BELLEIL Ingrid                        Faculté de Droit de NANTES
DEA de Droit privé général                        Année 2002 / 2003

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’esprit du code civil a travers le titre III du livre III

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Présenté en juin 2003 devant le jury de la faculté de Droit de NANTES :

 

M Philippe BRIAND, Professeur à la faculté de NANTES, Directeur de mémoire

M François COLLART DUTILLEUL, Professeur à la faculté de NANTES, membre du jury

 

sommaire

 

 

PARTIE  I. L’IDEAL DE LA LIBERTE COMME SEUL GAGE DE JUSTICE CONTRACTUELLE

CHAPITRE  I. APPARITION ET RECONNAISSANCE DE DROITS NATURELS DANS LE DOMAINE CONTRACTUEL

SECTION  I. L’EVOLUTION INTELLECTUELLE

SECTION  II. LA LIBERTE DANS LA THEORIE GENERALE DU CONTRAT

CHAPITRE  II. LA THEORIE DE L’AUTONOMIE DE LA VOLONTE PRONANT DE LA LIBERTE ABSOLUE DANS LES CONTRATS

SECTION  I. LA THEORIE DE L’AUTONOMIE DE LA VOLONTE FAVORABLE A LA LIBERTE ABSOLUE DES CONTRACTANTS

SECTION  II. LES LIMITES DE LA THEORIE

PARTIE  II. EGALITE, EQUITE, ET LIBERTE GARANTS DE LA JUSTICE CONTRACTUELLE

CHAPITRE  I. EGALITE DES PARTIES DURANT LA FORMATION DU CONTRAT

SECTION  I. LES PROBLEMES SOULEVES PAR LE SYSTEME CONSENSUALISTE

SECTION  II. LA LOI POUR RETABLIR UNE EGALITE DE FAIT

CHAPITRE  II. ATTENUATION DE L’INTANGIBILITE DU CONTRAT POUR UNE PLUS GRANDE EQUITE

SECTION  I. LE FORCAGE DU CONTRAT PAR LE JUGE

SECTION  II. LE SOUCI DE REEQUILIBRAGE DES PARTIES

 

 

 

 

 

 


INTRODUCTION

 

 

 

 

 

 

 

            L’une des idées développées par Portalis lors de son discours préliminaire était qu’un bon Code ne pouvait pas naître au milieu des crises politiques et qu’une stabilité politique, sociale et économique était nécessaire préalablement à tout projet d’uniformisation du droit. Ainsi, selon lui : « ... un bon code civil pouvait-il naître au milieu des crises politiques qui agitaient la France ? Toute révolution est une conquête... On est emporté par le besoin de rompre toutes les habitudes, d’affaiblir tous les liens, d’écarter tous les mécontents... Tout devient droit public. »[1] ; et force est de constater que cette citation prend tout son sens lorsque l’on s’arrête quelques temps pour regarder le long chemin qui a aboutit à l’élaboration du Code civil de 1804. En effet, cet ouvrage, qui fêtera bientôt son bicentenaire, est le fruit de travaux longs et chaotiques. Le coup d’état du 9 novembre 1799, qui porte Napoléon Bonaparte au pouvoir marque en même temps la fin d’une des décennies les plus mouvementées qu’à connue la France. En l’espace de vingt ans, la France connaît successivement plusieurs régimes : royauté absolue, monarchie constitutionnelle (1789), Convention (1792), Directoire (1795), Consulat (1799) et Empire (1804).

            L’instabilité politique de la période révolutionnaire s’accompagne d’une grande insécurité juridique : le droit ancien est abrogé, sans être remplacé par un droit nouveau. La volonté d’uniformiser le droit et de le réduire à la loi avait été exprimée au lendemain de la Révolution. Dans un projet de loi d’avril 1790, rédigé par Sieyes et présenté à l’Assemblée Constituante, il avait été proposé de « donner aux Français un nouveau Code uniforme de législation et une nouvelle procédure, réduits, l’un et l’autre, à leur plus parfaite simplicité »[2]. Mais une réforme radicale du droit civil risquait d’ébranler les fondements déjà instables de la société de l’époque. C’est pourquoi il a été considéré comme plus sage de reporter cette grande refonte du droit civil à plus tard, lorsque les esprits y seraient mieux préparés.
            En 1792, après le renversement de la monarchie et la proclamation de la République, la nouvelle Assemblée confia à son Comité de législation, présidé par Cambacérès, le soin de rédiger un projet de code. Trois projets successifs furent élaborés par ce dernier, mais sans succès. Le premier, qui vit le jour en 1793, composé d’environ 700 articles, fut jugé trop long, trop compliqué et trop juridique. Le deuxième projet fut présenté l’année suivante : il ne comprenait plus que 300 articles. Il fut refusé, bien qu’à travers ce travail, Cambacérès répondait à l’idéal révolutionnaire : construire une société sans droit ou, plus précisément, réduire le droit à une série de grands principes, de préceptes qui guideraient les hommes dans leur vie. Le troisième projet, en 1796 n’aboutit pas non plus, mais il inspira beaucoup la codification napoléonienne. Ces trois échecs ne sont pas de la seule responsabilité de Cambacérès. En effet, la succession des différents régimes politiques, la crise d’identité que connaissaient les juristes, la crainte d’une réforme trop radicale du droit civil, droit régissant les rapports entre particuliers, et donc droit éminemment politisé, social ; sont aussi à l’origine du rejet de ces trois projets. Portalis parlait même, en août 1797, de renoncer à la « dangereuse ambition de faire un nouveau code civil »[3]. Le projet Jacqueminot, établi sous le consulat provisoire, qui présentait une esquisse de code civil fût dès lors, lui aussi, rejeté.
            Dès le début de son règne, Bonaparte pris l’initiative de la rédaction d’un avant projet de code civil et constitua une commission de quatre juristes qui n’étaient ni des théoriciens, ni des philosophes du droit, mais d’abord et avant tout, des praticiens, avocats ou magistrats. Deux d’entre eux, étaient originaires des pays de droit coutumier : François Tronchet et Félix Bigot de Préameneu. Les deux autres, Jean Portalis et Jacques de Maleville étaient issus d’une région de droit écrit. Une telle composition était dictée par l’objectif poursuivi : légiférer en essayant de concilier droit romain et tradition coutumière, sans rejeter pour autant les acquis de la Révolution. Dans son discours préliminaire, Portalis a précisé quelle avait été la démarche adoptée : « Nous avons fait, s’il est permis de s’exprimer ainsi, une transaction entre le droit écrit et les coutumes, toutes les fois qu’il nous a été possible de concilier leurs dispositions ou de les modifier les unes par les autres sans rompre l’unité du système et sans choquer l’esprit général... »[4]. Napoléon lui-même présida de nombreuses séances. Les historiens reconnaissent la part importante qu’il a pris dans la réalisation de cette oeuvre législative destinée à servir sa politique de consolidation de l’autorité de l’Etat et de consécration de certains des principes révolutionnaires. Le code civil était un moyen pour lui de modeler la société par les lois, de consolider un nouvel ordre social.

            Après un échec qui l’obligea à modifier la composition du Corps législatif, Bonaparte parvint à faire adopter le projet de code, en trente six lois successives correspondant aux trente six titres du nouveau Code, qui fut promulgué par la loi du 21 mars 1804. Le processus d’élaboration du code civil fut donc plus long que prévu, et le texte final était le plus long et le moins révolutionnaire de tous ceux qui avaient été proposés. Mais l’objectif que s’était fixé Bonarparte était atteint. Il ne faut pas oublier qu’à travers son code civil, Napoléon a voulu unifier juridiquement la France. Ainsi, la loi tenait un rôle premier dans cette volonté d’uniformisation du droit : une seule loi applicable à tous sur tout le territoire. Grâce à la loi, le droit devenait un système complet et structuré. Cette dernière, dans le système de Bonaparte, devait avoir un double rôle. D’une part, elle devait limiter le pouvoir du juge. En effet, les anciennes grandes juridictions (Parlements) jouissaient, jusqu’à la Révolution, de pouvoirs très étendus dans l’application et dans la création du droit (par la pratique des arrêts de règlement). C’est pourquoi, il s’était développé une véritable méfiance à l’égard des juges, et la loi, conformément au principe affirmé de la séparation des pouvoirs, est venue limiter considérablement leurs compétences. D’autre part, la loi était vue comme un instrument de la cohérence du droit, vu comme un système. Le code devait constituer un ensemble dont les règles devaient s’articuler logiquement les unes par rapport aux autres.

            Les différentes écoles d’interprétation du code civil illustrent l’évolution de l’opinion des juristes quant à la valeur de ce corps de loi et quant à la place même de la loi au sein du droit. Lors de sa promulgation, et quelques temps après, le code civil était perçu comme un outil quasiment parfait. Ainsi, l’école de l’Exegèse donnait le premier rôle à la loi. Elle prônait une lecture à la lettre des textes du code civil et le retour aux travaux préparatoires en cas de difficultés. Puis l’engouement a laissé place à la critique et aux réserves. L’école scientifique a fait son apparition, en énonçant que les textes devaient être interprétés en fonction de ce que le législateur aurait décidé s’il avait eu à se prononcer au moment où la question était soulevée. Ces deux écoles illustrent les conceptions différentes, voire opposées, que le code civil a entraîné. Pour certains, il était une oeuvre presque parfaite, alors que pour d’autres, il ne représentait qu’un outil incommode. Cependant, une seule vérité a toujours été admise par tous les juristes de l’époque de la codification, et même des décennies qui suivirent : le code civil est une oeuvre de compromis. Ainsi, Albisson disait du code civil qu’il était : « la plus grande, la plus utile, la plus solennelle transaction dont aucune nation ait jamais donné le spectacle à la terre »[5]. Il est vrai que cet ouvrage réalise la transaction tant souhaitée par Bonarparte entre le droit écrit et le droit coutumier, qui divisaient le pays jusqu’alors. Dotée d’une législation unique et unifiée, la France ne pouvait que reprendre la force et l’unité qu’elle avait perdu du fait de la Révolution. C’est pour cette raison que ce travail, bien qu’il fût long et fastidieux, était utile, voire indispensable. Portalis lui-même a décrit quelles étaient les principales caractéristiques du code civil selon lui. Tout d’abord, il met l’accent sur la modération : « l’esprit de modération est le véritable esprit du législateur et le bien politique, comme le bien moral, se trouve toujours entre les deux limites. »[6]. Ensuite, il expose le fait que le code civil tienne compte d’un certain réalisme politique. Il est pour le progrès : « tout ce qui est ancien a été nouveau »[7]. Enfin, il s’appuie sur la place du temps dans la création du droit, temps qui selon lui est essentiel : « l’essentiel est d’inspirer aux institutions nouvelles le caractère de permanence et de stabilité qui puisse leur garantir le droit de devenir anciennes »[8].

            Le principal travail des codificateurs fût de trouver un compromis entre les règles écrites et coutumières. Ainsi, par exemple, on peut retrouver une forte inspiration romaine en matière de dévolution ab intestat des successions. Le droit canonique a laissé aussi sa marque au travers des régimes matrimoniaux. De la coutume de Paris et du droit coutumier, les rédacteurs du code civil ont retenu la conception de la puissance paternelle et maritale, la technique du régime de communauté des époux, certaines dispositions relatives aux servitudes... Au travers de ces différentes influences des divers droits, ont peut retrouver l’esprit des codificateurs propre aux différents titres du code. Ainsi, le code civil, au travers de la législation sur le mariage, les enfants, s’est fortement laïcisé. Le code civil tout entier peut être qualifié d’œuvre individualiste si on regarde de plus près certaines dispositions telles que le régime successoral, qui tend à rétablir une certaine égalité entre les héritiers ; les dispositions concernant le droit de propriété qui donnent au code civil un esprit libéral et individualiste...

            Cependant, une question reste en suspens. En effet, un titre entier du code civil semble représenter une nouveauté. Ainsi, le titre III du livre III, qui pose un ensemble de règles communes aux contrats et aux obligations conventionnelles ne se retrouve ni dans le droit écrit, ni dans le droit coutumier. Certes, cette théorie n’est pas née du code civil, et les dispositions de ce titre trouvent des inspirations dans le droit romain et dans l’ancien droit. Cependant, il semble difficile à première vue de déterminer quel était l’esprit des codificateurs quant ils ont édicté un titre relatif aux contrats et obligations conventionnelles en général, pour ensuite édicter plusieurs titres portant sur les différents contrats les plus usités (vente, louage, prêt, échange, société...). On peut trouver un début de réponse en lisant l’article 1107 du code civil qui dispose que : « Les contrats, soient qu’ils aient une dénomination propre, soit qu’ils n’en aient pas, sont soumis à des règles générales, qui sont l’objet du présent titre ». Dès lors, on peut avancer que les rédacteurs du code civil ont entendu établir une série de règles communes à tous les contrats. Pourquoi ? Dans quel but ? Ces règles étant communes à tous les contrats, nommés ou innommés, on peut penser qu’elles déterminent les principes fondamentaux communs à tous les contrats. Dès lors, quel objectif se dessine derrière ces principes fondamentaux ? Qu’est ce que les codificateurs ont voulu faire au travers de cette théorie générale des contrats ?

            Si on regarde ce titre de plus près, force est de constater que les codificateurs ont voulu accorder une certaine part de liberté aux particuliers dans la gestion de leur patrimoine, de leur propriété et de leurs biens. Mais ils n’ont pas voulu que cette liberté soit absolue, ce pourquoi cette part de liberté reste limitée par des règles communes, des principes fondamentaux. Dès lors, quel est l’esprit de cet ensemble de principes ? De cet esprit découlera l’esprit de l’ensemble des différents contrats, c’est-à-dire l’esprit de l’ensemble des rapports entre les personnes privées. Ainsi, on peut dire que de l’esprit de ce titre dépendra aussi une grande partie de l’esprit du code civil.

            Après avoir étudié les différentes dispositions du titre III du livre III, on peut dire que l’esprit qui s’en dégage et qui se répercute sur tout le code civil, est un esprit de justice contractuelle. En effet, la justice peut recouvrir deux types de définitions. Selon le dictionnaire Larousse, la justice est le : « caractère de ce qui est en accord avec le droit ». Selon le dictionnaire juridique, la justice se définit comme le juste[9]. Cette deuxième définition manque de clarté. Qu’est-ce que le juste ? Selon le dictionnaire Larousse, le juste se définit comme ce  « Qui agit conformément à la justice ». Ce qui ne nous avance à rien puisque les deux définitions renvoient aux mêmes notions. Dès lors, il faut nous attacher à la première définition énonçant que la justice est le caractère de ce qui est conforme (en accord) avec le droit. Or, si on part de cette définition, on peut souligner qu’il existe deux types de droit. D’un côté, il existe le droit positif ou plus précisément, le droit objectif, qui représente l’ensemble des règles juridiques en vigueur dans un Etat ou dans la Communauté internationale, à un moment donné, quelle que soit leurs sources. De l’autre côté, il existe le droit naturel qui peut se définir comme l’ensemble des : « principes immuables, découverts par la raison, permettant d’éprouver la valeur des règles de conduite positives admises par le droit objectif »[10]. Quels sont ces principes immuables ? On peut trouver une réponse dans la Déclaration des droits de l’homme qui énonce, dans son article 2 que les droits naturels de l’homme sont : « ... la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression ». Dès lors, ce qui est source de justice, c’est ce qui est conforme à la fois au droit objectif et au droit naturel. Or, on observe que les codificateurs, au travers du titre III du livre III du code civil ont bien tenté de réaliser ce compromis. En effet, la théorie générale des contrats reconnaît une certaine place à la liberté des hommes (principe de droit naturel), tout en les contraignant à respecter tout de même certaines règles indispensables au bien commun. Les rédacteurs du code civil, par le biais de cette théorie générale des contrats, ont voulu instaurer une certaine justice contractuelle, c’est-à-dire faire en sorte que les hommes soient relativement libres, égaux, mais qu’ils respectent un minimum de règles fondamentales dans leurs rapports, règles tirées elles aussi du droit naturel : ne pas faire de tort à autrui, ne pas s’approprier la chose d’autrui illégalement, ne pas agir contre l’intérêt général, ne pas agir de façon contraire aux bonnes mœurs... Ils ont donc voulu reconnaître, au travers de la loi, certains principes de droit naturel, tout en les encadrant et en les limitant.

            N’oublions pas que la justice est représentée par une balance dont les deux plateaux sont équilibrés. Or, les codificateurs ont voulu, sans nul doute, faire la balance entre les principes de droits naturels et les nécessités de l’intérêt général et du droit positif. Ainsi, selon eux, le meilleur moyen d’établir la justice au sein de tous les contrats était d’établir cette théorie générale des contrats. Cette dernière assure la balance entre la liberté des hommes et les nécessités posées par l’intérêt général. Dans les esprits des juristes de 1804, la liberté était le meilleur moyen d’arriver à cette forme de justice contractuelle puisque la liberté était considérée comme le principal droit naturel, duquel découlait l’égalité. Parce que les hommes étaient libres dans les mêmes proportions et les mêmes limites, ils ne pouvaient être qu’égaux et donc conclure des contrats équitables, bénéfiques, utiles et justes. Ainsi, force est de constater qu’en 1804, les codificateurs ont instauré la liberté au sein du droit des contrats, dans le but d’assurer cette justice contractuelle (Partie I). Cependant, si cet esprit de justice contractuelle est toujours présent à l’heure actuelle, les moyens de préserver cet esprit sont aujourd’hui tout autres. Si en 1804, la liberté devait à elle seule être source de justice contractuelle, celle-ci ne suffit plus de nos jours. En effet, le législateur, dans son ouvrage pour maintenir et faire perdurer cet esprit de justice contractuelle au sein du code civil par le biais de la théorie générale des contrats, se doit désormais d’énoncer et de protéger d’autres droits fondamentaux tels que l’égalité et l’équité (Partie II).

 

 


PARTIE  I.          L’ideal de la liberte comme seul gage de justice contractuelle

            La liberté est une notion difficile à définir et à cerner. On parle plus souvent « des » libertés que de « la » Liberté : libertés publiques, liberté du travail, liberté du commerce, liberté d’aller et venir... On constate que dans le système féodal, la notion de Liberté était absente, mais il existait en contrepartie, des libertés, accordées aux particuliers en fonction de leur rang, de leur fonction ou de leurs pouvoirs respectifs. Lors de la codification, les rédacteurs du code civil ont voulu donner une place forte à la Liberté, inhérente à tout homme, et que la Révolution avait mis à jour. Ainsi, selon les doctrines juridiques et philosophiques de l’époque, la liberté était le seul et le meilleur gage de justice, non seulement au niveau contractuel, mais aussi au niveau de la société toute entière. Cependant, la mise en place d’un système libéral dans le droit des contrats ne s’est pas faite en un jour, et il a d’abord fallu plusieurs siècles d’influences philosophiques, historiques, intellectuelles et juridiques pour que la liberté devienne un principe en droit des contrats (Chapitre I). Mais force est de constater que cet élan vers la liberté dans les contrats et dans la société en général, a eu pour conséquence, une certaine dérive du principe de liberté dans le droit contractuel. La philosophie individualiste a en effet poussé le raisonnement très loin, peut être trop loin... (Chapitre II)

CHAPITRE  I.          Une reconnaissance progressive de la liberte dans le droit des contrats

            La Liberté, considérée comme inhérente à tout homme est le fruit du développement intellectuel du XVIIe siècle qui s’est penché vers un mode de raisonnement différent, amenant à la contestation pure et simple de l’absolutisme de l’Ancien Régime. C’est ainsi que l’on a assisté à une véritable mutation intellectuelle qui a beaucoup influencé les penseurs, tant les philosophes que les juristes pour la reconnaissance de la Liberté de l’homme comme principe immuable (Section I). En outre, cette évolution intellectuelle a permis l’introduction, dans le droit des contrats, du principe de la liberté contractuelle, considérée comme une condition nécessaire et utile à l’évolution des contrats, facteurs de développement économique et de stabilité politique (Section II).

SECTION  I.          L’evolution intellectuelle

            Cette évolution intellectuelle s’est opérée sur deux plans : d’une part, on constate un changement dans le mode de pensée et de perception de l’homme et de la société, grâce aux travaux des penseurs et philosophes des XVIIe et XVIIIe siècle (§ 1), d’autre part, on observe que le contexte économique et politique qui préexistait à la Révolution n’a fait que développer et entraîner la volonté d’établir un régime politique et juridique nouveau, plus juste et plus égalitaire (§ 2 ).

§  1.          Les influences philosophiques

            Les influences des philosophes sont diverses, mais on peut les regrouper principalement en deux courants. D’un côté, on observe, au XVIIe siècle, le développement du droit naturel, et des principes qui y sont rattachés (A), et de l’autre côté, on voit mûrir vers le XVIIIe siècle, la philosophie des Lumières et son corollaire : une nouvelle vision de la société et de l’homme (B).

A.                L’école de droit naturel et la morale chrétienne

            Le concept de droit naturel est relativement ancien. Il s’est développé et inscrit dans un courant de mutation intellectuelle, propre à toute l’Europe vers le XVIIe siècle. Les principaux auteurs reconnus pour avoir défendu et étayé le droit naturel sont Grotius et Pufendorf (1). Mais, même si leur idée maîtresse était la laïcisation du droit, il ne faut pas oublier que l’Eglise, notamment au niveau de la diffusion d’une certaine morale chrétienne, a aussi beaucoup influencée l’évolution du droit (2).

1 -               La diffusion des principes de droit naturel par Grotius et Pufendorf

            Grotius était un homme d’Etat hollandais, présent à la Cour de Jacques 1er en 1613 et 1615, ainsi qu’à la Cour de Louis XIII comme ambassadeur de Suède dès 1635. Il fût très vite surnommé le « père du droit naturel »[11]. Les deux thèmes de pensée qu’il développe le plus sont l’inclinaison de l’homme à vivre en société et la nécessaire laïcité du droit naturel (voire l’indépendance du droit par rapport à l’existence de Dieu). Il met en lumière les principes de droits naturels, détachés de leur connotation chrétienne : la liberté de l’homme, l’égalité naturelle des hommes... Pour lui : « ... ce qui est naturel ne s’oppose pas à ce qui est surnaturel, mais à ce qui est arbitraire »[12]. Sa philosophie est soutenue par Pufendorf, grand jurisconsulte saxon du XVIIe siècle. Ce courant de pensée ne tarde pas à s’appliquer aux droits imposés à l’homme, ainsi qu’au droit des contrats. En effet, l’école naturelle développe l’idée suivant laquelle l’homme étant le maître de ses opinions et actes, sa volonté le lie aux autres hommes.

            Selon Pufendorf, le devoir général prescrit par la loi naturelle est que chacun tienne inviolablement sa parole, c’est à dire ce à quoi il s’est engagé par quelque promesse ou par quelque convention. L’influence de Grotius et de l’école du droit naturel a surtout permis d’étendre au contrat en général, les règles romaines applicables aux quatre contrats consensuels. Il ne faut pas non plus négliger l’influence de Kant dans le développement de l’idée selon laquelle l’homme est libre par nature. En effet, selon ce dernier : « l’idée de la dignité d’un être raisonnable n’obéit à aucune autre loi que celle qu’il se donne à lui-même »[13]. On voit ainsi déjà apparaître, avec cette philosophie, que la Liberté serait un principe immuable et naturel attaché à l’homme, et que de cette liberté, découle le principe que l’homme ne doit et ne peut obéir qu’aux lois et contraintes qu’il a lui-même choisi et consenti.

            On peut souligner pour conclure que cette école de droit naturel a vu le jour dans un contexte international, politique et social favorable à la raison. En effet, durant le XVIIe siècle, il y eu de grandes découvertes scientifiques, physiques, physiologiques et astronomiques... qui ont été relayées par l’accroissement des débats théologiques. Ainsi, la révolution intellectuelle du XVIIe siècle s’est opérée sur deux plans : d’une part, sur un plan méthodologique, on a remplacé l’autorité comme règle suprême par la rationalité et l’expérience ; d’autre part, sur un plan philosophique, la pensée humaine se fonde désormais sur la science, et non plus sur la théologie. Cette révolution a permis et favorisé l’émergence des principes de droit naturel de l’homme.

2 -               L’influence de la morale chrétienne

            L’Eglise et les idées et principes qui y sont rattachés sont fortement contestés par les tenants du droit naturel, qui affirmaient une nette délimitation entre les domaines du droit naturel et du droit divin : à la révélation et à la théologie, on opposait désormais la raison. Cependant, l’influence de l’Eglise, dans les règles morales qu’elle véhicule, n’est pas restée nulle. Ainsi, dès le XIIIe siècle, le droit canonique adopte le principe selon lequel d’un simple pacte, une action pouvait naître. L’Eglise a toujours défendu le principe du respect de la parole donnée et considérée que toute promesse quel qu’en soit la forme, devait être respectée sous peine de commettre un péché. Elle s’oppose en cela au droit romain et aux coutumes en vigueur à l’époque. Cependant, le droit coutumier admet peu à peu le principe du respect de la parole donnée. En effet, la crainte du parjure fini par accoutumer les cocontractants à respecter leurs conventions en raison de la parole qu’ils avaient donné. C’est ainsi que voit le jour l’adage de Loisel selon lequel : « On lie les bœufs par les cornes et les hommes par les paroles »[14]. Dès lors, le principe du respect de la parole donnée, quelle que soit la forme sous laquelle elle a été formulée semble peu à peu trouver sa place dans le droit des contrats en tant que règle générale.

            Cette montée en puissance progressive des droits naturels et de la morale chrétienne, qui influencent la perception de l’engagement contractuel, est relayée par la philosophie des Lumières qui offre aux hommes une nouvelle vision d’eux-mêmes, de leur rôle, de leurs droits et de la société.

