UNIVERSITÉ JEAN MOULIN – LYON III

 

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2002-2003

DEA - Droit des affaires

 

 

 

 

LE DROIT MORAL

DE L'AUTEUR

EN

DROIT FRANÇAIS

 

 

 

 

 

 

Frédéric FOUILLAND

Sous la direction de

Madame Sabine Dana-Demaret

 

 

 

"La plus sacrée,

la plus légitime, la plus inattaquable,

et, si je puis parler ainsi,

la plus personnelle des propriétés,

est l'ouvrage fruit de la pensée d'un écrivain"

 

Le Chapelier, 1791


Sommaire

 

 

 

 

 

Sommaire. 1

Introduction. 2

Titre I- La titularité du droit moral 13

Chapitre 1- La titularité du vivant de l'auteur 15

Chapitre 2- La titularité post mortem.. 44

Titre II- L'exercice du droit moral 53

Chapitre 1- Le droit moral: obstacle à toute exploitation. 55

Chap 2- Le droit moral: limite à la liberté de l'exploitant 67

Bibliographie. 84

Table des matières. 87

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Introduction

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1.            "Un ouvrage vendu par un auteur à un imprimeur ou un libraire, et qui doit porter son nom, doit être imprimé dans l'état où il a été vendu et livré". Telle était la formule employée par le tribunal civil de la Seine dans un jugement rendu le 17 août 1814. L'on devine ici les prémices de la théorie du droit moral qui sera l'œuvre d'une jurisprudence et d'une doctrine fécondes durant tout le 19ème siècle et jusqu'à 1957. En 1828, la cour d'appel de Paris posa le principe "qu'une œuvre musicale n'a d'existence et ne devient saisissable qu'autant qu'elle a reçu une publication par son auteur". Le droit de divulgation voyait ainsi le jour. De son côté, la doctrine ne manquait pas d'apporter sa pierre à l'édifice. Dans son Cours de droit commercial[1], Pardessus justifiait le droit de regard de l'auteur sur son œuvre, même après la cession, par l'idée d'usufruit. Plus proche des conceptions modernes, Renouard, en 1839, explique l'insaisissabilité de l'ouvrage inédit par l'idée qu'il est pour l'auteur le "sanctuaire de sa conscience". Il n'en reste pas moins qu'il faudra encore beaucoup de temps et de réflexion doctrinale pour que la théorie du droit moral parvienne à un degré d'achèvement permettant une consécration législative.

 

2.            Jusqu'alors, la propriété littéraire et artistique n'avait de reconnaissance légale qu'au travers de deux lois révolutionnaires. Les décrets des 13-19 janvier 1791 et 19-24 juillet 1793 consacraient respectivement le droit de représentation des auteurs d'œuvres dramatiques et le droit de reproduction des "auteurs d'écrits en tout genre", des compositeurs de musique, peintres et dessinateurs. De 1793 à 1957, le mouvement législatif n'est que ponctuel. Il faudra attendre 1902, par exemple, avant que ne soit proclamé le principe selon lequel la protection légale est indépendante du mérite ou de la destination. De même, l'indépendance entre la vente d'une œuvre d'art et la cession du droit de reproduction fut reconnue par une loi de 1910. Ainsi, malgré l'exceptionnelle fécondité de la jurisprudence, le laconisme des deux grandes lois révolutionnaires apparut bientôt comme un inconvénient. La Commission de la propriété intellectuelle, créée par décret du 28 août 1944 et présidée par M. Jean Escarra, rédigea en 1947 un premier projet qui fit l'objet de discussions approfondies et de nombreux amendements, avant de donner naissance à la grande loi du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique. L'exposé des motifs de cette loi annonçait clairement qu'elle visait à "codifier la jurisprudence qui s'est créée depuis un siècle et demi en matière de droit d'auteur et fixer en un texte définitif le dernier état de la doctrine française en ce domaine", en même temps qu'à "répondre au besoin qu'ont éprouvé les créateurs intellectuels d'être protégés en tenant compte des conditions techniques et économiques nouvelles et aussi des nouvelles formes d'art surgies depuis la législation révolutionnaire". Cette loi, pétrie d'humanisme selon Desbois[2], met l'accent sur le droit moral, que l'article 1er (devenu article L 111-1 du CPI) cite avant les droits patrimoniaux, et renforce les droits des auteurs qu'elle veut éviter de mettre à la merci des exploitants. La loi du 3 juillet 1985 est venue y porter quelques retouches en consacrant notamment les droits voisins. Le législateur de 1957 en effet, n'avait pu prévoir l'évolution technologique considérable dans le domaine de la communication. Celle-ci permit de toucher un public plus large, et plus rapidement. En outre, des moyens de copie se développèrent, et il s'agissait alors d'éviter une fuite massive de droits d'auteur qui sont la principale source de revenus des créateurs d'art. Finalement, le code de la propriété intellectuelle (CPI) vit le jour en 1992, suite à la loi du 1er juillet 1992 procédant à une codification à droit constant.

 

3.            Actuellement, la plupart des pays reconnaissent le droit moral, mais sans toujours lui donner la place éminente qui est la sienne en droit français. De même, l'article 6 bis de la Convention de Berne attribue à l'auteur le droit de revendiquer la paternité de l'œuvre et le droit au respect de l'œuvre mais à la condition d'établir une atteinte à son honneur ou à sa réputation, sans même exclure que l'exercice de ces prérogatives soit limité dans le temps. Un compromis visait à prendre en compte le particularisme des systèmes de copyright qui ne connaissaient pas la doctrine du droit moral en tant qu'ensemble cohérent de règles intégré dans la sphère de la propriété littéraire et artistique. Si l'observation ne vaut plus aujourd'hui pour le Royaume-Uni dont une loi de 1988 contient un chapitre consacré au droit moral, elle vaut en revanche encore pour les Etats-Unis en dépit de leur adhésion récente à la Convention de Berne. Sans aller jusqu'à affirmer que le copyright est une technique d'incitation économique[3], il est clair qu'il se présente comme plus souple à l'égard des "industriels" de la communication. Partant, nul doute que le droit moral constitue un enjeu essentiel. Il est menacé indirectement par l'extension du champ d'application du droit d'auteur, qui le rend parfois presque incongru[4], et, plus directement, par l'irruption du consumérisme qui contribue à désacraliser l'œuvre et conduit l'utilisateur à opposer ses propres droits sur la "marchandise" acquise. Ces craintes peuvent paraître dépassées depuis que la Cour de cassation[5] a, dans l'affaire Huston, déclaré que les dispositions françaises relatives au droit moral étaient d'application impérative. Reste que l'exercice effectif de ce droit passe en pratique par une indépendance économique qui n'est pas le lot de la majorité des auteurs. En outre, il reste le danger de voir le rapprochement des législations, au plan communautaire, se traduire concrètement par un abaissement du niveau de protection atteint, sur ce terrain, en France, sans parler des pressions qui continuent d'être exercées par l'industrie américaine.

 

4.            De la place accordée au droit moral dans une législation dépend l'équilibre entre investissement et respect de la création intellectuelle. Comme le soutient M. Edelman[6], la nature reconnue au droit d'auteur "constitue l'expression juridique de la représentation qu'une société se fait de sa propre culture". Le droit Français, de part la place qu'il réserve au droit moral dans ses dispositions, témoigne d'un intérêt certain pour ceux qui contribuent au patrimoine culturel. Ainsi, le droit moral doit alors être regardé comme un outil de sauvegarde des intérêts de l'auteur.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

5.            Il s'agira, dans le cadre de ce mémoire, d'analyser le droit moral de l'auteur d'une façon objective, tel qu'il est présenté par les textes français et interprété par les tribunaux. Avant d'envisager sa mise en œuvre (Titre II) dont on verra que les conséquences sur les relations contractuelles de l'auteur ne sont pas des moindres, nous serons amenés à examiner sa titularité (Titre I). Mais, dans un premier temps, nous allons tenter d'en cerner la définition (I), puis nous examinerons sa nature (II) ainsi que ses caractères (III).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Section I- Définition du droit moral

 

 

6.            L'article L 111-1 alinéa 2 du CPI dispose que le droit de propriété incorporelle comporte des "attributs d'ordre intellectuel et moral"[7]. Ce sont ces derniers attributs qui forment ce que l'on dénomme le droit moral de l'auteur. Il convient d'ajouter que le droit moral n'existe qu'en présence d'une œuvre, même inachevée, conformément à l'article L 111-2 du CPI qui dispose que " L'œuvre est réputée créée, indépendamment de toute divulgation publique, du seul fait de la réalisation, même inachevée, de la conception de l'auteur".

 

7.            Le législateur s'est d'abord préoccupé de définir les caractères du droit moral; nécessité d'autant plus grande que ce droit, pourtant prééminent, n'est cerné que d'une manière imprécise par une énumération d'attributs plus que par une réelle définition: l'article L 121-1 énonce seulement que l'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre; il faut attendre l'article L 121-2 pour voir évoqué le droit de divulgation et l'article L 121-4 pour voir apparaître un autre attribut du droit moral, le droit de repentir ou de retrait, le seul minutieusement réglementé; dans le cas des logiciels, le droit moral se réduit au droit au nom, et ce, par interprétation a contrario de l'article L 121-7 du CPI. On pourra néanmoins se rattacher à la définition qu'en donne P-Y. Gautier[8]: le droit moral est le lien juridiquement protégé, unissant le créateur à son œuvre et lui conférant des prérogatives souveraines à l'égard des usagers, l'œuvre fût-elle entrée dans le circuit économique.

 

 

Section II- Nature juridique du droit moral

 

 

8.            La conception dualiste du droit d'auteur confère une nature extra-patrimoniale au droit moral (§1). Son caractère personnel suggère un rapprochement avec les droits de la personnalité (§2), mais tout en lui réservant une spécificité certaine (§3).

§1- Un droit extra-patrimonial

 

9.            Extra-patrimonial, le droit moral produit cependant des conséquences importantes à l'égard des droits patrimoniaux. Par exemple, même s'il existe un débat doctrinal sur ce point, c'est l'exercice du droit de divulgation de l'auteur qui va faire naître les droits pécuniaires[9]. La frontière entre les deux types de prérogatives se révèle alors difficile à tracer, mais il demeure que cette distinction fait le départ entre l'esprit et l'économie[10], que cette dernière n'assujettira cependant jamais.

 

10.            En effet, dans la tradition française, le droit moral occupe la première place, l'article L 111-1 al. 2 du CPI citant les "attributs d'ordre intellectuel et moral" avant les "attributs d'ordre patrimonial". Cette prééminence n'est pas seulement symbolique, comme en témoigne l'arrêt Huston[11], où la Cour de cassation a qualifié les règles concernant le droit moral et notamment le droit au respect de l'œuvre de lois d'application impérative, évinçant en l'espèce la loi américaine: " Attendu, selon le premier de ces textes (loi du 8 juillet 1964), qu'en France, aucune atteinte ne peut être portée à l'intégrité d'une œuvre littéraire ou artistique, quel que soit l'Etat sur le territoire duquel cette œuvre a été divulguée pour la première fois; que la personne qui en est l'auteur du seul fait de sa création est investie du droit moral institué à son bénéfice par le second des textes susvisés (article 6 de la loi du 11 mars 1957 devenu article L 121-1 du CPI); que ces règles sont des lois d'application impérative;".

§2- Rapprochement entre droit moral et droits de la personnalité

 

11.            On intègre généralement le droit moral, droit extra-patrimonial, dans la catégorie des droits de la personnalité ( avec le droit à l'image, le droit au nom, le droit à l'honneur…) qui ont tous pour dénominateur commun de défendre la personnalité de l'individu; certains auteurs allant même jusqu'à évoquer un droit de l'homme[12]. Il est lié à la personne, en ce que c'est la réputation de l'homme qui est concernée par l'œuvre à laquelle il attache son nom: c'est pourquoi seul il pourra décider de la divulguer; c'est pourquoi il a droit à ce que l'œuvre lui soit attribuée et à ce qu'elle ne soit pas modifiée sans son consentement. Ses caractères seront donc ceux des droits de la personnalité. Ce rapprochement se justifie donc par le constat que, dans l'approche traditionnelle au moins, l'œuvre de l'esprit est avant tout l'émanation d'une personnalité.

§3- Le droit moral, droit de la personnalité spécifique

 

12.            Il convient néanmoins de réserver au droit moral une place à part dans cette catégorie juridique. En effet, contrairement à la plupart des autres droits de la personnalité, il est largement réglementé par des textes et porte sur une œuvre, forcément détachée de la personne physique de son créateur. On retrouvera d'ailleurs ce particularisme dans sa perpétuité, alors même que les autres droits de la personnalité s'éteignent avec la mort de leur titulaire. Le droit moral de l'auteur apparaît donc comme un droit de la personnalité spécifique. C'est ce qu'a pu relever la Cour de cassation[13] dans une formule a priori contradictoire: " mais attendu que le droit moral de l'auteur d'œuvres littéraires est seulement celui de faire respecter soit l'intégrité de ses œuvres, soit son nom et sa qualité en tant qu'auteur de celles-ci, mais qu'il est entièrement étranger à la défense des autres droits de la personnalité protégés par la loi;". L'allusion aux "autres droits de la personnalité" semble justifier le rapprochement mais, on en conviendra, la précision que le droit moral est "entièrement étranger" à ces "autres droits" maintient une certaine distance. On pourra donc considérer, et tel était le cas en l'espèce, que le droit moral n'est pas en cause lorsqu'un article de presse met en cause certains épisodes de la vie et les sympathies supposées d'un auteur, sans faire mention d'un quelconque écrit émanant de lui, la lésion invoquée par la personne étant sans rapport avec une œuvre.

 

Section III- Les caractères du droit moral

 

 

13.            En dépit du pluriel (droits moraux) consacré par la codification de 1992, il n'en demeure pas moins que le droit moral est un concept unitaire comprenant différents caractères énumérés par l'article L 121-1 du CPI[14]. Après avoir énoncé, dans l'alinéa premier de cet article, que l'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre, le législateur ajoute dans les deux alinéas suivants que " ce droit est attaché à sa personne (§1). Il est perpétuel (§2), inaliénable (§3) et imprescriptible (§4)"; il convient, pour compléter cette énumération, d'ajouter qu'il est insaisissable (§5).

§1- Un droit attaché à la personne

 

14.            Cet attachement à la personne aura d'importantes conséquences quant à l'exercice du droit moral (A). Aussi, l'on en retiendra un intérêt pratique considérable, notamment pour protéger l'auteur (B).

A- Conséquences quant à l'exercice du droit moral

 

15.            Il est admis que ce caractère vaut pour le droit moral dans son ensemble, et pas seulement pour les prérogatives visées à l'article L 121-1 du CPI[15]. Il en résulte alors que l'exercice du droit moral est en principe réservé à l'auteur. En d'autres termes, un créancier de l'auteur sera exclu, par exemple, du bénéfice de l'action oblique de l'article 1166 du C.civ.

 

16.            Un problème vient à se poser lorsque l'auteur est un incapable mineur ou majeur; il devrait pouvoir exercer personnellement son droit moral. Une hésitation peut cependant surgire lorsque l'auteur est hors d'état d'exprimer ce consentement. Le problème n'est en effet abordé par l'article L 132-7 alinéa 2 du CPI que sous l'angle des droits patrimoniaux. Il semblerait que le représentant légal ne saurait prendre lui-même l'initiative de divulguer une œuvre: c'est en ce sens qu'une doctrine autorisée se prononce[16].

 

17.            Le caractère personnel du droit moral peut faire douter de la possibilité d'en confier l'exercice à un mandataire. Une telle solution ne semble cependant pas prescrite par la loi[17]; on pourra donc admettre qu'une société de gestion collective soit expressément investie d'un tel pouvoir. Aussi, la jurisprudence fait bénéficier les personnes morales exploitant une œuvre d'une protection possessoire, à l'égard des tiers contrefacteurs. A supposer que l'œuvre soit la création d'un salarié, la société sera "mandatée" pour défendre les droits sur l'œuvre sans avoir à prouver une quelconque cession de droits[18]. Mais, afin d'éviter toute dérive, il sera plus prudent d'associer l'auteur au processus de décision autant que faire se peut.

B- Intérêts quant à la protection de l'auteur

 

18.            Il s'agira principalement de protéger la personnalité intellectuelle de l'auteur (1); cela dit, si la notoriété d'un auteur venait à s'éteindre suite à une mauvaise exploitation de ses oeuvres, le droit moral ne pourrait aucunement intervenir (2).

1- La protection de la personnalité intellectuelle

 

19.            Pour reprendre la formule de  M.Colombet, le droit moral s'attache à l'auteur comme "la lueur au phosphore"[19]. L'intérêt pratique de cette caractéristique apparaît lorsque, dans certains contrats, il est imposé à l'auteur de créer des œuvres trop nombreuses, dans un laps de temps trop court; en effet, l'auteur étant tenu de respecter un rendement déterminé, il est fortement probable que cela sera de nature à compromettre la qualité de l'œuvre, et par là même, la réputation et l'avenir de l'auteur. La jurisprudence sera amenée à censurer ces contrats au motif que le droit moral se détache de la personnalité de l'auteur. Il semble alors intéressant de rapporter cette décision de la cour d'appel d'Aix-en-Provence[20], qui annula comme contraire aux principes qui régissent la propriété artistique, un contrat dont les clauses essentielles ne respectaient pas la personnalité du peintre, sa liberté créatrice et son droit moral en lui imposant, en échange d'une mensualité modique, un nombre d'œuvres fonction de la cadence des ventes. La cour releva que le rythme de production imposé portait atteinte au droit moral de l'artiste qui, contraint de fournir une certaine quantité de toiles, pouvait se trouver obligé de livrer des œuvres qu'il considérait comme inachevées ou imparfaites. C'est donc lorsque l'auteur a perdu toute sa liberté, que le droit moral vient finalement à se détacher de sa personne; dans de telles circonstances en effet, l'opportunité d'une divulgation de l'œuvre est laissée au marchand de tableau et la convention doit alors être annulée, car l'artiste ne peut plus suffisamment exercer son droit fondamental.

 

20.            Il convient néanmoins de préciser que l'engagement que prend l'artiste de fournir périodiquement, pendant une certaine durée, un nombre déterminé de ses œuvres n'a en soi rien d'illicite[21]. Il n'en sera autrement que lorsque la partie envers laquelle il a été pris, et qui a elle même l'obligation d'aider l'artiste à développer son talent, lui aura fait des conditions de travail telles qu'elles constitueront au contraire une entrave à ce développement. La Cour de cassation[22], dans l'affaire Etat gabonais c/ Antenne 2 a en effet précisé dans le cadre d'une commande à des fins publicitaires: "attendu que […] le droit moral de l'auteur sur son œuvre ne préexiste pas à celle-ci et que l'auteur peut, au préalable, légalement consentir par convention à limiter sa liberté de création". Ainsi, l'auteur peut valablement aliéner sa liberté de création, mais cela ne saurait en aucun cas le priver de son droit moral qui existe même en présence d'une œuvre inachevée.

2- L'absence d'influence sur la perte de notoriété

 

21.            En revanche, le droit moral ne devra  pas servir à sanctionner la perte de notoriété résultant de l'inexploitation ou de la mauvaise exploitation d'une œuvre puisque sa finalité consiste à protéger la personnalité de l'auteur. Comme l'a précisé la Cour de cassation[23], l'article L 121-1 du CPI ne protège que les droits de propriété incorporelle de l'auteur, quelle que soit sa notoriété ou la valeur de son œuvre; ainsi, "en fait une fausse application la décision qui, après avoir […] condamné ce dernier (un marchand de tableaux) à réparer le préjudice résultant de ses agissements ayant abouti à la baisse de la côte du peintre, ordonne que les tableaux de cet artiste dont le marchand est encore propriétaire ne pourront être vendus que sous le contrôle d'un expert […], au seul motif que le marchand avait liquidé des toiles du peintre dans des conditions désastreuses pour la réputation de celui-ci qui pouvait exiger le respect de son droit moral pour l'avenir". En effet, aucun des attributs du droit moral n'étaient mis en échec; ainsi du droit de divulgation, ainsi du droit au respect de son nom et de l'œuvre. En outre, l'exploitation d'une œuvre, aussi mauvaise soit-elle, ne relève pas du droit moral, mais simplement des obligations du cessionnaire des droits patrimoniaux. Il n'y a donc pas dans ce cas détachement du droit moral de la personne de l'auteur.

§2- La perpétuité

 

22.            En consacrant la perpétuité du droit moral, le législateur signifie à la fois que la durée du droit moral n'est pas identique à celle du monopole d'exploitation qui est temporaire, et que ce droit, quoiqu'étant destiné à protéger la personnalité de l'auteur telle qu'il l'a exprimée dans son œuvre, n'est pas non plus un droit viager, à la différence des droits généraux de la personnalité.

 

23.            Le droit moral va ainsi subsister après l'expiration du droit pécuniaire. Le législateur l'a expressément rappelé à propos de l'un des ses attributs, le droit de divulgation. En effet, l'article L 121-2 alinéa 3 du CPI  dispose que "ce droit [de divulgation] peut s'exercer même après l'expiration du droit exclusif d'exploitation déterminé à l'article L 123-1". La perpétuité du droit moral ne semble donc pas incompatible avec la nature personnelle des prérogatives en cause. Elle est fondée, selon M. Desbois, sur le fait que l'œuvre survit elle-même à son auteur, tout en restant marquée de l'empreinte de sa personnalité. Mais il est évident que cette perpétuité deviendra de plus en plus théorique au fil des décennies, faute de personnes susceptibles d'agir en justice pour le défendre.

§3- L'inaliénabilité

 

24.            L'inaliénabilité du droit moral trouve sa cause dans l'ordre public (A). Toutefois, la réalité économique mérite d'apporter quelques nuances à ce principe (B).

A- Un principe tenant au caractère d'ordre public du droit moral

 

25.            L'inaliénabilité fut affirmée initialement par la jurisprudence[24]. En l'espèce, il s'agissait du peintre Rouault, qui avait remis des toiles non achevées ni signées, moyennant rémunération à un marchand de tableaux qui s'était engagé à les retourner à l'artiste pour dernière révision et signature. Les héritiers du marchand en revendiquaient la propriété et refusèrent de les restituer au peintre. Le tribunal en conclu que la remise des tableaux dans ces conditions n'avait nullement opérée transfert de la propriété au marchand. Le tribunal se fondait sur une incessibilité du droit moral et sur l'impossibilité de le restreindre par quelconque convention. Le dispositif du jugement reflétait alors cette suprématie du droit moral et de l'art en général: " Attendu que, plus spécialement en matière de peinture, l'intérêt supérieur de l'art exige que le peintre, seul possesseur de ce qui est le plus beau dans l'homme, c'est-à-dire la pensée créatrice, soit le seul juge de ce moment où l'œuvre doit être considérée comme définitive […] Attendu que la possibilité pour le peintre de revenir sur une œuvre inachevée est la conséquence du droit de libre développement de la personnalité humaine, droit qui est de la nature même que tous les droits inhérents à la liberté de l'homme; qu'il s'agit là de droits qu'on ne peut céder et qui ne peuvent être restreints par aucune convention;". L'inaliénabilité du droit moral a été confirmée par le législateur. Cette inaliénabilité vise non seulement les cessions à un éditeur[25], par exemple, mais aussi les renonciations. Dans le cadre de ces dernières, la Cour de cassation[26] a précisé que la clause d'un contrat autorisant le producteur à passer outre au défaut d'accord du réalisateur est atteinte d'une nullité d'ordre public. Ainsi, comme le dit M. Desbois[27], l'auteur ne peut renoncer à la défense de sa personnalité, sous peine de commettre un "suicide moral".

B- Un principe nuancé

 

26.            La consécration d'un tel principe, qui est logique, ne peut cependant être absolue. Le fait qu'un droit subjectif ait un caractère d'ordre public ne peut permettre de prohiber par principe n'importe quelle renonciation. On concevra en effet que renoncer prématurément à son droit de divulgation ou à son droit de repentir s'avère extrêmement dangereux pour les intérêts de l'auteur. En revanche, un aménagement des droits au respect du nom et de l'œuvre peut être tolérable. De par le passé, la jurisprudence admettait sans aucune condition la renonciation au droit de paternité[28] et celle-ci s'imposait aux héritiers de l'auteur[29]. Dans cette affaire , il s'agissait d'un cas de collaboration occulte entre l'épouse de l'auteur principal et ce dernier (Mr et Mme Daudet). La cour d'appel de Paris retenait alors que lorsqu'il apparaît que la volonté commune de l'auteur et de son épouse est de laisser au premier la qualité d'auteur unique de l'œuvre, les héritiers, dépositaires de la volonté de l'auteur, ne peuvent être autorisés à la trahir en faisant sortir chacun des époux de la mission qu'ils se sont donnée à l'un et à l'autre. Au travers de cette décision, la cour a n'a donc pas censuré la volonté de l'épouse qui constituait bien une renonciation à la "qualité d'auteur", c'est-à-dire à la paternité. Un tel aménagement du principe d'inaliénabilité est intéressant, notamment en matière de "négritude littéraire"[30]. De même, le droit au respect de l'œuvre n'est pas intangible, mais nous y reviendrons dans le cadre de l'étude de l'exercice des prérogatives du droit moral[31].

§4- L'imprescriptibilité

 

27.            Il convient de distinguer la prescription du droit lui-même, ou de sa jouissance (§1), de la prescription de l'action visant à sanctionner une atteinte à ce dernier (§2).

A- Le rejet des prescriptions acquisitive et extinctive

 

28.            La prescription, comme mode d'acquisition d'un droit ou usucapion résulte de la possession légale d'un bien prolongée pendant un certain temps. Or, il est unanimement admis que la possession est une notion inadaptée aux droits de propriété intellectuelle. M. Cornu le montre bien: " ne donnant par hypothèse aucune prise à une appréhension, au pouvoir brut d'une détention matérielle, ces meubles incorporels sont soumis à des régimes juridiques fort divers, mais dont le trait commun, par une différence spécifique avec les meubles corporels, est de ne faire aucune part à la possession"[32].

 

29.            On voit alors mal que le droit moral puisse être acquis, par quelque moyen que ce soit, au profit de quelqu'un qui ne serait pas le créateur de l'œuvre. L'article L 121-1 du CPI dispose que ce droit est perpétuel et imprescriptible. Ces deux notions ne font pas double emploi. En effet, l'imprescriptibilité signifie que le droit moral ne se perd pas par le non-usage, fût-il trentenaire, et que l'auteur ou ses ayant droit ne peuvent se voir opposer une longue inertie dans la défense du droit moral comme cause d'extinction de ce droit. Le caractère imprescriptible posé par ce texte vise aussi bien la prescription extinctive, au détriment de l'auteur, que la prescription acquisitive, au bénéfice d'un tiers.

 

30.            On soulignera néanmoins l'admission par la Cour de cassation d'une forme de protection possessoire, au bénéfice de la personne morale exploitant une œuvre et désireuse d'agir contre des tiers contrefacteurs[33].

B- La question de la prescription de l'action

 

31.            On a vu que le droit moral ne pouvait se perdre, ou s'acquérir par prescription. Pour autant une action visant à réparer une atteinte au droit moral n'est-elle soumise à aucun délai ? Ce n'est a priori pas le cas, cette action se prescrit selon les règles du droit commun; l'auteur ou ses héritiers devront donc intenter l'action dans les trente ans qui suivent l'atteinte. On rapportera cependant l'avis de certains auteurs[34] qui ont considéré que l'action en contrefaçon est une forme d'action en responsabilité civile, puisqu'elle a un caractère indemnitaire, et qu'il suffit donc d'appliquer le délai de prescription décennal posé à l'article 2270-1 du code civil. Cela dit, la jurisprudence[35] a précisé que l'action visant à restaurer la paternité de l'auteur échappait à cette prescription. On ne peut alors qu'approuver cette solution. En effet, l'article L. 113-1 du CPI dispose bien que "la qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'œuvre est divulguée". Or, la qualité d'auteur confère un droit moral qui, rappelons-le, ne peut être usucapé par des tiers ni perdu par le non usage. Cette qualité d'auteur dépendant du nom sous lequel l'œuvre est divulguée, il semble justifié que toute "preuve contraire" puisse être rapportée à n'importe quel moment; une solution contraire viderait a priori le droit moral de sa substance.

§5- L'insaisissabilité

 

32.            L'insaisissabilité apparaît comme une conséquence nécessaire de l'inaliénabilité. Si une saisie peut porter sur l'œuvre d'art elle-même, en tant que bien matériel, ou sur les redevances issues de l'exploitation de l'œuvre, elle ne peut en aucun cas porter sur le droit moral. En raisonnant a contrario, autoriser une telle prérogative aux créanciers reviendrait à leur permettre d'exercer le droit de divulgation à la place de l'auteur, ce qui serait profondément contestable. De même, les créanciers se verront exclus du bénéfice d'une action oblique (art. 1166 C.Civ.) ou paulienne (art. 1167 C.Civ.) qui concernerait le droit moral.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

33.            Nous traiterons dans un premier temps de la titularité du droit moral (Titre I), dont on verra qu'elle pourra être source de nombreux conflits. Dans quelle mesure un auteur ou ses héritiers peuvent-ils opposer leur droit moral à l'exploitant ou au propriétaire d'une œuvre? Le droit moral présente-t-il un intérêt systématique? Supporte-t-il des limites? Un exploitant doit-il réellement craindre le droit moral? Nous tenterons d'apporter des réponses à ces questions lorsque nous examinerons, dans un deuxième temps, l'exercice du droit moral (Titre II).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Titre I- La titularité du droit moral

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

34.            Comme tout droit subjectif, pour le faire respecter, encore faut-il en être le titulaire. C'est la question que nous allons aborder dans le présent titre. Il s'agit de s'interroger ici sur le titulaire originaire, ab initio, sur la tête duquel naîtront les droits d'auteur. L'intérêt de cette question réside en ce que à tout moment, l'auteur ou ses héritiers pourront engager une action visant à défendre leur droit moral sur l'œuvre; en effet, si l'auteur est libre de céder ses droits patrimoniaux ( et parfois même la cession sera présumée, comme dans le contrat de production audiovisuelle ou le contrat de commande pour la publicité[36]), le titulaire originaire conservera en tout hypothèse l'exercice du droit moral, dont on a évoqué l'inaliénabilité.

 

35.            Nous envisagerons alors deux périodes: la première étant le vivant de l'auteur, où il bénéficie "personnellement" du droit moral (Chap.1); la deuxième se situant postérieurement à son décès, car, à l'encontre des droits de la personnalité à proprement parler, le droit moral est transmissible à cause de mort; on parlera alors du droit moral post mortem (Chap.2).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chapitre 1- La titularité du vivant de l'auteur

 

 

 

 

36.            Une œuvre, quel que soit son genre, n'est pas nécessairement le fruit d'un travail d'un seul auteur (I). En effet, il est bien des créations intellectuelles de même genre ou regroupant des genres différents,  issues d'une collaboration; le code de la propriété intellectuelle comporte alors de nombreuses dispositions en cas de pluralité d'auteurs (II).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Section I- L'auteur

 

 

37.            L'auteur est la personne qui va bénéficier des droits moraux et patrimoniaux. Mais qu'entend-on par le terme "auteur" ? La jurisprudence, plus que la loi, a dégagé des principes généraux permettant d'attribuer la qualité d'auteur (§1). Aussi est-il nécessaire de s'interroger sur une éventuelle interférence sur la titularité du droit moral, résultant de la situation matrimoniale (§2) ou salariale (§3) de l'auteur, ou encore, de son appartenance à la fonction publique (§4).

§1- Principes généraux régissant la qualité d'auteur

 

38.            On dénombrera trois principes gouvernant la qualité d'auteur. On remarquera, et bien que cela ne figure pas dans la loi, que l'auteur ne peut être qu'une personne physique (B) qui bénéficiera d'une présomption de la qualité d'auteur lorsque l'œuvre sera divulguée sous son nom (C). Mais, dans un premier temps, il conviendra de préciser la notion d'auteur (A).

A- La notion d'auteur

 

39.            Nulle définition de l'auteur n'est donnée par la loi. Cependant, en s'attachant à la conception personnaliste du droit d'auteur, et tel qu'il en ressort de l'esprit des textes, l'auteur est celui dont la personnalité s'est exprimée dans l'œuvre; il faut une intervention originale. C'est ce lien ténu entre l'œuvre et la personnalité du créateur qui investit ce dernier des droits d'auteur. On relatera les propos de M. Linant de Bellefonds[37], qui constate une équipollence "auteur-créateur", car selon lui, le créateur marque l'œuvre de l'emprunte de sa personnalité: ainsi de l'écrivain, du compositeur, ou du chorégraphe. C'est donc en examinant ce lien que l'originalité pourra être caractérisée et que la qualité d'auteur sera susceptible d'être reconnue à certaines personnes.

 

40.            Il est constant que les idées ne sont pas protégeables en elles-mêmes, et ce, partant du postulat qu'elles doivent pouvoir être reprises sans que ceux qui les ont conçues prétendent pouvoir se les approprier. C'est la forme même dans laquelle elles sont exprimées qui donne prise au droit d'auteur. Pour autant, la personne ayant apporté l'idée ou le thème à l'origine de la création d'une œuvre peut-elle être considérée comme co-auteur? M.Lindon[38] a en effet avancé que l'idée ne devrait pas être considérée in abstracto, celle-ci tombant effectivement dans le fond commun, mais qu'il serait bienvenu de retenir à la protection une idée confiée par une personne à une autre, en vue de sa réalisation dans un autre domaine que le cercle des œuvres littéraires: le concepteur ne devrait pas se voir refuser un droit d'auteur puisque sans lui l'œuvre n'aurait pas été créée. Cette suggestion n'est cependant pas sans appeler quelques remarques. En effet, Claude Colombet[39] soulève le problème des "idées banales, courantes, usées" et retient que dès lors, la protection du fournisseur d'idées ne pourrait s'admettre qu'en s'attachant à son mérite, et cela paraîtrait tout à fait contestable eu égard aux principes du droit d'auteur. Ainsi, sur cette question, la jurisprudence est constante et ne reconnaît pas la qualité d'auteur à la personne fournissant une idée ou un thème: " Attendu qu'une esquisse, ébauche d'une œuvre d'art, tire toute sa valeur de l'expression particulière que la sensibilité du peintre a su donner à l'idée à interpréter, et non point de l'idée elle-même, dépouillée de son expression artistique; que son véritable auteur n'est donc pas le décorateur, qui a fourni l'idée, mais le peintre qui a su lui donner forme et couleurs;" [40].

 

41.            Pas plus que celui qui s'est limité à fournir l'idée ou le thème, le simple exécutant matériel ou, plus généralement, celui qui suivra à la lettre des instructions, ne pourra se prévaloir de la qualité d'auteur. Ainsi du réalisateur qui se conformera au cahier des charges très précis du producteur[41], ou du réalisateur d'émissions télévisées considéré comme simple prestataire de services techniques[42]; ainsi de celui qui se contentera d'appuyer sur le déclencheur d'un appareil de photo après qu'une autre personne (à qui l'on reconnaîtra la qualité d'auteur) ait choisit le sujet, le moment, "procédé aux opérations de réglage de l'appareil, de mise au point de l'image et de cadrage de la photographie"[43].

