INSTITUT DES ASSURANCES DE PARIS. DESS DROIT DES ASSURANCES                                             

                                                      Année 2002-2003

 

 

 

 

 

 

 

RECHERCHES SUR LA SUBROGATION DE  L’ASSUREUR 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                    Laurence Bruguier-Crespy

 

 

 

 

 

 

Sommaire

 

 

 

 

 

Sommaire. 1

Introduction. 3

Titre I- Critique de la subrogation de l’asureur

Chapitre 1- Une institution hétéroclite née de l’usage. 5

Chapitre 2- Une institution inadaptée. 18

Titre II- Ebauches de solutions. 47

Chapitre 1- Les solutions actuelles. 47

Chap 2- Les solutions à venir 63

Bibliographie. 67

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Introduction

 

 

 

 

1.                 "Parfois, le souci d’adapter le droit au fait conduit, non pas à en modifier la norme, mais à la mettre en sommeil ». C’est à cet amer constat, formulé par M Lindon et Atias[1], dans leur chronique consacrée au mythe de l’adaptation du droit au fait que conduit inexorablement l’analyse de la subrogation de l’assureur. Appliquée en effet à l’assurance, la subrogation a perdu ses caractéristiques originelles d’équité et de bienveillance et il semble difficile, voire impossible, malgré les voeux de la doctrine[2],  de renouer avec l’esprit de cette institution.

 

2.                 Cette institution, « de nature incertaine[3] », et dont on pensait ne pas avoir « épuisé toutes les vertus[4] », a connu un élargissement notable de ses conditions, afin de l’adapter à certains mécanismes de paiement. Et il n’est guère étonnant, en raison de l’inadaptation chronique de ses conditions à la technique assurantielle, que ce phénomène « d’éclatement » ait trouvé en matière d’assurance sa consécration la plus achevée. Mais pourquoi la subrogation, qui constitue la pièce maîtresse du mécanisme de l’assurance, continue-t-elle à l’heure actuelle à mécontenter la doctrine et à encombrer les tribunaux ?

 

3.                   C’est à coup sûr l’incompatibilité de principe entre subrogation et assurance, affirmée puis abandonnée jadis en doctrine, mais formulée de nos jours d’une autre manière, qui vient aussitôt à l’esprit lorsque l’on cherche à répondre à cette question. Et si cet antagonisme n’a pu empêché  le développement de l’institution, c’est en raison de la préexistence d’un usage, qui selon l’expression de M de Juglart, «  a primé la loi ». Dès lors que l’usage l’a emporté sur la loi, la question de la légitimité de la subrogation de l’assureur  est devenue superfétatoire. De fait, il semble quasiment impossible de trouver un fondement juridique au recours de l’assureur. Pour reprendre les propos d’un auteur, « Depuis fort longtemps, il était devenu commun de dire, comme expression d’un état de fait évident passé en situation juridique indiscutable, que l’assuré qui reçoit l’indemnité d’assurance subroge, par là même, son assureur sans avoir à se préoccuper s’il s’agit bien d’une véritable subrogation ou si les formalités prévus en la matière par le code civil ont été respectées[5] ». Peu importe donc le fondement, l’essentiel étant de recourir.

 

4.                  Lorsqu’il s’est agi d’asseoir cette pratique sur un texte précis, diverses solutions ont été proposées et c’est finalement dans le moule de la subrogation que le législateur, par l’article 36 de la loi du 13 juillet 1930, devenu l’article L 121-12 du Code des assurances, a consacré le droit de recours de l’assureur. Ainsi, on a appliqué à l’assurance, une institution ancienne, de droit étroit, strictement réglementée par le Code civil, en ayant conscience qu’elle s’écarterait de l’orthodoxie juridique. Le législateur a lui-même reconnu dans l’exposé des motifs de la loi que le cas de subrogation légale qu’il consacrait  « sort quelque peu des limites qui doivent être assignées à la subrogation légale de l’article 1251-3° du Code civil.»[6]  De manière paradoxale, il a pu être considéré que c’était parce qu’il était impossible à l’assureur de recourir sur le fondement de l’article 1251-3° du Code civil que le législateur a consacré à son profit un nouveau cas de subrogation légale[7].

5.                 Il n’est pas surprenant, dans ces conditions, que très vite, l’inadaptation à l’assurance des conditions de la subrogation légale, notamment l’exigence d’un paiement obligé, contraignant l’assureur à rapporter la preuve, parfois difficile, de sa garantie, ajoutée à la rédaction maladroite du texte, fit naître des difficultés d’interprétation et d’application telles qu’il fut à nouveau  recouru à la subrogation légale de droit commun prévue par l’article 1251-3° du Code civil, dont le bénéfice a été accordé à l’assureur dans le cadre d’une « oeuvre créatrice remarquable » de la jurisprudence. Bien mieux, en raison de la désaffection de plus en plus marquée envers la subrogation légale de l’article L 121-12 du Code des assurances,  les parties au contrat d’assurance firent appel aux techniques contractuelles d’usage, les clauses de subrogation conventionnelle, voir même, dans la mesure où elles n’étaient pas annulées par les tribunaux, en raison du caractère d’ordre public, autrefois reconnu à l’article L 121-12 du Code des assurances, à la cession conventionnelle d’actions. La liberté contractuelle réussissait, en quelque sorte, là où le législateur avait échoué.

6.                 Mais plus fondamentalement, malgré les efforts de la doctrine et de la jurisprudence, le recours à l’artifice et la fiction qui sont de l’essence de cette institution, les considérations pragmatiques qui ont parfois guidé les tribunaux, la subrogation n’a pu réussir à s’adapter au recours de l’assureur. C’est  ainsi que M Bérard [8]a écrit : «  Nous croyons que les juges appelés à statuer sur des questions de subrogation en matière d’assurance, se trouvent souvent en présence de situations inextricables pour ce seul motif que les principes de la subrogation tant en droit qu’en fait, ne conviennent absolument pas à l’assureur et que ces difficultés subsisteront tant que le législateur n’interviendra  pas ».

7.                 En  fonction de cette légitime inquiétude, nous nous efforcerons, après avoir exposé les critiques qui nous paraissent devoir être formulées à l’égard de la subrogation de l’assureur ( Chapitre I : Critique de la subrogation de l’assureur), d’ébaucher des solutions, aucune règle ni institution ne pouvant être systématiquement condamnée ( Chapitre 2 : Ebauches de solutions).

Titre I- Critique de la subrogation de l’assureur

 

 

Chapitre I- Une institution hétéroclite née de l’usage

 

 

 

8.                 Même adaptée pour les besoins de la pratique et consacrée légalement, la subrogation ne convient pas à l’assurance pour la raison première, au fond des choses, qu’elle est incompatible avec elle. Et si cet antagonisme n’a pas empêché le développement de l’institution, c’est  en raison de la préexistence d’un usage  qui a primé la loi (&- 1 : La primauté de l’usage sur la loi). Autrement dit, la loi s’est adaptée à l’usage avec l’aide de la jurisprudence et du législateur. C’est en raison du caractère essentiellement pragmatique de l’institution qu’il est difficile, voir impossible, de lui trouver un fondement juridique. Et si le législateur a finalement consacré la subrogation légale de l’assureur, c’est, non pour des raisons tenant au fond du droit, mais pour des considérations de technique contractuelle[9] (&- 2 : La recherche d’un fondement juridique). Pour autant, en raison de la spécificité du contrat d’assurance, qui l’exclut du jeu juridique ordinaire,  l’incompatibilité entre subrogation et assurance, qui fut jadis reconnue en doctrine, mérite d’être réaffirmée, mais en des termes différents (&-3 : L’incompatibilité de principe entre assurance et subrogation).

 

§1- La primauté de l’usage sur la loi

 

 

9.                 D’emblée, une constatation s’impose : le recours de l’assureur existait avant même qu’il ne repose sur un support juridique quelconque. Ainsi, M Capitant, dans un article qualifié d’ « essentiel »[10], remontant aux origines de la subrogation de l’assureur, a mis en relief  la préexistence de cet usage en matière d’assurance maritime qui fut la première pratiquée, si profondément ancré que la doctrine n’avait nullement cherché à le remettre en cause[11]. C’est cette ancienne tradition que les compagnies d’assurance, lorsque s’est introduite la pratique des assurances terrestres, ont invoqué pour se prétendre subrogées dans les droits de leurs assurés[12]. Autrement formulé, c’est l’usage  et lui seul, qui servirait de fondement à la subrogation. C’est bien cette analyse qui a été retenue par la jurisprudence, alors même que le bénéfice de la subrogation conventionnelle avait été accordé à l’assureur.

 

10.                 Ainsi, dans l’affirmation suivant laquelle « l’assuré est censé, en vertu d’un usage constant en la matière subroger l’assureur au moment où il reçoit l’indemnisation[13]», la subrogation ne se déduit ni de la loi, ni de la convention, mais uniquement de l’usage. L’assureur peut donc recourir sur le seul terrain de l’usage, érigé en moyen autonome d’action[14]. En définitive, comme l’a dénoncé M De Juglart,[15] moins bienveillant que ses prédécesseurs à l’égard de cette pratique, non seulement l’usage a précédé le droit, mais il l’a primé : «  D’où résulte donc la subrogation ? Du paiement, nous répond-on ; et en vertu d’un usage constant, ajoute-t-on. Ainsi, c’est bien l’usage qui l’emporte sur la loi ». Et dès lors qu’il prévaut sur la loi, la question de savoir si l’usage se trouve ou non fondé, est superfétatoire. La primauté de l’usage était telle que, lorsque les compagnies se sont vues déboutées de leur demande de subrogation légale fondée sur l’article 1251-3 du Code civil[16], elles ont, de plus fort, recouru à d’autres techniques contractuelles : la subrogation conventionnelle[17] et après que la validité de cette dernière eut été admise diversement par les tribunaux, les clauses de cession de droits.

 

11.                 Finalement, c’est sans doute en raison de la force de cet usage qu’il ne fut point aisé de trouver un fondement au recours[18] : «  En somme, l’usage permet de s’attaquer au concept même de la subrogation, d’une subrogation qui constitue pourtant une opération dérogatoire au droit commun et dont le législateur a déterminé avec beaucoup de précisions les conditions d’existence.[19]»  De là vient à coup sûr une partie des maux de la subrogation : en raison de la préexistence du recours, les interrogations des auteurs se sont portées, non pas sur le bien fondé de cette pratique, ce qui constituait un préalable élémentaire, mais sur le fondement juridique dont on pouvait la revêtir ; comme il fallait à tout prix légitimer un tel recours, quel fondement juridique lui donner ?[20] « Comment peut-on faire jouer la subrogation légale en matière d’assurance ?[21] »

 

§2- La recherche du fondement juridique

 

12.                 Ce n’est pas le moindre paradoxe de l’institution que d’avoir été, dans un premier temps, refusée à l’assureur, qui était considéré par les tribunaux comme ne se trouvant pas dans la situation du subrogé au sens de l’article 1251-3 du Code civil.[22] Responsabilité et assurance étant indissociable, il a été imaginé alors de fonder le recours sur le principe général énoncé à l’article 1382 du Code civil. Mais, après que cette disposition eut été jugée tout aussi inapplicable à l’assurance, il fallait donc se résigner : la subrogation était bien  incompatible avec  l’assurance. Rangée au nombre des questions qu’on ne plaidait plus, la subrogation a finalement été rétablie artificiellement  par le législateur.

 

 

I – La non admission de la subrogation en matière d’assurance

 

 

13.                  Même si elle a donné lieu à une controverse doctrinale et jurisprudentielle, la question du support juridique ne s’est pas posée, en pratique, avec une réelle acuité. En matière d’assurance, comme dans d’autres domaines, on pratiquait la subrogation sans le secours d’une loi.

14.                  Du fait de son caractère incertain, le terme même de subrogation pouvait désigner une cession de créance[23]. Ainsi, lorsque la subrogation a été refusée aux assureurs, dans le courant du XIXème siècle, ces derniers n’en ont pas moins continué à recourir, par la voie de la cession conventionnelle d’actions. Et c’est cette ambivalence[24]qui vient aussitôt à l’esprit lorsque l’on s’interroge sur les origines de l’application de la subrogation à l’assurance. Lorsque Pothier[25]évoque pour la première fois le recours de l’assureur, il dit que l’assuré doit céder à l’assureur ses actions. C’est en raison des incertitudes qui l’entourent, tenant à sa parenté avec la cession de créance, qui ne lui ont pas permis d’accéder à la valeur d’un concept juridique bien défini, que la subrogation demeure une notion difficile à appréhender. De  fait, la subrogation contenait, en elle-même, les germes qui allaient en faire une question éminemment délicate.

 

15.                 Le deuxième motif du succès de l’institution se rattache à coup sûr à son caractère fonctionnel. La subrogation se définit seulement par la fonction qui lui est assignée : celle de permettre à un tiers, qui a payé la dette d’autrui, d’être mis au lieu et place du créancier originaire en vue d’en obtenir le remboursement. Selon un auteur,[26]                 « L’attitude la plus convaincante est celle qui voit dans la subrogation d’assurance, sinon un schéma classique de subrogation, du moins l’action de déférer un droit à l’assureur dans un but de récupération, ce qui est la fin propre de toute subrogation[27] ». Pour reprendre les propos de M Aubert, commentant une des rares décisions rendue en matière de droit international[28] : «  Ce qui tient à cœur de l’assureur, tout simplement, c’est de ne pas subir lui-même le préjudice du fait dommageable, et d’en déplacer le fardeau sur l’assuré ». Et M Aubert de s’interroger : «  Mais n’est-ce pas là, justement, la fonction du recours [29]? »

16.                 C’est en cela aussi que la fiction réalise une fiction juridique dès lors que la créance payée par un tiers est réputée subsister avec tous ses accessoires au profit de ce tiers. Ainsi, si son analogie, notamment  terminologique avec la cession de créance, son caractère incertain, sa fonctionnalité ont guidé le choix des praticiens, c’est véritablement le caractère de fiction juridique qu’il importe, au premier chef, de considérer. Parce qu’il commande une interprétation restrictive de l’institution et empêche son adaptation aux faits, ce caractère de fiction juridique est éludé, voir démenti par la doctrine moderne[30]. Ainsi, M Mestre [31] a démontré que la qualification tirée de la contravention à l’effet logique du paiement qui est d’éteindre l’obligation, procédait d’une appréhension inexacte de la subrogation personnelle, car le paiement avec subrogation relève en réalité du droit de la transmission des obligations, et non celui de leur extinction.

 

17.                 Car, qu’on le veuille ou non, la subrogation demeure une fiction juridique,[32]« procédé d’élaboration du droit quelque peu anormal, en ce qu’il altère profondément, la réalité juridique et tire de cette altération même des conséquences de droit. »[33] C’est pourquoi, le recours à la subrogation, même s’il s’explique par des nécessités d’adaptation, est critiquable. A ce propos, M Gény a écrit : «  la fiction juridique traduit l’infirmité de notre esprit impuissant à créer sans cesse des concepts parfaitement adéquats aux réalités.»[34] Toujours selon cet auteur, la fiction se réduirait à un expédient qui fait entrer de force telle situation dans un concept inadéquat. Or, dans le courant du XIXèmesiècle, au moment où la subrogation légale de l’article 1251-3 du Code civil était invoquée au soutien du recours de l’assureur, l’inadéquation était telle qu’elle fut purement et simplement déclarée inapplicable à l’assureur.[35]Mais le pragmatisme l’emportant, face à l’interprétation de certaines clauses générées par le refus des tribunaux d’accorder aux assureurs le bénéfice de la subrogation légale, les auteurs songèrent à d’autres fondements et qualifications et l’imagination juridique s’est donnée libre cours. En fonction du dommage causé à l’assureur par la faute du tiers, on s’ingénia à fonder le recours du tiers sur l’article 1382 du code civil[36]. Mais là encore, quel fondement juridique donner à cette action ? Des auteurs firent appel à l’équité «  dont les magistrats doivent faire application dans tous les cas qu’ils sont obligés de juger dans le silence de la loi ? [37]». C’est bien le fait du tiers, au sens de l’article 1382 du Code civil, c’est le sinistre dont il est l’auteur, qui oblige l’assureur à payer l’indemnité stipulée dans la police.

 

18.                 Dans ces conditions, le remboursement par le responsable des sommes versées à l’assuré pouvait-il se réaliser par la voie d’une action directe ? C’est en matière maritime, où les rapports de responsabilité se diluent dans la chaîne des intervenants, que la question s’est posée.[38] Une ancienne décision, consacrant une thèse  « quelque peu osée »,[39] reposant sur les articles 77 et 78 du Dahir Marocain formant code des obligations, l’équivalent des articles 1382 et 1383 du Code civil, a posé qu’une compagnie d’assurance avait, vis-à-vis du transporteur maritime responsable, « un droit propre » en remboursement de ce qu’il a payé en vertu du contrat d’assurance.[40] Or, l’existence d’une action directe au profit de l’assureur, se heurtait à de sérieux obstacles, dénoncés par les auteurs. D’une part, «  Il est incontestable que l’assureur possède un recours contre le tiers responsable du dommage couvert par la police mais il n’a pas de droit propre pour l’exercer, car il n’y a pas de relation de cause à effet entre la faute ou le fait du tiers et le dommage éprouvé par l’assureur [41]». D’autre part, cette action directe «  manque de base juridique sérieuse[42] » et entraîne des incohérences et « des conséquences graves et anormales[43] ».

 

19.                 Finalement, la jurisprudence abandonna, à juste titre, cette solution, notamment par un arrêt de la Cour d’appel de Paris : «  Considérant que dans le domaine de l’assurance maritime, l’action intentée par un assureur contre l’auteur du sinistre, n’est pas celle d’un cessionnaire, mais celle qu’il tient de la subrogation, que celle-ci soit conventionnelle ou qu’elle se réalise de plein droit, l’assuré étant censé, en vertu d’un usage constant en la matière subroger l’assureur au moment où il reçoit l’indemnisation ; qu’en dehors de cette subrogation, l’assureur ne possède aucun droit propre, distinct de celui de l’assuré à agir contre l’auteur du dommage.[44]»

20.                 En vérité, la construction juridique fondée sur l’article 1382 du Code civil, pour séduisante   qu’elle soit, se heurtait à divers obstacles. Tout d’abord, il n’est pas certain que l’assureur soit réellement victime des agissements du responsable du sinistre,[45]dès lors notamment qu’il a reçu sous formes de primes la contrepartie de son engagement. Ensuite, ce recours, assujetti aux règles de droit commun, ne présentait pas pour l’assureur les mêmes avantages que la subrogation. En particulier, l’assureur n’était pas admissible à se prévaloir des prérogatives qui pouvaient être attachées à l’action de l’assuré, telle la présomption de faute établie contre le locataire par l’article 1733 du Code civil. Enfin et surtout, selon que l’on considère les deux formes de l’assurance, on s’aperçut combien étaient fragiles les considérations d’équité qui avaient  fait adopter cette solution. En effet, si le recours exercé par l’assureur de dommages était toujours limité au montant de ce dommage, il n’en était pas de même en matière d’assurance de personnes, la somme versée étant laissée à la libre appréciation des parties contractantes.  

21.                 Cette considération reposait sur une question, qui donne toujours lieu à contentieux,[46] celle mettant en jeu la classification juridique fondamentale entre assurances de dommages et assurances de personnes : alors que les premières sont fondées sur le principe indemnitaire, selon lequel le bénéficiaire d’une assurance ne doit en aucun cas s’enrichir en recevant des indemnités supérieures à son préjudice, les secondes sont à caractère forfaitaire, le montant des prestations étant déterminé dans la police sans aucune évaluation du préjudice subi[47]. Après avoir exclu l’action fondée sur l’article 1382 du domaine des assurances de personnes,[48]la jurisprudence en fit de même pour les assurances de dommages[49], et décida s’accorder à l’assuré le droit de cumuler le bénéfice de l’indemnité d’assurance et les dommages et intérêts accordés aux tiers. L’admission de cette solution dite du cumul, qui marquait la fin d’une longue controverse jurisprudentielle et doctrinale, concernait essentiellement les assurances de personnes, les assurances de dommage contenant généralement une clause par laquelle les assurés cédaient leurs droits de recours[50]. Même si la subrogation n’en continua pas moins à être pratiquée par l’insertion dans les polices de clauses variées, qualifiées diversement en jurisprudence et non sans quelques acrobaties juridiques,[51]en clauses de cession de droits éventuels[52] ou promesses de subrogation, il semblait définitivement acquis que l’assureur ne pouvait se prévaloir d’aucune subrogation légale : « De la subrogation, il n’était plus question en matière d’assurance[53] ».

 

 

II – Le retour artificiel de la subrogation en matière d’assurance

 

 

22.                 Au moment où le débat sur la subrogation de l’assureur semblait clos, un projet de loi[54], puis des dispositions législatives[55] ravivent la controverse. Malgré  la défaveur de la doctrine et de la jurisprudence à l’égard de la subrogation de l’assureur, le législateur opère un « revirement[56] » et rétablit brutalement cette dernière dans les termes suivants : « L’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance est subrogé de plein droit dans tous les droits et actions contre le tiers ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur ». Conscient du  caractère insolite de cette subrogation, le législateur prend soin d’indiquer que le texte «  prévoit bien une subrogation, et non plus une cession d’actions ». Et il n’est pas surprenant qu’avant même que cette disposition, qui allait devenir l’article 30 de la loi du 13 juillet 1930, ne voie le jour, des voix autorisées se soient levées, soit pour  réfuter  à nouveau toute idée de subrogation,[57]soit pour dire qu’il y avait bien cession de droits mais que c’était dans le cadre de la subrogation que le législateur avait voulu réaliser cette cession[58]. A la vérité, dire, sans autre motivation, sur une question aussi discutée, qu’il s’agit d’une subrogation et non pas d’une cession d’actions, ne convainc pas. Ne peut-on dès lors interpréter cette précision  comme la volonté du législateur de proscrire l’usage, prétendument trop répandu, des clauses de cession de droits ? C’est du moins la constatation unanime de la doctrine : par la consécration de la subrogation légale de l’assureur, le législateur a entendu permettre et réglementer le recours de l’assureur en prohibant la pratique des clauses de cessions de droit[59]. En d’autres termes, « la loi de 1930 n’a donc introduit la subrogation que pour écarter la cession[60] ». 

 

23.                 C’est à la lumière de cette prohibition implicite des clauses de cession,  qu’il convient d’analyser le motif principal avancé par le législateur : « Il paraît à la fois normal et rationnel d’étendre à toutes les assurances la subrogation légale déjà admise en matière d’assurance maritime. Cette subrogation, qui sort quelque peu des limites qui doivent être assignées à la subrogation légale de l’article 1251-3 du Code civil, s’explique par le fait que l’assuré, étant indemnisé par l’assureur, ne doit pas conserver les droits à indemnité qu’il peut avoir contre des tiers : il est juste que tous les droits se rattachant au dommage passent à l’assureur dès l’instant où l’assuré a été indemnisé par lui ». Ainsi, ce serait l’équité qui aurait conduit le législateur à abandonner la solution du cumul, laquelle avait au moins le mérite, au terme d’une lente évolution, de résoudre une question éminemment délicate. Conformément à la thèse élaborée  par les exégètes, près d’un siècle auparavant,[61] selon laquelle il serait injuste que l’assuré, déjà indemnisé par l’assureur, touchât une seconde indemnité et que le responsable, de son coté, ne soit affranchi, de tous dommages et intérêts[62], l’assureur se voit accorder seul le droit d’action sans autre justification que celle d’avoir indemnisé son assuré. Pourquoi un tel choix ? Entre un assuré qui s’enrichit en laissant l’auteur du dommage impuni [63]et un assureur qui récupère ce qu’il a versé en exécution de son obligation contractuelle, l’hésitation n’était pas de mise. Pourtant, la solution du cumul, qui avait réussi à s’imposer avant l’entrée en vigueur de la loi de 1930, n’était pas si « inadmissible[64] » que cela : l’assureur, prenant la précaution de se faire consentir des clauses de cession, le responsable demeurait exposé à son droit d’action, et l’assuré ne touchait que l’indemnité prévue par le contrat. Mais, plus fondamentalement, le principe indemnitaire, qui interdit un enrichissement de l’assuré par l’assurance, n’est-il pas invoqué à tort ? Au regard du cumul d’indemnités, c’est à M Guiho que nous devons l’explication la plus satisfaisante : « Le problème du cumul d’indemnités est intimement lié à celui du recours personnel de l’assureur. Si l’on donne à l’assureur le droit d’agir, on est donc amené à le refuser à l’assureur et inversement [65]». Si on a choisi l’assureur, c’est, semble t-il, par respect du principe indemnitaire. Ainsi, recherchant la ratio de l’article 1916 du Code civil italien, disposition analogue à l’article L 121-12 du Code des assurances,  M Pasanisi a bien fait ressortir que   « ce caractère empêcherait (et même pour certains rendrait tout bonnement illicite et contraire à l’ordre public) le cumul par l’assuré de l’indemnité d’assurance et de la réparation du dommage ». Bien davantage, toujours selon cet auteur, « ce cumul, en offrant à l’assuré un remboursement global supérieur au dommage subi susciterait en lui un intérêt à ce que le sinistre se produise ce qui serait contraire à la nature même de l’assurance de dommage ». Cette éventualité d’une fraude de l’assuré a même paru tellement probante que certains la considère comme étant à l’origine du principe indemnitaire.[66]

 

24.                 Dès lors, il n’est pas certain que l’on puisse invoquer  opportunément ce principe, à géométrie variable, au soutien de la subrogation de l’assureur. Et sur ce point, nous partageons l’analyse de M Pasanisi : « Mais la vérité est que le principe indemnitaire est invoqué à tort dans notre cas. Ce principe est propre au contrat d’assurance (même s’il n’est pas énoncé expressément, il découle des nombreuses dispositions qui le régissent) et il implique que l’assuré ne peut, en vertu d’un tel contrat, percevoir un montant supérieur au préjudice subi. Par ailleurs ce principe n’est destiné à n’opérer que dans le cadre du contrat et même conceptuellement d’un seul contrat avec un seul assureur  (dans le cas de la subrogation, il s’agit de coordonner les effets du rapport d’assurance avec ceux du rapport de responsabilité). Cela est  si vrai que pour exclure la possibilité pour l’assuré de cumuler plusieurs indemnités d’assurance en stipulant plusieurs contrats pour le même risque, on a prévu l’article 1910 Code civil[67], qui aurait été inutile si le principe indemnitaire  avait été destiné à produire ses effets en dehors de chaque rapport d’assurance.[68]»  En réalité, la subrogation s’étant développée  pour les besoins de la pratique, il semble plus conforme à sa nature de justifier son application à l’assurance, non par respect du principe indemnitaire, mais par des considérations  économiques et sociales[69] : «  Ce n’est pas le principe indemnitaire qui est à la base de la solution adoptée par le législateur mais un principe différent, celui d’une simple orientation de politique économique qui l’a poussé , en vue d’encourager les fins sociales de l’assurance en en diminuant la charge et par  conséquent les primes , à alléger la situation de l’assureur en lui accordant la possibilité de diminuer son dommage en agissant contre le tiers à la place de l’assuré. »[70]

 

25.                 Quant à l’admission de la subrogation en matière d’assurance maritime, à laquelle se réfère l’exposé des motifs, elle ne saurait avoir l’effet que lui a donné le législateur. L’explication en est fort simple et nous l’avons précédemment évoquée : la primauté de l’usage sur la loi[71] que l’on doit  à M De Juglart d’avoir courageusement dénoncée à plusieurs reprises[72]. «  Les juges se réfèrent à l’usage, un usage constant, nous disent-ils, pour justifier ce transfert de créance ; mais cet usage ne va t-il pas à l’encontre de la loi ? Car, si nous nous référons aux règles du droit commun, nous constatons que trois conditions sont exigées pour la validité de la subrogation : le paiement, la concomitance entre ce paiement et la subrogation et la clause expresse de subrogation. Or, la jurisprudence a beau nous dire qu’il y a dans l’assurance un usage constant d’après lequel l’assuré est censé, quand il reçoit l’indemnité, subroger l’assureur contre le tiers, il n’en est pas moins vrai que la subrogation ne fait ici l’objet d’aucune stipulation précise. Ne sommes-nous pas dès lors, en présence d’une stipulation tacite ? Et dans l’affirmative, comment une telle solution pourrait-elle être en accord avec l’article 1250 du Code civil ? ».  C’est précisément ce que les auteurs se sont efforcés de démonter, convaincus de l’utilité pratique que pourraient en retirer les assureurs, parfois sous forme d’une simple réhabilitation de l’institution.[73]

 

26.                 Finalement,  à la veille de la consécration de la subrogation légale de l’assureur par l’article 36 de la loi du 13 juillet 1930, la question du fondement juridique du recours n’avait pas avancé d’un pas. Cela n’empêcha pas la jurisprudence, à coup d’adaptations successives, de façonner la subrogation pour les besoins de l’assurance.[74]M Mestre, le plus ardent défenseur de l’institution, donnera une justification fonctionnelle du recours[75] : c’est en fonction des importants services qu’elle rend à la pratique, de ses facultés d’adaptation aux cas les plus divers et enfin de l’interprétation extensive de ses conditions par la jurisprudence, qu’il a été imaginé par le législateur de recourir à cette institution. Mais, cette finalité, certes essentielle, justifiait-elle le choix d’un support juridique inadéquat ? Le législateur l’a lui-même reconnu : on a appliqué à l’assurance une institution ancienne, de nature incertaine, strictement réglementée par le Code civil, en ayant conscience qu’elle s’écarterait de l’orthodoxie juridique.[76] Dès lors, l’incompatibilité entre assurance et subrogation, maintes fois affirmée en jurisprudence et en doctrine, ne commande t-elle pas, sinon une remise en cause de cette institution, du moins d’émettre de sérieuses réserves quant à ses mérites ?   