B.                La philosophie des Lumières

            Comme l’a dit Imbert : « Préparée par l’individualisme de Hobbes, par le doute des jansénistes, par la révolte des protestants persécutés, par le rationalisme des philosophes du XVIIe siècle, une nouvelle génération de penseurs va ouvrir des voies nouvelles qui aboutiront à la fin du XVIIIe siècle à une série de révolutions pacifiques et brutales »[15]. Cette citation illustre parfaitement l’évolution intellectuelle que représente la philosophie des Lumières et qui a permis le développement d’une nouvelle conception de la société (1), ainsi que l’apparition d’une nouvelle démarche intellectuelle et d’un nouveau mode de pensée : le rationalisme (2).

1 -               Une nouvelle vision de la société

            Rousseau, grand penseur et écrivain français du XVIIIe siècle a écrit en 1762 Le contrat social, qui reste son oeuvre la plus connue. Cet ouvrage repose sur la notion de droit naturel, déjà au cœur des oeuvres de Hobbes et Locke, mais entendu dans un sens particulier. Selon lui, la société politique doit reposer sur le consentement des citoyens, égaux et libres, au moyen d’un pacte social et toute société qui ne répond pas à ces critères apparaît comme illégitime. Ainsi, l’organisation de la société ne dérive pas du droit naturel, ni de la raison, mais de la volonté : les hommes, isolés dans l’état de nature, s’associent librement pour donner naissance à l’Etat et pour fixer ses règles de fonctionnement. Selon lui : « Chaque individu est lié comme il l’a voulu, mais seulement comme il l’a voulu. Le fondement de la liberté doit être recherché dans la raison : parce qu’il est un être raisonnable, l’homme est naturellement libre »[16]. Cette vision de la société, fondée sur le volontariat et le choix des hommes s’oppose totalement au système féodal qui place au sommet de sa pyramide hiérarchique, le Roi choisi par Dieu. Désormais, la société elle-même repose sur un principe de raison : les hommes choisissent librement de s’associer ou non pour créer un Etat de fait et de droit, Etat qui ne découlera pas de la volonté divine, mais de la volonté humaine.

            Cette nouvelle vision de l’homme dans la société dans laquelle il vit est aussi développée par l’Ecole physiocratique dont les fondements sont les droits naturels, c’est à dire la propriété, la liberté et la sûreté. Leur respect, par le gouvernement, permettrait à l’ordre naturel de donner tous ses effets bénéfiques. La liberté est dès lors perçue comme une règle de vie et de gouvernement nécessaire à l’intérêt de chaque homme, mais aussi de la société toute entière : libérer les hommes permet d’établir une société saine et stable.

2 -               Une nouvelle démarche intellectuelle : le rationalisme

            Montesquieu, auteur de L’esprit des lois en 1748, est un libéral attaché à la liberté, à la raison et à la modération. C’est pour cela qu’il aime la loi : la loi, quand elle est modérée et raisonnable, garantie la liberté. Pour lui, la loi est un principe universel, dominé par la raison. Il a beaucoup inspiré les codificateurs quant à la démarche à adopter pour la rédaction et l’unification du droit. Ainsi, selon lui : « le style doit (...) être concis (...) Le style des lois doit être simple (...). Les lois ne doivent point être subtiles, elles sont faites pour des gens de médiocre entendement : elles ne sont point un art de logique, mais la raison simple d’un père de famille. »[17]. Mais il est hostile à toute uniformisation du droit. En effet, il démontre, au travers de sa théorie des climats, que : «  Les lois doivent être tellement propres au peuple pour lequel elles sont faites que c’est un très grand hasard si celles d’une nation peuvent convenir à une autre »[18]. Cependant, il a tout de même inspiré les rédacteurs du code civil sur bien des points, notamment sur la méthode à adopter, mais aussi sur la place de la loi dans la société et sur le  principe de liberté naturelle des hommes dans les lois. Portalis disait de lui que «  Le célèbre auteur de l’Esprit des lois laissa loin derrière lui tous ceux qui avaient écrit sur la jurisprudence, il remonta à la source de toute législation, il approfondissait les motifs de chaque loi particulière, il nous apprit à ne jamais séparer les détails de l’ensemble, à étudier les lois dans l’histoire, qui est comme la physique expérimentale de la science législative, il nous mit pour ainsi dire, en relation avec les législateurs de tous les temps et de tous les hommes »[19].

            L’Encyclopédie trouve aussi sa place dans cette nouvelle vision de la société et de l’homme. En effet, elle apparaît durant la révolution méthodologique dont nous avons déjà parlé : les hommes veulent désormais comprendre, et non plus seulement subir. Elle donne aux techniques la meilleure place et privilégie l’économie sur la réflexion politique. Dans tous les domaines, l’ouvrage développe l’idée que la liberté de l’homme est le meilleur garant des progrès de la société entière. Il prône et utilise un raisonnement rationnel, et non pas (ou plus) théologique. Sa diffusion permet de populariser aussi des maîtres mots apparus au début du siècle. En effet, les mouvements révolutionnaires font apparaître de nouvelles notions. Tout d’abord, le concept d’individu voit progressivement le jour. Ainsi, dans l’Ancien régime, la société était tout, l’individu, rien. Désormais, l’homme n’est plus perçu avant tout comme l’un des éléments de la société, il est aussi vu comme un individu doté de droits et de devoirs propres. Ensuite, la raison critique fait progressivement son apparition : l’homme veut comprendre, il veut connaître le pourquoi des choses et des institutions. Enfin, la nature tient un rôle nouveau et important : l’homme doit vivre selon des règles naturelles, une morale naturelle. Ces notions sont développées et explicitées dans des ouvrages tel que l’Encyclopédie. A travers cette oeuvre, Diderot et d’Alembert permettent au peuple de connaître ces notions, mais ils développent aussi l’idée que la liberté de l’homme est le meilleur garant d’une société saine, prospère et juste. Dès lors, les hommes ne veulent plus « des libertés » dont jouissent les divers groupes organisés de l’Ancien Régime, mais ils revendiquent la Liberté, propre à l’individu, et qui doit permettre d’assurer le bonheur, non seulement de celui-ci, mais également, pour ainsi dire par ricochet, de toute la société.

 

            Cette évolution intellectuelle, qui place l’homme au centre de la société qui doit reconnaître et protéger sa liberté naturelle, est accélérée et accentuée par le contexte politique et économique qui précède la Révolution. Les institutions et le régime montrant leurs limites, les esprits se tournent d’autant plus vers l’idéal d’un système qui se dit plus juste et plus équitable.

§  2.          Les crises politiques et économiques

            Parallèlement à l’émergence de ces nouvelles idées, de cette nouvelle vision de l’homme et de la société, le système institutionnel et politique de l’Ancien Régime montre de plus en plus de dysfonctionnements, difficilement supportables par la population (A). En outre, le contexte économique, l’évolution du commerce et de l’industrie amène les hommes à appeler la liberté contractuelle de leurs vœux (B).

A.                La crise politique et sociale de l’Ancien Régime

            Les dysfonctionnements institutionnels étant de plus en plus nombreux et de plus en plus difficiles à résoudre (1), le système de l’Ancien Régime paraît inexorablement en décalage complet avec la réalité sociale de la fin du XVIIIe siècle (2).

1 -               Les dysfonctionnements institutionnels

            Face au développement croissant des nouvelles idées politiques et philosophiques, le système instauré par l’Ancien Régime paraît de plus en plus incohérent et abusif. Au niveau de l’organisation judiciaire, malgré un effort de rationalisation, de nombreuses justices s’enchevêtrent encore, y compris lorsqu’il s’agit de justices royales. De plus, la diversité coutumière est un obstacle à l’unité de la législation et donc à l’unité du pays. Ensuite, le maintien des privilèges et l’abondance des statuts particuliers introduisent une redoutable rigidité sociale. Enfin, la propriété sous sa forme féodale est insupportable à la paysannerie, car elle se traduit par des redevances ou des droits de mutation qui sont ressentis comme des prélèvements abusifs et des pratiques illégitimes. L’opinion ne comprend plus le maintien du domaine éminent du Roi dont les origines médiévales sont perdues depuis longtemps. S’ajoute à cela, le fait que le système fiscal paraisse incohérent car différent d’un pays à l’autre mais aussi et surtout injuste puisque les privilégiés y échappent pour une large part. Notons de surcroît que le système féodal souffre aussi de l’absence de pouvoir central puisque l’autorité est le plus souvent partagée entre les potentats locaux. Viennent se rajouter pour finir des problèmes économiques et financiers qui discréditent l’Ancien Régime : l’Etat royal a peu de ressources et doit faire face à un endettement chronique et croissant et à une crise économique qui survient en 1770.

2 -               Un système en décalage par rapport aux évolutions intellectuelles et sociales

            Le mode de fonctionnement de la société tel qu’il existait durant l’Ancien Régime est en complet décalage avec les idées nouvelles qui sont énoncées par les philosophes et penseurs des XVIIe et XVIIIe siècle. En effet, les philosophes français s’attaquent à l’Eglise dont ils critiquent l’organisation et les privilèges. De plus, l’égalité naturelle des hommes est incompatible avec la répartition de la nation en ordres : l’origine lointaine de ceux-ci fondée sur la vision de la société au Moyen Age, les rend irrationnels et ils sont d’autant plus perçus comme illégitimes.

            Le royaume de France, au XVIIIe siècle présente de plus en plus, au fur et à mesure que le temps passe, un écart flagrant entre les principes sur lesquels est bâti l’Ancien régime, et la réalité sociale. On constate en effet, dans les autres pays que la France, une évolution sensible des idées et des régimes politiques. En effet, la révolution anglaise de 1688, qui a amené Guillaume d’Orande sur le trône, a imposé à son nouveau souverain de prendre l’engagement de respecter une déclaration de droits. La monarchie anglaise était donc désormais fondée sur le respect par le roi d’une sorte de contrat et cela en était fini de la souveraineté monarchique de droit divin. Puis, John Locke fit paraître en 1690, un Essai sur le gouvernement civil, qui aura une influence essentielle sur la pensée politique européenne. Son idée fondamentale est que si les hommes ont créé la société politique, ce n’est pas pour y être plus malheureux qu’à l’état de nature, mais au contraire, plus heureux. La société politique doit donc non seulement respecter les droits naturels (droit à la vie, liberté, propriété), mais aussi et surtout les protéger. En conséquence, le pouvoir qui viole ces droits devient illégitime, et le peuple a le droit de dénoncer ce pouvoir, au besoin par une révolution.

            Outre le modèle de la révolution anglaise qui donne place à la liberté des hommes et aux droits naturels, l’influence des auteurs anglais se fait aussi sentir en France. Ainsi, Adam Smith philosophe économiste écossais du XVIIIe siècle dont les oeuvres furent traduites en français, véhiculait l’idée selon laquelle : « le système simple et facile de la liberté naturelle vient se présenter de lui-même et se trouve tout établi. Tout homme, tant qu’il n’enfreint pas les lois de la justice, demeure en pleine liberté de suivre la route que lui montre son intérêt et de porter où il lui plaît son industrie et son capital, concurremment avec ceux de tout autre homme ou de toute autre classe d’homme »[20].

            Vient s’ajouter au modèle anglais, l’exemple de la guerre d’indépendance des Etats Unis. Ainsi, la déclaration d’indépendance des Etats Unis du 4 juillet 1776 déclare tenir : « pour évidentes par elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux, ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables, parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur »[21]. Outre le caractère solennel de la déclaration et de son contenu, cette dernière constitue de plus un exemple de constitution écrite et de mise en oeuvre de techniques propres à garantir la liberté, telle la séparation rigide des pouvoirs. Ceci explique pourquoi la Révolution commence par une mise en cause radicale des structures sociales. Les deux grands édifices promis par la Révolution à tous les citoyens sont la liberté et l’égalité. En abolissant le servage, elle libère l’homme. En supprimant les ordres et les privilèges, elle rétablit l’égalité.

            Cette crise de l’Ancien Régime sur le plan politique, institutionnel, fiscal est d’autant plus forte que la liberté, absente (ou presque) dans les contrats de l’Ancien Régime, semble être le facteur essentiel d’un développement économique important et durable. L’absence de liberté en générale et dans les contrats est ressentie comme un frein au progrès économique.

B.                Les évolutions économiques et commerciales

            Face à ces problèmes politiques et institutionnels, on observe durant tout le XVIIe siècle, un développement économique non négligeable (1), qui entraîne une contestation du système juridique ancien, trop contraignant. C’est pourquoi la théorie générale du contrat était perçue comme un facteur de développement du commerce et de l’industrie, de par le système qu’elle venait mettre en place (2).

1 -               Développement du commerce et de l’industrie

            Comme l’a si bien dit Portalis : « Un grand Etat comme la France, qui est à la fois agricole et commerçant, qui renferme tant de professions différentes et qui offre tant de genres divers d’industrie, ne saurait comporter de lois aussi simples que celles d’une société pauvre où plus réduite »[22]. « Les besoins d’une société sont si variés, la communication des hommes est si active, leurs intérêts sont si multipliés et leurs rapports si étendus, qu’il est impossible au législateur de pourvoir à tout »[23]. Il est vrai que la France de la période révolutionnaire connaissait une phase d’urbanisation et de développement du commerce. Or, l’absence d’unification du droit, les inconvénients d’un droit des contrats formalistes et l’absence de pouvoir centralisé paralysaient quelque peu le développement du commerce et de l’industrie, et par voie de conséquence, les progrès de la société toute entière. Ainsi, pour favoriser les échanges nécessaires au développement économique, il paraissait nécessaire d’écarter toutes les entraves à la liberté contractuelle. Ce sont les conventions elles-mêmes, par le libre jeu de l’offre et de la demande, qui devaient créer le juste. La justice contractuelle ne pouvait exister que dans une société qui laissait une place importante à la liberté des hommes dans l’organisation et la gestion de leur patrimoine et de leurs contrats. Dès lors, il fallait limiter, voire interdire toute intervention dans les libres contrats sous prétexte de nécessité économique.

            La théorie des obligations et des contrats est la mise en oeuvre juridique des rapports économiques entre les hommes. Elle régit les échanges de richesses et de services qui sont nécessaires à leur existence. Partout et toujours, la réglementation des contrats et des obligations est le reflet du régime et des institutions politiques, des moeurs et de la morale dominante, des structures et de la politique économique. Elle traduit une certaine philosophie de la vie sociale. Les contrats constituent le moteur même d’une économie libérale. La loi de l’offre et de la demande (qui suppose elle-même la concurrence et donc la liberté) assure non seulement l’adaptation du prix à la valeur, mais aussi celle de la production aux besoins. C’est pourquoi la liberté des conventions apparaissait comme un « passage obligé » propre à diriger la société vers un essor économique, commercial et industriel important.

2 -               La théorie générale des contrats, facteur de développement économique

            La théorie générale des contrats crée au titre III du livre III du code civil répond aussi à des besoins économiques. En effet, la liberté contractuelle et tout ce qu’elle sous-entend permet le développement efficace de l’économie. Les besoins des hommes les rapprochent et leurs contrats se multiplient autant que leurs besoins. Or, il n’est pas possible de tout prévoir et de tout réglementer. Alors deux solutions sont possibles : soit on énonce tout ce qui est autorisé, et, à défaut d’énonciation, le reste est interdit ; soit on énonce ce qui est interdit, et le reste est autorisé. C’est ce qu’on fait les codificateurs. En effet, pourquoi avoir fait une théorie générale du contrat et réglementer plus loin les quatre contrats les plus usités ? Il semble clair dans ce cas, que les codificateurs savaient qu’il existait une foule de contrats différents, et que d’autres verraient le jour dans les décennies à venir. Seulement, s’il est impossible de savoir quels seront les nouveaux types de contrats qui verront le jour après la promulgation du code, il est possible de déterminer des principes auxquels ces contrats devront répondre ; et ce dans un souci de respect des libertés, de la justice et de l’équité. Portalis plaide pour un droit attentif à l’évolution des moeurs. Pour lui, c’est dans le droit naturel et dans l’expérience que l’on doit rechercher les fondements des dispositions appelées à régir la vie des hommes entre eux et avec les choses[24]. C’est pour cette raison que la théorie générale des contrats fut instituée sur le fondement de dispositions de droit naturel, garanties par le droit objectif. C’est une conception fondée sur le libéralisme économique : L’Etat doit laisser faire, laisser passer. Permettre aux hommes d’aménager à leur gré leurs échanges de richesses et de services (en droit : leur permettre de contracter comme ils l’entendent) est le meilleur moyen d’établir entre eux les rapports les plus justes et les plus utiles.

 

            Cette montée en puissance de la liberté en tant que concept et en tant que droit naturel et l’espoir qu’elle a pu faire naître chez des hommes avides de changement et de reconnaissance au sein d’une société qu’ils contestaient de plus en plus, s’est répercuté sur le droit des contrats. En effet, les codificateurs ont sans conteste voulu laisser une place importante à la liberté des hommes dans la gestion de leurs intérêts particuliers. Cette liberté, à l’époque, était considérée comme le meilleur moyen d’assurer une justice contractuelle et un développement économique conséquent.

SECTION  II.          La liberte dans la theorie generale du contrat

            La Liberté, conquise pendant la période révolutionnaire, apparaît donc comme le principe amenant à une société plus juste, plus stable et plus développée. C’est pourquoi les codificateurs n’ont pas eu de peine à consacrer le principe de la liberté dans le droit des contrats. Force est de constater que ce faisant, ils ont opéré une rupture avec le système de l’Ancien Régime (§ 1). Mais cette théorie générale du contrat, telle que nous la connaissons aujourd’hui, n’est pas le fruit du seul travail des codificateurs. Les influences des juristes du XVIIIe siècle, les apports de la Révolution et certaines solutions du droit romain ont aussi inspiré le titre III du livre III du code civil (§ 2).

§  1.          Une théorie marquant la rupture avec le système de l’ancien régime

            Le droit des contrats qui existait dans l’Ancien Régime était inspiré du droit romain, réputé formaliste, ce qui présentait certains inconvénients (A). La théorie générale des contrats, même si elle ne constitue pas un revirement complet de situation, marque tout de même un grand changement par rapport aux solutions anciennes. En outre, cette volonté de changement pour donner place forte à la liberté, principe central de la théorie générale des contrats, a aussi été provoquée par certains apports de la Révolution, notamment par la Déclaration des Droits de l’Homme qui présente une nouvelle vision des droits de l’homme (B).

A.                Les inconvénients du système romain

            On observe que le droit romain des contrats était un droit essentiellement formaliste, ce qui ne laissait qu’un rôle limité à la volonté des parties (1). Cependant, il ne faut pas négliger l’apport du droit romain dans la théorie générale du contrat puisque dès cette époque, les prémisses du consensualisme se font sentir (2).

1 -               Un formalisme contraignant

            Le droit romain n’a jamais admis le consensualisme comme règle générale. Même à l’époque classique, le mode le plus fréquent de formation du contrat restait la stipulatio, contrat solennel résultant de l’échange de paroles solennelles entre le créancier et le débiteur. Le droit franc, quant à lui ( issu en grande partie des coutumes germaniques ) ne connaissait que les contrats réels ou formels. Il en était de même pendant l’époque féodale où les engagements se formaient par des actes symboliques, par le prononcé de formules consacrées ou par serment, dont le formalisme avait été soigneusement organisé par l’Eglise. A Rome, la volonté humaine était, en principe incapable, réduite à elle-même, de créer des obligations. L’idée essentielle du formalisme romain était que la volonté, par elle-même, était quelque chose de trop abstrait, qu’elle exposait à des incertitudes. Elle ne pouvait produire d’effets que si elle était concrétisée par des faits matériels sensibles. De là viennent les trois anciennes catégories de contrats : Le contrat verbis (formule orale : stipulatio), le contrat litteris (formule inscrite sur le registre du pater), et le contrat re (remise de la chose). Il existait aussi des pactes dépourvus de sanction judiciaire.

            Dans le régime primitif, le créancier pouvait se trouver dans deux situations : soit il était titulaire d’une créance sanctionnée par le jus civile (droit strict de la cité) et il avait alors un droit très fort sur le débiteur (emprisonnement, esclavage, vente ou mise à mort) ; soit sa créance n’était pas sanctionnée par le droit civil et en cas de contestation, il n’avait pas d’autre recours que l’arbitrage d’un tiers. Dès lors, en dehors des types de contrats existant, le simple pacte conventionnel était dépourvu d’action (tout comme pour les actions délictuelles). Cependant, pour pallier les inconvénients du formalisme et du droit de la cité, la notion d’obligation naturelle est apparue à Rome. L’obligatio naturalis a été imaginée pour atténuer le principe que l’esclave, n’ayant pas de personnalité juridique, ne pouvait s’obliger par des contrats selon le droit civil : il le pouvait selon le droit naturel, en ce sens qu’après son affranchissement il était tenu d’une obligation naturelle, dont le paiement étant valable et n’était pas traité comme donation. Dès lors, si le seul consentement ne pouvait faire naître d’obligation civile, il faisait naître une obligation naturelle. La notion fut étendue dans bien d’autres cas, mais sans systématisation. Cela démontre tout de même que les notions de droit naturel et de respect de la parole donnée existaient déjà en droit romain.

2 -               Les prémisses du consensualisme

            Malgré tout, force est de constater que dès l’époque du droit romain, le consensualisme avait trouvé sa place et son rôle. En effet, par ses conquêtes, Rome est vite devenue une grande cité commerciale en contact avec tous les territoires méditerranéens. L’ancien régime formaliste des contrats est bientôt apparut insuffisant pour faire face à des opérations nouvelles, souvent traitées entre absents. Afin de répondre aux besoins économiques croissants, il a été alors admit, vers le VIIe siècle, quatre types de contrats consensuels : la vente, le louage (sous toutes ses formes), le mandat et la société. Dès lors, le principe du consensualisme a été accepté pour les quatre types de contrats les plus importants et les plus utilisés dans la vie contractuelle. Mais cette nouveauté avait plus un caractère pratique que philosophique : il ne semble pas que les romains aient voulu donner une force normative ou créatrice d’obligation à la seule volonté des parties. N’oublions pas non plus que le formalisme était la règle, et le consensualisme, l’exception. Toutefois, si le pacte nu, c’est à dire dépourvu de formes requises, laissait le créancier dépourvu d’action civile, on admettait tout de même qu’il y avait eu naissance d’une obligation naturelle. Ainsi, dès cette époque, l’échange d’accords faisait naître une obligation morale de respect de la parole donnée. Cela montre aussi quelle a été l’oeuvre indirecte des canonistes dans la formation de la théorie des contrats : on voit l’influence de la règle morale qui voudrait se faire reconnaître comme règle juridique. Selon des principes d’équité, il paraissait injuste de déclarer nulle une convention pour simple défaut de formes quand l’accord des volontés était certain. De plus, le respect de non-respect de la parole donnée, quelle que soit la forme que prend cette parole, représentait un parjure.

            La théorie générale du contrat n’existe pas en droit romain. Malgré une tentative  d’introduction du consensualisme dans le droit, jamais les conventions n’ont cessé d’être subordonnées au droit de la cité. Jamais le droit romain n’est parvenu à donner à la volonté nue, le pouvoir d’engendrer des obligations. Jamais les jurisconsultes romains n’ont élaboré une théorie dans le seul but de faire annuler ce qu’un consentement vicié n’avait pu vouloir. Quant à l’interprétation des conventions pour la recherche de la volonté des parties, qui est l’un des principes fondamentaux de notre droit des contrats, le droit romain y fut totalement étranger. Cependant, beaucoup de dispositions du Code civil sont la traduction presque textuelle de solutions romaines. A titre d’exemple, on peut souligner qu’à Rome, les contrats consensuels obligeraient les parties l’une envers l’autre ex bono et aequo, c’est à dire à tout ce qu’exigeait l’équité et le bien. Mais plutôt qu’une théorie générale du contrat, les romains avaient envisagé les divers contrats compris comme des opérations concrètes dont les effets dépendaient plus de la nature de chacune que de la volonté des parties. Ainsi, aujourd’hui, à l’étroitesse du principe primitif a succédé un principe plus large : tous les rapports obligatoires quelconques, pourvu qu’ils satisfassent aux conditions d’existence et de validité posées par la raison et la nature des choses, sont sanctionnés par le droit, à condition qu’ils ne soient pas contraires ni à l’ordre public, ni aux bonnes moeurs.

            Même si le droit romain, comme nous venons de le voir, avait mis en place une ébauche de système consensualiste (pour certains contrats seulement), on constate que son influence reste en deçà de celle que représente la nouvelle conception des droits de l’homme. C’est parce que la société a reconnu certains droits naturels inhérents à l’homme, que la théorie des contrats a pris pour fondement logique la liberté.

B.                Une théorie marquant une nouvelle conception des droits de l’homme

            Outre le remaniement du droit des contrats par rapport au droit de l’Ancien Régime, le code civil, à travers le titre III du livre III donne une certaine place aux principes conquis, énoncés puis promulgués lors de la Révolution. Dès lors, le droit des contrats devra se plier aux règles de liberté et d’égalité des hommes (1), ainsi que se plier à une nouvelle conception de la propriété (2), issue notamment de la Déclaration des droits de l’homme de 1789.