 

42.            Enfin, l'on peut ajouter qu'un travail de restauration, malgré de longues recherches et analyses pour la reconstitution ne pourra attribuer la qualité d'auteur, c'est ce qu'a fait remarquer la cour d'appel de Paris[44]: " Considérant qu'un individu ne peut valablement soutenir qu'en restaurant la copie de 1963 des Vampires il a réalisé une œuvre de création au sens du droit d'auteur, que la création d'une œuvre nouvelle, que ce soit une adaptation ou une œuvre composite, suppose un apport original alors que la restauration implique la fidélité la plus stricte à l'image et à l'esprit de l'œuvre d'origine […]". Dans l'espèce, il ne s'agissait pas de respecter à la lettre des instructions, mais de rester fidèle à l'œuvre originale, en se gardant de tout apport personnel.

B- L'auteur, personne physique

 

43.            Autre conséquence de la conception personnaliste du droit d'auteur, le monopole ne pourra naître que sur la tête d'une personne physique. Cela est visé expressément par les articles L 113-2 al 1er pour l'œuvre de collaboration, L 113-7 al 1er pour l'œuvre audiovisuelle et, pour l'œuvre radiophonique, par l'article L 113-8 al 1er . Quant à l'article L 113-1 du CPI, il n'apporte guère de précisions, s'en tenant à présumer la qualité d'auteur à "celui ou à ceux sous le nom de qui l'œuvre est divulguée". Depuis un arrêt de 1982, la solution consacrée par la Cour de cassation[45] est que, l'hypothèse de l'œuvre collective mise à part, seules les personnes physiques pourront avoir la qualité d'auteur: " Attendu qu'il résulte de ces textes [ art. L 113-1, L 113-2, et L 113-5 du CPI] qu'une personne morale ne peut être investie à titre originaire des droits d'auteur que dans le cas où une œuvre collective, créée à son initiative est divulguée sous son nom;[…] ". C'est dans le domaine des arts appliqués que cette solution s'est vue opposé le plus de résistance[46] et, malgré certaines décisions divergentes[47], on pourra néanmoins la tenir pour certaine. En effet, de même qu'une personne morale n'exerce son activité qu'au travers de ses représentants, il paraît douteux qu'elle puisse créer par elle-même, sans l'intervention de personnes physiques; Il semble difficile de soutenir qu'une personne morale ait une personnalité créatrice propre. Sur ce point, la jurisprudence s'est montrée parfois intrigante. On relèvera un arrêt de la Cour de cassation[48] qui invitait les juges d'appel à rechercher si "la société Hayat n'avait pas fait œuvre personnelle en appliquant à la fabrication des chandails de cette forme une technique de tissage particulière de nature à donner à l'ensemble un aspect distinctif, caractéristique d'une création originale […]". Rendues à leur contexte, ces décisions peuvent à priori se justifier. Il s'agissait en l'espèce de sociétés exploitant des œuvres d'art appliqué et désireuses d'agir en contrefaçon à l'encontre de tiers. Alors, certainement dans un souci d'allégement procédural et de "justice", les juges se sont fondés sur cette fiction pour leur reconnaître la qualité d'auteur et faire aboutir leur demande. Par ailleurs, ces quelques dérives jurisprudentielles ne devraient plus avoir lieu d'être, puisqu'il est maintenant reconnu aux personnes morales exploitant une œuvre, et en l'absence de revendication des auteurs personnes physiques, une présomption de titularité des droits à l'égard des tiers contrefacteurs.

 

44.            Enfin, si une personne morale ne peut être titulaire ab initio des droits d'auteurs (excepté le cas de l'œuvre collective), rien ne l'empêche d'en être le cessionnaire. Mais cela ne sera bien évidemment valable qu'à l'égard des droits patrimoniaux, le droit moral étant inaliénable.

C- La présomption de la qualité d'auteur

 

45.            L'article L 113-1 du CPI fait bénéficier les personnes physiques, sous certaines conditions, d'une présomption de la qualité d'auteur (1). Il importe en effet, lorsque tout porte à croire qu'un auteur a réalisé une œuvre, de lui éviter d'avoir à rapporter la preuve de sa paternité. Aussi, la jurisprudence a élargi cette présomption au bénéfice des personnes morales exploitant une œuvre (2).

1- La présomption de la qualité d'auteur personne physique

 

46.            L'article L 113-1 du CPI dispose que "la qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'œuvre est divulguée". Cette présomption pourra être invoquée par tous les créateurs dont le nom a été porté à la connaissance du public d'une manière quelconque. On citera à titre exemple, le scénariste dont le nom figure sur un scénario divulgué[49], le réalisateur dont le nom figure sur le texte écrit du scénario ou sur des coupures de presse, et cela même si le générique du téléfilm n'en fait pas mention[50], ou, encore, les metteurs en scène et scénariste mentionnés au générique sous la forme " un film de"[51]. Mais la mention du nom de l'auteur doit être dépourvue d'équivoque, de sorte que la mention "avec le concours de " apparaît comme ambiguë et se révèle donc insuffisante[52]. A notre sens, cette solution tient de l'opportunité et s'avère critiquable. Exclure une personne du bénéfice de la présomption lorsqu'il est mentionné qu'elle a apporté (simplement) son concours ne revient-il pas à prendre en considération le mérite? Au regard des principes accordant la protection du droit d'auteur cela n'est pas satisfaisant.

 

47.            L'œuvre une fois divulguée sous le nom d'un autre auteur, ce sera au demandeur ou à ses héritiers qu'incombera la charge de la preuve contraire, car il s'agit d'une présomption simple qui peut être combattue par tous moyens. La Cour de cassation[53] n'a pas manqué de le rappeler dans un litige opposant les héritiers de Boris Vian aux co-auteurs d'un film tiré d'un scénario initial de celui-ci (scénario tiré du roman "J'irai cracher sur vos tombes"): " Mais attendu, d'abord, que l'art. L 113-1 c. propr. intell. institue une présomption simple de la qualité d'auteur et ne s'oppose pas à ce que cette qualité soit également reconnue à une ou plusieurs personnes autres que celles sous le nom de qui l'œuvre a été divulguée;". Aussi, par exemple, la rectification de l'étiquette fausse apposée sur un disque suffira à renverser cette présomption: "la cour d'appel a souverainement estimé qu'en invoquant la rectification immédiate, sur les étiquettes des disques, du nom sous lequel l'œuvre était ainsi divulguée par erreur, M.Perez et la société Hugh Music apportaient la preuve contraire prévue par l'article 8 de la loi du 11 mars 1957"[54]. En cas de contestation, les juges du fond apprécieront souverainement les éléments et les faits présentés par celui qui se prévaut de la présomption[55].

2- L'application de cette présomption aux personnes morales

 

48.            Depuis une dizaine d'années, on peut constater un courant jurisprudentiel favorable aux personnes morales désireuses d'agir en contrefaçon. Jusqu'alors, les personnes morales concernées devaient prouver, conformément à l'article L 113-5 du CPI[56], qu'elles étaient soit propriétaires d'une œuvre collective et donc investies des droits de l'auteur, soit cessionnaires des droits patrimoniaux. La solution alors logique du point de vue des principes régissant les droits d'auteur, avait cependant pour conséquence de permettre aux contrefacteurs d'échapper aux poursuites, car bien souvent, l'absence d'écrit translatif des droits patrimoniaux entre les auteurs véritables et ces personnes morales s'expliquait soit par une méconnaissance des règles relatives aux créations des salariés[57], soit par la croyance erronée en une qualification de la création en cause en œuvre collective. Certainement dans un souci d'allégement procédural, la haute juridiction procéda à un renversement de la charge de la preuve.

 

49.            En effet, elle avait admis dans un premier temps[58] une présomption d'œuvre collective, en l'absence de revendication des auteurs (salariés), au bénéfice de la société exploitant ladite œuvre, et désireuse d'agir en contrefaçon. Depuis l'arrêt Aréo[59] du 24 mars 1993, nombreuses décisions de la haute juridiction s'inscrivent dans ce courant jurisprudentiel favorable aux personnes morales. Les conditions de mise en œuvre de cette présomption énoncées dans l'arrêt Aréo étaient exposées ainsi: " Qu'en l'absence de toute revendication de la part de la ou des personnes physiques ayant réalisé les clichés, ces actes de possession (l'exploitation commerciale par la SMD sous son propre nom) étaient de nature à faire présumer, à l'égard des tiers contrefacteurs, que la société SMD était titulaire sur ces œuvres, quelle que fût leur qualification, du droit de propriété incorporelle de l'auteur". Mais, il conviendra de rapporter que la formule a évolué au gré des espèces[60], certaines ne précisant plus, à propos de l'œuvre: "quelle que soit sa qualification", d'autres ne faisant pas référence aux "actes de possession". Même si cette construction s'est montrée sinueuse dans sa motivation, voir même dans son fondement, il n'en demeure pas moins qu'elle a été linéaire dans l'effet recherché; la règle prétorienne signifiant que, malgré la lettre de l'article L 113-5 du CPI, la preuve préalable que l'œuvre est collective n'est plus exigée et, mieux encore, la nature intrinsèque d'œuvre protégeable possédée par la personne morale demandeur à l'action en contrefaçon lui permet de bénéficier de la présomption.

 

50.            Cette présomption n'est alors pas sans appeler quelques remarques. Il s'agit en effet d'une présomption portant sur "le droit de propriété incorporelle de l'auteur". Signifie-t-elle que la personne morale est présumée titulaire des droit patrimoniaux ou ensemble les droits patrimoniaux et le droit moral? En outre, rendues sous le visa de l'article L 113-5 du CPI, ces décisions posent à priori une présomption réfragable, mais à leur lecture, toute "preuve contraire" semble relativement difficile à rapporter par les sociétés prétendues contrefactrices.

 

51.            La question de savoir sur quels droits porte la présomption n'est pas sans importance, et cela intéressera particulièrement notre domaine puisqu'il est maintenant admis par la jurisprudence que la seule violation du droit moral peut constituer une contrefaçon: "Qu'en effet, caractérise la contrefaçon par diffusion, prévue par l'article L 335-3 du code de la propriété intellectuelle, la mise sur le marché de l'art d'une œuvre originale, même abandonnée par son auteur, lorsqu'elle est faite en violation du droit moral de divulgation qu'il détient sur celle-ci en vertu de l'article L 121-2 de ce code"[61]. On peut constater que les décisions rendues par la haute juridiction visent l'article L 113-5 du CPI, qui investit des droits de l'auteur (droit moral et droits patrimoniaux) la personne physique ou morale sous le nom de laquelle est divulguée l'œuvre collective. Le droit moral semble donc être inclus dans cette présomption. Mais, en ce qui nous concerne, en quoi pourrait constituer une contrefaçon par violation du droit moral?

 

52.            Raisonnons en premier lieu sur le cas où une société retarde l'exploitation d'une œuvre (collective ou création d'un salarié) et n'a donc pas exercé son droit de divulgation sur cette oeuvre. Une lecture plus attentive des différentes motivations des arrêts rendus par la Cour indique qu'il est fait référence soit aux actes d'exploitation, soit aux actes de possession de l'œuvre, et cela n'est pas sans conséquences. Les actes d'exploitation sous entendent qu'il y ait eu au préalable divulgation. Une société ne pourrait donc se prévaloir de la présomption, faute d'exploitation nécessitant une divulgation préalable. Pire même, la société contrefactrice serait, quant à elle, fondée à invoquer la présomption! En revanche, il convient de préciser ce qu'a voulu entendre la Cour de cassation par "actes de possession". Les éléments de la possession sont le corpus et l'animus domini. La Cour admet implicitement que le corpus, qui désigne le pouvoir de fait exercé sur une chose que l'on possède, peut porter sur une chose incorporelle[62]. Les actes de possession correspondront vraisemblablement aux actes juridiques de divulgation et d'exploitation. En ce qui concerne l'animus domini, il suffira que l'exploitant personne morale se comporte en maître de la chose, c'est-à-dire comme s'il était auteur ou cessionnaire. Là encore, la présomption sera au bénéfice de la société prétendue contrefactrice.

 

53.            En deuxième lieu, on pourrait envisager une violation du droit au respect au nom ou au respect de l'œuvre. Cette situation suppose que deux sociétés exploitent la même œuvre, mais l'une le fait en violation des droits moraux de l'autre. Il est clair que s'il y a eu une cession préalable des droits d'exploitation, la présomption s'avère inutile puisque la société plaignante dispose de l'acte de cession. En revanche, s'il n'y a pas eu de cession, la société contrefactrice violera à la fois les droits patrimoniaux et le droit au nom, voire même le droit au respect de l'œuvre. Partant, la contrefaçon par violation du droit moral est accessoire à une contrefaçon par violation des droits patrimoniaux. Sur ce point alors, le débat se révèle théorique tant il est difficile voire impossible d'imaginer une simple violation du droit moral.

 

54.            Enfin, il convient de se demander en quoi pourrait consister la preuve contraire. Laisser alléguer la personne poursuivie que le demandeur est une personne morale qui ne peut être regardée comme titulaire ab initio des droits (excepté l'œuvre collective) reviendrait à ruiner immédiatement la construction jurisprudentielle, car celle-ci joue quelle que soit la qualification de l'œuvre. De même, admettre que le prétendu contrefacteur puisse exiger la production des contrats de cession conduit au même constat puisque c'est justement pour éviter cela que la présomption a été élaborée. La Cour de cassation[63] a d'ailleurs refusé d'accueillir ce mode de défense: "Attendu que pour déclarer irrecevable l'action en contrefaçon dirigée par la société Ateliers Jean Perzel contre la société Sofar, […], l'arrêt attaqué énonce que la société Ateliers Jean Perzel, qui exploite l'œuvre, ne justifie pas avoir bénéficié d'une cession des droits de l'auteur, et que, l'objet n'ayant pas le caractère d'une œuvre collective, la présomption édictée par l'article susvisé (art. L 113-5 du CPI) ne pouvait s'appliquer; en quoi la cour d'appel a violé ce texte, par fausse application". Dans une espèce plus récente, les hauts magistrats[64] ont confirmé la solution de la cour d'appel de Lyon qui s'était montrée indifférente aux arguments du contrefacteur qui soulignait non seulement le caractère tardif (postérieur aux demandes) mais aussi irrégulier du transfert des droits d'auteur du créateur vers la société (absence au profit de l'auteur de la participation aux recettes provenant de la vente ou de l'exploitation). On peut finalement se demander si les juges entendent encore réserver une place à la possibilité de renversement de la présomption. On serait alors en présence d'une présomption irréfragable, certains auteurs, tels M. Sirinelli[65], avançant même que la solution proposée n'est plus une règle de preuve mais une règle de fond.

§2- Le droit moral de l'auteur marié

 

55.            Conformément aux articles 1404 du C.Civ (" Forment des propres par leur nature […] tous les droits exclusivement attachés à la personne") et L 121-9 al 1er du CPI (" […] le droit de divulguer l'œuvre, de fixer les conditions de son exploitation et d'en défendre l'intégrité reste propre à l'époux auteur ou à celui des époux à qui de tels droits ont été transmis […]"), le droit moral demeure propre à l'auteur et ne saurait tomber en communauté. Par ailleurs, toute clause contraire encourt la nullité, et ce, quelque soit le régime matrimonial.

 

56.            Il en ira autrement pour les produits pécuniaires provenant de l'exploitation de l'œuvre qui seront soumis aux règles applicables aux meubles, suivant le régime matrimonial adopté, uniquement lorsqu'ils auront été acquis pendant le mariage ( art. L 121-9 al 2 du CPI).

§3- Le droit moral de l'auteur salarié

 

57.            Il est très fréquent que des œuvres soient créées dans le cadre du travail. L'article L 111-1 al 3 du CPI dispose à cet effet que " L'existence ou la conclusion d'un contrat de louage d'ouvrage ou de service par l'auteur d'une œuvre de l'esprit n'emporte aucune dérogation à la jouissance du droit reconnu par l'alinéa 1er [qui attribue la qualité d'auteur] au créateur". Le salarié créateur est alors qualifié d'auteur et investi ab initio des droits d'auteur. Ainsi, il pourra toujours exercer son droit moral qui est attaché à sa personne et inaliénable, ce qu'affirmait dans un arrêt la cour d'appel d'Aix-en-Provence[66]: " l'auteur [d'un présentoir de rouge à lèvre], même salarié, conserve sur son œuvre les attributs d'ordre moral dont l'article 6 de la loi du 11 mars 1957 [art. L 121-1 du CPI] consacre le caractère perpétuel et inaliénable".

 

58.            Dans le cas du logiciel, l'auteur salarié conservera aussi son droit moral, mais ce dernier sera atténué; en effet, comme en dispose l'article L 121-7 du CPI, l'auteur ne pourra ni exercer son droit de repentir ou de retrait, ni s'opposer à la modification du logiciel par le cessionnaire des droits mentionnés à l'article L 122-6 2° (droits de traduction, d'adaptation et d'arrangement) lorsqu'elle ne portera pas atteinte à son honneur et à sa réputation. Mais ceci est susceptible d'aménagement conventionnel plus favorable à l'auteur.

§4- Le droit moral de l'auteur fonctionnaire

 

59.            La question qui se pose est de savoir si les exigences du service public ont une conséquence sur la titularité originaire du droit d'auteur, et, plus particulièrement, du droit moral. Cette situation est régie par un avis du Conseil d'Etat du 21 novembre 1972: " Les nécessités du service exigent que l'administration soit investie des droits de l'auteur sur les œuvres de l'esprit telles qu'elles sont définies par la loi de 1957, pour celles de ces œuvres dont la création fait l'objet même du service. Par l'acceptation de leurs fonctions, les fonctionnaires et agents de droit public ont mis leur activité créatrice ou les droits qui peuvent en découler à la disposition du service, dans toute la mesure nécessaire desdites fonctions". A priori le fonctionnaire conserverait sur ses œuvres son droit moral, mais non sans quelques atténuations selon les exigences du service[67].

 

 

Section II- La pluralité d'auteurs

 

 

60.            Une œuvre n'est pas nécessairement le fruit d'un travail d'un seul auteur. Bien souvent en effet, des "esprits" s'associent à l'élaboration d'une création artistique. Cette collaboration peut relever d'un même genre ou d'un genre différent, être active ou passive selon que les artistes se sont concertés ou non; elle peut aussi, sous certaines conditions, faire intervenir une personne morale. Face à cette diversité de situations, le législateur a prévu différentes règles. Il s'agira alors dans un premier temps d'étudier l'œuvre de collaboration (§1), avant d'envisager les œuvres collectives (§2) et celles dites composites ou dérivées (§3).

§1- L'œuvre de collaboration

 

61.            L'œuvre de collaboration répond à des règles générales (A). Consacrant la jurisprudence antérieure, la loi du 11 mars 1957 a qualifié les œuvres audiovisuelles et radiophoniques (B) d'œuvres de collaboration en leur prévoyant néanmoins quelques spécificités.

A- Règles générales

 

62.            Après avoir cerné la définition (1) des œuvres de collaboration, il conviendra de caractériser rapidement leur régime juridique et d'envisager le droit moral des coauteurs (2).

 

 

1- Définition

 

63.            L'article L 113-2 al. 1er du CPI dispose: "est dite de collaboration l'œuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques". Cette définition, assez succincte, a dû être précisée par la jurisprudence. L'œuvre de collaboration devra ainsi répondre à deux exigences. Non seulement il faudra un travail créatif, conduit par plusieurs auteurs (a), mais aussi une communauté d'inspiration (b).

a- L'exigence d'un travail créatif conduit par plusieurs auteurs

 

64.            Pour prétendre à la qualité d'auteur, il faut avoir non seulement participé à la "création" de l'œuvre, mais aussi l'avoir marquée de l'empreinte de sa personnalité. De ce fait, et conformément à lettre de cet article, une personne morale ne peut en aucun cas être coauteur d'une œuvre de collaboration. Là encore, les principes généraux régissant la qualité d'auteur trouveront à s'appliquer. Ainsi, les personnes prétendant à la qualité de coauteur devront avoir concouru à la mise en forme, et pas seulement fourni l'idée ou le thème[68]. De même, la personne se bornant à conseiller un peintre[69] ou un élève[70] par exemple ne sera pas considérée comme coauteur de l'œuvre finale, tout comme le client d'un photographe qui a donné des directives générales sur le sujet à photographier[71]. La frontière entre la simple idée ou le thème, et le commencement d'exécution nécessaire pour attribuer la qualité d'auteur est relativement ténue. Dans tous les cas, la qualification relèvera de l'appréciation souveraine des juges du fond, qui ont pu retenir que l'apport de l'idée et des connaissances assorti de suggestions de croquis attribuait la qualité de coauteur. En effet, la Cour de cassation[72] précisa dans un arrêt que "la cour d'appel a relevé que Polieri avait collaboré à la réalisation du projet de "théâtre torique" élaboré en 1956 et 1957 non seulement en apportant ses idées et ses connaissances en matière de théâtre et plus spécialement d'agencement scénique, mais encore en participant à la mise en forme du projet en assortissant ses suggestions de croquis;".

 

65.            En outre, leurs contributions devront répondre aux exigences d'activité créatrice et d'originalité; si elles se sont contentées de suivre des instructions excluant toute manifestation de leur personnalité à travers l'œuvre, elles ne pourront être coauteur. On relatera l'affaire Renoir c/ Guino[73] où ce dernier, disciple de Renoir, était reconnu coauteur de sculptures, car même en tant qu'exécutant matériel (le maître atteint de rhumatismes donnait des instructions précises à l'élève), il disposait d'une marge de liberté conférant à l'œuvre la marque de sa personnalité. La "négritude" littéraire peut s'inscrire dans le domaine des œuvres de collaboration. La cour d'appel de Paris[74] a alors reconnu que la personne qui réécrit un livre (un "nègre" en l'espèce), en donnant au manuscrit initial son empreinte personnelle doit être considérée comme coauteur de l'œuvre finale. Il en ira de même pour une personne interviewée qui apportera un "ton personnel" à une interview[75].

 

66.            Enfin, le coauteur doit apporter par tous moyens la preuve de sa collaboration à une œuvre s'il ne remplie pas les conditions de l'article L 113-1 du CPI pour bénéficier de la présomption[76]. Pour autant, le seul fait que le prétendu coauteur ait été rémunéré pour sa participation ne suffira pas à lui attribuer cette qualité. Dans une espèce[77], l'auteur d'un logiciel destiné à la gestion des cabinets médicaux contestait la rémunération consentie par convention à un médecin pour l'apport de certaines spécifications sur le fondement que, s'agissant simplement d'idées (non protégeables), il ne pouvait être coauteur et que la convention était nulle pour absence de cause. La Cour de cassation n'a pas censuré la cour d'appel:"Mais attendu que tout en retenant que les apports de M.Remont ne présentaient pas les caractéristiques d'une œuvre relevant de la protection de la loi du 11 mars 1957, c'est à bon droit que la cour d'appel a considéré que la contribution de M.Remont à l'élaboration du logiciel justifiait la rémunération stipulée à son profit;". Il faut donc faire la différence entre une participation non "originale" mais qui peut être rémunérée comme tout travail, et l'apport original qui attribue la qualité d'auteur.

b- Une communauté d'inspiration

 

67.            Il est indispensable que les différents coauteurs soient animés par une inspiration commune qui les conduit à se concerter. Le critère de la concertation est très important, puisqu'il différenciera l'œuvre de collaboration de l'œuvre composite[78]. La cour d'appel de Paris[79] par exemple a tenu pour coauteurs "ceux qui, dans une intimité spirituelle ont collaboré à l'œuvre commune et l'ont créée par leurs apports artistiques dans un art semblable ou différent". On notera aussi la position de la Cour de cassation[80] pour qui la collaboration résulte d'un "travail créatif concerté et conduit en commun". La question s'est posée de savoir si des contributions relevant de genres différents permettaient la qualification de leur association en une seule œuvre dite de collaboration. La réponse s'avère affirmative, l'article L 113-3 al. 4 du CPI le prévoyant expressément: " Lorsque la participation de chacun des coauteurs relève de genres différents, chacun peut, sauf convention contraire, exploiter séparément sa contribution personnelle, sans toutefois porter préjudice à l'exploitation de l'œuvre commune". La jurisprudence présente de nombreuses illustrations de cette disposition. Ainsi par exemple, de la collaboration entre un dessinateur et l'auteur du texte dans une bande dessinée[81], entre l'auteur du graphisme des personnages d'un récit et l'auteur des dialogues de ce récit[82], ou entre l'auteur des paroles et le compositeur de la musique pour une œuvre lyrique[83]. Ainsi encore, de la collaboration entre un sculpteur (Guino) et un peintre (Renoir), ce dernier faisant œuvre littéraire en décrivant sa pensée à Guino, qui avait cependant, rappelons-le, une part de liberté créatrice. On citera enfin un arrêt de la Cour de cassation[84] qui constata une collaboration entre une cartomancienne et celui qui avait réalisé les maquettes des cartes et était intervenu dans la rédaction des notices et dans la mise au point du jeu par ses conseils techniques.

 

68.            Certaines caractéristiques se montrent indifférentes à la qualification d'œuvre de collaboration. Tout d'abord, si l'élaboration de l'œuvre requiert une concertation, il semblerait que la succession dans le temps des contributions n'exclut pas la qualification d'œuvre de collaboration. Mais, dans une espèce, le TGI de Nanterre[85] a précisé que la communauté d'inspiration et de but poursuivi qui a présidée à l'élaboration de l'œuvre, conférant à celle-ci un caractère indivisible, doit être constatée. Cependant il est vrai, et on se ralliera à l'opinion de M. A. Lucas[86], que le caractère successif des participations se révèle être un indice d'absence de concertation. Ensuite, il est envisageable que des collaborateurs se répartissent des tâches, de sorte que celui qui effectuera un travail de corrections linguistiques sur l'intégralité d'une œuvre[87] (en l'espèce un dictionnaire) sera retenu comme coauteur; mais selon Desbois[88], chaque contribution devra s'inscrire dans le "programme commun".

 

69.            Aussi, il n'y a pas à tenir compte de l'importance respective des contributions. Dans une espèce, le "guide des carrières de l'industrie pharmaceutique" avait été publié en 1989 sous les noms de deux auteurs. Cela dit, un des coauteurs n'avait rédigé qu'un seul chapitre de l'œuvre. Une cour d'appel lui reconnu la qualité de coauteur d'une œuvre de collaboration, mais n'avait pas exactement appliqué le principe de propriété commune qui en résulte, du fait de cette participation minime. La Cour de cassation[89] a alors cassé l'arrêt en rappelant que: "Attendu que l'œuvre de collaboration est la propriété commune des coauteurs, indépendamment de l'importance ou du mérite de leurs apports respectifs;". On ne peut que constater que cette solution est conforme au principe du droit d'auteur qui interdit de prendre en considération le mérite pour attribuer la qualité d'auteur.

 

70.            Par ailleurs, la Cour de cassation a opéré une distinction entre l'apport principal conférant la qualité de coauteur, et l'apport accessoire. On citera alors cet attendu de la Cour, dans  une affaire où le peintre Salvador Dali revendiquait la qualité de coauteur d'une œuvre lyrique[90]: " […] dans l'exercice de leur pouvoir souverain d'appréciation des éléments de la cause, les juges du second degré ont déduit de ces constatations qu'en dehors de certains costumes, seuls éléments fournis par Salvador Dali, et qui ont un caractère accessoire, les œuvres représentées avaient leur valeur propre, et qu'ainsi le demandeur était mal fondé en sa prétention d'être considéré comme coauteur de l'œuvre commune". Cette décision peut se comprendre aisément, tant l'apport de quelques costumes se détache du scénario d'ensemble et de la musique qui confèrent l'originalité à l'œuvre lyrique. Certes, l'on pourra objecter qu'elle revient à prendre en compte le mérite, mais nous réfuterons cette analyse. En effet, elle se borne respecter la définition de l'œuvre lyrique qui consiste en un scénario accompagné de musique. Evidemment, il en serait autrement si l'ensemble des costumes faisaient partie intégrante de l'œuvre. Ainsi, Dali pensait que sa grande renommée irait à l'encontre des principes régissant les droits d'auteur. Il n'en fut pas ainsi, la protection étant indépendant du mérite ou de la renommée de l'artiste. Cette solution relève certainement de l'opportunité mais elle n'exclue pas pour autant les costumes de l'artiste de la protection. En effet, en tant que créations originales, Dali était investi des droits de l'auteur, mais seulement sur ses costumes.

 

71.            On peut ajouter qu'en présence de plusieurs intervenants à la création d'une œuvre, il n'y a pas de présomption d'œuvre de collaboration. La qualité de coauteur doit résulter d'éléments précis révélant le rôle créateur de chacun. C'est en ce sens que s'est prononcée la Cour de cassation[91]: " Attendu qu'en déduisant ainsi la qualité de coauteur de M.Godard d'une présomption de collaboration, sans relever les éléments précis d'où il résultait qu'il avait eu un rôle de création dans la définition des noms des personnages, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;".

2- Régime juridique et droit moral des coauteurs

 

72.            Il convient d'exposer à titre liminaire le régime juridique de l'œuvre de collaboration. A cet effet, l'article L 113-3 du CPI dispose: "L'œuvre de collaboration est la propriété commune des coauteurs. Les coauteurs doivent exercer leurs droits d'un commun accord. En cas de désaccord, il appartient à la juridiction civile de statuer. Lorsque la participation de chacun des coauteurs relève de genres différents, chacun peut, sauf convention contraire, exploiter séparément sa contribution personnelle, sans toutefois porter préjudice à l'exploitation de l'œuvre commune". Ces dispositions évoquent fortement le régime de l'indivision de droit commun des articles 815 et s. du Cciv, régime qui était d'ailleurs appliqué par la jurisprudence d'avant la loi du 11 mars 1957. Une vieille décision[92] affirmait en effet qu'il s'agissait d'une copropriété "totale sur la totalité de l'œuvre et totale sur chacune des parties". Il découle donc de l'article L 113-2 al 1er et 2 du CPI que les décisions concernant l'œuvre de collaboration devront être prises à l'unanimité. Mais en réalité l'analogie avec le régime de droit commun de l'indivision a ses limites, car ce n'est qu'en l'absence de dispositions spéciales du code de la propriété intellectuelle qu'il sera intéressant de recourir aux règles générales de l'indivision telles que mentionnées dans le code civil. Ainsi, pour M.Gautier[93], les coauteurs auraient intérêt de conclure des conventions d'indivision régies par les articles 1873-1 et s. du code civil en vue de désigner un gérant pour administrer l'exploitation de l'œuvre de collaboration. Ils pourraient aussi bénéficier de la gestion d'affaires (art. 815-4 al. 2 du Cciv.), du mandat tacite pour les actes d'administration (art. 815-3 du Cciv.), et chaque coauteur serait autorisé à prendre les mesures nécessaires pour la conservation des biens indivis (art. 815-2 al. 1er du Cciv.).

 

73.            Conformément à l'article L 113-3 du CPI, chacun des coauteurs disposera des prérogatives relevant du droit moral. Leur nature personnelle exclura l'application de la règle de l'unanimité, mais le droit moral sera alors contrôlé par le juge par l'intermédiaire de la théorie de l'abus de droit. Il s'en suit qu'en matière d'actions en justice, et plus particulièrement d'actions en contrefaçon, le principe posé par la Cour de cassation[94]  "que le coauteur d'une œuvre de collaboration qui prend l'initiative d'agir en justice pour la défense de ses droits patrimoniaux est tenu, à peine d'irrecevabilité de sa demande, de mettre en cause les autres auteurs de cette œuvre;", même s'il supporte quelques assouplissements[95], ne vaut que pour les droits patrimoniaux, et non pour le droit moral. La règle de l'unanimité ne pourra donc faire obstacle à la recevabilité de l'action d'un des coauteurs lorsque la contrefaçon s'accompagnera d'une violation du droit de divulgation, du droit à la paternité ou du droit au respect de l'œuvre.

 

74.            L'alinéa 3 de l'article L 113-3 du CPI  confie au juge civil la mission de trancher en cas de désaccord. Le conflit pourra porter non seulement sur l'exercice des droits patrimoniaux, mais aussi sur celui du droit moral afférant à l'œuvre dans son ensemble. L'exemple topique étant le coauteur opposant son droit de divulgation pour paralyser l'exploitation d'une œuvre. Le tribunal pourra alors passer outre à son refus. Cette possibilité offerte au juge trouve sa source en ce que d'une part, le droit moral est susceptible d'abus, et d'autre par en ce que la pluralité de titulaires et les exigences du travail en équipe sont susceptibles de tempérer la rigueur des prérogatives reconnues à chacun[96]. La cour d'appel de Paris[97] s'était clairement exprimée en ce sens à propos d'une œuvre audiovisuelle. Après avoir affirmé que les participants "ne sauraient prétendre imposer leur volonté discrétionnaire", elle ajoutait: " l'intransigeance d'un seul, serait-il le créateur de la plus grande partie de l'œuvre, ne peut entraîner la ruine de l'œuvre commune, le prestige d'un coauteur ne pouvant conférer à ce dernier un droit moral de nature supérieure aux autres coauteurs et lui assurer une prééminence à l'égard de ceux-ci".

 

75.            Enfin, l'alinéa 4 du même article confère à chaque coauteur le droit d'exploiter sa propre contribution, sous réserve d'une différence de genre entre les différents apports, et d'absence de préjudice à l'œuvre commune. Cette disposition déroge donc à la règle posée par l'alinéa 1er qui fait de l'œuvre de collaboration la "propriété commune des auteurs". La question s'est posée de savoir si au-delà de l'hypothèse d'une exploitation séparée, il n'existait pas un droit propre des coauteurs sur leur contribution. La réponse s'avère négative car, comme le précise A. Lucas[98], à partir de la divulgation de l'œuvre commune, il s'opère une sorte de "fusion juridique" des contributions qui ne sera pas sans conséquences sur le terrain du droit moral. Le débat se révèle donc assez théorique; la question du droit de divulgation ne se pose pas par hypothèse puisqu'on est en présence d'une œuvre commune divulguée. Le droit de repentir ou de retrait, qui suppose une cession du droit d'exploitation, n'est pas en cause non plus puisque les contributions des coauteurs ne donnent pas lieu isolément à de telles cessions. Le droit à la paternité s'exerce déjà sur l'œuvre commune, mais on peut supposer que chaque coauteur exige que son nom soit associé de manière spécifique à son apport (dans le cadre d'une chanson par exemple, "un texte de" ou "une musique de"). Quant au droit au respect de l'œuvre commune qui appartient à chacun des participants, il paraît suffisamment protecteur pour qu'il soit superflu d'envisager de le reconnaître distinctement à chaque participant.