 

§3- L’incompatibilité de principe entre assurance et subrogation

 

27.                 S’agissant d’une institution aussi répandue que la subrogation de l’assureur, de surcroît consacrée par le législateur, il peut paraître osé de reprendre ici la première objection à laquelle elle s’est heurtée : la subrogation est incompatible avec l’assurance. Et si cette question de la difficile conciliation entre les règles de la subrogation, institution de droit étroit, et de l’assurance, mérite d’être à nouveau posée, mais en des termes différents de ceux utilisés par la doctrine classique, c’est qu’à l’heure actuelle, preuve qu’en cette matière l’institution n’a pas « fait la preuve de son utilité[77] », l’on commence à mettre en cause, semble t-il à juste titre, l’opportunité de maintenir un tel système.[78]

 

28.                 Cette incompatibilité se rattache à coup sûr au caractère particulier du contrat d’assurance. M Charbonnier a vu dans cette spécificité du contrat d’assurance une raison décisive d’exclure en ce qui le concerne l’application des règles de la subrogation : «  L’admission générale en matière d’assurance de la subrogation de plein droit au profit de l’assureur continue de se heurter à une objection à mon sens insurmontable. En effet, l’article 1251 du Code civil a été écrit pour des obligations de type classique alors que l’obligation de l’assureur présente un caractère sui generis qui la met à part et l’exclut du jeu juridique ordinaire[79] ». Ainsi, avant de rechercher sur quel fondement l’assureur peut recourir, ne convient-il pas de poser, au préalable, la question de savoir si la stricte application des clauses du contrat d’assurance autorise l’assureur à recourir après paiement pour se faire rembourser ? Pourquoi, en effet, ne considérer que l’obligation de payer de l’assureur, « sans se demander quelle est la contrepartie de cette obligation ? »[80] 

 

29.                 Le contrat d’assurance est  généralement défini comme «  l’opération par laquelle une partie, l’assuré, se fait promettre, moyennant une rémunération, la prime, une prestation par une autre partie, l’assureur, en cas de réalisation d’un risque ».[81]  C’est en percevant une masse de primes qu’il compensera conformément aux lois de la statistique, et non pas en obtenant du responsable le remboursement des indemnités versées, que l’assureur est en mesure de neutraliser les conséquences dommageables du risque. Permettre à l’assureur de récupérer l’indemnité qu’il a versée à l’assuré, c’est supprimer l’obligation essentielle du contrat : la garantie d’un risque.[82] Bien plus, et ce point rejoint le précédent, pour qu’il y ait contrat d’assurance, il faut que la prestation de l’assureur dépende, dans son existence ou son étendue, d’un évènement incertain. Si l’assureur récupère l’indemnité qu’il a versée, l’aléa ou, suivant une conception moderne, le déséquilibre entre les parties,[83]qui porte ici sur le montant de la prestation caractéristique de l’assureur, disparaît. Et l’analogie avec le jeu et le pari réapparaît : dans le jeu, on ne sait, en contrepartie de la mise, si et combien le casino et la loterie paiera. Tel n’est pas le cas de l’assureur subrogé : sauf difficultés pratiques relatives à la mise en œuvre du recours, il sait d’avance qu’il «  rentrera dans ses frais[84] ». De même, M Charbonnier a comparé l’assureur subrogé au joueur qui entend récupérer sa mise : « Assuré et assureur sont liés par un contrat synallagmatique où entrent en balance le paiement des primes par l’assuré et le versement d’une indemnité par l’assureur de sorte que si l’on permet à l’assureur de récupérer sa prestation contractuelle tout en conservant celle reçue de l’assuré, l’équilibre interne de la convention se trouve atteint. Le contrat d’assurance étant aléatoire, l’assureur qui invoque la subrogation se trouve en quelque mesure, dans la situation du joueur qui, ayant perdu, prétend reprendre ses pertes. »[85]

 

30.                 Cette objection, tirée de la perte du caractère aléatoire du contrat d’assurance est ancienne. Soulevée pour s’opposer au recours fondé sur l’article 1382 du Code civil, les moyens juridiques sur lesquels elle reposait sont toujours pertinents et sont ainsi appelés à jouer un rôle novateur : « En exécutant son obligation d’assurance contractuelle, contrepartie de la prime encaissée par lui, l’assureur ne supporte ni perte, ni dommage. Cette éventualité faisait partie de ses prévisions et découlait du caractère aléatoire du contrat[86] ». 

 

31.                 L’aléa est-il rétabli par le fait que le recours a été pris en compte dans le calcul des primes[87] ? Nous pensons qu’il ne s’agit là que d’une simple éventualité,[88]d’une justification a posteriori tenant au fait et partant, dépourvue de toute valeur juridique.[89]  Bien plus, cet argument tiré de la révision en baisse des tarifs, procède d’une vision angélique des choses : ainsi, au nom d’une « saine exégèse », M Lerebours-Pigeonnière relevait : « La subrogation évite l’enrichissement injuste du tiers, ne nuit en rien à l’assuré et doit au contraire être l’élément d’une réduction des primes dans l’établissement des tarifs »[90].

 

32.                 Cependant, en poussant plus loin l’analyse, on s’aperçoit que cette prise en compte du recours dans le calcul des primes n’est pas si anodine que cela. Certains ont pu considérer, suivant une analyse qui nous paraît critiquable, qu’elle ferait partie de l’objet même du contrat : le dommage donne contre le tiers responsable une action en indemnité, qui vient réduire ou faire disparaître le préjudice  de sorte que « l’assurance ne couvre que le dommage pouvant résulter de l’absence ou de l’insuffisance de ce recours contre le tiers responsable [91]».  Or, pour reprendre l’expression de cet auteur,   «  c’est faire la part trop belle aux assureurs », car si ces derniers s’engagent en fonction du recours qu’ils seront ou non susceptibles d’exercer, n’est-ce pas là un moyen de maîtriser le risque, inhérent à la nature même du contrat, et de créer ainsi au détriment de l’assuré un élément de déséquilibre,  qui n’est pas entré dans les prévisions du contrat. Cependant, de fait, cette prise en compte du recours aboutit à diminuer la charge de l’assurance. Et, de manière paradoxale, certains y ont vu un « élément d’équilibre du contrat »,[92]ce qui montre bien le caractère essentiellement pragmatique de l’institution.

 

 

 

Chapitre II- Une institution inadaptée

 

 

33.                 La subrogation se révèle en outre particulièrement inadaptée à l’assurance. Comme l’a bien formulé M Bérard : « Il est facile de constater que la subrogation est un procédé particulièrement inadéquat à la situation de l’assureur qui vient de régler une indemnité  pour un dommage dont un tiers peut être responsable [93]». Idéalement, pourrait-on dire, les choses auraient du se passer de la manière suivante : la subrogation conférée de plein droit à l’assureur par l’article 36 de la loi du 13 juillet 1930[94], constituerait dorénavant un cadre juridique approprié et suffisant au recours de l’assureur et mettrait par la même un terme à la pratique «  juridiquement contestable » des clauses de cessions d’actions.[95] Or, non seulement, l’on a assisté à un retour en force de la subrogation légale de l’article 1251-3° du Code civil, dont le bénéfice a été accordé à l’assureur par une interprétation pour le moins extensive des textes, avec l’approbation de la doctrine[96], mais les clauses de cession et de subrogation conventionnelle ont continué, comme par le passé, à être pratiquées. On peut voir dans cette complication de l’institution, un effet pervers de l’article L 121-12 du Code des assurances, dont la portée ne semble pas avoir été correctement appréciée par  les tribunaux. C’est du moins l’analyse de M Beignier [97]: «  Si fréquemment les polices contiennent des clauses de subrogation conventionnelle, ce n’est que pour mieux  systématiser la subrogation légale à propos de laquelle force est de reconnaître que la jurisprudence est parfois byzantine ». A la vérité, c’est en raison des inconvénients pratiques de la subrogation légale de l’article L 121-12 du Code des assurances, que les assureurs ont tout naturellement cherché à fonder leurs recours soit sur la subrogation légale de l’article 1251-3 du Code civil, soit sur l’existence d’une convention de subrogation, selon que les conditions de l’une ou de l’autre se trouvaient réunies. Or, à l’évidence,  il s’agit de manœuvres de contournement de la loi, générées par une institution inefficace et controversée.

 

34.                 Il est par ailleurs symptomatique de constater que c’est précisément en matière de subrogation, qui s’est voulue placée sous le règne de l’équité, que des décisions incohérentes ont été rendue. Il est vrai que la formulation maladroite de l’article  L 121-12 du Code des assurances[98]est de nature à faire  naître les chicanes : il faut simplement que l’assureur paie l’indemnité prévue au contrat et que ce paiement intervienne au titre de son obligation contractuelle de garantie. Quant à la subrogation conventionnelle de l’article 1250-1 du Code civil[99], il est exigé qu’elle soit expresse et faite en même temps que le paiement. Enfin, dernière pièce de ce arsenal juridique : la subrogation légale de l’article 1251-3 du même code[100]. Pour autant et paradoxalement, ces dispositions, telles qu’elles sont appliquées par les tribunaux, n’aménagent pas un recours efficace en faveur de l’assureur qui veut recourir après avoir payé l’indemnité à son assuré.

 

35.                 Sans prétendre dénoncer toutes les « absurdités pratiques[101] » auxquelles donne lieu la subrogation de l’assureur, nous voudrions retracer ici celles qui nous paraissent les plus significatives : les unes se rattachent aux conditions de la subrogation                   § 1- L’inadaptation résultant des conditions de la subrogation), les autres découlant de ses effets, lesquels sont commandés par un principe fondamental, celui de l’effet translatif (§ 2- l’inadaptation découlant de l’effet translatif ), celles résultant de l’interférence avec les règles de la responsabilité civile ( § 3- L’interférence des règles de la responsabilité civile) et enfin, de la spécificité des assurances concernées ( § 4 - le cas de l’assurance de personnes et de l’assurance construction).

 

§1- L’inadaptation résultant des conditions de la subrogation

 

 

1 – Le paiement obligé

 

 

36.                 L’assureur ne bénéficie de la subrogation légale de l’article L 121-12 du Code des assurances que pour les sommes qu’il paye en exécution de ses obligations contractuelles. Ce principe est constamment rappelé par la Cour de cassation :              «  Il résulte de l’article L 121-12 du Code des assurances que la compagnie d’assurance n’est légalement subrogée dans les droits et actions de son assuré contre des tiers prétendument  responsables que par le fait que l’indemnité versée est due en vertu du contrat souscrit auprès de l’assureur, et dans la seule limite de la garantie dont il est lui-même tenu envers son client.»[102]Cette condition est particulièrement inadaptée à l’assurance parce que la recherche à posteriori par le juge de l’obligation légale de garantie s’avère, en pratique, extrêmement délicate.

 

37.                  Et c’est là encore une des anomalies de l’institution : alors que la subrogation légale est censée jouer de plein droit, c’est-à-dire sans recours au juge, la saisine de ce dernier s’avère indispensable pour vérifier la validité d’une convention aussi complexe que le contrat d’assurance. Peuvent se trouver ainsi soumis à la seule appréciation des juges du fond toutes sortes de moyens liés à la preuve du contrat, à l’étendue de la garantie, voir même de nullité.[103]

 

38.                 Or, s’il nous semble fondé de retirer à l’assureur le bénéfice de la subrogation lorsqu’il règle l’indemnité avec précipitation, sans procéder aux vérifications nécessaires relatives à la mise en jeu de sa garantie, autant la sévérité extrême de la jurisprudence nous paraît contraire à la nature même de l’assurance en ce qu’elle peut paralyser une indemnisation rapide des sinistres. L’interprétation restrictive des tribunaux ne va-t-elle pas dissuader les assureurs de procéder au versement d’une indemnité dès lors qu’ils sauront que leur recours au titre de la subrogation n’a que peu de chances d’être accueilli en raison de la difficulté de justifier de leur obligation de garantie ? De son coté, le responsable, défendeur à la demande de l’assureur subrogé, ne va-t-il pas mettre à profit l’interprétation restrictive qui prévaut en jurisprudence ? C’est devenu une certitude : l’absence du droit d’agir de l’assureur est abusivement invoqué par celui auquel on oppose un tel droit. Finalement, s’agissant de la preuve de l’obligation de l’assureur, «  étroite est la porte du droit d’action de l’assureur. »[104]

 

 

39.                 Dans le sens d’une extrême sévérité, la Cour de cassation, par arrêt du 9 janvier 2001[105], a approuvé les juges du fond d’avoir considéré qu’une proposition d’assurance et une note de couverture ne suffisaient pas à établir que le paiement, suite à un vol de bijoux, avait bien été réalisé au titre de la garantie en cause : d’une part, parce que la proposition d’assurance n’a pas fait pas naître d’obligations à la charge de l’assureur, d’autre part, parce que la note de couverture ne constitue qu’un document provisoire  qui ne vaut pas preuve à l’égard des tiers au contrat d’assurance . Bien que la question de la preuve de l’obligation de garantie soit laissée à l’appréciation souveraine des juges du fond, il nous semble que cette décision suscite quelques réserves. Si la proposition d’assurance n’engage pas l’assureur, c’est uniquement en ce sens «  qu’il n’est pas obligé d’y donner suite ». Si l’assureur y donne suite en l’acceptant, ce qui est le cas en l’espèce dès lors qu’il n’a jamais prétendu avoir refusé la proposition, la garantie est bien acquise et la question de savoir si l’assureur est engagé ne se pose pas. Quant à la note de couverture, le principe de la garantie étant acquis, il s’agit d’un document provisoire qui, appelé ou non à être remplacé par la police, prouve bien à l’égard des tiers le lien contractuel qui s’est instauré entre les parties.[106] L’assureur est censé avoir donné son accord ferme et définitif à la garantie dans les termes de ce document qui, comme l’assureur n’avait pas manqué de l’invoquer au soutien de son pourvoi, mentionnait clairement et précisément l’objet, la durée et l’étendue de la garantie. Il s’agissait bien d’une note de garantie qui, aux termes de l’article L 112-2 du Code des assurances        « constate l’engagement réciproque des parties ». La garantie d’assurance ne se trouvait affectée, ni par l’absence d’établissement ultérieur de la police, ni par la date fixée dans la note de couverture. Et c’est bien le point essentiel sur lequel devait porter la recherche des juges du fond : seule la date d’expiration de la validité de la note de couverture, dont il n’a pas été invoqué en l’espèce qu’elle ait été dépassée, marque la cessation de cette garantie temporaire de durée ferme.[107]

 

40.                 La même rigueur se retrouve dans une décision rendue le 14 janvier 2004 par la chambre commerciale de la Cour de cassation [108]: dans cette affaire,   une société, vendeur CIF d’une marchandise à destination de la Chine, en confie l’empotage et l’acheminement à un commissionnaire qui désigne le transporteur maritime. Lors du déchargement, le conteneur se brise, d’où des avaries aux marchandises. Soutenant avoir indemnisé le destinataire figurant au connaissement, les assureurs facultés assignent le commissionnaire. L’arrêt d’appel avait accueilli cette demande, aux motifs qu’en produisant un certificat d’assurance, l’original du document de transport, une dispache de règlement et l’acte de subrogation, les assureurs prouvent suffisamment qu’ils ont réglé le tiers lésé. au visa de l’article L 121-12 du Code des assurances. La Cour casse cette décision à défaut pour les premiers juges de s’être prononcé sur l’existence même de la garantie. La production de la police est donc jugée nécessaire, celle du certificat d’assurance n’étant pas considérée comme suffisante.

 

41.                  C’est le même formalisme qui a inspiré un jugement du Tribunal de commerce de Bobigny,[109]alors pourtant que le règlement était intervenu dans le cadre de relations inter-groupes : une société, dont le siège est aux Etats-Unis, charge un commissionnaire d’acheminer du matériel médical à sa filiale française. Lors du déchargement, l’une des caisses du chariot élévateur, où le commissionnaire les avait placées, chute. Les dommages se chiffrent à 174366 dollars US, indemnisés par l’assureur, la Sté Fireman’s, à hauteur de 124366 dollars, franchise déduite. L’assureur et l’expéditeur pour le montant de la franchise mise à sa charge, assignent le commissionnaire, lequel pour se défendre, invoque « comme de bien entendu[110] » l’absence de qualité et d’intérêt à agir : l’assureur ne produit ni la police, ni preuve que le règlement  a été effectué en vertu de celle-ci, une simple quittance étant inopérante.  Le Tribunal accueille cette argumentation : « Attendu que Fireman’s n’a pas présenté le contrat d’assurance permettant de justifier un paiement d’indemnité et l’identité du bénéficiaire ».

 

42.                 Or, débouter l’assureur de sa demande de subrogation au seul motif qu’il ne verse pas aux débats la police d’assurance, nous paraît procéder d’une interprétation beaucoup trop  restrictive de la loi, non voulue par le législateur.[111]  En effet, l’article   L 121-12 du Code des assurances, ouvre le recours «  au profit de l’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance ». Dès lors, le paiement, régulièrement quittancé, ne présume t-il pas la garantie ? Bien plus, cette vision étroite du droit d’action de l’assureur subrogé est contraire à deux principes fondamentaux : celui du caractère consensuel du contrat d’assurance et celui de la liberté de la preuve en matière commerciale.

 

43.                 Le premier commande de considérer comme parfait un contrat d’assurance dès la rencontre des volontés de l’assureur et de l’assuré, l’écrit n’étant exigé que dans un but probatoire[112]. Dans ces conditions, pourquoi, comme dans l’une des espèces ci-dessus relatées, dénier toute valeur probante à un certificat d’assurance, lequel est censé justement pallier le défaut d’établissement de la police [113]? Au demeurant, c’est réserver à l’assureur un sort plus rigoureux qu’au bénéficiaire de la garantie qui est admis à établir sa qualité par la production d’un tel certificat et même, de surcroît, par d’autres moyens le suppléant.[114]

 

44.                 Le second principe méconnu par ces décisions est celui qui veut que l’opération d’assurance, lorsqu’elle présente un caractère commercial, se prouve par tous moyens conformément à l’article L 110-3 du Code commerce. Les juges auraient donc dû trouver la preuve de l’obligation de garantie dans tous les faits, tels le paiement de l’indemnité d’assurance et les documents versés aux débats, comme les quittances, documents de transport et dispache de règlement[115].  Dès lors que les relations d’assurance ont le caractère de relations commerciales, c’est au nom de ce                     «  particularisme » du droit commercial[116], qu’il convient d’apporter une plus grande souplesse dans l’appréciation de la preuve de l’obligation de garantie.

 

45.                 Un exemple parmi d’autres illustre notre propos : des avaries sont constatées à l’issue d’un transport maritime, sous température dirigée. A l’arrivée, le destinataire refuse la marchandise, l’expertise ayant mis en évidence le défaut d’étanchéité des joints des portes du conteneur. Ce dernier est donc réexpédié au chargeur, la Sté Comptoir Dayaux, qui constate l’avarie. Après avoir indemnisé le chargeur, les assureurs assignent le transporteur responsable. Pour justifier leur obligation de garantie, les Cies d’assurances produisent un document intitulé « police n°9504002 »   indiquant  «  Aux conditions générales annexées et à celles particulières qui suivent, les assureurs soussignés assurent les risques en faveur de : Comptoir Dayaux… » . Ni l’existence de ce document, ni la circonstance invoquée par les compagnies appelantes  selon laquelle   «  la police d’assurance a été mise en œuvre pendant plusieurs années » ne sont jugés pertinents : la police versée aux débats «  n’indique pas le nom des compagnies intervenantes ; que, daté, du 21 avril 1995, il n’est signé ni par les assureurs, ni par le comptoir Dayaux ; que n’y sont pas jointes les conditions générales. Considérant qu’à cette police se rattache un avenant, daté du 9 juillet 1995, qui ne comporte que la signature de l’assuré et qui n’indique pas davantage l’identité des compagnies appelantes qui ne l’ont pas signé. Considérant que les assureurs prétendent qu’il est sans intérêt que ces éléments ne comportent pas la signature  de la compagnie apéritrice dès lors que la police d’assurance a été mise en œuvre pendant plusieurs années ; mais attendu que la désignation des compagnies n’apparaît sur aucun document contractuel hormis sur l’acte de subrogation signé par le Comptoir Dayaux  le 19 août 1999 ; qu’il n’est justifié d’aucun mandat de gestion au profit de l’une d’entre elles, apéritrice, pas même désignée. Considérant au surplus que, faute de démontrer les paiements effectifs des quittances de primes entre les mains ou celles d’un mandataire régulièrement habilité, les compagnies ne démontrent pas que, comme elles l’affirment, la police a été mise en œuvre pendant plusieurs années. »[117]

 

46.                  Alors que les assureurs ont versé aux débats le contrat d’assurance et qu’il n’était pas  sérieusement contesté qu’ils avaient réglé au titre de leur obligation de garantie, l’existence de cette dernière est remise en cause par l’absence de signature au bas de l’exemplaire produit et la circonstance, au demeurant non contestée, que la police s’est déroulée sur plusieurs années n’est pas établie par la production des quittances correspondantes. C’est donc sans y être aucunement tenues, que les compagnies d’assurances «  se sont estimées contraintes à l’indemnisation de ce sinistre ». Dans une espèce similaire, la cour d’appel d’Aix-en-Provence[118] a considéré que l’assureur ne rapportait pas la preuve du caractère obligé du paiement effectué au motif « qu’il s’est borné à produire un document intitulé «  Subrogation Form » qui,  établi au nom  d’ « Ampa Ltd », est rédigé en langue anglaise et non traduit », qu’il vise « la Policy N° 90820012023/93 » qu’il s’est abstenu de verser aux débats ».

 

47.                 Or, dans ces deux espèces, ne peut-on considérer que les seules références de la police font présumer son existence ?  Pour une bonne administration de la justice, ne conviendrait-il pas, dans de pareilles hypothèses où manifestement l’assureur s’est trouvé dans l’impossibilité matérielle de procéder à la production de la police dont l’existence se trouve corroborée par d’autres éléments, de débouter l’assureur « en l’état »,[119]lui permettant ainsi de régulariser la procédure ultérieurement sans encourir l’irrecevabilité de sa demande pour défaut de qualité et d’action. En définitive, comme le relève un auteur[120] : « La situation est pour le moins paradoxale : la subrogation légale joue de plein droit, dès que les conditions sont satisfaites, l’assureur est subrogé sans avoir en principe à effectuer la moindre formalité . Mais pour justifier que ces conditions sont bien satisfaites, l’assureur doit en réalité effectuer deux formalités : produire la quittance et la police ».

 

48.                 A la situation de l’assureur qui a payé à tort, est assimilée celle de l’assureur qui n’a pas payé à temps. En effet, l’assureur doit verser l’indemnité dans le délai de deux ans prévu à l’article L 114-1 du Code des assurances.[121] A défaut, la prescription étant acquise, l’assureur n’est censé ne plus rien devoir alors pourtant qu’il a réglé l’indemnité. C’est ce qu’a rappelé une décision[122] qui prend soin de fermer à l’assureur la voie de la subrogation conventionnelle, non soumise à la prescription spéciale du Code des assurances : « Considérant que selon l’article L 121-12 du Code des assurances, l’assureur n’est subrogé de plein droit dans les actions de l’assuré contre les tiers responsables qu’autant qu’il a payé à son assuré l’indemnité qu’il lui devait en exécution du contrat d’assurance ;  considérant que l’avarie ayant donné lieu au litige s’étant produite le 27 septembre 1995, et la société Kic ne prouvant pas avoir payé l’indemnité d’assurance avant le 6 mars 1998, date d’établissement de la quittance subrogative par Cégelec, il en résulte qu’elle a payé alors qu’elle n’y était pas tenu, le délai de deux ans visé à l’article L 114-1 du Code des assurances étant expiré depuis le 27 septembre 1997 ».