1 -               La liberté et l’égalité mises en avant

            L’article premier de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen doit certainement être le texte de droit le plus connu en France : « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits »[25]. Cet article met en lumière les deux principaux édifices voulus et conquis par la Révolution française. La liberté et l’égalité des hommes deviennent ainsi des principes immuables qui devront guider le législateur dans son oeuvre. En effet, l’article 2 de la Déclaration énonce que : « le but de toute association politique est la conservation de droits naturels et imprescriptibles de l’homme »[26]. Dès lors, les codificateurs ont aussi été contraints de respecter ces deux principes lors de l’élaboration de la théorie générale des contrats. Seulement, dans la vision des contrats telle qu’elle existait après la Révolution, l’égalité au sein des relations contractuelles, découlait obligatoirement du principe de la liberté. Comme les hommes étaient libres de contracter ou non, de déterminer un nouveau type de contrat si besoin, de fixer le contenu de leur convention, ils ne pouvaient être qu’égaux dans leurs rapports. En effet, à l’acheteur qui se trouvera dans le besoin d’acheter, s’opposera un vendeur qui aura besoin de vendre : si tous les deux veulent obtenir satisfaction, ils devront trouver un accord. Dès que l’accord sera conclut, il ne pourra être qu’égalitaire et équitable, puisqu’il aura été accepté et consenti.

            La doctrine du XVIIIe siècle se résume dans l’affirmation de droits individuels contre l’Etat. Ainsi, la société doit reconnaître à l’homme la liberté qui lui appartient naturellement. La théorie du contrat social si bien exprimée par Rousseau dit, pour le droit public, ce que dit la liberté des conventions pour le droit privé : l’homme s’enchaîne par sa volonté et ne peut le défaire qu’ainsi. Si la volonté humaine est assez puissante pour créer la société et les obligations générales qui en découlent, elle l’est aussi et à plus forte raison pour créer les obligations particulières qui assujettissent un débiteur à son créancier. C’est pourquoi, selon la philosophie économique et libérale, l’Etat doit laisser faire et laisser passer.

2 -               L’influence de la nouvelle conception de la propriété

            Le code civil offre une nouvelle conception du droit des contrats, qui n’est pas sans rapport avec la place que les codificateurs ont désiré donner au droit de propriété. En effet, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 énonce clairement dans son article 17 que : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé... ». Dans le système féodal qui a dirigé la France pendant des siècles, le territoire français était la propriété du Roi, qui en disposait comme bon lui semblait. Avec la Révolution française, l’abolition des privilèges, la promulgation de la Déclaration des droits de l’homme, cette conception de la propriété s’est transformée. Comme l’a dit Portalis : « Dans les Etats despotiques, où le prince est propriétaire de tout le territoire, où tout le commerce se fait au nom du chef de l’Etat et à son profit, il y a plus de juges et de bourreaux que de lois »[27].La propriété est à ce moment considérée comme le droit le plus absolu et le plus sacré. Or, le contrat (en général) est un instrument de la propriété : c’est à travers l’utilisation du contrat que l’on use et que l’on abuse de son droit de propriété : la vente, le bail, la donation... C’est donc aussi pour protéger les propriétaires que le contrat s’est vu offrir une théorie générale fondée sur la reconnaissance de certains droits naturels. Les contrats et les successions sont les grands moyens d’acquérir ce que l’on a pas encore et de disposer de ce que l’on a. D’ailleurs, le titre III du code civil, qui énonce la théorie générale du contrat, se situe dans le livre III du code, dont l’intitulé est : «  Des différentes manières dont on acquiert la propriété ». C’est dire si la propriété et la volonté de protéger les relations contractuelles touchant à la propriété ont influencé les codificateurs. Ainsi que le soulignait Portalis lui-même : « En traitant des contrats, nous avons d’abord développé les principes de droit naturel qui sont applicables à tous »[28], et ce, pour assurer le respect de certains principes fondamentaux tels que la bonne foi, le respect des bonnes moeurs, la liberté de disposer de ses biens...

 

            La théorie générale des contrats fondée sur l’idée d’un individu libre dans ses rapports avec les tiers marque ainsi une rupture avec le système qui existait avant la Révolution. Mais après avoir étudié les prémisses de cette théorie au sein de l’Ancien Régime et de la Révolution, on se doit d’étudier de plus près les influences directes, notamment celles des différents juristes de l’époque, qui ont entraîné le titre III du livre III tel qu’il a été rédigé par les codificateurs.

 

§  2.          Sens et essence de la théorie générale du contrat

            L’idée d’une théorie générale des contrats fondée sur le principe de liberté des conventions et de la liberté contractuelle ne s’est pas faite en une décennie de travaux préparatoires et de projets de codes. L’influence des juristes des XVIIe et XVIIIe siècle est aussi importante (A). Grâce à leurs travaux et à ceux des codificateurs, un droit des contrats fondé sur un système volontariste est né (B).

A.                L’apport des juristes du XVIIIe siècle

            L’impact des travaux de Pothier et des codificateurs est sans conteste très important (2). Mais il ne faut pas non plus négliger les juristes du XVIIe siècle qui ont eux-mêmes influencé le « père du code civil » et les rédacteurs du Titre III du Livre III (1).

1 -               Les juristes précurseurs du XVIIIe siècle

            Domat, avocat du Roi au présidial de Clermont Ferrand, a écrit les Lois civiles dans leur ordre naturel en 1689, ouvrage qui préfigure la codification de 1804. Chrétien, il croît au droit naturel et en la raison. Il raisonne en trois temps. Il commence par mettre en lumière les principes naturels et immuables de l’équité comme le sont par exemple, les vérités générales : qu’il ne faut faire de tort à personne, qu’il faut rendre à chacun ce qui lui appartient, qu’il faut être sincère dans les conventions et fidèle en toutes sortes d’engagement... Il examine ensuite les relations entre les lois et les faits afin de  composer une science qui a pour objet tout ce qui se passe dans la société des hommes et qui peut faire naître entre eux des différends ou des difficultés. Enfin, il confronte les principes aux faits, pour établir des lois justes et équitables, propres à chaque situation déterminée.

            Il applique le même syllogisme pour le droit des contrats où l’équité, la justice et la liberté ont une grande importance. Il prône un droit des contrats fondé sur la volonté libre des hommes (due à la liberté des hommes reconnue comme droit naturel). Ainsi, selon lui : « les conventions étant des engagements volontaires qui se forment par le consentement, elles doivent être faites avec connaissance et liberté et si elles manquent de l’un ou de l’autre de ces caractères, comme si elles sont faites par erreur ou par force, elles sont nulles... »[29]. De sa vision volontariste du contrat, il en déduit le principe de libre détermination du contenu du contrat : «  Comme les conventions sont arbitraires et se diversifient selon les besoins, on peut, en toutes sortes de conventions, de contrats et de traités, ajouter toutes sortes de pactes, conditions, restrictions, réserves, quittances générales ou autres... »[30]. Il parle aussi de l’égalité naturelle car pour lui, tous les hommes sont égaux par nature, et cette égalité doit régner dans les textes du droit : égalité de situation des cocontractants, égalité dans le partage des successions (puisque engagements et successions sont les deux modes principaux d’accession à la propriété).

            Daguesseau, qui fût le père spirituel de Pothier avait aussi amorcé l’idée d’un droit des contrats fondé sur les droits naturels de l’homme que sont la liberté et l’égalité. Il fût très influencé par Domat et sa conception moraliste du droit. Ainsi, il énonçait que : « tous les devoirs réciproques de l’homme à l’égard de l’homme se réduisent à ces deux grandes règles, où se trouve tout ce qui est nécessaire pour la perfection et pour le bonheur, soit de chaque homme considéré séparément, soit de la société entière du genre humain : je ne dois jamais faire aux autres ce que je ne voudrais pas qu’ils fissent contre moi ; je dois pareillement agir pour leur avantage, ainsi que je désire qu’ils agissent toujours pour le mien »[31]. C’est dire si le travail des juristes du XVIIe siècle était prometteur. Dès cette époque, les juristes souhaitaient que la liberté soit le principe central du droit des contrats. La liberté selon eux permettait la justice au sein du contrat.

2 -               Pothier et les rédacteurs du code civil

            Pothier, appelé « père du Code civil », était professeur à l’université d’Orléans. Il était janséniste gallican, il méprisait les richesses et la philosophie des Lumières dont il ne parlait qu’avec indignation. Il donne une définition du contrat, qui sera presque entièrement reprise par les codificateurs. Le contrat serait : « ... une convention par laquelle les deux parties réciproquement ou seulement l’une des deux, promettent et s’engagent envers l’autre à lui donner quelque chose ou à faire ou à ne pas faire quelque chose »[32]. On retrouve en outre chez lui, un certain nombre de règles morales en honneur chez Domat et Daguesseau. En effet, selon lui, l’équité doit régner dans les conventions. De plus, il énonce que : « tout engagement doit avoir une cause honnête », et que : «  Lorsque la cause pour laquelle l’engagement a été contracté, est une cause qui blesse la justice, la bonne foi ou les bonnes moeurs, cet engagement est nul, ainsi que le contrat qui le renferme »[33]. On peut donc dire que ses écrits (et notamment son traité des obligations) ont largement inspiré les codificateurs qui sont aller parfois jusqu’à reprendre ses propres mots et expressions.

            Il adopte, au nom du droit naturel qu’il défend, les principes volontaristes modernes : « la convention est formée par la volonté des parties contractantes... Il n’y a que les promesses que nous faisons avec l’intention de nous engager... qui forment un contrat ou une convention »[34]. Dès lors, pour lui, le serment n’est qu’un accessoire de la promesse, l’engagement vaut par lui-même. En ce qui concerne l’effet relatif des conventions, il énonce que : « une convention n’a d’effets qu’à l’égard des choses qui ont fait l’objet de la convention et seulement entre les parties contractantes »[35]. Et concernant l’interprétation des conventions, il expose que : « On doit, dans les conventions, rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes plus que le sens grammatical des termes »[36]. On peut donc dire que les travaux de Pothier ont largement facilité la tâche des codificateurs qui avaient à leur disposition une théorie des vices du consentement, de l’effet relatif des conventions, de la cause dans les contrats et de la recherche de l’intention des parties dans le contrat.

            L’influence de ces différents juristes précurseurs des XVIIe et XVIIIe siècle est flagrante. Beaucoup de dispositions du titre III sont la réplique presque exacte de leurs écrits. Cette influence a donc permis la reconnaissance de la liberté dans les contrats, et donc de ce fait, l’instauration d’un système volontariste dans le code civil.

B.                Instauration d’un système volontariste dans le code civil

            Les codificateurs semblent s’être inspirés des travaux des juristes suscités, et de la philosophie libéraliste de la Révolution. Ils ont, à travers le titre III du livre III, instauré un système volontariste au sein du droit des contrats (1), système qui, il faut tout de même le souligner, présente aussi des avantages sur le plan politique (2).

1 -               Place à la volonté et la liberté dans le droit des contrats

            Les trois directions de travail des codificateurs ont été l’unification des sources, la recherche de l’ordre et la transformation du contenu. Comme nous l’avons vu, l’unification des sources et la recherche de l’ordre sont désormais tributaires du rôle qui est attribué à la loi : seule source du droit, elle permet le fonctionnement cohérent du pays et la légitimité de l’ordre établi (puisqu’elle est l’émanation de la somme des volontés individuelles). Mais pour ce qui est de la transformation du contenu, le travail était différent. Même si l’influence des juristes des XVIIe et XVIIIe siècle est certaine, il ne faut pas croire que le droit romain et les coutumes ont été bafoués par l’oeuvre de la codification. Ainsi, le premier mouvement des codificateurs a été un mouvement de généralisation. Les jurisconsultes ont dégagé des différents statuts spéciaux des contrats romains, des règles plus ou moins communes qu’ils ont fini par appliquer à l’ensemble des contrats. En une vaste synthèse, s’est ainsi constitué un droit commun composé de règles applicables à tous les contrats. L’octroi à toute personne d’un droit général d’action et la consécration du principe de la liberté contractuelle ont été la conclusion du travail de généralisation et d’abstraction de principes généraux opérés par les codificateurs. Ils ont, logiquement, étendu à tous les contrats les règles du consensualisme qui étaient nées déjà dans le droit romain. En outre, est-ce qu’un système autre que celui fondé sur la liberté des contractants et sur des principes de droit naturel et de règles morales aurait pu sembler légitime dans l’unification du droit ? Dans le contexte économique, politique et philosophique de la codification, l’instauration d’un système contractuel fondé sur la liberté ne pouvait être que bien accueillie, voire fortement désiré. Les rédacteurs du Code civil ont donc moins recherché à se faire des concessions mutuelles entre romanistes et auteurs coutumiers qu’à puiser, dans chaque législation, les règles conformes à la raison.

            Ainsi, Portalis disait bien que : « En général, les hommes doivent pouvoir traiter librement sur tout ce qui les intéresse. Leurs besoins les rapprochent : leurs contrats se multiplient autant que leurs besoins. De là cette foule de contrats connus, dans les lois romaines, sous le titre de contrats innommés. La liberté de contracter ne peut être limitée que par la justice, par les bonnes moeurs, par l’utilité publique »[37]. Puis, il précisait bien que : « l’office de la loi est de nous protéger contre la fraude d’autrui, et non pas de nous dispenser de faire l’usage de notre propre raison. S’il en était autrement, la vie des hommes sous la surveillance des lois ne serait qu’une longue et honteuse minorité, et cette surveillance dégénérerait elle-même en inquisition »[38]. Les codificateurs ont donc bien entendu mettre en place un système de liberté et de volonté dans le droit des contrats.

2 -               Les avantages politiques à la reconnaissance d’une certaine liberté contractuelle

            On peut se demander en quoi la liberté et l’égalité juridiques ont un dessein politique. On peut dire que c’est parce que l’égalité des droits et la suppression des privilèges renforcent le rôle et la supériorité de l’Etat, seul détenteur de la puissance publique. Dès lors, par les décrets du 04 août 1789 et du 15 mars 1790, l’égalité de tous est admise, sans distinction de race, d’origine, de religion ou de fortune. Toutes les distinctions honorifiques et les institutions féodales sont supprimées. Ainsi, l’homme libre et égal à ses semblables, doit être capable de définir, dans une relation égalitaire, d’homme à homme, les intérêts réciproques. L’Etat n’a pas à intervenir activement dans la sphère des activités économiques, qui relèvent pleinement de l’ordre des intérêts privés. Le rôle de l’Etat doit se limiter à supprimer les privilèges, à garantir et à consacrer l’égalité civile et surtout à favoriser le jeu normal des échanges en veillant à ce que l’activité économique ne soit pas troublée. Il a un rôle de police, il est garant de la liberté, de l’égalité formelle et de la propriété, conditions nécessaires à l’exercice de l’activité économique.

            Ainsi, le principe de la liberté en droit des contrats est né progressivement et a été amené lentement dans les esprits par les différentes philosophies des XVIIe et XVIIIe siècles, permettant ainsi la reconnaissance de droits naturels dans la théorie générale des contrats, afin de favoriser le développement économique, la stabilité politique et le respect des droits de chacun. Toutefois, on observe que les doctrines du XIXe siècle on poussé le principe de liberté dans les conventions très loin, ce qui a pu amener à une certaine déformation de la volonté première des codificateurs : le maintien d’une certaine justice contractuelle par le biais de la reconnaissance de la liberté contractuelle.

CHAPITRE  II.          La théorie de l’autonomie de la volonté pronant de la liberte absolue dans les contrats

            La théorie de l’autonomie de la volonté est fondée sur le principe de liberté absolue dans les contrats. Ce principe devrait dès lors à lui seul permettre une certaine justice contractuelle puisque, de cette liberté, découlerait automatiquement l’égalité des contractants. C’est pourquoi cette théorie, qui explique beaucoup des dispositions du code civil s’est très vite développée au XIXe siècle (Section I). Cependant, on observe que celle-ci, poussée dans ses raisonnements les plus profonds, présente quelques incertitudes, quelques inconvénients, et qu’elle n’est pas forcément le gage d’une justice contractuelle (Section II).

SECTION  I.          La théorie de l’autonomie de la volonte favorable a la liberte absolue des contractants

 

            Cette théorie s’est d’abord développée en droit international privé, pour ensuite étendre ses fondements au droit civil (§ 1). Elle offre ainsi une nouvelle vision du contrat et lui donne un nouveau rôle : celui de créer des normes subjectives (§ 2).

 

§  1.          Apparition et fondement de la théorie

            Contrairement à ce qu’on pourrait penser, la théorie de l’autonomie de la volonté n’est pas née avec le titre III du livre III, elle est le fruit du travail des internationalistes (A). C’est seulement ensuite qu’elle s’est étendue au droit civil, et plus précisément au droit des contrats (B).

A.                Naissance de la théorie

            La théorie de l’autonomie de la volonté est apparue en premier lieu chez les internationalistes vers le milieu du XIXe siècle (1), pour ensuite être reprise par les civilistes et s’appliquer à la théorie générale du contrat (2).

1 -               Apparition de l’autonomie de la volonté en droit international privé

            L’idée d’autonomie de la volonté ne s’est véritablement imposée dans le droit français que dans les deux dernières décennies du XIXe siècle. Il a fallut la conjoncture des travaux des spécialistes du droit international privé et les progrès de la théorie de la volonté pour que les civilistes adoptent cette nouvelle terminologie. Au milieu du XIXe siècle, la doctrine de droit international privé parle de plus en plus de l’autonomie des parties ou des contractants à propos des conflits de lois. L’avocat Foelix publie en 1843 le premier Traité de droit international privé où il emprunte à des auteurs allemands les termes d’autonomie des citoyens[39]. Mais c’est seulement dans les années 1880 que les internationalistes, considérant la volonté des contractants comme créatrice de droits, vulgarisent l’expression d’autonomie de la volonté. Le juriste belge Laurent, quant à lui, systématise la théorie selon laquelle les parties peuvent choisir la loi applicable à leur contrat, de même qu’elles choisissent les autres clauses de leurs conventions. Il fonde ce principe sur la liberté naturelle de l’homme et sur l’article 1134 du code civil[40].

2 -               Importance et impact de la théorie en droit des contrats

            L’importance du droit des contrats dans un système juridique n’est pas négligeable. Dans les pays qui élaborent une législation civile unifiée, le droit de contrats et le droit des obligations sont en général les premiers codifiés (en Suisse en 1881, en Turquie en 1869)[41]. En effet, sur le plan pratique les contrats permettent et règlent les rapports économiques entre les hommes, les échanges de richesses, de biens et de services nécessaires à leur coexistence. Aucun homme ne peut se vanter d’échapper au contrat : tous les hommes achètent à manger, travaillent, se logent... En outre, sur le plan juridique les principes fondamentaux du droit des contrats ne dominent pas seulement tout le droit civil, mais aussi l’ensemble du droit privé, et particulièrement le droit commercial où les principes de bonne foi, de respect de l’ordre public, de loyauté et d’honnêteté dans les contrats existent aussi. Enfin, sur le plan social le droit des contrats est le reflet du régime et des institutions politiques, de la part de liberté accordée à l’homme dans la gestion de ses droits et de ses biens.

            Selon la théorie de l’autonomie de la volonté appliquée au droit des contrats, la société ne doit plus être constituée que d’hommes entre lesquels les relations sociales ne peuvent être organisées que sur un fondement volontaire, c’est à dire contractuel. Selon la doctrine économique libérale, qui a développé la théorie de l’autonomie de la volonté, le développement du commerce et de l’industrie, la division du travail, la spécialisation entraînent la multiplication des échanges. Or, pour favoriser ces échanges, qui sont nécessaires à un développement économique important, il faut écarter toutes les entraves à la liberté contractuelle. Cette théorie se situe donc en ligne directe avec la volonté des codificateurs d’assurer une certaine justice contractuelle dans le droit des contrats : fondée sur la liberté absolue (dévolue à tout homme comme droit naturel), elle permet aux hommes d’organiser leurs rapports comme ils l’entendent ( tout en respectant l’ordre public et les bonnes moeurs) dans le but de développer l’économie, d’assurer une stabilité et une légitimité au pouvoir central régulateur, tout en assurant le respect de principes fondamentaux tels que la liberté et la propriété.

            La théorie de l’autonomie de la volonté a en outre une valeur morale. En effet, les hommes étant égaux et libres, le contrat librement débattu est nécessairement équitable et toute entrave du législateur compromet cet équilibre et emporte une injustice. Mais elle a aussi une valeur économique. En effet, l’homme ne fera preuve d’initiative dans ses entreprises que s’il contracte librement, que s’il règle lui-même, à sa guise, ses activités.

            Cette théorie, apparue en droit international privé, s’est fortement développée en droit des contrats. Cet impact peut être expliqué par le fait que la théorie de l’autonomie de la volonté se fonde essentiellement sur la liberté des hommes, principe cher aux révolutionnaires et (dans une moindre mesure), aux codificateurs.

B.                La liberté absolue comme fondement de la théorie

            La théorie de l’autonomie de la volonté repose sur l’idée que la liberté absolue des parties dans la création et l’exécution du contrat est le meilleur moyen d’assurer une certaine justice contractuelle, c’est à dire de permettre une certaine équité et un certain équilibre dans les contrats (1). En outre, l’égalité censée régner de ce fait dans le contrat est soutenue par une égalité de droits (2).

1 -               La liberté absolue comme gage de justice contractuelle

            Comme nous l’avons déjà vu, l’esprit du code civil à travers le titre III du livre III peut être considéré comme un esprit de justice contractuelle. En effet, les codificateurs ont entendu reconnaître la liberté de l’homme en tant que droit naturel et l’appliquer au droit des contrats en mettant en place la théorie générale des contrats qui prône le principe de la liberté des conventions : les hommes peuvent contracter comme ils veulent, sous les formes qu’ils veulent et avec qui ils veulent. L’article 1107 du code civil nous montre bien la porte ouverte laissée par les rédacteurs du code : quelle que soit la forme du contrat, qu’il soit dénommé ou non, celui ci devra respecter les dispositions du titre III. Les tenants de la théorie de l’autonomie de la volonté ont déduit des articles composant la théorie générale du contrat, que l’homme, lorsqu’il entend contracter avec un tiers, dispose d’une liberté quasi absolue. Ainsi, les hommes étant parfaitement libres dans les contrats qu’ils choisissent de passer, leurs obligations contractuelles ne peuvent être qu’équitables et égalitaires, puisqu’elles auront été librement débattues et acceptées. Dès lors, du principe de liberté au sein des conventions, les partisans de la théorie de l’autonomie de la volonté en ont déduit le principe d’égalité dans les contrats. Les hommes sont forcément égaux dans leurs rapports contractuels puisqu’ils sont libres de contracter ou non, de déterminer le contenu de leur contrat et de choisir leur contractant.

2 -               La liberté relayée par l’égalité des droits

            La Révolution avait pour dessein de faire reconnaître la liberté et l’égalité des hommes. La liberté, nous l’avons vu, s’est répercutée dans la théorie générale du contrat. Mais l’égalité conquise par la Révolution est surtout une égalité de droit. En effet, l’article premier de la déclaration des droits de l’homme dispose bien que : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit... ». Certes, les privilèges sont supprimés, le servage est aboli et dès lors, les hommes sont égaux. Mais cette égalité se limite aux droits et prérogatives dont ils disposent. L’inégalité de fait, l’inégalité économique existait avant la Révolution, mais aussi après. Durant les décennies qui suivirent la promulgation du code, les inégalités sociales, économiques, culturelles ne se sont pas éteintes. Cependant, l’égalité de droit étant acquise, les défenseurs de la théorie de l’autonomie de la volonté ont pensé que la liberté dans le droit des contrats permettrait de gommer ou d’atténuer les inégalités de fait. En effet, les hommes ayant les mêmes droits et la même part de liberté, ils ne pouvaient être que sur un pied d’égalité au sein de leur contrat et les inégalités de fait seraient effacées par les concessions réciproques des deux parties qui ont intérêt à contracter.

 

            Force est de constater que cette théorie, qui trouve une justification à bien des dispositions du titre III du livre III a très vite trouvé des adeptes en droit civil. Fondée sur une philosophie individualiste et libérale, elle permet de placer la volonté des hommes et leur liberté en avant. C’est sans doute la raison pour laquelle elle s’est si vite développée en droit civil, et plus particulièrement en droit des contrats.

§  2.          Essor de la théorie en droit civil

            La théorie de l’autonomie de la volonté appliquée au droit des contrats entraîne plusieurs principes. D’une part, la volonté de l’homme doit être toute puissante dans la création du lien contractuel (A). D’autre part, de cette volonté toute puissante découle certains axiomes propres à régir l’ensemble du contrat (B).

A.                La volonté toute puissante

            Le fait que la volonté soit toute puissante implique deux choses. La première est que la volonté est la seule source des droits subjectifs (1). La deuxième est que l’expression libre de la volonté ne peut être que gage d’équité et d’égalité dans le contrat (2).

1 -               La volonté comme seule source de droits subjectifs

            La philosophie individualiste prône entre autre que l’homme doit être la seule source du droit subjectif. Il faut donc nécessairement présupposer que l’homme a des droits naturels, antérieurs à ceux de la société et dont le principal est justement la liberté. Ainsi, l’homme étant maître de ses opinions et de ses actes, il est l’origine du droit. Selon le principe de l’autonomie de la volonté, les hommes se voient reconnaître le pouvoir de définir eux-mêmes, comme ils l’entendent, le contenu et les modalités de leurs conventions, sur base de leurs seuls intérêts, et ce, sans être soumis à des contraintes légales. Cela suppose que l’homme soit reconnu comme un être libre ayant la capacité de disposer de sa personne et de ses biens. Dès lors, les droits subjectifs dont disposent les hommes, et les devoirs et obligations qui s’y rattachent ne peuvent naître que de la volonté du débiteur : là où un homme n’aura pas voulu s’engager, il n’y aura pas d’obligations. C’est ainsi que les plus grands défenseurs de la théorie de l’autonomie de la volonté voyaient dans la volonté des hommes, la source des droits subjectifs. Cette théorie était confortée par l’article 1134 alinéa 1er du code civil qui dispose que : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Ces derniers en ont conclu que les codificateurs de 1804 avaient entendu donner au contrat, le même pouvoir de contrainte et la même obligation de respect que pour la loi. Ainsi, les contrats seraient la source des droits subjectifs de l’homme au même titre que la loi est source des droits objectifs de ce dernier.