B- Les œuvres audiovisuelles et radiophoniques

 

76.            Les œuvres radiophoniques (2) ne présentent pas de spécificité particulière; leur régime est quasiment calqué sur celui des œuvres audiovisuelles (1).

1- Les œuvres audiovisuelles

 

77.            Ces œuvres répondent tout d'abord du statut des œuvres de collaboration (a). La loi, en son article L 113-7 al 2 du CPI a aussi institué une présomption de titularité des droits au bénéfice de certains participants personnes physiques (b), qui leur permettra naturellement d'exercer leur droit moral (c).

a- Qualification d'œuvres de collaboration

 

78.            La jurisprudence d'avant la loi du 11 mars 1957 penchait, en accord avec une doctrine majoritaire, pour une qualification de l'œuvre cinématographique en œuvre collective. La question fût définitivement tranchée par un important arrêt de la Cour de cassation[99] qui précisa: "La prétention d'une société de production de films d'être l'unique auteur de toute une œuvre cinématographique par elle éditée, est sérieusement contestable; et c'est contrairement au droit coutumier, qui prend en considération les circonstances de fait et les conventions intervenues, qu'un arrêt assimile de façon générale l'œuvre cinématographique à une œuvre collective ou de commande;". Cette solution, consacrée par la loi de 1957 est maintenant introduite dans l'article L 113-7 du CPI ("Sont présumés, sauf preuve contraire, coauteurs d'une œuvre audiovisuelle réalisée en collaboration: […]"), après que la loi du 3 juillet 1985 ait substitué la notion d'"œuvre audiovisuelle" à celle d'œuvre cinématographique, permettant d'appliquer le statut du cinéma notamment aux œuvres télévisées.

 

79.            La question s'est quand même posée de savoir si cette qualification n'était qu'une présomption, susceptible d'être renversée par une preuve contraire permettant, le cas échéant, de qualifier l'œuvre audiovisuelle d'œuvre collective[100]. Si certaines décisions tendaient vers l'affirmative[101], la cour d'appel de Paris[102] retenait que: " L'article L 113-7, alinéa 1, du CPI […] pose le principe général selon lequel "les personnes physiques qui réalisent la création intellectuelle de ces œuvres ont la qualité d'auteur". Par cette disposition claire, le législateur a entendu signifier que l'œuvre audiovisuelle ne pourrait jamais être une œuvre collective dans laquelle ceux qui contribuent à la réalisation ne sont pas des auteurs. Ces dispositions, à la différence de l'alinéa 2 du même article L 113-7, n'est pas susceptible de preuve contraire". La Cour de cassation[103] avait prôné la même solution dans un arrêt antérieur de quelques mois: " qu'elle [la cour d'appel] a ainsi légalement justifié sa décision, sans avoir à rechercher le caractère prétendument collectif de l'œuvre audiovisuelle, qu'elle a au contraire justement qualifiée d'œuvre de collaboration […]". Il est vrai que la référence aux "personnes physiques" semble exclure indubitablement la qualification en œuvre collective.

 

80.            Reste que cette solution présente une certaine rigidité. L'on pourrait dans un premier temps prendre en considération, par exemple, l'œuvre multimédia. Effet des arrêts rejettent la qualification d'une telle œuvre en œuvre audiovisuelle en se fondant sur "l'interactivité" qui s'oppose au "défilé séquentiel et linéaire" d'images qui s'imposent à un spectateur passif[104]. Rappelons-le, l'œuvre audiovisuelle "consiste" dans des séquences. Faut-il voir par là une exclusivité, ou au contraire une possibilité de qualifier d'œuvre audiovisuelle, une œuvre qui ne contiendrait pas exclusivement des séquences, et qui laisserait place à l'interactivité, au choix de l'utilisateur? Le débat reste ouvert, même si certains auteurs retiennent que l'œuvre multimédia répond à la définition de l'œuvre audiovisuelle[105]. Pour notre part, une appréciation au cas par cas serait la solution la plus appropriée, car si la loi ne semble pas imposer une qualification en œuvre audiovisuelle d'une œuvre ne contenant pas exclusivement des séquences, elle ne la rejette pas non plus. Au demeurant, l'œuvre multimédia étant évolutive, il ne semble pas judicieux de la cantonner à une définition précise ou à un cadre juridique déterminé. Tel serait le cas pourtant si on lui attribuait la qualité d'œuvre audiovisuelle, puisqu'en en vertu du principe posé par la jurisprudence: l'œuvre audiovisuelle est forcément une œuvre de collaboration. Or, le statut d'œuvre collective se montrerait parfois certainement plus approprié que celui d'œuvre de collaboration[106] notamment en matière de jeux vidéo.

 

81.            Dans un deuxième temps, une telle solution viendrait à priver systématiquement les producteurs audiovisuels du bénéfice du statut d'œuvre collective[107], et ce, même si l'extension de son champ d'application venait à se confirmer. La justification de cette solution ne serait alors pas sans difficultés pour les tribunaux.

b- Les coauteurs

 

82.            L'article L 113-7 du CPI institue une liste de coauteurs présumés et, lorsque l'œuvre audiovisuelle est tirée d'une œuvre ou d'un scénario préexistants encore protégés, les auteurs de l'œuvre originaire sont assimilés aux auteurs de l'œuvre nouvelle.

 

83.            L'article L 113-7 al2 du CPI dispose: "sont présumés, sauf preuve contraire, coauteurs d'une œuvre audiovisuelle réalisée en collaboration: 1° L'auteur du scénario; 2° L'auteur de l'adaptation; 3° L'auteur du texte parlé; 4° L'auteur des compositions musicales avec ou sans paroles spécialement réalisées pour l'œuvre; 5° Le réalisateur.". Les coauteurs visés par cette liste ne bénéficient que d'une présomption simple, les dispensant d'avoir à prouver l'originalité de leur apport. Pour autant, leur participation à l'œuvre devra être établie, et à ce sujet, la mention du nom dans le générique du film s'avère suffisante[108], comme le prévoit l'article L 113-1 du CPI. Cette présomption est bien évidement susceptible d'être renversée par l'apport d'une preuve contraire. Ainsi, par exemple, la Cour de cassation[109] a dénié la qualité de coauteur à un réalisateur, dont le rôle s'était limité à une simple "prestation de services techniques".

 

84.            Notons ensuite que la liste de l'article L 113-7 n'est pas exhaustive; elle s'est simplement limitée aux personnes les plus à même d'être à l'origine de la création audiovisuelle, et justifiant ainsi de bénéficier de la présomption. Il suffira aux autres personnes revendiquant la qualité de coauteur d'une œuvre audiovisuelle de répondre aux critères posés par les principes gouvernant la qualité d'auteur en général. Elles devront produire des pièces établissant leur participation à la création intellectuelle du film, car même si la liste accepte que d'autres personnes soient coauteur, la présomption est instituée au seul bénéfice des intervenants cités. Peuvent donc être reconnus coauteurs d'une œuvre audiovisuelle: le scripteur[110], le cadreur ou caméraman[111] dès lors qu'il dispose d'une marge de liberté et d'initiative personnelle laissée par le réalisateur. La solution est a priori valable pour le producteur[112] personne physique, à la condition que son intervention ne soit pas liée uniquement à la production. 

 

85.            En revanche, et nonobstant la reconnaissance d'un droit d'auteur sur leur œuvre, un photographe de plateau[113], un architecte décorateur[114], et un auteur de documents publicitaires[115] n'ont pas été considérés comme coauteurs de l'œuvre cinématographique à laquelle ils apportaient leur concours. Enfin, même si une cour d'appel avait attribué cette qualité à un chef cuisinier réalisant une composition culinaire dans une émission télévisée "dans la mesure où il a concouru à la création intellectuelle de cette préparation, laquelle constitue la substance même de l'œuvre audiovisuelle qui la contient", la Cour de cassation[116] n'a pas retenu cette solution en précisant que "de tels motifs, s'ils font ressortir que l'objet de l'enregistrement était l'activité professionnelle de M. Duribreux, n'établissent aucunement sa contribution aux opérations intellectuelles de conception tournage et montage de l'œuvre audiovisuelle elle-même;"; le "génie culinaire" ne semble toujours pas s'être attiré les faveurs de la jurisprudence[117]

 

86.            Enfin, le dernier alinéa de l'article L 113-7 du CPI dispose que: "Lorsque l'œuvre audiovisuelle est tirée d'une œuvre ou d'un scénario préexistants encore protégés, les auteurs de l'œuvre originaire sont assimilés aux auteurs de l'œuvre nouvelle". Cette règle constitue une exception au principe qui, en matière d'œuvre de collaboration, impose une concertation de la part des coauteurs. Pour Desbois, il s'agit d'une fiction. Le texte visant seulement l'œuvre ou le scénario préexistants, la jurisprudence s'est montrée très stricte quant à l'application de ces critères. Le TGI de Paris[118] retenait que la présomption bénéficiait aux seuls auteurs d'un scénario ou de l'œuvre littéraire préexistante; dès lors, n'était pas considéré comme coauteur de l'œuvre audiovisuelle, le compositeur d'une musique préexistante[119]. Contrairement au droit commun s'appliquant aux œuvres de collaboration, la contribution visée par ce dernier alinéa demeure la propriété exclusive de son auteur. De ce fait, l'apporteur en question ne saurait être contraint de mettre en cause les autres coauteurs avant d'exercer ces droits[120].

c- Le droit moral des coauteurs

 

87.            A titre liminaire, il convient de préciser que les droits des différents coauteurs sur l'œuvre commune sont ceux qui sont reconnus à tous les coauteurs d'une œuvre de collaboration. Quelques nuances peuvent cependant être apportées. La première concerne l'exploitation séparée des contributions. A cet effet, l'article L 132-29 du CPI dispose que "sauf convention contraire, chacun des auteurs de l'œuvre audiovisuelle peut disposer librement de la partie de l'œuvre qui constitue sa contribution personnelle en vue de son exploitation dans un genre différent et dans les limites fixées par l'article L 113-3". Le cumul de ces dispositions impose donc que non seulement que la contribution doit relever d'un genre différent, mais son exploitation doit être elle aussi effectuée dans un genre différent.

 

88.            La deuxième a trait au droit moral des coauteurs sur leur propre contribution, sensiblement restreint par les dispositions particulières instituées par la loi du 11 mars 1957. Ces dispositions profondément dérogatoires s'expliquent compte tenu du fait que les œuvres audiovisuelles exigent généralement des moyens financiers considérables; il était nécessaire de trouver un frein au tout puissant droit moral en vue d'éviter  la paralysie de l'exploitation qui pourrait être la conséquence de son exercice. Trois situations sont à envisager: le refus ou l'impossibilité d'un contributeur d'achever sa contribution (1), la période de l'élaboration de l'œuvre audiovisuelle, où le droit moral des coauteurs est paralysé jusqu'à la version définitive(2), puis la période d'exploitation où ceux-ci retrouvent a priori l'exercice de leurs prérogatives (3).

1- La contribution inachevée

 

89.            D'après l'article L 121-6 du CPI, "si l'un des auteurs refuse d'achever sa contribution à l'œuvre audiovisuelle ou se trouve dans l'impossibilité d'achever cette contribution par suite force majeure, il ne pourra s'opposer à l'utilisation, en vue de l'achèvement de l'œuvre, de la partie de cette contribution déjà réalisée. Il aura, pour cette contribution, la qualité d'auteur et jouira des droits qui en découlent". Ce n'est pas parce que cette disposition contraint le contributeur à utiliser son apport sans son consentement qu'elle lui ôte sa qualité d'auteur. Certes, son apport pourra être achevé par un tiers, mais il sera investi ab initio des droits d'auteur et jouira ainsi des prérogatives du droit moral, notamment des droits au respect au nom et de l'œuvre. Cette solution de principe a été rappelée par la Cour de cassation dans un arrêt déjà ancien[121]: " Manque de base légale l'arrêt qui refuse à un coauteur, ayant rompu le contrat de collaboration, l'exercice de son droit moral, sans rechercher si "les modifications, soustractions ou additions" opérées après la rupture pour terminer le film, et dont la matérialité est reconnue, avaient eu pour résultat une dénaturation de la partie déjà réalisée de la contribution de ce coauteur, dénaturation qui pouvait constituer une atteinte à son droit moral".

2- De la période d'élaboration à l'achèvement de l'œuvre audiovisuelle

 

90.            L'article L 121-5 al. 1 du CPI dispose: "L'œuvre audiovisuelle est réputée achevée lorsque la version définitive a été établie d'un commun accord entre, d'une part, le réalisateur ou, éventuellement, les coauteurs et, d'autre part, le producteur". L'alinéa 5 du même article ajoute: "Les droits propres des coauteurs, tels qu'ils sont définis à l'article L 121-1, ne peuvent être exercés par eux que sur l'œuvre audiovisuelle achevée". A la lecture de ce dernier alinéa, les coauteurs ne seront fondés à exercer leur droit au respect au nom et au respect de l'intégrité de l'œuvre qu'une fois la version définitive établie. La cour d'appel de Paris n'a pas manqué de le rappeler dans un arrêt[122]: " L'œuvre étant réputée achevée lorsque la version définitive a été établie d'un commun accord entre, d'une part, le réalisateur ou éventuellement les coauteurs et, d'autre part, le producteur, la réalisatrice ne pouvait, pendant la période d'élaboration du téléfilm, imposer au producteur et à l'auteur une version qui n'avait pas recueilli leur agrément;".

 

91.            Pour autant, une fois l'œuvre achevée, seront-ils recevables à agir uniquement contre une atteinte à leur droit moral sur la version définitive? Un célèbre arrêt[123] s'était prononcé en ce sens, en affirmant que chaque coauteur ne pouvait "se plaindre que de toutes déformations ou coupures survenues au cours de l'exploitation commerciale du film et non de celles faites au cours de son montage". Cette solution n'était pas sans une certaine logique puisque la cour       interprétait le premier alinéa en ce sens qu'un " commun accord entre le réalisateur, les coauteurs et le producteur " était exigé. Il paraissait en effet normal que les coauteurs ayant donné leur accord ne fussent plus fondés à se plaindre que des altérations postérieures. Elle appliquait alors le principe de l'unanimité propre aux œuvres de collaboration.

 

92.            Mais, si l'on procède à une lecture exégétique de cette première disposition, force est de constater quelle n'est pas sans ambiguïtés. En effet, l'accord requis peut avoir lieu entre le réalisateur et le producteur ou entre les coauteurs et le producteur; autrement dit, l'exigence d'unanimité n'est pas clairement exprimée. Certainement soucieux d'établir un équilibre entre la "finance" et "l'esprit", le législateur a souhaité laisser au producteur le choix du ou des décideurs finaux. Alors, sauf à lire dans ce premier alinéa l'exigence de l'unanimité (et tel est la position d'une doctrine dominante[124]), un coauteur serait doublement pénalisé dans l'exercice de son droit moral. Non seulement on se dispenserait de son accord pour décider de la version définitive (al. 1), mais il ne pourrait se plaindre d'une éventuelle altération au cours de la période d'élaboration (al. 5). Pour notre part, il s'avère justifié de s'en tenir à la lettre du premier alinéa, mais à la condition qu'un coauteur dont le consentement n'a pas été requis à l'élaboration de la version définitive puisse exercer pleinement son droit au respect. En effet, l'usage professionnel conduit à ne réclamer qu'exceptionnellement le consentement des coauteurs pour consacrer la version définitive; lors des débats en vue de l'adoption de la loi de 1985, le rapporteur à l'assemblée nationale allait en ce sens et précisait que seuls ceux dont l'apport était "décisif" devaient être consultés[125]. On conviendra avec M. Colombet, que cet usage donne satisfaction et ainsi espérer qu'il continue à ne susciter que peu de litiges.

 

93.            S'agissant du droit de divulgation, il semble ne pas être en cause, puisque le renvoie opéré par l'alinéa 5 ne vise que l'article L 121-1 (droit au nom et droit au respect), et non l'article L 121-2 (droit de divulgation). Cela dit, son sort est déjà aménagé par le premier alinéa qui n'offre qu'une possibilité de consultation, et donc, qu'une possibilité d'exercice du droit de divulgation. En somme, pour les coauteurs dont l'accord ne serait pas demandé pour l'élaboration de la version définitive, leur droit de divulgation est bien littéralement paralysé.

 

94.            Enfin, s'il est impossible d'exercer le droit au respect de l'œuvre jusqu'à son achèvement, rien n'empêche les décideurs (réalisateur ou coauteurs) de sanctionner une atteinte en refusant de donner leur accord à l'établissement de la version définitive. Cela se présente comme la contre partie à la limitation de leur droit moral et représente un moyen de pression important. Comme l'a précisé la Cour de cassation[126], un producteur ne pourrait passer outre cet accord: " La cour en a justement déduit que la clause du contrat autorisant le producteur à passer outre au défaut d'accord du réalisateur était atteinte d'une nullité d'ordre public et que le film litigieux ne pouvait être exploité tant que l'accord requis par la loi pour l'établissement de la "copie standard" n'aurait pas été réalisé".

3- L'exploitation de l'œuvre audiovisuelle

 

95.            Il s'agit ici de s'interroger sur les modalités concernant une modification de la version définitive de l'œuvre ou un éventuel transfert sur un autre support. Selon l'alinéa 3 de l'article L 121-5 du CPI, "Toute modification de cette version [définitive] par addition, suppression ou changement d'un élément quelconque exige l'accord des personnes mentionnées au premier alinéa". La pratique a permis d'observer que de nombreuses altérations pouvaient être effectuées par  des exploitants. Tout d'abord, s'est posé le problème des coupures publicitaires. La loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication autorise, en principe, une seule coupure publicitaire dans l'œuvre audiovisuelle projetée. Pour le TGI de Paris, cette disposition législative doit apparemment s'interpréter en ce sens que les services de communication doivent s'assurer de l'autorisation expresse des auteurs, et seulement dans la limite d'une seule coupure[127]. Il semblerait qu'une autorisation donnée par les coauteurs pour que plus de deux coupures soient pratiquées soit entachée de nullité; elle pourrait s'analyser, d'une part, comme une renonciation au droit moral[128] et, d'autre part, comme une pratique contra legem. Le TGI de Paris avait en effet précisé que la limitation légale à une coupure publicitaire au cours de la diffusion d'une œuvre ne concernait pas les relations du service de communication avec les titulaires du droit moral. En instituant cette limitation, le législateur entendait certainement plus "protéger" les "consommateurs audiovisuels" des déferlantes publicitaires.

 

96.            Ensuite, le coloriage des films n'a pas été sans soulever quelques problèmes. On rappellera à ce sujet l'affaire Huston dont l'arrêt de la cour d'appel de Paris[129], critiqué presque unanimement, avait été cassé. La cour d'appel retenait que le coloriage était une adaptation, et que le producteur avait, en application de la loi américaine, pouvoir de décider seul. Les hauts magistrats censurèrent cet arrêt au motif qu'il est interdit de porter atteinte à l'intégrité d'une œuvre quelque soit le pays de première divulgation; ils affirmaient par là que les dispositions protectrices françaises du droit moral sont d'application impérative. La colorisation d'un film réalisé en noir et blanc et la diffusion de cette nouvelle version à la télévision effectuées sans l'accord des coauteurs de l'œuvre constituent donc une atteinte au droit moral de ces derniers.

 

97.            Enfin, les tribunaux ont aussi eu à se prononcer sur l'incrustation de logos de chaînes de télévision lors de la diffusion de téléfilms. Ainsi, il a été jugé qu'une entreprise d'exploitation d'œuvres audiovisuelles devait distribuer sur son réseau des images dont la reproduction devait être fidèle, sans suppression ni ajout, sinon expressément autorisés, à l'œuvre telle que celle ci lui avait été remise. Dans une espèce, le TGI de Paris[130] précisait que: " L'auteur jouit du droit au respect de son œuvre. Ce principe s'entend de façon particulièrement stricte quand il s'agit d'une œuvre audiovisuelle, aussi […] la Cinq, en faisant figurer en permanence son logo sur les images du téléfilm "Yvette" lors de la diffusion sur son réseau, a commis au-delà de l'erreur qu'elle admet, une atteinte au droit moral des auteurs de l'œuvre".

 

98.            Quant aux modalités de transfert de l'œuvre audiovisuelle sur un autre support, elles sont régies par l'alinéa 4 de l'article L 121-5 du CPI qui dispose que "tout transfert de l'œuvre audiovisuelle sur un autre type de support en vue d'un autre mode d'exploitation doit être précédé de la consultation du réalisateur". Par transfert sur un autre support, l'on peut envisager l'exploitation d'une œuvre cinématographique sous forme de cassette vidéo[131], qui nécessite un recadrage, ou encore sous forme de DVD. A ce sujet, la numérisation consiste aussi en un changement de support, qui ne va pas sans altérer la qualité de l'œuvre. La critique que l'on pourrait formuler à l'encontre de cette disposition est principalement son manque d'efficacité. En effet, si le réalisateur doit simplement être "consulté", qu'en est-il en cas de refus? Certes, il disposera de son droit au respect de l'œuvre qui lui permettra d'agir, mais ce, après que le mal soit fait. Autrement dit, si cette disposition n'existait pas, la situation serait la même et l'on peut considérer qu'elle apparaît comme un "vœu pieux"[132].

2- Les œuvres radiophoniques

 

99.            En vertu de l'article L 113-8 du CPI, "ont la qualité d'auteur d'une œuvre radiophonique la ou les personnes physiques qui assurent la création intellectuelle de cette œuvre. Les dispositions du dernier alinéa de l'article L 113-7 et celles de l'article L 121-6 sont applicables aux œuvres radiophonique". Les œuvres radiophoniques suivent le régime des œuvres de collaboration. Ainsi, il suffit d'appliquer le droit commun pour attribuer la qualité de coauteur car, contrairement aux œuvres audiovisuelles, il n'y a pas de liste de coauteurs présumés. En outre, le renvoi au dernier alinéa de l'article L 113-7 du CPI signifie que les auteurs de l'œuvre originaire sont assimilés aux auteurs de l'œuvre radiophonique.

 

100.            Pour ce qui est du droit moral, le renvoi à l'article L 121-6 du CPI indique que les dispositions relatives aux contributions inachevées dans les œuvres audiovisuelles s'appliquent aux œuvres radiophoniques. En revanche, la difficulté relative à l'accord des parties sur l'achèvement de l'œuvre ne se pose pas; en effet, il n'est procédé à aucun renvoi à l'article L 121-5. En l'absence de disposition spéciale, on devra donc appliquer le droit commun qui requiert l'accord de tous les coauteurs sur l'achèvement de l'œuvre.

§2- L'œuvre collective

 

101.            Fortement dérogatoire au principe du droit d'auteur français qui veut que seule une personne physique puisse être considérée comme auteur, l'œuvre collective investie ab initio des droits d'auteur les personnes morales qui en sont à l'origine. Il s'agira alors dans un premier temps d'en cerner la définition (A) puis d'examiner son domaine (B) avant d'envisager les bénéficiaires du droit moral afférent à ce type d'œuvre (C).

A- Définition

 

102.            L'œuvre collective est définie par l'article L 113-2 al.3 du CPI: " Est dite collective l'œuvre créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans un ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé". Il résulte de cette définition d'une part un rôle d'initiative et de direction de l'entrepreneur (1), et d'autre part, une fusion des contributions dans un ensemble (2).

1- Le pouvoir d'initiative et de direction de l'entrepreneur

 

103.            On s'attachera ici à envisager l'entrepreneur personne morale, car la pratique veut que se soit bien souvent le cas. De plus, on le rappellera, c'est le seul cas où une personne morale peut être investie des droits d'auteur à titre originaire. Le domaine de prédilection de l'œuvre collective est celui de la création par des salariés, au sein d'une personne morale.

 

104.            La cour d'appel de Paris[133] retenait par exemple qu'il n'y aura œuvre collective que si l'on retrouve chez l'entrepreneur la "notion de direction et de prééminence de l'un sur les autres qu'implique l'œuvre collective". A l'inverse de l'œuvre de collaboration où l'on peut constater une relation horizontale entre les différents auteurs, l'œuvre collective implique une relation verticale[134]. Ainsi, pour la Cour d'appel de Paris[135] toujours, des bandes dessinées créées à l'initiative d'un éditeur "qui en a assumé la conception générale, a sélectionné et fourni la documentation nécessaire à sa réalisation, a contrôlé sa composition et notamment le découpage thématique" constituent une œuvre collective. En revanche, cette qualification sera écartée lorsque la directrice chargée de créer des dessins en vue de l'élaboration d'une collection de tapis aura exécuté sa tache "en pleine liberté, sans qu'aucune directive ne [lui] soit donnée"[136].

 

105.            Ajoutons enfin que l'entrepreneur doit éditer, publier et divulguer l'œuvre sous sa direction et sous son nom. Il est ainsi logique que la jurisprudence[137] ait refusé la qualification en œuvre collective d'une série d'ouvrages publiés chacun sous le nom d'un contributeur; notons aussi que l'anonymat des contributeurs ne s'avère pas être une condition nécessaire. Ce qui peut néanmoins susciter une interrogation, est cette exigence cumulative d'une édition, d'une publication et d'une divulgation. Pour Desbois[138] elle résulterait d'une inadvertance du législateur et, on en conviendra, présente surtout une certaine redondance. En effet, nombre d'œuvres, notamment en matière d'arts appliqués n'ont pas vocation à être éditées au sens technique, c'est-à-dire à être fabriquées en "nombre"[139]. On pourra citer à cet effet la jurisprudence Aréo[140] qui s'affranchissait de l'exigence d'une édition pour se contenter d'une exploitation.

2- La fusion des contributions dans un ensemble

 

106.            De toute évidence, une œuvre collective ne pourra résulter que de plusieurs contributions comme l'a rappelé à plusieurs reprises la jurisprudence[141]. Non seulement l'œuvre doit avoir été créée sous la direction de l'entrepreneur, mais il faut aussi qu'il soit impossible d'attribuer à chacun des créateurs une droit distinct sur l'ensemble. Le critère de la fusion des contributions est actuellement le plus incertain; en effet, la jurisprudence se montre sur ce point très fluctuante et très abondante.

 

107.            D'une part, un courant jurisprudentiel se fonde sur une conception restrictive du domaine de l'œuvre collective; le principe étant que ne peut être qualifiée de collective que l'œuvre qui ne peut recevoir la qualification d'œuvre de collaboration. Autrement dit, le domaine de l'œuvre collective serait résiduel. Dans cette interprétation de l'article L 113-2 du CPI, la jurisprudence évince le terme "distinct" pour le remplacer par celui de "indivis" propre aux œuvres de collaboration. La Cour de cassation retenait en effet à propos d'une valise écritoire[142]: " Attendu qu'en se déterminant ainsi [la cour d'appel qualifiait cette valise d'œuvre collective] par des motifs d'où il ne résulte pas que chacun des créateurs ne pouvait se prévaloir de droits indivis sur l'ensemble de l'œuvre, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision". De surcroît, il paraît très clair que l'impossibilité d'attribuer des droits indivis sur l'ensemble résulte de l'absence de concertation. Les juges doivent alors se borner à caractériser une concertation entre les participants, et, à défaut, conclure à l'existence d'une œuvre collective, exclusive de droits indivis. On citera un arrêt de la Cour de cassation[143], très clair sur ce point: " Mais attendu que la cour d'appel a souverainement relevé que l'ouvrage pris dans son ensemble ne résultait pas d'un travail créatif concerté et conduit en commun par plusieurs auteurs, et que la coordination des diverses contributions et l'animation de l'édition avaient été l'œuvre de Mme Le Brun; qu'ainsi, ayant retenu l'absence de toute coopération entre les divers auteurs et le rôle d'initiative et de direction joué par Mme Le Brun en sa qualité de salariée de la société Breasheather, la cour d'appel en a exactement déduit que les auteurs ne pouvaient pas se prévaloir d'un droit indivis sur l'ensemble réalisé, et que l'ouvrage devait être qualifié d'œuvre collective […];".

 

108.            Cette interprétation restrictive n'est pas sans une certaine logique et, en tout cas, semble se conformer à l'intention du législateur. Au cours des travaux de la commission de la propriété intellectuelle, M. le conseiller Lerebours-Pigeonnière a en effet écrit: "Qu'entendons-nous par là? Nous visons une sorte d'œuvre anonyme- les dictionnaires, les encyclopédies- qu'un éditeur publie sous son nom et qui ne cesse pas d'être anonyme, alors même que la liste des collaborateurs est connue (le dictionnaire de l'académie est notoirement l'œuvre de quarante immortels) parce qu'il est impossible de déterminer le rôle, ni la part de chacun dans la conception et la composition de l'œuvre; en conséquence, on admet qu'une telle œuvre appartient, comme si elle était entièrement sa création ou en tant qu'œuvre anonyme, à l'éditeur qui a dirigé la composition et sous le nom duquel elle est divulguée". Reste que cette interprétation conduit à lire le texte comme s'il visait l'impossibilité d'attribuer un droit "indivis", alors que le législateur parle de droit "distinct"; on en conviendra, ces deux termes n'ont pas la même signification.

 

109.            D'autre part, un courant jurisprudentiel moins strict est apparu, proposant une conception large de l'œuvre collective. Un arrêt[144] s'est montré particulièrement énigmatique en affirmant qu'une communauté d'inspiration et un concert entre les membres de l'équipe n'excluait pas nécessairement l'existence d'une œuvre collective. Dès lors, la présence d'éléments de qualification de l'œuvre de collaboration ne suffisent pas à exclure le recours à l'œuvre collective. On peut constater que les décisions rendues dans ce sens prennent appui sur la lettre de l'article L 113-2 al. 3 du CPI, qui vise l'impossibilité d'attribuer un "droit distinct sur l'ensemble réalisé". Ainsi, le seul constat de la fusion des contributions dans un ensemble rendant impossible l'attribution aux participants un droit "distinct", et ce, même en présence de quelques concertations, permet de qualifier une œuvre d'œuvre collective. Nombreuses sont les décisions allant en ce sens. La Cour de cassation[145], par exemple, a relevé dans un arrêt "que la plaquette avait été créée à l'initiative de la société Kaneka qui l'avait ensuite divulguée sous sa dénomination sociale, et que la réunion des diverses contributions ainsi que la fusion de l'apport de Mme Auboire dans l'ensemble constituaient une œuvre sur laquelle il n'était pas possible d'attribuer à chacun des participants un droit distinct; que les juges du second degré en ont justement déduit que la plaquette litigieuse était une œuvre collective […]". Aussi, jouent dans le sens d'un élargissement, les nombreuses décisions dispensant les personnes morales exploitant une œuvre de rapporter la preuve que les conditions légales de l'œuvre collective sont réunies[146]. Ce courant jurisprudentiel s'avère dominant et on conviendra alors, avec A. Lucas[147], que cette thèse est excessive. En effet, le critère ne permet pas d'opérer la distinction entre l'œuvre collective et l'œuvre de collaboration, laquelle se caractérise précisément par une fusion pouvant, elle aussi, interdire d'identifier les contributions. De plus, en matière d'œuvres créées par des efforts conjugués, le droit commun est constitué de l'œuvre de collaboration, l'œuvre collective ne demeurant qu'une exception.

 

110.            Ces divergences jurisprudentielles témoignent de la complexité de la question. En attendant une éventuelle réforme législative, il serait souhaitable que la Cour de cassation adopte une position plus claire. Pour notre part, l'œuvre collective devrait conserver son caractère résiduel. On peut tout à fait concevoir qu'une concertation entre les contributeurs au moment de l'élaboration n'ait aucune influence sur la qualification finale; en effet, il suffirait que la personne morale soit l'initiatrice du projet et, qu'au stade de l'élaboration des contributions, elle précise ses directives par l'intermédiaire d'un ou plusieurs préposés. Ce n'est alors qu'au stade de  l'aménagement global de l'œuvre qu'elle devrait œuvrer seule, sans la collaboration des contributeurs. Enfin, conformément à l'article L 113-2 al.3 du CPI, elle l'éditerait, la publierait et la divulguerait sous sa direction et son nom. Il s'agirait d'admettre qu'au delà des apports des coauteurs personnes physiques, il existe une "maîtrise d'œuvre intellectuelle"[148] de la personne morale, exercée par ses préposés, sans laquelle l'œuvre n'aurait jamais exister. Cette thèse rendrait alors à l'œuvre collective sa finalité qui est de faire prévaloir l'économique sur le juridique.

B- Le domaine de l'œuvre collective

 

111.            On l'a vu, le domaine de l'œuvre collective se cantonnait au départ aux dictionnaires ou encyclopédies. Il concerne aussi en grande partie les journaux[149]. Mais, la loi ne limitant pas ce statut à certaines catégories d'œuvres, d'autres œuvres ont pu être qualifiées de collectives; ainsi des plans d'architecture[150], un slogan[151], un briquet[152], le célèbre sac Chanel[153], l'étiquette d'un pot de miel[154] ou encore des joints[155]. Une œuvre répondant aux critères de l'œuvre collective doit normalement bénéficier de ce statut. Cela pourrait être le cas par exemple des œuvres multimédia, qui s'apparentent bien souvent aux dictionnaires ou encyclopédies. Sur ce point, la jurisprudence semble prôner une qualification au cas par cas. Dans une espèce, la cour d'appel de Paris[156] n'a pas retenu la qualification d'œuvre collective pour un CD-Rom: "S'il est vrai que l'œuvre multimédia ressort le plus fréquemment du domaine de l'œuvre collective, la qualification doit être recherchée d'après les conditions de création au cas par cas, pour chaque œuvre considérée dans sa particularité;".

C- Les bénéficiaires du droit moral

 

112.            L'article L 113-5 du CPI dispose: " L'œuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée. Cette personne est investie des droits de l'auteur". Cette disposition signifie tout simplement qu'une personne morale à l'initiative de laquelle est créée une œuvre collective est investie ab initio des droits d'auteurs, sans qu'une cession ait à intervenir. Il est aussi admis, en ce domaine, qu'un contributeur puisse exploiter séparément sa contribution, ce qui est expressément prévu pour les journalistes par l'article L 121-8 al. 1er et 2 du CPI. Aussi, et cela peut justifier l'engouement qu'ont les personnes morales (ou physiques) entrepreneurs à cette qualification, l'œuvre collective permet une rémunération forfaitaire des contributeurs[157]. Enfin, et c'est ce à quoi l'on s'attachera ici, la jurisprudence reconnaît un droit moral à la fois à la personne morale (1), mais aussi aux contributeurs (2).

1- Le droit moral de la personne morale

 

113.            A lettre de ce texte, le titulaire originaire des droits sur l'œuvre collective jouit également du droit moral. Alors, dans ce cas, rien ne s'oppose à ce que ce soit une personne morale, même si cela peut paraître paradoxal. Le droit moral, en effet, vise à défendre l'expression de la personnalité d'un auteur personne physique, dont on conviendra qu'elle seule puisse faire œuvre créatrice. La jurisprudence est cependant venu corroborer cette disposition légale; la Cour de cassation[158] a récemment reconnu à la personne morale un droit moral sur l'œuvre collective:" qu'ils ont pu [les juges du second degré], sans dénaturation, et indépendamment de l'impropriété de terme consistant à attribuer à la société Image Image la qualité d'auteur, en déduire que l'affiche avait le caractère d'une œuvre collective et que dès lors la société Image Image, investie des droits de l'auteur, était fondée à invoquer la protection légale, notamment quant au droit moral;".

