il dénonce le capitalisme, mais, individualiste, il s’oppose à toutes les forces qui menacent les libertés individuelles, le capital, l’Eglise mais aussi l’Etat ; ennemi de la violence, il est réformiste plutôt que révolutionnaire, préférant « faire brûler la propriété à petit feu plutôt que de lui donner une nouvelle force en faisant une Saint-Barthélemy des propriétaires » . Il préconise « l’association dans la mutualité » par le moyen de « compagnies ouvrières » c’est-à-dire d’associations libres de producteurs indépendants, en dehors de toute intervention de l’Etat. Son influence qui s’est toujours opposé à celle de Karl Marx s’est exercée sur des anarchistes comme Mikhaïl Bakounine et Piotr Kropotkine, aussi bien que sur des syndicalistes comme Fernand Pelloutier et Léon Jouhaux. Il est une des sources des courants autogestionnaires fédéralistes et décentralisateurs.
[13]Napoléon Bonaparte promulgue le Code Civil en 1804. Or, l’art. 215 dudit Code consacre le pouvoir marital et donc l’infériorité juridique des femmes.
[14] Laqueur, 1992.
[15] Nous avons pris le soin, dit la Commission supérieure dans l’exposé des motifs joint au projet déposé par le gouvernement, de spécifier que les dispositions de la loi nouvelle s’appliqueraient à tous les établissements sans exceptions. La rédaction du nouvel article détermine et étend l’application de la loi : « la protection des pouvoirs publics couvre le travail des femmes, des filles mineures et des enfants partout où il s’exerce ».
[16] Selon R WADDINGTON, aucune volonté de légiférer dans ce domaine ne s’est manifesté (rapport précité).
[17] Le député Waddington préconise en ce domaine une réglementation spéciale.
[18] TALLON (Eugène). Manuel pratique et commentaire de la loi du 19 mai 1874. Pichon, éditeur.
[19] 10 M 30 Archives Départementales de Meurthe et Moselle.
[20] R. WADDINGTON : « Sont seuls exceptés, les travaux des champs, qu’ils seraient absurde de chercher à réglementer et qui présentent, au point de vue de la santé, bien plus d’avantages que d’inconvénients ».
[21] 10 M 9 Archives Départementales de Meurthe et Moselle.
[22] 10 M 9 Archives Départementales de Meurthe et Moselle.
[23] 10 M 30 Archives Départementales de Meurthe et Moselle.
[24] Louis Chery.
[25] 10 M 9 Archives Départementales de Meurthe et Moselle.
[26] Dans son deuxième rapport à la Chambre, le 10 juin 1890, R. Waddington a dit « supprimer d’une façon absolue les veillées serait porter atteinte à plusieurs branches de cette industrie de Paris ».
Ce à quoi le député Sibille a répondu le 7 juillet 1890 que « la Commission s’est préoccupée spécialement de la situation des couturières. La première (exception) est celle qui a trait aux couturières. Parmi les industries de la couture, il en est une qui a une certaine importance, c’est celle du deuil. Il est évident qu’il y a dans les commandes de deuil beaucoup d’imprévu ; aussi un grand nombre d’ouvrières, travaillant dans cette partie, ont reconnu elles-mêmes la nécessité de certaines veillées ».
[27]R Waddington, séance du 2 février 1889, 2 ème délibération : « un certain nombre d’emplois industriels sortent absolument de l’ordinaire par le mode et les conditions de travail. Il en est ainsi, par exemple, des plieuses de journaux dont on a beaucoup parlé. Il s’agit, dans l’espèce, d’un travail qui ne peut être confié qu’aux mains délicates d’un femme ; en outre, comme ce travail n’exige qu’une veillée de quatre ou cinq heures venant s’ajouter à une journée de onze heures, qu’il ne peut être fait que la nuit, en raison de l’exigence de l’impression et de la publication des journaux, qu’il ne demande que deux ou trois heures, nous sommes d’avis qu’il est parfaitement possible d’admettre ce travail de nuit à titre exceptionnel. Il n’y a pas évidemment, dans le travail de pliage, un surcroît d’efforts qui puisse avoir des conséquences détestables, fatales pour la santé des ouvrières employées ».