            Durant tout le XIXe siècle, cette interprétation volontariste débordera d’ailleurs largement le régime du contrat. Les institutions les plus diverses, malgré leur réglementation purement légale, seront analysées comme des contrats tacites. Ainsi, par exemple, le régime légal des biens des époux mariés sans contrat était réputé avoir été tacitement choisi par les jeunes mariés, la dévolution légale des biens du défunt à ses proches était censée avoir été explicitement acceptée et même choisie par le de cujus en l’absence de dispositions contraires, la prescription de l’action en nullité résultait de l’accord tacite de maintien du lien contractuel[42].

2 -               La volonté libre source d’égalité et d’équité contractuelle

            La théorie de l’autonomie de la volonté enseigne que celle-ci ne doit être limitée que pour des motifs impérieux d’ordre public et que ces restrictions doivent être réduites au minimum, que les intérêts privés librement débattus concordent avec le bien public et qu’aucune injustice ne peut naître du contrat puisque les obligations sont librement assumées. Ainsi, les hommes étant tous libres dans leurs rapports contractuels, ils sont par conséquent égaux. En effet, les deux parties au contrat sont soumises aux mêmes contraintes légales (bonnes moeurs, respect de l’ordre public, bonne foi) et sont libres dans les mêmes proportions. Dès lors, leurs rapports et les obligations qu’ils vont faire naître ne pourront être qu’équitables et égales. Si les deux parties ne peuvent s’entendre sur les dispositions et conditions du contrat, elles ne contractent pas et / ou recherchent un autre contractant. Les dispositions du contrat étant librement choisies, débattues et assumées, les parties sont sur un pied d’égalité dans la discussion précontractuelle et elles ont forcément des rapports équitables dans l’exécution du contrat. Cette solution semble logique puisqu’un cocontractant libre de choisir et d’accepter le contrat n’ira pas choisir et accepter un contrat qui irait à l’encontre de ses intérêts, ou qui ne mettrait en position de forte infériorité par rapport à son partenaire. C’est pourquoi, selon la théorie de l’autonomie de la volonté, la liberté absolue dans le contrat entraîne l’égalité des parties et l’équilibre des prestations et donc est source de justice contractuelle.

            La volonté libre, comme nous venons de le voir, est l’idée maîtresse de la théorie de la volonté. Elle permet des rapports égalitaires et juste. De cette volonté toute puissante, naissent les principes devant dès lors régir tout le droit des contrats.

B.                Les axiomes découlant de la théorie de l’autonomie de la volonté

            La théorie de l’autonomie de la volonté part du principe de la liberté absolue dans les contrats et tire deux séries de conséquences à ce principe. Tout d’abord au niveau de la formation du contrat, les seules règles doivent être le consensualisme et la liberté contractuelle (1). Ensuite, au niveau de l’exécution du contrat, les deux seules règles sont l’effet relatif du contrat et l’interprétation du contrat à la lumière des volontés exprimées (2).

1 -               Au niveau de la formation du contrat : consensualisme et liberté contractuelle

            Lors de la conclusion du contrat, s’il était vrai que pour que le contrat soit formé, certains rites devaient être accomplis, il ne serait plus vrai que la volonté est toute puissante. D’où le principe du consensualisme. Ainsi, la volonté expresse vaut la volonté tacite et les solennités ne doivent être qu’exceptionnelles. Dès lors, l’existence du contrat ne doit pas être subordonnée à des formalités ou des actes matériels préalables et la seule expression des volontés, sous quelque forme qu’elles soient, suffit à former le contrat. Ce principe est déduit implicitement de l’article 1108 du code civil (mais aussi de l’article 1583 sur la vente) qui fait du consentement des parties, une condition de validité d’une convention (les seules exceptions étant les contrats réels et solennels).

            Au XIXe siècle, sous l’impulsion des doctrines de libéralisme économique et politique, l’idée que l’obligation contractuelle a pour source la volonté des parties a dominé la théorie juridique du contrat. En conséquences, est apparu le principe de la liberté contractuelle, préconisant que les hommes étaient libres de conclure des contrats ou de ne pas se lier par des engagements, tout comme ils étaient libres de choisir leur contractant. Mais ce principe de liberté contractuelle induit aussi qu’ils sont libres de discuter sur un pied d’égalité les conditions du contrat et d’en déterminer le contenu sous la seule réserve du respect de l’ordre public. De plus, ils peuvent choisir à leur gré entre les législations de divers Etats celle qui sera compétente pour régir le rapport de droit privé noué volontairement par eux ou écarter l’application de toute loi supplétive pour se référer à des règles types. Les hommes sont libres de préciser eux-mêmes les règles qui vont régir leurs relations. Le principe de liberté contractuelle, déduit du principe que l’homme est libre naturellement et que donc, seule sa volonté peut le contraindre envers autrui ; touche donc tant au contenu du contrat ( choix de la loi applicable, choix des stipulations contractuelles) qu’aux considérations extérieures au contrat (l’homme est libre de choisir le contrat qui correspond le mieux à la protection de ses intérêts).

2 -               Au niveau de l’exécution du contrat : effet relatif et interprétation du contrat à la lumière de la volonté commune des parties.

            Le principe de l’autonomie de la volonté conduit en outre au principe de l’effet relatif des conventions. Ainsi, les tiers ne devront pas et ne pourront pas être affecté ou profiter d’un contrat qu’ils n’ont pas accepté, discuté et choisi. N’ayant pas donné leur accord, manifesté leur volonté, les tiers ne peuvent pas être atteint pas le contrat. Ce principe est déduit aussi du fait que toute obligation, tout comme tout avantage doit préalablement ne sauraient être assumé par un homme s’il en a pas manifesté la volonté. Ce principe est tout à fait en accord avec le souci de justice au sein même de la société puisque l’homme ne pourra pas se voir imposer d’obligations (par un autre homme) qu’il n’aura pas accepté.

            De surcroît, les effets des obligations contractuelles sont celles qui ont été voulu par les parties et la puissance publique doit veiller au respect de la convention comme s’il s’agissait d’une loi. C’est le principe de la convention loi[43]. La puissance publique est mise au service des intérêts privés. En conséquence, les tribunaux doivent être au service de la liberté contractuelle et doivent interpréter le contrat à la lumière des volontés qui se sont exprimées. Le déséquilibre manifeste des prestations ne permettra pas au juge de reconsidérer les obligations ou de libérer une partie. Il ne pourra pas faire intervenir des considérations de justice ou d’équité sous peine de rompre l’équilibre contractuel et de contrevenir au principe selon lequel les parties décident elles mêmes du contenu de leurs obligations réciproques. Ainsi, la Cour de cassation décidait le 2 juillet 1860 que : « il n’est pas défendu aux parties d’attacher à l’inexécution, constatée dans une certaine forme, les effets d’une condition résolutoire précise, absolue et opérant de plein droit : qu’une pareille convention n’a rien d’illicite, qu’elle tient lieu de loi à ceux qui les ont faites... »[44]. Le juge ne doit pas faire intervenir des considérations étrangères à la volonté. Lors de l’interprétation du contrat, il doit rechercher quelle a été la commune intention des parties (article 1156 CC). De plus, ce que les parties ont décidé s’imposent définitivement à elles, dans les conditions mêmes où elles l’ont voulu. Dès lors, le juge ne pourra pas réviser les contrats en cours et le contrat ne sera pas affecté des changements législatifs postérieurs à sa conclusion.

 

            Comme nous venons de le voir, cette théorie de l’autonomie de la volonté, fondée sur une conception libérale et volontariste du contrat s’est fortement développée durant tout le XIXe siècle. Cependant, comme toute théorie, cette dernière comporte quelques limites qui, si elles ont été mises en lumière surtout vers le début du XXe siècle, existaient déjà lors de son apparition dans la théorie générale des contrats.

SECTION  II.          Les limites de la theorie

            La théorie de l’autonomie de la volonté reste très influente dans notre actuel droit des contrats. Cependant on observe que le raisonnement qu’elle met en avant souffre de certaines limites. Certes sont extérieures à cette théorie (§1), alors que d’autres sont propres à la théorie en elle-même dont la démonstration entraîne quelques excès (§2).

§  1.          Les limites extrinsèques

            Les limites extrinsèques à la théorie de l’autonomie de la volonté sont de deux ordres. D’une part on observe que le rôle attribué à l’ordre public et aux bonnes moeurs n’est pas négligeable (en tant qu’atteinte à la liberté contractuelle) (A). D’autre part, on constate, lorsque l’on remonte à la source, c’est-à-dire au temps de la codification, que la volonté des codificateurs n’était peut être pas d’accorder cette liberté absolue aux parties dans le contrat (B).

A.                La place accordée à la protection de l’intérêt général

            Force est de constater que l’ordre public et les bonnes moeurs faisaient parti, en 1804, de la volonté des rédacteurs du code civil de contrôler et limiter la liberté accordée aux hommes dans le but de préserver l’intérêt général(1). C’est ainsi que Napoléon lui-même utilisa très vite ce moyen de limiter la liberté contractuelle (2).

1 -               Le rôle important de l’ordre public et des bonnes moeurs

            Les seules limites légales à la création et à l’efficacité des contrats librement conclu sont les articles 6, 1131 et 1133 du code civil disposant que les parties ne peuvent déroger dans leurs conventions aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes moeurs. Ces notions ne peuvent être explicitées dans un texte législatif parce qu’elles sont trop dépendantes du temps et du lieu où elles trouvent à s’appliquer. L’article 6 interprété a contrario laisse à penser que l’on peut déroger à toutes les lois qui n’intéressent pas l’ordre public et les bonnes moeurs. Le législateur et le juge doivent pouvoir vérifier si le contrat est en harmonie avec l’intérêt général, défendu justement par l’ordre public et les bonnes moeurs. Le maintien de l’ordre public dans une société est la loi suprême. Protéger les conventions contre cette loi, se serait placer des volontés particulières au-dessus de la volonté générale, ce qui serait source d’anarchie et d’insécurité au sein de la société[45]. Les bonnes moeurs, quant à elles, sont visées de nombreuses fois dans le code civil ( articles 900, 1133, 1172, 1387, 1134). Cette notion est aussi assez vaste, mais n’est pas difficile à définir. Elle représente la morale sexuelle, le respect de la dignité de l’homme et de son intégrité.

 

2 -               La politique économique dirigiste de Napoléon

            Malgré ses déclarations et sa volonté de respecter la propriété privée et la liberté contractuelle, force est de constater que Napoléon a mené une politique économique dirigiste qui, plusieurs fois, a fait céder ces principes devant des exigences d’intérêt public. En effet, il considérait que le droit d’abuser du propriétaire n’allait pas « jusqu’à priver le peuple de sa subsistance »[46] et il était très soucieux de l’approvisionnement des villes et du maintien de l’ordre public. Dès lors, la loi du 16 septembre 1807 prévoit des procédures autoritaires de dessèchement des marais appartenant aux particuliers, la loi du 8 mars 1810 réglemente l’expropriation pour cause d’utilité publique dont la déclaration résulte d’un décret et dont l’indemnisation est fixée par le juge civil, l’exploitation des mines est placée sous la surveillance de l’administration, les décrets des 4 et 8 mai 1812 interviennent dans le commerce des grains... C’est dire si dès cette époque, l’intérêt général passait déjà avant le respect de la propriété et de la liberté contractuelle.

            Les codificateurs et Napoléon lui-même ont donc entendu donner une place importante à la protection de l’intérêt général. Cette volonté marque la première limite à la théorie de l’autonomie de la volonté. Une seconde limite se trouve dans la volonté même des codificateurs de limiter cette volonté, notamment par le contrôle de la loi.

B.                La confiance limitée des codificateurs dans la volonté humaine

            Au travers de l’étude du code civil en lui-même, du contexte historique, politique et économique de 1804, on observe que la volonté des codificateurs n’était peut être pas d’accorder une liberté totale aux contractants, mais bien plutôt de limiter et de contrôler la part de liberté qui leur était accordée dans la gestion de leurs intérêts particuliers (1). On peut se demander dès lors si au lieu du principe de liberté contractuelle, les codificateurs ne voulaient pas plutôt établir simplement la liberté des conventions (2).

1 -               La volonté des codificateurs de limiter et d’encadrer la liberté

            Généralement, les travaux préparatoires du code civil se réfèrent constamment à la morale et à l’équité mais pas aux principes déduits de la vision individualiste du contrat tels le consensualisme, la force obligatoire du contrat, l’effet relatif des conventions... Ainsi on peut dire que la théorie de l’autonomie de la volonté a plus inspiré l’interprétation doctrinale du code civil que le code civil lui-même[47]. En outre, l’expression d’autonomie de la volonté est absente des discours prononcés lors de la préparation du code civil, et des ouvrages de droit civil du XIXe siècle. Critiquée par les spécialistes du droit international privé dès les années 1880, la théorie de l’autonomie de la volonté fut attaquée dans ses fondements alors même qu’elle devenait familière aux civilistes.

            Pour les révolutionnaires, l’homme était naturellement bon à l’état de nature supposé paradisiaque. La Révolution entreprise en 1789 visait donc à purger l’état social des institutions, croyances et coutumes absurdes qui avaient obscurci et entravaient la bonté naturelle de l’homme. Les rédacteurs gardent un souvenir et restituent une image très noirs de cette période révolutionnaire, ce pourquoi ils ont rompu avec le mythe de la bonté naturelle de l’homme. En effet, les codificateurs ont été animé d’une grande méfiance vis à vis des principes dégagés par la Révolution. Ainsi, selon Portalis : «  si les siècles d’ignorance sont le théâtre des abus, les siècles de philosophie et de lumière ne sont que trop souvent les siècles des excès »[48]. Par conséquent, la liberté a certes été énoncée comme principe, mais les codificateurs n’ont pas manqué d’instaurer des règles propres à la limiter et surtout à la contrôler. Tout d’abord, ce contrôle peut être déduit du nouveau rôle attribué aux juges. En effet, l’interdiction des arrêts de règlements et des dénis de justice les oblige à faire appel à la loi et à ses travaux préparatoires et seulement à ces sources. La loi, source unique et suprême du droit s’impose à la fois aux juges et aux particuliers. Portalis précisait bien quel rôle ils entendaient conférer à la loi quand il énonçait que : « Quand la loi est claire, il faut la suivre. Quand elle est obscure, il faut en approfondir les dispositions. Si on manque de lois, il faut consulter l’usage ou l’équité. L’équité est le retour à la loi naturelle, dans le silence, l’opposition ou l’obscurité des lois positives. Les parties qui traitent entre elles sur une matière que la loi positive n’a pas définie se soumettent aux usages reçus ou à l’équité universelle, à défaut de tout usage. »[49]. Ainsi, le retour à des considérations de droit naturel, d’équité et de justice n’étaient possible que lorsque la loi était absente ou obscure, et seulement dans ces cas.

            Ensuite, on peut constater ce contrôle de la liberté au travers des règles mêmes de la théorie générale des contrats. En effet, les codificateurs ont donc entendu soumettre le droit des contrats à certains principes de droit naturel, et ce, en vue d’un minimum de justice contractuelle : tout contrat devra être choisi librement, débattu librement, mettre les parties sur un pied d’égalité et offrir des prestations équilibrées. Toutefois, pour le respect de ces principes, le concours de la loi était nécessaire. En effet, la loi est devenue, à travers le code civil, la source principale de droit. Elle a permis la reconnaissance de droits naturels dans le droit des contrats, mais elle a aussi permis de corriger les abus du système ancien, et de maintenir une certaine justice contractuelle. Selon les codificateurs, l’individu ne saurait s’émanciper de la tutelle étatique qui constitue pour eux la garantie de sa liberté par l’intermédiaire d’une loi égale pour tous. C’est pourquoi les conventions sont libres, dans la limite du respect de l’ordre public et des bonnes moeurs. Il s’agissait de rappeler aux individus le caractère obligatoire du contrat par référence au droit romain, mais surtout inculquer à des êtres faibles, moins guidés par leur raison que par leurs passions, le respect des conventions au même titre que celui de la loi. En effet, on constate que des hommes libres ne sont pas toujours par conséquent prompt à s’orienter vers des activités utiles, légales, justes. Ils sont peut être plutôt guidés par l’appât du gain et des profits.

2 -               La distinction entre liberté contractuelle et liberté des conventions

            La liberté de l’homme dans l’expression de sa volonté et dans la gestion de ses intérêts privés s’impose par son utilité sociale puisqu’elle favorise les échanges nécessaires au développement économique. Les rédacteurs du code civil avaient incontestablement admis le principe d’un certaine liberté dans les rapports contractuels, mais c’est l’interprétation du code civil dans la seconde moitié du XIXe siècle qui a mis l’accent sur l’autonomie de la volonté.

            Selon Niboyet, professeur de droit international privé au début du XXe siècle : « tout notre effort va consister à développer l’idée qu’il n’y a pas de théorie de l’autonomie de la volonté, parce que l’autonomie de la volonté; comme telle, n’existe pas et qu’on fait une confusion tout à fait fondamentale entre ce concept et un autre, seul véritablement exact : celui de la liberté des conventions, dont le contenu est tout à fait différent. En effet, l’autonomie de la volonté est le pouvoir pour les parties, de choisir la loi de l’acte. Ce concept implique donc que la volonté a, comme la loi, la puissance de créer du droit : c’est faux. Seul est juste le concept de liberté des conventions qui indique que la loi, seule source du droit, accorde aux intéressés, une liberté limitée. »[50]. Ainsi, si on reprend cette idée, les codificateurs n’auraient pas voulu accorder une liberté totale aux individus, sous la forme de la liberté contractuelle.             Ces derniers auraient simplement voulu accorder un espace de liberté aux hommes dans leurs relations contractuelles qui auraient eu comme fondement, comme source et comme limite, la loi. Cette théorie semble justifiée. En effet, lors des développements susvisés, nous avons vu que la théorie de l’autonomie de la volonté prône une liberté absolue et fait dès lors de la volonté humaine, la source de la force obligatoire du contrat et par conséquent la source de tout droit subjectif. Or, toujours dans les précédents développements, nous avons bien vu que les codificateurs étaient animés d’une certaine méfiance à l’égard des principes révolutionnaires et surtout du principe selon lequel l’homme serait naturellement raisonnable. Dès lors, l’idée que les codificateurs aient pu vouloir instaurer une certaine liberté des conventions, c’est à dire, laisser les hommes choisir leurs partenaires, le type de contrat, les dispositions du contrat mais dans le strict respect de la loi et de son esprit semble parfaitement justifiée. Toutefois, ce ne sont pas tous les principes découlant de l’autonomie de la volonté qui sont détruits, mais seulement celui qui énonce que la volonté est la source des droits subjectifs et que celle-ci se trouve sur le même piédestal que la loi.

 

            Les limites extrinsèques à la théorie de l’autonomie de la volonté sont fondées sur un regard objectif du code civil et de la volonté des codificateurs en 1804. On peut constater de surcroît que cette théorie comporte aussi des limites internes, intrinsèques, qui sont propres aux démonstrations qu’elle met en avant. Ces limites, plus importantes, ont été mises en avant plutôt vers le XXe siècle.

§  2.          Les limites intrinsèques

            Les autres limites à la théorie de l’autonomie de la volonté tiennent à la place que cette dernière accorde à la loi (A) et à la volonté (B).

 

A.                Le rôle premier de la loi

            Dès le début du XXe siècle, la théorie individualiste de l’autonomie de la volonté fût critiquée. C’est ainsi que l’on a vu apparaître progressivement l’analyse positiviste du contrat (1), qui accorde la première place à la loi dans le contrat (2).

 

1 -               Apparition de l’analyse positiviste du contrat

            La problématique de la place de la volonté de l’individu dans la création des droits (objectif et subjectif) renvoie à la question philosophique de savoir si l’homme précède la société ou non. Ainsi, la société crée-t-elle le droit pour l’homme, ou l’homme crée-t-il le droit pour instaurer la société ? Selon les écoles historiques et sociologiques, la volonté à elle seule est impuissante à créer le droit puisque l’homme vit dans un ordre juridique qui lui est antérieur et qui s’impose à lui[51]. Dès lors, le rôle de la loi est mis en avant.

            Le juriste le connu qui défend l’analyse positiviste du contrat est sans aucun doute Kelsen[52]. Selon lui, c’est le droit positif qui confère au contrat sa force obligatoire. Le législateur veut laisser aux hommes le soin de régler eux-mêmes leurs intérêts économiques parce qu’il estime qu’un réglementation indépendante et autonome de ces intérêts est la solution la plus indiquée et la plus juste. Cependant, les obligations qui pèsent sur l’homme ont toutes pour source première la loi. Cette vision positive du contrat est aussi soutenue par Toullier, qui énonce que toute obligation vient de la loi[53].

            Dès lors, il n’est pas vrai que la force obligatoire du contrat découle de la seule volonté des contractants. Si l’Etat n’assurait pas l’exécution de promesse, seuls pourraient contraindre le débiteur récalcitrant ceux qui disposeraient de la force ou d’un moyen d’intimidation, ou se seraient fait donner un gage. L’Etat qui garantit l’exécution des engagements et leur donne donc force obligatoire peut subordonner son intervention aux conditions qu’il juge opportunes. Selon Jourdan : «  Le législateur ne crée ni la propriété, ni l’obligation, il les sanctionne et les consacre »[54].

2 -               La loi comme fondement des droits objectifs et subjectifs

            Selon Xavier Martin : « le contact des volontés individuelles formant le contrat ne crée pas plus d’énergie juridique que le doigt actionnant le commutateur ne crée l’énergie électrique : dans les deux cas, l’énergie vient d’ailleurs »[55]. Ainsi, pour que l’exécution du contrat soit garantie par le juge, il faut que le contrat soit conforme aux exigences légales. En effet, la liberté des conventions ou la liberté contractuelle existent, non pas parce que l’homme est libre à l’état de nature, mais bien parce que la loi dit que l’homme bénéficiera d’une certaine liberté dans la gestion de ses intérêts privés. Les codificateurs auraient pu instaurer un système formaliste et limiter la liberté de choix des contractants (dans le choix du type de contrat, du contenu du contrat ou du cocontractant), c’est à dire donner non seulement le premier rôle à la loi, mais aussi quasiment le seul rôle. Pourquoi ne l’ont-ils pas fait ? Ce n’est certainement pas parce qu’ils voulaient que l’homme soit la seule source des droits subjectifs auxquels il est assujetti ou dont il peut bénéficier. C’est plus pour des raisons d’ordre économique et politique. Comme nous l’avons déjà vu, un homme à qui on accorde une certaine part de liberté sera plus enclin à faire fructifier ses intérêts, et donc à contracter.

            Ensuite, nier totalement la liberté aurait conduit à un grand risque de détournement de la loi, ou de régression des rapports humains. Si les hommes ne voient pas d’avantages à contracter, à échanger, à louer ou à vendre, ils ne risquent pas de conclure des contrats. C’est pour ces raisons et uniquement pour celles-là que les codificateurs ont accordé une certaine latitude, une certaine place à la liberté dans le droit de contrats. Encore une fois, cette liberté tant prônée par la théorie de l’autonomie de la volonté n’est que le résultat d’un choix législatif, politique et économique. Ce n’est que parce que la loi accorde la liberté que celle-ci existe. Ce n’est que parce que le droit objectif les prévoit, les consacre et les garantit, que les droits subjectifs peuvent naître.

            Dès lors, on peut considérer que c’est bien la loi qui est le fondement à la fois des droits objectifs et des droits subjectifs. La volonté, quant à elle, n’a qu’un rôle secondaire.

B.                Le rôle secondaire de la volonté

            Même si, comme nous venons de le voir, les droits subjectifs n’existent que parce que le droit objectif les reconnaît, il ne faut pas nier le rôle de la volonté dans la création des contrats. C’est au travers du problème de l’engagement unilatéral de volonté, que l’on observe la principale limite au raisonnement adopté par l’autonomie de la volonté (1), ce qui ne veut pourtant pas dire que la volonté est dénuée de toute place dans le droit des contrats (2).

1 -               La question de l’engagement unilatéral de la volonté

            Si vraiment l’autonomie de la volonté existait, elle permettrait au déclarant de dire : « je ne veux pas », car le pouvoir de supprimer à nouveau les lois que l’on s’est données à soi-même relève du concept de l’autonomie de la volonté. La question de la volonté unilatérale s’est très vite posée. Ainsi, la volonté isolée d’une seule personne est-elle apte à donner naissance à une obligation, soit à son profit, soit à sa charge ? Selon la théorie de l’autonomie de la volonté, une personne a seule le pouvoir de s’obliger, dès lors, pourquoi ne l’aurait-elle pas de supprimer son obligation ? La création d’une obligation par la seule volonté du créancier ne peut être qu’exceptionnelle, en droit privé, parce qu’une personne n’est pas qualifiée pour imposer une charge à autrui, hors les cas où la loi le permet. Le problème se pose pas pour la création unilatérale d’obligation à la charge d’un tiers. Cette création est impossible du fait que les obligations assumées par un individu doivent préalablement avoir été consentie, puisque celui ci est libre (principe de l’autonomie de la volonté : l’homme n’est lié et débiteur d’obligations que s’il l’a voulu). La question se pose en revanche pour une personne qui, de par sa seule volonté, se rend débitrice d’une ou plusieurs obligations. L’exemple le plus fréquemment donné sur le sujet est celui de la promesse de récompense. Si une personne perd un objet et offre une récompense à celui qui le trouvera et le lui ramènera, sera-t-elle obligée (au même titre que s’il y avait un contrat) se s’exécuter ? A première vue, on pourrait dire que oui. Mais imaginons que l’objet soit rapporté par une personne qui n’a pas connaissance de la récompense. Si la personne qui a retrouvé son objet ne lui donne aucune récompense, et que le bienfaiteur apprend plus tard qu’une récompense avait été offerte, pourra-t-il réclamer l’exécution de l’obligation ? Ou bien encore, si celui qui offre la récompense se rétracte lui-même avant que l’objet ne lui soit retourné, y a-t-il préjudice pour le bienfaiteur ? En effet, si la personne qui a offert la récompense peut créer à elle seule une obligation, elle peut à plus forte raison se défaire seule de cette obligation et rétracter sa volonté ?