2- Le droit moral des contributeurs

 

114.            La jurisprudence, non sans une certaine cohérence d'ailleurs, a reconnu aux contributeurs un droit moral. En effet, il est indéniable que chaque participant contribue à marquer la création finale de l'empreinte de sa personnalité. Ainsi, chacun peut agir isolément pour défendre son droit moral. Pour la Cour de cassation[159], l'auteur d'une contribution "est fondé, notamment pour rétablir la vérité, à faire publiquement état de son rôle de créateur, la personne sous le nom de laquelle l'œuvre collective est divulguée étant seulement investie des droits de l'auteur en sa qualité de propriétaire;". Cependant, ce droit moral ne sera pas absolu dans son exercice, et une réserve concerne plus particulièrement le droit au respect de l'œuvre. La jurisprudence décide qu'il trouve sa limite naturelle dans la "nécessaire harmonisation de l'œuvre dans sa totalité"[160]. Ainsi, un contributeur ne pourra se plaindre des modifications effectuées par la personne morale sur l'œuvre collective si elles sont justifiées[161], mais il doit en être informé[162].

§3- L'œuvre composite ou dérivée

 

115.            Après avoir cerné les éléments de définition d'une telle œuvre (A), nous envisagerons les prérogatives du titulaire du droit moral sur l'œuvre composite (B).

A- Eléments de définition

 

116.            L'œuvre composite est définie à l'article L 113-2 al. 2 du CPI comme étant l'œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante (1) sans la collaboration de l'auteur de cette dernière (2).

1- L'incorporation d'une œuvre préexistante

 

117.            Le terme "incorporation" vise les cas où une œuvre préexistante est intégrée dans l'œuvre seconde. L'œuvre première doit-elle être considérée dans son ensemble, ou suffit-il que certains éléments de cette œuvre soient intégrés? Si l'on s'attache à la sémantique, l'œuvre "dérivée" telle que définie à l'article L 112-3 du CPI correspondrait à la deuxième proposition. En effet, cette disposition vise "Les auteurs de traductions, d'adaptations, transformations ou arrangements des œuvres de l'esprit" et leur confère la protection du droit d'auteur, " sans préjudice de l'auteur de l'œuvre originale". L'article L 113-4 du CPI, qui a trait au régime de l'œuvre composite dispose que cette dernière "est la propriété de l'auteur qui l'a réalisée, sous réserve des droits de l'auteur de l'œuvre préexistante". Alors, il résulte des ces deux textes que le législateur a entendu différencier les œuvres intégrant une œuvre préexistante sans modifications de cette dernière (œuvres composites), de celles reprenant les éléments caractéristiques d'une œuvre préexistante en les modifiant (œuvres dérivées). Quoiqu'il en soit, cette distinction ne semble pas avoir une portée particulière, et le notion d'œuvre "composite" sera utilisée pour désigner l'ensemble des œuvres dont l'originalité ne sera que relative[163]. Ainsi, par exemple, la Cour d'appel de Paris[164] a considéré l'orchestration par Maurice Ravel des "Tableaux d'une exposition" de Moussorgski, œuvre "dérivée" au sens de l'article L 112-3 du CPI, comme une œuvre "composite" au sens de l'article L 113-2 du CPI.

 

118.            Ajoutons que le qualificatif "préexistante" semble lui aussi être sujet à discussion. En effet, étymologiquement, cela signifie "exister avant". Faut-il lire cette condition comme exigeant des apports distincts dans le temps? Ne peut-on pas envisager des apports créés sur une même période, mais dont le deuxième intégrerait le premier sans qu'il y ait de concertation entre les deux créateurs, excluant alors la qualification d'œuvre de collaboration? La Cour de cassation[165] insiste a priori sur le décalage dans le temps: "Mais attendu que la cour d'appel a retenu que l'édition de 1983 et les éditions suivantes du guide étaient le fruit de deux apports distincts dans le temps, [qu'elle] a pu qualifier l'ouvrage d'œuvre composite […];"; cependant cela ne semble pas forcément requis pour l'existence de l'œuvre composite.

2- L'absence de collaboration de l'auteur de l'œuvre originaire

 

119.            L'œuvre composite est exclusive de toute collaboration entre l'auteur de l'œuvre préexistante et celui de l'œuvre nouvelle. Ainsi, si l'auteur de l'œuvre première coopère à l'élaboration de l'œuvre seconde, la situation ne relève pas du statut des œuvres composites mais du régime de la collaboration. Dans une affaire mettant en scène les marionnettes des "Guignols de l'info", la Cour de cassation[166] a bien illustré cette caractéristique: " Mais attendu que la cour d'appel a souverainement retenu que M. Duverne avait sculpté les maquettes pour la réalisation des moules servant à la fabrication des marionnettes; qu'elle en a exactement déduit que cette mise en volume des caricatures dessinées par un tiers, qui n'avait pas collaboré à cette élaboration, constituait une création personnelle s'intégrant dans la réalisation d'une œuvre composite;". Aussi, est-on en droit de qualifier une œuvre audiovisuelle de composite, lorsqu'elle est tirée d'une œuvre préexistante. On l'a vu, l'article L 113-7 al. 3 du CPI assimile l'auteur du scénario préexistant aux auteurs de l'œuvre seconde. Mais alors, quel régime sera applicable à l'auteur de l'œuvre originaire? Celui de l'œuvre de collaboration, ou celui de l'œuvre composite? Il semblerait que la jurisprudence prône une application distributive des règles. Si l'auteur veut défendre son œuvre originaire, on appliquera le régime de l'œuvre composite, et il ne saurait lui être opposé son statut de collaborateur de l'œuvre seconde. En revanche, il devra exercer ses droits "d'un commun accord" avec les autres coauteurs sur l'œuvre seconde. La Cour de cassation[167] n'a pas manqué de rappeler cette solution: " Mais attendu, d'abord, que Mme Barbier étant titulaire sur son roman d'un droit de propriété intellectuelle opposable à tous, la cour d'appel a exactement retenu qu'elle n'avait fait qu'user de ce droit en s'opposant à l'exploitation des œuvres dérivées au-delà du terme qui avait été consenti à leurs auteurs par l'éditeur du roman lors de la cession par celui-ci des droits d'adaptation; que toute référence aux articles L 113-3 [régime de l'œuvre de collaboration] et L 113-7 [assimilation de l'auteur du scénario préexistant aux auteurs de l'œuvre nouvelle] du Code de la propriété intellectuelle se trouve donc dépourvue de pertinence[…];".

 

120.            Il apparaît donc qu'une œuvre peut être "composite" tout en étant qualifiée de "collaboration", voire d'œuvre collective[168]. Une célèbre affaire illustre ce cas de figure: l'opéra Le Prince Igor a été commencé par Borodine qui est décédé avant de l'avoir achevé. Or, après son décès, Rimski-Korsakov et Glazounov l'ont achevé en composant de concert les parties manquantes. La cour d'appel de Paris[169] a décidé que: "On doit admettre que l'œuvre de Borodine était, par rapport au Prince Igor dans sa version définitive, une œuvre préexistante qui a été incorporée à l'œuvre nouvelle élaborée en collaboration par Rimski-Korsakov et Glazounov, sans la collaboration de Borodine, c'est-à-dire une œuvre composite [mais] il en résulte que Le Prince Igor constitue entre Rimski-Korsakov et Glazounov une œuvre de collaboration;". La Cour de cassation[170] a rejeté le pourvoi, en affirmant que l'existence d'un lien de dépendance par rapport à l'œuvre préexistante n'exclut pas la qualification d'œuvre composite et que celle-ci peut consister dans l'achèvement de celle-là.

B- Les prérogatives du titulaire du droit moral

 

121.            L'article L 113-4 du CPI pose le principe que "l'œuvre composite est la propriété de l'auteur qui l'a réalisée, sous réserve des droits de l'auteur de l'œuvre préexistante". Il ressort de cette disposition que l'auteur de l'œuvre préexistante n'est pas considéré comme un coauteur de l'œuvre composite, sauf dans les hypothèses d'une œuvre audiovisuelle ou radiophonique qui reconnaissent à l'auteur du scénario la qualité de coauteur. Ainsi, seul l'auteur de l'œuvre composite est investi des droits d'auteur (droit moral et droits patrimoniaux), et la Cour de cassation[171] a même précisé qu'il ne peut se voir opposer une quelconque présomption de titularité par l'éditeur titulaire du droit sur l'œuvre première. Cependant, et conformément à la réserve formulée par cette disposition, il devra respecter le monopole de l'auteur de l'œuvre première. L'exploitation de l'œuvre composite sera donc subordonnée à son autorisation. Cette exigence supporte néanmoins un tempérament, puisque les hauts magistrats[172] ont admis que le compositeur d'un nouvel arrangement musical d'une chanson n'est pas tenu d'obtenir l'autorisation de l'auteur de l'œuvre préexistante, dès lors qu'il s'agissait d'un simple projet dont la réalisation pouvait n'être pas poursuivie, l'enregistrement n'ayant été entendu que par quelques professionnels, pour solliciter des avis techniques. Soulignons aussi que l'auteur de l'œuvre première pourra, malgré l'incorporation de son œuvre, en poursuivre ou en reprendre librement l'exploitation[173]. Enfin, s'est posée la question se savoir si ces principes restaient valables lorsqu'une œuvre composite intégrait une autre œuvre qui était elle-même composite. Pour la Cour de cassation[174], la solution serait la même; dès lors que le lien de filiation subsiste entre l'œuvre première et l'œuvre composite tirée de l'œuvre seconde, le monopole de l'auteur doit être respecté. Alors, force est de constater une coexistence de deux droits moraux: l'un sur l'œuvre composite, et l'autre sur l'œuvre intégrée. Il s'agira alors de protéger tant l'un que l'autre, sans établir une hiérarchie.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chapitre 2- La titularité post mortem

 

 

 

 

122.            On l'a vu, le droit moral étant un droit de la personnalité spécifique, celui-ci ne s'éteint pas à cause de mort. Perpétuel, il survit à la mort de l'auteur, l'œuvre fut-elle tombée dans le domaine public. Avant d'étudier les règles régissant sa dévolution successorale (II), nous exposerons ses caractéristiques (I).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Section I- Les caractéristiques du droit moral post mortem

 

 

123.            Avant la loi du 11 mars 1957, aucune dévolution légale du droit moral n'avait été instituée. Un fort courant jurisprudentiel prenait en considération l'intérêt des héritiers. Ce point de vue était extrêmement épineux dans la mesure où on pouvait légitimement craindre que cet intérêt n'aille pas toujours dans le sens des volontés de l'auteur. Une dévolution spéciale du droit moral a donc été prévue par la loi de 1957. Le législateur est parti de l'idée que le droit moral, discrétionnaire entre les mains de l'auteur, se transforme après sa mort; pour reprendre l'expression de Desbois[175], "le droit moral n'est donc pas tel, après la mort, qu'auparavant, puisque les successeurs n'ont pas qualité pour prendre des décisions qui procèdent de leurs opinions ou de leurs goûts: les prérogatives que l'auteur maniait à son gré, deviennent les instruments d'un devoir de fidélité". Il convient alors de s'interroger sur la consistance de ce droit moral "allégé".

 

124.            Tout d'abord, à la lecture de l'article L 121-4 du CPI, il semble que le droit de repentir et de retrait soit exclu; en effet, il n'est envisagé que l'exercice de ce droit par l'auteur lui-même. Cette règle n'est pas sans un certain bon sens. Elle n'est que la concrétisation d'un "scrupule de conscience"[176] de l'auteur retirant de la circulation une œuvre qu'il avait décidé de publier. Partant, il semble difficile d'admettre que les héritiers usent d'un droit aussi personnel, d'autant plus qu'il heurte sensiblement la force obligatoire des contrats. On pourra supposer, toutefois, que la situation puisse être différente si l'auteur a, de son vivant, expressément souhaité que ce droit soit exercé dans des circonstances précises.

 

125.            Quant au droit de divulgation, au respect de l'intégrité de l'œuvre et à la paternité, ils survivent à l'auteur. De même que l'article L 121-1 al. 4 du CPI dispose que le droit au respect du nom et de la qualité de l'auteur, ainsi que de son œuvre " est transmissible à cause de mort aux héritiers de l'auteur", l'article L 121-2 al. 2 du CPI vise la situation du droit de divulgation après la mort de l'auteur. Ainsi, il se déduit de ces dispositions que les ayants droit ne pourront pas publier une œuvre que le défunt ne voulait pas divulguer; à l'inverse, ils seront tenu de communiquer une œuvre au public si telle était l'intention de l'auteur disparu; en outre, ils devront protester contre des altérations ou mutilations qu'un cessionnaire des droits d'auteur voudrait faire ou aurait fait subir à une œuvre.

 

126.            Enfin, s'est posée la question de savoir si le droit d'authentifier une œuvre pouvait se rattacher au droit moral post mortem. Dans une espèce, le litige portait sur un contrat dans lequel un artiste avait autorisé une société à fabriquer des "gravures d'interprétation" de huit de ses œuvres, en s'engageant à "authentifier par sa signature" les épreuves qui lui seraient envoyées après approbation finale de sa part des bons à tirer; son épouse avait contresigné l'engagement de son mari. Après le décès de ce dernier, elle avait soutenu que le contrat n'était plus exécutable en raison de la disparition de l'artiste, seul en mesure d'accepter les épreuves et de les authentifier. Les juges du second degré retenaient alors que la signature apposée par l'épouse constituait une "garantie de bonne exécution" de l'engagement pris par son mari, et que cet engagement n'avait pas un caractère purement personnel. Autrement dit, les juges se plaçaient sur le terrain contractuel pour retenir que l'engagement restait valable, car l'épouse, en sa qualité de légataire universelle était tenu de l'exécution du contrat conclu par le défunt. Mais, et c'est ce qu'est venue préciser la Cour de cassation[177], l'obligation "d'authentifier par sa signature" les gravures qui lui seront soumises, devra s'effectuer "sous réserve de l'exercice de son droit moral". A priori donc, cette prérogative serait indépendante de l'exercice du droit moral post mortem.

 

Section II- La dévolution du droit moral

 

 

127.            L'article L 121-2 al. 2 du CPI aménage la dévolution successorale du droit de divulgation, par une disposition spéciale très détaillée. On remarquera aussi que si l'article L 121-1 prévoit la dévolution du droit au respect au nom et de l'œuvre, il ne contient absolument aucune autre  précision à ce sujet. L'article L 121-2 ne visant que le droit de divulgation, on peut se demander s'il convient d'étendre ses dispositions au droit au nom et au respect de l'œuvre. Si une doctrine autorisée[178] et la jurisprudence se prononçaient en ce sens, la Cour de cassation[179] dans l'arrêt Utrillo ne l'a pas entendu ainsi. Par une interprétation exégétique stricte, elle a estimé que l'article L 121-2 du CPI ne concernait que la divulgation des œuvres posthumes, et que le droit commun des successions avait vocation à s'appliquer pour le droit au respect de l'œuvre et pour le droit au nom:" Attendu qu'il résulte de ce texte [article L 121-1 du CPI] que le droit de l'auteur au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre est transmissible à cause de mort à ses héritiers selon les règles ordinaires de la dévolution successorale;". On a pu dès lors constater qu'il pesait une forte responsabilité sur les titulaires du droit moral post mortem. Même si la solution ici présente peut engendrer des complications, elle ne semble pas non plus dépourvue d'un certain "humanisme". L'usage du droit de divulgation ayant une forte connotation patrimoniale, il ne semble pas illogique que la loi vise les personnes les plus à même d'être dignes de confiance. Nous aborderons donc dans un premier temps les règles organisant la dévolution du droit moral de divulgation (§1), avant de rappeler la consistance du droit commun dont la dévolution du droit au respect au nom et au respect de l'œuvre dépend (§2).

§1- La dévolution du droit de divulgation

 

128.            Selon l'article L 121-2 al.2 du CPI, après la mort de l'auteur, "le droit de divulgation de ses œuvres posthumes est exercé leur vie durant par le ou les exécuteurs testamentaires désignés par l'auteur. A leur défaut, ou après leur décès, et sauf volonté contraire de l'auteur, ce droit est exercé dans l'ordre suivant: par les descendants, par le conjoint contre lequel n'existe pas un jugement passé en force de chose jugée de séparation de corps ou qui n'a pas contracté un nouveau mariage, par les héritiers autres que les descendants qui recueillent tout ou partie de la succession et par les légataires universels ou donataires de l'universalité des biens à venir". Cet article institue un ordre de dévolution (A), mais il conviendra de s'interroger sur la règle applicable lorsque l'on sera dans l'hypothèse d'une seconde génération d'héritiers (B).

A- L'ordre de dévolution

 

129.            La première personne visée s'avère être l'exécuteur testamentaire désigné par l'auteur. La désignation doit être expresse, comme le rappelle dans un arrêt la cour d'appel de Paris[180]: " Le legs universel à l'épouse et le fait que l'artiste ait chargé celle-ci de choisir des tableaux à l'intention de légataires ne suffisent pas à établir que l'artiste a entendu transmettre l'exercice du droit moral à l'épouse;". Cela dit, il n'apparaît pas nécessaire que la disposition confère expressément l'exercice du droit de divulgation. L'exécuteur désigné peut être aussi bien une personne physique, qu'une personne morale. Ainsi, un musée[181] ou une fondation[182], ont valablement pu être désignés exécuteurs testamentaires. On accordera, avec Desbois[183], que le recours à une société d'auteurs présente l'avantage d'assurer la pérennité, sinon la perpétuité, du droit de divulgation. Aussi est-il important de préciser que l'exécuteur testamentaire n'est pas obligé d'accepter sa mission.

 

130.            S'il n'y a pas ou plus d'exécuteur testamentaire, et sauf volonté contraire de l'auteur, les descendants seront investi du droit de divulgation. La particularité de cette dérogation est que les descendants sont investis du droit de divulgation même s'ils refusent la succession; c'est dire que pour le législateur, il y a une très forte présomption de confiance légitime envers ces personnes, même si cela ne s'avère pas souvent justifié. Vient ensuite le conjoint survivant, et l'on notera que là encore, la transmission du droit de divulgation n'est pas subordonnée à l'acceptation de la succession. Enfin, viennent les héritiers ab intestat autres que les descendants et le conjoint survivant, puis les légataires universels ou donataires de l'universalité des biens à venir, qui, pour leur part, devront accepter la succession.

 

131.            Enfin, il convient de préciser que cette disposition spéciale étant distincte de celle régissant la dévolution du monopole d'exploitation, il peut arriver que le titulaire de ce dernier ne soit pas le même que le titulaire du droit de divulgation.

B- L'hypothèse de la seconde génération

 

132.            Il s'agit ici de savoir si les bénéficiaires post mortem du droit de divulgation peuvent eux-mêmes le transmettre à cause de mort. Le droit positif n'est pas fixé sur ce point. Admettre que ces règles de dévolution ne peuvent pas s'appliquer à la "deuxième génération" revient à consacrer la thèse de l'épuisement de la liste de l'article L 121-2 du CPI; une fois l'ordre respecté, il n'y aurait plus de bénéficiaires. Quoiqu'il en soit, deux solutions sont envisageables. Soit l'on considère que les personnes désignées dans l'alinéa 2 peuvent elles-mêmes transmettre le droit moral à cause de mort, à l'exception de l'exécuteur testamentaire, conformément à la lettre du texte. Quelques décisions[184] retiennent cette approche. Soit l'on considère qu'il n'y a plus de titulaires du droit de divulgation, ce qui permet de revenir au mécanisme instauré par l'article L 121-3 du CPI qui autorise la saisine du tribunal de grande instance en présence d'un "abus notoire" dans l'usage ou le non-usage du droit de divulgation. Cette dernière solution semble avoir en dernier lieu les faveurs de la jurisprudence[185]. Aussi, l'article L 123-4 du CPI, relatif au droit d'exploitation des œuvres posthumes semble implicitement reconnaître cette thèse. Si l'alinéa 2 de cet article dispose que "le droit d'exploitation des œuvres posthumes appartient aux ayants droit de l'auteur si[186] l'œuvre est divulguée au cours de la période prévue à l'article L 123-1 [70 ans après le décès de l'auteur]", sous-entendu avec l'autorisation du titulaire du droit de divulgation, l'alinéa 3 de cet article dispose en revanche que "si la divulgation est effectuée à l'expiration de cette période [70 ans après le décès de l'auteur], il appartient [le monopole d'exploitation] aux propriétaires, par succession ou à d'autres titres, de l'œuvre, qui effectuent où font effectuer la publication". On peut ainsi lire à travers ce texte qu'une fois l'œuvre d'un artiste tombée dans le domaine public, le propriétaire de l'œuvre peut la divulguer sans avoir d'autorisation à demander, sauf bien sûr, si de son vivant, l'auteur en avait expressément décidé autrement. Dans ce cas, l'article L 121-3 du CPI relatif à l'abus du droit de divulgation post mortem trouverait à s'appliquer.

§2- La dévolution du droit au respect et du droit à la paternité

 

133.            On l'a vu, l'arrêt Utrillo du 11 janvier 1989 impose de régler la dévolution du droit à la paternité et du droit au respect selon l'ordre établi par le code civil. Dans l'affaire Picabia, la Cour de cassation[187] a précisé que "le légataire universel a vocation à recevoir l'universalité héréditaire, et, en particulier, à devenir titulaire, même en présence d'héritiers réservataires, du droit moral de l'auteur […];".

 

Section III- L'abus du droit moral post mortem par les héritiers

 

 

134.            Cette question est envisagée par la loi à l'article L 121-3 du CPI. Celui-ci dispose en effet que: "En cas d'abus notoire dans l'usage ou le non-usage du droit de divulgation de la part des représentants de l'auteur décédé visés à l'article L 121-2, le tribunal de grande instance peut ordonner toute mesure appropriée. […]". Après avoir précisé le champ d'application de cette disposition (§1), il conviendra d'évoquer l'appréciation de l'abus du droit moral post mortem (§2). Enfin, il s'agira d'envisager les modalités de la saisine du tribunal ainsi que les sanctions que celui-ci pourra prononcer (§3).

 

 

 

 

§1- Champ d'application de l'article L 121-3 du CPI

 

135.            De prime abord, on remarquera que cet article ne mentionne uniquement que le droit de divulgation. Faut-il voir par là que l'exercice des autres prérogatives du droit moral est insusceptible d'abus de la part des héritiers de l'auteur? Peut-on au contraire accorder une portée générale à l'article L 121-3?

 

136.            Jusqu'à une époque récente, la jurisprudence[188] interprétait ce texte en ce sens qu'il ne concernait que le droit de divulgation. Telle solution paraît cependant inacceptable. Plusieurs arguments, en effet, tendent à conférer une portée générale à l'article L 121-3 du CPI. On peut en premier lieu relever le parallèle qui existe avec l'article L 122-9 du CPI régissant l'abus dans l'usage ou le non-usage des droits d'exploitation par les représentants de l'auteur visés à l'article L 121-2. Or, comme le relève en outre M. Lucas[189], l'abus dans l'usage des droits d'exploitation constitue le plus souvent en même temps une atteinte au respect de l'œuvre, par exemple en cas d'adaptation dénaturante. Dès lors, indirectement, la loi permet de contrôler l'exercice post mortem du droit au respect.

 

137.            Ensuite, toujours selon le même article L 122-9, les représentants visés et susceptibles de commettre un abus sont les titulaires du droit de divulgation. Or, la dévolution des droits d'exploitation suivant les règles de droit commun, il est fortement probable que le titulaire des droits d'exploitation commettant l'abus ne soit pas titulaire du droit de divulgation, de sorte qu'une interprétation extensive de la lettre du texte s'avère nécessaire. La haute juridiction, dans l'affaire Foujita[190], oeuvrait en ce sens, évinçant alors le renvoi de l'article L 122-9 à l'article L 121-2 en se bornant à viser l'abus de la part "des représentants d'un auteur décédé". Certes, l'espèce intéressait directement l'exercice des droits d'exploitation, mais par analogie une telle interprétation générale de l'article L 121-2 ne semble pas pouvoir supporter d'objections.

 

138.            Enfin, au regard du principe que tout droit est susceptible d'abus, il sera opportun de considérer également le droit au respect et le droit à la paternité comme devant être contrôlés par les tribunaux après la mort de l'auteur. L'article L 121-3 doit alors s'interpréter en ce sens que le droit de divulgation doit, plus particulièrement, faire l'objet d'un contrôle.

§2- Appréciation de l'abus

 

139.            En vertu des dispositions du même article, le contrôle s'effectuera sur le droit moral post mortem dans l'hypothèse d'un exercice abusif, mais aussi dans le non-exercice, ce qui sanctionne une négligence coupable. L'abus "notoire" devra être pris pour équivalent à l'abus "manifeste"; comme le soutient M. Colombet, la notoriété s'entend d'un fait évident, dont la réalité échappe à toute discussion[191]. Il convient alors de s'interroger sur l'appréciation de l'abus. Deux situations doivent être distinguées. Tout d'abord, celle qui traduit la présence de volontés exprimées par l'auteur de son vivant (A). Dans ce cas, les héritiers auront pour mission de les respecter "à la lettre". Ensuite, il faut envisager le cas où les volontés de l'auteur sont absentes, voire existantes mais équivoques (B). Il semblerait alors que la jurisprudence fasse primer l'intérêt du public.

A- La présence de volontés exprimées par l'auteur de son vivant: la sauvegarde des intérêts de l'auteur

 

140.            Comme le rappelait le TGI de Paris[192], "la mission de contrôle du tribunal a pour but d'éviter les déviations qui auraient pour effet de substituer à la volonté de l'auteur défunt les préférences de l'ayant droit, lequel, investi certes d'un mandat de protection de la personnalité de l'auteur contre les affronts qu'est susceptible de subir son œuvre, ne doit être cependant que l'agent d'exécution de cette volonté". Autrement dit, l'abus sera constaté dès lors que le comportement des héritiers diffère des souhaits exprimés par l'auteur de son vivant. Ainsi, en sanctionnant l'abus commis par les héritiers, les tribunaux assurent le respect des volontés de l'auteur et l'intérêt de l'œuvre. La Cour de cassation ne manquait pas de rappeler dans l'affaire Artaud[193] que le droit de divulgation n'est pas absolu et doit s'exercer au service de l'œuvre, en accord avec la personnalité et la volonté de l'auteur telle que révélée et exprimée de son vivant. Lorsque l'abus est caractérisé dans le sens d'une non-divulgation, il en va aussi pour les tribunaux d'une atteinte à l'intérêt général. Ainsi par exemple, pour le TGI de Reims[194], "lorsqu'il résulte de la correspondance même de l'auteur qu'il a toujours manifesté le désir de voir divulguer ce qu'il écrivait […], le refus du légataire universel d'autoriser la publication constitue un abus notoire de son droit de divulgation puisqu'en ce faisant, il s'oppose à l'enrichissement du patrimoine national".

 

141.            Si l'ayant droit commet un abus en refusant de divulguer une œuvre que l'auteur souhaitait de son vivant voir communiquée au public, il en sera tout autrement lorsque ce même auteur aura opposé un refus à la divulgation de ses œuvres, ou certaines de ses œuvres de son vivant. C'est en ce sens que s'est prononcée la cour d'appel de Paris[195] en décidant que ne commettait aucun abus de non divulgation le représentant d'un auteur décédé qui s'opposait à la publication de cours oraux d'un professeur (en l'espèce M. Roland Barthes), perpétuant ainsi le souhait exprimé par l'auteur de son vivant.

B- L'absence ou l'équivocité des volontés exprimées par l'auteur: prise en compte de l'intérêt du public?

 

142.            Lorsque l'auteur n'a pas exprimé ses souhaits de son vivant, il n'y a pas de solution fixée, en l'état actuel du droit positif, permettant de savoir lequel des intérêts, des héritiers ou du public, il y a lieu de faire prévaloir. Certes quelques jugements[196] ont pu avancer que lorsque la volonté de l'auteur n'a pas été clairement exprimée, il importe dans le doute de ne pas s'opposer à la publication. Faut-il voir par là que l'intérêt du public doive l'emporter? Il semble que c'est dans cet esprit que le législateur de 1985 a permis de sanctionner l'abus dans l'usage ou le non-usage des droits d'exploitation. Dans l'affaire Foujita, la cour d'appel de Versailles[197] l'affirmait clairement en faisant droit à la demande du ministre de la culture "justement soucieux du rayonnement de la peinture française". Cet arrêt fut cassé, au motif que Mme Foujita avait autorisé la filiale japonaise d'une société française à publier un recueil des œuvres de l'artiste. Mais, la cour d'appel de renvoi retenait à son tour l'abus car en l'absence d'exploitation française, alors que l'artiste tenait indiscutablement au rayonnement de son œuvre, et "en portant atteinte à la diffusion en France des œuvres de son mari par une attitude qui n'est pas dans la ligne et ne peut s'inscrire que dans le respect des volontés de ce peintre, Mme Foujita a commis un abus manifeste dans le non-usage des droits d'exploitation de Foujita". Dès lors, en se fondant sur le principe que le législateur est rationnel, l'intérêt du public devrait aussi primer lorsque l'abus concerne le droit moral post mortem, qu'il s'agisse du droit de divulgation, du droit au respect de l'œuvre ou à la paternité.

 

143.            Un autre point peut soulever quelques interrogations: il s'agit de la question de l'interprétation par les héritiers des volontés de l'auteur. La cour d'appel de Paris[198] s'est prononcée en ce sens que l'interprétation par les ayants droit des volontés de l'auteur "doit prévaloir dès lors qu'elle ne trahit pas de façon évidente la pensée de celui-ci". L'on conviendra que la jurisprudence sera certainement plus en clin à reconnaître un éventuel abus lorsqu'il s'agira d'un exercice négatif du droit de divulgation. En revanche, s'il s'agit d'un exercice positif, elle s'en tiendra certainement au choix opéré par l'héritier, d'autant plus que l'intérêt du public sera satisfait par cette initiative. Au demeurant, cette solution devra être utilisée avec précaution, car il est fréquent que les intérêts des héritiers divergent de ceux de l'auteur (notamment les intérêts pécuniaires qui pourraient faire suite à une divulgation). Il serait alors plus opportun, dans cette hypothèse, d'établir une présomption simple de divulgation que les héritiers pourraient combattre le cas échéant, étant précisé que cette présomption simple s'appliquerait aussi bien lorsque la volonté de l'auteur est équivoque ou inexistante. En ce sens, une décision du TGI de Paris[199] a pu permettre la publication d'une œuvre inédite de Montherlant parce qu'il avait de son vivant émis des positions contraires à ce sujet.

§3- Saisine du tribunal et sanctions

 

144.            L'article L 121-3 al. 2 du CPI mentionne simplement que "le tribunal peut être saisi notamment par le ministre chargé de la culture". On ne peut que constater que le pouvoir reconnu au représentant de l'Etat confirme l'importance reconnue à l'intérêt général à travers la notion de patrimoine culturel[200]. L'emploi de l'adverbe "notamment" par le législateur indique que la liste des personnes susceptibles de saisir le TGI n'est pas exhaustive. Mais alors, comment déterminer quelles autres personnes seront habilitées à agir?

 

145.            La jurisprudence se montre relativement restrictive quant à la recevabilité des demandes des sociétés d'auteurs. La Société des Gens de Lettres, notamment, s'est vue par deux fois refusé la qualité pour ester en justice en vue de défendre le droit moral d'auteurs[201]. En outre, ce droit de saisine a été refusé à la Caisse nationale des lettres[202]. Dans une autre affaire, une association s'était constituée à la mémoire de l'écrivain Lecomte et, en même temps qu'un ami de celui-ci, prétendait que sa légataire universelle commettait un abus notoire dans le non-usage du droit de divulgation en refusant la publication de certaines de ses lettres. Le TGI de Reims[203] conclut à l'irrecevabilité de l'action en optant résolument pour une interprétation restrictive du texte qui, selon lui, "a voulu limiter le droit d'agir aux seuls représentants de l'auteur décédé qui ont un intérêt personnel en la cause, et au ministre des arts et des lettres qui est investi de la mission de défendre l'intérêt national, en l'espèce celui de la pensée française". A l'inverse, le TGI de Paris s'est montré très libéral dans l'affaire Montherlant en déclarant recevable à agir l'ancien éditeur et ami intime de l'auteur. Le jugement était fondé sur l'article 31 du NCPC qui ouvre de manière générale l'action en justice "à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention". A priori, le fait d'avoir noué des relations amicales ne saurait par principe conférer qualité pour agir sur le fondement de l'article L 121-3 du CPI. Quoiqu'il en soit, cette décision ne peut qu'être approuvée car présentant plus de souplesse.

 

146.            Ainsi, l'intérêt personnel requis ne fera certainement pas défaut lorsqu'une des personnes énumérées par l'article L 121-2 du CPI agira; rappelons, à cet effet, que le législateur les a considérées comme particulièrement dignes de confiance, même si la distinction n'a lieu que sur le terrain du droit de divulgation. Reste qu'une jurisprudence admettant de façon générale l'action des sociétés d'auteurs serait particulièrement la bienvenue. La perpétuité effective du droit moral serait alors assurée de manière effective.

 

147.            Lorsque l'abus est constaté, l'article L 121-3 du CPI dispose laconiquement que le tribunal peut ordonner toute mesure appropriée. L'on se contentera alors de rapporter quelques mesures, telles la publication, l'interdiction de publication, la réparation de l'atteinte[204]. Enfin, le tribunal peut intervenir, selon l'article L 121-3 du CPI, lorsqu'il existe un "conflit entre lesdits représentants, s'il n'y a pas d'ayant droit connu ou en cas de vacance ou de déshérence".

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Titre II- L'exercice du droit moral

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

148.            Lorsque le créateur d'une œuvre satisfait aux conditions de la titularité étudiées précédemment, celui-ci bénéficie d'un droit moral sur sa création. A compter de sa naissance, et même d'un commencement d'exécution, l'œuvre sera sous protectorat du droit moral qui l'accompagnera indéfiniment. L'on sait aussi que le droit d'auteur confère des prérogatives patrimoniales, communément appelées droits d'exploitation. Un déroulement logique de la vie d'une œuvre voudrait que ces deux prérogatives soient complémentaires: un droit moral assurant une exploitation sans contraintes, et une exploitation respectant l'œuvre et l'auteur, et assurant une rémunération à ce dernier. Or, la réalité montre bien souvent le contraire: l'une devant s'adapter à l'autre, avec une prédominance certaine du droit moral.