 

49.                 Si le moyen tiré de l’écoulement du délai de prescription paraît, à priori,[123]découler d’une certaine logique juridique, il n’en est pas de même des diverses causes de non garantie découlant, soit de l’inobservation de certaines clauses, soit de l’interprétation des termes mêmes du contrat, lesquels sont bien souvent équivoques.[124] Les définitions contractuelles étant fréquemment contestées, l’assureur prudent qui verse l’indemnité d’assurance doit préalablement vérifier qu’il était contractuellement tenu de le faire, sans pouvoir se réfugier derrière l’inopposabilité de certaines clauses, susceptibles d’exonérer le responsable, que son assuré aurait ignorées. Et cette vérification s’avère parfois extrêmement délicate comme l’illustre un arrêt rendu le 14 mars 2002 par la Cour d’appel de Versailles[125] : la société Cégelec, assuré auprès de la Cie AGF Mat, a vendu «  FOB livraison au port d’Anvers » quatre transformateurs à la société de droit japonais Marubeni. En exécution de ce marché, Cégelec s’est adressé  à la société Someport-Walon aux fins d’organiser le pré-transport routier de la marchandise jusqu’à Anvers en vue de son chargement sur le navire Etoile de la société de droit allemand Rickmers Linie. Cette société, choisie par l’acheteur pour effectuer le transport maritime entre Anvers et Akaba (Jordanie), a donné instructions à la société Hessanatie de rapprocher la marchandise sous grue en vue de son chargement. Au cours de ces opérations de manutention, la caisse contenant  deux transformateurs est tombée de l’élévateur sur le quai et son contenu a été endommagé. La compagnie Préservatrice Foncière assurance a indemnisé la société Cégelec du montant des dommages et a introduit une action en responsabilité à l’encontre de la société Someport-Walon en sa qualité de commissionnaire , laquelle a appelé en garantie tous le autres intervenants à l’opération de transport . Mais l’assureur se voit opposer la clause «  mise à FOB Anvers » telle qu’interprétée au regard de la loi et des usages belges qui signifie que la marchandise reste aux risques du vendeur, non pas au moment où elle a été chargée à bord du navire, mais jusqu’ au moment où elle a été  remise dans le périmètre du navire. Après s’être livré à une analyse détaillée de la clause FOB Anvers[126] et exclu, sur son fondement toute responsabilité du commissionnaire, la société Someport-Walon[127], les juges du second degré ont relevé que : « La marchandise ne pouvait se trouver aux risques de l’assureur de la société Cégelec lorsque le sinistre s’est produit et il en résulte que celui-ci, qui n’était pas tenu  légalement ou contractuellement d’indemniser la société Cégelec, ne peut bénéficier de la subrogation légale.»

 

50.                 Vainement l’assureur avait-il invoqué, au soutien de ses demandes que, d’une part, il s’agissait d’une vente FOB de type classique et, d’autre part, que les usages du port d’Anvers, inconnus de son assuré que son cocontractant « n’a pas pris soin d’informer », lui sont inopposables. Sur le premier point, selon les juges, «  la clause livraison FOB doit s’interpréter en tenant compte des usages locaux du port d’embarquement et elle peut avoir, dans certains pays, une signification différente de celle des Incoterms » et sur le second point, « la Société Cégelec a seule choisi les conditions « FOB Anvers » pour conclure la vente avec son cocontractant  et, exportant régulièrement ses matériels à l’étranger , elle est censée connaître les modalités de la livraison aux lieux qu’elle a retenu tels qu’ils résultent des usages consacrés par la jurisprudence ou la loi ». Si cette décision n’encourt pas la critique en raison de la délimitation très nette des obligations au titre d’une clause « FOB Anvers », elle invite à s’interroger sur les difficultés que peuvent engendrer d’autres termes, tels ceux d’une «  mise à FOB »,  dans un port où il n’existe pas de définition particulière du FOB.[128] Au regard de ces incertitudes, n’est-ce pas exiger de l’assureur subrogé qu’il rapporte la preuve impossible de son obligation de garantie ?

 

51.                 En réalité, la difficulté majeure de l’ensemble du système est que, dans bien des cas, l’assureur ne peut avoir connaissance de ce que les conditions de la garantie ne sont pas  satisfaites au moment où il verse l’indemnité. Ce n’est en effet que lorsqu’il exercera son droit d’action contre le responsable, que l’assureur subrogé se verra opposer le moyen de défense tiré de ce que les risques sont exclus et donc non indemnisables. C’est en cela que la technique subrogatoire s’avère particulièrement inadaptée à l’assurance : l’obligation première de l’assureur est de verser l’indemnité  en cas de réalisation du risque prévu au contrat.  En d’autres termes, c’est la seule survenance du dommage et non son origine qui justifie le versement. Mais encore faut-il que l’indemnité soit contractuellement due, ce dont il ne peut toujours avoir connaissance.

 

52.                 Ainsi, de deux choses l’une : soit l’assureur est censé avoir pu connaître, notamment par le rapport de son expert, que l’on se trouve manifestement dans un cas de non garantie, alors il doit s’abstenir de tout versement. Soit, dans le cas contraire, aucun élément ne l’autorise à mettre en cause son obligation de garantie, et l’on ne voit pas ce qui l’empêcherait de satisfaire à son obligation de verser l’indemnité. Ainsi, la demande de subrogation légale d’une société apéritrice et de ses co-assureurs, qui avaient indemnisé leur assuré du montant des dommages par mouille constatés à l’ouverture des caisses, a été rejeté au motif qu’ils ne pouvaient ignorer que les dommages étaient dus à un défaut d’emballage[129].

 

53.                 En définitive, il est faux de dire que l’assureur qui verse l’indemnité se trouve ipso facto subrogé légalement dans les droits de son assuré : tout dépend de la contestation qui naîtra ultérieurement de la garantie. Ainsi, à l’action de l’assureur subrogé seront opposés divers moyens, relatifs à l’existence même de la garantie, lesquels nécessiteront une interprétation délicate, voir hasardeuse des clauses de la police. C’est par le biais des clauses d’exclusion que le responsable tentera d’échapper à l’action de l’assureur. L’une des plus restrictives de ces clauses est à coup sûr la clause syndicale vol,[130] qui prévoit généralement diverses conditions cumulatives pour que la garantie joue : pose et enclenchement d’un dispositif antivol agréé, fermeture des portières du véhicule                « pendant l’absence si brève soit-elle et quel que soit le lieu du stationnement, verrouillage des accès ».

 

54.                 Or, en cas d’absence momentanée du chauffeur, comment rapporter la preuve  de ce que le dispositif antivol avait été mis en œuvre par ses soins ?[131]On mesure l’incohérence d’une telle solution reposant sur une preuve impossible : l’assureur doit répondre des agissements du chauffeur, généralement mandaté par le transporteur non assuré, et donc tiers à la police[132]. C’est pourquoi il nous semble  préférable, en cas d’inobservation des conditions extrêmement rigoureuses de telles clauses, de prévoir dans la police, non pas une suppression de la garantie, mais une limitation de son montant[133]. De ce fait, l’assureur conserverait, pour la somme garantie, l’exercice de son recours.

 

55.                 Finalement, si la question du paiement obligé est extrêmement délicate, c’est parce qu’elle oppose au droit d’action légal de l’assureur, une question de fait, celle de la garantie d’assurance, qui, souverainement appréciée par les juges du fond, peut donner lieu à divers artifices[134]. Il en est ainsi lorsque, sur le seul constat que  l’assureur a payé sans y être obligé, les juges en déduisent l’existence « d’un geste commercial, humanitaire ou gracieux ». Or, pour commode que soit cette extrapolation, cette déduction ne saurait être admise qu’en cas de volonté clairement affichée de l’assureur de renoncer à une exception de non garantie. En d’autres termes, selon un auteur, «  la règle de la suppression du recours subrogatoire doit être cantonnée à la renonciation expresse. »[135].

 

56.                 Cette situation se trouve parfaitement illustrée dans une espèce où un assureur avait procédé à un règlement en précisant expressément qu’il s’agissait d’un versement « à titre gracieux et humanitaire. » [136]En revanche, il est diverses hypothèses où la nécessaire rapidité des interventions, les pressions commerciales et menaces précontentieuses de toutes sortes, de même que la complexité de certaines polices, font que l’assureur peut être amené à verser l’indemnité en méconnaissance de ses droits.   Et dans certaines de ces situations, la renonciation de l’assureur est arbitrairement écartée par le juge. Tel est le cas d’un versement sans qu’ait été préalablement vérifié que l’une des conditions de la garantie était satisfaite : à la suite de dommages constatés sur la marchandise, un assureur indemnise partiellement l’assuré et se retourne contre le responsable à hauteur de son versement. La Cour de  cassation  rejette le pourvoi de cet assureur à l’encontre de la décision qui l’avait dit irrecevable en sa demande aux motifs que l’assuré n’avait émis aucune réserve à réception du règlement fait par l’assureur principal et ne l’avait pas mis en demeure de s’expliquer sur l’abattement de 60% qu’il avait opéré et qu’ainsi l’assureur avait payé sans y être obligé et consenti un geste commercial.[137]

 

57.                  C’est en cela que la subrogation de l’assureur s’écarte profondément du visage initial de l’institution : considérée à l’origine comme un service d’ami, elle ne permet pas d’obtenir le remboursement d’un geste humanitaire et gracieux. Reste alors à l’assureur à recourir par la voie de la subrogation conventionnelle ou de la cession de créance. Sauf à y apporter de sérieuses nuances, la règle du paiement obligé n’est décidément pas adaptée aux besoins de l’assurance.

 

 

2- La concomitance du paiement et de la subrogation

 

 

58.                 Aux termes de l’article 1250-1° du Code civil, la subrogation conventionnelle doit être expresse et faite en même temps que le paiement. Or, comme l’a relevé M de Juglart, en matière d’assurance, cette condition  « fait la plupart du temps défaut.» [138] Même si la jurisprudence est venue au secours de la pratique pour l’assouplir de façon notable[139], cette exigence ne tient pas compte des usages et des relations commerciales. De fait, subrogation et paiement ne se font jamais de façon concomitante.[140] Et même s’il a pu être considéré que la convention de subrogation réside dans la police,[141] « la souplesse jurisprudentielle » n’est plus de mise, pour reprendre une expression que     M Mestre a employée à propos du durcissement de cette condition,  opérée de façon notable par la Cour de cassation  dans un arrêt du 23 mars 1999[142].

 

59.                 Car, même transférée sur le terrain, de la preuve, la question demeure plus que jamais délicate : appréciée souverainement par les juges du fond, la preuve du paiement est fonction des espèces et donc donne lieu à des interprétations juridiques divergentes. Le flou juridique en résultant peut inciter les plaideurs à contester systématiquement le droit d’agir de l’assureur. Auparavant,  pour consacrer l’usage des assureurs qui faisaient signer des quittances avant d’avoir versé les fonds, les juges considéraient comme suffisant la seule production de la quittance, en ce qu’elle constatait l’accord de subrogation.[143] Il n’en est plus de même aujourd’hui, loin s’en faut, comme les exemples qui suivent tentent de le démontrer.

 

60.                 Une décision[144], critiquée en doctrine, a ouvert la voie d’une interprétation extrêmement restrictive dans laquelle s’engouffrent à présent les juges du fond : «  Mais attendu, d’abord, que la quittance subrogative ne fait pas preuve par elle-même de la concomitance de la subrogation et du paiement laquelle doit être, aux termes de l’article 1250-1° du Code civil, spécialement établie. Qu’en sa troisième branche, le moyen tend seulement à remettre en cause, devant la Cour de cassation, l’appréciation par les juges d’appel qui, après avoir relevé que l’assureur avait accepté de payer par lettre du 3 septembre 1993, annonçant l’arrivée du chèque par courrier séparé, et que la quittance subrogative avait été délivrée le 13 octobre 1993, ont souverainement estimé, hors la dénaturation alléguée, que la concomitance du paiement et de la subrogation n’était pas établie ». C’est bien cette exigence, pour le moins rigoureuse au regard des usages de l’assurance, d’une concomitance « spécialement établie », s’ajoutant aux conditions légales, qu’ont mis en relief d’autres décisions. Ainsi, la Cour d’appel d’Aix-En-Provence[145]a considéré que «  bien que la lettre de subrogation ne comporte aucune date à la place indiquée pour cela dans le formulaire, la présence d’un timbre humide, difficilement lisible, sur lequel il est notamment possible de lire «  25 oct 93 », permet de rattacher la quittance subrogative à la police d’assurance mais, le paiement étant intervenu le 22 octobre, la concomitance de la subrogation et d’un paiement n’est pas établie ».

 

61.                 De même, une décision particulièrement sévère[146] a refusé aux assureurs le bénéfice de la subrogation légale alors pourtant que l’assuré avait signé deux actes de subrogation auxquels il est reproché, pour le premier, de n’avoir pas fait référence au nom des subrogés et pour le second, portant rectification de cette omission, d’avoir été postérieur de 14 jours au paiement. Ce formalisme tatillon se justifiait-il eu égard au fait que la police d’assurance avait fonctionné durant plusieurs années et que l’existence de la convention de subrogation ne pouvait être sérieusement contestée ?

 

62.                 Un autre motif d’inadaptation résulte de la nécessité dans laquelle se trouve l’assureur de faire établir la responsabilité de l’auteur des dommages et de différer le versement de l’indemnité, donc l’acte de subrogation, jusqu’au dépôt de l’expert mandaté à cette fin. Sur ce point, même s’il est admis que l’assureur « n’est pas en mesure de satisfaire aux conditions légales de la subrogation en raison de l’ignorance du montant de la dette et des difficultés à prendre position sur les garanties exactes d’assurance », il encourt néanmoins la prescription de son action à défaut d’avoir été valablement subrogé dans le délai annal applicable en matière de transport.[147]

 

63.                 Revenant sur une solution ancienne justifiée pour les besoins de la pratique[148] suivant laquelle des règlements partiels n’étaient pas exclusifs d’une subrogation, cette jurisprudence va à l’encontre de la tendance contemporaine qui est d’admettre que la subrogation puisse être rétroactive. Laissée de la sorte à l’appréciation divergente des juges du fond, la subrogation légale de l’assureur  apparaît comme un véritable parcours semé d’embûches. Comme l’a relevé M JF Tantin[149], « Cet aménagement n’est pas dans le sens d’une réalité économique, car c’est plus souvent que la subrogation est consentie après le paiement, et dans ce cas, il n’y a pas d’issue pour l’assureur. On aura compris  l’incohérence de la situation. Pourquoi considérer que la volonté de subroger puisse exister avant le paiement et disparaître après le paiement ? Alors que ce qui importe, c’est que la subrogation soit expresse, l’essentiel étant que l’assuré ait clairement manifesté, par la quittance subrogative, sa volonté de subroger l’assureur dans tous ses droits, actions et recours contre le responsable. Imposer que cette manifestation de volonté soit concomitante au paiement constitue un formalisme aberrant et archaïque ». En conclusion, si l’assureur ne peut pas ou ne veut pas verser aux débats sa police d’assurance et ce « pour des raisons de confidentialité vis-à-vis de la concurrence »[150] en matière de subrogation légale, son droit d’agir sera contesté. De même, s’il ne peut pas justifier de la concomitance de son règlement avec la subrogation, son recours, fondé sur la subrogation conventionnelle ne pourra aboutir. On  mesure les avantages que la pratique peut retirer d’un tel système.

 

§2- L’inadaptation résultant de l’effet translatif

 

64.                 Selon le principe de l’effet translatif, « qui est au centre du mécanisme subrogatoire[151] », dès le paiement, l’assureur est automatiquement investi des droits et actions de l’assuré contre le tiers responsable[152]. Ainsi, dans la mesure de l’indemnisation reçue par lui, l’assuré ne peut exercer contre le tiers responsable les droits et actions dans lesquels l’assureur est subrogé. Selon une conception extrême, mais qui se justifie par la finalité de toute subrogation, celle de récupération, «  l’action qui va être transmise par le truchement de la subrogation n’est pas une action destinée à faire naître un droit déjà existant, mais une action indispensable pour faire naître ce droit et qui peut aussi bien aboutir à cette constatation qu’il n’y a en réalité aucun droit.[153]» Mais c’est surtout en raison des hésitations qu’il provoque[154]et de l’importance et de la radicalité de ses conséquences que l’effet translatif est  susceptible de nuire à la pratique et de limiter le recours. C’est ainsi que l’action de l’assureur subrogé est  enfermée dans le délai de prescription applicable à celle du subrogeant[155]. Comme l’a écrit  M Mestre, « cette solution apporte une limite, d’ordre indirect, au principe de notre droit des obligations voulant qu’une action ne commence à courir qu’à partir du moment où le créancier est en droit d’agir et peut donc se révéler très dure pour un subrogé qui serait amené à payer un créancier fort peu de temps avant l’expiration du délai de prescription, voire même- parce que ce n’est sans doute pas techniquement inconcevable- après cette expiration.» [156]

 

65.                 De même, l’assureur exerçant l’action subrogatoire n’ayant pas plus de droit que son assuré, il peut se voir opposer l’autorité de la chose jugée contre ce dernier[157]. Aussi,  l’assureur, qui exerce une action contre le responsable à la suite de celle intentée par son assuré,  doit veiller à introduire une action qui diffère de cette dernière par sa cause, son objet et par l’identité des parties, ce qu’il lui sera en pratique très difficile de faire.[158] En effet il y a, la plupart du temps, identité de cause et d’objet et presque toujours identité de parties : « lorsque  l’assureur intervient en tant que subrogé, il exerce les droits et actions de l’assuré lui-même ; il agit aux lieu et place de l’assuré subrogeant. Il y a donc bien identité de parties. »[159]

 

66.                 Mais quelle est au juste l’étendue du transfert des droits et actions en matière d’assurance ? C’est précisément dans le domaine de l’assurance crédit que la Haute juridiction[160] a posé nettement le principe suivant lequel le subrogé peut laisser exercer ses droits par le subrogeant : «  attendu, qu’aucune disposition n’obligeant le subrogé  à faire valoir les droits qu’il a acquis et qu’il peut laisser exercer par le subrogeant[161], c’est à bon droit que la Cour d’appel a retenu que l’indemnisation que l’assureur aurait fournie à ses assurés en vertu du contrat d’assurance ne pouvait avoir pour effet de libérer la société CD envers ses fournisseurs ni, par conséquent, M Akessson en sa qualité de caution solidaire ».

 

67.                 Ainsi, même indemnisée par un assureur de responsabilité subrogé dans ses droits, la victime est en droit de déclarer la créance transmise en ses lieu et place.[162]Pour autant, si la Cour de cassation, par des considérations d’ordre pragmatique qu’il convient d’approuver[163], décide que le subrogé, privé de ses droits par le transfert de créance, n’a pas pour autant «  à quitter la scène juridique »,[164] il faut bien reconnaître que cette solution est contraire  à la règle suivant laquelle le paiement avec subrogation a pour effet d’éteindre la créance à l’égard du créancier. En vertu de ce principe, l’assuré subrogeant risque toujours de se voir opposer, en ces termes, l’effet extinctif de la créance résultant de la subrogation : «  L’assuré désintéressé par l’assureur en vertu du contrat d’assurance, ne peut plus, dans cette mesure, exercer contre le tiers responsable  du dommage les droits dans lesquels cet assureur se trouve subrogé. »[165]

 

68.                 Mais paradoxalement, même privé du droit d’agir, l’assuré n’en demeure pas moins tenu à certaines obligations dont celle, fréquemment stipulée dans les polices, de conserver le recours de l’assureur.[166] C’est ainsi, que l’assuré pourra se voir reprocher de ne pas avoir agi de manière appropriée, voir même d’avoir laissé prescrire l’action de l’assureur. Or, comme le relève la Cour de cassation, « la souscription d’une police d’assurances tous risques a précisément pour objet, quant à l’assuré, d’avoir à prendre l’initiative d’une instance » et «  conserver le recours de l’assureur ne saurait signifier exercer l’action [167]». Dans une espèce où l’assureur avait, en quelque sorte, laissé prescrire volontairement son action, il a été ainsi statué [168]: «  Mais attendu que la société Groupe Kléber ne conteste pas avoir reçu de S.E.M Import, le 15 octobre 1976, un dossier comprenant les photocopies du connaissement, des expertises faites par les commissaire d’avaries du Havre et de Caen, et des factures d’achat ; que si l’assureur estimait que les originaux étaient indispensables pour faire aboutir son recours, les copies produites contenaient touts les renseignements nécessaires pour lui permettre d’exercer, sans attendre son action récursoire contre la Cie Care Line, transporteur, ou tout au moins de faire toutes diligences ou poursuites judicaires pour interrompre la prescription annale ; qu’il y a eu, de la part du Groupe Kléber une inattention ou une négligence qui lui a fait perdre de vue la date de prescription ; que cette faute , d’autant plus inexcusable que lui seul avait intérêt à conserver son recours, a été la cause unique du préjudice qu’il subit du fait de l’impossibilité actuelle d’obtenir du transporteur le remboursement des indemnités dues à l’assuré ; attendu que la société S.E.M Import, dont le retard à envoyer les originaux a été sans influence sur la perte du recours de l’assureur contre la société Care Line , est bien fondée à réclamer l’exécution du contrat d’assurance et le paiement de l’indemnité correspondant au dommage qu’elle a subi. »[169]

 

 

& 3L’interférence des règles de la responsabilité civile

 

 

69.                 L’intervention des règles de la responsabilité civile complique à l’extrême le mécanisme subrogatoire. De prime abord en effet, l’application de la subrogation aux assurances de responsabilité ne va pas de soi[170]. Comme l’a écrit M Besson, « Il est vrai que, en matière  d’assurance de responsabilité, la subrogation présente un aspect particulier. Tandis que, dans l’assurance de chose, elle joue sans difficulté toutes les fois que le sinistre est dû à la faute d’un tiers , ici cette possibilité d’un recours n’apparaît pas très bien au premier abord. Pour que l’assureur soit tenu à garantie, il faut, par hypothèses, que l’assuré soit responsable. Comment dès lors envisager un recours contre un tiers? N’est-ce pas l’assuré qui est le débiteur des dommages et intérêts dus à la victime ? En prenant en charge cette dette, l’assureur semble bien ainsi ne devoir, par la force des choses, disposer d’aucun recours. »[171] 

 

70.                 Cette analyse est toujours en vigueur : «  Dans une telle situation - faute commise par l’assuré, dommage causé par cette faute, indemnisation par l’assureur du tiers-victime - la subrogation de l’assureur dans les droits de l’assuré ne se conçoit pas. On ne peut évidemment dire, avec le 1er alinéa de l’article L 121-12, que «  l’assureur qui a payé » l’indemnité d’assurance est subrogé ...dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage », puisque c’est ici l’assuré lui-même qui a provoqué le sinistre…Le texte de l’article L 121-12 ne cadre absolument pas avec l’hypothèse d’une assurance de responsabilité [172]». Cette interaction entre deux séries de règles donne lieu à des terminologies singulières, telle celle «  d’action directe subrogatoire  »,  utilisée par une décision du 26 novembre 2003.[173]   

 

71.                  Aussi, la doctrine classique et la jurisprudence[174], confrontées à cette délicate question, avaient conclu qu’il existait en réalité deux subrogations [175]: d’abord, en vertu de l’article L 121-12 du Code des assurances, l’assureur est subrogé dans les droits de son assuré. D’autre part, si celui-ci, en indemnisant la victime, acquitte tout ou partie de la dette d’un autre responsable, il est, en vertu de l’article 1251-3 du code civil, subrogé dans les droits de la victime contre ce tiers, puisqu’il était tenu avec ou pour un autre, au paiement d’une dette qu’il avait intérêt à acquitter[176]. Mais comment parler de subrogation dans les droits de la victime ? Pour que joue la subrogation de l’article 1250-1° du Code civil, comme celle de l’article L 121-12 du Code des assurances, il faut un paiement préalable. Or, ni l’assureur, ni l’assuré n’ont versé quoi que ce soit à la victime dans le cadre de l’action directe conférée à cette dernière. Plutôt que de parler de subrogation, ne s’agit-il pas en réalité d’un cas de responsabilité solidaire envers la victime, assureur, assuré et coresponsable étant des débiteurs in solidum ? A la vérité,  le recours subrogatoire de l’assureur, tel que formulé par l’article L 121-12 du Code des assurances, s’accommode mal des règles de la responsabilité civile, comme l’atteste l’ampleur des débats soulevés par deux questions délicates : les immunités et les renonciations à recours[177].

 

 

I - Les immunités

 

 

 

72.                 L’article L 121-12 du code des assurances supprime exceptionnellement tout recours de l’assureur contre certaines personnes qui touchent de près l’assuré, parents et préposés principalement, sauf le cas de malveillance. L’intention du législateur était louable[178] : protéger l’assuré contre les abus possibles car  « si l’assureur pouvait recourir contre les parents et préposés de l’assuré, celui-ci risquerait de perdre le bénéfice de l’assurance dans la mesure où il est civilement responsable de l’auteur du sinistre, de sorte que l’assureur pourrait ainsi indirectement reprendre à l’assuré les indemnités versées[179] ».