2 -               Le rôle délégué de la volonté

            Ce problème de l’efficacité de l’engagement unilatéral nous montre que la volonté ne peut pas avoir un rôle aussi important que celui que les partisans de la théorie de l’autonomie de la volonté voulaient lui donner. L’engagement unilatéral, pour différentes raisons, ne peut pas être source d’obligations. La première raison réside dans le problème que cela pose en matière de preuve. En effet, comment prouver un engagement unilatéral ? Les règles seront-elles les mêmes que celles applicables en droit commun : l’exigence d’un écrit au-dessus de 800 euros ? La volonté est un état d’esprit tellement subjectif et tellement interne et propre à l’homme, que la preuve en serait très difficile. L’autre raison, la plus évidente, est que la notion d’engagement unilatéral est difficilement conciliable avec celle d’obligation. L’obligation est un lien de droit entre deux personnes : il ne peut y avoir de débiteur sans créancier corrélatif. Bien sûr, il existe toujours un créancier potentiel à une offre de récompense. Mais pendant combien de temps, l’offre doit-elle être maintenue ? D’ailleurs, est-ce une offre ou une promesse ? Si le bienfaiteur n’est pas satisfait du montant de la récompense et veut négocier pour augmenter la prime contre restitution, c’est plutôt une offre ; mais s’il ne conteste pas le montant, c’est une récompense. L’absence de règles générales, et même de textes spéciaux montre aussi que le législateur de 1804, hostile à la volonté pure des hommes, rappelons le, n’avait peut être pas entendu reconnaître de pouvoir à la volonté unilatérale. De plus, comme nous venons de le voir précédemment, la volonté n’a de pouvoir que parce que le droit objectif le lui reconnaît. Pourquoi n’en serait-il pas ainsi pour la volonté unilatérale ?

            La volonté n’est pas, dès lors, comme le voudrait la théorie pure de l’autonomie de la volonté, un pur créateur de droit à la fois autonome et initial : elle est seulement un pouvoir délégué et réglementé. C’est la loi qui définit, à la lumière de l’intérêt social, l’étendue et les modalités du pouvoir qu’elle laisse aux individus. La volonté n’en reste pas moins un pouvoir que détient chaque sujet de droit et dont il peut faire usage, de façon autonome, dans le cadre dessiné par la loi.

 

 

 

 

            Des deux valeurs fondamentales qui sont incluses dans l’idéal d’individualisme, mais qui se sont souvent avérées incompatibles, le codificateur a donné la prééminence de la liberté en pensant que l’égalité en découlerait. Ainsi, l’idée selon laquelle la liberté était le meilleur moyen d’ajuster les intérêts des particuliers par un jeu de concessions réciproques et qu’elle serait aussi par conséquent le meilleur moyen de satisfaire l’intérêt général (somme des intérêts particuliers) était dominante au XVIIIe siècle. Mais l’expérience montre qu’il n’y a pas de contractants de puissance économique égale : le plus fort, si l’autorité publique n’intervient pas, dicte ses conditions au plus faible sans possibilité de discussion. Une volonté de protection des faibles contre les forts a dès lors commandée l’évolution contemporaine du droit des contrats et de la responsabilité. Cette évolution contemporaine a démontré comment une liberté contractuelle totale conduisait inévitablement à l’inégalité contractuelle ou comment la liberté contractuelle pouvait conférer à la loi contractuelle une rigidité indifférente à certains déséquilibres. C’est pourquoi le titre III du livre III du code civil est à l’heure actuelle toujours animé d’un esprit de justice contractuelle, à la seule différence que cette justice contractuelle a aujourd’hui une nouvelle définition. Ainsi, la liberté seule ne permet pas le respect des droits naturels dans les contrats tels que la liberté, l’égalité et l’équité. Désormais, l’égalité et l’équité doivent être renforcés pour que la justice contractuelle soit restaurée.

PARTIE  II.          Egalite, equite, et liberte garants de la justice contractuelle

            La théorie de l’autonomie de la volonté tenait pour acquis le fait que la liberté des hommes au sein du contrat était source de justice contractuelle mais la pratique a montré qu’une trop grande place accordée à la liberté des hommes entraînait des injustices et des déséquilibres flagrants. C’est pourquoi la théorie générale des contrats, de nos jours, tend à retrouver cette justice contractuelle, mais dans une autre dimension. En effet, la justice contractuelle, c’est à dire la conciliation des droits naturels de l’homme et du droit objectif au sein des contrats n’est plus assurer par la seule liberté. Ainsi, l’égalité et l’équité dans les contrats sont désormais perçus comme des principes indépendants de la liberté et dont la protection devient tout aussi indispensable. Pour ce faire, les atteintes aux principes déduits de l’autonomie de la volonté sont nécessaires. Mais ces atteintes ne sont là que pour rétablir l’égalité des parties dans la formation du contrat d’une part (Chapitre I). D’autre part, elles ont pour objectif d’établir un minimum d’équité et d’équilibre durant l’exécution du contrat (Chapitre II).

CHAPITRE  I.          egalite des parties durant la formation du contrat

            Le souci de sécurité, jadis attaché aux effets du contrat, à sa force obligatoire, se reporte maintenant sur la phase de formation du contrat. On constate que durant le XIXe siècle, les notions de volonté et de consentement sont au coeur de beaucoup de discussions doctrinales. En effet, le système du consensualisme a montré très vite, tout comme l’avait fait le système formaliste, certains inconvénients sur le plan de l’égalité de fait des parties (Section I), égalité qui a donc dû être rétablie par la loi (Section II).

SECTION  I.          les problèmes souleves par le système consensualiste

            Le principe du consensualisme, qui donne une place importante à la volonté dans la création des contrats, pose des difficultés du fait qu’il existe une différence entre la volonté et le consentement (§ 1). Dès lors que cette différence, cette distinction est mise en lumière, on constate que la protection de l’expression de la volonté (caractérisée par le consentement), doit être protégée (§2).

§  1.          La distinction entre volonté et consentement

            Volonté de contracter et consentement au contrat sont deux choses bien différentes. On observe en effet que la volonté, libre et autonome, est antérieure au consentement et va le conditionner (A). De surcroît, on constate que c’est cette même volonté libre et autonome par rapport au consentement, qui peut être source de nombreuses difficultés (B).

A.                La volonté autonome antérieure au consentement

            Force est de constater que la volonté, non seulement précède le consentement (1), mais aussi (du fait de son antériorité et de sa libre expression), qu’elle le conditionne (2).

1 -               La volonté précède le consentement

            Selon Larroumet, il ne paraît pas possible de justifier le contrat autrement que par la volonté[56]. Cependant, comme nous l’avons vu lors de la première partie, la volonté n’a plus une fonction première, mais seulement une compétence déléguée. En effet, la volonté n’a pas le pouvoir à elle seule de justifier la force obligatoire du contrat. Il n’en reste pas moins que sans volonté de contracter, il n’existe pas de contrat. Toutefois, il ne faut pas confondre volonté et consentement. Ainsi, selon Liebe : « La promesse en soi ne se distingue en rien d’une conversation ordinaire. Elle contient la déclaration de la volonté d’une partie : mais chacun peut modifier sa volonté jusqu’au moment de sa réalisation... Ainsi la promesse ne contient  aucun élément d’où l’on pourrait déduire sa force juridique obligatoire »[57]. On peut en déduire que la volonté de contracter peut être exprimée à tout moment, elle ne signifie pas nécessairement consentement au contrat. Un homme peut avoir la volonté d’acheter une maison, et un second la volonté de vendre sa maison ; la rencontre des deux volontés ne signifiera pas nécessairement que le contrat sera formé. L’acheteur peut vouloir une maison plus grande, située dans un autre endroit, avec un jardin plus petit, moins chère...

            Ce ne sera qu’à la condition que les deux parties se soient mises d’accord sur les éléments essentiels du contrat, que le contrat sera formé. Ce n’est donc pas la rencontre des volontés qui crée le contrat, c’est bien plutôt la rencontre des consentements. C’est pourquoi la théorie générale des contrats a la sagesse de ne pas compter sur la seule et unique volonté des hommes, leur bienveillance et leur altruisme afin de protéger efficacement leur liberté. Le droit, règle sage, pare la volonté pure, il la rend impuissante en lui refusant sa propre puissance. Ainsi, «  le consentement médiatise le rapport entre l’obligation et la volonté. La volonté a son objet immédiat : le consentement et non plus l’obligation, qui devient quant à elle son objet produit »[58]. La volonté se voit dès lors octroyer un rôle différent que celui que prônaient les tenants de la théorie de l’autonomie de la volonté : elle n’a qu’un rôle délégué. Cependant, il ne faut pas oublier la place et l’importance de la volonté dans la création des contrats. Certes, la loi détient la première place en ce sens qu’elle détermine ce que les hommes ont le droit de faire. Mais dans cette parcelle de liberté laissée aux hommes, c’est alors la volonté qui redevient toute puissante. Non seulement l’homme a toujours son mot à dire dans la contrainte qu’il va subir, mais ce sera le premier mot. Il ne sera contraint que s’il en a manifesté la volonté.

2 -               La volonté guide le consentement

            Consentement et volonté sont deux notions extrêmement liées et interdépendantes l’une de l’autre. Comme nous venons de le voir, la volonté précède le consentement. Or, du fait de son antériorité, la volonté guide et conditionne le consentement. La volonté ne peut s’exprimer que dans le cadre que le législateur a préalablement fixé et autorisé. Mais cela n’enlève rien à l’autonomie de la volonté. La naissance de l’acte repose tout entier sur la volonté de son auteur. Il n’existe pas d’actes juridiques sans consentement et le droit positif se doit donc de protéger avant tout l’éclosion de cette volonté. L’étape de la naissance de l’acte suppose la protection, par l’ordre juridique, de l’autonomie individuelle qui se traduit par l’autonomie (encadrée) de la volonté. Si la volonté psychologique est absente, l’acte juridique ne prendra pas naissance. De surcroît, si elle est viciée, l’acte tout entier le sera. Ce n’est pas la volonté interne qui forme l’élément constitutif de l’acte juridique, mais la déclaration de volonté. Ce qui forme le contrat, ce sont les deux volontés internes concordantes. C’est la volonté qui donne naissance aux effets juridiques de l’acte, la déclaration n’est que le moyen grâce auquel la volonté interne parvient à la connaissance des tiers. Ainsi, selon Brinz : « ... c’est la volonté qui a précédé la conclusion qui doit être prise en considération. C’est alors que l’on peut se rendre compte si la déclaration finale est la traduction fidèle de la volonté réelle, ou si une correction de la déclaration est nécessaire...»[59]. Il prône la primauté de la volonté réelle sur la volonté déclarée. Seulement cette solution, si elle paraît juste au plan du respect de la volonté des parties, de la liberté des hommes, est difficilement applicable. Comment savoir si la volonté déclarée est exactement le reflet de la volonté réelle, puisque la volonté réelle se situe dans l’esprit de l’homme ?

            Ainsi, la volonté précède et guide le consentement. Elle le conditionne et elle se doit de rester libre. Cependant, force est de constater que cette distinction est source de difficultés.

B.                Les difficultés soulevées par la liberté de la volonté

            Les problèmes posés par la distinction entre la volonté réelle et le consentement se posent tant sur le plan théorique (1), que sur le plan pratique (2).

1 -               Les difficultés théoriques

            Il est difficile de distinguer la volonté interne (la volonté pure) et la volonté déclarée (le consentement). En droit français, on tient compte de la volonté déclarée. En effet, la volonté interne est trop abstraite, trop versatile et surtout trop difficile à percevoir. On peut rapprocher ce problème d’une difficulté identique qui existe dans notre droit actuel de la propriété littéraire et artistique. Dans ce domaine, les simples idées ne sont pas protégeables. Pourquoi ? Parce qu’il est impossible de prouver que l’idée vient de telle ou telle personne. Tout ce qui appartient au domaine de la pensée est impossible ou très difficile à prouver. C’est pourquoi le droit français tient compte essentiellement de la volonté déclarée et non de la volonté interne.

            Or, pour ce qui est de l’interprétation de l’acte, soit on recherche par tout moyen la volonté réelle de l’auteur de l’acte (volonté qui peut être mal traduite), soit on se fonde sur la déclaration de la volonté. Dans le premier cas, on se fonde sur la force obligatoire de la volonté, alors que dans le deuxième cas, on se fonde sur la forme qu’a pris l’expression de la volonté. Le droit français, les codificateurs, le législateur sont relativement méfiant vis à vis de la volonté humaine. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle a été encadrée par la loi. Seulement, que faire lors que la volonté interne et le consentement présentent un décalage flagrant ? Faut-il faire primer le consentement, expression de la volonté perceptible à la fois par le juge, mais aussi par les tiers ? Ou faut-il faire prévaloir la volonté réelle, souvent difficile à mettre en lumière ? Le principe de l’autonomie de la volonté voudrait que l’on privilégie la volonté réelle. Mais qu’en serait-il alors de la sécurité juridique ? Elle serait soumise aux aléas de la volonté pure de l’homme, ce qui, en droit français, paraîtrait inconcevable.

2 -               Les difficultés pratiques nées de l’inégalité de fait des parties

            Selon Lacordaire : « Entre le fort et le faible, c’est la liberté qui asservit, la loi qui libère »[60]. Au travers de cette citation, on comprend que la volonté libre n’est pas toujours source de justice au sein du contrat. En effet, si on se situe dans un rapport humain basique, il y a toujours un des deux individus qui est plus fort que l’autre. La supériorité peut être d’ordre pécuniaire, sociale, intellectuelle, économique, politique... Dès lors, la volonté libre ne permet pas tant au plus faible d’imposer un équilibre et une égalité dans le contrat, que de permet au plus fort de lui imposer sa volonté. Le faible adopte un comportement conforme à l’exigence du puissant parce qu’il a intérêt à le faire, notamment pour survivre ou pour obtenir ses faveurs. Certes, la Révolution et la Déclaration des droits de l’homme ont posé le principe de l’égalité des hommes. Cependant, comme nous l’avons déjà vu lors de la première partie, cette égalité était une égalité de droit et seulement de droit. Or, l’inégalité de fait a toujours existé et existera toujours. Les tenants de la philosophie individualiste ont cru que la liberté accordée au sein du contrat permettrait et obligerait même à une certaine égalité des cocontractants. Il n’en est rien car dans tous les cas, l’une des deux parties a plus besoin du contrat que l’autre, ou alors se trouve dans une position d’infériorité (matérielle, intellectuelle, économique ou sociale). Dès lors, c’est pour éviter que la liberté des contrats n’amène à une injustice de fait que le législateur se doit d’intervenir de plus en plus.

 

            Une fois que l’on a mis en lumière la différence entre la volonté et le consentement, et les difficultés que cette distinction entraîne, on comprend mieux que l’intervention législative soit nécessaire pour protéger le consentement des parties. Cette intervention n’est dès lors pas une atteinte aux principes découlant de l’autonomie de la volonté puisque cette dernière reste autonome. Celle-ci n’a pour objectif que la protection du consentement afin que celui-ci reste l’expression fidèle de la volonté réelle.

§  2.          Une protection indispensable de l’expression de la volonté

            On se doit de protéger le consentement de deux manières. D’une part, il faut que le consentement soit le reflet exact de la volonté pour que le principe de liberté des hommes et de leur volonté soit respecter (A). D’autre part, le juge doit lui aussi protéger et de respecter le consentement et plus précisément la volonté des parties, lors de son interprétation des contrats (B).

A.                Le consentement, reflet exact de la volonté

            Il faut que le consentement reste le reflet exact de la volonté afin que le principe d’autonomie et de liberté de la volonté soit respecté. Pour ce faire, il est indispensable de lui conférer une certaine protection (1), d’où l’évolution des vices du consentement qui se sont développés durant tout le XXe siècle (2).

1 -               Nécessité de la protection du consentement

            Afin que la volonté reste, dans le cadre législatif préétabli, parfaitement libre et autonome, on se devait de protéger le consentement, expression de la volonté. Pour que ce dernier soit exactement le reflet de ce qui avait été voulu, il ne faut pas qu’entre le moment où la volonté s’exprime, et le moment où le consentement concrétise la volonté il y ait des éléments externes ou internes qui viennent affecter le consentement et donc par conséquent, la volonté. C’est donc bien dans le souci de faire en sorte que la volonté reste libre, et que l’homme ne soit contraint que par les obligations qu’il a accepté, que la protection du consentement s’est développée. Les codificateurs se sont surtout concentrés pour protéger le consentement contre la malhonnêteté ou la mauvaise foi d’un tiers (dol et erreur), ou contre un abus de position de force d’une des parties (violence).

            La principale difficulté vient de ce que ce n’est pas la valeur que l’intéressé a entendu attribuer à son comportement qui doit être prise en considération, mais la signification objective que les tiers et spécialement le contractant, ont pu légitimement lui attribuer[61]. Tout comportement, actif ou passif peut ainsi manifester la volonté de son auteur, dès l’instant qu’il est d’usage de lui reconnaître une telle signification ou même que celle ci résulte normalement des circonstances de l’espèce. Les droits anglais et américains ont la même solution[62]. Quelle que soit la forme sous laquelle se manifeste la volonté de chacune des parties il faut et il suffit qu’elle fasse naître chez son destinataire l’attente raisonnable d’un véritable engagement. En droit français, pour qu’un accord soit véritablement contrat, il faut qu’il ait été conclu en vue de produire des effets juridiques.

2 -               L’évolution des différents vices du consentement

            Dès 1804, les vices du consentement ont été perçu comme des moyens nécessaires de protéger le consentement et par ricochet, la volonté des auteurs de l’acte. Ainsi, selon Domat : « C’est un caractère essentiel à toutes les conventions, que l’on y traite avec sincérité et fidélité, et c’est un vice dans le consentement, si l’un trompe l’autre avec quelque dol ou quelque surprise »[63]. Parce qu’il est essentiel que le consentement soit le reflet de la volonté réelle du contractant, il était et il est toujours nécessaire de protéger le consentement contre les éventuelles manœuvres d’un autre, contre la violence ou contre une erreur rendant l’expression du consentement totalement en décalage avec la volonté de l’homme. C’est pourquoi la notion même de vices du consentement a été affectée au cours du temps. Ainsi, par exemple, en 1958 est apparue la notion de réticence dolosive. Née de l’interprétation extensive de la notion de dol, elle permet de sanctionner le silence délibéré de l’une des parties durant la formation du contrat. La liberté de se taire dans la conclusion du contrat s’est transformée en une obligation de parler, d’informer l’autre, concrétisé par la sanction du dol par réticence. En outre, la notion d’erreur a elle aussi évoluée puisque depuis la fameuse affaire Poussin[64], le créancier peut aussi invoquer sa propre erreur sur la chose qu’il a vendu, pour faire annuler la vente. C’est bien parce que les vices du consentement servent à faire en sorte que la volonté réelle et la volonté déclarée soient identiques, que leurs définitions ont été étendu. On trouve une illustration actuelle du principe selon lequel le consentement se doit d’être protégé. En effet, les juges du fond ont décidé, le 8 juillet 1994, que malgré l’existence d’une protection spéciale des vices du consentement existant dans certains domaines juridiques, l’invocation d’un vice de consentement sur le terrain du droit commun des contrats restait possible[65]. C’est dire si la protection du consentement est une chose essentielle au sein du droit des contrats. Cependant, nos tribunaux se doivent tout de même de protéger la sécurité des transactions contre les fluctuations du for intérieur et des barrières ont été dressées pour éviter l’annulation trop fréquente des actes juridiques sur la base d’une volonté viciée.

            Afin que le consentement soit le reflet le plus fidèle possible de la volonté, les vices du consentement devaient évoluer. Cette évolution de la protection du consentement s’est faite sous le regard et avec la participation des juges.

B.                Le rôle du juge face à l’expression de la volonté

            Lors de l’interprétation d’un contrat, le juge se doit de respecter la commune intention des parties en vertu du principe de la liberté dans le contrat. Cependant, même si ce principe est maintenu (1), on observe que la Cour de cassation doit tout de même contrôler son application (2), tant l’interprétation des termes d’un contrat peut être difficile, ou source d’injustices.

1 -               Le maintien du principe de l’interprétation à la lumière de la volonté commune des parties

            Le principe de la liberté de la volonté implique que le juge respecte ce que les parties ont voulu et ont exprimé. Ainsi, les articles 1134 et 1341 du code civil (qui ont un caractère impératifs) attachent force de loi aux conventions et interdisent d’en rechercher la portée hors du texte écrit lorsqu’il en existe un. Cependant, les articles 1135 et 1156 (qui ont un caractère interprétatifs) suggèrent de rechercher au-delà de « ce qui est exprimé », voire « du sens littéral des termes » à la fois la véritable pensée des parties et les suites que l’équité lui confère. Si les premiers textes veulent une lecture à la lettre, les seconds invitent à ne pas en abuser. Dès lors, les codificateurs avaient, dès 1804, la volonté d’imposer aux juges la conciliation de la volonté réelle et de la volonté déclarée. Si la volonté déclarée était clairement exprimée, il fallait l’interpréter. Mais si celle-ci était ambiguë, il devenait nécessaire de l’interpréter. Or, interpréter à la lettre, c’est faire du droit avec les mots, donner la préférence à l’esprit du texte sur la lettre, c’est faire du droit contre les mots[66]. L’interprétation par le juge de termes contractuels dits « ambigus » prive les parties des éléments de sécurité et de prévisibilité qu’elles avaient escomptées en choisissant des vocables appropriés. Une défaillance des termes confère au juge un redoutable pouvoir : celui de fixer la configuration de la réalité en pratiquant des choix aux lieu et place des parties appelées à la vivre. Dès lors, une double volonté prétorienne voit le jour : interdire au juge de s’éloigner de la lettre du contrat et permettre au juge (et même lui enjoindre) de s’en écarter lorsque le besoin s’en fait sentir.

2 -               Le contrôle nécessaire de la dénaturation des actes

            S’il y a volonté individuelle nettement perceptible, le juge doit l’appliquer, sinon, il ne doit pas s’attarder à rechercher des volontés présumées et fictives, mais décider d’après l’équité et l’intérêt social. La question se pose dès lors de savoir si la fausse interprétation est une violation de la loi ou une erreur de fait ? L’interprétation des conventions suppose une recherche d’intention. C’est une pure question de fait. Mais il existe un risque d’excès de pouvoir du juge, et/ou l’altération du contenu de l’acte. En effet, beaucoup d’arrêts s’affranchissent de la contrainte de la lettre en qualifiant d’ambigus des termes contractuels claires[67]. C’est pourquoi, qu’il s’agisse de l’interprétation des termes clairs ou de l’application à la lettre des termes obscurs, la Cour suprême censure certaines décisions des juges du fond pour dénaturation. On dénature des termes clairs en les interprétant et les termes ambigus, en s’abstenant de le faire. Pour la Cour de cassation, une clause claire ne s’interprète pas, elle s’applique[68]. La conception de notre Cour Suprême quant à l’interprétation des clauses claires et précises d’un acte n’est autre que le principe selon lequel la lettre prime l’intention. C’est à dire le principe selon lequel la volonté déclarée prime la volonté réelle.

 

            Après avoir vu quelle était la différence entre le consentement et la volonté et en avoir conclu que le consentement se devait d’être protégé, on comprend mieux l’intervention de la loi au sein du contrat. En effet, les parties, malgré leurs libertés respectives, ne sont pas toujours sur un pied d’égalité lors de la conclusion du contrat. Se trouvant dès lors dans l’impossibilité de négocier le contrat librement, les parties ne sont plus aussi libres. C’est pourquoi seul le législateur avait le pouvoir de rétablir un tant soit peu l’égalité au sein du contrat, égalité qui avait été gommé par une liberté quelque peu étouffante.

 

SECTION  II.          la loi pour retablir une egalite de fait

            On observe que les circonstances économiques et politiques du XXe siècle ont justifié la naissance dans le même temps d’une politique interventionniste de l’Etat (§1), qui n’avait pour objectif, que de rétablir une égalité de fait des parties durant la formation du contrat, qu’une liberté trop absolue aurait finie par rompre définitivement (§2).

§  1.          Naissance de la politique interventionniste de l’etat

            L’apparition et le développement de la politique interventionniste de l’Etat a guidé par des considérations d’ordre essentiellement économique (A). C’est pourquoi, la notion d’ordre public, déjà défendue largement par les codificateurs, s’est encore plus développée durant le XXe siècle (B).

A.                L’influence du contexte économique

            Le XXe siècle a été marqué par une foule d’événements politiques et économiques importants (1), qui ont eu des conséquences non négligeables sur le plan du droit des contrats (2).