 

149.            Ainsi, il est intéressant d'envisager le droit moral sous deux aspects. L'auteur pourra, dans un premier temps, autoriser la communication de l'œuvre au public, ou la retirer du circuit économique. Envisagé de la sorte, le droit moral peut constituer un obstacle à l'exploitation de l'œuvre (Chap. 1). Dans un deuxième temps, l'auteur pourra arguer de son droit moral lorsque l'exploitant aura altéré l'œuvre ou n'aura pas ou mal communiqué au public les informations nécessaires sur sa paternité. Le droit moral constituera alors une limite à la liberté de l'exploitant (Chap. 2).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chapitre 1- Le droit moral: obstacle à toute exploitation

 

 

 

 

150.            Le droit moral vu comme un obstacle à toute exploitation comporte deux prérogatives essentielles et spécialement réglementées par la loi. La première concerne le droit de divulgation de l'œuvre (I) et témoignera de la volonté de l'auteur de communiquer le fruit de son travail artistique au public. La seconde, dénommée droit de repentir ou de retrait (II) consacrera en revanche les remords ou regrets que l'auteur pourra ressentir après que son œuvre soit exploitée. Une telle prérogative, extrêmement compromettante pour la sécurité juridique, mérite d'être strictement encadrée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Section I- Le droit de divulgation

 

 

151.            Selon l'article L 121-2 al. 1 du CPI, "l'auteur a seul le droit de divulguer son œuvre". Par la divulgation, l'auteur exprime le souhait de communiquer son œuvre au public, et ainsi de l'exposer à la critique. On comprendra aisément que cette prérogative est, de loin, la plus discrétionnaire du droit moral (sous-section I). Aussi, celle-ci ne semble pas toujours pouvoir se  ménager avec les droits que des tiers possèdent sur une œuvre, en vertu de différents contrats (sous-section II).

 

Sous-section I- L'exercice discrétionnaire du droit de divulgation par l'auteur

 

152.            Le droit de divulgation emporte le droit de divulguer ou de ne pas divulguer l'œuvre (§1). Selon l'article L 121-2 al. 1 du CPI, l'auteur détermine le procédé de divulgation et fixe les conditions de celle-ci. Doit-on lire cette disposition comme formant un tout indivisible, ou, au contraire, n'y a-t-il pas place à une divulgation échelonnée, selon les "procédés" choisis par l'auteur? Telle est la question de l'épuisement du droit de divulgation (§2).

§1- Le droit de divulguer ou de ne pas divulguer l'œuvre

 

153.            Aux termes de l'article L 121-2 du CPI, l'auteur ne livrera son œuvre à l'appréciation du public que lorsqu'il s'estimera satisfait et qu'il aura jugé l'œuvre digne d'être arrachée à son secret[205]. Il s'agit là d'une manifestation d'un droit de la personnalité. On conçoit alors qu'imposer une divulgation à l'auteur serait une atteinte à sa liberté individuelle; ce serait le cas par exemple s'il s'agissait d'une esquisse ou ébauche qui ne serait que l'amorce du tableau définitif, ou encore d'une œuvre achevée mais qu'il ne jugerait pas satisfaisante. En définitive, l'auteur décidera de divulguer son œuvre lorsque celle-ci sera achevée, certes matériellement, mais surtout "intellectuellement". Pour l'auteur, la divulgation relève de critères purement subjectifs, dont nul ne peut se faire juge. En revanche, s'il est amené à contester une atteinte à son droit de divulgation, force est de constater que cette dernière ne pourra être appréciée que par référence à des éléments objectifs. La notion même de divulgation suscite de nombreuses controverses. Pour Desbois[206], par exemple, l'auteur exerce son droit de divulgation dès le moment où il prend la "décision de principe" de communiquer son œuvre au public; il s'agit là d'une conception psychologique qui n'emportera pas notre adhésion.

 

154.            En effet, l'article L 121-2 du CPI précise bien que l'auteur, "sous réserve des dispositions de l'article L 132-24", "détermine le procédé de divulgation et fixe les conditions de celle-ci"; la divulgation consiste a priori en un acte positif, un "fait matériel"[207], de la part de l'auteur, traduisant une volonté de communiquer l'œuvre au public selon le(s) procédé(s) de son choix ( hormis le cas du contrat de production audiovisuelle, où l'auteur doit céder au producteur les droits exclusifs d'exploitation); mais encore faut-il que cette volonté ne soit pas équivoque. On aura dès lors recours à une recherche à la fois subjective (l'auteur a-t-il voulu divulguer?) et objective (le procédé de communication de l'œuvre induit-il une divulgation?) pour décider si la divulgation a bien eu lieu. Ainsi, le TGI de Paris[208] admettait que la divulgation puisse se déduire de faits et d'éléments divers: "S'agissant d'un droit discrétionnaire de l'artiste, la preuve de son consentement à la divulgation résulte de situations de fait associées au dessaisissement à titre définitif de l'œuvre; spécialement, ce consentement peut se déduire du fait que le peintre, ayant apposé son monogramme sur ses tableaux, a considéré l'œuvre achevée et qu'il s'en est dessaisi au profit d'un tiers". Le critère de l'achèvement de l'œuvre ne sera donc pas en lui-même suffisant. A l'inverse, l'inachèvement de l'œuvre constituera un indice sérieux de non-divulgation. Il semblerait aussi qu'une divulgation ne saurait résulter de l'abandon de toiles par un peintre dans une cave[209]. Mieux encore, la Cour de cassation[210] a reconnu que la production aux débats, et la lecture partielle à l'audience d'un manuscrit inédit constituaient une violation du droit de divulgation de l'auteur.

 

155.            On peut se poser la question de savoir ce qu'il advient du droit de divulgation lorsque l'auteur cède ses droits d'exploitation (ou au moins une partie) qu'il détient sur une œuvre. Plus précisément, une telle cession vaut-elle divulgation? A première vue, la solution ne fait guère de doute; un écrivain contractant avec un éditeur semble bien exprimer le souhait d'exploiter son œuvre, et, au-delà de toute pensée financière, au moins la faire connaître du public; en terme juridique: la divulguer. En réalité, la solution n'est pas si évidente qu'il n'y paraît, et les enjeux ne sont pas des moindres non plus. Retenir qu'un tel contrat vaut exercice du droit de divulgation, c'est interdire à l'artiste d'arguer de celui-ci pour échapper à ses obligations contractuelles au cas où il se raviserait; bien entendu, si tel était réellement son vœux, il disposerait de son droit de repentir[211], mais dont les conditions d'exercice sont très strictes (et très onéreuses). A l'inverse, prôner une indépendance entre l'exercice du droit de divulgation et une cession des droits d'exploitation offrirait la possibilité à l'auteur de ne pas honorer son engagement, sauf à l'éditeur de prouver un abus de sa part, preuve quasi-impossible tant la décision relève de l'intimité[212].

 

156.            La solution à ce problème peut se trouver en examinant le lien entre le droit patrimonial et le droit moral. S'agit-il de deux prérogatives indépendantes naissant sur la tête de l'auteur ou alors l'exercice de l'un conditionne-t-il l'exercice de l'autre? La doctrine est divisée, et la deuxième solution recevra notre agrément[213]. En effet, il semble que le droit de divulgation conditionne, dans son exercice, la naissance du droit patrimonial, et ce n'est seulement en prenant la décision de livrer l'œuvre au public que son auteur l'investit des droits patrimoniaux. Un arrêt de la Cour de cassation[214] allait en ce sens, et précisait: " Attendu qu'à l'appui de cette décision la cour d'appel a retenu que, à la date de la parution de l'ouvrage incriminé, la ville de Nantes n'avait pas fait effectuer la publication de ses manuscrits et n'était donc pas encore titulaire du droit d'exploitation qu'elle revendiquait;". Certes, l'on pourrait objecter l'article L 111-2 du CPI qui dispose que "l'œuvre est réputée créée indépendamment de toute divulgation publique, du seul fait de la réalisation, même inachevée, de la conception de l'auteur". A notre sens, cette disposition signifie seulement qu'avant leur publication, les œuvres sont déjà protégées par la loi; l'auteur est alors protégé contre toute divulgation qui aurait lieu sans son consentement, mais c'est seulement la divulgation qui fera entrer l'œuvre dans la sphère du "commercium" juridique. Autrement dit, une œuvre non divulguée serait hors du commerce[215]. Aussi, l'on ne peut que constater que cette chronologie dans l'investiture des droits d'auteur se retrouve dans le premier article du code de la propriété intellectuelle; l'article L 111-1 du CPI dispose en effet "ce droit [le droit d'auteur] comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial". Alors, partant du postulat que le droit de divulgation conditionne, dans son exercice, la naissance du droit patrimonial, on ne peut qu'admettre qu'une cession des droits d'exploitation sous-entend qu'il y a eu divulgation de la part de l'auteur.

 

157.            Le droit de divulgation de l'auteur semble être une notion qui se prête mal à la théorie de l'abus de droit. On rapportera à ce sujet l'arrêt de la cour d'appel de Paris[216], qui, dans l'affaire Antonin Artaud, affirmait par un obiter dictum que le droit de divulgation présente, du vivant de l'auteur, un caractère discrétionnaire. Il en sera bien évidemment autrement lorsqu'il sera dévolu aux héritiers. Le législateur a d'ailleurs expressément prévu cette situation à l'article L 121-3 du CPI[217]. Il convient alors de s'interroger quant à l'exercice du droit de divulgation sur des oeuvres inédites et posthumes d'un auteur. On l'a vu, l'inconvénient du régime spécial de dévolution du droit de divulgation est qu'il peut amener à ce que deux personnes différentes soient titulaires l'une, des droits patrimoniaux, et l'autre, du droit de divulgation qui conditionne, rappelons le, la naissance de ces derniers. Ainsi, durant toute la période de protection légale, le droit de divulgation sera exercé par son titulaire, conformément aux dispositions étudiées précédemment, et sous réserve de l'abus. Mais, qu'advient-il de l'exercice de se droit lorsque les héritiers n'en n'ont pas fait usage pendant le délai légal? A priori, le propriétaire de l'œuvre pourra se dispenser de demander une autorisation pour divulguer, publier l'œuvre, sauf à lui de respecter les volontés de l'auteur (art. L 123-4 al. 3 du CPI). La question qui se posait était de savoir s'il fallait faire prévaloir les droits du titulaire de l'œuvre originale (en l'espèce un manuscrit) contre les simples détenteurs de copies. Il s'agissait surtout de savoir ce qu'il fallait entendre par propriétaire de l'œuvre. La Cour de cassation[218] a eu à se prononcer sur la publication de copies de manuscrits inédits de Jules Verne. Les héritiers de ce dernier avaient cédé à la ville de Nantes les manuscrits originaux. Celle-ci contesta la publication faite par le détenteur des copies. La cour d'appel de Paris[219] la déboutèrent,  récompensant en quelque sorte celui qui avait eu l'initiative de la divulgation; les juges du second degré faisaient prévaloir l'intérêt du public. Les hauts magistrats censurèrent l'arrêt infirmatif: " Attendu qu'il résulte de ces textes [art. L 123-4 al.3 et L 111-3 al. 2] que, après l'expiration du délai de cinquante ou soixante-dix années civiles suivant celle du décès de l'auteur [70 ans depuis la loi du 27 mars 1997 transposant la directive du 24 octobre 1993], les propriétaires du support matériel de ces œuvres posthumes sont investis des droits patrimoniaux […], et qu'il leur appartient d'en effectuer la publication, à l'exclusion des détenteurs de simples copies établies et remises sans intention de transmettre le droit d'exploitation virtuellement attaché à la propriété des supports matériels originaux;". Il faut en conclure que, à propos de la publication de l'œuvre posthume, en cas de conflit entre le propriétaire de l'œuvre "originale" et le détenteur d'une simple copie, c'est en principe le propriétaire de l'original qui doit l'emporter. Toutefois, la décision semble envisager que le propriétaire du manuscrit puisse céder au détenteur d'une copie le droit de publier l'œuvre. On notera enfin que la directive du 29 octobre 1993, en son article 4[220], ne distingue plus entre le propriétaire du support matériel et le détenteur de la copie. En effet, selon cet article, le monopole serait attribué à la première personne qui effectue la publication de l'œuvre posthume, même si cette dernière ne détient qu'une copie. Cependant, l'alinéa 3 de l'article L 123-4 du CPI est demeuré inchangé lors de la transposition.

§2- La question de l'épuisement du droit de divulgation

 

158.            On l'a vu, le droit de divulgation est une prérogative discrétionnaire de l'auteur, dont on voit mal comment lui faire supporter la théorie de l'abus droit. La question suivante se pose alors: l'œuvre ayant été divulguée, son auteur peut-il, en se fondant sur son droit de divulgation, interdire une nouvelle exploitation non autorisée de sa création, ou tout simplement faire sanctionner sur le fondement de son droit moral  une divulgation effectuée dans un mode qu'il n'aurait pas fixé? En d'autres termes, le droit de divulgation s'épuise-t-il par le premier usage?

 

159.            Ce sujet est d'une sensibilité extrême. En effet, une partie de la doctrine s'y oppose totalement, tel Desbois[221]; une autre admet une divulgation par étapes[222], dont le droit s'exercerait à chaque "nouvelle diffusion" autorisée par l'auteur. Un certain courant jurisprudentiel a aussi fait sienne cette analyse, retenant par exemple, que des photos publiées dans un journal ne peuvent être utilisées à la télévision sauf à méconnaître le droit de divulgation de l'auteur[223]. De même, une œuvre cédée pour la télévision ne peut être publiée sous forme d'un livre[224]. Dans une espèce plus récente, la Cour de cassation[225] semblait admettre implicitement la règle de non-épuisement, mais d'une manière cependant très ambiguë. Une société avait commandé à deux auteurs un certain nombre de photographies, destinées à illustrer son catalogue de la même année. Quelques années plus tard, la même société s'apprêtait à utiliser ces photographies dans un nouveau catalogue. Les auteurs ayant appris son intention lui demandèrent de discuter le montant des redevances qui leur seraient dues à cette occasion, mais la société passa outre. Ils demandèrent alors réparation au titre de la violation des règles de cession des droits patrimoniaux et au titre de l'atteinte portée à leur droit moral de divulgation de leurs œuvres dans des conditions non autorisées par eux. La Cour leur fit droit, sur le fondement d'une atteinte à l'exercice de leurs droits patrimoniaux, conformément à l'article 31, alinéa 3 de la loi du 11 mars 1957, devenu article L 131-3 du CPI, qui dispose que la transmission des droits de l'auteur est subordonnée à la condition que dans l'acte de cession, le domaine d'exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée. Pour ce qui concernait l'atteinte au droit de divulgation, dont la cour d'appel n'y avait pas fait droit, la haute juridiction s'est contentée de dire: " qu'en raison de la cassation prononcée sur le premier moyen [atteinte aux droits patrimoniaux], l'arrêt se trouve désormais dépourvu de base légale de ce chef". Certes, certains auteurs verront dans cet attendu une reconnaissance implicite du principe de non-épuisement du droit de divulgation; pour notre part, il semblerait plutôt que la Cour ait contourné le problème en s'abstenant de répondre, autant implicitement qu'explicitement, au moyen; de toutes façons, le litige était réglé sur le fondement des droits patrimoniaux.

 

160.            Une autre partie de la doctrine[226] se prononce, quant à elle, en faveur de l'épuisement du droit de divulgation. Il serait dangereux, en effet, que l'auteur argue de son droit de divulgation pour remettre en cause des exploitations concédées par le titulaire des droits patrimoniaux ou par lui-même. Le droit moral pourrait alors être au service d'une insécurité juridique regrettable. En outre, si le droit de divulgation ne devait pas s'épuiser, l'utilité des règles qui gouvernent les contrats d'exploitation en droit d'auteur serait considérablement amoindrie. Ainsi, les prérogatives extrapatrimoniales feraient alors double emploi avec les dispositions patrimoniales de l'article L 131-3 du CPI[227]. Un courant jurisprudentiel[228] va en ce sens, et c'est notamment le cas des décisions les plus récentes. Nous ne pouvons alors que l'approuver. C'est au sujet d'un litige que Casimir, le gentil dinosaure de l'île aux enfants, a enrichit la jurisprudence française de la thèse de l'épuisement du droit de divulgation. Bien que la décision de la cour d'appel de Paris[229] ne se soit pas montrée favorable aux auteurs, il n'en reste pas moins qu'elle n'a fait preuve que de bon sens. Un des co-auteurs se plaignait que de nombreux épisodes de la série aient été diffusés sur une chaîne de télévision sans son autorisation. Malheureusement, il ne lui était pas possible d'agir sur le fondement de ses droits patrimoniaux, faute d'avoir attrait en la cause son co-auteur. Cette solution est conforme à la position de la Cour de cassation qui exige, en application de l'article L 113-3 du CPI ("les co-auteurs doivent exercer leurs droits d'un commun accord"), la "mise en cause" des co-auteurs de l'œuvre pour intenter l'action en contrefaçon[230]. Le co-auteur ne pouvait exercer seul que son droit moral; or, l'unique prérogative qu'il pouvait mettre en avant était le droit de divulgation, comme le démontrait la cour d'appel: " Considérant que […] Monsieur Terrangle est, par ailleurs, mal fondé à se prévaloir d'une atteinte à son droit moral alors que ni la paternité de l'œuvre, ni le respect à son intégrité ne sont en cause, qu'il ne se prévaut ni d'un droit de retrait ni d'un droit de repentir qu'il entendrait exercer et que le droit de divulgation, lequel s'épuise par la première communication au public, n'est pas d'avantage concerné; Que les restrictions apportées à la divulgation initiale de l'œuvre- en l'occurrence la limitation à 10 ans de sa durée d'exploitation- relèvent des prérogatives liées au droit d'exploitation qui figure à l'article L 122-1 du code de la propriété intellectuelle […], intitulé "droits patrimoniaux" […];". On ne peut alors que regretter le sérieux manque de clairvoyance des avocats, qui, s'ils avaient attrait en la cause l'autre co-auteur, auraient certainement mis les juges en mesure de faire droit à la demande de leur client. Quoiqu'il en soit, la solution n'en reste pas moins en accord avec les principes de droit d'auteur. Peut-être que ce litige est pendant devant la Cour de cassation; en attendant, il serait souhaitable que cette dernière prenne une position plus explicite, et ce, au nom de la sécurité juridique; la suite au prochain épisode…

 

Sous-section II- Le droit de divulgation et le droit des tiers

 

161.            C'est surtout dans les relations de l'auteur avec des tiers que se manifestera le plus la force du droit moral de divulgation qui vient attaquer d'un côté, la force obligatoire des contrats (§1), et, d'un autre côté, l'absolutisme du droit de propriété (§2).

§1- Incidence du droit de divulgation sur les contrats de commande

 

162.            Si la cession des droits patrimoniaux implique qu'il y ait eu divulgation préalable[231], il en est tout autrement dans le cadre du contrat de commande. Il s'agit d'un contrat par lequel l'artiste s'engage à réaliser une œuvre et à la livrer, contre rémunération, à une personne déterminée. L'artiste ne cède alors pas ses droits d'exploitation.. En effet, comme en dispose l'article L 111-3 du CPI, l'acquéreur de l'œuvre n'est investi du fait de cette acquisition, "d'aucun des droits prévus par le présent code" à savoir le droit moral et les droits patrimoniaux. Aussi, l'alinéa 2 du même article retient in fine que l'auteur pourra saisir le TGI en cas d'abus notoire du propriétaire de l'objet matériel l'empêchant s'exercer son droit de divulgation. Un tel contrat ne semble donc pas valoir divulgation. Une question se pose alors: l'auteur peut-il arguer de son droit de divulgation pour se soustraire à ses obligations contractuelles et ne pas achever l'œuvre[232]? Rappelons que c'est à partir du contrat de commande que la jurisprudence a cerné les contours du droit de divulgation. La question n'est pas nouvelle, et le droit positif est toujours fixé sur une affaire célèbre, l'arrêt Whistler[233], dans laquelle un peintre refusait de livrer un portrait achevé qui lui avait été commandé. La Cour admis que l'auteur pouvait invoquer le droit de divulgation pour se soustraire aux obligations nées d'un contrat de commande, sauf à engager sa responsabilité civile contractuelle. Un peu plus tard, cette solution était reprise dans l'affaire Rouault[234], où les juges précisaient que: "Les conventions qui portent sur des œuvres de l'esprit sortent des catégories normales du droit et diffèrent des conventions ordinaires, à cause de l'influence qu'exerce sur elles le droit moral de l'auteur;".

 

163.            On notera enfin que dans cette seule hypothèse, un refus de divulgation inspiré par des considérations étrangères au droit moral sera sanctionné sur le terrain de l'abus du droit de non-divulgation. Il faudra alors prouver l'intention de nuire de la part de l'auteur.

§2- Droit de divulgation et droit de propriété: une conciliation difficile

 

164.            L'article L 111-3 al. 1er du CPI dispose que la propriété incorporelle de l'auteur sur son œuvre est indépendante de la propriété de l'objet matériel. L'alinéa 2 ajoute que l'acquéreur de l'objet n'est investi, du fait de cette acquisition, d'aucun des droits prévus par la présente loi; autrement dit, un artiste qui vendra son œuvre pourra s'opposer à l'exercice, par l'acheteur, de la reproduction de l'œuvre. L'alinéa 3 apporte en revanche une limite à l'exercice de ses droits par l'auteur. En effet, celui-ci ne pourra exiger du propriétaire de l'objet matériel la mise à sa disposition de l'objet pour reproduire l'œuvre par exemple. En contrepartie, la suprématie du droit de propriété pourra être combattue sur le terrain de l'abus.

 

165.            La particularité du droit de divulgation est qu'il va faire échec à l'article 2279 du code civil qui dispose: " En fait de meubles, la possession vaut titre". La cour d'appel d'Orléans[235], dans une autre affaire concernant le peintre Rouault, avait retenu que l'auteur peut revendiquer l'œuvre non divulguée même entre les mains d'un possesseur de bonne foi, lequel n'est pas fondé à se prévaloir de l'article 2279 du code civil. L'argument de la cour était "qu'une œuvre d'art ne peut entrer dans le commerce que du jour où son créateur s'en ai dessaisi librement par un acte discrétionnaire qui la livre au public". Certes, une partie de la doctrine[236] a tenté de justifier la solution en faisant valoir qu'il fallait laisser libre l'auteur de parfaire son œuvre, mais cette solution semble disproportionnée, rendant finalement l'auteur maître d'exproprier purement et simplement le propriétaire, d'autant plus qu'en cas de refus abusif, l'auteur pourra saisir le TGI pour passer outre. Le droit de divulgation devrait donc être concilié dans toute la mesure du possible avec la propriété corporelle, et ne devrait limiter celle-ci que dans la mesure nécessaire à son exercice.

 

Section II- Le droit de repentir ou de retrait

 

 

166.            Cette prérogative du droit moral est la seule minutieusement réglementée par la loi. L'article L 121-4 du CPI dispose en effet: "Nonobstant la cession de son droit d'exploitation, l'auteur, même postérieurement à la publication de son œuvre, jouit d'un droit de repentir ou de retrait vis-à-vis du cessionnaire. Il ne peut toutefois exercer ce droit qu'à charge d'indemniser préalablement le cessionnaire du préjudice que ce repentir ou ce retrait peut lui causer. Lorsque, postérieurement à l'exercice de son droit de repentir ou de retrait, l'auteur décide de faire publier son œuvre, il est tenu d'offrir par priorité ses droits d'exploitation au cessionnaire qu'il avait originairement choisi et aux conditions originairement déterminées". Par cette disposition, le législateur a voulu tenir compte des regrets et remords de l'auteur et lui offrir la possibilité de mettre en échec ses engagements contractuels. L'utilisation de cette prérogative s'avère extrêmement dangereuse pour la sécurité juridique, c'est pourquoi, dans le silence du texte, elle ne saurait être transmissible à cause de mort.

 

167.            Il convient préalablement de s'accorder sur la terminologie. L'auteur se voit en effet attribuer un droit de repentir ou de retrait. Les travaux préparatoires de la loi ne permettent pas d'élucider le sens exact des deux termes. Selon nous, la conjonction "ou" plaide en faveur d'une double prérogative: le retrait consisterait à mettre fin à l'exploitation tandis que le repentir traduirait une volonté de modifier l'œuvre[237]. Cependant, dans la pratique, l'appellation "droit de repentir" est souvent utilisée pour rendre compte des deux hypothèses. L'étude de ce droit consistera dans un premier temps en son domaine d'application (§1), et, dans un deuxième temps, en sa mise en œuvre (§2).

§1- Le domaine d'application du droit de repentir ou de retrait

 

168.            Il semble résulter de la lettre de l'article L 121-4 du CPI que l'exercice du droit de repentir ou de retrait ne peut s'exercer qu'une fois l'œuvre exploitée (A), ce qui exclura son application dans le cadre des contrats de commande, hypothèse dans laquelle l'auteur reste titulaire de la propriété immatérielle (B). Enfin, notons qu'une disposition expresse de la loi prive l'auteur d'un logiciel du bénéfice du droit de repentir ou de retrait. Selon l'article L 121-7, "celui-ci ne peut […] exercer son droit de repentir ou de retrait", sauf stipulation contraire plus favorable; mais cette faveur du législateur s'avère en réalité bien symbolique.

A- Une cession préalable des droits d'exploitation

 

169.            Comme le précise l'article L 121-4 du CPI, l'auteur jouit du droit de repentir ou de retrait "même postérieurement à la publication de son œuvre", et ce, "nonobstant la cession de son droit d'exploitation". Or, toute cession des droits d'exploitation n'implique pas nécessairement que l'œuvre soit publiée. Il résulte de l'utilisation de l'adverbe "même" que l'auteur sera fondé à arguer de son droit non seulement lorsque l'œuvre sera exploitée (publiée), c'est-à-dire mise sur le marché de l'art, mais aussi lorsqu'elle en sera encore au stade de l'impression ou de la fabrication. De toute évidence, l'œuvre devra avoir été divulguée, et, rappelons-le, c'est la cession des droits d'exploitation qui vaudra divulgation. Cette précision du législateur est d'une importance capitale et permet de bien délimiter la frontière entre le droit de divulgation et le droit de retrait.  Elle ne fait que conforter la thèse qu'après toute divulgation l'auteur ne peut se rétracter qu'en utilisant son droit de retrait indépendamment de toute publication. L'œuvre étant divulguée, puis exploitée, c'est alors le droit de repentir ou de retrait qui prendra le relais du droit de divulgation qui s'épuise après sa première utilisation.

 

170.            L'insertion de cette disposition dans le titre intitulé " De l'exploitation des droits patrimoniaux de l'auteur" plaide en faveur de cette thèse. En outre, il est aussi précisé que l'auteur jouit de son droit "vis-à-vis du cessionnaire". L'on pourra alors considérer que le droit de repentir ou de retrait s'applique non seulement aux cessions des droits de représentation et de reproduction, mais aussi à celles des droits d'adaptation et de traduction[238].

B- L'exclusion des contrats de commande

 

171.            Partant du postulat qu'un contrat de commande n'entraîne pas cession des droits patrimoniaux, comme en dispose l'article L 111-3 du CPI, on ne saurait reconnaître à l'auteur la possibilité d'utiliser son droit de repentir pour se soustraire à ses engagement, c'est-à-dire à se dédire de sa commande. Comme on l'a vu précédemment, le droit de divulgation est nettement suffisant pour satisfaire à la demande de l'auteur. Ce dernier dispose en effet d'un droit quasi-discrétionnaire le rendant seul juge de l'opportunité de communiquer son œuvre au public. Au demeurant, comme le note M. Sirinelli[239], l'indemnisation préalable imposée par l'article L 121-4 du CPI n'aurait pas de réelle signification dans le cadre du simple contrat de commande, d'autant plus que si l'auteur argue de son droit de divulgation pour échapper à son obligation de livraison, il n'en devra pas moins indemniser son cocontractant au titre de sa responsabilité civile contractuelle. Mais, bien entendu, il en irai tout autrement si le contrat de commande comportait une cession des droits patrimoniaux.

 

172.            Enfin, en dehors même de tout contrat de commande, l'article L 121-4 du CPI ne saurait recevoir application lorsque l'auteur a seulement aliéné l'objet corporel dans lequel s'incorpore son œuvre. En effet, la solution inverse ne dérogerait pas seulement à la force obligatoire des contrats; elle reviendrait à autoriser une véritable expropriation[240], ce qui ne peut être admis en dehors d'une disposition expresse de la loi.

§2- La mise en œuvre du droit de repentir ou de retrait

 

173.            A titre liminaire, il convient de préciser que les corrections minimes apportées par l'auteur sont tolérées par l'usage lorsque l'édition n'est pas commencée. Ce sera seulement lorsque les modifications seront assez substantielles pour remettre en cause l'économie du contrat que le cessionnaire sera admis à solliciter lui-même la résiliation[241]. Lorsque l'auteur entendra se prévaloir de son droit, il n'en devra pas moins respecter certaines obligations légales (A). Toutefois, il ne lui suffira pas de respecter à lettre ces obligations; encore faut-il qu'il puisse invoquer un motif légitime (B).

A- Les obligations de l'auteur

 

174.            Qu'il s'agisse de repentir ou de retrait, l'auteur devra préalablement indemniser le cessionnaire. Le fait que l'indemnisation soit préalable revient à accorder une garantie supplémentaire au cessionnaire. Le TGI de la Seine[242] retenait que ce dernier est fondé à poursuivre l'exploitation tant qu'il n'est pas effectivement indemnisé. En pratique, force est de constater que cette disposition limite considérablement l'intérêt de cette prérogative pour l'auteur. Une décision a cependant précisé qu'une partie des frais occasionnés par l'exercice du droit de repentir pouvait être laissée à la charge du cessionnaire, lorsque la modification apportée par l'auteur était prévisible. La Cour de cassation[243] décidait en effet que le " risque de l'exercice du droit de repentir" par l'adaptateur devait être supporté à la fois par la direction du théâtre et par l'actrice dont un des rôles se trouvait supprimé. On remarquera que tel aménagement ne semble pas concevable en cas d'exercice du droit de retrait, qui, même s'il demeure prévisible, n'en est pas moins lourd de conséquences et demeure une renonciation unilatérale de la part de l'auteur.

 

175.            La deuxième obligation légale prévue par l'article L 121-4 du CPI est l'existence d'un droit de préemption institué en faveur de l'ancien cessionnaire, au cas où l'auteur reviendrait sur sa décision. Cette disposition semble fondée sur l'équité; en effet, l'exploitation première ayant nécessité un investissement financier important, il n'est pas illogique d'offrir en priorité au cessionnaire original la possibilité d'amortir les frais engagés initialement.

B- L'existence d'un contrôle judiciaire

 

176.            Rien dans la lettre de l'article L 121-4 du CPI n'accrédite l'idée qu'un contrôle judiciaire puisse avoir lieu. Néanmoins, il n'y a pas de raison de soustraire le droit de repentir de la théorie de l'abus de droit. Comme le dit Desbois[244], le droit de repentir ou de retrait ne peut être invoqué que pour arbitrer un "débat intérieur" sur l'opportunité de diffuser l'œuvre. Si quelques décisions[245] s'étaient prononcées en faveur d'un droit discrétionnaire, la Cour de cassation[246] ne l'a pas entendu ainsi dans l'affaire Chiavarino. En effet, il ne saurait être utilisé pour résilier un contrat d'exploitation dont les redevances seraient trop faibles aux dire de l'auteur. Les hauts magistrats retenaient: "qu'ayant constaté que M. Chiavarino se bornait à alléguer, pour justifier sa demande, l'insuffisance du taux de 1% appliqué par la SPE pour le calcul de ses redevances, la cour d'appel a retenu à bon droit qu'étranger à la finalité de l'article 32 de la loi du 11 mars 1957 [article L 121-4 du CPI] un tel motif, quel que puisse être par ailleurs son mérite, caractérisait un détournement des dispositions de ce texte et un exercice abusif du droit qu'il institue;". En outre, la cour d'appel de Paris[247] a, dans un arrêt,  ajouté que l'auteur devait indiquer les motifs d'ordre intellectuel ou moral qui l'amènent à exercer le droit de retrait.

 

177.            Ainsi, pour faire échec au droit de retrait, le cessionnaire pourra toujours démontrer que l'auteur est animé d'un mobile étranger à la défense de son droit moral. Les tribunaux se montreront certainement plus vigilant lorsque l'auteur ne sera pas seul en cause, comme c'est le cas pour les œuvres de collaboration[248].

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chap 2- Le droit moral: limite à la liberté de l'exploitant

 

 

 

 

178.            Envisagé sous l'angle d'une limite à la liberté de l'exploitant de l'œuvre, le droit moral assurera à l'auteur le respect de prérogatives essentielles. D'une part, son droit à la paternité ne pourra lui être dénié (I); ainsi, un auteur pourra à tout moment faire valoir sa qualité auprès du public. D'autre part, l'exploitant devra se garder de toute atteinte à l'œuvre. Le cas échéant, l'auteur lui opposera un droit au respect de l'œuvre (II).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Section I- Le droit à la paternité

 

 

179.            L'article L 121-1 du CPI dispose que l'auteur jouit du droit au respect de son nom et de sa qualité. Il s'agit bien de l'affirmation d'un droit à la paternité, l'œuvre devant être publiée sous le nom de l'auteur. Pour autant, il ne s'agit que d'un droit (§1), et celui-ci présente en effet une face négative. L'auteur est libre de ne pas révéler sa paternité et de préférer ainsi l'anonymat ou le pseudonyme, comme le prévoit l'article L 113-6 al. 1er du CPI (§2). Enfin, il est des cas où une œuvre est publiée sous une fausse identité, ce qui nous amènera à envisager le droit pour l'auteur de contrôler sa paternité (§3).

§1- Le droit de l'auteur à la mention de son nom et de sa qualité

 

180.            Avant la loi de 1957, la jurisprudence[249] admettait déjà que l'auteur pouvait exiger que l'œuvre soit diffusée sous son nom. Pour Desbois[250], le droit au respect du nom est un droit "inné" qui "se relie à l'acte de création intellectuelle". Ce droit se subdivise en droit au nom et droit à la qualité et s'appliquera tant aux œuvres de collaboration[251], aux œuvres collectives[252], ainsi qu'aux œuvres dérivées. En outre, il  vaudra quel que soit le genre de l'œuvre; ainsi, par exemple, pour une chanson[253], une photographie[254], des œuvres d'art présentées dans une exposition[255], un film documentaire[256] ou encore un générique[257]. Néanmoins, une incertitude demeure en matière d'arts appliqués. La jurisprudence se montre parfois hésitante. La cour d'appel de Paris[258] a affirmé que l'auteur d'une carrosserie automobile n'est pas fondé à exiger l'apposition de son nom sur toutes les voitures fabriquées. Pour les juges du second degré, une limite peut être apportée à ce principe, en fonction des "besoins de la publicité".