[28] Rapport de R Waddington du 7 juillet 1890.
[29] Notamment pour les apprentis-pâtissiers.
[30] 10 M 9 Archives Départementales de Meurthe et Moselle.
[31] MUN, Albert (comte), homme politique français, né à Lumigny (Seine-et-Marne) ; orateur catholique (1841-1914). Il est l’un des représentants du catholicisme social sous la III ème République et proposa la restauration des corporations où collaboreraient patrons et ouvriers. Il diffusa ses idées dans les Cercles catholiques ouvriers qu’il avait créés avec La Tour du Pin. Animateur de la revue « l’Association catholique » , il fut député de 1876 à 1914 presque sans interruption. D’abord monarchiste, il appuya le boulangisme, puis, après l’encyclique « Au milieu des sollicitudes » de Léon XIII (1892), se rallia à la république.
[32] M. le comte de Mun proposait la rédaction de l’article 5 comme suit : « Les enfants âgés de moins de dix-huit ans et les femmes de tout âge ne peuvent être employés dans les établissements énumérés à l’article 1er, les jours de fête reconnus par la loi, même pour le rangement de l’atelier. » Il est à noter la suppression de la formule « plus de six jours par semaine » laquelle emportait pour conséquence le rétablissement de l’obligation du repos dominical.
[33] Discussion de l’amendement Rondeleux, séance du 5 février 1889.
[34] Rapport du Comité consultatif des arts et manufactures : « Les huileries sont dans la nécessité de soumettre les graines oléagineuses à une température et à une pression constantes. Si un refroidissement survient, les matières albuminoïdes, contenues dans les cellules végétales en même temps que l’huile, se coagulent et emprisonnent le corps gras : la pression ne le fait plus sortir ».
[35]R. Waddington, dans son premier rapport à la Chambre (13 décembre 1887) : « A côté des industries à feu continu, il existe des fabrications d’une nature spéciale et dont la matière première doit être mise en manutention sans retard et sans interruption sous peine d’être complètement perdue. Telles sont par exemple, les fabriques de conserves de poissons des côtes de Bretagne, les usines des parfumeurs-distillateurs des Alpes-Maritimes ; ici, c’est le poisson aussitôt débarqué qu’il faut soumettre aux diverses opérations de la salaison sous peine d’être avarié ; là, au moment de la récolte de la fleur d’oranger, de la rose et du jasmin, c’est le triage confié aux soins d’enfants et de jeunes filles qui doit avoir lieu sans retard pour ne pas exposer les matières employées à une dépréciation sérieuse. Nous vous proposons d’autoriser pour les industries qui, après enquête, seraient désignées par le comité consultatif des arts et manufactures, la faculté d’obtenir, sur demande, une prolongation de travail les jours fériés ou le jour fixé pour le repos hebdomadaire pendant une période qui ne dépassera pas quarante jours ».
[36] « Après tout, une mine est un atelier aussi convenable qu’un autre. Que font les femmes dans certaines exploitations ? Elles travaillent avec leurs pères, frères, poussent des chariots, tirent les pierres, font des manœuvres de gare ou d’accostage… L’aérage est toujours bon, la température est uniforme et l’on y est pas exposé aux refroidissements et aux affections de poitrine qui frappent si souvent celles qui sont employées aux travaux agricoles » disait-il.
[37] cette prohibition figurait déjà dans la loi de 1874.
[38] 10 M 30 Archives Départementales de Meurthe et Moselle.
[39] BOUQUET (Louis). Le travail des enfants : des filles mineures et des femmes dans l’industrie : commentaire de la loi du 2 novembre 1892. 1893.3ème édition. Berger-Levrault et compagnie. Paris. Nancy. 524p. Bibliothèque municipale de Nancy cote 265 053.
[40] Précision apportée par le règlement d’administration publique du 13 mai 1893.
[41] BOUQUET (Louis). Le travail des enfants : des filles mineures et des femmes dans l’industrie : commentaire de la loi du 2 novembre 1892. 1893.3ème édition. Berger-Levrault et compagnie. Paris. Nancy. 524p. Bibliothèque municipale de Nancy cote 265 053.