1 -               Les aléas économiques et politiques

            Si l’on retrace un bref historique des événements qui se sont déroulés durant le XXe siècle, on pourra constater à quel point l’histoire influence le droit. Après la Première guerre mondiale, les politiciens ont du faire face à la crise économique mémorable des années 1930 qui a entraîné une pénurie des logements, une augmentation du chômage, une hausse des prix... Ils ont ensuite été confronté à la deuxième guerre mondiale, suivi d’un baby boom et d’un essor économique assez impressionnant. Or, dès la Première guerre mondiale, certains auteurs constatent l’accroissement de l’intervention des pouvoirs publics dans les rapports contractuels, qu’avaient suscité la guerre et ses conséquences, ainsi que l’influence croissante des syndicats et autres groupements par le règlement des rapports du travail et de la concurrence. Ils avaient ainsi prédit une décadence des principes fondamentaux qui étaient la base du code civil[69]. En effet, face aux différentes crises du XIXe siècle, le système individualiste du code civil a montré ses failles et ses inconvénients, obligeant de ce fait le législateur à intervenir pour rétablir la justice au sein du contrat. En réalité, l’inégalité qui existe entre les parties n’est pas nouvelle. Elle existait déjà sous l’Ancien Régime, mais elle s’est énormément accentuée durant tout le XIXe siècle, ce qui explique le mouvement interventionniste de l’Etat d’après guerre.

2 -               Les conséquences sur le plan du droit des contrats

            Au XXe siècle, la concentration industrielle et commerciale, l’important essor économique a entraîné des inégalités de puissance économique entre les groupes sociaux. La discussion post contractuelle s’est fortement atténuée. Ainsi, les dispositions des contrats étaient le plus souvent imposées par la partie la plus forte et on a vu se développer les hypothèse de rédaction unilatérale des contrats, ensuite soumis à l’adhésion des particuliers. Ce phénomène économique a eu pour conséquence certains abus de la part des contractants placés en position de force dans le contrat. L’abus de puissance économique d’un contractant a donc amené les personnes intéressées à se regrouper en associations, en syndicats et en groupements d’intérêts. Elles pouvaient dès lors discuter et établir sur un pied d’égalité relatif, les clauses d’un contrat type, qui sera ensuite offert à l’adhésion des particuliers. C’est ainsi que l’on a vu apparaître la consécration légale de cette pratique pour les conventions collectives (Loi 25/03/1919, 24/06/1936, 23/12/1946, 11/02/1950). Ce rééquilibrage des parties au niveau de la formation du contrat s’est aussi traduit par l’interdiction de certaines clauses abusives dans les contrats[70].

            Le droit des contrats s’est socialisé avec l’accumulation des capitaux et la concentration des entreprises[71]. A l’égalité théorique, désormais rompue dans les faits, il fallait substituer une égalité effective en instituant une politique de réglementation et interventionniste. Ainsi, plusieurs lois ont été promulguées dans les années 1970 avec pour but la protection du consommateur, en instaurant trois types de restrictions : un regain du formalisme pour permettre l’information des parties, une certaine réglementation du contenu du contrat pour ménager les intérêts du consommateur, et une relative altération des effets obligatoires du contrat pour une meilleure conscience des engagements souscrits. On peut voir dans la réaction législative, un mouvement de revalorisation du rôle de la volonté individuelle dans la formation du contrat : les lois de protection du consommateur, au nom d’un souci de justice contractuelle, visent à donner aux particuliers, les moyens d’un consentement éclairé et libre. Envisagé comme tel, le droit moderne des contrats élabore une conception nouvelle, actualisée de l’autonomie de la volonté, sans pour autant en contredire le principe.

            Ces évolutions politiques et économiques ont beaucoup marqué le droit des contrats. En effet, elles ont entraîné l’extension de la notion de l’ordre public, ce qui a engendré, par ricochet, une nouvelle définition du concept.

B.                Une nouvelle définition de l’ordre public

            Face à tous les événements qui se sont déroulés durant le XXe siècle, le législateur a accentué la pratique des dispositions d’ordre public. Ceci a entraîné un développement important de la notion même d’ordre public (1), pour laisser une place importante, en droit des contrats, à la notion d’ordre public de protection (2).

1 -               Développement de la notion

            Comme nous l’avons dit précédemment, dès 1804, le respect et la protection de l’intérêt général par le biais de la réglementation de l’ordre public étaient essentiels. L’ordre public et l’intérêt général qu’il protégeait était considéré comme la loi suprême. Cette conception de l’ordre public n’a pas changé aujourd’hui (fort heureusement). C’est ainsi que la Conseil constitutionnel a décidé, le 3 août 1994 que : «  aucune norme de valeur constitutionnelle ne garantit le principe de liberté contractuelle »[72]. Décidé le contraire aurait permis d’élever le principe de la liberté contractuelle au rang des principes constitutionnels. Il y aurait eu dès lors un conflit entre la protection de l’intérêt général et la protection des intérêts privés, par le biais de la protection de la liberté contractuelle face aux dispositions d’ordre public. C’est pourquoi la liberté contractuelle n’est pas et ne peut pas être un principe constitutionnel.

            Les dispositions d’ordre public concernent classiquement l’organisation de l’Etat, du gouvernement, la famille, la liberté et l’état des personnes. Cette notion représente l’idée d’un monopole que le législateur entend se réserver. La notion s’est beaucoup développée et sa souplesse a permis de l’étendre chaque fois que les besoins sociaux l’exigeaient. Outre le fait que l’ordre public se subdivise en plusieurs notions distinctes (ordre public économique, ordre public social...), on assiste, de nos jours, à un changement de définition de l’ordre public. En effet, l’ordre public classique, celui qui existait notamment en 1804, était essentiellement négatif : le législateur interdisait certains contrats ou certaines clauses. L’ordre public actuel est essentiellement positif : le législateur impose, d’autorité, une partie du contenu du contrat (taux du loyer, durée du travail...)[73]. Cette distinction entre l’ordre public négatif et l’ordre public positif peut être approfondie pour mettre en lumière deux types d’ordre public, avec deux finalités différentes. D’un côté, on peut observer qu’il existe un ordre public de direction grâce auquel le législateur impose certaines règles en vue de diriger les rapports entre les hommes ou entre les hommes et les personnes morales (privées ou publiques). D’un autre côté, on constate l’émergence d’un ordre public de protection, propre à protéger les particuliers dans leurs rapports entre eux ou dans leurs rapports avec les personnes morales (privées ou publiques)[74]. Or, c’est cet ordre public de protection qui tend à se développer en droit des contrats. Le législateur, afin que les contrats restent le moyen le plus étendu et le plus usité de circulation des richesses tient à protéger les parties, soit contre elles-mêmes, soient contre les aléas extérieurs à leurs relations contractuelles qui peuvent affecter le contrat. C’est donc bien dans un souci d’assurer l’effectivité et la pratique honnête des contrats que l’Etat intervient.

2 -               Utilité de la notion d’ordre public de protection

            A la fin de la deuxième guerre mondiale, et pendant la période de la Libération, on a assister à une période de dirigisme économique, puis à une politique économique néo libérale. Le droit de la concurrence fournit une bonne illustration des variations et des limites de l’ordre public en matière contractuel. Avec l’essor de la société de consommation, dans les années 1960, apparaît peu à peu la nécessité d’un ordre public de protection en faveur des consommateurs : la loi du 2 juillet 1963 pour la publicité mensongère, l’institut national de la consommation crée en 1966, la loi Royer du 27 décembre 1973, soumettant la création des grandes surfaces à une autorisation préalable, la loi du 22 décembre 1972 sur la vente et le démarchage à domicile, la loi Scrivener du 10 janvier 1978 qui fait reculer la liberté contractuelle devant les impératifs de la défense des consommateurs : lutte contre la fausse publicité, imposition des procédés d’information positifs du consommateur, attaque contre les clauses abusives. Cet ordre public de protection du consommateur a continué à se développer depuis 1978, en particulier avec la loi du 13 juillet 1979 sur le crédit immobilier (délai de réflexion pour l’emprunteur), celle du 5 janvier 1988, permettant aux associations de consommateurs d’intervenir devant les juridictions civiles...

            Mais il ne faut pas oublier qu’en général, l’ordre public de protection est un minimum auquel on peut déroger, ce qui l’oppose à l’ordre public de direction. Ce qui laisse une marge pour la liberté contractuelle, même si elle reste assez relative. Pour ce qui est du consentement, le législateur fait intervenir l’ordre public de protection. C’est parce que la société de consommation d’après guerre a entraîné des abus que le législateur s’est vu contraint d’intervenir au niveau de la formation du contrat. Certains y verront le signe d’un déclin de la théorie de l’autonomie de la volonté, mais cela n’est que partiellement vrai. En effet, la théorie de l’autonomie de la volonté pose la volonté comme libre, toute puissante et elle en déduit que les rapports contractuels ne peuvent de ce fait être qu’équitables et égaux. Or, la pratique a montré que la liberté seule n’était pas source de justice contractuelle car les parties, dès la formation du contrat n’étaient pas sur un pied d’égalité. Le travail du législateur a donc consisté à rendre des parties égales lors de la formation du contrat, afin que leurs libertés respectives puissent s’exprimer de façon saine et juste. C’est bien parce que l’on a voulu préserver le principe selon lequel le consentement doit être le reflet de la volonté que l’on a instaurer une réglementation protectrice.

 

            Face à ces aléas politiques et économiques, et les conséquences qu’ils ont pu avoir dans sur la vie des individus au quotidien (difficultés de logement, chômage, hausse des prix...), une réaction des gouvernants était fortement souhaitée et souhaitable. En outre, force est de constater que cette évolution du domaine de l’ordre public et le travail du législateur pour protéger les parties a aussi été soutenu par les juges qui ont, eux aussi, fait évoluer la protection des parties lors de la formation de leurs contrats.

§  2.          Une jurisprudence favorable au maintien d’une égalité de fait

            Les juges ont aussi fortement contribué au maintien d’une égalité de fait entre les parties lors de la formation du contrat, en imposant de nouvelles obligations à la partie la plus puissante (A). Mais cette évolution prétorienne s’est faite sans pour autant marquer une rupture avec les principes découlant de l’autonomie de la volonté (B)

A.                Les obligations précontractuelles

            Afin de protéger le consentement des parties, les juges donné beaucoup d’importance à l’information due postérieurement à la conclusion du contrat (1). Ils ont aussi tenu compte du fait que la réflexion précontractuelle était un élément indispensable pour que le contrat soit conclu en pleine connaissance de cause et donc de fait, mieux exécuté (2).

1 -               L’importance de l’information

            On observe que l’existence d’une phase de négociation fait diminuer le risque de vices du consentement car elle permet une meilleure information des parties. Sinon l’inégalité entre les contractants est d’autant plus forte. Le code civil, pour qu’une convention soit valable, n’exige ni parfaite égalité entre les contractants, ni discussion préalable à l’accord contractuel. Aujourd’hui, la nouvelle conception des rapports contractuels tient compte des inégalités de fait. Ce qui explique les obligations de renseignement et d’information qui se sont fortement développées essentiellement grâce aux travaux des juges. En effet, le développement technologique, scientifique et technique a fait que les cocontractants n’étaient plus sur un pied d’égalité pour ce qui était de la connaissance de l’objet même du contrat. Parce que le professionnel ne doit pas abuser de cette position de force, il doit s’assurer que le contrat choisi, ainsi que l’objet du contrat, répondront bien aux exigences et aux besoins de l’autre partie. Mais cette « obligation de communiquer son savoir et son expérience », qui pèse sur le professionnel est contrebalancée par l’obligation pour l’autre partie d’expliquer clairement ce qu’elle attend du contrat. On peut donc observer que l’égalité des parties, dans les obligations qu’elles doivent remplir avant la formation du contrat sont relativement équilibrées, dans la mesure de leurs positions sociales, intellectuelles et économiques respectives. Ainsi, le vendeur doit expliquer quelles sont les caractéristiques du produit et ses utilités, alors que l’acheteur doit lui expliquer clairement ce qu’il recherche et à quelles fins. Cela explique le travail des juges quant à l’équilibre des obligations qui pèsent sur les parties avant le contrat : l’obligation d’information et de conseil du professionnel sont contrebalancées par l’obligation de renseignement du profane.

2 -               La phase de réflexion

            Sous l’influence des nouvelles conceptions de l’équilibre contractuel consacrés par le législateur, les règles traditionnelles du code civil, naguère interprétées à la lumière du principe d’autonomie de la volonté, ont été repensés par la jurisprudence et par la doctrine. Ces transformations sont d’abord visibles dans l’appréhension de la formation du contrat. La jurisprudence a tenu compte de la pratique de plus en plus courante dans le monde des affaires, des accords préliminaires en assurant l’efficacité de certains engagements précontractuels. Les engagements précontractuels ont pour point commun de permettre au contractant d’avoir une meilleure connaissance de son engagement, et donc un consentement plus éclairé et plus sain. On peut citer à titre d’exemple les pourparlers ou les accords de principe. Cependant, le non-respect de ces engagements précontractuels ne doit pas et ne peut pas être sanctionné par une éventuelle responsabilité contractuelle. En effet, lors de ces discussions précontractuelles, le consentement au contrat n’est pas parfait et effectif, puisque c’est le rôle même de ces dernières que de permettre l’arrivée, à terme, d’un contrat pleinement négocié et consenti. Dès lors, le manque de loyauté dans la négociation précontractuelle de peut être sanctionnée que par une action sur le terrain délictuel.

            Notons que le législateur tend aussi de ce fait, à développer l’obligation de respect d’un certain temps de réflexion avant la conclusion des contrats. On peut citer à titre d’exemple les crédits immobiliers ou l’article L 271-1 du Code de la construction et de l’urbanisme, qui imposent les délais de réflexion avant la manifestation de tout consentement. On peut se demander quel est l’intérêt du législateur de ralentir la formation du contrat, instrument de développement économique. Celui-ci réside tout simplement dans le fait qu’un contrat mûrement réfléchi et accepté en toute connaissance de cause, sera un contrat mieux exécuté et donc plus utile. En effet, si l’Etat et les juges, à l’heure actuelle, n’intervenaient pas sur certaines questions pour rétablir l’égalité des contractants, les contrats seraient peut être vécus comme plus injustes ou plus oppressants et seraient donc plus souvent annulés pour vice du consentement ou pour lésion.

            Force est de constater que ces nouvelles obligations précontractuelles, crées par les juges sont nombreuses et importantes. Pourtant, il n’est pas certain qu’elles représentent une atteinte si grande au principe déduits de l’autonomie de la volonté.

B.                La phase de formation du contrat et l’autonomie de la volonté

            Le développement de la pratique des avant-contrats, bénéfique sur le plan de la protection du consentement des parties n’est pas forcément une atteinte aux principes de l’autonomie de la volonté et donc à la théorie générale des contrats. En effet, la Cour de cassation, au travers de ses décisions, maintien le principe selon lequel la rencontre des volontés forme le contrat (1). En outre, le regain de formalisme qui peut être constater de nos jours ne signifie pas nécessairement non plus l’abandon du principe du consensualisme (2).

1 -               Le maintien du consensualisme

            Même si la jurisprudence tient compte de la pratique des avant-contrats, qu’elle les sanctionne ou qu’elle les garantisse, les juges n’en reste pas moins très attaché au principe du consensualisme. A meilleure illustration se trouve dans la jurisprudence relative aux promesses unilatérales de vente, où les juges maintiennent le principe selon lequel, seule la rencontre des volontés peut créer le contrat. On définit classiquement la promesse unilatérale de vente comme le contrat par lequel une des parties, le promettant, s’engage à vendre un bien à un autre, le bénéficiaire dans un certain délai, déterminé ou non[75]. La distinction entre promesse unilatérale de vente et offre de contracter est évidente. En effet, cette dernière, simple manifestation unilatérale de volonté, est caractérisée par sa libre révocabilité alors que la promesse unilatérale bénéficie de la force obligatoire attachée au contrat qui devrait interdire au promettant de revenir sur son engagement.

            Or, La Cour de cassation, le 15 décembre 1993[76] bouleverse le régime de la promesse de vente en décidant que lorsque le promettant rétractait sa promesse avant la levée de l’option, le contrat n’était pas formé, le promettant commettant une faute qui engageait sa responsabilité. Dès lors, en décidant que la levée de l’option postérieure à la rétractation de la promesse n’ouvrait droit qu’à des dommages et intérêts, les juges du droit ont bien entendu faire prévaloir le principe du consensualisme. Ainsi, les deux consentements n’étant plus présent, le contrat de vente n’était pas formé. Ceci n’empêche pas que l’obligation de faire qui résultait de la promesse unilatérale de vente n’ayant pas été exécutée, une sanction s’imposait. Mais cette sanction ne pouvait pas être l’exécution forcée de la vente, puisque celle-ci ne pouvait pas exister. On constate donc que la jurisprudence, si elle développe des obligations précontractuelles, n’en oublie pas pour autant le principe du consensualisme.

2 -               Formalisme et autonomie de la volonté

            Le retour en force du formalisme est vécu par les juristes comme une atteinte flagrante à l’autonomie de la volonté qui court de ce fait à sa perte. Il n’en est rien. Le consensualisme reste la règle, mais les exceptions sont simplement plus nombreuses. Dès lors, pourquoi maintenir le principe ? Peut être pour les mêmes raisons qui ont poussé les codificateurs à reconnaître le principe de consensualisme : la liberté est un gage de développement des rapports humains et donc d’essor économique. La liberté a aussi un rôle politique. Toute démocratie reconnaît l’homme libre. Le but de tout régime politique démocratique est la conciliation des libertés des hommes et de l’intérêt général. Or, de nos jours, si on veut que le contrat soit toujours animé d’un esprit de justice contractuelle, le législateur se doit de limiter le principe du consensualisme, c’est à dire de limiter la liberté contractuelle afin de permettre que les rapports entre les particuliers se fassent sur un pied d’égalité et apportent une certaine équité dans leurs relations. Cela ne signifie pas pour autant que le principe du consensualisme court à sa perte. Cela signifie peut être seulement que si l’on veut que la volonté reste autonome et que le consentement soit le reflet de cette volonté autonome, il faut limiter un peu plus le sacre sain principe du consensualisme, afin que lorsqu’il trouve à s’appliquer, il s’applique le mieux possible et dans les meilleures conditions possibles.

 

            Comme nous venons d’en faire état, les atteintes actuelles aux principes déduits de la théorie de l’autonomie de la volonté au sein de la formation du contrat ne sont là que pour permettre de rétablir une certaine égalité entre les parties afin que le contrat soit le plus adapté possible et le plus juste possible. Or, si la liberté absolue dans le contrat a pu amené à une certaine inégalité des contractants, elle a aussi entraîné une relative iniquité et un certain déséquilibre lors de l’exécution du contrat. C’est pourquoi, en vertu d’une volonté toujours croissante de justice contractuelle, le principe de l’intangibilité du contrat devait aussi être relativisé.

CHAPITRE  II.          atténuation de l’intangibilité du contrat pour une plus grande équité

            L’intangibilité du contrat, déduit du principe de la force obligatoire du contrat, a eu pour conséquence une certaine rigidité au sein des contrats. Cette rigidité, parfois source de déséquilibre et de situations inéquitables, a dû aussi être tempérée. Cette volonté de justice contractuelle existant aussi pendant l’exécution du contrat, on constate deux phénomènes limitant l’intangibilité du contrat. En effet, l’intangibilité du contrat suppose d’une part que des obligations nouvelles, non prévues et non consenties, ne doivent pas découler du contrat et d’autre part, ce principe suppose que ce que les parties ont choisi et voulu ne doit pas être modifié autrement que de leur commune intention. Or, on observe que les deux atteintes à l’intangibilité du contrat se développent de plus en plus de nos jours par le biais du forçage du contrat par le juge (§1) et de la révision du contrat en cours d’exécution (§2).

SECTION  I.          le forcage du contrat par le juge

            Avant d’étudier les moyens utilisés par les juges pour créer de nouvelles obligations au sein du contrat, afin de maintenir un certain équilibre des prestations réciproques (§2), il convient d’étudier les raisons qui les ont poussé à porter atteinte au principe de l’intangibilité du contrat (§1).

§  1.          Les difficultés soulevées par l’intangibilité du contrat

            Les difficultés soulevées par l’intangibilité du contrat sont de deux ordres. Tout d’abord, le problème se pose sur le plan de la sécurité juridique. En effet, les atteintes à l’intangibilité du contrat ne doivent pas avoir pour conséquences de créer une insécurité juridique au sein du droit du contrat (A). En outre, le second problème vient du fait que la responsabilité délictuelle était inadaptée pour solutionner les problèmes nouveaux suscités par l’exécution du contrat et que l’intangibilité du contrat empêchait le règlement de certains effets imprévus du contrat (B).

A.                La volonté de maintenir une certaine sécurité juridique

            Afin que les contrats ne deviennent pas une source d’insécurité juridique, il faut maintenir une certaine confiance quant à l’exécution du contrat. Les créanciers ont besoin de savoir que ce qu’ils ont prévu trouvera à se réaliser (1). Cependant la pratique montre que ce besoin de crédit des créanciers doit parfois être atténué afin que le contrat ne soit pas source d’injustice.

1 -               Le besoin de crédit des créanciers

            Toute restriction à la force obligatoire du contrat diminue la confiance du créancier et porte atteinte au crédit dont dépendent beaucoup d’opérations d’une utilité sociale incontestable. En effet, si les parties ne sont pas assurées de l’exécution du contrat dans les conditions qu’elles ont prévues, il y a un risque de dépérissement du contrat, dû au manque de confiance du créancier. On assimile ici besoin de crédit et confiance dans la bonne et juste exécution du contrat. Il ne faut pas oublier que le contrat est un moyen pour les particuliers non seulement de gérer leur patrimoine, mais aussi de planifier et de prévoir leur avenir. Dès lors, respecter le contrat, c’est respecter les prévisions des contractants. En conséquence, si on détruit le principe de l’intangibilité du contrat, on ruine de ce fait le rôle et l’essence même du contrat, puisque les prévisions des cocontractants pourront être modifiées. C’est pour cette raison que le fait que le juge puisse intervenir dans le contrat est assez mal perçu par les défenseurs du principe de la liberté contractuelle et de la force obligatoire du contrat. Pour soutenir cette opinion, il faut souligner que le code apporte sa sanction au contrat en raison de l’utilité qu’il a, pour la paix publique et le commerce, à ce que les hommes respectent la parole qu’ils se sont donnés. Mais, comme nous l’avons déjà dit précédemment, on assiste à une augmentation des contrats rédigés unilatéralement, due à un essor des monopoles économiques. Dès lors, certaines clauses du contrat sont parfois acceptées plus « par la force des choses ». Elles ne sont pas nécessairement le résultat d’une discussion et d’une acceptation réelles. C’est pourquoi, face à ce besoin de crédit, et donc à ce souci de respect de l’intangibilité du contrat, le législateur et les juges ont dû faire valoir de nouveaux objectifs tels que l’égalité des parties et l’équilibre des prestations.

2 -               La nécessité de la révision du contrat

            L’intangibilité du contrat n’est plus aujourd’hui une vérité admise, ni par le législateur, ni par la jurisprudence, ni à plus forte raison, par la doctrine. Selon Saleilles, le contrat n’est pas un acte de maîtrise d’une volonté créatrice de droit, mais un fait social qui doit être conforme à la justice. Il met en lumière le développement de « prétendus contrats » où l’inégalité des parties rendait impossible un véritable choix. Ces « contrats d’adhésion » devaient être contrôlés par le juge pour éviter que la recherche de la volonté des parties n’aboutisse à des résultats injustes[77]. Durant les décennies qui suivirent la promulgation du code, les juges avaient une conception très stricte de l’intangibilité du contrat. C’est ainsi qu’en 1876 est intervenu l’arrêt Canal de Craponne[78] dans lequel les juges ont donné la préférence à l’alinéa 1er de l’article 1134 sur l’alinéa 3. Ces derniers avaient interdit aux juges du fond, le droit « de prendre en considération le temps et les circonstances pour modifier la convention des parties ». Cependant, cette solution qui était somme toute logique au regard de la philosophie individualiste de l’époque, n’en restait pas moins quelque peu injuste. De surcroît, l’application d’une telle politique est aujourd’hui très risquée. En effet, la négation totale des circonstances externes au contrat pour modifier le contrat (dans certaines limites) aboutit à une certaine rigidité juridique et sociale. Un débiteur, du fait de circonstances imprévisibles, peut très bien se trouver dans l’impossibilité d’exécuter le contrat tel qu’il avait été prévu initialement. Le principe d’intangibilité du contrat appliqué à la lettre aboutirait dès lors à une résolution ou une résiliation du contrat. Si on assouplit pas un tant soit peu le principe de l’intangibilité du contrat, on risque de se trouver confronter à une prolifération des actions tendant à la résiliation ou la résolution des contrats. Ainsi, ce principe, si l’on ne l’atténue pas, conduira aussi à une insécurité juridique. L’Etat, les juges, les parties n’ont pas forcément intérêt à ce que le contrat disparaisse automatiquement, mieux vaut peut être autoriser le juge, dans une certaine mesure, à l’adapter aux circonstances présentes. Si le lien contractuel devient plus plastique, plus souple et plus adaptable, il devient forcément moins cassant. La survie de l’acte réparé prévaut dès lors sur son anéantissement pur et simple.

            Cette volonté de maintenir une certaine sécurité juridique et contractuel est une limite aux atteintes à l’intangibilité du contrat, qui sont pourtant parfois nécessaires. Elles sont d’autant plus nécessaire que le droit de la responsabilité délictuelle n’est pas adapté pour faire face aux dommages nés de circonstances imprévues touchant l’exécution du contrat.