 

181.            De même, le mérite de l'auteur ou sa célébrité ne pourront faire obstruction à la règle. Dans une espèce[259], les juges du fond avaient sanctionné un éditeur qui ne faisait qu'une simple allusion au créateur (par "l'auteur de L'histoire de Paris"). Une autre espèce[260], quant à elle, sanctionnait l'omission du nom de Buren lors d'une campagne relative aux colonnes du Palais-Royal; pour le TGI de Paris, la renommée de l'artiste ne pouvait conduire à faire abstraction de la règle. De surcroît, le nom devra correspondre au rôle exact du coauteur. Ainsi, l'auteur mentionné comme "technicien", alors que le documentaire en cause n'est qu'un "raccourci" d'un film plus long réalisé par l'intéressé ira à l'encontre du droit au respect au nom[261]. L'indication du nom de l'auteur sera aussi requise pour les analyses, citations et revues de presse. Cependant, la jurisprudence[262] a précisé que lorsque l'emprunt sera trop minime pour être regardé comme une reproduction, même partielle, l'obligation cessera de produire effet.

 

182.            Lorsque l'œuvre est éditée, le nom de l'auteur doit, par application de l'article L 132-11 al. 3 du CPI, figurer sur chacun des exemplaires, mais aussi sur les documents publicitaires. A ce titre, la cour d'appel de Paris[263] reprochait à l'éditeur de n'avoir pas fait figurer sur des cartons d'invitation ainsi que sur la jaquette du livre le nom du photographe auteur des illustrations. En matière audiovisuelle, les coauteurs doivent être mentionnés dans le générique, et il est d'usage notoire que la définition des mentions à inclure appartient au producteur[264]. Pour les œuvres des arts graphiques et plastiques, l'indication du nom peut être remplacée par l'apposition d'une griffe ou d'un sigle; en tout état de cause, le nom ou le sigle doit permettre l'identification de l'auteur. Dans un arrêt, la cour d'appel de Paris[265] précisait alors "qu'il y a atteinte au droit au nom lorsque le nom et le monogramme de l'auteur sont difficilement lisibles sur l'œuvre reproduite;".

 

183.            Quant au droit à la qualité, c'est le complément du précédent, puisque l'auteur peut exiger que figurent sur les éditions de ses ouvrages ses titres, grades et distinctions. Cette obligation pourra cependant être aménagée compte tenu des nécessités techniques, ce qui ne heurte pas le bon sens. En effet, il a été jugé que l'omission par l'éditeur de l'un des titres de l'auteur n'est pas un manquement au contrat[266].

 

184.            Toutefois, ces règles n'ont pas été sans soulever quelques difficultés, notamment en matière d'œuvres architecturales ou photographiques, et, plus généralement, dans le cadre des œuvres multimédia qui peuvent intégrer un très grand nombre d'œuvres sur un seul et même support. Il est évident que les nécessités techniques feront parfois obstacle au respect de ce principe. Alors, comme dans de nombreux domaines du droit d'auteur, les juges ne pourront fixer vraiment de règle générale, car chaque espèce présentera des caractères différents. Partant, s'il va de soit que le nom de l'architecte doit être mentionné sur les plans[267], on peut hésiter sur le point de savoir si le droit à la paternité de celui-ci peut aller jusqu'à la mention de son nom sur la construction elle-même[268]. Une fois de plus, si l'on se réfère aux usages, il semble que la réponse à cette question soit affirmative; les contraintes techniques ne paraissent pas non plus être un obstacle[269]. Concernant le domaine de la photographie, les usages permettent aussi de porter le nom de l'auteur sur la couverture en caractères discrets[270]. L'article 132 du code des usages en matière d'illustration photographique fait obligation à l'éditeur d'indiquer le nom du photographe à proximité du document reproduit, ou à tout le moins "dans une table des illustrations établie page par page et sans ambiguïté", et lui interdit les "signatures groupées". Là où les contraintes techniques sont indubitablement les plus certaines est bien l'environnement numérique; des cédéroms peuvent en effet contenir des milliers d'œuvres. Il s'avère alors nécessaire de rechercher des moyens propres à faire respecter cette prérogative essentielle pour chaque auteur. Pour M. Lucas[271] par exemple, il faut que le nom de l'auteur soit associé à l'œuvre elle-même de la manière la plus étroite possible, et renvoyer systématiquement le nom de l'auteur dans un fichier accessible à la demande expresse de l'utilisateur serait insuffisant. Il semble en effet qu'une prérogative telle que le droit au nom doive s'imposer à l'utilisateur et ne pas relever d'un simple choix discrétionnaire conduit par la curiosité de celui-ci.

§2- Le droit de l'auteur de ne pas révéler sa paternité

 

185.            L'auteur peut préférer laisser son œuvre dans l'anonymat ou la publier sous un pseudonyme (A). Ce choix, qui est discrétionnaire, n'implique pas qu'il renonce à ses droits d'auteur, que ce soit le droit moral ou les droits patrimoniaux, mais il sera représenté dans leur exercice. En outre, le phénomène de la "négritude littéraire" a soulevé le problème des conventions relatives au droit à la paternité (B).

A- Les œuvres anonymes et pseudonymes

 

186.            L'article L 113-6 du CPI dispose en effet que " les auteurs des œuvres pseudonymes et anonymes jouissent sue celles-ci des droits reconnus par l'article L 111-1. Ils sont représentés dans l'exercice de ces droits par l'éditeur ou le publicateur originaire, tant qu'ils n'ont pas fait connaître leur identité civile et justifié de leur qualité.". Aussi, il convient d'ajouter que ces "mandataires" sont investi une fois pour toute de la mission, sans possibilité de substitution. Ce choix du législateur fut critiqué par Desbois[272]. En effet, il se présente relativement sans intérêt, puisque le public ne considérera certainement pas l'éditeur comme un auteur[273]. Tout au plus peut on penser que le législateur a voulu éviter qu'une "dilution" de la responsabilité entre différents mandataires ou au travers de mandataires successifs ne fragilise le respect du droit au nom, laissant porte ouverte à plus d'erreurs de la part de ces derniers.

 

187.            L'auteur doit rester pleinement maître de l'identification de l'œuvre aux yeux du public. Il peut alors préciser l'étendue de son anonymat, et toute violation sera considérée comme une atteinte au droit à la paternité. La cour d'appel de Paris[274] a précisé en effet: " Constitue une atteinte au droit à la paternité la commercialisation de photographies sans le nom de leur auteur, alors que ce dernier a autorisé la diffusion sans son nom uniquement pour l'affichage sur des vitrines de cinéma;". La décision de l'auteur n'est pas nécessairement définitive. Aussi, l'auteur peut à tout moment, et même par testament (article L 113-6 al. 2 du CPI), dévoiler son identité par tout moyen, mais son éditeur ne peut la révéler sans son consentement[275].

 

188.            Enfin, l'article L 113-6 al. 4 du CPI a prévu l'hypothèse du pseudonyme transparent. Dans ce cas, le pseudonyme est tel qu'il est aisé de connaître la véritable identité de l'auteur. Le régime spécial qui vient d'être examiné ne pourra s'appliquer, et le retour au droit commun s'imposera, comme si l'auteur avait publié l'œuvre sous son identité. Le TGI de Paris[276] retenait, concernant une œuvre signée des initiales de Guillaume Apollinaire, que les dispositions spéciales ne seront pas maintenues si "le pseudonyme adopté par l'auteur ne laisse aucun doute sur son identité civile". Au demeurant, il s'agit d'une hypothèse peu fréquente.

B- Les conventions relatives au droit à la paternité

 

189.            Pas plus que les autres attributs du droit moral, le droit à la paternité ne peut faire l'objet d'une cession, ni même d'une renonciation. Ainsi, une transaction attribuant à l'un des coauteurs la paternité de la totalité de thèmes musicaux doit être regardée comme illicite[277], tout comme la convention par laquelle un "nègre" littéraire accepte d'abdiquer sa paternité au profit d'un auteur apparent[278]. Mais, on l'a vu[279], le principe d'inaliénabilité du droit moral n'est pas intangible, et il est possible, sous certaines conditions, de renoncer à l'exercice du droit à la paternité.

 

190.            Cette reconnaissance de la renonciation au droit de paternité permet en effet de prendre en compte le phénomène de la "négritude littéraire". Néanmoins elle ne peut être admise qu'à la seule condition d'être précaire et révocable à tout moment, et cela s'illustre bien dans une affaire (Melle Soton c/ Gérard de Villiers) [280]. Dans cette espèce, la cour d'appel de Paris avait précisé que, par les termes de son assignation, Melle Soton avait révoqué la clause d'anonymat licitement stipulée dans chacun des contrats d'édition. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé à l'encontre de cet arrêt: "Mais attendu qu'ayant retenu et sanctionné la responsabilité encourue par M. de Villiers en raison de son comportement abusif, la cour d'appel a déclaré à bon droit valable une clause d'anonymat qui, stipulée par Melle Soton dans l'exercice de son droit moral d'auteur, ne pouvait constituer une renonciation définitive à aucune de ses prérogatives". Cette solution se justifie, tant il n'est pas aisé d'établir une limite entre l'auteur qui fait valoir son droit à l'anonymat, et celui qui s'engage à ne pas révéler sa paternité. Au demeurant, il reste à concilier la libre révocabilité d'un engagement qu'on refuse de regarder comme illicite avec l'interdiction des conditions purement potestatives de l'article 1174 du code civil. La révocation devrait donc ouvrir droit à des dommages et intérêts au profit du cocontractant. L'auteur ne pourrait donc revendiquer sa paternité qu'en payant, tout comme le prévoit la loi pour le droit de repentir ou de retrait. Dans un arrêt, d'ailleurs, la cour d'appel de Paris[281] évoquait le repentir du "nègre". Ainsi, un équilibre est recherché entre la force obligatoire des contrats et la force du droit moral.

§3- Le cas des usurpations: le droit de contrôler la paternité

 

191.            Usurper, qui vient du latin usurpare, signifie s'emparer par violence. Dès lors, il se présente deux cas d'usurpation, et l'on pourra parler communément de "faux artistiques". D'une part, il se peut que l'œuvre d'un tiers soit faussement attribuée à un auteur (usurpation de nom), et d'autre part, il est envisageable qu'un tiers s'attribue faussement l'œuvre d'un auteur (usurpation d'œuvre). La question qui se pose alors est de savoir si le droit moral de l'auteur peut être invoqué pour sanctionner de tels agissements. Quant à l'usurpation de nom, une doctrine dominante[282] retient que le droit moral n'ayant vocation à protéger la personne de l'auteur qu'au travers d'une de ses œuvres, il ne peut être envisagé de mettre en cause le droit à la paternité dans le cas où l'auteur se voit attribuer abusivement une œuvre qui n'est pas la sienne. Telle solution nous semble parfaitement justifiée, mais, toutefois, elle n'ira pas sans poser quelques difficultés.

 

192.            De prime abord, si l'on envisage simplement une œuvre d'un tiers n'ayant aucun rapport avec une œuvre de l'auteur dont le nom est usurpé, force est de constater que la personnalité de ce dernier à travers l'œuvre portant son nom n'est pas en cause, puisque par définition il ne l'a pas marquée de l'empreinte de sa personnalité. Jusqu'ici la solution retenue est conforme aux principes du droit moral.

 

193.            En revanche, celle solution se justifie-t-elle s'il s'agit d'une copie? Certes, on en conviendra, la copie, d'un point de vue matériel, n'émane pas de l'auteur de l'œuvre originale; il n'en reste pas moins que "l'âme" de la copie est l'émanation de la personnalité de l'auteur de l'œuvre originale. Alors, dans ce cas, le doute est permis d'envisager une protection sur le fondement du droit moral à la paternité[283]. Quoiqu'il en soit, la jurisprudence la plus récente ne semble pas vouloir s'embarrasser de ces distinctions et tend à admettre que toute contestation de paternité trouve sa source dans le droit moral. A propos de l'apposition du nom de Rodin sur un buste élaboré à partir d'un plâtre qui n'était pas de lui, la cour d'appel de Paris[284] a retenu que: "L'attribution à Rodin par l'usurpation de son nom d'une œuvre qui n'est pas de lui constitue une atteinte au respect du nom du sculpteur et à l'identité artistique de celui-ci;". De même, en matière de copies d'œuvres d'art, les juges retiennent que le droit à la paternité implique que soit évité tout risque de confusion entre l'œuvre originale et sa reproduction. Dans une espèce, le TGI de Paris[285] précisait que le droit de copier l'œuvre n'emporte pas celui de copier la signature de son auteur et que "l'apposition de cette signature sur une copie qui, même si elle présente une certaine qualité, ne peut prétendre égaler l'inspiration originale et le génie de l'auteur", et "constitue donc nécessairement une atteinte à l'identité artistique de celui-ci.". D'autres décisions[286] semblent tempérer cette affirmation, en retenant notamment que rien n'empêche la reproduction de la signature de l'artiste, qui fait incontestablement partie de l'œuvre elle-même, dès lors que l'œuvre est dans le domaine public et que les dimensions de la copie sont sensiblement différentes, évitant ainsi tout risque de confusion. Ces décisions retiennent l'attention sur trois points. Premièrement, si l'œuvre n'est pas dans le domaine public, il n'est pas possible de reproduire la signature de l'artiste sans violer son droit moral. A priori, la seule justification possible consisterait à faire prévaloir l'intérêt du public, mais cela n'est pas très convainquant; l'intérêt du public justifie-t-il une telle discrimination entre le vivant et le décès de l'auteur? D'autant plus qu'à n'importe quel moment il semble aller de son intérêt que de connaître l'identité exacte du créateur. Deuxièmement, il ne pourrait y avoir de sanctions que lorsque la reproduction de l'œuvre tombée dans le domaine public avec la signature de l'artiste prêterait à confusion. Là encore, cette solution ne peut se justifier qu'en considérant, par une fiction, que l'œuvre copiée étant tellement proche de l'originale, les héritiers de l'auteur pourraient exercer le droit à la "non-paternité", seul droit qui puisse leur être transmis à l'exclusion de tout autre droit de la personnalité, pour rétablir la vérité aux yeux du public. Mais, doit-on lire que du vivant de l'artiste, celui-ci ne pourrait arguer de son droit moral en cas de confusion? Enfin, cette solution ne vaut que pour autant que l'on considère que la signature reproduite fait partie de l'œuvre, ce qui à notre sens est inexact; la signature de la main de l'artiste se bornant à attester de l'authenticité de l'œuvre, et, a fortiori, à révéler sa paternité. Le critère essentiel est, selon nous, celui qui a trait au domaine public. En effet, en matière de copies, le droit moral de l'auteur ne peut être en cause puisque cette dernière n'émane pas de lui. Une action fondée sur la responsabilité civile en violation d'un droit de la personnalité, telle la violation de sa réputation, serait parfaitement adaptée. En ce cas, il serait logique d'offrir aux héritiers la possibilité d'agir sur le fondement du droit moral car seul celui-ci survit à la mort de l'auteur. Mais qu'en est-il lorsque l'auteur est décédé et que l'œuvre n'est pas dans le domaine public? Les héritiers ne pourraient agir, semble-t-il, ni sur le fondement du droit moral, ni sur celui de la violation d'un droit de la personnalité. Là encore, le raisonnement ne tient pas.

 

194.            Si les décisions précédemment étudiées s'inscrivaient dans le cadre d'actions en contrefaçon, il n'existe cependant pas, dans le domaine de l'usurpation de nom, de vide juridique[287]. La loi du 9 février 1895 punit en effet de deux ans d'emprisonnement et de 75000 euros d'amende, sans préjudice des dommages et intérêts, "ceux qui auront apposé ou fait apparaître frauduleusement un nom usurpé sur une œuvre de peinture, de sculpture, de dessin, de gravure et de musique", et "ceux qui, sur les mêmes œuvres auront frauduleusement et dans le but de tromper l'acheteur sur la personnalité de l'auteur, imité sa signature ou un signe adopté par lui". De plus, l'article 4 de cette même loi précise qu'elle est applicable aux œuvres tombées dans le domaine public. Partant, cette incrimination semble respecter la fonction du droit à la paternité. Celui-ci est hors de cause, la copie n'émanant pas de l'auteur, et ce n'est que lorsqu'il y a fraude, c'est-à-dire dissimulation du caractère non-authentique de l'œuvre, qu'il y aura sanction. Ainsi, peu importe qu'il y est un risque de confusion ou que l'œuvre soit dans le domaine public; l'acte qui doit être sanctionné est la volonté de dissimuler une non-authenticité, et ce, au préjudice non seulement de l'auteur de l'œuvre originale, mais aussi des tiers acquéreurs. L'incrimination est distincte de celle de contrefaçon. Alors que la première peut sanctionner une atteinte au droit moral de paternité, qui ne protège l'auteur qu'à travers son oeuvre, la deuxième préviendrait toute atteinte à l'authenticité d'une œuvre. S'il s'avérait impossible d'agir au pénal pour cause de prescription, la solution la plus conforme, à notre sens, serait de faire intervenir le droit commun de la responsabilité civile sur le fondement d'une atteinte à la réputation de l'auteur[288], puisque, comme nous l'avons vu, le droit moral n'a pas vocation à défendre la réputation de ce dernier. La Cour de cassation[289] s'est prononcée en ce sens dans une affaire récente. Les juges du second degré avaient relevé que l'inauthenticité de la signature du peintre Utrillo avait été déclarée lors de la vente et que le tableau litigieux  n'était ni une copie, ni une imitation de l'œuvre du peintre. Les hauts magistrats approuvèrent l'arrêt de la cour d'appel en ajoutant: " que les juges du second degré ont pu en déduire que la mise en vente de cette œuvre, dans de telles conditions, ne constituait pas une atteinte au droit moral de Maurice Utrillo, mais une atteinte à un droit de la personnalité, et qu'elle ne caractérisait pas davantage l'infraction visée aux articles 1er et 2 de la loi des 9-12 février 1895 qui incrimine l'apposition d'un nom usurpé sur une œuvre de peinture, l'élément de fraude faisant défaut en l'espèce;".

 

195.            Quant à l'usurpation d'une œuvre, il ne peut qu'en aller autrement. Le véritable auteur ne peut exercer son droit à la paternité, un tiers ayant apposé sa signature à sa place. Sur ce point, la jurisprudence est constante. On citera à ce propos un arrêt de la cour d'appel de Paris[290] qui retenait que "le droit à la paternité comporte, aussi, pour le créateur le droit de s'opposer aux usurpations, c'est-à-dire le droit d'éviter l'apposition sur sa propre création du nom d'un tiers qui n'est pas intervenu de façon originale dans la réalisation de l'œuvre".

 

Section II- Le droit au respect de l'œuvre

 

 

196.            Il conviendra dans un premier temps d'envisager la portée de ce principe (sous-section I) qui supporte toutefois quelques aménagements (sous-section II). Les articles L 132-11 et L 132-22 du CPI, situés dans la partie relative à l'exploitation de l'œuvre, ne font qu'insister sur le respect de ce droit par les éditeurs et les entrepreneurs de spectacles. Il n'est reste pas moins que quiconque disposant de l'œuvre sera investi de ce devoir, ce qui n'ira pas sans poser quelques problèmes, notamment lorsque ce droit viendra se heurter au droit de propriété sur l'objet corporel (sous-section III).

 

Sous-section I- La portée du principe

 

197.            Le droit au respect de son œuvre a non seulement vocation de protéger la personnalité de l'auteur telle quelle s'est exprimée dans sa création, mais aussi de communiquer au public l'œuvre exactement comme l'auteur a souhaité qu'elle le soit. La jurisprudence[291] antérieure à la loi de 1957 reconnaissait déjà que l'œuvre ne pouvait être "ni altérée ni déformée dans sa forme ou dans son esprit". Le respect dû à l'œuvre s'appréciera alors tant de manière objective, on parlera de respect de l'intégrité de l'œuvre (§1), que de manière subjective, ce qui nous amènera à envisager le respect de l'esprit de l'œuvre (§2).

§1- Un droit au respect de l'intégrité de l'œuvre

 

198.            Quant au respect de l'intégrité de l'œuvre, ce principe signifie simplement que ni le cessionnaire des droits patrimoniaux, ni le propriétaire du support matériel dans lequel s'incorpore éventuellement l'œuvre, non plus que les tiers, ne peuvent procéder à quelconque mutilation de l'œuvre, que ce soit par adjonction, modification ou suppression. Comme pour le droit de divulgation, ce sera un choix discrétionnaire de l'auteur qui justifiera la protection[292]. Lors d'un litige relatif à la pièce "En attendant Godot"de Samuel Beckett, le TGI de Paris[293] caractérisait le droit au respect de la sorte: " Le respect est dû à l'œuvre telle que l'auteur a voulu qu'elle soit. Il n'appartient ni aux tiers, ni au juge de porter un jugement de valeur sur la volonté de l'auteur le titulaire du droit moral étant seul maître de son œuvre.". En ce domaine, la jurisprudence est foisonnante et l'on ne peut que constater que chaque genre d'œuvre implique des atteintes spécifiques au droit au respect.

 

199.            Par mutilation, il faut entendre par exemple, le fait de faire disparaître le décor entourant un personnage[294], le fait pour l'éditeur de publier un livre en supprimant certains passages[295], ou encore de supprimer la partie inférieure du dessin comportant le nom de la personne représentée et la signature de l'auteur[296]. Le démantèlement d'une œuvre forme aussi une atteinte incontestée au droit moral de l'auteur. Dans une espèce, la cour d'appel de Paris[297] avait sanctionné l'acquéreur d'un réfrigérateur sur lequel le peintre Bernard Buffet avait peint une nature morte sur plusieurs panneaux; l'acquéreur avait en effet découpé ces derniers en vue de les revendre séparément. Une adjonction violant le droit au respect de l'intégrité de l'œuvre peut aussi consister en l'addition d'une musique à un film muet[298], ou de la couleur à un dessin publié en noir et blanc[299]. Certaines retouches sont également sanctionnées, comme le fait de rhabiller la photo d'un mannequin nu avec des billets de banque, de recadrer une photographie[300].

 

200.            Enfin, toute modification dans la présentation peut se révéler dénaturante et sanctionnable, telle la superposition d'un logo lors de la diffusion d'une œuvre à la télévision[301]. Une affaire s'avère particulièrement intéressante à rapporter. Le RPR avait, au cours d'une campagne publicitaire, juxtaposé deux extraits d'une chanson de Jacques Brel en un extrait unique présenté comme exact: " t'as voulu voir Paris et on a vu Vesoul". Les juges du second degré ont retenu qu'un tel procédé dénaturait l'œuvre et risquait d'entraîner une confusion[302]. Si la première justification n'appelle aucune remarque, la deuxième, en revanche est fort discutable. Il ne semble pas en effet que les juges ou le public puissent prendre parti sur la gravité ou les conséquences de la modification. Telle était aussi la position de la Cour de cassation[303] dans l'affaire Salvador Dali. Tout en érigeant en principe que "l'auteur a le pouvoir de s'opposer à toute correction ou modification susceptible d'altérer le caractère de son œuvre", la Cour affirmait que le droit moral n'était pas en cause " si les adjonctions n'ont pas pour conséquence de donner une idée inexacte de l'œuvre". On rappellera cependant qu'en l'espèce, la création de Dali présentait un caractère accessoire par rapport à l'œuvre lyrique.

§2- Un droit au respect de l'esprit de l'œuvre

 

201.            Dans une deuxième acception, le droit au respect s'attache à l'esprit de l'œuvre. Aussi, bien souvent, les tribunaux relèvent tout à la fois une atteinte à l'intégrité et une atteinte à l'esprit de l'œuvre; celle-ci doit être communiquée au public sans que son esprit soit dénaturé. L'œuvre ne subit pas, à proprement parler, de modifications physiques, mais sa présentation dans un environnement particulier peut la déprécier, la dénigrer ou en affecter le sens. En effet, la Cour de cassation[304] part du postulat selon lequel " la violation du droit moral de l'auteur au respect de son œuvre implique une altération de celle-ci". Partant, l'on peut considérer que l'auteur peut faire sanctionner des pratiques qui ne se traduisent objectivement par aucune modification, le terme "altération" pouvant très bien être pris dans une acception large[305]. On citera alors à nouveau l'affaire Beckett[306], où les juges ont admis que le metteur en scène avait méconnu le droit au respect de l'œuvre de l'artiste, alors qu'il avait confié à des femmes les rôles principaux, malgré la volonté de l'auteur, clairement exprimée de son vivant, de réserver les rôles à une distribution masculine. L'utilisation d'une musique d'inspiration religieuse dans une publicité[307], ou l'ajout d'une musique d'accompagnement dans un film muet[308] ont été sanctionnés sur le fondement du droit au respect de l'esprit de l'œuvre. Le héros de bandes dessinées Tintin a, lui aussi, fait l'objet d'une décision. La cour d'appel de Paris[309] a en effet retenu que: " il n'en reste pas moins que le héros de la bande dessinée, habituellement plein d'invention et de ressource pour faire face à l'adversité, est sorti de son univers et englué dans un univers mesquin où il devient totalement impuissant à réagir efficacement, modifiant ainsi son image dans l'esprit du public;". Aussi, l'incorporation d'une composition musicale dans un film publicitaire associé à une messagerie et une émission érotique a été jugée illicite[310].

 

 

 

 

Sous-section II- Les Aménagements du principe

 

202.            Le droit au respect de l'œuvre n'est pas absolu. Il comporte en effet certaines limites qui trouvent leur source aussi bien dans la loi (§3), que dans la nature de l'œuvre (§1), ou encore dans les engagements contractuels de l'auteur (§2).

§1- Limites en fonction de la nature de l'œuvre

 

203.            Certaines limites peuvent s'opposer à la souveraineté du droit moral; l'explication se trouve dans la nature de l'œuvre. Si le cas des logiciels a été prévu par la loi (A), les autres aménagements résultent de constructions jurisprudentielles et concernent tant les œuvres architecturales (B) que les œuvres scientifiques et techniques (C). Enfin, l'on pourra discuter sur la cas des œuvres multimédia (D).

A- Les logiciels

 

204.            La loi du 10 mai 1994, transposant la directive communautaire du 14 mai 1991, a considérablement amoindri le droit au respect de l'auteur d'un logiciel. Comme en dispose l'article L 121-7 du CPI, " Sauf stipulation contraire plus favorable à l'auteur d'un logiciel, celui-ci ne peut […] 1° S'opposer à la modification du logiciel par le cessionnaire des droits […] lorsqu'elle n'est préjudiciable ni à son honneur, ni à sa réputation". La référence à l'honneur et à la réputation s'éloigne de la conception du droit français[311], et l'on ne peut que regretter cette conception plus restrictive. L'auteur devra apporter la preuve d'une atteinte à son honneur ou à sa réputation, et non pas à l'œuvre. On conviendra alors, avec M. Lucas[312], que cette prérogative est devenue symbolique.

B- Les œuvres architecturales

 

205.            Ces œuvres représentent l'exemple topique de la nécessité d'un "compromis" entre les droits de l'auteur architecte, et ceux du propriétaire utilisateur; elles ont en effet une finalité utilitaire. En outre, le caractère impératif des règles d'urbanisme ou de sécurité ne pourront que rentrer en conflit avec le droit moral de l'auteur. Comme l'a rappelé la Cour de cassation[313], " dès lors que l'œuvre a été édifiée au mépris des règles d'ordre public édictées tant par la législation sur la protection des sites que par le code de l'urbanisme, le droit moral de l'auteur ne saurait faire échec à l'exécution des mesures prévues par la loi en vue de mettre fin aux conséquences des infractions pénales constatées;". Dans le silence de la loi, la jurisprudence récente tend à retenir des solutions de compromis. Un arrêt illustre particulièrement bien cette position; la haute  Cour[314] précise en effet que la vocation utilitaire du bâtiment commandé à un architecte interdit à celui-ci de prétendre imposer une intangibilité absolue de son œuvre, à laquelle son propriétaire est en droit d'apporter des modifications lorsque se révèle la nécessité de l'adapter à des besoins nouveaux. Aussi, le propriétaire sera susceptible d'abuser de son droit de propriété, par exemple s'il est guidé par une intention de nuire. On pourra en outre reprocher à l'architecte de ne pas essayer de parvenir à une solution de conciliation avec son client. La Cour de cassation[315] invite donc à la recherche d'un intérêt légitime de la part du propriétaire qui procède à la modification de l'œuvre: " qu'il appartient néanmoins à l'autorité judiciaire d'apprécier si ces altérations de l'œuvre architecturale sont légitimées, eu égard à leur nature et à leur importance, par les circonstances qui ont contraint le propriétaire à y procéder;".

C- Les œuvres scientifiques et techniques

 

206.            L'originalité d'une œuvre, qui ouvre droit à la protection par le droit d'auteur, s'entend de l'empreinte de la personnalité du créateur et se manifeste à des degrés divers selon la nature de l'œuvre. Dès lors, on peut envisager que le droit au respect sera moins impérieux lorsque l'originalité de l'œuvre sera faible, voire douteuse. Par exemple, les juges se montreront sans doute plus indulgents à l'encontre de coupures effectuées dans une notice technique que dans un poème. La cour d'appel de Paris[316] retenait en effet que " dans le domaine des arts appliqués à l'industrie, l'œuvre artistique a un caractère accessoire par rapport à l'objet exploité, car le succès d'un dessin ou d'un modèle dépend de l'effort financier de l'industriel qui a pris le risque de son exploitation;". On rapportera aussi un jugement du TGI d'Annecy[317] qui affirmait que "l'usage des œuvres d'art appliqué dans un domaine éminemment commercial ne présente pas la même intangibilité que les œuvres d'art pur". Au demeurant, il est vrai que les œuvres à caractère scientifique ou technique ont particulièrement vocation à être mises à jour, même s'il doit en résulter une atteinte à l'intégrité.

 

207.            La question se pose surtout pour les œuvres dont les auteurs ne peuvent invoquer qu'un droit moral symbolique parce qu'elles ne révèlent en réalité aucune originalité. Mais c'est surtout, semble-t-il, le principe même de l'inclusion de telles œuvres dans le champ du droit d'auteur qui appelle discussion. M. Giocanti[318] relevait en effet que l'extension du champ d'application du droit d'auteur met le droit au respect dans une "situation ambiguë".

D- Le cas des produits multimédia

 

208.            On peut se poser la question de savoir si la numérisation d'une œuvre est susceptible de porter atteinte au droit au respect de l'œuvre[319]. A notre sens, la réponse ne peut être qu'affirmative; à titre d'exemple, un tableau numérisé n'est plus qu'une succession de millions de points (impression papier ou affichage à l'écran), impropres à reproduire exactement les nuances de couleurs voulues par le peintre. Mieux encore, avant d'être reproduite par des points, la numérisation de l'œuvre consiste à traduire son contenu en une succession de chiffres 0 et 1, dont la combinaison indiquera les informations nécessaires à sa reproduction (luminosité, contraste, couleur, etc.) ; il s'agit donc d'un changement de support. On conçoit alors aisément qu'un artiste prônant "l'analogique", tel un peintre ou un sculpteur, est tout à fait fondé à se prévaloir d'une atteinte à l'intégrité de son œuvre en cas de numérisation. Il en serait tout autrement pour le graphiste travaillant à l'aide d'ordinateurs, recherchant à exploiter la technologie numérique qui a aussi une "personnalité artistique", et ce, dans un but de création.

 

209.            Aussi, l'interactivité caractérisant les œuvres multimédia autorisera des manipulations de la part de l'utilisateur, et l'œuvre ne sera plus figée, telle que l'auteur l'avait conçue. Partant, une approche plus souple du droit au respect est vraisemblablement nécessaire[320] pour les œuvres multimédia.

§2- Limites tenant aux engagements contractuels de l'auteur

 

210.            Si l'auteur qui a cédé tout ou partie de ses droits patrimoniaux conserve son droit moral et garde la possibilité d'engager la responsabilité de son cessionnaire en cas de violation du droit au respect, il n'en doit pas moins, conformément à l'article 1134 al. 3 du code civil, exécuter de bonne foi la convention; ainsi, il ne sera pas fondé à se plaindre des modifications minimes apportées par l'éditeur. Pour la cour d'appel de Lyon[321], la reproduction d'un texte avec quelques fautes d'orthographe n'est pas une violation du droit au respect car cette modification a le caractère de "détail". Plus généralement, l'auteur devra faire preuve de coopération dans la recherche de solutions de compromis. Le caractère relatif du droit au respect de l'œuvre apparaît surtout lorsque la cession concerne le droit d'adaptation (A). Enfin, il semblerait que la jurisprudence se montre beaucoup moins ferme pour invalider les conventions relatives à sa renonciation (B).

A- Limites apportées par la cession des droits d'adaptation

 

211.            De prime abord, l'on peut remarquer qu'en autorisant une adaptation ou une traduction, l'auteur de l'œuvre originaire admet implicitement que sa création puisse subir des atteintes. Dans une vieille affaire, le TGI de Paris[322] avait d'ailleurs précisé que "par le contrat d'adaptation, l'auteur du roman ou le cédant acceptent, implicitement ou explicitement, les aménagements nécessités par la transposition de l'œuvre originale dans un genre nouveau; entre celui-ci et la création littéraire, aucune hiérarchie ne saurait être admise". Il s'agira alors pour les tribunaux de veiller à ce que la juste mesure des atteintes tolérables portées à l'œuvre originaire ne soit pas dépassée.

 

212.            Le droit moral de l'auteur de l'œuvre originaire sera souvent mis en cause dans le cas des adaptations, et plus particulièrement des adaptations cinématographiques d'œuvres littéraires[323]. On conçoit en effet que passer d'un genre littéraire à un genre audiovisuel ne puisse s'opérer "à la lettre". Un arrêt important de la Cour de cassation[324] s'est prononcé sur cette question. Il s'agissait de l'adaptation cinématographique des Dialogues des carmélites de Bernanos, où la Cour retenait alors "qu'une certaine liberté peut être reconnue à l'adaptateur cinématographique, dont le rôle consiste à trouver, sans en dénaturer le caractère, une expression nouvelle de la substance d'une œuvre, mettant celle-ci à la portée d'un public nouveau, par le truchement de formes et de moyens différents, que l'expression cinématographique ne saurait se noyer dans un texte, aussi dense et aussi prestigieux fut-il, alors que le film doit toucher un public de grande diversité, que le dialogue doit demeurer en harmonie avec le mouvement et les images qui sont l'essence de l'art cinématographique;". Il convient donc de retenir de cet arrêt de principe que l'adaptateur jouit d'une liberté, mais que cette liberté n'est pas totale car il doit veiller à ne pas dénaturer le caractère de l'œuvre. Le cas échéant, l'adaptation dénaturante sera combattue au même titre que toute altération sur le fondement du droit au respect de l'œuvre.