 

73.                 Cette disposition mérite d’être remise en cause à plus d’un titre. Tout d’abord, relativement à la malveillance, exception à l’exception, la question se pose de savoir s’il convient de maintenir une telle notion dans le cadre de l’évolution actuelle de la responsabilité civile des parents du fait de leurs enfants mineurs, qui tend vers un régime purement objectif et causal de la garantie des risques, abandonnant le système de la responsabilité civile fondée sur la faute[180]. Ensuite, comme   M Charbonnier[181] l’a fort justement relevé : «  Non seulement l’article L 121-12  été  écrit pour les assurances de chose,[182] mais le système qu’il institue est radicalement inadapté aux assurances de responsabilité et il ne le redevient en quelque sorte que par raccroc, lorsqu’il apparaît dans les données de la cause une donnée accidentelle : l’existence d’un civilement responsable ». Mais l’assureur du civilement responsable peut-il se retourner contre la personne dont il doit répondre et reprendre d’une main ce qu’il a versé de l’autre ? La question s’est posée en pratique et a donné lieu à diverses péripéties judicaires. Le montage ingénieusement mis en place était le suivant : un assureur RC d’un père de famille avait dû indemniser la victime d’une agression commise par son fils mineur après que ce dernier eut été condamné. Puis, ce même assureur «  a mis le dossier dans le tiroir [183]», attendant patiemment la majorité de l’enfant. Lorsque ce dernier a atteint ses dix-huit ans, il a introduit contre lui une action en récupération de l’indemnité versée : il avait payé à la place du père civilement responsable, aussi était-il en droit selon lui, puisqu’il avait eu acte de malveillance, d’exercer contre l’enfant devenu majeur une action en remboursement. L’assemblée plénière de la Cour de cassation, par arrêt du 13 novembre 1987, rendu sur conclusions conformes de M Charbonnier, a décidé que l’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance ne recouvre son action subrogatoire contre l’auteur du dommage, lorsque  celui-ci est l’une des personnes énumérées à l’article L 121-12 du Code des assurances, qu’en cas de malveillance dirigée contre l’assuré et que dès lors, en l’état de violences volontaires exercées par un mineur contre un tiers, l’assureur, garantissant la responsabilité civile du père de  ce mineur, qui a payé les sommes dues à la victime, ne peut agir en remboursement contre l’auteur des dommages devenu majeur.[184] 

74.                 C’est sans doute en raison du vice intrinsèque de cette disposition « incohérente » que la jurisprudence s’est livrée à son propos à des interprétations audacieuses[185].  Il faut dire que les termes de la loi[186] sont pour le moins ambigus, notamment l’adjonction du terme «et généralement ». [187] Une première décision[188]avait fait prévaloir une interprétation qui, bien que s’écartant du texte, en avait néanmoins délimité sa sphère d’application : le recours est exceptionnellement retiré à l’assureur, d’une part contre les parents, alliés et préposés, du seul fait de leur qualité, même s’ils n’habitent pas sous le toit de l’assuré, d’autre part, contre toutes autres personnes, quelle que soit leur qualité, dès lors qu’elles vivent habituellement au foyer de l’assuré[189]. Un arrêt de la Cour d’appel de Douai,[190]critiquable en bien d’autres points, avait cru pouvoir décider qu’en supprimant le recours de l’assureur contre certains tiers déterminés (parents, alliés et préposés), l’article 36 de la loi de 1930 a retenu comme seule cause de cette suppression la vie en commun sous le même toit de sorte que l’assureur conservait son recours contre le gendre de l’assuré qui ne vivait pas au foyer de ce dernier.[191]

 

75.                 De même, c’est une interprétation pour le moins singulière qu’a fait prévaloir la Cour de cassation dans un arrêt du 2 juillet 1991[192] : un incendie, dû aux agissements de deux mineurs pensionnaires d’un collège, endommage les bâtiments. L’assureur du collège, après avoir remboursé les dommages, exerça un recours contre les deux garçons, leurs parents et leurs assureurs de responsabilité civile. La Juridiction suprême rejette le pourvoi de l’assureur à l’encontre du jugement qui avait rejeté ses demandes dans les termes  suivants : «  attendu que les juges du second degré, qui ont relevé que les jeunes P et E vivaient au collège où ils étaient pensionnaires, ont souverainement estimé qu’ils étaient des «  personnes vivant habituellement au foyer de l’assuré » au sens de l’article L 121-12 alinéa 3 du Code des assurances ; qu’ils ont pu en déduire que la Mutuelle du Mans, assureur du collège , n’avait pas de recours contre eux, ni, en conséquence contre leurs assureurs de responsabilité ; qu’ils ont ainsi répondu , en les écartant, aux conclusions invoquées et légalement justifié leur décision ». A suivre le raisonnement de la cour, une personne morale, tel un établissement scolaire, peut donc avoir un        «  foyer », et dans ce cas, toutes sortes d’institutions tomberaient sous le coup de la qualification légale. Pour reprendre l’expression de M Groutel, qui voit dans cette extension prétorienne «  une sorte de parallélisme avec le mouvement récent d’élargissement de la responsabilité du fait d’autrui », [193]«  le foyer d’une personne morale a des vertus d’extension illimitées. »[194]Mais à y regarder de plus près, il nous semble préférable d’imputer pareille décision aux effets pervers de l’article L 121-12 du Code des assurances qui, tout en consacrant la subrogation de l’assureur, l’a restreint de façon maladroite en prévoyant des immunités,  permettant ainsi aux juges du fond de se livrer à des interprétations hasardeuses pour  limiter « de façon générale »[195]  l’exercice du recours subrogatoire des assureurs. Et cette restriction prétorienne décidée ainsi au fil des espèces, ne risque t-elle pas, en pratique, d’influer à la hausse sur les tarifs, au détriment des assurés, dès lors que les assureurs ne pourront  en mesurer la portée ?[196]       

 

76.                 En définitive, l’ampleur des difficultés est bien à la mesure du silence de l’article         L 121-12 du code des assurances, quant à l’imbrication nécessaire des règles de l’assurance de responsabilité. Comme en matière de renonciations à recours, c’est le sort de l’assureur du responsable qui n’allait pas manquer de faire naître les hésitations. La question fut posée  très tôt : si un responsable bénéficiaire de l’immunité est assuré, son propre assureur peut-il échapper au recours ?  Par arrêt du 28 octobre 1947,[197] contrairement à l’avis d’une partie de la doctrine,[198]la Cour de cassation étendit le bénéfice de l’immunité au profit de l’assureur du responsable :  «  attendu que l’assureur de dommages auquel est refusé , par une disposition d’ordre public, la subrogation dans les droits de son assuré contre un fils responsable, ne saurait prétendre à la garantie de l’assureur de la responsabilité civile du fils ; qu’en effet, à défaut de l’attribution légale de l’indemnité due à ce dernier, l’assureur de choses n’est investi d’aucun droit propre contre lui, en vertu de l’article 50 de la loi de 1930 ». Autrement dit, comme l’a écrit, M Lerebourgs-Pigeonnière,[199]« tant que le souscripteur de l’assurance n’est l’objet d’aucune réclamation de la part de la victime du sinistre, son assureur n’est pas garant du dommage ».  A ce raisonnement, reposant « sur une conception radicale de la finalité de l’assurance de responsabilité[200] », on a fait prévaloir l’esprit de la loi :             «  autant il est probable que la victime n’agirait pas contre l’un des siens qu’il convenait dès lors de protéger contre un recours intempestif de l’assureur, autant il est prévisible que ladite victime ne manifestera pas la même abnégation à l’égard de l’assureur de son parent ou de son préposé. Ensuite, on s’est efforcé de démontrer que, malgré l’absence subrogation dans les droits de l’assuré contre le tiers, l’assureur  de choses peut agir contre l’assureur de responsabilité de ce tiers. Certes, l’assureur ne reçoit pas les droits et actions de l’assuré contre le tiers, mais il n’est privé que de cela par la loi quand cette dernière écarte la subrogation. Or, lorsqu’il prétend agir contre l’assureur du tiers, l’assureur de la victime exerce autre chose, c’est-à-dire l’action directe que la loi accorde à la victime  contre l’assureur de responsabilité et qui, en ce qu’elle tend à l’exécution des obligations contractuelles de l’assureur, se distingue de l’action du tiers lésé contre le responsable laquelle n’a pour objet que d’obliger ce dernier à la réparation lui incombant ».[201]

 

77.                 Compte tenu des efforts de la doctrine pour infléchir la solution dégagée par l’arrêt du 28 octobre 1947, la question méritait d’être à nouveau posée avec une acuité théorique particulière. Il n’en fut rien : ce sont de simples considérations d’opportunité judicaire, tirées d’un nécessaire alignement avec l’admission par la jurisprudence de ce que la renonciation à recourir contre une personne n’emporte pas renonciation à recourir contre l’assureur de cette personne,[202]qui ont conduit la Cour à opérer un revirement, par un arrêt remarqué du 8 décembre 1993,[203] qui statue par un motif de pur droit substitué : « mais attendu que l’immunité édictée par le 3e alinéa de l’article    L 121-12 du Code des assurances ne bénéficie qu’aux  personnes visées au texte et ne fait pas obstacle à l’exercice, par l’assureur qui a indemnisé la victime, de son recours subrogatoire contre l’assureur de responsabilité de l’une de ces personnes ».

 

78.                 Cette décision heurte  l’orthodoxie juridique : comment se retourner contre un assureur de responsabilité, en l’absence, comme dans le cas des immunités, de toute dette de l’assuré ? Bien davantage, en pratique, la solution conduit à diviser les effets de la subrogation, en distinguant entre le transfert de l’action de l’assuré contre le responsable et celui de l’action du même assuré contre l’assureur du responsable. Si l’alinéa 1er de l’article L 121-12 ne vise expressément que le transfert des droits de l’assuré contre le tiers responsable, il va de soi, à défaut de précision contraire, que  ce transfert vise également l’action contre l’assureur du responsable. Comme on a pu l’écrire, suivant une formule lapidaire et claire, «  tout est transféré en bloc[204] ».

 

79.                  Pour peu orthodoxe qu’elle soit, du moins cette jurisprudence a t-elle permis à la Cour de cassation d’unifier sa propre jurisprudence : « ce principe, qui prend peut-être quelques libertés avec les règles auxquelles est soumis l’exercice de l’action directe, a au moins le mérite éminent d’apporter la même solution dans tous les cas où la garantie de l’assureur de responsabilité est recherchée sans qu’il soit possible d’atteindre le responsable lui-même [205]». Si ce désir de cohérence[206] peut s’expliquer, il n’est pas sûr que la rigueur juridique y ait gagné. Et sur ce point, la jurisprudence rendue à propos des renonciations à recours est tout aussi révélatrice.

 

2- Les renonciations à recours

 

 

80.                 Fort heureusement, la subrogation légale de l’article L 121-12 du Code des assurances n’étant pas impérative, les parties peuvent y renoncer.[207]Et à y regarder de plus près, cela permettrait de résoudre à tout moment les difficultés, en dehors des cas où la renonciation aboutit à une aggravation de la situation de l’assuré par une majoration de la prime[208]. Mais là encore, l’interaction des règles de la responsabilité civile, notamment celle de l’action directe, n’a pas été sans poser quelques difficultés : de manière, nous semble t-il critiquable, la Cour de cassation réaffirme constamment,  depuis un arrêt du 26 mai 1993[209], que la  clause de renonciation à recours contre la personne responsable d’un dommage n’emporte pas, sauf stipulation contraire, renonciation à recours contre son assureur.[210] Pour louable que soit l’intention de la Juridiction suprême de respecter la règle du droit civil qui veut que la renonciation est strictement personnelle, pourquoi dissocier ainsi le sort de l’assuré, alors que précisément, en matière de subrogation, l’un des remèdes consisterait à ce que l’assureur agisse systématiquement au nom de l’assuré.[211]

 

81.                  Si, dans un premier temps[212], il a pu être décidé que l’assuré, s’il a renoncé dans son contrat à tout recours contre le tiers responsable, ne peut agir contre l’assureur de ce dernier, la Cour de cassation avait décidé en sens contraire que l’immunité du responsable ne s’étendait pas de plein droit à son assureur. [213]A l’évidence, cette solution faisait fi des règles de l’assurance de responsabilité, dès lors qu’il était admis que cette dernière puisse être mise en œuvre  sans qu’aucune demande ne soit formulée à l’encontre de l’assuré. Pour autant, alors que l’alignement eut été possible en sens contraire, c’est à cette dernière solution que se rallie la cour de Cassation, par son arrêt précité du 26 mai 1993 , en ne distinguant pas entre la renonciation, qu’elle émane de l’assureur ou de l’assuré : «  mais attendu que la clause de renonciation à tout recours contre la personne responsable d’un dommage n’emporte pas, sauf stipulation contraire,  renonciation à recourir contre l’assureur de cette personne ; qu’il se déduit, qu’à la supposer applicable au dommage litigieux provoqué par une explosion, la clause  du contrat de bail par laquelle l’OPHLM  avait renoncé à son recours  contre M Zwingelstein, ne privait pas, par elle elle-même, l’office de son recours contre l’assureur du locataire. qu’ayant constaté que ni l’OPHLM, dans le contrat de bail, ni son assureur dans la police d’assurance, n’avait renoncé expressément à leurs recours contre l’assureur de responsabilité du locataire, la cour d’appel a retenu, à bon droit, que la compagnie Hannover international France, subrogée dans les droits de son assuré, était recevable à agir contre l’UAP… ».

 

82.                 Cette décision encourt la critique sur plusieurs points. Tout d’abord, si l’on peut concevoir, non sans quelques hésitations, que l’assureur du responsable puisse ne pas être atteint par les immunités légales de l’article L 121-12 du Code des assurances quand il s’agit d’obtenir sa garantie lorsque la responsabilité de son assuré ne peut être engagée,[214]rien ne justifie qu’une pareille dissociation de l’action directe contre l’assureur du responsable et de l’action contre le responsable puisse priver d’effet une renonciation librement consentie, en en permettant la survie au profit de l’assureur du responsable.

 

83.                  Ensuite, en pratique, le maintien de l’action directe contre l’assureur  du responsable est de nature à nuire aux intérêts du bénéficiaire de la renonciation en permettant un recours à celui qui en était privé du fait de la renonciation.[215] Enfin et surtout, il est manifeste que la position finalement adoptée par la Cour de cassation est le résultat d’un compromis visant à mettre fin à une contrariété de décisions.[216] Et dès lors, faisant le constat de l’impossible conciliation entre les règles de la responsabilité, notamment celle de l’action directe et des renonciations à recours, ne pourrait-on faire prévaloir ici la nature particulière du contrat d’assurance et l’application restrictive, parce que difficile du droit de recours en décidant, selon la formule de M Groutel, que «  la renonciation, qu’elle émane de la victime ou de son assureur à recourir contre le responsable, interdit de manière absolue d’agir contre l’assureur de ce dernier ?[217]» On viderait ainsi une partie de cet abondant et irritant contentieux.

 

§3- L’inadaptation résultant de la spécificité des assurances concernées

 

1-      Le cas de l’assurance de personnes

 

84.                 Compte tenu de l’ampleur des difficultés,[218]il ne s’agit pas ici d’entrer dans la controverse à laquelle a donné lieu l’admission de la subrogation en matière d’assurance de personnes, dont les données avaient été posées par M Capitant[219] avant même que le législateur ne consacre légalement le droit de subrogation de l’assureur. Mais c’est précisément  parce qu’elle établit, à elle seule, l’inadaptation de la subrogation à l’assurance, que la question de la compatibilité du recours de l’assureur aux assurances de personnes, qui donne toujours lieu à contentieux,[220]mérite d’être soulignée. L’exclusion des assurances de personnes du domaine de la subrogation, voulue par le législateur de 1930,[221] et reposant sur la distinction fondamentale  entre assurance de dommages et assurances de personnes,  n’a pas empêché l’institution de se développer. Et là encore, le pragmatisme semble l’avoir emporté sur l’orthodoxie juridique, le législateur venant lui-même au secours de la pratique.

 

85.                 Dans un premier temps, en vertu du principe forfaitaire applicable aux assurances de personnes[222], découlant lui-même du caractère non indemnitaire de ces assurances[223], il semblait admis que l’assureur de personnes ne pouvait être subrogé aux droits du bénéficiaire contre des tiers à raison du sinistre.[224]Mais sous cette apparente simplicité, le principe appelait cependant quelques nuances : «  La définition de l’assurance contre les accidents corporels fait apparaître son caractère hybride. Dans son objet principal (versement d’une somme forfaitaire à l’assuré au cas d’accident), c’est une assurance de personne. Dans son objet accessoire (remboursement des frais consécutifs à l’accident, et autres prestations indemnitaires), c’est une assurance de dommages ».[225]Aussi, faute de points de repères sur la qualification exacte de la prestation de l’assureur au regard de son caractère indemnitaire ou forfaitaire, la jurisprudence finit par hésiter : s’il a pu être décidé que « les prestations servies en exécution d’un contrat d’assurance de personnes en cas d’accident  ou de maladies revêtent un caractère forfaitaire et non pas indemnitaire, dès lorsqu’elle sont calculées en fonction d’éléments prédéterminés par les parties indépendamment du préjudice subi »,[226]de façon notable il fut jugé que «  le caractère prédéterminé de la prestation d’assurance payable en cas de décès du conducteur assuré ne fait pas obstacle à ce que les parties lui confèrent, lorsqu’il existe un tiers responsable, la nature d’une avance sur indemnité et la soumettent au recours subrogatoire de l’assurance, dans les conditions des dispositions combinées des articles 33 de la loi de 1985, devenu l’article L 211-15 du Code des assurances , et         L 131-2 du même code » .[227] Avec l’apparition de nouvelles formes d’assurance de personnes, qui comportent des clauses subrogatoires conférant à la prestation le caractère d’avance sur indemnité[228], l’idée vit le jour de ce qu’il convenait de réhabiliter l’action subrogatoire en ce domaine, en ce qu’elle est de nature à faire abaisser les primes des organismes qui font office de tiers payeurs et en ce qu’elle permet d’accélérer le règlement des sinistres.[229]

 

86.                 C’est en cet état de droit fort disparate qu’est apparue « l’exception indemnitaire », résultant de l’adjonction par une loi du 16 juillet 1992 du second alinéa de l’article        L 131-2 ainsi rédigé : « Toutefois, dans les contrats garantissant l’indemnisation des préjudices résultant d’une atteinte à la personne, l’assureur peut être subrogé  dans les droits du contractant ou des ayants droits contre le tiers responsable , pour le remboursement  des prestations à caractère indemnitaire prévues au contrat ». Cette disposition a, à juste titre, été critiquée en doctrine[230].  Ainsi, M P Jourdain[231] a souligné son « ambiguïté » puisqu’elle indique seulement que l’assureur «  peut être subrogé » et laisse au juge la charge de qualifier les prestations visées par le contrat ou au moins de contrôler l’exactitude de la qualification indemnitaire donnée par les parties . Et les partisans du droit de recours ont, comme par le passé, fait valoir que le caractère indemnitaire de la prestation se traduit par l’impossibilité pour la victime de la cumuler avec la prestation du tiers responsable, donc de réaliser un enrichissement.[232]

 

 

87.                 Pour autant, ces incertitudes doivent-elles aboutir à l’abandon du critère des « éléments prédéterminés » ? Malgré les divers éléments de fait tirés de l’existence d’un plafond, de l’application de régimes obligatoires de prévoyance, d’assurance obligatoires délimitant le montant de la prestation,  de la prise en compte de calculs prédéterminés dans  certaines assurances de dommages, du caractère pseudo indemnitaire que peut revêtir une assurance décès, de la fixation de limites dans le contrat conférant un caractère indemnitaire du seul fait qu’elle empêcherait un enrichissement injuste, il nous semble que ce critère doit rester prédominant dans le difficile travail de qualification du caractère forfaitaire ou indemnitaire auquel se livrent les juges. Certes ce critère n’exclut pas, à lui seul, le caractère indemnitaire. [233] Mais, au-delà des termes utilisés par les parties, le critère tiré de l’existence d’éléments prédéterminés satisfait bien à l’analyse objective du caractère de la prestation, auquel pourrait s’ajouter un « critère qui serait celui du lien de causalité entre les prestations et le dommages.»[234]

 

88.                 C’est pourquoi il nous paraît que la solution dégagée par la Cour de cassation dans  son arrêt du 29 décembre 2003[235], concernant des faits antérieurs à l’application de la loi du 16 juillet 1992, [236]ne peut qu’être approuvée : «  Mais attendu que si le mode de calcul des prestations versées à la victime en fonction d’éléments prédéterminés n’est pas à lui seul de nature à empêcher ces prestations de revêtir un caractère indemnitaire, il ressort des motifs propres et adoptés de l’arrêt, d’une part que le contrat d’assurance de prévoyance de groupe ne comporte aucune disposition spécifique au cas où le dommage subi par l’assuré serait consécutif à un accident de la circulation, et, d’autre part, que les prestations servies par l’assureur au titre de l’incapacité temporaire totale travail et de l’incapacité permanente partielle sont indépendantes dans leur modalités de calcul et d’attribution de celles de la réparation du préjudice selon le droit commun ; que la cour d’appel en a exactement déduit, en l’état des textes alors en vigueur, sans encourir les griefs du moyen , que ces prestations servies au titre d’une assurance de personnes, n’avaient pas un caractère indemnitaire ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ».

 

2- Le cas de l’assurance construction

 

 

89.                 De même, la subrogation légale de l’article L 121-12 du Code des assurances, lorsqu’elle est exercée par l’assureur de dommages à l’ouvrage à l’encontre du responsable et de leurs assureurs successifs, n’est pas sans se heurter à des difficultés pratiques. A cet égard, il n’est pas certain que les règles contraignantes des assurances obligatoires se concilient harmonieusement avec l’exercice du droit de subrogation de l’assureur. Ainsi, malgré les clauses types, qui tendent à faciliter le recours en prévoyant notamment l’accomplissement de diverses formalités à la charge de l’assuré, l’assureur peut se trouver piégé par le comportement de ce dernier.

 

90.                 A titre d’exemple, il peut arriver à l’assuré de  déclarer le sinistre tardivement, mais de manière non fautive. Or, une déclaration de sinistre envisagée dans les dernières heures du délai imparti peut contrarier les intérêts de l’assureur qui ne dispose pas d’un droit naturel d’opposabilité générale de la déclaration de sinistre qu’il reçoit alors qu’il s’est, par ailleurs, trouvé dans l’impossibilité matérielle d’interrompre la prescription du délai dont dispose l’assuré potentiellement  responsable du sinistre à l’égard de son propre assureur  et qui s’intègre dans les mêmes limites de durée.[237]Par ailleurs, lorsque l’assureur de dommages a été contraint de prendre en charge les dépenses nécessaires à la réparation des  dommages en raison de l’inobservation du délai de 60 jours, prévu à l’article L 242-1 du Code des assurances, il est permis de se demander si les conditions de la subrogation légale sont réunies  puisque son intervention forcée est  considérée comme une sanction légale.[238]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Titre II- Ebauches de solutions

 

 

 

91.                 Quels remèdes convient-il d’apporter aux maux de la subrogation ? Certaines solutions  existent, bien qu’insuffisamment mises en avant (Chapitre 1 : Les solutions actuelles). Elles consistent à poursuivre «  l’œuvre créatrice[239] » entreprise par la jurisprudence pour assouplir, pour les besoins de la pratique,  les conditions légales de la subrogation. D’autres, en fonction des orientations nouvelles en jurisprudence et des critiques qui se font entendre ici ou là, sont à suggérer (Chapitre 2 : Les solutions à venir).

 

 

Chapitre 1- Les solutions actuelles

 

 

 

92.                 Compte tenu des inconvénients auxquels conduit une interprétation trop rigoureuse des textes, c’est à coup sûr une application extensive des règles de la subrogation, commandée par l’affirmation du caractère non impératif de l’article L 121-12 du Code des assurances ( Section I : Le caractère non impératif des dispositions de l’article L 121-12 du Code des assurances)  qu’il convient de préconiser afin de ne pas paralyser un recours, dont l’existence au profit de l’assureur, ne fait plus aucun doute depuis sa consécration par le législateur (Section II : Pour une application extensive des règles relatives à la subrogation).

 

Section I- Le caractère non impératif de l’article L 121-12 du Code des assurances

 

 

1.                 Comme on pouvait s’y attendre, c’est de l’interpénétration subtile des deux techniques de transfert de créances que sont la subrogation et la cession de créance, qu’allait naître la question controversée du caractère d’ordre public de l’article L 121-12 du Code des assurances. De fait, malgré le dessein clairement affiché du législateur de mettre fin à la pratique des clauses de cession, cette pratique n’en continua pas moins à subsister, tant il apparaît que la subrogation légale ne convainquait pas en pratique. Il est vrai, qu’en raison de son caractère insolite, la subrogation légale issue de l’article 36 de la loi du 13 juillet 1930, fut accueillie avec la plus grande prudence en droit positif[240]. Ainsi, selon M Picard, « l’article 36 de la loi du 13 juillet 1930 montre que le contrat d’assurance n’est pas exclusif de la subrogation….Subrogation et assurance ne sont pas incompatibles et il ne suffit pas de dire qu’il y a assurance pour exclure nécessairement la subrogation[241] ». Cette réticence, pour ne pas dire,  cette défaveur de la doctrine, a eu un certain écho en jurisprudence : ainsi, en 1943, la Cour de cassation, qui, en toute logique, aurait dû se placer sur le terrain de l’article 36, préféra suggérer qu’il soit recouru aux règles de la subrogation des articles 1250 et suivants du Code civil : censurant une décision qui avait refusé à un assureur crédit le droit de recourir, «  sur cet unique motif de droit qu’en payant le tiers porteur, l’assureur avait payé sa dette personnelle », la Haute juridiction énonça qu’« en s’inspirant de tous les documents et faits de la cause, la Cour d’appel devait indiquer les raisons de fait ou de droit qui s’opposaient à ce que l’assureur pût être considéré comme tenu avec d’autres ou pour d’autres au paiement de l’effet et, en conséquence investi du la subrogation qu’il invoquait. »[242] Ainsi, il était recouru à la cession, avec l’approbation de la doctrine[243], lorsque manifestement  il ne pouvait y avoir subrogation.

 

2.                 Aussi, la question se posa de savoir si, nonobstant la subrogation légale octroyée à l’assureur dans les termes de l’article L 121-12 du Code des assurances, les parties pouvaient recourir à d’autres techniques contractuelles [244]? C’était poser la question du caractère d’ordre public de la loi, ce que fit un arrêt célèbre du 5 mars 1945.[245] Et, avec le recul, le plus grand mérite de cette décision est d’avoir permis à d’éminents auteurs[246], notamment à M Lerebourgs-Pigeonnière, quelques années après l’entrée en vigueur de l’article 36 de la loi, d’en préciser le sens et la portée. Négligeons la brièveté du raisonnement de la Cour pour ne retenir que la solution affirmée de manière tout aussi laconique : «  Les restrictions légales à l’exercice de la subrogation inspirées par la protection du subrogeant sont d’ordre public ». Et nous devons à la doctrine, d’avoir le mieux circonscrit le caractère d’ordre public affirmé par cette décision : «  Ce ne sont pas toutes les prescriptions de l’article 36 qui, aux termes de l’article 2, peuvent être modifiées mais seulement celles qui, dans cet article, donnent aux parties une simple faculté . L’assureur peut renoncer à la subrogation qui lui est ouverte ; il ne peut pas se soustraire aux limitations que la loi de 1930 a imposées à son recours en le faisant entrer dans la protection de l’assuré dans le cadre de la subrogation, prenant soin de souligner l’une d’elles, le versement préalable de l’indemnité d’assurance ; il n’est pas question que l’assuré puisse renoncer aux garanties que présente pour lui la subrogation  (notamment l’article 1252 du code civil) ».[247]     

 

3.                 Comme M Besson l’a écrit, « c’est en quoi la disposition de l’article 36 est, dans son principe supplétive, la subrogation ne s’impose pas à l’assureur : il peut y renoncer. Le régime  légal constitue pour lui une faculté en ce qu’il peut le restreindre ou le supprimer. En revanche, il ne peut pas se soustraire à la réglementation légale, c’est-à-dire aux limitations que la loi a édictées dans l’intérêt des assurés, pour éviter les abus auxquelles pourrait conduire la pratique de la cession d’actions. Il ne peut agir librement, contre le tiers mais seulement dans le cadre de l’article 36. Comme l’indique l’exposé des motifs, le texte nouveau prévoit une subrogation et non plus une cession de droits : sans le dire expressément, la loi a donc prohibé celle-ci ». C’est pourquoi, il a pu être relevé, que «  derrière le caractère supplétif d’une disposition légale peut se cacher un caractère  impératif[248] ».