[42] Est ici visé l’article 1er de la loi du 2 août 1882 : « est puni d’un emprisonnement de un mois à deux ans et d’une amende de 16 à 3000 francs quiconque aura commis le délit d’outrage aux bonnes mœurs, par la vente, l’offre, l’exposition, l’affichage ou la distribution gratuite sur la voie publique ou dans les lieux publiques, d’écrits, d’imprimés autres que le livre, d’affiches, dessins, gravures, peintures, emblèmes ou images obscènes ».
[43] L’article 16 de la loi de 1892 n’a pas eu d’application intégrale à Nancy (10 M 30 Archives Départementales de Meurthe et Moselle).
[44] Carbonate saturé de plomb bivalent, de formule PbSO4, appelé aussi cérusite. La céruse est un excellent pigment naturel, d’un blanc très pur et discrètement brillant, qui fut longtemps utilisé en peinture, artistique ou artisanale, sous le nom de blanc d’argent. Mais sa redoutable toxicité en a fait interdire l’usage en France qu’à partir de 1915.
[45] Recouvrir d’une couche d’étain.
[46] Roche sédimentaire siliceuse. La meulière résulte de la silicification de calcaires lacustres. La roche, grise, jaune ou rougeâtre se présente en masses irrégulières emballées dans des argiles. Elle peut être massive, compacte ou caverneuse, alvéolaire. La meulière caverneuse est utilisée comme matériau de construction. La meulière est abondante dans les terrains oligomiocènes du Bassin parisien.
[47] Bloc de pierre, taillé en cylindre de révolution plat, servant traditionnellement à moudre le grain ; par extension, outil cylindrique de pierre ou de matière abrasive agglomérée servant à aiguiser ou à polir.
[48]Oxyde de plomb (Pb3O4), constituant un pigment rouge ; par extension, peinture contenant des quantités importantes de ce pigment. Les peintures au minium furent les premières peintures anti-corrosion connues : on les utilisait comme couche de base sur les charpentes de fer, puis d’acier, avant de les recouvrir de la peinture définitive.
[49] Sel de l’acide nitrique. Les nitrates sont, pour la plupart, solubles dans l’eau et très largement utilisés comme engrais. Ils constituent une source d’azote assimilable par les plantes, car cet élément, constitutif des acides aminés et des protéines, est indispensable à leur vie et à leur développement. L’usage mal contrôlé de ces fertilisants entraîne une pollution des eaux (y compris l’eau potable). Cela n’est pas sans danger pour l’homme, car, par réduction, les nitrates sont transformés en nitrites qui, réagissant sur des dérivés azotés organiques, conduisent à des dérivés nitrosés (nitrosamines et nitrosamides), dont les propriétés cancérigènes (cancers du foie, des reins, de l’œsophage, de l’estomac, de l’intestin, de l’appareil respiratoire) ont été démontrées chez une quarantaine d’espèces animales. Il existe également des nitrates organiques tels que le nitrate de glycérine et le nitrate de cellulose (improprement appelés nitroglycérine et nitrocellulose). Certains (notamment la trinitrine) sont utilisés pour leurs propriétés vasodilatatrices dans le traitement de l’angine de poitrine.
[50] Les sulfures représentent environ trois cents espèces naturelles, généralement d’origine hydrothermale. C’est la source principale de la plupart des métaux non ferreux, les principaux étant le zinc, le plomb, le cuivre, l’argent, l’arsenic, le cadmium, le molybdène, le bismuth…
[51] Action consistant à enlever de la surface d’un métal précieux, au moyen d’acide sulfurique très étendu d’eau, les corps gras et les oxydes qui se sont produits dans le recuit.