B- La question des conventions abdicatives

 

213.            Avant l'entrée en vigueur de la loi de 1957, la jurisprudence frappait déjà de nullité les clauses par lesquelles un auteur renonçait au droit au respect de son œuvre. Ainsi, l'artiste Mistinguett avait consenti aux cessionnaires des droits d'adaptation de ses mémoires, le droit de "modifier, changer, ajouter, biffer, remplacer ou altérer l'ouvrage de la façon qu'ils estimeraient nécessaire". A cela, le TGI de la Seine[325] avait répondu: "Attendu que toute personne à qui la qualité d'auteur est reconnue a le droit d'exiger le respect de son œuvre et ne peut consentir par avance à toute déformation ou mutilation qu'il plaira à son cocontractant d'y apporter;". Mais, la jurisprudence ne s'est pas toujours montrée d'une grande fermeté[326], et il en est encore de même aujourd'hui. Dans un arrêt, par exemple, la cour d'appel de Paris[327] retenait qu'un auteur pouvait valablement laisser toute liberté d'action au cessionnaire du droit d'adaptation cinématographique: " en se prévalant du caractère inaliénable du droit moral qu'il a sur son œuvre, l'auteur ne saurait s'attribuer le pouvoir de revenir sur des accords compatibles avec ce droit du moment où ils furent librement discutés et conclus; en décider autrement rendrait impossible l'élaboration de toute œuvre dérivée;". De même, la Cour de cassation[328] affirmait que le respect dû à l'œuvre en interdit toute altération ou modification, quelle qu'en soit l'importance, "sous réserve des limites que peut apporter au droit moral de l'auteur la nature des conventions conclues par lui au sujet de ses œuvres, limites auxquelles le moyen se réfère de façon inopérante en l'espèce en l'absence de tout accord intervenu à ce sujet […];". La doctrine est aussi divisée, et certains auteurs admettent sous certaines conditions la validité des renonciations anticipées[329], ou à tout le moins, la possibilité pour le juge de refuser d'en prononcer la nullité à titre de sanction du comportement fautif de l'auteur qui revient sur de tels engagements[330]. L'on voit alors bien, à la différence du droit de divulgation ou du droit de repentir qui peuvent être de véritables obstacles à toute exploitation, que le droit au respect de l'œuvre présente un caractère moins impérieux.

 

214.            Par ailleurs, la doctrine[331] s'accorde sur le fait que l'auteur peut valider des atteintes à l'intégrité ou à l'esprit de l'œuvre dès lors qu'il agit en pleine connaissance de cause. La question qui se pose alors est de savoir si la ratification doit être expresse. Pour M. Sirinelli[332], toute renonciation a posteriori au droit moral " devra résulter d'un écrit non équivoque". La solution peut prendre appui sur l'article L 132-11 al.2 du CPI qui interdit à l'éditeur de modifier le manuscrit "sans l'autorisation écrite de l'auteur", et nous paraît tout à fait adaptée, même si, comme le relève M. Lucas, l'accord pourrait résulter des circonstances. Selon nous, la force du droit moral doit entraîner l'exigence d'un écrit; d'une part pour respecter le principe d'inaliénabilité, ou du moins ne pas valider plus que l'auteur n'a voulu, et d'autre part, dans un souci de sécurité juridique.

§3- Les dérogations légales au monopole

 

215.            Bien qu'elles soient intégrées dans les dispositions relatives aux droits patrimoniaux, certaines dérogations au monopole de l'auteur n'en intéressent pas moins le droit moral. L'article L 122-5 du CPI prévoit en effet l'exception de courte citation, qui est par définition une atteinte au respect de l'œuvre. On rapportera à ce propos l'affaire Microfor, où la Cour de cassation[333] affirmait que l'auteur ne pouvait se borner à faire valoir la mauvaise qualité de l'œuvre citante pour établir l'atteinte à son droit moral.

 

216.            De même, un auteur ne pourra s'opposer à une analyse, une critique, ou à une parodie de son œuvre. Les exigences de la liberté d'expression conduisent à rechercher un point d'équilibre moins favorable aux intérêts de l'auteur. Une affaire mettant en scène les  "colonnes de Buren" en porte témoignage. Un article sur cette œuvre, sise dans la cour d'honneur du Palais-Royal, paru dans le journal Le Figaro sous le titre "Comment s'en débarrasser". L'artiste attaqua le journal en justice, mais la Cour de cassation[334] n'accueilli point sa demande: " la cour d'appel a pu déduire du contexte polémique ayant entouré la mise en place de cette œuvre, qu'en l'absence d'autre dénigrement que celui qu'autorise l'exercice du libre droit de critique, la publication litigieuse n'avait pas le caractère fautif invoqué;".

 

Sous-section II- Le droit au respect et le droit de propriété sur l'objet corporel

 

217.            Lorsque l'œuvre s'incorpore dans un support, faute de pouvoir dissocier l'œuvre et le matériau, toute initiative malheureuse du propriétaire peut bafouer le droit au respect de l'œuvre. La loi du 11 mars 1957 est demeurée silencieuse à ce sujet et il faudra alors se référer à la jurisprudence. En effet, comme l'a souligné M. Desbois[335], "une lacune est demeurée béante, car si le statut des droits patrimoniaux d'auteur a été dessiné d'une main ferme, au contraire celui des originaux, manuscrits ou œuvres d'art, a été laissé dans la pénombre; l'interprète est condamné au jeu aléatoire des conjectures, fondées sur l'analogie".  Alors, le seul texte sur lequel nous pourrions raisonner par analogie est l'article L 111-3 du CPI. On peut semble-t-il envisager que cette disposition, qui permet à l'auteur d'obtenir judiciairement accès à l'œuvre pour exercer son droit de divulgation, doit lui permettre aussi de s'opposer à la destruction ou à une mutilation. Cependant, il convient d'observer que cette possibilité n'est prévue qu'à titre exceptionnel, c'est-à-dire en cas d'abus notoire. Le principe demeure selon lequel le propriétaire peut disposer de l'œuvre comme il l'entend; l'auteur ne pourra donc s'opposer à une destruction ou dégradation, seulement lorsqu'il aura l'intention d'exercer son droit de divulgation, et à la condition que le propriétaire n'ait pas de justes motifs de lui refuser le libre exercice de ce droit. Ainsi, l'on ne peut que retenir que le CPI n'a pas interdit la destruction des œuvres d'art par leurs propriétaires.

 

218.            Mais, si on ne saurait par principe refuser au propriétaire de l'objet matériel le droit d'user ou d'abuser de la chose, en la détruisant par exemple, la solution à ce problème devra de toute évidence être recherchée sur la voie du compromis. A ce sujet, l'examen de la jurisprudence se révèle particulièrement intéressant. Ainsi, dans l'affaire des fresques de Juvisy, la cour d'appel de Paris[336] avait fait prévaloir le droit de propriété en affirmant que le propriétaire d'une œuvre d'art n'était pas tenu de la conserver dès lors qu'il tenait de l'article 544 du code civil le droit de disposer de la chose et de la détruire; la cour cependant, ajoutait que l'acte du propriétaire (un abbé en l'espèce) n'avait pas été commis par intention malveillante ou dessein de nuire, ce qui laisse place à la possibilité d'un abus.

 

219.            Un critère, partagé par une doctrine dominante[337], et permettant de concilier les intérêts en présence fût dégagé par les juridictions; il s'agit de l'affectation de l'œuvre à un lieu destiné au public. Déjà, dans l'affaire de la fontaine du Roussillon[338], le commissaire du gouvernement près le Conseil d'Etat faisait observer que la collectivité publique qui achète une œuvre d'art doit, "bien plus qu'un particulier, veiller à ce qu'aucune atteinte ne soit portée aux droits d'auteur, la collectivité étant la gardienne de l'œuvre dans l'intérêt général". Aussi, la cour d'appel de Paris[339] notait dans l'affaire Scrive que la sculpture en cause " était immédiatement et essentiellement destinée, non à la jouissance exclusive et égoïste de son acquéreur, mais à la décoration du hall d'un centre commercial, c'est-à-dire d'un lieu qui, bien que lieu privé, était et devait rester largement ouvert au public, clients ou simples chalands;". Pour les juges du second degré, seul un événement imprévisible et irrésistible peut exonérer le propriétaire. On pourra cependant apporter une nuance à ce critère, puisque la décision ajoutait que l'œuvre devait être maintenue dans le cadre choisi par l'artiste pendant un temps raisonnable afin de témoigner, en face du public, de la création de l'auteur. La volonté exprimée à l'origine par les contractants semblait alors primer sur le critère de l'affectation. Ce critère envisagé de manière absolue n'emportera pas notre conviction; en effet, faire intervenir uniquement l'intérêt d'un tiers (le public) pour savoir lequel du droit du propriétaire ou du droit de l'auteur doit l'emporter reviendrait à s'éloigner de manière fort contestable de l'objet du droit au respect[340]. N'oublions pas que le droit moral protège l'auteur à travers son œuvre, et non pas le public. Il conviendra aussi de prendre en compte la nature, l'état, l'emplacement de l'œuvre, mais aussi la volonté exprimée à l'origine par l'auteur, ou la gravité de l'atteinte envisagée. La Cour de cassation[341] retenait par exemple que le propriétaire d'une mosaïque en pâte de verre destinée à recouvrir le fond du bassin d'une fontaine monumentale pouvait procéder, malgré l'opposition de l'artiste, à une réfection rendue nécessaire par des désordres provoqués par des erreurs de conception et d'exécution. Pour les hauts magistrats, l'artiste "était tenu de se préoccuper des contraintes techniques qu'imposait à son œuvre la structure de l'ensemble dont elle était une composante et dont il avait la possibilité d'obtenir une connaissance précise;". De même, selon le Conseil d'Etat[342], le facteur de l'orgue de chœur de Strasbourg devait tolérer les modifications rendues strictement indispensables par des impératifs esthétiques, techniques ou de sécurité publique.

 

220.            La question s'est aussi posée de savoir si l'auteur peut contraindre à l'achèvement de son œuvre, et, a fortiori, empêcher la démolition de l'édification commencée. L'artiste Jean Dubuffet avait, à la demande de la régie Renault, exécuté la maquette d'une œuvre monumentale destinée à être édifiée au siège social de la régie à Boulogne. La réalisation, à partir de la maquette, fut commencée, puis arrêtée, et enfin partiellement détruite. La cour d'appel de Paris[343] ne fit pas droit à la demande de l'artiste au motif que l'œuvre commandée consistait en la maquette et que le contrat n'avait pas prévu l'obligation de construire, donc a fortiori permettait la destruction. La Cour de cassation[344] cassa l'arrêt au motif que: " l'auteur d'une maquette originale d'après laquelle une construction monumentale est réalisée est titulaire d'un droit moral sur cette dernière dans la mesure où celle-ci tient son originalité de la maquette et réalise la conception de l'auteur de celle-ci. La cour d'appel n'a donc pas donné de base légale à sa décision en déniant à Dubuffet tout droit moral sur la construction inachevée au seul motif qu'il ne justifiait pas d'un apport original au-delà de la maquette;". La solution se présente comme tout à fait conforme à l'article L 111-2 du CPI qui protège l'œuvre inachevée contre tout ce qui pourrait lui porter atteinte.

 

221.            Lorsque l'œuvre a vocation à demeurer dans une sphère privée, Desbois[345] propose d'obliger le propriétaire à informer l'auteur de ses intentions, et de reconnaître à ce dernier une faculté de rachat. Cette solution nous paraît des plus justes, et une intervention du législateur serait la bienvenue pour ôter définitivement toute zone d'ombre à l'article L 111-3 du CPI.

 

 

 

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Bibliographie

 

 

 

 

 

Traités et manuels

 

 

-         Colombet C., Propriété littéraire et artistique et droits voisins, Précis, Dalloz, 9ème éd. 1999.

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-         Gautier P.-Y., Propriété littéraire et artistique, Droit fondamental, PUF, 4ème éd. 2001.

-         Linant de Bellefonds X., Droits d'auteur et droits voisins, Cours, Dalloz, 2002.

-         Lucas A. et Lucas H.-J., Traité de la propriété littéraire et artistique, Litec, 2ème éd. 2001.

-         Lucas A., Droit d'auteur et numérique, Litec 1998.

-         Françon A., Cours de propriété littéraire, artistique et industrielle, Les cours de droit, Litec, 1999.

-         Sirinelli P., Mémento Dalloz de propriété littéraire et artistique, 2ème éd. 2001.

 

Etudes, chroniques et doctrine

 

 

-         Caron Ch., "Droit moral et multimédia", Légicom, n°8, p.44, spéc., 1995.

-         Caron Ch., " Les nègres et le droit d'auteur", La vie judiciaire du 24 au 30 janvier 1994, p.7.

-         Durrande S., " Les héritiers du droit au respect", D. 1989, chr. p.189.

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-         Edelman B., "Le droit moral dans les œuvres artistiques", D. 1982, chr., p. 263.

-         B. Edelman, "l'œuvre multimédia, un essai de qualification", D. 1995. Chr. 109.

-         Françon A., La protection du droit moral de l'auteur relatif à une œuvre tombée dans le domaine public, Etudes de droit commercial à la mémoire de Henry Cabrillac, Litec 1968, p.167.

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-         Gaudel D.," Droit d'auteur et faux artistiques", RIDA janvier 1992, p. 103.

-         Gautier P.-Y., " L'œuvre écrite par autrui", RIDA 1989, n°139, p.63.

-         Gautier P.-Y., "Le mandat en droit d'auteur", in mélanges Françon, Dalloz, 1995, p. 223-234.

-         Hovasse-Banget S., " La titularité des droits de publication posthume relatifs aux œuvres posthumes", JCP E 1994, I, 223.

-         Koumantos, "Faut-il avoir peur du droit moral ?", RIDA 1999, n°180, p.87.

-         Lindon R., "L'idée artistique fournie à un tiers en vue de sa réalisation", JCP 1970, I, 2295.

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-         Parisot B., " L'inaliénabilité du droit moral de l'auteur d'une œuvre littéraire ou artistique", D. 1972, chr. p.71.

-         Pollaud-Dulian F., " Abus de droit et droit moral", D. 1993, chr. p. 97.

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-         Pollaud-Dulian F., "Architecture et droit d'auteur", RD imm. 1990, p. 441.

-         Sarraute R., "De l'adaptation cinématographique des œuvres littéraires", Gaz. Pal. 1962. 1. Doctr. p. 21.

-         Sirinelli P., Le droit moral de l'auteur et le droit commun des contrats, thèse Paris-II 1985.

-          Tafforeau P., " De la possession d'un droit d'auteur par la personne morale", CCE 2001, chr. n°10.

 

Revues spécialisées

 

 

-         Revue internationale du droit d'auteur (RIDA), depuis 1953.

-         Communication, Commerce électronique.

-         Revue du droit de la propriété intellectuelle.

-         Légipresse.

-         Les annales de la propriété industrielle et artistique, publiées depuis 1855.

 

Chroniques périodiques

 

 

-         RTD com., chron. prop. litt. Tenue par Desbois, puis par André Françon.

-         Dalloz, sommaires annuels par C. Colombet, puis par P. Sirinelli.

-         Dalloz, sommaires de Droit de l'audiovisuel de Théo Hassler.

-         Semaine juridique, éd. Entreprise, chronique dirigée par H.-J. Lucas.

-         RTD europ., par Georges Bonet.

 

Sites Internet

 

 

-         http://www.legifrance.gouv.fr

-         http://www.courdecassation.fr

-         http://www.lawek.com/stan/dtauteur/dtauteurchap.htm

-         http://www.la-rida.com

-         http://www.legalis.net (jurisprudence relative à l'Internet)

-         http://www.lexinter.net

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Table des matières

 

 

 

 

 

 

 

Sommaire. 1

Introduction. 2

Section I- Définition du droit moral 5

Section II- Nature juridique du droit moral 5

§1- Un droit extra-patrimonial 5

§2- Rapprochement entre droit moral et droits de la personnalité  6

§3- Le droit moral, droit de la personnalité spécifique  6

Section III- Les caractères du droit moral 7

§1- Un droit attaché à la personne  7

A- Conséquences quant à l'exercice du droit moral 7

B- Intérêts quant à la protection de l'auteur 8

1- La protection de la personnalité intellectuelle. 8

2- L'absence d'influence sur la perte de notoriété. 9

§2- La perpétuité. 9

§3- L'inaliénabilité. 9

A- Un principe tenant au caractère d'ordre public du droit moral 10

B- Un principe nuancé 10

§4- L'imprescriptibilité. 11

A- Le rejet des prescriptions acquisitive et extinctive 11

B- La question de la prescription de l'action. 11

§5- L'insaisissabilité. 12

Titre I- La titularité du droit moral 13

Chapitre 1- La titularité du vivant de l'auteur 15

Section I- L'auteur 16

§1- Principes généraux régissant la qualité d'auteur  16

A- La notion d'auteur 16

B- L'auteur, personne physique 17

C- La présomption de la qualité d'auteur 18

1- La présomption de la qualité d'auteur personne physique. 18

2- L'application de cette présomption aux personnes morales. 19

§2- Le droit moral de l'auteur marié  22

§3- Le droit moral de l'auteur salarié  22

§4- Le droit moral de l'auteur fonctionnaire  23

Section II- La pluralité d'auteurs. 23

§1- L'œuvre de collaboration. 23

A- Règles générales 23

1- Définition. 24

a- L'exigence d'un travail créatif conduit par plusieurs auteurs. 24

b- Une communauté d'inspiration. 25

2- Régime juridique et droit moral des coauteurs. 27

B- Les œuvres audiovisuelles et radiophoniques 29

1- Les œuvres audiovisuelles. 29

a- Qualification d'œuvres de collaboration. 29

b- Les coauteurs. 30

c- Le droit moral des coauteurs. 32

1- La contribution inachevée. 32

2- De la période d'élaboration à l'achèvement de l'œuvre audiovisuelle. 33

3- L'exploitation de l'œuvre audiovisuelle. 34

2- Les œuvres radiophoniques. 36

§2- L'œuvre collective. 36

A- Définition. 36

1- Le pouvoir d'initiative et de direction de l'entrepreneur 36

2- La fusion des contributions dans un ensemble. 37

B- Le domaine de l'œuvre collective 39

C- Les bénéficiaires du droit moral 40

1- Le droit moral de la personne morale. 40

2- Le droit moral des contributeurs. 40

§3- L'œuvre composite ou dérivée  41

A- Eléments de définition. 41

1- L'incorporation d'une œuvre préexistante. 41

2- L'absence de collaboration de l'auteur de l'œuvre originaire. 42

B- Les prérogatives du titulaire du droit moral 43

 

Chapitre 2- La titularité post mortem.. 44

Section I- Les caractéristiques du droit moral post mortem.. 45

Section II- La dévolution du droit moral 46

§1- La dévolution du droit de divulgation  46

A- L'ordre de dévolution. 47

B- L'hypothèse de la seconde génération. 47

§2- La dévolution du droit au respect et du droit à la paternité  48

Section III- L'abus du droit moral post mortem par les héritiers. 48

§1- Champ d'application de l'article L 121-3 du CPI  49

§2- Appréciation de l'abus. 49

A- La présence de volontés exprimées par l'auteur de son vivant: la sauvegarde des intérêts de l'auteur 50

B- L'absence ou l'équivocité des volontés exprimées par l'auteur: prise en compte de l'intérêt du public?. 50

§3- Saisine du tribunal et sanctions  51

 

Titre II- L'exercice du droit moral 53

Chapitre 1- Le droit moral: obstacle à toute exploitation. 55

Section I- Le droit de divulgation. 56

Sous-section I- L'exercice discrétionnaire du droit de divulgation par l'auteur 56

§1- Le droit de divulguer ou de ne pas divulguer l'œuvre  56

§2- La question de l'épuisement du droit de divulgation  59

Sous-section II- Le droit de divulgation et le droit des tiers. 61

§1- Incidence du droit de divulgation sur les contrats de commande  61

§2- Droit de divulgation et droit de propriété: une conciliation difficile  62

Section II- Le droit de repentir ou de retrait 62

§1- Le domaine d'application du droit de repentir ou de retrait 63

A- Une cession préalable des droits d'exploitation. 63

B- L'exclusion des contrats de commande 64

§2- La mise en œuvre du droit de repentir ou de retrait 64

A- Les obligations de l'auteur 65

B- L'existence d'un contrôle judiciaire 65

 

Chap 2- Le droit moral: limite à la liberté de l'exploitant 67

Section I- Le droit à la paternité. 68

§1- Le droit de l'auteur à la mention de son nom et de sa qualité  68

§2- Le droit de l'auteur de ne pas révéler sa paternité  70

A- Les œuvres anonymes et pseudonymes 70

B- Les conventions relatives au droit à la paternité 71

§3- Le cas des usurpations: le droit de contrôler la paternité  72

Section II- Le droit au respect de l'œuvre. 74

Sous-section I- La portée du principe. 74

§1- Un droit au respect de l'intégrité de l'œuvre  75

§2- Un droit au respect de l'esprit de l'œuvre  76

Sous-section II- Les Aménagements du principe. 77

§1- Limites en fonction de la nature de l'œuvre  77

A- Les logiciels 77

B- Les œuvres architecturales 77

C- Les œuvres scientifiques et techniques 78

D- Le cas des produits multimédia. 78

§2- Limites tenant aux engagements contractuels de l'auteur  79

A- Limites apportées par la cession des droits d'adaptation. 79

B- La question des conventions abdicatives 80

§3- Les dérogations légales au monopole  81

Sous-section II- Le droit au respect et le droit de propriété sur l'objet corporel 81

 

Bibliographie. 84

Table des matières. 87

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] Publié pour la première fois en 1814-1816.

[2] Desbois H., Le droit d'auteur en France, Dalloz, 3ème éd., 1978, §173, p. 206.

[3] Françon A., Le droit d'auteur au-delà des frontières: une comparaison des conceptions civilistes et de common law: RIDA juillet 1991, n°149, p. 19 et s.

[4] Le droit au respect de l'œuvre sur une notice technique d'utilisation d'un aspirateur par exemple.

[5] Cass. Civ. 1ère 28 mai 1991: RIDA juillet 1991, n°149, p. 197; JCP 91, II, 21731, note Françon.

[6] J.-Cl. Propriété littéraire et artistique, fasc. 301-1, n°2.

[7] Il semble bien que la distinction entre l'aspect intellectuel et l'aspect moral relève de la redondance. V. en ce sens A. Huguet, L'ordre public et les contrats d'exploitation du droit d'auteur, LGDJ, 1962, n. 51. V. cpdt Desbois, qui distingue les soucis, scrupules, regrets "d'ordre purement intellectuel" ( idées ou tendances esthétiques) et les considérations de "caractère strictement moral" (conscience, convictions politiques ou religieuses).

[8] P-Y. Gautier, Propriété littéraire et artistique 4ème éd., p. 195

[9] V. infra n°151 et s., spéc. n°155.

[10] P-Y. Gautier op. cit.  p. 196.

[11] Cass. 1ère civ., 28 mai 1991, RIDA 3/1991, p. 97; JCP G 1991, II, 21731, note Françon; JCP E 1991, II, 220, note Ginsburg et Sirinelli.

[12] P-Y. Gautier.

[13] Cass. Civ. I, 10 mars 1993, D. 1994. 78, n. André Françon ; RTD. Com. 1994. 48, obs. Françon ; JCP 1993.II.22161, n. Jacques Raynard. V. aussi : TGI Paris, 11 fév. 1993, RIDA 1993, n°156, p. 235.

[14] Au demeurant, la loi de 1957 n'utilisait à aucun moment l'expression "droit moral" , se référant seulement à des "attributs" soumis à une réglementation distincte.

[15] V. en ce sens, évoquant le caractère "personnalissime" du droit moral, G. Cornu, Les régimes matrimoniaux, Thémis, 8ème éd., 1997, p.320.

[16] A. et H.-J. Lucas op. cité. n°382; V. aussi X. Linant De Bellefonds "Droits d'auteur et droit voisins" Dalloz 2002, p.245.

[17] P-Y Gautier, Le mandat en droit d'auteur : Mélanges Françon, Dalloz, 1995, p. 223-234.

[18] Cf. infra n°48 et s.

[19] Claude Colombet, "Propriété littéraire et artistique et droits voisins" 9ème éd. Précis Dalloz.

[20] CA Aix, 23 février 1965: D. 1966.166, note Savatier.

[21] CA Paris, 15 novembre 1966, D.1967.284.

[22] Cass. 1ère civ., 7 avril 1987, Etat gabonais c/ Antenne 2: Bull. civ. I, n. 124; RIDA 4/1987, p. 197; D. 1988, 97, 2ème esp., note Edelman; RTD com. 1988, p. 225, obs. Françon.

[23] Civ. I, 3 décembre 1968, D.1969.73, note Lindon; V. aussi Civ. I, 10 mai 1995, D. 1996.114, n. Edelman.

[24] Cf. par exemple, Trib. civ. Seine, 10 juillet 1946, D.1947.98, note Desbois, JCP 1947.3405, note Plaisant.

[25] CA Paris, 4ème ch., 23 novembre 1977, Ann. Prop. Ind. 1979, p. 68.

[26] CA Paris, 1ère ch., 14 juin 1950: D. 1951, p.9, note Desbois; Gaz. Pal. 1950, 2, p. 78 (affirmant la nécessité de protéger l'œuvre "contre l'indifférence momentanée de l'auteur lui-même"). V. aussi Cass. 1ère civ., 7 février 1973: D. 1973, p. 363, note Edelman; Gaz. Pal. 1973, 1, p. 404, note Sarraute.

[27] Desbois, op. cit., §382.

[28] Cour de Paris, 14 novembre 1859, affaire Maquet et Dumas, Ann. 1859. 390.

[29] CA Paris, 9 juin 1964, affaire Daudet, JCP 1965 II 14172, n. Françon.

[30] Cf. infra n°190.

[31] Cf. infra n°213.

[32] G. Cornu, Droit civil: introduction, 8ème éd. n° 1679.

[33] Cf. infra n°48 et s.

[34] P-Y. Gautier op. cit. §434.

[35] Cass. Civ. 1ère , 17 janvier 1995: JCP G 1995 IV 689; Civ. I, 6 mai 1997, RIDA 1997 n°174 p. 231.

[36] Art. L 132-23 et L 132-31 du CPI.

[37] Xavier Linant de Bellefonds, op. cit. n° 315.

[38] R. Lindon, L'idée artistique fournie à un tiers en vue de sa réalisation, JCP 1970. I. 2295.

[39] Cf. note ss. Cass. Civ. 1ère 13 novembre 1973: D. 1974 p.533.

[40] T. Civ. Seine 19ème ch. 29 avril 1955: JCP G 1955, II, 8966; V. aussi, TGI Paris, 3ème ch. 21 janvier 1983: D. 1984, inf. rap. p.286, obs. Colombet; Cass. Civ. 1ère  8 novembre 1983: Bull. civ. I, n°260; Cass. Crim. 26 janvier 1965: JCP G 1965, IV, p. 30, refusant tout droit d'auteur au client d'un architecte qui a précisé ses désirs et ses goûts par des esquisses sommaires établies gratuitement par un autre architecte ami.

[41] CA Poitiers, 7 décembre 1999, JCP E 2000 p. 1375 n. Brochard.

[42] Cass. Civ. 1ère 29 mars 1989, RIDA juill. 1989, p.202.

[43] TGI Paris, 6 juillet 1976: JCP 1978. II. 18840, note Manigne; RTD com. 1977. 117, obs. Desbois.

[44] CA Paris, 5 octobre 1994: D. 1996. 53, obs. Edelman.

[45] Cass. Civ. 1ère 17 mars 1982 : JCP G 1983, II, note Plaisant; D. 1983, inf. rap. p. 89, obs. Colombet. V. Aussi Cass. Civ. 1ère 19 février 1991 : Bull. Civ. I, n°67.

[46] CA Paris 10 décembre 1980: D. 1981, p.517, n. Greffe, les juges affirmant que la loi du 11 mars 1957 relative aux droits d'auteur ne contient, selon une jurisprudence constante, aucune disposition refusant expressément le bénéfice de ses prescriptions aux personnes morales.

[47] Cass. Civ. 1ère 17 décembre 1991: RIDA 2/1992, p.190 (la cour d'appel a "constaté que la société Sipa Press s'était présentée comme l'auteur de la photographie"); V. aussi Cass. Com. 24 janvier 1995: JCP G 1995, IV, 734, contestant l'affirmation qu'une société est l'auteur d'un modèle, mais uniquement au motif que l'originalité n'est pas établie.

[48] Cass. Civ. 1ère 8 décembre 1987: RIDA 2/1988, p. 139; Bull. Civ. I, n°341; V. aussi Cass. Civ. 1ère 10 mai 1995: RIDA 4/1995, p.291, approuvant la cour d'appel qui avait estimé que le sac créé par la société Chanel traduisait, par la combinaison de ses éléments caractéristiques, un effort personnel de création.

[49] Cass. Civ; 1ère 3 juillet 1990: RIDA avril 1991, p.116; RTD Com. 1991, 48, obs. Françon.

[50] TGI Paris, 29 mai 1987: Cah. Dr. Auteur, février 1988, p.32.

[51] CA Paris, 6 juin 1991: Juris-Data n° 022501.

[52] TGI Paris, 17 février 1999: Com. Comm. Elec. 2000, Comm. n°62 (  2ème  esp.), obs. Caron.

[53] Cass. Civ. 1ère 24 novembre 1993: RIDA avril 1994, p.216; D.1994, p.405, 1ère esp.  Note Edelman.

[54] Cass. Civ. 1ère 23 mars 1983, Gaz. Pal. 1983. 2. Panorama p. 226.

[55] Bourges, 1er juin 1965, D. 1966. 44, n. Delpech, retenant que la SACEM ne saurait être considérée comme ayant qualité pour conférer ou refuser de conférer la qualité d'auteur, cette qualité s'induisant d'éléments et de faits dont le juge conserve une entière liberté d'appréciation.

[56] Article L 113-5 du CPI: " L'œuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée. Cette personne est investie des droits de l'auteur".

[57] Art. L 111-1 du CPI: indifférence de l'existence d'un contrat de travail: les droits appartiennent ab initio aux auteurs.

[58] Cass. Civ. 1ère 19 février 1991: Bull. Civ. I, n°67 (2ème arrêt).

[59] Cass. Civ. 1ère 24 mars 1993: JCP 1993, II, 22085, n. Greffe; RTD com. 1995. 418, obs. Françon. V. aussi: Cass. Civ. 1ère 9 janvier 1996, D.1996 IR 50; D. Aff. 1996. 300.

[60] Cass. Civ. 3 juillet 1996, D. 1997 p. 328 n. Françon, à propos d'un logiciel;  Cass. Civ. 1ère 22 février 2000, Bull. civ. n°58 et obs. Sirinelli; Cass. Com. 7 avril 1998, D. Aff. 1998, p. 1054, obs. B.P. et Cass. Civ. 3 avril 2001, D. 2001 Somm. P. 2636, obs. Sirinelli, faisant à nouveau référence aux "actes de possession".

[61] Cass. Crim. 13 décembre 1995, D. Aff. 1996.274.

[62] F. Pollaud-Dulian, De la prescription en droit d'auteur: RTD civ. 1999, p.585-595, reconnaissant la forme d'une protection possessoire; V. aussi P. Tafforeau, de la possession d'un droit d'auteur par une personne morale, Comm. Com. Elec. 2001 Chro. n°10.

[63] Cass. Civ. 1ère 22 février 2000, Bull. civ. n°58, obs. Sirinelli.

[64] Cass. Civ. 3 avril 2001, D. 2001 Somm. P. 2636, obs. Sirinelli.

[65] Sirinelli, note ss. Arrêt préc.

[66] CA Aix-en-Provence, 21 octobre 1965, D. 1966 J 70, n. Greffe.

[67] Xavier Linant de Bellefonds op. cit. §356.

[68] Cass. Civ. 1ère 8 novembre 1983: Bull. Civ. I, n°260.

[69] TGI Paris, 3ème ch., 21 janvier 1983, Vasarely: D. 1984, p. 286, obs. Colombet, Vasarely s'était borné à déterminer le sujet: il s'agissait d'agrandir une œuvre précédente, et de la traiter en noir, blanc, et gris nuancé de 1 à 10; aussi, le tribunal n'omettait pas de préciser que ce dernier n'avait effectué aucun contrôle de l'exécution et n'avait procédé à aucune retouche de l'œuvre achevée.

[70] CA Paris 3 novembre 1988: Cah. dr. Auteur, juin 1989, p.10.

[71] CA Paris, 4ème ch., 26 mars 1992: RIDA 2/1993, p. 218; D. 1993, somm. P. 84, obs. Colombet.

[72] Cass. Civ. 1ère 18 décembre 1978: JCP G 1979, II, 19273, note Manigne; D. 1980, p.49, obs. Colombet.

[73] Cass. Civ. 1ère 13 novembre 1973: D. 1974 p.533. obs. Colombet.

[74] CA Paris 10 juin 1986: D. 1987, IR. 153, obs. Colombet.

[75] TGI Paris 24 mars 1982: JCP 1982, II, 19901, obs. Bonet; RTD com. 1983. 433, obs. Françon.

[76] Cass. Civ. 1ère 3 juillet 1990: RIDA avril 1991, p.116; RTD Com. 1991. 48, obs. Françon.

[77] Cass. Com. 23 octobre 1990: Bull. Civ. IV, n°245.

[78] Cf. infra n°115 et s.

[79] CA Paris 11 mai 1965: D. 1967. 555, n. Françon.

[80] Cass. Civ. 1ère 18 octobre 1994: RIDA 2/1995, p.305, note Latreille; Bull. Civ., I, n°298; La formule est reprise par Cass. Civ. 1ère 2 décembre 1997: JCP G 1998, IV, 1147; V. aussi TGI Paris, 3ème ch., 16 juin 1995: Gaz. Pal. 1996, 1, somm. p. 50 ("travail concerté et conduit en commun").

[81] Cass. Civ. 1ère 19 décembre 1983: Bull. Civ. I, n°304; V. aussi CA Paris 6 novembre 1991: D. 1992. IR. 63.

[82] Cass. Civ. 1ère 2 décembre 1997: D. 1998. 507, note Edelman; RIDA, avril 1998, p. 409.

[83] Cass. Civ. 1ère 5 mars 1968: D. 1968. 382; RTD Com. 1968. 488, obs. Desbois.

[84] Cass. Civ. 1ère 29 avril 1975: Gaz. Pal. 1975, 1, somm. 125.

[85] TGI Nanterre 6 mars 1991: Cah. Dr. Auteur, avril 1991, p.19.

[86] A. et H.-J. Lucas, op. cit. §179.

[87] CA Paris 27 février 1985: D. 1986. IR. 181, obs. Colombet.

[88] Desbois, op. cit. n°133.

[89] Cass. Civ. 1ère 2 avril 1996: JCP G 1996, IV, 1283; Bull. Civ. I, n°165.

[90] Cass. Civ. 1ère 5 mars 1968: D. 1968. 382; RTD Com. 1968. 488, obs. Desbois.

[91] Cass. Civ. 1ère 6 mai 1997: Bull. Civ., I, n°145; D. Aff. 1997. 738; D. 1998. 80, note Edelman.

[92] CA Paris 27 février 1918: Gaz. Pal. 1918. 1. 125.

[93] P-Y. Gautier, op. cit., n°393 et 394.