 

4.                 Pour notre part, il nous semble cependant indispensable de prendre du recul par rapport au caractère d’ordre public de l’article L 121-12, du Code des assurances. Car c’est en raison des inadaptations théoriques et pratiques qu’elle présente que la subrogation légale de l’assureur ne saurait se suffire à elle-même et que partant, il faut lui permettre de cohabiter avec d’autres recours, tel celui de la subrogation de l’article 1251-3 du Code civil, voir même celui d’une cession conventionnelle d’actions qui ne nuirait pas aux droits de l’assuré. Telle qu’elle a été posée devant les tribunaux, la condamnation de la cession n’est pas irréversible. Comme il l’a été fort sagement suggéré[249], à propos d’une décision critiquable où la cession a été condamnée alors qu’on ne voyait pas en quoi elle était de nature à léser l’assuré[250]: « On est donc amené à se demander si la condamnation proférée en 1945 à l’encontre de la cession d’actions doit jouer dans toutes les hypothèses. Au lieu  d’une règle absolument générale, ne conviendrait-il pas mieux de se prononcer, cas par cas, en fonction du risque ou de l’absence de risque d’une lésion des intérêts de ceux que la  loi a entendu protéger ? » S’il est souhaitable d’atténuer, voir d’exclure l’ordre public de l’article L 121-12 du Code des assurances, c’est pour permettre aux parties d’aménager librement un recours qui a bien du mal à s’exercer en pratique, tel qu’il a été formulé par le législateur. Et l’important arrêt rendu le 9 décembre 1997 par la Cour de cassation n’est pas de nature à contredire ce propos : «  Attendu, cependant que la subrogation légale de l’assureur contre le tiers responsable institué par les dispositions de l’article L 121-12 du Code des assurances, qui ne sont pas impératives, n’exclut pas l’éventualité  d’une subrogation conventionnelle ».[251] Si l’affirmation est  péremptoire et brève, et sur ce point, il n’y a pas à regretter, comme l’a fait un auteur,[252] «  qu’aucune restriction ou distinction ne tempère le caractère général de l’affirmation », c’est que la question du caractère impératif de l’article L 121-12 du Code des assurances appelait une réponse ferme, nette et définitive. Car, en interdisant aux parties de recourir à d’autres techniques contractuelles que celle de l’article L 121-12 du Code des assurances, qui s’est révélé inadapté au recours et fait peser sur le droit d’agir de l’assureur subrogé de sérieuses menaces, l’arrêt du 5 mars 1945 n’était pas dans le sens de la nécessaire souplesse, voulue par les partisans de l’institution, et méconnaissait son caractère pragmatique en l’empêchant de s’adapter aux faits. Mais bien davantage, et l’analyse des pratiques suivies par les parties au contrat d’assurance telles que résultant des espèces soumises aux tribunaux le confirme, ce soi-disant caractère impératif de l’article L 121-12 du Code des assurances n’a pas empêché les manoeuvres contractuelles de contournement, soit en amont, par le mécanisme de la cession de droits régi par l’article 1690 du Code civil, soit en aval, lors du versement de l’indemnité, par le recours à la subrogation conventionnelle, toutes ces pratiques étant désormais autorisées depuis l’arrêt salutaire du 9 décembre 1997.[253]         

 

 

Section II- Pour une application extensive des règles relatives à la subrogation

 

 

 

5.                 En raison des termes incertains des textes relatifs à la subrogation tant légale que conventionnelle, même si le caractère de droit étroit de l’institution a fort justement été mis en avant par certains auteurs,[254] si l’on veut redonner à la subrogation de l’assureur le dynamisme et l’efficacité qui lui font défaut, la solution qui vient immédiatement à l’esprit est celle qui consiste à abandonner toute application rigoureuse des règles régissant son application et à opter définitivement vers une conception extensive de l’institution.[255]Des étapes essentielles ont été franchies en ce sens. D’abord, en n’exigeant plus le caractère express et la concomitance au paiement, la Cour de cassation,[256]avait « pleinement rejoint le mouvement législatif et jurisprudentiel  contemporain, qui dans un souci de rapidité , fait produire de plus en plus d’effets aux créances nées mais non encore constatées en justice et s’harmonise avec la jurisprudence qui, de manière en quelque sorte symétrique, fait bénéficier de la subrogation légale de l’article 1251-3° du code civil, le solvens dont l’obligation à la dette n’a pas encore fait l’objet d’une condamnation judicaire ». Ensuite, en cessant de faire de l’acquittement d’une dette personnelle un obstacle à la subrogation, la jurisprudence a levé la difficulté majeure qui empêchait l’assureur de bénéficier de la subrogation. C’est par une décision du 22 juillet 1987[257] qu’il a été,  pour la première fois affirmé de manière très nette, que le paiement d’une dette personnelle n’empêche pas le jeu de la subrogation légale dès lors que celui qui s’en acquitte n’a pas la charge définitive de la dette. Cette solution est, depuis lors, constamment réaffirmée, aussi bien au visa de l’article 1251-1° du Code civil que sous celui de l’article 1251-3° du même code, et  ce même si elle laisse subsister quelques difficultés d’application . Car si l’essentiel est bien de statuer sur la charge définitive de la dette, cela implique de déterminer « une hiérarchie entre tous les obligés, quitte à les placer parfois tous sur un même plan et, dans ce cas, à admettre des recours subrogatoires partiels. »[258]

 

6.                  Cette conception extensive  de la subrogation a déjà  prévalu en jurisprudence, même au temps de l’exégèse. Ainsi, en reconnaissant  la validité des promesses de subrogation, requalifiées en promesse  de cessions de droits, les tribunaux, par delà les termes trop stricts de la loi, avaient entendu s’éloigner d’une vision étroite de l’institution, qui privait d’efficacité un convention largement répandue par l’usage        (I – Les clauses de cession de droits ou promesses de subrogation). C’est ensuite en vertu de cette conception extensive que la Cour de cassation a admis, notamment par sa décision du  9 décembre 1997,[259]le cumul de la subrogation légale et conventionnelle ( II – Le cumul de la subrogation légale et de la subrogation conventionnelle). Bien plus, compte tenu du principe général posé par cette décision, il y a tout lieu de penser que désormais, tout mode de transmission de créance des actions de l’assuré à l’assureur, autre que la subrogation  légale est valable. Ne convient-il pas dès lors de repenser le mécanisme de la cession d’actions, dont la pratique s’est solidement ancrée, malgré la défaveur du législateur de 1930 à son égard (III-  Pour une réhabilitation de la cession d’actions ?). C’est encore dans ce même courant novateur et créateur, que s’inscrivent les décisions qui admettent, dans certaines limites, que la subrogation puisse intervenir avant le paiement (IV- La subrogation rétroactive). Enfin, de manière générale, afin de ne pas paralyser, par un formalisme inapproprié, le recours de l’assureur, il convient d’approuver sans réserves les décisions qui font une application libérale des conditions, pourtant restrictives, de la subrogation (V- Pour une interprétation  libérale des conditions de la subrogation).    

 

 

 

I-                  Les clauses de cession de droits ou  promesses de subrogation

 

 

 

 

7.                 Que penser des clauses de la pratique des assureurs qui, devant le refus des tribunaux de leur octroyer le bénéfice de la subrogation, tant légale que conventionnelle, avait pris l’habitude et la précaution d’insérer dans les contrats, une clause prévoyant la cession de tous les droits de l’assuré contre le tiers responsable ?[260] A première vue, on ne saurait y voir une subrogation conventionnelle. En effet, l’article 1250 du Code civil, autorise le créancier – l’assuré -, qui reçoit son paiement d’une tierce personne - l’assureur-, à la subroger dans ses droits et actions, contre le débiteur- le responsable.[261] Or, une fois que l’assureur a payé, les droits de l’assuré sont éteints. Comment pourrait-il les céder ? L’assuré ne pourrait poursuivre le paiement d’une seconde indemnité : il céderait un droit qu’il ne pourrait exercer lui-même. Malgré ces éceuils juridiques, cette stipulation a néanmoins été reconnue valable en ce qu’elle constitue «  une cession de droits éventuels et aléatoires soumise à la seule condition de la réalisation du risque par la faute d’un tiers. » [262] Cette solution présentait tous les avantages pour l’assureur qui pouvait recourir avant même d’avoir payé l’indemnité prévue au contrat, ce que la stricte application des textes relatifs à la subrogation conventionnelle lui interdisait de faire.

 

8.                 Plus satisfaisante, en théorie,  est l’opinion qui voit dans ces clauses, des promesses de subrogation[263] et ce malgré l’adage « promesse de subrogation ne vaut ».[264]          Ces conventions obéissent aux conditions restrictives de la subrogation conventionnelle[265] et, même si des tempéraments ont été apportés à la règle de la concomitance du paiement et de la subrogation, la plus grande prudence s’impose aux assureurs. S’il ne peut justifier de son droit d’agir, l’assureur bénéficiaire d’une promesse de subrogation subira le même sort que l’assureur subrogé. Ainsi, dans une affaire soumise à la Cour d’appel de Rouen,[266]la seule production d’un relevé bancaire de l’agent régleur en France, sans indication du nom du bénéficiaire, n’a pas été jugée suffisante. Il faut reconnaître que cet assureur avait fait preuve d’une particulière négligence, d’une part, en ne rapportant pas la preuve de la subrogation alléguée, laquelle aurait pu être déduite de la confirmation de la réception du règlement par l’assuré, d’autre part, et à supposer que ce paiement ne soit pas intervenu le jour où le juge a statué, en y procédant jusqu’au jour de la clôture des débats par application de l’article 126 du nouveau Code de procédure civile.

 

 

9.                 Mais les choses se compliquent lorsque l’assureur se prévaut à la fois d’une subrogation et d’une cession dans les droits de l’assuré. En effet, il arrive fréquemment, notamment en matière de transports, que l’assureur tienne ses droits d’une subrogation et d’une cession de doits faite en faveur de l’assuré par l’expéditeur ayant initialement seul qualité dans les droits de l’assuré. Dans ce cas précis, il importe de déterminer l’ordre des opérations car il faut qu’à la date de la subrogation, le subrogé continue à bénéficier de toutes les actons qui appartenaient au créancier et qui se rattachaient à cette créance, immédiatement avant le paiement. Cette question de l’ordre des transmissions est  fondamentale, ainsi que l’a rappelé la Cour de cassation, dans une espèce où la subrogation de l’assureur dans les droits de l’   assuré datait du 4 juin 1990[267], alors que la cession de créance du transporteur aérien  au profit de ce même assuré était en date du 7 mars 1991. Il en résultait qu’à la date de la subrogation, l’assuré ne pouvait transmettre un droit dont il n’était pas titulaire.

 

 

 

II- Le cumul de la subrogation légale et de la subrogation conventionnelle

 

 

10.                 L’admission cumulative de la subrogation légale et conventionnelle, consacrée par l’arrêt du 9 décembre 1997, [268]était inéluctable. Si le législateur de 1930 a entendu en effet interdire aux parties de recourir par la voie de la cession conventionnelle d’actions, il ne leur a pas, à défaut de stipulation contraire en ce sens, défendu expressément de recourir à la subrogation de droit commun, prévue par les articles 1250-1° et 1251-3° du Code civil. Et, comme par le passé, ils avaient pris soin d’assortir leur demande de subrogation d’une clause de cession, de même de nos jours les assureurs prennent la précaution de recourir très fréquemment à la subrogation conventionnelle.[269] Comme l’a relevé un auteur, «  l’avantage pour l’assureur est qu’il n’a plus à se méfier des interprétations parfois peu explicites que donnent les tribunaux de la subrogation légale. Il n’a plus, en particulier à justifier d’un paiement obligé et à produire les conditions particulières de sa police d’assurance. Mais il doit encore éviter les éceuils de la subrogation conventionnelle. Il faut donc, en toutes hypothèses, que lorsque l’assureur envoie à son assuré un chèque de règlement, il joigne à ce chèque une quittance subrogative à régulariser, pré-datée, portant la même date que le chèque. L’assuré n’aura plus qu’à retourner la quittance signée et l’assureur pourra ainsi justifier d’une subrogation conventionnelle indiscutable (plus de souci de concomitance) ».[270] C’est pourquoi, avant même que la Cour de cassation ne se prononce sur le caractère non impératif de l’article L 121-12 du Code des assurances,  la question de la validité  des demandes de subrogation conventionnelle s’est trouvée soumise à l’appréciation des tribunaux, dont la démarche ne variait pas : quand les conditions de la subrogation légale font défaut, il faut rechercher si celles de la subrogation conventionnelle sont remplies.

 

 

11.                 En dehors de ces considérations pragmatiques, la question du cumul de subrogations se posa lorsqu’il s’est agi de se prononcer sur le cas de l’assureur de responsabilité, subrogé dans les droits de la victime et agissant contre un autre responsable. L’on sait que pour la doctrine, ce recours met en œuvre une double subrogation : « Dans un premier temps, tout se passe comme si l’auteur recherché en responsabilité par la victime n’était pas assuré. Au moment du paiement la victime, il recevrait les droits de celle-ci par application de l’article 1251-3° c.civ., ce qui lui permettrait en particulier d’exercer son action directe contre l’assureur d’un autre auteur. Puis, si l’on suppose que , en fait, le responsable recherché était assuré, la subrogation de l’article 1251-3° , ne se fixe sur sa tête qu'un instant de raison, pour passer immédiatement à l’assureur qui paie à sa place, grâce au jeu de l’article L 121-12 ». Ainsi, il fut tout d’abord admis que rien n’interdit à une compagnie d’assurance, bénéficiaire d’une subrogation conventionnelle consentie par la victime du dommage, d’exercer dans la limite de l’indemnité versée, l’action en responsabilité quasi délictuelle que cette victime aurait pu intenter contre l’auteur dommage.[271] Puis, il fut jugé que «  l’article L 121-12 du Code des assurances subroge l’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance dans les droits de l’assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage, et il suit de là que l’assureur de responsabilité d’un auteur de dommages qui a indemnisé la victime est investi des droits de celle-ci contre tout autre auteur du dommage et son propre assureur dans la mesure de la responsabilité de cet auteur.» [272] Peu importe dans ces conditions le défaut de concomitance du paiement et de l’acte de subrogation et le fait que l’assureur subrogeant n’était pas l’assureur du maître de l’ouvrage. De la sorte, il était définitivement acquis que l’assureur d’un responsable qui a indemnisé la victime peut, à son choix, user indifféremment à l’encontre d’un autre auteur, de la subrogation légale dans les droits de son assuré ou de la subrogation dans les droits de la victime, qu’elle soit légale ou conventionnelle. Il ne restait plus à la Cour de cassation que de consacrer le principe général de l’admission cumulative des subrogations légales et conventionnelles, ce qu’elle fit dans l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt du 9 décembre 1997, où un entrepreneur responsable opposait au recours de l’assureur du maître de l’ouvrage, la circonstance qu’il ne devait pas sa garantie, parce que la police dommages-ouvrages avait été souscrite après la réception.[273]

 

 

12.                 Faut-il regretter, comme M Groutel[274], que la Cour de cassation, ait entendu, par cette décision et la netteté de son attendu de principe, [275]opérer un revirement ? Nous ne le pensons pas car la preuve des inconvénients de la subrogation légale de l’article    L 121-12 du Code des assurances n’étant plus à faire, pas plus que celle de l’insécurité juridique résultant de la jurisprudence fluctuante voir éclatée qui a été rendue à son propos, il est salutaire que la Cour de cassation ait cru devoir, à la différence de ses arrêts précédents, poser le principe que les dispositions de l’article L 121-12 du Code des assurances ne sont pas impératives. Par ailleurs, la non admission de la subrogation conventionnelle, s’induisant du caractère d’ordre public de l’article L 121-12 du Code de assurances, conduisait à une aberration juridique : non seulement l’assureur se trouvait privé de son recours par l’effet d’une disposition inadaptée, mais son sort se trouvait aggravé dès lors qu’il ne pouvait davantage recourir à d’autres techniques contractuelles, qui lui auraient permis de sauver son action. Cette solution heurtait l’esprit d’équité de l’institution et dépassait les prévisions du législateur de 1930, dans la mesure où,  dans bien des cas, le recours de l’assureur étant paralysé, le responsable du dommage n’était plus exposé à son action et pouvait échapper à celle de l’assuré.

 

 

13.                 Bien plus, il ne semble pas que les craintes exprimées par cet auteur, selon lesquelles le principe ainsi posé par la cour « pourrait donner de mauvaises idées à ceux qui, prenant la Cour de cassation au mot, se fonderaient sur l’absence de caractère impératif  des dispositions de l’article L 121-12, lorsque les conditions de la subrogation légale existent », soient réellement fondées. En effet, cette situation ne se rencontre que très rarement dès lors que le plus souvent, ce sont les conditions de la subrogation légale qui font défaut.[276]Au surplus, sur le plan des principes, la coexistence des deux subrogation est inévitable, la doctrine considérant généralement que la subrogation légale de l’article L 121-12 du Code des assurances « constitue en réalité une application du principe général posé par l’article 1251-3° du Code civil .»[277]                                  En vérité, c’est le maintien du caractère impératif de l’article L 121-12 du Code des assurances, qui était de nature à provoquer les manoeuvres dilatoires visant à contester systématiquement le droit d’agir des assureurs. La question n’a d’ailleurs plus à se poser dès lors que la Haute juridiction, en cassant un arrêt qui avait admis que la seule subrogation dont puisse bénéficier l’assureur est celle de l’article L 121-12 du Code des assurances, vient au surplus de manifester son ralliement au principe posé par l’arrêt du 9 décembre 1997[278].

 

14.                 Dès lors que l’article L 121-12 du code des assurances n’est pas impératif, rien n’interdit aux parties de recourir par la voie de la cession d’actions. De tout temps, ce procédé a permis de contourner les obstacles à la subrogation tant légale que conventionnelle. La défaveur du législateur de 1930 à son égard, en ce qu’elle léserait les droits de l’assuré, est-elle toujours justifiée ? Doit-on redouter, de nos jours, que, pour reprendre l’expression d’un auteur, « des assureurs pourraient être tentés de revenir à la cession conventionnelle de créance[279] » ?   

 

 

III- Pour une réhabilitation des clauses de cession ?

 

 

15.                 Une autre solution aux maux de la subrogation pourrait consister à promouvoir ce procédé de transmission de créance qu’est la cession de créance, réglementée par les articles 1690 et suivants du code civil. La question se pose en effet de savoir si cette technique,  appliquée à l’assurance, encourt les mêmes critiques que  par le passé et surtout, ne peut pas, de nos jours, être contrôlée et maîtrisée. De manière paradoxale en effet, la subrogation  légale de l’article L 121-12 du Code des assurances, témoigne de la défiance du législateur à l’égard de l’assureur,[280]en ce qu’ « elle vise principalement à interdire la clause abusive par laquelle l’assureur s’accorde le droit d’agir contre le responsable avant d’avoir indemnisé son assuré ».[281]Ainsi, en raison de la radicalité des effets de la cession, M Besson pu écrire à son propos qu’elle permettait un enrichissement de l’assureur : « Avec la cession d’actions, l’assureur devient titulaire de la créance de l’assuré contre le tiers et peut donc éventuellement obtenir de celui-ci plus qu’il n’a lui-même versé à l’assuré : le sinistre peut donc devenir pour lui une source d’enrichissement [282]». C’est cette même analyse que fait valoir M Capitant lorsqu’il écrit : « L’assureur qui se fait céder l’action de l’assuré, sans lui accorder une diminution correspondante de la prime, ne donne rien en retour, car on ne peut considérer qu’il y ait corrélation entre le paiement du capital assuré et l’obligation de l’assuré de céder ses droits  à l’assureur. Ce capital forme, comme nous l’avons démontré, la contrepartie des primes. La cession a donc lieu, de la part de l’assuré, à titre gratuit, puisqu’il n’en reçoit pas l’équivalent. »[283]

 

16.                 Ainsi, la cession de créance en matière d’assurance serait un contrat par nature déséquilibré : «  Pourtant, on ne peut s’empêcher de remarquer que cette cession,  qui est  en fait imposée  par la Compagnie à l’assuré, arrive à modifier, sans que ce dernier s’en doute, les conditions du contrat et à le rendre plus onéreux qu’il ne devrait être.» [284]Or, il est certain que ce genre de clause ne pourrait échapper actuellement à la qualification de clause abusive, prévue à l’article L 132-1 du Code de la consommation, dès lors qu’elle serait de nature à créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur,  « un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. ».[285] 

 

17.                 Dès lors que la clause de cession « abusive », au sens de la loi, pourrait être appréhendée par le biais de l’article L 132-1 du Code de la consommation,[286]pourquoi ne pas permettre toutes celles qui ne le seraient pas et abandonner ainsi définitivement  tous les griefs que ce genre de stipulation a encourus du fait de son caractère déséquilibré ? Vue sous cet angle, la clause de cession, si fréquente en matière d’assurance, retrouverait ainsi une légitimité et un succès que ses lourdes formalités de signification lui avaient fait perdre. Car, comme en matière de subrogation, les conditions de la cession ont été assouplies, de façon notable, par la jurisprudence :             la formalité de signification par exploit d’huissier n’est pas requise si la qualité de cessionnaire est incidemment dénoncée au débiteur cédé dans les actes de procédure.[287] De la sorte, l’assureur peut très bien dénoncer au responsable, sa qualité de cessionnaire des droits de son assuré, par voie d’assignation  ou de conclusions.[288] Cette dénonciation peut intervenir à tout moment, par application de l’article 126 du Nouveau code de procédure civile, l’irrégularité pouvant être couverte jusqu’au moment où le juge statue.

 

18.                 Il n’est pas douteux que la pratique tirerait avantage d’une telle réhabilitation, la cession de créance, malgré sa défaveur en doctrine et en jurisprudence, demeurant un procédé commode pour contourner les obstacles des subrogation légale de l’article       L 121-12 du Code des assurances et de la subrogation conventionnelle du Code civil. C’est bien  souvent en effet, lorsque «  l’assureur ne peut pas produire sa police ou n’est pas en possession d’une subrogation et d’un chèque portant la même date »,[289]qu’il est recouru par le mécanisme de la cession de droits.

 

 

V – La subrogation rétroactive

 

 

19.                 S’il est une grande avancée qu’ont dû applaudir les partisans de l’institution, c’est  l’application, de plus en plus extensive, au recours de l’assureur,  de l’article 126 du nouveau Code procédure civile.[290]En effet, l’un des inconvénients majeur de la subrogation, appliquée à l’assurance, résulte de l’effet translatif : pour être valablement subrogé, l’assureur doit avoir payé l’indemnité d’assurance. C'est ce paiement qui lui donne la qualité à agir et lui permet, sur le plan procédural, d’interrompre la prescription de l’action contre le responsable.[291]

 

20.                 Cette solution était particulièrement sévère pour les assureurs, non régulièrement subrogés, qui n’avaient pas qualité pour interrompre la prescription des actions en responsabilité et leurs assignations n’avaient, non seulement aucun effet interruptif de prescription mais bien plus était irrecevables pour défaut de qualité à agir par application de l’article 122 du nouveau Code de procédure civile. L’existence d’une subrogation rétroactive, pouvant être régularisée par le paiement, était-elle concevable ? Une étape importante, dans le sens d’un nécessaire assouplissement, eut lieu  lorsqu’en matière de responsabilité civile, la troisième Chambre civile,[292]par une décision attendue,[293] posa que « c’est sur justification de ses paiements que l’assureur sera subrogé .»[294]Mais le pas essentiel fut franchi par un arrêt du 18 juin 1985,[295] par lequel la Cour de cassation ouvre à l’assureur une porte qui va lui permettre d’échapper à la prescription , par la voie de l’article 126, alinéa 1, du nouveau Code de procédure civile : «  Mais attendu qu’aux termes de l’article 126, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile, dans le cas où la situation donnant lieu à la fin de non recevoir est régularisée, l’irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue ; que la Cie La Neuchâteloise ayant indemnisé la Sté Giovanola en juin 1982, la cause donnant lieu à la fin de non recevoir avait disparu lorsque les juges du fond ont statué et que l’assignation du 9 décembre 1981 a interrompu la prescription ». 

  

21.                 Le principe dégagé par cette audacieuse décision a pour conséquence logique qu’une assignation, validée rétroactivement, a le même effet interruptif de prescription. Ainsi, dans une espèce où le vendeur d’une marchandise  avariée en cours de voyage avait cédé les droits du titulaire du connaissement, la Cour de cassation a énoncé[296] : «  C’est à bon droit qu’ayant constaté que la Société P et G, et la MGFA avaient assigné la société Sud Cargos le 23 mars 1982, avant l’expiration du délai de prescription, et qu’elles avaient été subrogées dans les droits de la société Calberson le 30 janvier 1985, la cour d’appel a déduit de ces constatations, que les droits de la société P et G et de la MGFA s’étaient trouvés ainsi conservés jusqu’à la date où la subrogation intervenue leur avaient conféré la qualité pour agir avant le moment où le juge d’appel avait statué[297] ; qu’en se déterminant comme elle l’a fait, la cour d’appel n’a pas violé les textes visés au pourvoi ».

 

22.                 Ainsi, la régularisation de la situation de l’assureur avant que le juge ne statue[298] confère rétroactivement toute sa valeur à l’assignation introduite en temps utile pour interrompre la prescription.[299] Mais la question demeurait de savoir si l’effet interruptif d’une assignation en référé, tirée du défaut de qualité à agir pouvait  donner lieu à régularisation,  dans le cadre d’une autre instance, formée ultérieurement au fond ? Cette question vient d’être tranchée, dans le sens de la souplesse, par les juridictions du fond[300], puis par la Cour de cassation : [301]l’effet interruptif de prescription d’une assignation en référé se prolonge jusqu’à ce le juge du fond, ultérieurement saisi, ne se prononce.  