[52] Industrie et commerce des peaux tannées en blanc dans un mégis. Par extension, la mégisserie désigne le tannage des petites peaux (oiseaux, reptiles, poisons), des peaux d’ovins ou de caprins destinées à des applications fines de ganterie, de maroquinerie ou de reliure. Les premiers mégis étaient des décoctions visqueuses de crottes de chien, complétées par la suite ou relayées par des ferments naturels, puis par des bains de cendres de bois et d’alun, éventuellement dopés avec de la farine, du jaune d’œuf… Les procédés modernes sont plus rapides et se rapprochent de certains procédés de tannage (tannage au chrome et aux tanins spéciaux, tels que le sumac). Les peaux mégissées sont souvent assouplies par un traitement aux huiles animales, puis teintées après un mordançage avec des sels ammoniacaux. L’industrie française de la mégisserie et de la transformation en aval de ses produits, bien que dispersées, a mieux résisté que l’industrie de cuir classique à la concurrence internationale et à la diffusion des cuirs artificiels.
[53] Médicament dont la farine de moutarde fait la base et à effet révulsif.
[54]Les sulfates représentent environ deux cents espèces naturelles anhydres ou hydratées. Ce sont des minéraux de faible dureté. Il se forment en milieu hydrothermal et le plus souvent par altération des sulfures ou comme produits des dépôts d’évaporation. Certains sont des sources importantes de métaux, par exemple le baryum (barytine) et le strontium (célestine). Le gypse, sulfate hydraté de calcium, est à la base des industries du plâtre et du ciment.
[55] Il ressort des Archives Départementales de Meurthe et Moselle (10 M 30) que cette prescription n’a pas d’échos à Nancy.
[56] La loi du 19 mai 1874 ne veillait qu’à la sécurité et la salubrité nécessaires à la santé des enfants.
[57] Charles FERRY dans son rapport au Sénat du 20 juin 1889 relate la proposition d’un membre de la Commission de gratifier l’article 13 d’une portée générale en y ajoutant les ouvriers adultes, mais sa proposition fût retirée eu égard à l’article 14 qui dispose l’obligation de sécurité et de salubrité erga omnes dès lors qu’il s’agit de membre du personnel.
[58] C. Cass. 9 juin 1883 : « la contravention à cet article existe par le seul fait que les personnes protégées par la loi sont employées dans un atelier où se trouvent des machines présentant les périls indiqués audit article, sans qu’il soit besoin que la cause de danger ait été préalablement constatée. » [ BOUQUET (Louis) le travail des enfants : des filles mineures et des femmes dans l’industrie : commentaire de la loi du 2 novembre 1892. 1893.3ème édition. Berger-Levrault et compagnie. Paris. Nancy. 524p. Bibliothèque municipale de Nancy cote 265 053. ]
[59] Cour d’Appel de Nancy, arrêt du 28 novembre 1882.
[60] Cour d’Appel de Nancy, 25 octobre 1888.
[61] M. Tallon estime que cette expression « condamnations prononcées » ne s’étend pas aux peines d’amendes ou autres encourues par l’auteur du délit mais il ne s’agit là que des réparations purement civiles et des dépens.
(C. Cass. 28 septembre 1838, S.39, 1,145).
[62] Tribunal Correctionnel de Bourg, 23 décembre 1891.
[63] Tribunal Correctionnel de Compiègne, 19 juin 1883.
[64] Tribunal Correctionnel d’Avesnes, 17 février 1887 ; Tribunal Correctionnel de Lavaur, 12 mars 1891.
[65] Tribunal Correctionnel de Saint-Étienne, 13 août 1891.
[66] Article 463 du Code Pénal.
[67] Notamment, MILHAUD (Caroline) L’ouvrière. 1906.
[68] Il propose cette mesure pour corriger la dislocation brutale infligée à la vie de famille par le capitalisme, qui « arrache les femmes et les enfants à la sphère domestique pour les transformer en instruments de production ».
[69] BATTAGLIOLA (Françoise). Histoire du travail des femmes. Collection Repères la découverte. 2000. 123 p. Médiathèque de Nancy, cote 331.4 BAT H.
[70] Le bobinage consiste à mettre en bobine des fils livrés en écheveaux, tout en veillant à la régularité du travail et en faisant des nœuds aux fils cassés.
[71] Le raccoutrage est le fait de repriser les défauts des articles tricotés, en particulier les bas, un travail minutieux, qui permet de sauver des articles de qualité, en particulier en soie.