[94] Cass. Civ. 1ère 4 octobre 1988: RIDA 3/1989, p.251; D. 1989, p.482, note Gautier.

[95] Cass. Civ. 1ère 5 décembre 1995: JCP G 1996, IV, 254, la recevabilité de l'action n'est pas subordonnée à un accord unanime, une "mise en cause" des coauteurs suffit; Cass. Civ. 1ère 10 mai 1995: D. 1996, p.114, note Edelman, la mise en cause n'étant requise que pour autant que la contribution du demandeur "ne peut être séparée de celle des coauteurs"; V. aussi Cass. Crim. 13 décembre 1995: RTD Com. 1996, p.460, obs. Françon, aucune restriction ne peut être apportée au droit de chaque coauteur de se porter personnellement partie civile pour demander réparation du préjudice né de la contrefaçon.

[96] A. et H-J. Lucas op. cit. §188.

[97] CA Paris, 1ère ch., 18 avril 1956: D. 1957, p.108, note Desbois.

[98] A. et H-J. Lucas op. cit. §192.

[99] Cass. Civ. 10 novembre 1947, affaire Mascarade, D. 1947. 529, rapport Lerebourg-Pigeonnière. V. Aussi: Cass. Civ. 20 décembre 1949, D. 1951. 73, n. Desbois.

[100] Cf. infra n°101 et s.

[101] CA Paris 6 juillet 1989: JCP G 1990, II, 21410, n. Françon, mais cassé par Cass. Civ. 28 mai 1991: JCP 1991, II, 21731, n. Françon.

[102] CA Paris 16 mai 1994: JCP 1995, II, 22375, n. X. Linant de Bellefonds, réformant TGI Paris 27 octobre 1993: RIDA juillet 1994, n°161, p.398, n. Pollaud-Dulian.; V. Aussi CA Paris 17 janvier 1995: RIDA juillet 1995, n°165, p. 332, affirmant que "l'œuvre audiovisuelle est forcément une œuvre de collaboration".

[103] Cass. Civ. 1ère 26 janvier 1994, RIDA octobre 1994, n°162, p. 433.

[104] CA Versailles 18 novembre 1999: Com. Com. Elec. 2000, Comm. N°16, note Caron, sur appel de TGI Nanterre 26 novembre 1997: Gaz. Pal. 25 mars 1998, p.25.; V. Aussi CA Paris 28 avril 2000 D. 2001. Somm. 2553, obs. Sirinelli, qualifiant l'œuvre multimédia d'œuvre collective.

[105] A. Lucas, op. cit. §193; X. Linant de Bellefonds, op. cit. §429.

[106] B. Edelman, l'œuvre multimédia, un essai de qualification, D. 1995. Chr. 109.

[107] X. Linant de Bellefonds, note ss. CA Paris, 4ème ch., 16 mai 1994: JCP G 1995, II, 22375.

[108] Cass. Civ. 1ère 6 mai 1997: RIDA 4/1997, p. 231.

[109] Cass. Civ. 1ère 29 mars 1989, RIDA juillet 1989, n°141, p. 262.

[110] TGI Paris, 1ère ch., 24 mai 1989: RIDA 1/1990, p.353.

[111] CA Paris 17 juin 1988: D. 1988. IR. 306.

[112] CA Poitiers, 3ème ch., 7 décembre 1999: JCP E 2000, p. 1375, obs. Brochard, l'intervention du producteur dépassant "le simple droit de regard […] sur l'œuvre qu'il finance".

[113] Cass. Civ. 1ère 1er mars 1988: RIDA, juillet 1988, p.103; Bull. Civ. I, n°61.

[114] Cass. Civ. 1ère 29 mars 1989: RIDA, juillet 1989, p. 262.

[115] CA Paris 18 mars 1987: D. 1988. Somm. 209, obs. Colombet.

[116] Cass. Civ. 1ère 5 février 2002: n°99-15.549, cassant CA Paris 17 mars 1999: Comm. Com. Elec. 1999, Com. n°23, obs. Caron.

[117] V. dans le même domaine, TGI Paris 30 septembre 1997: RIDA, juillet 1998, p. 273, note Piredda, refusant la protection du droit d'auteur aux recettes de cuisine.

[118] TGI Paris 21 décembre 1972: RIDA avril 1973, n°76, p. 191.

[119] CA Paris 14 mars 1962: Ann. 1962. 277.

[120] TGI Paris, 3ème ch., 6 janvier 1988: Cah. Dr. Auteur, oct. 1988, p. 23.

[121] Cass. Civ. 1ère 13 avril 1959, La Bergère et le Ramoneur, D. 1959. 325, n. Lyon-Caen et Lavigne.

[122] CA Paris 12 novembre 1986: D. 1987, Somm. 369, obs. Hassler.

[123] CA Paris, 1ère ch., 2 décembre 1963, Léo ferré: D. 1964, p. 229, note G. L-.C.

[124] Desbois, §669; P.-Y. Gautier, n°143, p. 216; O. Laligant, la divulgation des œuvres artistiques, littéraires et musicales, LGDJ 1983, p.404; P. Sirinelli, Le droit moral de l'auteur et le droit commun des contrats, Thèse, Paris II, 1985, p. 133.

[125] Intervention Richard, Débats Ass. Nat., J.O., 21 mai 1985, p.822, qui a souligné le danger de la multiplicité des droits de veto.

[126] Cass. Civ. 1ère 7 février 1973: D: 1973. 363, n. Edelman, noter que le terme "copie standard" visant que le cinéma a été remplacé par "version définitive" par la loi de 1985, plus approprié car concerne l'ensemble des œuvres audiovisuelles.

[127] V. en ce sens, TGI Paris, 1ère ch., 24 mai 1989, RIDA, janvier 1990, p. 293; confirmé par CA Paris 26 novembre 1990: Images juridiques, 15 janvier 1991, p. 2.

[128] RTD com. 1989. 236, obs. Françon; V. Aussi M. Fabiani, "L'introduction de spots publicitaires durant la projection télévisée d'œuvres cinématographiques par rapport à la protection du droit moral de l'auteur", A.L.A.I., Journées Sorrente, 1er –2 juin 1987, p. 101.

[129] CA Paris, 4ème ch., 6 juillet 1989: Les petites affiches, n°110, 13 septembre 1989, p.9, note C. Gavalda; cassé par Cass. Civ. 1ère 28 mai 1991: RIDA, juillet 1991, p. 197.

[130] TGI Paris 29 juin 1988: RTD Com. 1989. 70, obs. Françon; confirmé par CA Paris 25 octobre 1989: D.1990. Somm. 54, obs. Colombet.

[131] V. par exemple, Cass. Civ. 1ère 29 juin 1982: D. 1983. 33, n. Edelman.

[132] Intervention Lederman, Débats, Sénat, J.O., 4 avril 1985, p.103.

[133] CA Paris 11 juillet 1991: RDPI décembre 1991, n°38, p.78.

[134] P.-Y. Gautier op. cit. n°383, "cette notion d'action commune, menée sous la houlette, verticale, d'un chef d'entreprise différencie l'œuvre collective de sa cousine, l'œuvre de collaboration, fruit de la concertation horizontale de "communistes".

[135] CA Paris, 12 décembre 1989: Cah. Dr. Auteur, mars 1990, p.15.

[136] CA Paris 25 septembre 1987: D. 1988, Somm. 205, obs. Colombet.

[137] CA Paris 21 novembre 1994: RIDA avril 1995, n°164, p. 381.

[138] Desbois, op. cit. § 173.

[139] A. et H.-J. Lucas, op. cit. §203.

[140] Cass. Civ. 1ère 24 mars 1993: JCP G 1993, II, 22085, 1ère esp., note. Françon.

[141] Cass. Civ. 1ère 19 février 1991: Bull. Civ. I, n°67; CA Douai, 1ère ch., 10 septembre 1990: Juris-Data n°050190

[142] Cass. Civ. 1ère 17 mai 1978, D. 1978. 661, n. Desbois; V aussi, Cass. Civ. 1ère 6 novembre 1979: D. 1980, p. 168; Cass. Com. 7 avril 1987: RIDA 3/1987, p. 192; Cass. Civ. 1ère 14 juin 1989: Juris-Data n° 002551.

[143] Cass. Civ. 1ère 18 octobre 1994: RIDA 2/1995, p.305, note Latreille; JCP G 1994, IV, 2565.

[144] Cass. Civ. 1ère 21 octobre 1980: Bull. Civ. I, n°265.

[145] Cass. Civ. 1ère 2 décembre 1997: Juris-Data n°005064, rejetant pourvoi sur CA Paris, 4ème ch., 7 juin 1995: RIDA 2/1996, p.282; V. dans le même sens, CA Paris, 15ème ch., 6 mars 1981: D. 1982, p. 46, obs. Colombet (les contributions des participants se sont fondues dans l'ensemble "de sorte qu'il n'est pas possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct"); CA Paris, 4ème ch., 18 janvier 1992: Juris-Data n° 022166 ("leur participation se fondant dans un ensemble, il est impossible d'attribuer à chacun un droit distinct"); Cass. Civ. 1ère 1er juillet 1970, affaire des "Glénants": D. 1970. 770, n. Edelman.

[146] Cf. supra n°48 et s.

[147] A. et H.-J. Lucas op. cit. §206.

[148] X. Linant de Bellefonds, note sous CA Paris 16 mai 1994, JCP 1995, II, 22375.

[149] CA Paris 2 juin 1981: Gaz. Pal. 1982. 1. 22, n. Plaisant; CA Paris 27 janvier 1994: Gaz. Pal 1994, p.21.

[150] TGI Paris 20 décembre 1962: Gaz. Pal. 1963. 2. 144.

[151] CA Colmar 7 janvier 1994: JCP G 1995, IV, 381.

[152] Cass. Civ. 1ère 17 mars 1982: Bull. Civ. I, n°116.

[153] CA Paris 2 février 1995: Gaz. Pal. 1995, p.26.

[154] CA Paris 9 juin 1993: RDPI 1995, n°57, p.57.

[155] TGI Toulouse 20 octobre 1988, Cah. Dr. Auteur 1988, n°10, p. 34.

[156] CA Paris 28 avril 2000: Com. Comm. Elect. Septembre 2000, Comm. N°86.

[157] Cass. Civ. 1ère 24 mai 1976: Bull. Civ. I, n°193.

[158] Cass. Civ. 1ère 8 décembre 1993: RIDA 1994, n°161, p. 303; V. aussi dans le même sens, TGI Paris 10 octobre 1991, Légipresse 1992, n°92, I, p.64.

[159] Cass. Civ. 1ère 15 avril 1986: Bull. Civ. I, n°89.

[160] Cass. Civ. 1ère 8 octobre 1980: D. 1981, Somm. p. 85, obs. Colombet; Cass. Civ. 1ère 16 décembre 1986: RIDA 3/ 1987, p. 183, précisant que le droit moral du contributeur est limité "par la nature collective de l'œuvre".

[161] CA Paris 6 novembre 1986, D. 1988, Somm. 205, obs. Colombet.

[162] CA Versailles 18 novembre 1999: Comm. Com. Elec. Février 2000, Comm. n°16, note Caron, à propos d'une œuvre multimédia, un CD-Rom étant ici qualifié d'œuvre collective.

[163] Desbois op. cit. n° 126 et s.; P.-Y. Gautier, n°319.

[164] CA Paris 1ère ch., 10 mars 1970: D. 1971, p. 114, note P.L.; V. Aussi CA Versailles, Ch. Réunies, 18 mars 1992: RIDA 3/1992, p.180, mentionnant "l'œuvre composite dérivée dont Bernanos est l'auteur".

[165] Cass. Civ. 1ère 24 octobre 1995: D. aff. 1995. 121; JCP 1995, IV, 2648

[166] Cass. Civ. 1ère 26 janvier 1994: Bull. Civ. I, n°35.

[167] Cass. Civ. 1ère 9 février 1994, Les gens de Mogador: D. 1994, p.405, 2ème esp., note Edelman.

[168] V. en ce sens, TGI Paris 13 septembre 1999: Comm. Com. Elec. 2000, n°74.

[169] CA Paris 8 juin 1971: D. 1972. 383, note Edelman; RTD Com. 1973. 268, obs. Desbois.

[170] Cass. Civ. 1ère 14 novembre 1973: RIDA 2/1974, p.66; Gaz. Pal. 1974, 1, p. 94; V. Cpdt B. Edelman, note préc., critiquant la solution en admettant l'idée d'une collaboration post mortem.

[171] Cass. Civ. 1ère 2 mars 1999: Juris-Data n° 000956.

[172] Cass. Civ. 1ère 17 novembre 1981: Bull. Civ. I, n°339.

[173] Cass. Civ. 1ère 10 mars 1993: JCP G 1993, IV, 1233, à propos du guide "Paris pas cher".

[174] Cass. Civ. 1ère 22 juin 1959: D. 1960, p.129, note Desbois.

[175] Desbois, op. cit. §466, p.569.

[176] C. Colombet, op. cit. § 263.

[177] Cass. Civ. 1ère 26 janvier 1994: D. 1995, Somm. p. 55, obs. Colombet; V. Cpdt contra, CA Paris 17 décembre 1986: JCP G 1987, II, 20899, n. Edelman.

[178] Desbois, op. cit. §467; C. Colombet op. cit. §263; A. Françon, Cour de propriété littéraire, artistique et industrielle, Les cours de droit, Litec 1999.

[179] Cass. Civ. 1ère 11 janvier 1989: D. 1989. 308, n. Edelman, JCP 1989, II, 21378, n. Lucas.

[180] CA Paris 21 juin 1994: RIDA janvier 1995, n° 163, p. 219.

[181] CA Paris 23 mars 1992: RIDA janvier 1993, n°155, p.181, pour le musée Rodin.

[182] CA Paris 14 mars 1956: D. 1957. 130, n. Savetier, pour la fondation Goncourt.

[183] Desbois, op. cit. §469.

[184] TGI Reims 9 janvier 1969: D. 1969. 569, n. Desbois.

[185] TGI Paris 4 juillet 1984: D. 1985, IR. 315, obs. Colombet; RTD Com. 1985. 307, obs. Françon.

[186] Souligné par nous.

[187] Cass. Civ. 1ère 17 décembre 1996: RIDA 2/1997, p.265; JCP G 1997, II, 28888, n. Beignier.

[188] TGI Seine 1ère ch. 15 avril 1964, Les Misérables: D. 1964, p. 746, note Desbois; CA Paris 1ère ch. 14 juin 1972: RIDA octobre 1972, n°74, p. 135.

[189] A. et H.-J. Lucas, op. cit. §475.

[190] Cass. Civ. 1ère 28 février 1989: Bull. Civ. I, n° 101; D. 1990, somm. p. 51, obs. Colombet.

[191] C. Colombet, obs. ss. TGI Paris 1ère ch., 1er décembre 1982: D. 1983, IR, p. 94.

[192] TGI Paris 20 novembre 1991: RIDA 1992, n°151, p. 340, n. Kerever.

[193] Cass. Civ. 1ère 24 octobre 2000: D. 2001 p. 918, n. Caron.

[194] TGI Reims 9 janvier 1969: D. 1969. 568, n. Desbois.

[195] CA Paris 24 novembre 1992: RIDA janvier 1993, n°155, p. 191.

[196] T. civ. Seine 20 novembre 1956: RIDA juillet 1957, n°16, p. 136; TGI Paris (réf.) 10 mars 1999 Duras: Com. Com. Elec. Oct. 1999 comm. n°3, n. Caron; V. cpt., décision infirmée par TGI Paris 13 septembre 1999: Com. Com. Elec. Mars 2000 comm. n°29 n. Caron: rien ne prouve que Marguerite Duras aurait été favorable à cette publication. De ce fait, l'exécuteur testamentaire qui refuse la publication de l'œuvre posthume ne commet pas d'abus car ne se trouve pas en inadéquation avec la volonté de l'auteur.

[197] CA Versailles 1ère ch., 3 mars 1987: D. 1987, p. 382, note Edelman;  Cpdt cassé par Cass. Civ. 1ère 28 février 1989, préc. note 190; sur renvoi, CA Rennes 16 novembre 1990: RTD com. 1991. 594, obs. Françon.

[198] CA Paris 2 mai 1990: JCP 1990 I 3478, n°37, annexe 7, obs. Edelman.

[199] TGI Paris 1er décembre 1982: D. 1983 IR 94, obs. Colombet; RTD Com. 1984. 94, obs. Françon.

[200] S. Durrande, Les "héritiers" du droit au respect: D. 1989, chron. P. 191.

[201] Cass. Civ. 1ère 6 décembre 1966, Les liaisons dangereuses: JCP 67, II, 14937, concl. Lindon; CA Paris, 1ère ch., 14 juin 1972, Paul Féval: RIDA oct. 1972, n. 74, p. 135.

[202] TGI Seine, 1ère ch., 15 avril 1964, préc. note 188. Cette Caisse est devenue le Centre national des lettres depuis le décret n. 73-539 du 14 juin 1973.

[203] TGI Reims 1ère ch., 9 janvier 1969, préc., note 194.

[204] Sur les différentes mesures pouvant être prononcées par le juge, S. Jacquier, Le pouvoir du juge sur les contrats d'auteur, Paris II, 2001.

[205] C. Colombet op. cit. § 135.

[206] Desbois op. cit. §388.

[207] A. et H.-J. Lucas, op. cit. § 384.

[208] TGI Paris 2 mai 1990: D. 1992, Somm. 14, obs. Colombet.

[209] Cass. Crim. 13 décembre 1995: RIDA 3/1996, p. 307; RTD. Com 1996, p. 462, obs. Françon., l'artiste avait abandonné dans sa cave, avant de quitter son appartement, des toiles ôtées de leur châssis et roulées; la nouvelle occupante des lieux en avait cédé à des antiquaires; ils furent condamné pour contrefaçon par diffusion, pour violation du droit de divulgation; CA Paris 6 mars 1931: DP 1931, 2, p.88, n. Nast, pour un abandon sur la voie publique.

[210] Cass. Civ. 1ère 25 février 1997: Bull. Civ. I, n°73; JCP 1997, II, 22873, n. Ravanas.

[211] Cf. infra n°166 et s.

[212] M. Sirinelli constate que l'abus ne sera caractérisé qu'à la condition d'établir l'absence de "débat intérieur", P. Sirinelli "Le droit moral de l'auteur et le droit commun des contrats", Thèse, Paris II, 1985, p. 569.

[213] V. en ce sens: Desbois, op. cit. §387; C. Colombet, op. cit. §136; P.-Y. Gautier, op. cit. § 127; V. Cpdt. contra, A. et H.-J. Lucas, op. cit., §387.

[214] Cass. Civ. 9 novembre 1993: D. 1994. 155, n. Françon.

[215] A. Françon, L'auteur d'une œuvre de l'esprit épuise-t-il son droit de divulgation par le premier usage qu'il en fait?: GRUR Int. 1973, vol. 6/7, p.264; contra O. Laligant, La divulgation des œuvres artistiques, littéraires et musicales en droit positif français, LGDJ, 1983, p. 47 et. s.

[216] CA Paris, 1ère ch., 19 décembre 1997: RIDA 2/1998, p.433, note Carron; RTD Civ. 1998, p. 149, obs. Françon.

[217] Cf. supra n°134 et s.

[218] Cass. Civ. 1ère 9 novembre 1993: D. 1994. 155, n. Françon.

[219] CA Paris 2 avril 1991: RIDA oct. 1991. 154, n. P.-Y. Gautier,  infirmant TGI Paris 20 décembre 1989: D. 1990. 190, n. Françon.

[220] Dir. CE n° 93/98 du 29 octobre 1993, (" Toute personne qui, après l'extinction de la protection du droit d'auteur, publie…".

[221] Desbois, op. cit. §389; O. Laligant, La divulgation des œuvres artistiques, littéraires et musicales en droit positif français, préc. note 215, p.417.

[222] P. Sirinelli, in Lamy Droit des médias et de la communication: Lamy 2000, n°124 et s.; A. Françon, L'auteur d'une œuvre de l'esprit épuise-t-il son droit de divulgation par le premier usage qu'il en fait? op. cit., p. 264 et s., avançant l'idée d'une divulgation "par étapes".

[223] CA Paris 13 février 1981: RIDA avril 1982, n° 112, p. 126.

[224] TGI Paris 22 janvier 1972: RIDA 1972, n°73, p. 223.

[225] Cass. Civ. 1ère 13 décembre 1989: D. 1991, Somm. p. 98, obs. Colombet.

[226] V. dans ce sens, A. et H.-J. Lucas, op. cit. § 386; P.-Y. Gautier, op. cit. § 120; Ch. Caron, Abus de droit et droit d'auteur: Litec 1998, §100.

[227] V. Cass. Civ. 1ère 13 décembre 1989, préc. note 201.

[228] Cass. Civ. 1ère 4 juin 1971: JCP 1971, II, 16913, note Ph. Le Tourneau et J.-F. Durand; CA Lyon 12 juin 1989: D. 1989, IR, p.234; TGI paris 10 mai 1996: RIDA 1996, n°170, p. 315, n. A. Kéréver; T. Com. Lyon 28 avril 1997: RIDA 1997, n°173, p. 373.

[229] CA Paris 14 février 2001: Com. Comm. Elec., mars 2001, Comm. N°25, n. Caron.

[230] Cf. supra n°73.

[231] Cf. supra n°155.

[232] Pour la doctrine qui soutient avec Desbois que les droits patrimoniaux ne naissent qu'après la divulgation, c'est même la seule hypothèse dans laquelle un tel conflit puisse survenir.

[233] Cass. Civ. 14 mars 1900, Eden c/ Whistler: DP 1900. 497, n. M.P., concl. Desjardins.

[234] Trib. Civ. Seine, 10 juillet 1946: D. 1947. 98, n. Desbois.

[235] CA Orléans 17 mars 1965: JCP 1965, II, 14186, n. Boursigot.

[236] P. Sirinelli, Le droit moral de l'auteur et le droit commun des contrats, préc., note 212, p. 38.

[237] Telle est la position d'une doctrine majoritaire: X. Linant de Bellefonds, op. cit. §799; H.-J. Lucas, op. cit., §390, P. Sirinelli, op. cit. p606; G. Gavin, Le droit moral de l'auteur dans la jurisprudence et la législation française, Dalloz 1960, p. 279 et s.; V. cpdt Desbois, militant pour une distinction fondée sur la chronologie, op. cit. §393.

[238] C. Colombet, op. cit. § 164.

[239] P. Sirinelli, Le droit moral de l'auteur et le droit commun des contrats, préc. note 212, p. 665.

[240] C. Colombet, op. cit. § 173, le droit de retrait n'est pas le corollaire du droit de divulgation, ce qui interdit le raisonnement analogique.

[241] P. Sirinelli, op. cit., p. 653.

[242] TGI Seine, 3ème ch., 27 octobre 1969: RIDA 1/1970, p. 235.

[243] Cass. Soc. 8 mai 1980: RIDA 1/1981, n° 107, p. 148; RTD Com. 1980, p. 549, obs. Françon.

[244] Desbois, op. cit. § 396.

[245] TGI Seine, 3ème ch., 2 juillet 1969: RIDA 1/ 1970, p. 218; TGI Paris, 1ère ch., 20 avril 1983: Gaz. Pal. 1984, I, Somm. p. 123.

[246] Cass. Civ. 1ère 14 mai 1991: D. 1992, Somm. 15, obs. Colombet.

[247] CA Paris, 4ème ch., 13 janvier 1993: Juris-Data n° 020603.

[248] CA Bordeaux, 1ère ch., 24 mai 1984: D. 1986, IR, p. 181, obs. Colombet.

[249] CA Paris 9 février 1931: DH 1931, Somm. p. 48; T. Civ. Seine 26 novembre 1931: Gaz. Pal. 1932, 1, p. 337; T. Civ. Seine 11 juillet 1933: Gaz. Pal. 1933, 2, p. 606.

[250] Desbois, op. cit. §416.

[251] TGI Paris, 3ème ch., 28 juin 1983: RIDA 4/1983, p. 251.

[252] Cass. Civ. 1ère 15 avril 1986: JCP 1986, IV, p. 174.

[253] TGI Seine 1er décembre 1960, RIDA 1961, n°31, p.101.

[254] TGI Paris 9 juillet 1971, D. 1972, Somm. 84; TGI Paris 30 avril 1986, Gaz. Pal. 1987, 1, Somm. p. 33.

[255] Cass. Civ. 1ère 31 janvier 1961: Gaz. Pal. 1961, 1, p. 406.

[256] Cass. Civ. 1ère 17 janvier 1995: Légipresse 1995, n° 119, I, p. 20.

[257] CA Paris 14 décembre 1987: RIDA 1988, n° 139, p. 299.

[258] CA Paris, 4ème ch., 22 novembre 1983: D. 985, IR, p. 10, obs. Burst; contra, pour des photographies publicitaires CA Paris, 25ème ch. B, 21 juin 1996: Juris-Data n° 022335.

[259] T. Com. Seine 2 avril 1951: D. 1951. 343.

[260] TGI Paris 21 février 1990: D. 1991, Somm. 95, obs. Colombet.

[261] Cass. Civ. 1ère 17 janvier 1995: RIDA 3/1995, p. 147, obs. Kéréver.

[262] CA Paris, 4ème ch., 30 mai 1985: D. 1986, IR, p. 186, obs. Colombet.

[263] CA Paris, 4ème ch., 10 juin 1993: RIDA 4/1993, p. 242.

[264] CA Paris, 4ème ch., 12 décembre 1995: RIDA 3/1996, p. 372.

[265] CA Paris, 4ème ch., 15 novembre 1985: D. 1987, Somm. p. 41, obs. Burst.

[266] T. Com. Seine 2 avril 1951: D. 1951, p. 343.

[267] Cass. Crim. 16 août 1975: JCP 1976, I, 5114.

[268] Pour l'affirmative CA Rennes 22 novembre 1911: DP 1914, 2, p. 5; V. Aussi F. Pollaud-Dulian, Architecture et droit d'auteur: RD imm. 1990, p. 441.

[269] En pratique, la publicité de la paternité de l'architecte s'effectue à l'aide de l'apposition d'une plaque discrète située sur la façade de l'édifice, à vue d'homme.

[270] V. par ex. CA Paris, 4ème ch., 21 décembre 1988: Cah. Dr. Auteur, février 1989, p. 12.

[271] A. et H.-J. Lucas, op. cit. §404; V. Aussi X. Linant de Bellefonds, op. cit. §774, proposant de résoudre ce problème en prévoyant un entête obligatoire pour chaque fichier graphique ou sonore.

[272] Desbois, op. cit. § 427.

[273] C. Colombet, op. cit. § 142.

[274] CA Paris, 4ème ch., 5 mai 1994: inédit.

[275] TGI Paris, 3ème ch., 3 janvier 1979: RIDA juillet 1979, p. 153.

[276] TGI Paris 9 juillet 1980: RIDA octobre 1980, p.147.

[277] Cass. Civ. 1ère 4 avril 1991, Béart: JCP G 1991, IV, p. 215.

[278] CA Paris, 1ère ch., 1er février 1989: RIDA 4/1989, p. 301, note Sirinelli.

[279] Cf. supra n°26.

[280] Cass. Civ. I, 5 mai 1993, Les petites affiches du 2 août 1994, p. 10, n. Caron; Paris, 1er février 1989, RIDA oct. 1989, n°142, p.301, n. Sirinelli; D.1990 Somm. 52, obs. Colombet et Paris, 10 juin 1986, RIDA, n°133, p. 193.

[281] CA Paris, 1ère ch., 10 juin 1986: RIDA 3/1987, p. 193.

[282] Desbois, op. cit. § 424; C. Colombet, op. cit. § 141; A. et H.-J. Lucas, op. cit. §407; A. Françon, note sous CA Paris, 1ère ch., 11 mai 1965: D. 1967, p. 555.

[283] V. P.-Y. Gautier, op. Cit. § 420, retenant que la notion de "paternité négative " a fait son chemin.

[284] CA Paris 23 mars 1992: RIDA, janvier 1993, p. 181.

[285] TGI Paris 9 mai 1995: RIDA, janvier 1996, p. 282.

[286] CA Paris 5 octobre 1995: RIDA avril 1996, p. 303; Cass. Crim 11 juin 1997: D. Aff. 1997. 1043. (" La reproduction de la signature de l'auteur d'une œuvre d'art tombée dans le domaine public ne porte pas atteinte au droit moral de cet auteur lorsque aucune confusion n'est à craindre entre l'original et sa copie, le format de la toile étant différent et la mention "copie" apposée de manière indélébile au dos de celle-ci et sur la tranche;".

[287] S. Durrande, L'artiste, le juge pénal et le faux artistique, plaidoyer pour une loi méconnue: Rev. Sc. Crim. 1989, p. 682-698, aux p. 687 et s.; V. aussi D. Gaudel, Droit d'auteur et faux artistiques: RIDA 1/1992, p. 103.

[288] V. en ce sens, C. Colombet, op. cit. § 141.

[289] Cass. Civ. 1ère 18 juillet 2000: D. 2001. 541, note Dreyer.

[290] CA Paris 25 septembre 1987: D. 1988. Somm. 205, obs. Colombet; CA Paris 20 novembre 1996: RIDA, juillet 1997, p. 321, où le maître d'ouvrage se présentait à la presse comme ayant conçu et réalisé la restauration d'un immeuble, sans mentionner le nom de l'architecte.

[291] V. par exemple, CA Paris 28 juillet 1932: DP 1934. 2. 139, note Lepointe.

[292] Pour Desbois, le droit au respect de l'œuvre complète le droit de divulgation: op. cit. § 440.

[293] TGI Paris 15 octobre 1992, Beckett: RIDA 1993, n°155, p. 225.

[294] TGI Paris 26 juin 1985: D. 1986, Somm. 184, obs. Colombet.

[295] CA Paris 7 juin 1982: D. 1983, IR, 97, obs. Colombet.

[296] CA Paris 31 octobre 1988: Cah. Dr. Auteur, avril 1989, p. 22.

[297] CA Paris, 30 mai 1962: D. 1962. 570, note Desbois

[298] CA Paris 29 avril 1959, The Kid: D. 1959. 402, note Lyon-Caen et Lavigne.

[299] Cass. Crim. 3 mars 1898: Ann. Prop. Ind. 1899. 72.

[300] TGI Paris 14 mai 1987: Cah. Dr. Auteur, janvier 1988, p. 20.

[301] CA Paris 25 octobre 1989: D. 1990. Somm. 54. obs. Colombet

[302] CA Paris 21 juin 1988: D. 1990, Somm. 53, obs. Colombet.

[303] Cass. Civ. 1ère 5 mars 1968: RTD Com. 1969, p. 492, obs. Desbois.

[304] Cass. Civ. 1ère 6 février 1996: JCP E 1997, I, 683, n. 7, obs. Bougerol.

[305] A. et H.-J. Lucas op. cit. § 413.

[306] Préc. note 293.

[307] TGI Paris 15 mai 1991: JCP 1992, II, 21919, n. Daverat.

[308] Préc. note 298.

[309] CA Paris 20 décembre 1990: D. 1991. 532, note Edelman.

[310] CA ¨Paris 7 avril 1994: D. 1995, Somm. 56, obs. Colombet.

[311] L'article 6 bis de la Convention de Berne fait aussi référence à l'honneur ou à la réputation.

[312] A. et H.-J. Lucas, op. cit. § 419.

[313] Cass. Crim. 3 juin 1986: D. 1987, p. 301, note Edelman.

[314] Cass. Civ. 1ère 7 janvier 1992: JCP G 1992, IV, 704; D. 1993, p. 522, note Edelman.

[315] Même arrêt.

[316] CA Paris 22 novembre 1983: D. 1985, IR, p. 10, obs. Burst.

[317] TGI Annecy, 1ère ch., 10 septembre 1998: RIDA 1/ 1999, p. 431.

[318] D. Giocanti, Le droit au respect de l'œuvre en droit français, Thèse Paris II, 1989, p. 377 et s.

[319] V. Ch. N'Guyen Duc Long, Intégrité et numérisation des œuvres de l'esprit, RIDA 2000, n° 183, p. 3.

[320] Ch. Caron, Droit moral et multimédia, Légicom 1995, n°8, p. 44.

[321] CA Lyon 12 juin 1989: D. 1989, IR, 234.

[322] TGI Paris 8 mars 1968, Le Saint, D. 1968. 742.

[323] R. Sarraute, De l'adaptation cinématographique des œuvres littéraires, Gaz. Pal. 1962. 1. Doctr. p. 21.

[324] Cass. Civ. 1ère 22 novembre 1966: D. 1967. 485, n°Desbois.

[325] TGI Seine 27 mai 1959: RIDA juillet 1959, p. 149.

[326] CA Paris 12 mars 1936: Gaz. Pal. 1936, I, p. 941, précisant que la renonciation ne peut être accueillie par les tribunaux si elle résulte clairement des documents et circonstances de la cause.

[327] CA Paris, 1ère ch., 23 novembre 1970: RIDA 3/1971, p. 74.

[328] Cass. Civ. 1ère 17 décembre 1991: JCP G 1992, IV, 641.

[329] R. Sarraute, De l'adaptation cinématographique des œuvres littéraires, préc. note 323, p. 21.

[330] P. Sirinelli, Le droit moral de l'auteur et le droit commun des contrats, préc. note 212, p. 304.

[331] Desbois, op. cit. §451; C. Colombet, op. cit. §149.

[332] Op. cit. p. 223.

[333] Cass. Civ. 1ère 9 novembre 1983: JCP 1984, II, 20189, obs. Françon.

[334] Cass. Civ. 2ème 30 novembre 1988: RIDA 4/ 1989, p. 300.

[335] Desbois, op. cit., p. 501.

[336] CA Paris 27 avril 1934: D.H. 1934. 385, confirmant Trib. Civ. Versailles 23 juin 1932: D.H. 1932. 487.

[337] Desbois, op. cit. § 457 et s.; Colombet, op. cit., §160; A. Françon: RIDA 1/1977, p. 118.

[338] Aff. Remontée devant le Conseil d'Etat à cause d'un conflit de compétence, CE 3 avril 1936: D. 1936. 3. 57, concl. Josse, note Waline; Conseil de préfecture de Montpellier, 9 décembre 1936, Gaz. Pal. 1937. 1. 34.

[339] CA Paris, 25ème ch., 10 juillet 1975: D. 1977, p. 342, note Colombet.

[340] Pour M. Sirinelli, la thèse méconnaîtrait le fondement du droit au respect: le droit moral de l'auteur et le droit commun des contrats, préc., note 212, p.499.

[341] Cass. Civ. 1ère 3 décembre 1991: RIDA 3/ 1992, p. 161.

[342] CE 14 juin 1999: JCP G 1999, II, 10209, concl. Combrexelle.

[343] CA Paris, 1ère ch., 2 juin 1978, D. 1979. 14, obs. Colombet.

[344] Cass. Civ. 1ère 8 janvier 1980: JCP 1980. 19. 336, obs. Lindon.

[345] Desbois, op. cit. §460.