 

 

 

V – Pour une interprétation libérale des conditions de la subrogation

 

 

23.                 Renouant avec les origines premières de l’institution, ne conviendrait-il pas également, pour remédier à l’inadaptation chronique de la subrogation au recours de l’assureur, de préconiser systématiquement une interprétation libérale de ses conditions ? En d’autres termes, l’heure n’est-elle pas venue d’un retour à la                 «  souplesse jurisprudentielle »?[302]C’est ainsi que M Bonassies, présentant les multiples décisions de jurisprudence , « qui étaient au grand jour de leurs divergences [303]», a rappelé  le grand principe théorique selon lequel « la subrogation étant fondée sur l’équité », celle-ci « doit être mise en œuvre dans un esprit d’ouverture[304] et non de rigueur.[305] »  C’est également ce nécessaire ajustement aux besoins de la pratique  qu’avaient mis en relief les termes d’une ancienne décision des juges du fond, illustrant la conception libérale que nous préconisons : « Il appartient aux juridictions consulaires, dans le cadre de textes fondamentaux de notre droit, de créer un courant jurisprudentiel davantage adapté aux besoins de la pratique perpétuellement mouvante dans l’aspect des problèmes qu’elle pose chaque jour et qui, tout en conservant aux règles toute leur signification, doit s’efforcer de les ajuster à des situations de fait imprévisibles pour les rédacteurs du Code ».[306]   

 

24.                 S’agissant de rapporter la preuve d’une condition difficile à satisfaire en matière d’assurance, celle de la concomitance du paiement et de la subrogation,[307] cette décision mérite à nouveau de retenir l’attention en raison de la pertinence de sa motivation juridique : «  Mais attendu qu’il importe de distinguer la convention de  subrogation proprement dite de la preuve y attachée ; que la doctrine considère              ( Planiol et Ripert, Obligations, n°122), que, seule la première doit être contemporaine du paiement, la confection de la seconde  pouvant être postérieure, s’il est reconnu que la subrogation a été la condition même du versement ; or, attendu que si l’assureur maritime ne dispose pas comme l’assureur terrestre d’une subrogation légale, il est permis d’affirmer que la subrogation consentie par l’assuré ou par le réceptionnaire porté au connaissement est antérieure au paiement puisque la convention de subrogation résulte de la police elle-même dont la signature précède l’évènement ; que l’article 17 des conditions générales de cette dernière déclare en effet : «  les assureurs qui ont payé l’indemnité d’assurance sont subrogés dans tous les droits et recours contre toutes personnes responsables. » ; qu’il suit de là que l’acte dit de subrogation qui intervient entre assuré et assureur ne constitue en vérité q’un simple instrumentum qui ne donne pas lui-même naissance à la subrogation dont l’antériorité est évidente et qui a constitué la condition même du règlement de l’indemnité ». Cette jurisprudence, consacrée par la Cour de cassation[308],  ne heurte en rien les principes juridiques. En effet, la « solution juridique[309] » qui s’en dégage contenait en germes celle qui conduit à admettre aujourd’hui l’existence d’une subrogation rétroactive dès lors «  qu’il suffit que le paiement de l’indemnité ait eu lieu avant le jugement, l’action de l’assureur se trouvant ainsi régularisée[310] ». Bien plus, la doctrine contemporaine remet sérieusement en cause l’exigence de la concomitance. Ainsi, M Tantin[311] considère que  ce qui importe,  ce n’est pas que le paiement ait lieu en même temps que la subrogation,         « c’est que la subrogation soit expresse, l’essentiel étant que l’assuré ait clairement manifesté, par la quittance subrogative, sa volonté de subroger l’assureur dans tous ses droits, actions et recours contre le responsable ». De même, pour M Kullmann[312] :        « Pourquoi contrarier la subrogation au seul prétexte, cette fois, d’un simple décalage entre le paiement et l’acte traduisant  la volonté de l’assuré de subroger dans ses droits ? ».

 

25.                 Bien davantage, certaines décisions des juges du fond font une interprétation extensive des conditions de la subrogation tant légale que conventionnelle, notamment en n’exigeant  pas la production de la police[313]. Ainsi, il a pu être jugé qu’en application de l’article L 121-12 du Code des assurances «  l’assureur bénéficie d’une subrogation légale spécifique dès lors qu’il a préalablement indemnisé l’assuré par un moyen de paiement régulier, dont peu importe la forme ou la nature ; que l’assureur peut prouver ce moyen par une quittance acquittée ou par tout autre preuve admissible [314]». Peu importe par ailleurs qu’il existe un décalage entre la quittance et le règlement, « la concomitance exigée par l’article 1250-1° du Code civil, étant considérée comme satisfaite par une manifestation de volonté du subrogeant antérieure au paiement ». Pour pragmatique que soit cette décision, « elle n’en donne pas moins un sérieux coup de canif dans ce mécanisme souvent strictement appliqué. »[315]

 

26.                 Mais, plus fondamentalement, deux décisions nous paraissent opportunément révéler une tendance particulièrement libérale quant à l’appréciation de la qualité à agir de l’assureur, en l’occurrence deux groupements d’intérêt économique,  et l’on sait qu’une telle question fait plutôt l’objet d’une interprétation rigoureuse. Dans la première espèce, le montant de dommages avait été payé à la victime par le Gie Generali Transport, lequel se retourna contre le responsable, la société Intramar Acconage. Le Gie pouvait-il se prétendre valablement subrogé ? La Cour d’appel de Paris, malgré un précédent défavorable,[316]l’a admis,[317]par arrêt du 4 juin 2003, dans les termes suivants : «  Considérant que la société Intramar Acconage oppose à l’action engagée à son encontre une fin de non recevoir tirée du défaut de qualité et d’intérêt à agir du Gie Generali Transport qui n’avait pas la qualité d’assureur et qui s’est borné à transmettre à la société Alsthom les fonds reçus des compagnies d’assurance dont il était le mandataire, les dispositions de l’article L 121-12 du Code des assurances étant inapplicables en l’espèce ; Mais considérant que le Gie, aux droits duquel vient la compagnie Generali France Assurances , a été constitué entre les compagnies d’assurance du groupe Generali pour assurer pour leur compte la gestion des polices d’assurances qu’elles ont souscrites ainsi que la gestion administrative et comptable des dossiers les concernant ; qu’il est constant que le Gie a versé par chèque du 29 avril 1999, tiré sur son compte l’indemnité d’assurance contractuellement stipulée dans la police souscrite par la société Alsthom en contrepartie de la remise par celle-ci d’une quittance subrogative datée du 11 mai 1999, par laquelle elle a déclaré le subroger dans ses droits et actions à l’encontre des personnes impliquées dans la réalisation du dommage ; Qu’il résulte des dispositions de l’article 1251-3° du Code civil que la subrogation a lieu de plein droit  au profit de celui qui, étant tenu avec d’autres ou pour d’autres au paiement de la dette,  avait intérêt à l’acquitter, peu important en l’espèce que le Gie n’ai pas eu lui-même la qualité d’assureur et que son obligation de paiement ne résulte ni du lien contractuel direct avec l’assuré, ni d’une décision judicaire ».

 

27.                 Dans une autre espèce, l’arrêt d’appel avait déclaré la demande du Gie irrecevable en raison de sa nature juridique. Cette décision est censurée par la Cour de cassation,[318]au visa de l’article 1250 du Code civil : «  Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher si le Gie Avia,  avait versé les indemnités d’assurance aux victimes en contrepartie de la remise par celles-ci de quittances subrogatives, dans lesquelles elles avaient déclaré le subroger dans leurs droits et actions à l’encontre des personnes qui pouvaient être impliquées dans l’accident, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ». Cette décision est importante dès lors qu’elle accorde le bénéfice de la subrogation à un groupement dont il était établi qu’il n’avait pas la qualité d’assureur.  

 

Chapitre II- Les solutions à venir

 

 

 

28.                 Devant les maux de la subrogation de l’assureur, diverses opinions ont été émises, certaines visant ouvertement l’intervention du législateur. Nous n’en retiendrons que deux. La première, d’ordre procédural,  est ponctuelle : elle tend à remettre en cause l’adage « Nul ne plaide par procureur », qui interdit à l’assureur de plaider pour l’assuré. La seconde est d’ordre général : elle viserait à consacrer l’existence au profit de l’assureur d’un recours exclusif des règes de la subrogation.

 

§1- Sur la règle «  Nul ne plaide par procureur »

 

 

29.                 En vertu de l’effet translatif de la subrogation, l’assuré désintéressé par l’assureur ne peut plus exercer contre le tiers responsable du dommage, les droits dans lesquels l’assureur se trouve subrogé. A défaut de justifier d’une convention de prête-nom, établie par l’assuré, dont il doit rapporter la preuve, il se verrait opposer la règle « nul ne plaide par procureur ».[319] Ainsi, «  l’assuré qui, après avoir été indemnisé, a subrogé son assureur dans ses droits, n’a plus qualité pour agir contre le responsable et ne peut, sauf convention contraire expresse ou tacite l’y habilitant, agir en justice dans l’intérêt de l’assureur[320] ».  Or, cette question de l’intérêt à agir, parce qu’elle dépend du principe de l’effet translatif, qui « renferme toujours quelques incertitudes »[321]est délicate.             Par diverses atténuations à l’effet translatif, il a été admis que le subrogé peut laisser exercer ses droits par le subrogeant.[322]En raison précisément des hésitations sur l’étendue même de l’effet translatif, pourquoi dès lors ne pas considérer que l’assuré puisse être représenté en justice par l’assureur, non conventionnellement mandaté à cette fin, sans que ne lui soit opposée la règle « Nul ne plaide par Procureur », qui ne constitue qu’une règle procédurale de pure forme et qui, de surcroît, n’est pas d’ordre public ?  

    

30.                 De même, la question ne pourrait-elle pas être posée différemment, sous l’angle des effets de la subrogation légale conférée à l’assureur par l’article L 121-12 du Code des assurances. C’est ainsi que M Bérard, dans des termes qui nous semblent toujours d’actualité,  dès lors que certains voudraient, à l’image des droits anglo-saxons réformer ce point de la procédure,[323]s’est interrogé sur l’opportunité de maintenir une telle règle : « Le problème qui se pose consiste à déterminer l’auteur partiellement ou totalement responsable du dommage subi par l’assuré.  Si c’est l’assureur qui se trouve amené à chercher un débiteur, à l’assuré, qu’on le veuille ou non, et à défaut d’action directe, il plaidera pour l’assuré. En réalité, la subrogation établie par la loi de 1930 et pratiquée auparavant sous la forme conventionnelle est d’abord une autorisation de plaider pour l’assuré. La subrogation n’intervient que plus tard, si l’action fait surgir un débiteur. Plutôt que de rester dans cette équivoque, ne vaut-il pas mieux supprimer cette branche morte : «  Nul en France ne plaide par procureur et au contraire donner le droit à l’assureur de plaider  pour l’assuré. »[324]

 

 

 

§2- La consécration d’un recours autonome exclusif des règles de la subrogation

 

 

 

31.                  De nombreux éléments concourent à la remise en cause de la subrogation en matière d’assurance. L’équité, tirée du souci d’éviter que la bienveillance de la victime qui s’est assurée ne profite au responsable et qui a pu servir de  prétexte au législateur, n’a plus qu’une valeur historique. La subrogation elle-même s’est profondément modifiée au fil du temps pour devenir, soit « en réalité une cession de créance qui s’effectue de manière originale sur le fondement d’un paiement[325] », soit «  un mode original de transmission des obligations effectuée sur le fondement d’un paiement[326] ». En outre, il est démontré aujourd’hui que cette institution peut fonctionner sans paiement[327] ou avec profit[328].

 

32.                 La première explication de la complexité de la subrogation de l’assureur en droit Français tient à coup sûr à la superposition de deux ordres de textes légaux, ceux du Code civil et ceux du Code des assurances, accordant le bénéfice de la subrogation, mais en des termes différents. Cette lourde codification enserre le recours dans le sens d’une rigidité incompatible avec la technique assurantielle et surtout, relègue au second plan la liberté contractuelle.[329] Et cet encadrement juridique de la subrogation ne se justifie plus, tant dans le cadre du rapprochement qui se dessine à l’heure actuelle en doctrine et en pratique entre la subrogation et la cession de créance[330], que dans celui de la perte d’identité de la technique subrogatoire résultant de la diversité d’application de ces deux modes de transmission de créances.[331]

 

33.                 Dans ces conditions, il est impératif que le recours de l’assureur s’affranchisse des règles contraignantes de la subrogation telles que posées par le Code civil[332]. Des difficultés se font notamment ressentir dans l’application de la règle « Némo contra se… », consacrée par l’article 1252 du Code civil qui veut que, dans le concours de l’assureur et de l’assuré, lorsque la créance de ce dernier n’a été que partiellement  acquittée, l’accipiens soit prioritaire sur le solvens. Plus précisément, à la question du concours entre l’assuré subrogeant et l’assureur subrogé, la Jurisprudence est divisée.[333]              La querelle est ancienne : un auteur avait soutenu que «  les auteurs qui pont crée un privilège en faveur de la créance de l’assuré, n’ont pas tenu compte d’un principe fondamental du droit. On peut dire que le choix de l’idée de subrogation de l’article 36 de la loi, qui est certes à l’origine des difficultés, n’est pas très heureux. »[334]

 

34.                 L’évolution du droit de recours dans le sens d’une indispensable autonomie, exclusive des règles de la subrogation, nous paraît devoir être approuvée. Ainsi, c’est à juste titre, selon nous, que l’idée se fait progressivement jour « d’une réforme du Code des assurances consistant à affirmer un principe autonome de recours (sans évoquer la subrogation) contre le tiers responsable ».[335] Et c’est à la lumière de cette opinion que doivent être entendus les termes d’un arrêt rendu le 4 avril 2001 par la Cour de cassation[336]. Il s’agissait d’un paiement effectué par erreur  et l’on sait que, en tant qu’il ne découle pas de l’obligation de garantie prévue au contrat, il ne peut donner lieu à application de l’article L 121-12 du Code des assurances. La Cour, substituant des motifs de droit pur à ceux de la Cour d’appel, a rejeté le pourvoi en ces termes : «  attendu qu’en application du principe général du droit selon lequel nul ne peut s’enrichir injustement aux dépens d’autrui, celui qui, par erreur, a payé la dette d’autrui de ses propres deniers a , bien que non subrogé aux droits du créancier, un recours contre le débiteur » Il nous semble que la portée de cette décision ne saurait être sous-estimée : non parce que la Cour se réfère à un principe général du droit, auquel elle a l’habitude de faire appel là où les principes légaux ne trouvent pas à s’appliquer, mais parce qu’elle le fait précisément  dans un litige où les demandeurs s’étaient expressément placés sur le terrain de la subrogation légale de l’article L 121-12 du Code des assurances. C’est, semble t-il la première fois, que l’on affirme aussi nettement que l’assureur dispose d’un recours qui peut ne pas être fondé sur les règles de la subrogation.[337]

 

35.                 Cette orientation nouvelle de la jurisprudence, qui nous semble  toujours témoigner    « de la réticence qu’éprouvent certains magistrats à faire produire à la subrogation la plénitude de ses effets », [338]mérite d’autant plus d’être remarquée que l’un des moyens du pourvoi s’était efforcé de vanter les mérites de cette institution complexe : «  La jurisprudence la plus récente a heureusement voulu et parfaitement su, en évitant une desséchante exégèse de l’article 1251-3° du Code civil, conserver à la subrogation légale son visage d’institution fondamentalement équitable qui permet d’assurer, indépendamment des volontés et donc éventuellement des égoïsmes de chacun, le report automatique du poids final de la dette sur celui qui est directement à l’origine de la créance de l’accipiens .»     

 

 

 

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Bibliographie

 

 

 

 

 

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- Cass, 1ère Civ. 23 mars 1999, RGDA 1999, n°3,  617, note Kullmann.

- CA Nancy, 2ème ch., 5 mai 1999, BTL 2000, n°2831, 50.

- CA Versailles, 1ère ch., 19 mai 2000, Dalloz 2000, IR 167.

- Cass, 1ère civ., 4 avril 2001, RGDA 2001, n°3, 699, note Mayaux. RCA 2001, chron.15, Groutel, Gaz.Pal. 2001, somm.1860 A Favre-Rochex, Petites Affiches 2 avril 2002, n°66, note A Gosselin-Gorand, Dalloz 2001, n°23, comm.1824, M Billiau. 

- CA Versailles (12ème ch.), 31 mai 2001, BTL 2001, n°2913, 728.

- CA Versailles (12ème ch.), 29 novembre 2001, BTL 2002, n°2928, 127.

- CA Paris, 5ème B, 7 février 2002, BTL 2002, n°2930, 170.

- CA Versailles (12ème ch.) 14 mars 2002, DMF 2002, 630, note Pestel-Debord.

- Cass, 1ère Civ.4 février 2003- 00-11.023  (n°172FS-P+B), Dalloz 2003, n°12, 809.Bull. Civ. I, n°32, 26.

- Cass, 1ère Civ. 4 février 2003, BTL 2003, n°2978, 178.

- CA Versailles (12ème ch.),  27 mars 2003, « Les méfaits de la procédure », BTL 2003, n°2984, 288.

- CA Versailles (12ème ch. ) 27 mai 2003, BTL 2003, n°3001, 90.

- CA Paris, 5ème A, 4 juin 2003, DMF 2004, 27, note Y Tassel.

  Cass. Com. 24 juin 2003, BTL 2003 , N°2995.

- CA Versailles (12ème ch.), 4 septembre 2003, BTL 2003, n°3012, 798.

- Trib. Com. de Bobigny , 6 novembre 2003, BTL 2004, N°3017, 36.

- CA Paris, 5ème ch. A, 12 novembre 2003, BTL 2003, n°3012, 96.

- Assemblée Plénière de la Cour de cassation, arrêt du 19 décembre 2003, n° 01-10. 670      ( http://www.courdecassation.fr).

- CA Paris, 5ème A, 4 février 2004, BTL 2004, n°3023, 134.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Table des matières

 

 

 

 

Sommaire. 1

 

Introduction. 3

Titre I- Critique de la subrogation de l’assureur 5

Chapitre 1- Une institution hétéroclite née de l’usage.....................5

 

§1- La primauté de l’usage sur la loi……..………………………………………………5

§2- La recherche du fondement juridique……………………………………………….7

1- La non admisssion de la subrogation en matière d’assurance…........……………………7

2- Le retour artificiel de la subrogation en matière d’assurance…………………………..12

§3- L’incompatibilité de principe entre  subrogation et assurance……………………16

 

Chapitre 2- Une institution inadaptée. 18

§1- L’inadapation résultant des conditions de la subrogation…  ……………….……19  

 

1- Le paiment obligé…………………………………………………………………….19

2- La concomitance du paiment et de la subrogation. 41

 

§2- L’inadaptation résultant de l’effet translatif………………….…………………….32

 

§3- L’interférence des règles de la responsabilité civile……………………………….35

1- Les immunités. 46

2- Les renonciations à recours     ………………………………………………………..41

 

 

§4- L’inadaptation résultant de la spécificité des assurances concernées…………….43  

1- Le cas de l’assurance de personnes……………………………………………………43

2- Le cas de l’assurance construction…........................................................................................46

 

Titre II- Ebauches de solutions……………………………...47

Chapitre 1- Les solutions actuelles     ……..………………………47

Section I- Le caractère non impératif de l’article L 121-12 du Code des assurances…………………………………………………………………….47

Section II- Pour une application extensive des règles relatives à la subrogation…………………………………………………………………...50

1- Les clause de cession de droits ou promesses de subrogation…………………………52

2- Le cumul de la subrogation légale et de la subrogation conventionnelle............................54

3- Pour une réhabilitation des clauses de cession  ?....................................................................57 

4- La subrogation rétroactive…………………………………………………………….58

5- Pour une interprétation libérale des conditions de la subrogation……………………..60

 

Chapitre  2- Les solutions à venir 63

& 1- Sur la règle " Nul ne plaide par procureur"..………………………….63

& 2- La consécration d'un recours autonome exclusif des règles de la subrogation   …………………………………………………………………64

 

Bibliographie. 67

Table des matières. 72

 

 

 

. Assurance de personnes - Accidents corporels - Accident ou maladie - Indemnité - Caractère indemnitaire - Condition

(Assemblée plénière, 19 décembre 2003, Bull. n° 8 ; BICC n° 593 , p. 4, rapport de Mme Tric et avis de M. Benmakhlouf)

Les rapports annuels de 1993 et 1998 se sont déjà fait l'écho de l'évolution jurisprudentielle, résultant tant de l'apparition de nouvelles assurances de personnes que des modifications législatives.

Depuis longtemps (18 septembre 1990, RGAT 1990 p 841), la chambre criminelle considère que la prédétermination contractuelle de la prestation servie par l'assureur n'est pas, à elle seule, un obstacle à sa qualification indemnitaire, ce qui entraîne la possibilité du recours subrogatoire de cet assureur.

Depuis le 17 mars 1993 (Bull. n° 113), la première chambre civile au contraire estimait que les prestations servies revêtent un caractère forfaitaire et non pas indemnitaire, dès lors qu'elles sont calculées en fonction d'éléments prédéterminés par les parties indépendamment du préjudice subi par l'assuré.

La deuxième chambre civile (6 novembre 1996, Bull. n° 244) et la chambre sociale (4 juillet 1996, pourvoi n° 94-18.221) avaient adopté la même position que la première chambre.

Cette position était critiquée par la doctrine qui soulignait que même les prestations incontestablement indemnitaires servies en exécution de contrats d'assurance de dommages étaient fixées en partie selon des éléments prédéterminés par le contrat d'assurance.

La première chambre avait fait un pas vers un abandon du critère fondé sur le calcul de la prestation en fonction de son caractère prédéterminé en jugeant, le 15 décembre 1998 (Bull. n° 355), en présence d'une clause subrogatoire, que le caractère prédéterminé de la prestation d'assurance ne fait pas obstacle à ce que les parties lui confèrent, lorsqu'il existe un tiers responsable, la nature d'une avance sur indemnité et la soumettent au recours subrogatoire de l'assureur.

Dans l'espèce soumise à l'Assemblée plénière, sous l'empire des dispositions antérieures aux lois de 16 juillet 1992 et 8 août 1994, il n'y avait pas de clause subrogatoire, mais le pourvoi voulait faire juger que la volonté des parties résultait de la façon même dont la prestation était calculée.

L'Assemblée a nettement abandonné le critère du caractère prédéterminé, mais en l'espèce, elle a considéré que les juges du fond avaient fait ressortir le caractère forfaitaire de la prestation convenue, calculée et attribuée selon des modalités indépendantes du préjudice effectivement subi.

Le rôle du juge est donc de vérifier la qualification donnée par les parties lorsqu'elles ont exprimé leur volonté, et de qualifier lui-même la prestation en l'absence de clause, en s'assurant que l'indemnité est calculée en fonction du préjudice effectivement subi.

 

 

 

 

 

 



[1] C Atias, D Lindon,   Le mythe de l‘adaptation du droit  au fait, Dalloz 1977, chron. 251.

[2] Notamment, J Mestre, La subrogation personnelle, LGDJ 1979. P Bonnassies, Droit Maritime Français (DMF) hors-série, n°7, juin 2003, n°101,81.

[3] J D Bredin, note sous Besançon, 14 mai 1959, Clunet 1960, 786.

[4] J Mestre, op.cit.

[5] P Lureau, L’action de l’assureur contre le transporteur responsable, DMF 1952, p 3.

[6] Exposé des motifs de l’article 30 de la loi du 13 juillet 1930, cité par M Capitant, RTDCiv 1906, p 37.

[7] P Lureau, op.cit. : « Il est à peine besoin de souligner que pour mettre fin à cette impossibilité d’une subrogation légale sur la base de l’article 1251 du Code civil, la loi du 13 juillet 1930, art. 36, a créé en matière d’assurance terrestre, un nouveau cas de subrogation légale ». Egalement, A Besson, note sous TGI Paris, 7 octobre 1967, RGAT 1967, 31 : «  Quant à l’article 1251-3° C. civ., il ne pouvait être appliqué directement aux assurances, car l’assureur « n’est pas tenu avec d’autres ou pour d’autres » et c’est la raison pour laquelle il a fallu, dans la loi de 1930, créer un cas spécial et nouveau de subrogation légale. »

[8] E Bérard, La subrogation en matière d’assurance, Droit Maritime Français (DMF) 1956, 3.

[9] Pour éviter la pratique des clauses de cession de droits.

[10] C’est ainsi que M Mestre, dans son ouvrage précité, qualifie l’article de M Capitant, Du recours soit de l’assureur, soit de l’assuré contre le tiers qui, par sa faute, a amené la réalisation du risque prévu au contrat, RTDCiv.1906, p 37.

[11] M Capitant, op.cit. p 38, §1 : «  Déjà Pothier, dans son traité d’assurance, spécialement consacré à l’assurance maritime, qui était alors la seule connue, prévoit, au §50, le cas où le vaisseau assuré a été endommagé par un abordage survenu par la faute du maître d’un autre vaisseau ; et il dit que l’assuré doit céder ses actions contre celui par la faute de qui est arrivé l’abordage et contre son commettant. C’est donc en matière d’assurance maritime que la question s’est posée pour la première fois, et Pothier reconnaît implicitement que l’assuré ne peut, à la fois toucher l’indemnité stipulée, et exercer une action en dommages et intérêts contre le tiers responsable du dommage, puisqu’il l’oblige à céder à l’assureur le bénéfice de cette action. Bien plus, au § 65, Pothier déclare que si l’assureur a pris à sa charge, par la police, les pertes et dommages arrivés par la faute des maîtres et mariniers, il est de plein droit subrogé aux actions des assurés tant contre le maître que contre l’armateur. Depuis, tous les auteurs ont accepté cette solution et tous les jurisconsultes qui ont traité de l’assurance maritime, affirment qu’en vertu d’une ancienne tradition, l’assureur est subrogé légalement dans les droits de l’assuré ».

[12] Cf. également, A Vitu, Subrogation légale et droit des assurances, RGAT 1946, p 233 : « Quand les assurances terrestres commencèrent à se développer au début du XIX ème siècle, les compagnies songèrent   tout naturellement à invoquer les solutions du droit maritime et fondèrent leurs recours sur la subrogation de l’article 1251-3 C.civ. ».

[13] CA Paris, 1ère Ch., 19 octobre 1959, JCP G 1960, II, note de Juglart.

[14] Cf. également, Trib. Com. de Lyon, 19 juin 1969, JCP G 1970, 16170, note de Juglart et du Pontavice :            «  Attendu, d’autre part, que la jurisprudence admet la subrogation de l’assureur pour l’exercice des recours contre le tiers responsable, même sans stipulation expresse, en vertu d’un usage constant ». Egalement, Trib . Com. de Marseille, 20 janvier 1951, DMF 1951, 602 : «  Attendu d’ailleurs qu’il résulte des usages constants en matière d’assurance maritime que l’assuré est censé subroger son assureur au moment où il reçoit son indemnité, même s’il n’y a pas subrogation expresse ».

[15] De Juglart, La subrogation en matière d’assurance maritime, RTDCom.1960, 196.

[16] Seul texte sur le fondement duquel les compagnies pouvaient agir, en l’absence de subrogation légale : «  La subrogation a lieu de plein droit …au profit de celui qui, étant tenu avec d’autres ou pour d’autres au payement de la dette, avait intérêt de l’acquitter ».

[17] J Mestre, op.cit.p 280, note 46 : «  Les assureurs, devant le refus de la subrogation légale, avaient pris l’habitude d’introduire dans les polices, une clause de ce genre : par le seul fait de la présente police et sans qu’il soit besoin, d’aucune autre cession ou transport, la compagnie est subrogée dans tous les droits, recours et actions de l’assuré contre toute personne garante et responsable du sinistre ».

[18] C J Berr et H Groutel, Les grands arrêts du droit de l’assurance, Sirey 1978, Note sous Civ. 5 mars 1945, p 21 : « S’il n’a jamais été contesté qu’il est hautement souhaitable que l’assureur puisse se retourner contre le tiers responsable, après avoir indemnisé son assuré, il ne fut point aisé de trouver un fondement à ce recours ».

[19] De Juglart, note sous CA Paris, 19 octobre 1959, précité.