[72] Un passement est une pièce de tissu plat et étroit de fil d’or, de soie utilisée pour les galons et rubans. On en orne les meubles et les habits.
[73] « Il y a en ce moment mille à mille cinq cents ménagères qui tiennent un métier depuis la venue de la machine ; si elles retournaient à leur cuisine d’où elles n’auraient jamais dû sortir, les prix des façons monteraient car on aurait du mal à trouver autant d’ouvriers pour les remplacer. Allons, ménagères, reprenez vos casseroles, car le bonheur des vôtres en dépend ! » disent les syndicats d’une seule voix.
[74] Le travail industriel, surtout dans le milieu textile, effectué à domicile permet d’améliorer les conditions de vie précaires : ce phénomène se nomme la proto-industrialisation.
[75] « Un tel outil, par un mouvement continu, excite le délire hystérique ; [dans certains ateliers, il] provoque une excitation génitale assez vive pour mettre les ouvrières dans la nécessité d’avoir recours à des lotions d’eau froide » PERROT, Michelle. Femmes et machinismes au XIX ème siècle. Romantismes, n°41. 1983. p 6-17.
[76] Le salaire des femmes à travail égal à celui des hommes, est de moitié inférieur, de façon générale.
[77] Ces ligues sont à l’initiative de Madame Brunhes.
[78] Selon le sous-préfet de Lunéville, ces réunions autour du travail à l’aiguille seraient souvent « immorales ».
10 M 30 Archives Départementales de Meurthe et Moselle.
[79] Des constructions réservées aux ouvriers ont été érigées moyennant huit ou douze francs par mois et entre douze et quinze francs s’il y a des enfants. 10 M 30 Archives Départementales de Meurthe et Moselle.
[80]Ce chiffre est relevé par des salaires supérieurs versés à quelques ouvrières habiles dotées de talents exceptionnels.
[81]BROCARD, Lucien. Le travail des femmes à domicile dans la région de Nancy. Décembre 1908. Fonds lorrain. Bibliothèque municipale de Nancy cote 98 010 (17).
[82] “ O hommes qui avez des sœurs chères,
O hommes qui avez mères et femmes,
Ce n’est pas de la toile que vous usez
Mais la vie de créatures humaines.
Couds, couds, couds toujours
Dans la pauvreté, la faim et la hâte,
Tu couds avec un fil double,
Un linceul en même temps qu’une chemise. »
[83] FAY-SALLOIS (Fanny). Les nourrices à Paris au XIX ème siècle. Paris, Payot. 1980.
[84] MICHELET, Jules. Le peuple : « On ne sait combien ces pauvres femmes sont exploitées et malmenées… Prises comme nourrices sur lieu, il faut qu’elles renvoient leur enfant, qui souvent en meurt. Elles n’ont aucun traité avec la famille qui les loue, et peuvent être renvoyées au premier caprice de la mère, de la garde, du médecin ; si le changement d’air et de vie leur tarit le lait, elles sont renvoyées sans indemnité. »
[85] FAY-SALLOIS (Fanny). Les nourrices à Paris au XIX ème siècle. Paris, Payot, 1980.
[86] A Nancy, ce bureau de placement existe depuis 1838 à la Maison de Sainte-Marie sous la bienveillance des Sœurs de Saint-Charles.
[87] REBERIOUX, Madeleine. L’ouvrière. Aron. 1980. p59-78.
[88] THOMAS, Sidney Gilchrist (1850-1885), né à Londres, métallurgiste anglais. Il fut le co-inventeur, en 1876, d’un procédé-qui porte son nom- de conversion de la fonte en acier. Ce procédé est une adaptation du convertisseur de Bessemer au traitement des fontes phosphoreuses, grâce à l’emploi d’additifs basiques qui rendent indispensables l’adoption d’un revêtement réfractaire, également basique, de la paroi interne des convertisseurs.
[89] SOLVAY, Ernest (1838-1922), né à Rebecq-Rognon, chimiste belge. Reprenant des travaux antérieurs du physicien français Auguste Fresnel, il mit au point, en 1863, le procédé industriel de préparation du carbonate de sodium composant essentiel de la soude caustique, par action d’un mélange d’ammoniac et d’anhydride carbonique sur une solution de chlorure de sodium. Fondateur de l’Institut de sociologie Solvay, il fut ainsi le créateur, en 1863, avec son frère Alfred, de la Société Solvay.