B.                L’influence du délictuel sur le contractuel

            Les juges, en plus des circonstances extérieures au contrat qui venaient en affecter l’exécution normale qui avait été prévue initialement, se sont trouvés confrontés à deux problèmes. D’un côté, la responsabilité délictuelle était inadaptée pour résoudre les problèmes posés lors d’incidents survenus lors de l’exécution du contrat (1). De l’autre côté, ils ont dû limiter la liberté contractuelle afin de préserver les possibilités de restriction de la responsabilité contractuelle (2).

1 -               Les contraintes de la responsabilité délictuelle

            La prolifération des contrats lors des XIXe et XXe siècle a entraîné plusieurs conséquences. En effet, on a vu apparaître des incidents, des accidents, corporels ou matériels, survenant durant l’exécution du contrat. Dès lors, un problème s’est posé : l’indemnisation du dommage survenu devait-elle se fonder sur la responsabilité délictuelle ou sur la responsabilité contractuelle? Un accident, survenu sur le lieu de travail, du fait de la défectuosité d’une machine, devait-il être réparé par le biais de l’article 1147 ou de l’article 1382 ? Le fait que le contrat n’est pas prévu ces conséquences, devait-il entraîner l’application de l’article 1382 et de seulement lui? N’était-il pas du devoir du créancier d’empêcher dans la mesure de ses moyens, la survenance d’un dommage pour le débiteur ?

            Face à ce phénomène, on a assisté à une difficulté croissante pour les victimes à prouver la faute de la personne qui avait causé leur dommage. La responsabilité délictuelle instaurée par l’article 1382 du code civil était inappropriée à ces dommages, qui apparaissait lors de l’exécution du contrat, voire du fait de l’exécution du contrat. En effet, quelle pouvait être la faute du créancier ? Celui-ci avait tout de même exécuté le contrat tel qu’il avait été prévu initialement. Ainsi, pour surmonter les inconvénients de la responsabilité pour faute, les tribunaux se sont appuyés sur des obligations accessoires au contrat, censées avoir été incluses dans le contrat lors de son élaboration. En effet, est-il si absurde de dire que la bonne exécution du contrat sous-entend l’obligation de ne pas créer de dommage à son partenaire, de son propre fait, du fait de l’exécution du contrat ou du fait d’événements imprévisibles affectant la bonne exécution du contrat ?

2 -               La responsabilité contractuelle face à la liberté contractuelle

            Vient s’ajouter au fait que la responsabilité délictuelle soit inadaptée, dans certains cas, pour réparer les dommages survenu durant l’exécution du contrat ; le fait que la détermination du champ d’application de la responsabilité contractuelle soit laissée entre les mains du principe de la liberté contractuelle. Ainsi est apparu la pratique des clauses limitatives voire exonératrices de responsabilité au sein du contrat. Or, comme nous l’avons déjà vu, la pratique des contrats d’adhésion s’est fortement accrue ces dernières décennies. Le monopole de droit et de fait dont disposent certaines entreprises, certains services, font que la négociation et le choix des dispositions contractuelles sont devenu purement utopiques. Comment négocier avec la SNCF, pour le prix du billet, pour les conditions de remboursement en cas de retard ? Comment imposer à l’EDF, certaines dispositions contractuelles ? Comment envoyer un courrier autrement que par la Poste ? Du fait de ces monopoles économiques et des conséquences qu’ils entraînent sur le plan de l’égalité des contractants, le principe de liberté contractuelle a été mis à mal. C’est pourquoi le législateur a entendu imposer un minimum dans ces contrats, afin que la partie demandeuse ne soit pas dans une position trop flagrante d’infériorité. Le travail des juges, quant à eux, s’est donc porté plus sur la responsabilité contractuelle et sur les moyens de la mettre en oeuvre. Ainsi, on peut citer l’exemple de l’arrêt Chronopost[79] qui, au nom de la cause, a anéanti une clause limitative de réparation. Celle-ci effaçait quasiment la sanction du non-respect de l’obligation essentielle de ponctualité, ce qui privait l’engagement de sa raison d’être, et rendait l’obligation de l’une des parties, quasiment potestative. C’est donc pour éviter que les obligations de la partie la plus forte n’aient un caractère potestatif ou que ces obligations soient sources d’un déséquilibre trop important dans le contrat, que les juges interviennent.

 

            Force est de constater que face à ces nouveaux problèmes et à ces circonstances venant troubler l’exécution normale des contrats, les juges ont dû développer des nouvelles obligations, implicites au contrat. Cette création prétorienne vient sans nul doute porter atteinte au principe de l’intangibilité du contrat puisque de ce fait, les juges viennent ajouter au contrat des obligations, à la charge des deux parties, qui n’avaient pas été prévues initialement. Cependant, ce travail était nécessaire au maintien d’une certaine équité et d’une certaine justice durant l’exécution du contrat.

§  2.          La création de nouvelles obligations

            Avant de voir quel est le fondement juridique que les juges ont utilisé pour justifier ce forçage du contrat (B), il convient d’étudier quelles ont été les obligations nouvelles ajoutées par les juges lors de l’exécution du contrat (A).

A.                Les nouvelles obligations

            Les nouvelles obligations créées par les juges découlent résultent essentiellement de la distinction entre les obligations de moyen et les obligations de résultat (1). En effet, les juges ont utilisé la notion d’obligation de résultat pour étendre souvent les obligations des parties (2).

1 -               La distinction essentielle entre obligation de moyen et obligation de résultat

            Les tribunaux ont désormais tempéré leur intransigeance et ont eu recours à d’autres éléments d’appréciation que la seule intention des parties. La jurisprudence qui s’est élaborée à propos de la rectification des actes juridiques et de l’adjonction d’obligations nouvelles s’inspire souvent de l’utilité sociale et des besoins du crédit. Face à l’apparition de nouveaux dommages, nés durant l’exécution du contrat, ou du fait de l’exécution du contrat, les juges ont trouvé une solution dans la qualification de la nature des obligations issues du contrat. Ainsi, les obligations instaurées par le contrat devaient être, soit de résultat soit de moyens. C’est Demogue qui crée, en 1925, cette distinction entre l’obligation de moyen et l’obligation de résultat. La distinction est fondée sur le contenu de la promesse du débiteur qui s’engage soit à procurer un résultat précis, soit à mettre en oeuvre toute la diligence possible pour obtenir ce résultat. Par exemple, alors que l’obligation du médecin est depuis 1936 une obligation de moyen, les laboratoires d’analyses médicales sont tenus d’une obligation de résultat pour les examens courants. Mais le médecin peut être tenu d’une obligation de résultat pour les appareils qu’il utilise.

2 -               Les obligations créées par la jurisprudence

            La jurisprudence, avec ou sans texte a réussi à fournir au juge d’importants moyens de contrôler l’équilibre du contrat. Ce sont les juges qui ont inventé les divers devoirs contractuels du professionnel. Ils ont ainsi renforcé la garantie des vices, crée les obligations de sécurité, de renseignement, de mise en garde, de conseil. Ce sont les juges qui ont forcé les contrats pour y rattacher des suites équitables et accueillir ainsi de nombreuses obligations accessoires implicites. Ce sont eux qui ont réglé le régime des clauses limitatives de responsabilité et des clauses alléguant les obligations dans les contrats. L’exemple le plus souvent cité sur la question est celui de l’obligation de sécurité. Dès 1932, la Cour de cassation décidait que : «  en vertu du contrat de transport, la compagnie de chemin de fer assume envers la personne transportée, l’obligation de la conduire saine et sauve à destination ; qu’en cas d’accident mortel survenu en cours d’exécution du contrat, le droit d’obtenir réparation du préjudice s’est ouvert en vertu de l’article 1147 du code civil au profit du conjoint et des enfants de la victime en faveur de qui celle-ci a été stipulée, sans qu’il ait été besoin de le faire expressément »[80]. Par suite, cette obligation de sécurité a été découverte dans de nombreuses autres conventions, sans que la Cour de cassation ne fasse référence à une éventuelle volonté contractuelle. Cette obligation a dès lors été étendue aux exploitants des manèges forains[81], aux centres de transfusion sanguine[82]... Cette dernière, en fonction de la nature de la prestation que le débiteur s’engage à fournir, sera soit de moyens, soit de résultat[83].

            On peut aussi citer toutes les obligations de renseignement, d’information, de conseil, de mise en garde qui ont été crées par la jurisprudence afin de rétablir une égalité intellectuelle au sein du contrat. Ces différentes obligations sont essentiellement présentes au stade de la formation du contrat, afin que le contractant le moins averti soit mis sur une pied d’égalité avec le professionnel, pour qu’il puisse contracter en toute connaissance de cause et que sa volonté ne soit pas viciée. Mais ces obligations existent aussi lors de l’exécution du contrat, surtout en ce qui concerne les obligations de mise en garde et de conseil, qui trouvent leur terrain de prédilection dans le domaine bancaire.

            Les nouvelles obligations ajoutées au contrat sont donc de plus en plus nombreuses et de plus en plus lourdes. Ce phénomène est d’autant plus contradictoire qu’il trouve son fondement dans l’article 1134 notamment, qui se trouve être la base d’une partie de la théorie de l’autonomie de la volonté.

B.                Le fondement de ces nouvelles obligations

            Outre la volonté des juges de maintenir l’équilibre dans le contrat et de le soumettre à une certaine morale, les juges ont trouvé, notamment dans l’article 1134 du code civil, un fondement idéal à leur travail de forçage (1). Cependant, il est juste de souligner que cet article n’est pas le seul fondement invoqué. En effet, il est nécessaire, au sein de cet article, de maintenir un certain équilibre entre l’alinéa 1er et l’alinéa 3 (2).

1 -               Le nouvel intérêt porté à l’article 1134

            L’article 1134 CC lui-même, dont la portée paraissait menacée par le déclin de l’autonomie de la volonté, a été mis au service du pouvoir modérateur du juge en insistant sur la bonne foi. Les tribunaux ont pu ainsi refuser de donner effet à des clauses résolutoires mise en oeuvre de mauvaise foi par le créancier[84]. Dès le XVIIIe siècle, Domat exprimait l’idée selon laquelle : «  Il n’y a aucune espèce de convention où il ne soit sous-entendu que l’un doit à l’autre la bonne foi, avec tous les effets que l’équité peut y demander, tant en la manière de s’exprimer dans la convention, que par l’exécution de ce qui a été convenu et de toutes les suites »[85]. Ce dernier soulignait donc déjà l’importance de la bonne foi au stade de l’exécution du contrat. Cette tendance à la mise en avant de la bonne foi dans l’exécution des contrats est très importante de nos jours. En effet, on a vu ces dernières décennies, apparaître la notion d’abus de droit. La théorie de l’abus de droit exprime l’idée selon laquelle on puisse abuser de la liberté contractuelle. Si cette idée aurait pu apparaître autrefois comme hérétique et comme contraire au principe d’autonomie de la volonté, elle est aujourd’hui pleinement admise. La jurisprudence contemporaine considère désormais qu’il existe un  devoir de ne pas abuser de son droit, de ne pas en user dans une pensée illégitime pour nuire à autrui plus que pour satisfaire des intérêts sérieux. C’est pour défendre cette idée que l’accent est mis sur la bonne foi exprimée à l’article 1134 du code civil. Ainsi, cette disposition a été le fondement des célèbres arrêts de 1995 sur l’abus dans la fixation du prix[86]. Parce que le principe de la liberté contractuelle ne doit pas être le moyen pour les plus puissants d’abuser de leur position de force, l’article 1134 alinéa 3 constitue la justification parfaite pour les juges de leurs interventions au sein du contrat.

2 -               La nécessité d’un juste équilibre au sein de l’article 1134

            L’article 1134 du code civil permet aux juges d’intervenir indirectement dans le contrat. Il constitue le fondement de beaucoup d’obligations, notamment de l’obligation d’information, de conseil et de mise en garde existant lors de l’exécution du contrat. Cet article constitue la porte ouverte vers une interprétation extensive des obligations du contrat. Cependant, il ne faut pas que les principes de la liberté contractuelle et de la force obligatoire du contrat soit de ce fait totalement dénaturés. Dès lors, il est nécessaire de trouver un juste équilibre entre l’alinéa 1er et l’alinéa 3 de cet article. Le problème est que la porte est désormais ouverte et que les risques de débordement existent donc. En effet, la bonne foi dans l’exécution des contrats impose-t-elle de renégocier le contrat en cas de survenance d’un élément imprévu, affectant les possibilités d’exécution du contrat dans les termes initialement prévu ? Si oui, ce changement au sein du contrat initial doit-il être le fait du juge ? Ou bien ce dernier doit-il seulement imposer aux parties l’obligation de redéfinir les termes du contrat pour que celui-ci paraisse plus juste et plus équitable ? Il serait fortement dommageable que les juges abusent de cette pratique du forçage du contrat, qui pourrait entraîner une réduction de la confiance des contractants dans les dispositions qu’ils choisissent. Si certains principes tels que l’égalité et l’équité au sein du contrat sont nécessaires, il ne faut pas pour autant faire totalement disparaître celui de liberté.

 

            Après avoir observer les difficultés que pose le principe de l’intangibilité du contrat, justifiant le forçage du contrat par les juges, on se doit d’étudier aussi les atteintes qui sont portées au principe du fait de la révision du contrat en cours d’exécution. Forte atténuation au principe de la force obligatoire du contrat, la révision de ce dernier n’est permise, encore une fois, que pour rétablir une certaine justice au sein du contrat, qui, plus équilibré, n’est sera que mieux exécuté.

SECTION  II.          la volonte de reequilibrage des parties

            Force est de constater que durant l’exécution du contrat, le pouvoir d’intervention des juges s’est accru. En effet, ces derniers disposent désormais de plus de moyens pour rééquilibrer partiellement les parties lors de l’exécution de leurs prestations (§1). Cependant, il ne faudrait pas en conclure trop hâtivement que les principes fondamentaux de l’autonomie de la volonté sont pour autant complètement laissés à l’abandon (§2).

§  1.          Les moyens mis en oeuvre

            Si la volonté du législateur actuel est de permettre l’intervention parfois utile du juge au sein du contrat, il n’en reste pas moins que les moyens dont ils disposent sont limités et contrôlés. il convient donc de voir quels sont les moyens autorisés au juge pour rééquilibrer les parties (A), et quels sont les moyens qui lui sont toujours refusés (B).

A.                Les moyens autorisés

            Si le législateur a donné les moyens au juge d’intervenir parfois dans l’exécution du contrat, ce n’est que pour pallier les conséquences de l’inégalité des parties durant la formation du contrat (1). C’est parce que l’inégalité entraînait le déséquilibre contractuel que les dispositions sur les clauses pénales ont été réformées (2).

1 -               Les conséquences de l’inégalité

            Comme nous l’avons vu précédemment, l’égalité des parties dans la conclusion des contrats n’est toujours pas effective, ce pourquoi le juge et le législateur interviennent. Cette inégalité économique, sociale, intellectuelle se reporte aussi au stade de l’exécution du contrat. En effet, les deux parties, dotées d’une liberté quasi absolue lors de la conclusion du contrat, sont de ce fait, en position d’inégalité. Ainsi, la partie la plus faible n’a pas le pouvoir d’imposer ou d’empêcher la création de certaines dispositions qui vont être source de déséquilibres au stade de l’exécution du contrat. Or, le principe de justice contractuelle conduit à exiger que le contrat ne détruise pas l’équilibre qui existait avant dans les patrimoines respectifs des deux contractants. Cet équilibre peut être rompu si on laisse une trop grande place à la liberté dans la conclusion du contrat, car celle-ci n’entraîne pas une égalité parfaite. C’est pourquoi, l’intervention du juge et du législateur est nécessaire. On peut dire que c’est une forme de socialisation du droit des contrats. On peut aussi se demander si ce phénomène n’est pas, plutôt qu’une infidélité à l’esprit de 1789 et même de 1804, la conclusion logique du principe d’égalité alors rappelé à la lumière.

2 -               Les clauses pénales

            Construit sur des principes de bonne foi et d’équité contractuelle, ce corps de règles prétoriennes admet aujourd’hui la régulation judiciaire des clauses pénales. Parce que la volonté des législateurs et des juges se trouve désormais dans la défense des intérêts des débiteurs, les lois du 9 juillet 1975 et du 11 octobre 1985 ont modifié les articles 1152 et 1231 du code civil. Les clauses pénales comportent une formule indemnitaire et dissuasive. Elles sont consacrées par la théorie de l’autonomie de la volonté. En effet, en vertu du principe de la liberté contractuelle, l’existence de ces clauses n’est pas choquante et n’est pas considérée comme injuste. Cependant, le déséquilibre inévitable sur les plans économique et social, entre les cocontractants, peut être à l’origine de clauses pénales excessives. C’est pourquoi il a été accordé au juge, la possibilité d’augmenter ou de diminuer les pénalités conventionnelles trop importantes ou dérisoires. Mais cette nouveauté légale n’est pas plus choquante que le forçage du contrat par le juge. En effet, on permet aux juges et au législateur de rééquilibrer les prestations réciproques des parties dans un souci d’équité, d’égalité et donc de justice contractuelle. Pourquoi cette volonté de maintenir un équilibre global dans le contrat ne pourrait-elle pas exister au sein de la sanction portée à l’inexécution totale ou partielle du contrat ?

            On peut en outre citer l’exemple des délais de grâce, prévus et réglementés aux articles 1244 et suivants du code civil. Les délais de grâce étaient déjà prévu par le code civil de 1804 mais ils ont subi depuis quelques modifications avec la loi du 9 juillet 1991 sur les procédures civiles d’exécution. Ces délais, dans le domaine contractuel, ne sont là que pour éviter la rupture du lien de droit qui existe entre les contractants, en adaptant l’exécution des obligations à la situation du débiteur.

            Si certains moyens sont laissés aux juges pour atténuer le principe de l’intangibilité du contrat, ils sont cependant limités. En effet, certains moyens avancés par la doctrine, en contre partie, sont toujours refusés.

B.                Les moyens interdits

            Si la volonté du législateur est de maintenir le lien contractuel, en permettant aux juges de l’assouplir, il ne faut pas exagérer les moyens dont ces derniers disposent. En effet, deux moyens de rééquilibrer les parties leur sont toujours refusés : la lésion généralisée comme vice du consentement (1) et la théorie de l’imprévision (2).

1 -               La lésion comme vice du consentement

            La lésion n’est pas considérée comme un vice du consentement. Elle n’est qu’exceptionnellement une cause de nullité en vertu des articles 1118 et 1304 et suivants du code civil. Tous les efforts qui ont été faits pour généraliser la lésion en tant que vice du consentement ont été vains, et cette généralisation a été repoussées au nom de la sécurité des relations juridiques. Cette solution semble logique tant cette notion peut être difficile à appréhender. En effet, à partir de quel moment, de quel déséquilibre, peut-on dire qu’il a lésion ? Devrait-on en faire la même application que pour les ventes d’immeuble et considérer qu’il y a lésion lorsqu’elle se monte à sept douzièmes de la valeur de la prestation ? Un autre problème se poserait alors. En effet, certaines obligations, prestations, sont difficilement évaluables en argent et seraient de ce fait un frein à l’application de la lésion. Toutefois, selon les docteurs en droit, MM ARMAND-PREVOST et RICHARD, ce phénomène est regrettable en ce qui concerne les contrats d’adhésion. Selon eux, dans ce type de contrat, il serait souhaitable que le juge puisse vérifier qu’il existe bien un certain équilibre entre les prestations échangées et qu’il puisse éventuellement de ce fait sanctionner les abus commis par celui qui a eu la possibilité de rédiger le contrat unilatéralement et donc d’imposer ses conditions[87]. Cependant, cette généralisation peut être risquée tant que la définition de la lésion et des cas où elle doive être appliquée ne seront pas effectivement déterminés.

2 -               La théorie de l’imprévision

            La théorie de l’imprévision peut se définir comme : « la théorie en vertu de laquelle le juge doit rétablir l’équilibre d’un contrat dont les conditions d’exécution ont été gravement modifiés au détriment de l’une des parties, à la suite d’événements raisonnablement imprévisibles lors de la conclusion de la convention »[88]. Cette théorie est en principe admise par la jurisprudence administrative, mais rejetée par les tribunaux judiciaires, sauf si elle est prévue par un texte. La théorie de l’imprévision est admise par la loi en Italie, en Grèce, aux Pays-Bas, en Algérie ; et admise par la jurisprudence en Suisse, en Allemagne et en Angleterre[89]. Le droit français s’y refuse, bien que le principe de bonne foi que l’on invoque de plus en plus pourrait obliger les parties à renégocier en cas de survenance de circonstances économiques imprévues.. Cette théorie débouche sur une intervention du juge dans le contrat avec toute l’imprévisibilité qui s’y rattache. Mais cette intervention pourrait être nécessaire pour éviter une situation incompatible avec la bonne foi ou les commandements de justice et d’équité.

§  2.          Le nécessaire maintien des principes

            Les principes déduits de la théorie de l’autonomie de la volonté ne sont pas abandonnés, ils sont seulement atténué. Même si certains pensent que les exceptions se multipliant, les principes devraient être changés, il n’en est rien. Ces principes tels que la liberté contractuelle ont une utilité et un rôle, un objectif au sein du droit des contrats (A). Cependant, ces principes doivent désormais cohabiter avec des nouveaux objectifs tels que l’égalité et l’équité (B).

A.                L’utilité des principes de l’autonomie de la volonté

            Les principes déduits de l’autonomie de la volonté ont leur utilité. En effet, la liberté tient un rôle et a une fonction importante au sein du droit des contrats (1). Les atténuations constatées ne sont là que pour corriger les inconvénients nés de cette liberté (2).

1 -               La fonction de la liberté

            Il n’est pas vrai que le principe de la liberté contractuelle doive être abandonné, ni qu’il le soit aujourd’hui. On peut sans doute concevoir une société où les biens et services et les avantages résultant de ces services seraient répartis d’autorité, tout comme les tâches distribuées, sans que les intéressés aient à manifester leur volonté. Mais le principe de la liberté des conventions est une pièce essentielle d’un régime qui admet la propriété privée, la liberté et l’égalité des hommes, ainsi que la liberté du travail. La liberté contractuelle et la force obligatoire du contrat ont été altérées, mais par voie d’exceptions à des principes généraux qui eux, ont été maintenus, et qui, comme tels, restent applicables partout où il n’y a pas été dérogé. L’autonomie de la volonté n’est plus absolue, mais elle demeure la règle. Les nuances qui sont nécessaires à tout principe et à toute théorie ne viennent pas pour autant en altérer la substance ; elles ne sont là que pour corriger les inconvénients et les excès de la théorie.

            Comme nous venons de le voir précédemment, la liberté au sein des contrats a un rôle politique et s’inscrit dans le contrat social. Elle a aussi son utilité économique puisque les hommes ne contractent, n’échangent, ne donnent, que d’autant plus et d’autant mieux, que s’ils se sentent relativement libres. C’est pourquoi le principe de la liberté au sein des contrats doit être maintenu, mais avec les nuances propres à corriger tous les inconvénients dus à cette liberté, qui ne doit pas être absolue.

 

2 -               La fonction des atténuations aux principes

            Selon Aubert[90], la théorie de l’autonomie de la volonté demeure mais avec deux nuances. La première est que la volonté a un pouvoir délégué. La deuxième est que l’utile et le juste doivent fixer le cadre de la mise en oeuvre de l’autonomie de la volonté. L’atténuation de la théorie de l’autonomie de la volonté ne signifie pas l’abandon du principe de la liberté contractuelle. Ainsi, la recherche et le respect de la volonté n’apparaissent plus comme une priorité absolue dans le régime du contrat, mais comme une quête subordonnées au respect de valeurs objectives supérieurs. La liberté demeure donc la règle, mais avec beaucoup d’exception. Pourquoi ? A cause de la diffusion des doctrines socialistes, des conditions de travail dans l’industrie, de l’abus de puissance des producteurs coalisés, de la deuxième guerre mondiale...Les querelles doctrinales du XIXe siècle sont aujourd’hui dépassées. Il paraît artificiel, à l’heure actuelle, de rechercher la substance de l’acte juridique dans la seule intention ou dans la seule déclaration des parties. La véritable solution et le problème nouveau qui se pose résident dans la conciliation entre la puissance de la volonté individuelle et la sécurité des transactions. C’est à dire, la conciliation entre la liberté des parties au sein du contrat et les inconvénients dû à cette liberté : inégalité, déséquilibre, iniquité...

            Selon Capitant[91], il ne faut pas faire appel à l’équité, pour justifier les limites apportées aux principes découlant de l’autonomie de la volonté, mais à la justice, car la justice sous-entend le respect de la parole donnée. A travers cette opinion, qui semble tout à fait justifiée, on se rend compte que la morale tient encore une place très grande dans notre droit, et tout spécialement dans notre droit des contrats. Certes, il faut absolument respecter sa parole donnée, cependant, il ne faut pas obliger une personne à se mettre dans une situation injuste, appauvrissante ou inéquitable pour le seul respect de la parole donnée à un moment T. Il existe d’autres moyens que la force obligatoire du contrat pour obtenir le respect de la parole donnée, qui seront sans doute plus juste et surtout plus efficaces.

            Si les principes de l’autonomie doivent être maintenus, ils doivent cependant être aussi nuancés. En effet, à l’heure actuelle, l’autonomie de la volonté doit être conciliée avec des nouveaux principes.