[20] Cette interrogation se retrouve dans bon nombre d’études consacrées à la question, notamment, J Mestre, op.cit. H Capitant, op.cit.

[21] A Vitu, op.cit., p 21.

[22] Selon la doctrine classique : « Le Code civil a défini les différents cas de subrogation légale. Il n’y en a aucun qui s’applique à l’assurance. On invoque en vain le paragraphe qui établit la subrogation au profit de celui qui, étant tenu avec d’autres ou pour d’autres au paiement de la dette, avait intérêt à l’acquitter. L’assureur n’est pas tenu avec le responsable, il n’y a point de lien entre eux ; ils doivent chacun le dédommagement, mais en vertu de clauses entièrement différentes ; Ils sont tellement indépendants l’un de l’autre que si un tiers poursuit le responsable, celui-ci ne sera nullement admis à profiter de l’assurance. L’assureur n’est pas non plus tenu pour les personnes responsables : l’assurance n’a en rien la nature secondaire d’un cautionnement. Elle forme par elle-même une obligation principale et à part. L’assureur ne paie pas comme garant d’un tiers mais en vertu de sa propre convention. » Rep. Dalloz Assur. Terr. 1846.

[23]Gaudemet, Théorie générale des obligations, Sirey, réimpression de l’édition de 1937, p 65 : « Pourquoi admette la subrogation à coté de la cession de créance comme une opération distincte ? La subrogation paraît s’être imposée dans l’ancien droit par la pratique notariale. Les cessions de créance portaient que le solvens était subrogé aux droits du créancier. Le mot fit illusion : on fit de ce cas de cession conventionnelle un cas de subrogation ».

[24] F Leplat, La transmission conventionnelle des créances, thèse Paris X ,septembre 2001, n°46 et s. :                 «  L’ambivalence du terme subrogation, qui désigne à la fois une cession forcée de créance et toute substitution de personne dans un lien d’obligation, explique en partie l’apparition de la subrogation conventionnelle. Les notaires semblent utiliser les premiers le terme de subrogation pour désigner une cession de créance librement consentie, vraisemblablement par souci de renforcer la protection de leurs clients en multipliant les dénominations, mais également en raison de la tarification  de leurs actes en fonction du nombre de lignes. Les auteurs attirent  l’attention sur la variété des sens du terme.  Finalement, à la veille de la codification, rien ne permet de distinguer la subrogation consentie par le créancier de la cession de créance. A l’instar du droit romain dont s’inspire l’ancien droit français, la subrogation désigne toujours une cession de créance imposée au créancier ». 

[25] cité note 8.

[26] E Pasanisi, Considérations sur une question discutée : la subrogation en matière d’assurance, Mélanges en l’honneur d’A Besson, p 277.

[27] F Laurent, Principes de droit civil, les obligations, tome 18, n°11, p 23 : «  Vainement dit-on que le tiers qui se fait subroger a encore un autre but que celui de succéder aux droits du créancier ; nous répondrons que ce n’est pas là le but, c’est un moyen… la subrogation n’est pas pour le subrogé une spéculation, il ne vaut pas acquérir la créance, il veut s’assurer son remboursement. »

[28] C’est en matière de droit international, que les analyses des auteurs, qui se sont efforcés de rechercher la nature de l’institution, pour déterminer la loi qui lui était applicable, sont riches d’enseignements.

[29] JF Aubert, note sous Trib.Féd. Suisse 22 septembre 1959, Clunet 1959, 348 . L’auteur insiste sur la double nature de la subrogation : « D’une part, c’est une opération qui fait subsister une créance, lors même qu’elle est payée ; Il s’ensuit notamment, que les garanties accessoires (gages, cautionnements), ne s’éteignent pas malgré l’exécution. D’autre part, c’est une façon d’établir l’ordre des responsabilités entre plusieurs codébiteurs, en ce qu’elle élève d’un degré dans la hiérarchie celui qui est subrogé. Vue sous cet angle, la subrogation équivaut à un droit de recours, sauf qu’elle n’en a pas la nouveauté ».    

[30] Notamment, J Mestre, op.cit. n°639. , A Vitu, op.cit. p 244 et s. Egalement, F Leplat, op.cit.n°4 et s. : « La doctrine moderne s’accorde pour ne plus analyser la subrogation comme une fiction juridique dérogeant à l’effet extinctif du paiement, tout en refusant de l’assimiler sans réserves à une cession de créance. A propos de la subrogation, M Mestre a fermement établi que ce procédé ne repose pas sur une fiction permettant exceptionnellement la survie de la créance éteinte par le paiement du subrogé : la subrogation , comme la cession, réalise une transmission de la créance ». Pour le maintien à l’heure actuelle de l’analyse traditionnelle : JM Fernandez, « La  subrogation : nature et régime d’une fiction juridique », Petites Affiches du 16 juillet 1997, n°85,4.

[31] J Mestre, op.cit, n°5 , 20 et 36.

[32] Cette fiction a même paru tellement exorbitante à certains auteurs, qu’ils ont prétendu que ce n’était pas la créance qui était transmise, « cette créance n’existant plus à la suite du paiement ».Rep.Dalloz.Obligations, 1860, T 6, ch.1, sect ;2.

[33] A Vitu, op.cit, p 240 : «  De ce caractère exceptionnel résulte qu’il ne faut employer la fiction que dans les cas précis où le législateur l’a prévue et en faire un emploi restreint ».

[34] Gény, Méthodes d’interprétation et sources du droit privé positif, réed.1954, T2, p 378.

[35] Conformément à la thèse de l’école exégétique. Cf. note 22 et pour une illustration, Req.2 mars 1829, D 1829, 1, 163 : «  Attendu qu’en indemnisant la dame Gourdain, du dommage causé par l’incendie de sa ferme, cette compagnie a acquitté une dette résultant de la police d’assurance  qu’elle avait souscrite et par conséquent, une dette qui était personnelle à ladite compagnie et n’avait rien de commun avec le bail consenti au fermier du domaine incendié. Qu’ainsi, en jugeant que la compagnie ne se trouvait dans aucun des cas prévu par l’article 1251-3 du Code civil, l’arrêt dénoncé a fait une juste application dudit article ».  

[36] La Cour de cassation consacra ce recours exclusif à l’article 1382 du Code civil. Notamment, Civ.22 décembre 1852, DP 1853.1.93 : Dans cette affaire, la compagnie d’assurance, s’étant vue déboutée par les premiers juges de son action fondée sur l’existence d’une subrogation légale de l’article 1251 du Code civil, avait opportunément invoqué, à l’appui de son pourvoi, qu’aucune subrogation ne fût nécessaire,  « l’action étant suffisamment justifiée par la seule disposition de l’article 1383 du Code nap. ». Selon la cour, «  l’action ainsi formulée était entièrement indépendante de l’action qui aurait pu résulter des règles sur la subrogation ; et qu’une telle action compète personnellement  et en l’absence même de toute subrogation , à tous ceux qui ont souffert un préjudice par le fait d’autrui ». Comme le rappelle l’annotateur, c’est en ce sens que s’était prononcé un arrêt de la chambre civile du 2 mars 1829 qui, tout en refusant à l’assureur le bénéfice de la subrogation légale dans les droits de l’assuré contre l’auteur du sinistre, réserve cependant l’application de l’article 1382 du même code.    

[37]Pardessus, Cours de droit commercial, 5 ed. , TII, n°595-5°. 

[38] Sur l’ensemble de la question, P Lureau , L’action de l’assureur contre le transporteur responsable, DMF 1952, p 3 : « L’assuré pourra être en même temps participant au contrat de transport , notamment comme réceptionnaire,  mais il ne le sera pas nécessairement car il se peut que le connaissement soit créé ou accompli par un autre que lui, par exemple un transitaire. Nous nous trouvons donc en présence, suivant les cas, de trois ou de quatre personnages : trois si l’assuré cumule sur sa tête les qualités de réceptionnaire (nous entendons  par là tout participant au connaissement) et de bénéficiaire du contrat d’assurance ; quatre si le réceptionnaire est une autre personne que l’assuré).        

[39] P Lureau, op.cit.

[40] Cass .Civ . section com.,  25 août 1951, DMF 1952, p 3 .Egalement, Navire Lamoricière, Cass.Civ.1951, DMF, 1952, p429, note Ripert.

[41] M Picard, note sous Cass. Req. 9 mars 1939, RGAT 1939, p 333.

[42] E Bérard, La subrogation en matière d’assurance, DMF 1956, 131.

[43] P Lureau, op.cit., p 12.

[44] CA Paris, 1ère Ch. 19 octobre 1959. Navire LCT, DMF 1959, p 85, note P Bouloy. RCDIP 1960, 208, note          C Gavalda : Dans cette affaire, une compagnie d’assurance française avait payé une somme de 50 millions de francs à son assuré, un armateur marocain, qui avait passé avec une entreprise de remorquage néerlandaise, un contrat de remorquage d’un engin de Casablanca aux Sables-d’Olonne, au cours duquel cet engin s’était perdu. La compagnie d’assurances avait assigné la société de remorquage, qu’elle tenait pour l’auteur responsable du sinistre, et avait précisé dans son assignation  qu’elle agissait comme subrogée dans les droits de son assuré. Lorsqu’en cours d’instance, la compagnie d’assurances se vit opposer la clause du contrat portant attribution de compétence à Rotterdam, elle prit des conclusions pour soutenir que l’assureur maritime avait un droit personnel direct  contre le tiers auteur du sinistre, et qu’ainsi, en raison de ce droit direct, il lui était loisible d’assigner en France en vertu de l’article 14 du Code civil français. Constatant que la compagnie d’assurances était, en l’espèce, subrogée aux droits d’une société marocaine, donc étrangère, et ne pouvait par conséquent avoir d’autres droits que ceux de cette société, la Cour de Paris lui dénie toute possibilité d’utiliser l’article 14 du Code civil sur le terrain contractuel. 

[45] A Vitu, op.cit, p 232 : «  Mais qui est ici la victime ? La détermination en est rendue incertaine par la présence d’un assureur aux cotés de celui dont le patrimoine  ou la personne même a souffert du tiers. Est-ce l’assureur ? Il ne le semble pas à première vue, si l’on suppose que la compagnie a indemnisé son client de tout le dommage  par lui subi : n’est-ce pas en effet par la faute du tiers que l’assureur a été mis dans l’obligation de verser une indemnité et ne peut-il, dans cette mesure, et sur le fondement de l’article 1382 C.civ., demander réparation du préjudice ? Mais on peut répondre que l’assureur, ayant reçu des primes fixées conformément à des calculs statistiques, ne subit en réalité aucun préjudice lorsqu’il verse la contrepartie sous forme d’indemnités aux assurés sinistrés. La réalisation du  risque garanti, quelle que pût  en être l’origine, ne troublerait en rien les prévisions de la police, et l’assureur ne serait pas la vraie victime de ce tiers. N’est-ce pas l’assuré lui-même qui est la vraie victime ? Cela est évident dans toute la mesure où l’assurance ne couvre pas l’intégralité du dommage. Mais l’assuré peut-il en outre faire abstraction de la somme reçue  de l’assureur et demander au tiers réparation de l’intégralité du préjudice ? En d’autres termes, peut-il cumuler l’indemnité d’assurance et les dommages et intérêts versés par le tiers, sans heurter le principe d’équité qui s’oppose à ce que l’on puisse monnayer  un préjudice et s’en enrichir ? ».

[46] Cass. ass. plén.19 décembre 2003, arrêt n°506, pourvoi 01.10.670, Compagnie la Mondiale/ Axa Corporate Solutions assurances.

[47] Sur l’ensemble de la question. Cf. Avis de M Benmakhlouf, à propos de Cass. civ. 19 décembre 2003, précité.

[48] Notamment, Cass.Civ., 6 janvier 1914, DP 1918, I, 57, note Dupuich : dans cette affaire, une compagnie d’assurance avait dû payer aux ayants-droits d’une personne décédée dans un accident le capital assuré au titre d’un contrat d’assurance vie. la Cour de cassation rejette le pourvoi de la compagnie à l’encontre d’un arrêt l’ayant débouté de sa demande de dommages et intérêts contre le responsable, la compagnie du Midi :« attendu qu’il est établi que la compagnie Le Phénix n’a souffert aucun préjudice du fait de la Compagnie du Midi et de ses préposés et que, si le capital assuré est devenu immédiatement exigible, à raison de l’accident du 15 septembre  1901, il n’y a là que le jeu normal d’un risque prévu, évalué et accepté par les contractants à la police d’assurance sur la vie ». 

[49] Suivant un argumentaire sans failles, M Capitant, démontra, dans l’article précité, que le recours fondé sur l’article 1382 n’était applicable, ni dans l’assurance de dommage, ni dans celle de personne.

[50] Cf . note 14.

[51] Cf. dans un cas « où la clause litigieuse  prêtait  merveilleusement, par ses termes généraux, à l’idée d’une subrogation, du moins d’une cession de tous recours au profit de la compagnie ». Rep. Dalloz. Assur. terr. 1846, n°254, à propos de Cass.Civ. 2 décembre 1854 : la clause d’une police d’assurance par laquelle l’assuré subroge l’assureur dans tous ses droits, recours et actions, a pu être regardée comme ne renfermant pas la cession de l’indemnité parce que les droits de l’assuré n’avaient pas été cédés. 

[52] Notamment, Cass. Civ. 5 août 1885, DP 1885, I, 173 : refusant de voir dans ces clauses une subrogation conventionnelle qui serait nulle, faute de remboursement de la créance par le subrogé au moment même de la convention, «  mais une cession de droits éventuels et aléatoires soumis à la seule condition de l’évènement de l’incendie des immeubles assurés ».

[53] A Vitu, op.cit. p 235.

[54] Projet de loi du 12 juillet 1904 sur les assurances terrestres.

[55] Notamment, article 7 de la loi du 9 avril 1898, subrogeant l’employeur qui a versé l’indemnité à son ouvrier, à la suite d’un accident, dans l’exercice de ses droits contre le responsable ; article 61 de la loi du 5 avril 1928 subrogeant les caisses des sécurité sociale dans les actions de leurs affiliés contre le responsable. A l’étranger, consécration légale de l’assureur par  les lois allemande du 30 mai 1908 (art.67) et suisse du 2 août 1908             (art.72). 

[56] P. L. P ( Lerebours-Pigeonnière) , note sous Cass. CIv. 5 mars 1945, JCP 1945, 2798.

[57] Notamment,  JP Niboyet, note sous CA Riom, 29 janvier 1932, RCDIP 1932, 920 : «  Au demeurant, cette loi a plutôt admis une cession de créance qu’une subrogation ». H Capitant, op.cit. p 69 : « Nous croyons que le législateur devrait refuser le bénéfice de la subrogation légale à l’assureur » ; H Capitant, La loi du 13 juillet 1930 relative au contrat d’assurance, RGAT 1930,739 : « L’expression de subrogation est  inexacte. La subrogation suppose un tiers qui paye le créancier en l’acquit du débiteur (art 1250). Or, l’assureur n’est pas un tiers : en payant l’indemnité à l’assuré il paie sa propre dette. En réalité, il y a cession de créance éventuelle de l’assuré contre le tiers responsable ». 

[58] Picard et Besson, Traité des assurances terrestres en droit français, 1940, II, n°400.

[59] F Leplat, op.cit., n°172 : «  L’intervention du législateur vise principalement à interdire la clause abusive par laquelle l’assureur s’accorde le droit d’agir contre le responsable avant d’avoir indemnisé son assuré. Une telle solution pouvait se rencontrer lorsque les assureurs utilisaient la cession de créance. Elle est condamnée par la subrogation légale imposée à l’assureur ».  

[60] M Lerebours-Pigeonnière, op.cit. : «  La portée légale de la cession dépassait les intérêts légitimes de l’assureur et compromettait ceux de l’assuré. Les travaux préparatoires, sans être explicites, manifestent clairement que la subrogation fut préférée à la cession, non point parce qu’elle est acquise de plein droit, sans signification, mais parce que ses effets sont plus limités que ceux de la cession. Le subrogé ne peut plus concourir avec le subrogeant dans le cas de paiement partiel (art 1252 C.civ.), ni exercer les droits du subrogeant avant de l’avoir payé ».  

[61] Pardessus, Cours de droit commercial, 5ème ed., n°595 et après lui Alauzet, Traité des assurances , t II :            « Il serait injuste que le propriétaire, déjà indemnisé par l’assureur, touchât une seconde indemnité de l’incendiaire.. » en ce sens également, De Lalande , Ass.contre l’incendie, p 332 : « Si l’assuré a déjà été couvert de ses pertes en tout ou en partie, il serait immoral que cet assuré touchât une double indemnité , tandis que l’assureur , qui  l’a au moins  partiellement désintéressé, n’aurait aucune action contre celui qui a, en quelque sorte, payé la dette ».

[62] J Mestre, op.cit ., n°239 : «  Mais on ne peut admettre que l’existence du contrat d’assurance, auquel le tiers responsable n’a pas été partie, permette à ce dernier d’échapper à son obligation de réparer le dommage qu’il a causé. La précaution que la victime a prise de contracter une assurance, ne peut avoir pour effet d’exonérer le coupable de sa faute ».

[63] E Pasanisi, op.cit, p 278, a même été jusqu’ a faire observer à juste titre que « libérer le tiers de sa dette à l’égard de la victime dans les limites de l’indemnité d’assurance aboutit à transformer l’assurance dommage stipulée par la victime en une assurance de responsabilité civile en faveur du tiers sans que celui-ci ait versé les primes correspondantes. » 

[64] L’expression est de M Lerebours-Pigeonnière, note sous  Cass.Civ, 5 mars 1945, précité.

[65] P Guiho, Le recours contre l’auteur du dommage ouvrant droit à une indemnité d’assurance, Thèse Caen 1948, 135, p 22, n°23.

[66] Mazeaud et Tunc, T III, n°242 : « M Weens a très clairement montré que le principe indemnitaire est une règle qui  a été posée pour parer à un danger très précis : celui des sinistres volontaires de la part de l’assuré.  S’il était permis de convenir avec une compagnie d’assurance  qu’elle paierait par exemple deux millions de francs en cas d’incendie d’un immeuble valant  au moins 500.000 francs, l’assuré serait trop tenté de provoquer lui-même le sinistre ». 

[67] L’équivalent de l’article L 121-4 du Code des assurances sur les assurances cumulatives.

[68] E Pasinisi, op.cit, p 279.

[69] J Mestre, op.cit. n°235: «  La subrogation légale se présente comme l’instrument juridique qui va permettre, par le transfert de créance qu’il réalise, le rejet sur le débiteur de l’obligation, de l’indemnisation que le garant avait pris en charge. C’est ainsi que de très nombreuses dispositions législatives ont, de nos jours, recours à la subrogation ».

[70] E Pasanisi, op.cit . p 281.

[71] Sur le rôle des usages en matière maritime, cf. notamment, de Juglart, note sous Cass.Com. 24 mai 1954, JCP G 1955, 8450 : « Faisant allusion aux usages locaux, M Ripert se demande, dans son traité sur le droit maritime (T I, 4èmeed.), s’ils participent à la force obligatoire de la coutume générale ou s’ils ne valent que la consécration d’une convention implicite, ou bien encore s’ils empruntent leur valeur à la jurisprudence qui les accueille. Ces trois critères sont retenus par les tribunaux ».  

[72] De Juglart, RTDCom. 1960, 196, à propos de CA Paris, 1ère ch., 19 octobre 1959.

[73] M Meurisse, Une institution pleine d’avenir : La subrogation de l’article 1251-3° du Code civil, Gaz.Pal. 1968, doctr. p 67.

[74] Cette « œuvre créatrice remarquable », selon l’expression de M Mestre, trouva sa consécration la plus achevée dans un arrêt du 22 juillet 1987 qui acheva d’éliminer les obstacles : le paiement d’une dette personnelle n’est plus un empêchement au jeu de la subrogation légale dès lors que celui qui s’en acquitte n’a pas la charge définitive de celle-ci ( Cass.Civ., 22 juillet 1987, RTDCIv. 1987, 350, obs. J Mestre). 

[75] Dans le cadre de l’évolution du droit moderne de la responsabilité, la subrogation de l’assureur constitue    « une pièce capitale du mécanisme de la garantie ». Toujours selon M Mestre, « la subrogation est devenue l’auxiliaire privilégiée de la garantie, par l’effet de très nombreuses dispositions légales qui ont bien institué de véritables cas de subrogation et non, comme on l’a trop souvent dit, des cessions d’actions déguisées. »(Note sous Cass.Civ ; 7 et 28 juillet 1978. Dalloz 1979, II, p 333.)  

[76] Exposé des motifs : « Ce nouveau cas de subrogation  légale sort quelque peu des limites qui doivent être assignées à la subrogation ».   

[77] L’expression est de M Mestre.

[78] Notamment, E Bérard, La subrogation en matière d’assurance, DMF 1956, 131.L Charbonnier, conclusions prises devant l’assemblée plénière de la Cour de cassation, arrêt du 13 novembre 1987, Rapport  de la Cour de cassation 1987, 108. JF Tantin, Le droit d’action de l’assureur subrogé : pièges et parades, DMF 2002, 803. J Kullmann, note sous  Civ. 1ère, 23 mars 1999, RGDA 1999, 330 : «  En fin de compte, la vraie bizarrerie de l’ensemble de ce système se trouve dans l’objet même de l’assurance : on le sait, l’assureur n’a objectivement aucune raison d’être subrogé puisqu’il paie une indemnité en contrepartie de la prime. »

[79] L Charbonnier, op.cit.

[80] M Capitant, op.cit., p47, mettant en relief « la nature spéciale du contrat d’assurance ».

[81] Traité de droit des assurances, Le contrat d’assurance, sous la direction de J Bigot, LGDJ,  octobre 2002.

[82] Selon la doctrine traditionnelle, « Le risque constitue un élément essentiel de l’assurance. Il en est même l’élément fondamental : c’est lui qui donne à l’opération sa véritable physionomie parce que c’est pour se couvrir contre un risque que l’assuré traite avec l’assureur. La notion de risque est une notion originale propre au droit  et à la science de l’assurance, fort différente de la notion de risque utilisée en droit civil ou dans le langage courant. » Picard et Besson, Ass.Terr., T I, n°22.  

[83] V Nicolas, Essai d’une nouvelle analyse du contrat d’assurance, LGDJ 1999. Selon cet auteur, l’aléa serait un élément à lui seul insuffisant, l’élément décisif étant la probabilité et l’acceptation d’un déséquilibre entre les parties.

[84] La formule est de M Besson, note sous Cass. Civ. 5 mars 1945, op.cit. : on ne peut que regretter que cet auteur n’ait pas tiré toutes les conséquences,  quant à la perte de l’aléa, qu’une telle expression induit.

[85] L Charbonnier. op.cit.p 115 ; En ce sens également, H Capitant : «  Le recours est contraire au caractère aléatoire du contrat d’assurance puisque l’assureur a déjà touché sous forme de primes l’équivalent du risque qu’il a assumé ».op.cit.

[86] Traité de droit des assurances terrestres, Le contrat d’assurance,LGDJ 2002, n°1638, p 1137.

[87] Dans le cadre des assurances de dommages et non pas d’assurance sur la vie, ces dernières étant calculées conformément aux lois de la statistique, selon des tables de mortalité.

[88] J Mestre, op.cit. : «  Il se peut  que l’assureur  ait déterminé  le montant des primes dues par l’assuré en considération d’une future récupération des dommages-intérêts mis à la charge du tiers ». 

[89] Cf. cependant, CA Paris, 27 mars 1903, DS 904.2.174 : dans ces espèces, la Sté d’assurances mutuelles, la Préservatrice avait calculé les primes en tenant compte de la subrogation dans les droits de son assuré.

[90] P .L.P, note sous Cass.Civ. 5 mars 1945, précité.

[91] J Perroud, note sous CA Riom, 29 janvier 1932, RGAT 1932, p 296.

[92] H Batiffol, note sous Trib.d’arrdt. d’Utrecht, 7 mai 1952, Clunet 1952, 784 : « Comme l’observent judicieusement MM Picard et Besson, la subrogation constitue un élément d’équilibre du contrat : l’assureur peut en tenir compte pour alléger la prime ; il peut y renoncer dans le contrat ce qui prouve le lien de cette institution avec l’organisation du contrat ».

[93] E Bérard, op.cit

[94] Devenu l’article L 121-12 du Code des assurances.

[95] C’est du moins ainsi que N Laurent , dans un article «  Ombres et lumières sur la règle «  Némo Contra se… » en Droit des assurances,( RGDA 2003, n°1, p 23), qualifie ces clauses . Pour notre part, nous exposerons comment de nos jours  de telles clauses nous paraissent pouvoir être appréhendées.

[96] Outre les travaux de M Mestre, A Vitu, op.cit : «  Sous l’influence vraisemblable de la loi de 1930 et de son article 36, la Cour de cassation réintègre les assureurs dans le cadre de ceux qui sont tenus avec d’autres ou pour d’autres ».

[97] B Beignier, Droit du contrat d’assurance, Coll. Droit fondamental, ed.PUF, octobre 1999, N°213, p 321.

[98] «  L’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance est subrogé, jusqu’à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur » (article L 121-12 du Code de assurances).

[99] «  Cette subrogation est conventionnelle lorsque le créancier, recevant son paiement d’une tierce personne la subroge dans ses droits et actions, privilèges et hypothèques contre le débiteur : cette subrogation doit être expresse et faite en même temps que le paiement » ( article 1250.1° c.civ.).

[100]  «  La subrogation a lieu de plein droit ….3°  Au profit de celui qui, étant tenu avec d’autres ou pour d’autres au paiement de la dette, avait intérêt de l’acquitter » ( article 1251.3° c.civ.).

[101] L’expression est de M Bérard, op.cit.

[102] Cass.Com. 29 janvier 1985. RGAT 1985, 246.

[103] Que penser d’une demande tendant à voir déclare l’assureur mal fondé en sa demande de subrogation légale sur le fondement d’une demande de nullité non encore prononcée ?  L’assureur pourra néanmoins recourir sur le fondement d’un contrat nul : s’il a pris soin de se faire délivrer un reçu par lequel son assuré déclare expressément le subroger dans tous ses droits et actions contre l’auteur de l’accident. C’est ce qu’a décidé une décision ( Cass., 1ère civ. 5 juin 1967, RGAT 1967, 53) : « Attendu que la cour d’appel a pu considérer que la société française de Recours agissait par subrogation, non sur le fondement de l’article 36 de la loi du 13 juillet 1930, mais en vertu du reçu, cette subrogation satisfaisant aux conditions requises par l’article 1251 du Code civil ».   

[104] Bulletin des Transports et de la Logistique (B T L), février 2004, J p 108, à propos de Cass. Com., 14 janvier 2004, Scac/Sté ZGF Mat et autres.

[105] Cass.1ère Civ, 9 octobre 2001- Souscripteurs du Lloyd’s e Londres/ Protectas et autres. n°98-21-939, Lamyline.