La société belge Solvay et Compagnie est devenue l’une des plus importantes sociétés d’industries chimiques du monde. A la fabrication de la soude elle a ajouté celles du verre, des textiles chimiques, des produits pharmaceutiques, des plastiques…
[90] Au début du XIX ème siècle (1851), Nancy ville moyenne de 30 000 habitants occupe 22 310 femmes ( 2 284 d’entre elles ont entre 20 et 35 ans) pour seulement 17 979 hommes.
[91] « La vapeur, dès son apparition dans le monde de l’industrie, a brisé tous les rouets, toutes les quenouilles et il a bien fallu que fileuses et tisseuses s’en vinssent réclamer une place à l’ombre du haut fourneau de l’usine » écrit Jules SIMON en 1860 dans un article intitulé « Le travail et le salaire des femmes », dans la Revue des deux mondes, du 15 février 1860.
[92] Les filatures sont des industries produisant des fils textiles à partir de fibres élémentaires. Après cardage, peignage ou étirage, les fibres naturelles sont assemblées par torsion. Ce type d’assemblage s’applique également aux fibres artificielles ou synthétiques courtes, mais la plupart de ces matériaux sont étirés à la filière en fils continus. La mécanisation précoce des métiers à filer dans la seconde moitié du XVIII ème siècle joue un rôle majeur dans l’essor économique de l’industrie textile.
[93]Archives Municipales de Nancy F7, réponses à des questionnaires de 1824 et 1828.
[94]HUFTON, OLWEN. Le travail et la famille. Histoire des femmes. XVI ème- XVIII ème siècle. 1992.
[95]Archives Municipales de Nancy F2, lettre de la chambre consultative sur les laines, 1843.
[96]Le pinceautage est une des phases manuelles d’impression des tissus pour certaines couleurs comme le bleu indigo ; celui-ci appliqué au pinceau, contient du sulfure d’arsenic et beaucoup de chaux.
[97]Guerrier de Dumast cite parmi les métiers d’art traditionnels de Nancy la « tâche délicate » des brodeuses et ajoute : « On sait que la Meurthe, à elle seule, fournit de broderies les deux Amériques ».
[98]GUBBELS, Robert. Le travail au féminin. Marabout,1967.
[99] « Nous ne voulons de femmes ni à salaire inférieur ni à salaire égal, parce que si on les paye à salaire égal, on pourra toujours plus tard les baisser » et s’en servir contre les ouvriers.
[100]Le papier provient des Vosges mais il est traité à Nancy, d’où la présence de nombreuses papeteries.
[101]10 M 30 Archives départementales de Meurthe et Moselle.
[102]Cette commission présidée par le Duc d’Audiffret Pasquier a été investie d’une mission d’intérêt social par l’Assemblée Nationale.
[103]La persévérance : statuts et règlement de la société de secours mutuels des jeunes ouvrières de la ville de Nancy. 1876 et 1898. Bibliothèque municipale de Nancy, cotes 80055(3) et 80055(4).
[104]Cette opération enquiert la collaboration de l’œuvre Central Nancéen des Œuvres de bienfaisance, à partir de sa création en 1899.
[105]DEGLIN. Rapport sur l’œuvre de placement pour jeunes filles et ouvrières à Nancy.1900. Bibliothèque Municipale de Nancy, cote 80315(9).
[106]Elle a déjà eu recours à l’Alsace-Moselle, la Bavière, l’Autriche, la Pologne, la Suisse et l’Angleterre.
[107]Le docteur Villermé quant à lui publie en
1840 le « Tableau physique et moral des ouvriers des manufactures »
lequel décrit la misère environnante de ces femmes-machines : « Il
faut les voir arriver chaque matin en ville et partir chaque soir. Il y a parmi
eux une multitude de femmes, pâles, maigres, marchant pieds nus au milieu de la
boue et qui, faute de parapluie, portent renversé sur leur tête, lorsqu’il
pleut, leur tablier ou leur jupon de dessus pour se protéger la figure et le
cou ».