 

B.                La conciliation entre l’autonomie de la volonté et les nouveaux principes

            L’autonomie de la volonté, à l’heure actuelle doit faire face à d’autres principes qui se sont révélés avec le temps (1). Ce phénomène nous amène à penser que, si la théorie générale est nécessaire, peut être devrait-elle être reformulée pour être pour à même de tenir compte des réalités sociales, économiques et politiques(2).

1 -               L’émergence de nouveaux principes

            La liberté absolue et toutes les conséquences qui s’y rattachent ont amené, comme nous l’avons vu, à une certaine injustice au sein des contrats. C’est donc dans le but de rétablir une certaine justice contractuelle que la liberté a dû être limitée pour laisser place à de nouveaux objectifs. Ainsi, selon le principe d’égalité contractuelle, il faut rétablir l’égalité entre les contractants dans la formation et dans l’exécution du contrat conclu par le développement des vices du consentement, par la nécessité d’un temps de réflexion sur l’opportunité de conclure le contrat où de le maintenir. En outre, selon le principe de l’équilibre contractuel, il doit y avoir un équilibre global entre les droits et les obligations des parties et entre les clauses incluses dans le contrat (économie globale de l’acte). Ce principe d’équilibre trouve son fondement dans la justice commutative et participe de l’aspiration croissante de justice contractuelle. Ce souci d’équilibre se retrouve dans le contrat lors de sa conclusion, mais aussi postérieurement à sa conclusion. Selon le principe de fraternité contractuelle (tiré de l’élargissement de la notion de bonne foi), chaque contractant est tenu de prendre en compte, par delà son propre intérêt, l’intérêt du contrat et celui de l’autre partie, en se déployant à leur service, voire en acceptant certains sacrifices, afin de favoriser la conclusion, l’exécution et le maintien du contrat compris comme la base d’une collaboration. L’altération de la liberté contractuelle a pour seul dessein de permettre la conclusion de « meilleurs » contrats, plus justes, plus mûrement réfléchi, et donc mieux exécutés.

2 -               Une théorie générale des contrats indispensable

            On ne peut pas se passer d’une théorie générale des contrats. Les codificateurs avaient bien conscience que la liberté devait régner au sein du contrat. Mais ils ont aussi voulu que malgré cette liberté, les conventions, quelles qu’elles soient, respectent certains principes fondamentaux nés d’une vision moraliste des contrats, où la justice doit être et rester le maître mot. C’est pourquoi il semble aujourd’hui utile de reconstruire une nouvelle théorie générale du contrat. L’ouvrage peut ainsi résider dans la mise en ordre des contrats spéciaux, dans une recherche des points de convergence et des traits de différenciation, susceptibles de faire apparaître, par contre coup, des règles plus ou moins communes de nature à nourrir le renouvellement de la théorie générale du contrat. C’est bien d’ailleurs le travail que les codificateurs ont effectués. Après avoir réuni les principes communs à tous les contrats, ils ont pu énoncer des règles générales, tout en accordant une certaine part de liberté. La classification des contrats spéciaux est peut être le passage obligé vers la recomposition de la théorie générale. Peut être serait-il utile de regarder quelles sont les règles communes à tous les contrats, généraux et spéciaux, pour en tirer des principes généraux. La théorie actuelle ne disparaîtra pas pour autant, elle sera sans nul doute enrichie de principes nouveaux. Par exemple, il semble utile d’imposer, dans tous les contrats, une certaine obligation d’information. Pourquoi ne pas en faire un principe général, imposés aux deux parties lors de la conclusion et de l’exécution du contrat ?

 

 

 

            On peut donc en conclure que l’esprit du code civil est toujours un esprit de justice contractuelle. C’est-à-dire que le code civil, au travers de la théorie générale des contrats, tente de concilier à la fois des principes de droits naturels tels que la liberté, l’égalité, la propriété... et les impératifs de droit objectif tels que l’ordre public et le bien commun. Or, si en 1804, les codificateurs, et les praticiens ont pensé que le juste dans les contrats découlait uniquement et automatiquement de la liberté, cette vérité a été depuis contredite par la pratique. Certes la liberté doit être admise au sein du contrat. Cependant, elle peut pas permettre de faire régner, à elle seule, la justice dans les rapports contractuels. L’égalité, l’équité, l’équilibre des prestations, ne sont pas des conséquences de la liberté des parties. A l’heure actuelle, ces principes doivent être énoncés et protégés de façon indépendante, dans le droit des contrats. Ainsi, si la justice contractuelle est toujours l’objectif, l’esprit, l’essence de la théorie générale des contrats. Seuls les moyens pour parvenir à cet objectif ont changé depuis 1804.

            En revanche, il ne faut pas confondre déclin de l’autonomie de la volonté et déclin du contrat. Certes, les principes déduits de l’autonomie de la volonté ont été atténués pour maintenir cette volonté de justice contractuelle. Cependant, dire que les contrats sont devenus moins libres et que la force obligatoire en a été altérée ne signifie pas qu’ils se soient raréfiés. Au contraire, la politique de planification a pour résultat de les multiplier. Les hommes contractent de plus en plus. L’exemple le plus illustrateur réside dans les nouveaux contrats qui ne cessent d’apparaître, pour s’adapter aux besoins de la vie courante (par exemple, le crédit bail). Le problème actuel réside dans le fait que si les choses restent telles qu’elles sont aujourd’hui, cela risquerait d’aboutir à un dépérissement de la théorie générale et / ou à un éclatement du droit en de multiples spécialités. Beaucoup pensent que le développement des contrats spéciaux dénature la théorie générale des contrats, qui ne devient que lettre morte. Cette opinion doit être nuancée. En effet, les contrats spéciaux son toujours animé du même esprit que le code civil : instaurer et maintenir la justice contractuelle au sein des rapports entre les particuliers. Il est vrai cependant que la théorie générale des contrats doit être modifiée pour répondre aux besoins actuels, et pour être en harmonie avec la réalité et pour tenir compte des principes communs à tous ces nouveaux contrats spéciaux. Certes, c’est un travail de Titan, cependant on peut dire que ce travail est nécessaire, surtout maintenant. Procédé de choix de la vie internationale, instrument de la décolonisation, le contrat devient à l’échelon interne une pièce maîtresse de l’organisation économique et sociale de la nation. Mais il est aussi un instrument majeur des relations internationales. A l’heure où les pays européens uniformisent le droit, le droit des contrats français devrait être remis à jour, toujours dans cet esprit de justice contractuelle

 

 


bibliographie

 

OUVRAGES GENERAUX

RIPERT : Traité pratique de Droit civil français Tome VI Les Obligations. 2e édition

CASTALDO : Introduction historique au droit. Edition Dalloz 1998

GHESTIN : Traité de droit civil. La formation du contrat. Edition LGDJ 1993

ROBAYE : Une histoire du droit civil. Pédasup 2e édition 2000

FLOUR et AUBERT : Les Obligations : L’acte juridique. Edition Colin 1991

MAZEAUD : Leçons de droit civil. Obligations. Edition Montchréstien 8e édition 1998

CARBONNIER : Droit civil. Introduction. EditionPUF Thémis 26e édition 1999

CARBONNIER : Droit civil. Les obligations. Edition PUF Thémis 1999

GAUDEMET : Théorie générale des obligations. Edition Sirey 1965

STARCK, ROLAND et BOYER : Droit civil. Les obligations. Le contrat. Edition Litec 1998

OUVRAGES SPECIAUX

MALAURIE : Anthologie de la pensée juridique. Edition Cujas 1996

DUFOUR : Droits de l’homme, droit naturel et histoire. Edition Leviathan PUF 1991

PORTALIS: Discours préliminaire au premier projet de code civil. Edition Confluences 1999

HALPERIN : L’impossible code civil. Edition PUF Histoire mai 1992

ARNAUD : Les origines doctrinales du code civil français. Edition LGDJ volume IX 1969

RIEG : Le rôle de la volonté dans l’acte juridique en droit civil français et allemand. Edition LGDJ 1961

GAUDEMET : Interprétation du code civil en France depuis 1804. Edition la mémoire du droit 2002

HALPERIN : Histoire du droit privé français depuis 1804. Edition PUF 1996

ARTICLES ET CHRONIQUES

IVAINER : La lettre et l’esprit de la loi des parties. Semaine juridique édition générale 1981, I, n° 3023

JAMIN : Une brève histoire politique des interprétations de l’article 1134 du code civil. Dalloz 2002 n° 11 Chronique p 901

GAUDEMET : Pothier et Jacqueminot à propos des sources du code civil de 1804. Archives de philosophie du droit p 369

TENDLER : Le rôle de la volonté dans l’exécution des contrats. Archives de philosophie du droit p 801

ROUBIER : Le rôle de la volonté dans la création des droits et des devoirs. Archives de philosophie du droit 1940 p 1

RIEG : Le rôle de la volonté dans la formation de l’acte juridique d’après les doctrines allemandes du 19e siècle. Archives de philosophie du droit 1940 p 125

GHESTIN : La notion de contrat. Dalloz 1990 Chronique p 147

CADIET : Interrogations sur le droit contemporain des contrats. Le droit contemporain des contrats Cadiet Economica 1985/1986 p 7

PUGSLEY : Evolution du droit des contrats vue par un comparatiste. Le droit contemporain des contrats Cadiet Economica 1985/1986 p 155

REMY : Droit des contrats : Questions, propositions, positions. Le droit contemporain des contrats Cadiet Economica 1985/1986 p 271

FERRIER : Les dispositions d’ordre public visant à préserver la réflexion des contractants. Dalloz 1980 Chronique p 177

GHESTIN : L’utile et le juste dans les contrats. Dalloz 1982 Chronique p 1

LE TOURNEAU : Quelques aspects de l’évolution des contrats. Mélanges Raynaud p 347

JOSSERAND : Aperçu général des tendances actuelles de la théorie des contrats. Revue trimestrielle de droit civil 1937 p 1

CORNU : La lettre du code à l’épreuve du temps. Mélanges Savatier p 157

ANCEL : Force obligatoire et contenu obligationnel du contrat. Revue trimestrielle de droit civil octobre décembre 1999 p 771

THIBIERGE GUELFUCCI : Libres propos sur la transformation du droit des contrats. Revue trimestrielle de droit civil avril juin 1997 p 357

FRISON ROCHE : Volonté et obligation. Archives de philosophie du droit n° 44 Edition 2000 p 129

JESTAZ : Obligation et sanction : à la recherche de l’obligation fondamentale. Mélanges Raynaud p 273

ARMAND PREVOST & RICHARD : Le contrat déstabilisé (de l’autonomie de la volonté au dirigisme contractuel). Semaine juridique édition générale 1979 doctrine n° 2952

CHAZAL : De la signification du mot loi dans l’article 1134 alinéa 1er du code civil. Revue trimestrielle de droit civil 2001 p 265

VASSEUR : Un nouvel essor du concept contractuel. Revue trimestrielle de droit civil 1964 p 1

BORE : Le contrôle de la dénaturation des actes. Revue trimestrielle de droit civil 1972 p 249

LECUYER : Redéfinir la force obligatoire du contrat ? Les petites affiches 6 mai 1998 n° 54 p 44

JAMIN : Révision et intangibilité du contrat. Droit et patrimoine mars 1998 n° 58 p 46

MAZEAUD : La réduction des obligations contractuelles. Droit et patrimoine mars 1998 n° 58 p 58

LEVENEUR : Le forçage du contrat. Droit et patrimoine mars 1998 n° 58 p 69

MESTRE : Rapport de synthèse sur la question de l’intangibilité du contrat. Droit et patrimoine mars 1998 n° 58 p 78

MARTIN : L’insensibilité des rédacteurs du code civil à l’altruisme. Revue d’histoire des droits français et étranger 1982 p 589

BURGE : Le code civil et son évolution vers un droit imprégné d’individualisme libéral. Revue trimestrielle de droit civil 2000 p 1

 

 


INTRODUCTION...........................................................................................................................................3

PARTIE  I. L’IDEAL DE LA LIBERTE COMME SEUL GAGE DE JUSTICE CONTRACTUELLE.....................

CHAPITRE  I. UNE RECONNAISSANCE PROGRESSIVE DE LA LIBERTE DANS LE DROIT DES CONTRATS...........................

SECTION  I. L’EVOLUTION INTELLECTUELLE...........

§  1. Les influences philosophiques.............

A. L’école de droit naturel et la morale chrétienne.........

1 - La diffusion des principes de droit naturel par Grotius et Pufendorf

2 - L’influence de la morale chrétienne

B. La philosophie des Lumières...........

1 - Une nouvelle vision de la société....

2 - Une nouvelle démarche intellectuelle : le rationalisme.....

§  2. Les crises politiques et économiques................

A. La crise politique et sociale de l’Ancien Régime

1 - Les dysfonctionnements institutionnels...

2 - Un système en décalage par rapport aux évolutions intellectuelles et sociales....

B. Les évolutions économiques et commerciales.....

1 - Développement du commerce et de l’industrie.....

2 - La théorie générale des contrats, facteur de développement économique.....

SECTION  II. LA LIBERTE DANS LA THEORIE GENERALE DU CONTRAT.....................

§  1. Une théorie marquant la rupture avec le système de l’ancien régime......

A. Les inconvénients du système romain

1 - Un formalisme contraignant.....

2 - Les prémisses du consensualisme

B. Une théorie marquant une nouvelle conception des droits de l’homme...........

1 - La liberté et l’égalité mises en avant.....

2 - L’influence de la nouvelle conception de la propriété.

§  2. Sens et essence de la théorie générale du contrat.....

A. L’apport des juristes du XVIIIe siècle..

1 - Les juristes précurseurs du XVIIIe siècle.....

2 - Pothier et les rédacteurs du code civil

B. Instauration d’un système volontariste dans le code civil...........

1 - Place à la volonté et la liberté dans le droit des contrats..

2 - Les avantages politiques à la reconnaissance d’une certaine liberté contractuelle.....

CHAPITRE  II. LA THEORIE DE L’AUTONOMIE DE LA VOLONTE PRONANT DE LA LIBERTE ABSOLUE DANS LES CONTRATS...........................

SECTION  I. LA THEORIE DE L’AUTONOMIE DE LA VOLONTE FAVORABLE A LA LIBERTE ABSOLUE DES CONTRACTANTS.............

§  1. Apparition et fondement de la théorie................

A. Naissance de la théorie

1 - Apparition de l’autonomie de la volonté en droit international privé.....

2 - Importance et impact de la théorie en droit des contrats..

B. La liberté absolue comme fondement de la théorie

1 - La liberté absolue comme gage de justice contractuelle.....

2 - La liberté relayée par l’égalité des droits.....

§  2. Essor de la théorie en droit civil.

A. La volonté toute puissante...........

1 - La volonté comme seule source de droits subjectifs

2 - La volonté libre source d’égalité et d’équité contractuelle.....

B. Les axiomes découlant de la théorie de l’autonomie de la volonté

1 - Au niveau de la formation du contrat : consensualisme et liberté contractuelle.....

2 - Au niveau de l’exécution du contrat : effet relatif et interprétation du contrat à la lumière de la volonté commune des parties....

SECTION  II. LES LIMITES DE LA THEORIE...

§  1. Les limites extrinsèques................

A. La place accordée à la protection de l’intérêt général

1 - Le rôle important de l’ordre public et des bonnes moeurs....

2 - La politique économique dirigiste de Napoléon

B. La confiance limitée des codificateurs dans la volonté humaine...........

1 - La volonté des codificateurs de limiter et d’encadrer la liberté.....

2 - La distinction entre liberté contractuelle et liberté des conventions.....

§  2. Les limites intrinsèques................

A. Le rôle premier de la loi...........

1 - Apparition de l’analyse positiviste du contrat....

2 - La loi comme fondement des droits objectifs et subjectifs

B. Le rôle secondaire de la volonté

1 - La question de l’engagement unilatéral de la volonté....

2 - Le rôle délégué de la volonté....

PARTIE  II. EGALITE, EQUITE, ET LIBERTE GARANTS DE LA JUSTICE CONTRACTUELLE.....................

CHAPITRE  I. EGALITE DES PARTIES DURANT LA FORMATION DU CONTRAT

SECTION  I. LES PROBLEMES SOULEVES PAR LE SYSTEME CONSENSUALISTE..........

§  1. La distinction entre volonté et consentement...............

A. La volonté autonome antérieure au consentement...

1 - La volonté précède le consentement..

2 - La volonté guide le consentement..

B. Les difficultés soulevées par la liberté de la volonté...........

1 - Les difficultés théoriques.....

2 - Les difficultés pratiques nées de l’inégalité de fait des parties....

§  2. Une protection indispensable de l’expression de la volonté................

A. Le consentement, reflet exact de la volonté...........

1 - Nécessité de la protection du consentement..

2 - L’évolution des différents vices du consentement..

B. Le rôle du juge face à l’expression de la volonté

1 - Le maintien du principe de l’interprétation à la lumière de la volonté commune des parties....

2 - Le contrôle nécessaire de la dénaturation des actes.....

SECTION  II. LA LOI POUR RETABLIR UNE EGALITE DE FAIT.....

§  1. Naissance de la politique interventionniste de l’etat................

A. L’influence du contexte économique.......

1 - Les aléas économiques et politiques

2 - Les conséquences sur le plan du droit des contrats..

B. Une nouvelle définition de l’ordre public.

1 - Développement de la notion.....

2 - Utilité de la notion d’ordre public de protection

§  2. Une jurisprudence favorable au maintien d’une égalité de fait......

A. Les obligations précontractuelles

1 - L’importance de l’information...

2 - La phase de réflexion.

B. La phase de formation du contrat et l’autonomie de la volonté

1 - Le maintien du consensualisme

2 - Formalisme et autonomie de la volonté....

CHAPITRE  II. ATTENUATION DE L’INTANGIBILITE DU CONTRAT POUR UNE PLUS GRANDE EQUITE............

SECTION  I. LE FORCAGE DU CONTRAT PAR LE JUGE.....................

§  1. Les difficultés soulevées par l’intangibilité du contrat

A. La volonté de maintenir une certaine sécurité juridique...........

1 - Le besoin de crédit des créanciers

2 - La nécessité de la révision du contrat....

B. L’influence du délictuel sur le contractuel........

1 - Les contraintes de la responsabilité délictuelle

2 - La responsabilité contractuelle face à la liberté contractuelle.....

§  2. La création de nouvelles obligations

A. Les nouvelles obligations.........

1 - La distinction essentielle entre obligation de moyen et obligation de résultat....

2 - Les obligations crées par la jurisprudence....

B. Le fondement de ces nouvelles obligations.........

1 - Le nouvel intérêt porté à l’article 1134.....

2 - La nécessité d’un juste équilibre au sein de l’article 1134.....

SECTION  II. LA VOLONTE DE REEQUILIBRAGE DES PARTIES....

§  1. Les moyens mis en oeuvre.

A. Les moyens autorises...........

1 - Les conséquences de l’inégalité

2 - Les clauses pénales....

B. Les moyens interdits...........

1 - La lésion comme vice du consentement..

2 - La théorie de l’imprévision...

§  2. Le nécessaire maintien des principes.

A. L’utilité des principes de l’autonomie de la volonté

1 - La fonction de la liberté.....

2 - La fonction des atténuations aux principes

B. La conciliation entre l’autonomie de la volonté et les nouveaux principes...........

1 - L’émergence de nouveaux principes

2 - Une théorie générale des contrats indispensable....

BIBLIOGRAPHIE...........................................................................................................................................84



[1] Discours Préliminaire au Premier projet de Code civil p 15

[2] Robaye Une histoire du Droit Civil p 36

[3] Halpérin Histoire du droit privé français depuis 1804 p 18

[4] Portalis Discours Préliminaire au premier projet de Code Civil p 15

[5] Fenet Recueil complet des travux préparatoires du code civil Paris 1827 Tome XV p 120

[6] Portalis Discours préliminaire au premier projet de code civil p 16

[7] Id p 28

[8] Id p 28

[9] Lexique des termes juridiques 12e édition Dalloz p 311

[10] Lexique des termes juridiques 12e édition Dalloz p 209

[11] Dufour Droits de l’homme, droit naturel et histoire p 45

[12] Dufour Droits de l’homme, droit naturel et histoire p 43

[13] Malaurie Anthologie de la pensée juridique p 128

[14] Roland et Boyer Adages du droit français p 603

[15] Imbert Cours d’histoire des idées politiques jusqu’à la fin du XVIII e siècle Paris 1965/1966 p 241

[16] Robaye Une histoire du droit civil p 63

[17] Montesquieu Esprit des Lois XXIX 16 p 753

[18] Malaurie Anthologie de la pensée juridique p 95

[19] Id p 95

[20] Robaye Une histoire du droit civil p 63

[21] Castaldo Introduction historique au droit p 416

[22] Portalis Discours préliminaire au premier projet de code civil p 17

[23] Portalis Discours préliminaire au premier projet de code civil p 18

[24] Portalis Discours préliminaire au premier projet de code civil p 9

[25] Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 article 1er

[26] Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 article 2

[27] Portalis Discours Préliminaire au premier projet de code civil p 15

[28] Portalis Discours préliminaire au premier projet de code civil p 50

[29] Arnaud Les origines doctrinales du code civl français p 204

[30] Id p 204

[31] Id p 109

[32] Id p 207

[33] Id p 111

[34] Id p 207

[35] Id p 207

[36] Id p 208

[37] Portalis Discours préliminaire au premier projet de code civil p 51

[38] Id p55

[39] Halpérin Histoire du droit privé français depuis 1804 p 145

[40] Ghestin Traité de droit civil La formation du contrat p 32

[41] Gaudemet Théorie générale des obligations p 11

[42] Ghestin Traité de droit civil La formation du contrat p 31

[43] Robaye Une histoire du droit civil p 71

[44] Cour de cassation 2 juil. 1860, DP 1860, 1, p 284

[45] Fenet Recueil complet des travaux préparatoires du code civil T VI p 362

[46] Halpérin Histoire du droit privé français depuis 1804 p 37

[47] Ghestin Traité de droit civil La formation du contrat p 30

[48] Fenet Recueil complet des travaux préparatoires du code civil Videcop édition 1827 Tome I p 482

[49] Portalis Discours préliminaire au premier projet de code civil p 22

[50] Ghestin Traité de droit civil La formation du contrat p 34

[51] Rieg Le rôle de la volonté dans l’acte juridique en droit civil français et allemand p 6

[52] Ghestin Traité de droit civil La formation du contrat p 168

[53] Halpérin Histoire du droit privé français depuis 1804 p 146

[54] Id p 146

[55] Ghestin La notion de contrat D 1990 Chronique p 148

[56] Ghestin Traité de droit civil La formation du contrat p 165

[57] Rieg Le rôle de la volonté dans la formation de l’acte juridique d’après les doctrines allemandes du XIXe siècle Archives de philosophie du droit 1940 p 129

[58] Frison Roche Volonté et obligation Archives de philosophie du droit n° 44 p 141

[59] Rieg Le rôle de la volonté dans la formation de l’acte juridique d’après les doctrines allemandes du XIXe siècle Archives de philosophie du droit p 128

[60] Flour et Aubert Les obligations L’acte juridique p 81

[61] Ghestin La notion de contrat D 1990 Chronique p 151

[62] Id p 151

[63] Arnaud Les origines doctrinales du code civil français p 204

[64] Cour de cassation Civ 22 fév. 1978 et 13 déc. 1983 D 1984, 340

[65] CA Versailles 8 juil. 1994 RTDciv. 01/03 1995 p 97

[66] Ivainer La lettre et l’esprit de la loi des parties JCP 1981 I n° 3023

[67] A titre d’exemple Civ 1ère 16 mars 1977

[68] Cour de cassation 14 déc. 1942 D 1944, 112

[69] Ripert Traité pratique de droit civil français Tome VI p 3

[70] Lois Scrivener du 10 janvier 1978

[71] Josserand Aperçu des tendances actuelles de la théorie générale des contrats RTDCiv 1937 p 3

[72] Conseil constitutionnel 3 août 1994, décision 94-348 JCP 1995 II 22404

[73] Flour et Aubert Les obligations L’acte juridique p 86

[74] Ghestin L’utile et le juste dans les contrats D 1982 Chronique p 8

[75] Collart Dutilleul Contrats préparatoires à la vente d’immeuble Sirey 14 p 12

[76] Cour de cass. 15 déc. 1993 Bull. civ. III n° 174

[77] Halpérin Histoire du droit privé français depuis 1804 p 198

[78] Cour de cassation 6 mars 1876 DP 1876, 1, p193

[79] Cass Com 22 oct. 1996 : Contrats, conc., consom., 1997 n°24

[80] Cass. civ. 6 déc. 1932, DP 1933, I, p 37

[81] CA Nancy 26 juin 1925, D 1927, 2, p 29

[82] Cass. civ. 1ère 11 juin 1991, Bull. civ. I n°179

[83] Pour un exemple d’obligation de moyens : les clubs de gymnastique, Cass. civ. 21 nov. 1995, Bull. civ. I n°424 ;

[84] Cass. civ. 1ère 14 mars 1956, D 1956, 449

[85] Arnaud Les origines doctrinales du code civil français p 203

[86] Ass. Plén. 1er déc. 1995, 4 arrêts : JCP 1996 II, 22565

[87] MM ARMAND-PREVOST et RICHARD Le contrat déstabilisé (de l’autonomie de la volonté au dirigisme contractuel) JCP 1979 Doctrine n° 2952

[88] Lexique des termes juridiques 12e édition Dalloz p 279

[89] Tendler Le rôle de la volonté dans l’exécution du contrat Archives de philosophie du droit p 801

[90] Thibierge Guelfucci Libres propos sur la transformation du droit des contrats RTDCiv 04/06 1997 p 373

[91] Ghestin Traité de droit civil La formation du contrat p 167