Docteur Louis-René Villermé (1782-1863), membre de l’Académie des Sciences Morales et politiques, il entame une série de travaux sur la démographie et l’épidémiologie en 1832. En 1834, il est chargé d’enquêter sur la situation de la classe ouvrière en France, à la demande du Ministre de l’instruction publique Guizot.
[108]Son rapport est catégorique, les femmes sont « dans les grandes filatures de coton particulièrement exposées aux fièvres contagieuses et quand une de ces maladies se déclare, elle se propage rapidement non seulement parmi ceux qui sont entassés dans les mêmes locaux, mais dans les familles auxquelles ils appartiennent, et dans tout le voisinage. Les grandes fabriques ont en général une influence pernicieuse sur la santé de ceux qui y travaillent, même lorsqu’il n’y règne aucune épidémie, par la vie étroitement séquestrée qu’elle leur impose, par l’action débilitante de l’air échauffé ou impur et par le manque d’exercice physique, de cet exercice que la nature recommande comme essentiel, dans l’enfance et l’adolescence, pour fortifier l’organisme et rendre l’homme capable d’accomplir les travaux et de remplir les devoirs de l’âge viril ».
[109] L’enjeu est économique (le salaire de l’homme doit lui permettre d’entretenir sa famille) et symbolique, à travers le contrôle de l’appropriation du corps des femmes de la classe ouvrière.
[110]L’individualisation de la marchandise (de choses de genre, elles deviennent des corps certains) opérée par l’épicier est très souvent une opération quotidienne pour le même acheteur, qui n’acquiert que de petites quantité au jour le jour.
[111]D’abord vendues par les mercières et les marchandes de frivolités et de mode pour les articles neufs, par les fripières et les marchandes « à la toilette » pour les articles de seconde main, les nouveautés sont à partir du XIX ème siècle au centre de l’invention des grands magasins.
[112]Il emploie plus de 3 000 salariées en 1887.
[113]Ce pourcentage est appelé la guelte.
[114]Dans les années 1880, au Bon Marché, 40 % du personnel est congédié avant cinq ans et 40 autres pour cent partent d’eux-mêmes.
[115]Congrégation fondée par Vincent de Paul.
[116]Elles peuvent aussi être laïques et seront formées dans des écoles à partir de la fin du XIX ème siècle.
[117]La Société de secours aux blessés militaires, créée en 1866 par le duc de Fezensac veut réserver un recrutement aristocratique à cette nouvelle forme de bienfaisance.
[118] « Elles ont les mêmes attributions que les commis ordinaires, mais ne peuvent prétendre aux emplois de commis principaux » explique le Ministère qui ajoute « la féminisation est un moyen commode de donner aux commis de plus grandes chances d’avancement, car le nombre des emplois supérieurs tendant à augmenter, il est clair qu’ils pourront plus facilement accéder aux emplois de commis principaux ».
[119]En 1883, « La revue administrative » souligne que « tout est bon quand on paie mal et voilà pourquoi certaines administrations publiques recrutent la plus belle moitié du genre humain ».
[120]La première machine à écrire de marque « Remington » est de 1874.
[121]Des visages de femmes nécrosées en témoignent, « l’une d’elle avait subi récemment une opération et avait ses mâchoires sanguinolentes couvertes de ouate iodoformée ; une autre n’avait plus de nez ».
[122]A la Chambre, un député socialiste : « les vapeurs imprégnées de phosphore viennent circuler jusque dans les lobes du cerveau et cela produira quelques jours des générations anémiées, des soldats de carton, des ouvriers insuffisants pour les travaux de notre agriculture et de notre industrie ».
[123] 10 M 30 Archives Départementales de Meurthe et Moselle.
[124] Les forges n’emploient pas de femmes si ce n’est pour le triage.
[125] Le Ministre du commerce a demandé par circulaire du 23 octobre 1882 des renseignements sur le travail des femmes adultes employées dans les ateliers, usines et manufactures du département de Meurthe et Moselle.
[126]10 M 30 Archives Départementales de Meurthe et Moselle.