[106] Cass.1ère Civ, 12 juin 1956, RGAT 1956, 257 note Besson.

[107] Si la note de couverture prévoit une durée ferme, c’est que l’assureur a accepté de garantir le risque jusqu’à la date indiquée dans le document. On est alors en présence d’une garantie provisoire, autonome d’un premier contrat d’assurance de durée ferme, constaté, non par la police non encore émise, mais par la note de couverture à laquelle la loi reconnaît valeur probante. Cf. Traité des Assurances terrestres, LGDJ 2002, n°494, p 369.

[108] Cass. Com, 14 janvier 2004, SCAC contre Sté ZGF Mat et autres, BTL 2004, n°3021, 108.

[109] Trib. com. de Bobigny, 6 novembre 2003, BTL 2004, n°3017, P 36.

[110] Note sous Trib.com. de Bobigny, supra. 

[111] Il est vrai que dans les cas les plus fréquents, c’est à l’assuré et non à l’assureur,  de rapporter la preuve de la garantie d’assurance.

[112] Req. 1er juillet 1941. Les grands arrêts du droit de l’assurance, p 40 ; Dalloz 1943, p 57.Egalement, Traité des  des assurances terrestres, LGDJ 2002, n°598, p 459 : «  Le contrat d’assurance est un contrat consensuel. Le simple accord des parties suffit à parfaire le contrat. Pourtant, la remise de divers documents est imposée par la loi. Mais ceux-ci ne doivent pas faire douter du caractère consensuel du contrat d’assurance. Il ne doit  pas être déduit de l’article L 112-3 du Code des assurances que ce dernier est un contrat formel. Le contrat est parfait  lorsque la volonté de l’assureur et celle du souscripteur se sont rencontrées. Le fait  qu’un écrit soit requis ne donne pas au contrat d’assurance un caractère solennel.  La Cour de cassation l’a affirmé assez tôt. Elle n’a jamais varié et elle saisit, à intervalles réguliers, l’occasion de le rappeler ».    

[113].Dans le cas de polices d’abonnement « marchandise », ce certificat d’assurance atteste l’existence de la garantie, en résume les conditions de sorte que  la garantie s’incorpore à ce document, en jouant le rôle normalement dévolu à la police .Lamy assurances, ed. 2004, n°2734, p 1195.

[114] CA Paris, 24 avril 1981, DMF 1982, p 162.

[115] A cet égard, l’arrêt de la Cour d’appel de Rouen (2ème Ch. civ.) du 6 décembre 2001, censuré par l’arrêt du 14 janvier 2004 ( supra  note 100) nous semble avoir correctement apprécié ce principe.

[116] L’expression est de M de Juglart, Le particularisme du droit commercial, Dalloz 1959, chron., p 183.

[117] CA Versailles (12ème ch .) 27 mai 2003, BTL 2003, n°3001, p 90.   

[118] CA Aix-En-Provence ( Ch.com, 2ème), 13 avril 2001, Navire Océan, DMF octobre 2002, 815 : Dans cette affaire, suivant  trois connaissements émis le 9 août 1993 à Marseille faisant mention de la Sté Daewoo Electronics France en qualité de chargeur,  et la banque Leumi et ainsi que la société de droit israélien Ampa respectivement en celles de destinataire et de notify, la société Zim Israël navigation Company Ltd a transporté,   à bord du navire Ocean de Marseille à Ashod (Israël),  trois conteneurs renfermant des fours à micro ondes.  Le 4 août 1994, la compagnie d’assurance de droit israélien Harel Insurance Ltd a assigné devant le tribunal de commerce de Marseille le chargeur, le transporteur maritime et le capitaine du navire  en paiement de la somme de 174.687 dollars US , montant de l’indemnité payée à la société Ampa au titre du manquant de 1503 appareils constatés à l’arrivée. La Sté Daewoo a prétendu en appel, que vendeur « FOB port français », elle supportait les risques jusqu’au moment où la marchandise a passé le bastingage du navire au port d’embarquement convenu. Que  la société Harel Insurance Ltd n’avait pas à indemniser son assuré si la perte est survenue, comme elle le prétend, avant l’embarquement et que si elle l’a fait, ce ne peut être qu’à titre commercial.      

[119] Les jugements rendus « en l’état » laissent aux parties la possibilité d’engager une nouvelle instance  aux mêmes fins en produisant des preuves complémentaires. Cf. G Bolard, Les jugements « en l’état », JCP G 1997, 1, 4003. 

[120] JF Tantin, Le droit d’action de l’assureur subrogé : pièges et parades, DMF octobre 2002, 803.

[121] L’action subrogatoire de l’assureur est calquée sur l’action transmise par le subrogeant, assuré ou victime.

[122] CA Paris, 5ème ch. B, 7 février 2002, BTL 2002, n°2930 , p 170.

[123] Sous réserve de l’inégalité de sort entre l’assureur subrogé dans les droits de l’assuré et de l’assureur subrogé dans ceux de la victime qui peut  bénéficier, dans son action contre l’assureur de responsabilité d’un coauteur, de la prescription de droit commun de l’action en responsabilité.

[124] MH Malleville, Etude jurisprudentielle, Publications de l’université de Rouen, 1991, n° 164 : «  La convention la plus souvent jugée équivoque est incontestablement le contrat d’assurance ».

[125] CA Versailles, 14 mars 2002, DMF 2002, 630, note P Pestel-Debord.

[126]  «  Au port d’Anvers, la mise à FOB s’effectue non pas lors du chargement à bord du navire,  mais à la remise de la marchandise dans le périmètre du navire  tel que défini par l’article 1.1.1. de la résolution de l’Agha qui codifie les usages de ce port et correspondant à l’espace compris compris entre l’avant et l’arrière du navire d’une part et la profondeur du hangar, d’autre part. Selon la Cour d’appel d’Anvers et la cour de cassation,  l’usage du port d’embarquement prévaut sur les Incoterms lorsque, comme en l’espèce, ceux-ci n’ont pas été stipulés entre les parties, le contrat de vente n’ayant pas été conclu aux conditions «  FOB Anvers Incoterms », « mais uniquement «  FOB Anvers » et que le vendeur FOB a satisfait  à son obligation de délivrance en livrant dans le périmètre du navire au lieu du sous-palan ».

[127] «  En la cause, il est établi que le dommage est survenu au cours des opérations de manutention effectuées par la société Hessanatie en tant qu’agent d’exécution du transporteur maritime après la délivrance des transformateurs dans le périmètre du navire et l’émission du permis d’embarquement lequel matérialise la mise à FOB et constituait donc le terme de la mission de la société Someport-walon, tous les intervenants postérieurs recevant leurs instructions de l’acheteur.. »

[128] Cf. sur ce point, P Pestel-Debord, note sous CA Versailles, 14 mars 2002, cité note 118 :« Le commissionnaire est-il alors tenu jusqu’au bastingage du navire, ou jusqu’au chargement à bord du navire ? La situation sera encore plus compliquée en matière de mise à FOB d’un conteneur, car comme le rappelle la Chambre de Commerce Internationale, «  Quand le bastingage du navire ne joue aucun rôle pratique, comme dans le cas d’un transport Roll on/ Roll off ou en conteneurs, il est préférable d’utiliser le terme FCA  (Guide des Incoterms, 1990-69 ). 

[129] CA Versailles (12ème ch. sec.2), 8 novembre 2001, DMF 2002, 824 :« Considérant que  le propre expert mandaté par les co-assureurs, Monsieur Pitrani impute clairement l’origine des dommages, qu’il est le seul a avoir constatés, à un défaut d’emballage en relevant que la société chargée de l’emballage et de l’expédition de la machine en cause de Buenos Aires en est responsable ; considérant que l’insuffisance, l’absence ou l’inadaptation de l’emballage sur lequel il incombe à l’assuré de veiller sont des risques exclus des polices d’assurances maritimes sur facultés ; considérant que les co-assureurs ne peuvent se prévaloir de la subrogation légale dès lors qu’ils ne démontrent pas lui avoir réglé l’indemnité d’assurance qu’ils étaient contractuellement tenus de lui verser.. ».     

[130] C’est en raison du déséquilibre qu’elle entraîne que la jurisprudence, par le passé, avait refusé de lui faire porter effet : cf. Trib. Com . Marseille, 15 décembre 1981, RGAT 1981, 338 : «  Attendu que la clause d’ont s’agit a été convenue et mise au point unilatéralement par le Syndicat des Sociétés françaises d’assurance maritime et transport, qu’elle a ensuite été imposée par aux différentes sociétés d’assurance adhérentes de ce syndicat sans possibilité d’y déroger et qu’ainsi, elle a té répercutée sur l’ensemble des assurés qui ont été amenés par la force des choses, à l’admettre en annexe de leur contrat…que cette façon de procéder inhabituelle est gravement préjudiciable à la profession des transporteurs qui se voient imposer un texte léonin….que l’on peut  trouver là des éléments d’une collusion à l’intérieur d’une profession qui est en infraction avec la législation française sur la libre concurrence…que la clause syndicale  du 27 mai 1977 est en infraction, non seulement avec la loi Française, mais aussi avec les directives du Marché commun Européen.. ; qu’elle est unilatéralement imposée donc abusive et léonine et doit  être considérée comme de nul effet ».

[131] CA Angers, 24 mai 1983, Bull. transports (BT) 1983, n°2049, p 182 : «  Attendu que le tribunal a considéré , à bon droit, au vu des documents produits, que les conditions de la garantie étaient remplies sauf une, puisque rien n’établit  que l’antivol ait été enclenché par le chauffeur lorsqu’il a quitté le véhicule ; que celui-ci ne l’a pas déclaré à la police et qu’il n’est pas énoncé que lorsque le véhicule a été retrouvé , il ait fallu remplacer ledit antivol. ; que d’ailleurs aucune trace d’effraction ni sur les portes, ni sur le système antivol n’a été constaté par qui que ce soit . Attendu dès lors que la charge de la preuve de la réunion des diverses conditions de la garantie incombant à l’assuré, les conditions de l’assurance ne constituaient pas des cas d’exclusion ; qu’il échet de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a constaté que la société Rabeau et son assureur ne rapportaient pas la preuve de ce que la seconde condition d’application de la police, prévue à l’allonge 3 du contrat , section 2, est remplie , c’est-à-dire que l’antivol ait été enclenché ».

[132] Pour la jurisprudence, peu importe que le transporteur soit un tiers par rapport à l’assuré. Cf. sur ce point, CA Paris, 5ème B, 9 janvier 1997, BTL 1997, n°2690 : «  Considérant que la police n°90-0331 souscrite par la société Souriau et compagnie, pour elle-même et ses filiales, contient au chapitre «  risque de vol » une clause qui soumet la grandie à la condition que «  pendant l’absence du chauffeur, si brève soit-elle, le dispositif antivol soit dûment mis en œuvre et les portes et les portières du véhicule routier soient fermées à clé, les glaces entièrement levées et tous autres accès verrouillés » ; qu’il est incontestable , comme l’affirme un témoin du vol, que le chauffeur Pascal Zaffran, qui le reconnaît d’ailleurs, avait laissé les clefs sur le tableau de bord de la fourgonnette dont il n’avait pas verrouillé les portes et que le véhicule et son contenu ont été volés alors que le chauffeur s’était absenté un bref instant pour faire tamponner un bulletin de livraison par un employé d’un autre client de la société Comatel ; que les conditions de la garantie , en cas d’absence momentanée du chauffeur, n’étaient pas réalisées ».

[133] Comme dans l’espèce ayant donné lieu à CA Versailles,12ème ch., 29 novembre 2001,  BTL  2002, n°2928, p 127 : «  Considérant qu’il résulte des conditions particulières de la police souscrite par la société Trans Inter, qu’en cas de vol de véhicule survenu dans l’entreprise, la nuit, en fin de semaine, ou les jours fériés aux heures de fermeture, la garantie est limitée à 70% sauf justification par l’assuré d’avoir satisfait à trois conditions cumulatives tenant à ce que le véhicule dispose d’un antivol agrée enclenché, qu’il soit fermé à clef et soit équipé d’un système préventif complémentaire agréé par l’assureur.. ».  

[134] Il est  vrai que l’artifice est  inhérent à la notion de subrogation.

[135]J Kullmann, note sous Cass, 1ère civ., 23 mars 1999, RGDA 1999, 617.

[136] Dans ce cas, le règlement est manifestement intervenu hors du champ contractuel. Cf, TGI Paris, 9ème ch., 7 octobre 1967, Gaz  Pal. 1968, 1er semestre, p 222 : dans cette affaire, la victime d’un accident de la route s’était épuisée en sollicitations de toutes sortes auprès des différents assureurs avant de se résigner à attendre que soit tranchée la responsabilité. Après avoir pesé les responsabilités réciproques, l’assureur du camion à l’origine de l’accident se persuade que son assuré n’est pas responsable et que le blessé devrait être indemnisé, même partiellement ne serait-ce que pour obtenir, par un règlement forfaitaire, un désistement partiel à son égard. Ces supputations le conduisent chez la victime, à qui il verse une modique somme en lui faisant signer une quittance. L’assureur commet alors l’erreur d’insérer dans cet acte une clause précisant que le règlement est opéré à titre «  purement gracieux et humanitaire » ce qui fait dire à l’assureur adverse qu’il s‘agit d’une libéralité. Comme le relève l’annotateur, « chacun sait en effet que sous des panonceaux qui évoquent d’impitoyables activités commerciales et financières, les sociétés d’assurance pratiquent la délicatesse et cultivent secrètement bienfaisance et charité. La preuve en est que cette grâce de l’assureur philanthrope est suivie d’une assignation en répétition de l’indu. L’assureur  demandeur trébuche sur la subrogation tandis que, pour lui faire regretter encore sa générosité, le tribunal retient la responsabilité du défendeur…Il est de mauvais ton de fustiger le soi-disant esprit chicanier d’assureurs qui savent parfois s’élever au niveau de l’humain ».             

[137] Cass, 1ère civ. 23 mars 1999, cité note 129.

[138] M de Juglart, note sous CA  Paris, 19 octobre 1969, JCP G 1969, II, 11443.

[139] Entres autres atténuations, il a pu être décidé que la subrogation est valable ,alors même que la paiement a été antérieur à la délivrance de la quittance subrogative, si ce paiement a été effectué sous réserve de la délivrance de la quittance ( Cass. Req, 14 décembre 1958, DP 1859, I, 150) ou si des paiements partiels ont eu lieu avant la délivrance de cette quittance dès lors qu’ « il apparaît des circonstances que l’intention manifeste du subrogeant et du subrogé étaient que les paiements partiels, faits antérieurement au paiement pour solde, ne devaient avoir leur effet définitif et libératoire que le jour où ils seraient régulièrement constatés après une quittance définitive ; il suffit que la subrogation ait eu lieu en même temps qu’a été délivré la quittance unique et définitive en vue de la subrogation » ( CA Dijon, 30 juillet 1897 , DP 1901.I.89).

[140] Cf. en ce sens,la démonstration fort convaincante de P Lureau, L’action de l’assureur contre le transporteur responsable, DMF 1953, 3  «  En fait, cette double exigence est rarement remplie : assuré et assureur sont en compte courant, les sinistres sont compensés avec les primes , de nombreux tiers porteurs sont bénéficiaires d’assurance contractées par autrui, etc…Il est rare qu’une quittance accompagne le paiement et encore plus exceptionnel que cette quittance, quand elle existe, comporte la convention expresse de subrogation. Le plus souvent, la quittance et la convention subrogative ne sont établies que lorsque la compagnie de navigation, poursuivie par l’assureur, en demande la production : inévitablement, la quittance se trouve alors postérieure, souvent de plusieurs mois, au paiement intervenu. En d’autres circonstances, les assureurs préfèrent agir contre le transporteur avant d’avoir indemnisé l’assuré ».   

[141]Contra, M de Juglart, note citée au n°132 : «  Ce qu’il ne faut pas dire à ce propos, comme cela a été avancé parfois ( Trib. Com .Marseille, 5 mai 1950, DMF 1951, 22), c’est que la subrogation résulte de la police elle-même, car un tel transfert ne peut certainement pas être réalisé avant le paiement et surtout, avant la survenance du sinistre ». 

[142] Cass, 1ère Civ.23 mars 1999, RTDCiv. 1999, 330, obs. J Mestre.

[143] Cass, 1ère civ, 10 mai 1989, RGAT 1989, 559 : «  Si les quittances d’indemnités délivrées par l’assureur ne portent aucune mention de subrogation de l’assureur dans les droits de la victime, les conditions de la subrogation conventionnelle font défaut » ; Egalement, CA Nancy,26 mars 1987, RGAT 1987, 320 : «  Attendu que les quatre quittances produites ne font pas état de la subrogation, qu’aucun signataire de ces quittances ne donne ses droits et cations à la société X contre la clinique Sainte-Thérèse. Attendu qu’une telle transmission de droits n’est ni expresse, ni tacite ; que bien mieux, la quittance porte la mention contraire «  je réserve mes droits et actions contre la clinique Sainte-Thérèse.. ».  

[144] Cass, 1ère civ. 23 mars 1999, supra note 136, obs Mestre : «  La souplesse jurisprudentielle ne parait plus de mise…Ainsi, on peut avoir le sentiment, à la lumière des formules générales utilisées par la Cour de Cassation et notamment  de l’exigence au-delà des termes légaux, d’une concomitance spécialement établie, que l’appréciation de la validité formelle de la subrogation consentie par le créancier sera désormais un peu plus sévère qu’elle ne l’était jusqu’à présent. A vrai dire, la nullité n’était jusque là encourue que dans les cas où la rédaction particulièrement maladroite de la quittance subrogative révélait le défaut de concomitance. A présent, les choses pourront être plus délicates puisque le subrogé devra établir spécialement la concomitance et ne pourra donc plus se retrancher derrière de simples manifestations de volonté, voire des présomptions de fait. Espérons toutefois que la souplesse ancienne demeure dominante pour que ne soit pas trop contrariée l’avenir d’une institution qui a déjà largement  fait la preuve de son utilité ».  

[145] CA Aix-En-Provence, 7 mai 2002, DMF 2002, 830.

[146] CA Versailles, 11ème ch. 27 mai 2003, citée supra n°111 : «  Considérant que le 12 novembre 1997, la société comptoirs Dayaux a signé un acte de subrogation en déclarant avoir reçu la somme de 18.118, 72 euros en règlement de dommages subis par ses marchandises et en subrogeant ses assureurs, dont le nom n’est toutefois pas mentionné ; considérant que ses représentants ont adressé à AMTI au Havre un chèque de 18.625 euros destiné à l’assuré ; que cette lettre datée du 26 novembre 1997, est postérieure de 14 jours à la date de la signature de l’acte de subrogation ;  considérant que le 30 octobre 1999, la société Comptoirs Dayaux a signé un deuxième acte de subrogation qui précise le nom des compagnies d’assurances dont elle avait reçu la somme 21 mois plus tôt, qui porte la mention «  annule et remplace la subrogation du 12 novembre 1997 » ; qu’il en résulte que la subrogation n’est pas concomitante au paiement de l’indemnité ». 

[147] « Les maléfices de la subrogation tardive » , à propos de Trib. com Paris, 1ère ch. 8 février 1999, BTL 1999, n°2801 : Des dommages ayant été causés à des marchandises, l’expéditeur déclare le sinistre à son assureur , lequel demande en référé, le 27 novembre 1990, la désignation d’un Expert. C’est seulement le 28 avril 1992 que l’assureur indemnise l’expéditeur et assigne les intervenants à la chaîne de transport. Le Tribunal dit l’assureur prescrit en sa demande aux motifs suivants : « Attendu en effet qu’aux termes de l’article 1250 du code civil, la subrogation doit être expresse et faite en même temps que le paiement, qu’en l’espèce, au moment de l’assignation en référé, il n’y avait pas subrogation car il n’y avait pas paiement, peu importe qu’il y ait eu des paiements partiels en fin de procédure de référé, car la subrogation ne peut intervenir que lors du paiement du solde. Attendu que le GAN ne démontre pas que la subrogation soit intervenue entre lui-même et son assuré avant que soit rendue l’ordonnance de référé pouvant interrompre la prescription annale ; attendu qu’il ne peut , comme en l’espèce , être argué par le GAN qu’il s’agissait à l’époque d’une assignation anticipée et que son assignation en référé en était la manifestation évidente ; qu’en effet, la désignation d’un collège expertal ne permettait au GAN que d’estimer sa position sur les garanties d’assurances, lui donnant la possibilité éventuellement d’écarter totalement ou partiellement sa garantie en fonction des responsabilités qui seraient ainsi déterminées ».          

[148] Cf . supra note 139.

[149] J F Tantin, op.cit., cité supra note 73.

[150] JF Tantin, op.cit.

[151] J Mestre, Autour de l’effet translatif de la subrogation personnelle, RTDCiv. 1986, 318.

[152] L’effet essentiel de la subrogation est de mettre le subrogé à la place du créancier dans le rapport d’obligations. Le subrogé reçoit donc les droits et actions dont l’accipiens était titulaire contre le débiteur.

[153] E Bérard, op.cit., 132.

[154]M Mestre, pour qui ce principe « qui renferme encore quelques incertitudes qu’il appartient aux juges de dissiper au fil des espèces,  illustre mieux que tout autre, la nature profonde de la subrogation personnelle qui est d’éviter l’effet normalement extinctif du paiement en investissant la personne qui a payé la dette d’autrui de la créance même qu’elle a réglée, mais sans que la charge du débiteur sans trouve elle-même  affectée ». RTDCiv 2003, 298.

[155] Cass, 1ère Civ, 4 février 2003, RGDA 2003, 345 ; Argus de l’assurance  2003, p 38 : un maître de l’ouvrage confie des travaux de couverture d’une maison à un couvreur qui pose des tuiles fournies par un revendeur qui se révèlent gélives. Après divers recours,  le revendeur sollicite la garantie de l’assureur du fabriquant  qui lui oppose la prescription de l’article L 110-4 du Code de commerce. L’arrêt de la cour d’appel qui avait jugé que l’action du revendeur était soumise à la prescription de l’action directe du tiers lésé est cassé aux motifs : « Vu les articles 1251 du code civil, L 110-4 du code de commerce et L 124-3 du code des assurances ; attendu que pour faire droit à l’action directe exercé par le revendeur en qualité de subrogé dans les droits et actions du maître de l’ouvrage contre l’assureur du fabriquant , la cour d’appel é estimé que ce revendeur n’avait pu agir à l’encontre du fabricant  de tuiles et de l’assureur de celui-ci qu’après avoir été lui-même assigné par le maître de l’ouvrage, soit le 28septembre 1989, de sorte que le revendeur ayant assigné au fond l’assureur du fabricant par acte du 19 février 1997 ne pouvait se voir opposer la prescription décennale ; attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait retenu que le revendeur n’agissait pas en qualité de tiers lésé mais comme subrogé dans les droits du maître de l’ouvrage, la cour d’appel a violé les textes susvisés ». Sur l’incidence de cette jurisprudence en matière de transport : «  Les professionnels du transport et ceux qui les garantissent en tireront la leçon : dès qu’ils sont subrogés, ils possèdent la qualité et l’intérêt nécessaires et doivent agir dans le même délai que le subrogeant sans attendre une éventuelle assignation pour se manifester » ( BTL 2003, n°2978, 179, note sous  Cass. 1ère civ. 4 février 2003). 

[156] J Mestre, supra note 147.

[157] Notamment, Cass, 1ère civ. 8 novembre 1989 ; Cass, 1ère civ.4 juin 1996, RCA 1996, n°336.

[158] Cf. cependant une ancienne décision qui avait écarté, à juste titre, l’autorité de chose jugée, ses conditions n’étant pas réunies : Cass. civ., 16 mars 1943, RGAT 1943, III, note A Besson. 

[159] H Margeat, J Landel, note sous Cass, 8 novembre 1989, supra note 151.

[160] Cass.com. 17 décembre 1985 , Bull.civ. IV, n°296, p 253.

[161] « Le point est intéressant et paraît clore, par la netteté des propos utilisés, le long débat qui s’était antérieurement instauré. Certes, la jurisprudence avait toujours admis que le subrogé soit en droit de faire  exercer les droits retirés de la subrogation par un mandataire et que celui-ci pouvait très bien être le subrogeant  lui-même. Mais en revanche la question fut discutée de savoir si le subrogeant pouvait également être le simple prête-nom du subrogé, et donc exercer l’action du subrogé sans que la règle «  nul ne plaide par procureur «  ne put davantage être invoquée contre lui… A présent, la chambre commerciale tranche donc nettement en faveur de la recevabilité de l’action du subrogeant. Naturellement, au plan de la pureté des principes, on pourra objecter que la qualité du titulaire apparent de la créance prête souvent chez lui à équivoque mais force est cependant de reconnaître que les motifs poussant le défendeur à plaider l’irrecevabilité sont très généralement « d’une moralité douteuse ». J Mestre, obs. sous Cass. com. 17 décembre 1985, RTDCiv 1986, p 319.

[162] Cass.com. 23 janvier 2001, D . 2001.11858, obs A Liehnard.

[163] Ainsi que nous le verrons plus loin.

[164] J Mestre, RTDCiv. 2003, 298.

[165] Cass, 1ère civ, 30 octobre 1995, RCA 1996, n°37.Cass, 1ère civ.29 avril 1975, JCP G 1976, II.18212, obs Besson. V également en matière d’assurance maritime, Trib. com. Marseille, 2 juillet 1948, DMF 1948, 203 :        « La subrogation de l’assureur par le destinataire dans tous ses droits, actions, et recours contre le transporteur maritime et tous autres tiers responsables à raison d’un manquant emporte interdiction pour le subrogeant,tant vis-à-vis des assureurs que de tous débiteurs d’obligations à son égard, d’exercer les droits qui lui appartenaient précédemment ».

[166] C’est cette obligation qui lui interdit, s’agissant d’un propriétaire, de renoncer, à l’insu de son assureur, à tout recours contre le locataire et l’assureur de ce dernier. Cass, 1ère civ, 3 novembre 1993, RCA  1994, comm.28 obs Groutel . En matière maritime, l’article L 172-23 du Code des assurances prévoit que «  l’assuré doit prendre toute mesures conservatoires de ses droits contre le tiers responsable. Il est responsable envers l’assureur du dommage causé par l’inexécution de cette obligation résultant de sa faute ou de sa négligence ». Cet article n’étant pas d’ordre public, la police pourrait prévoir une sanction plus sévère : suspension, résolution du contrat ou même déchéance (Rodière, Précis de droit maritime, n°598). Cf., notamment sur ce point, Cass, com 27 novembre 1973, BTL 1974, 222 : Sur 11 téléviseurs transportés, trois étaient atteints de dommages non apparents et le destinataire s’était contenté de faire à leur sujet des réserves de style ; les juges du fond avaient donc sanctionné, sans violer la loi selon la Cour de cassation, cette négligence en  déduisant du montant de l’indemnité celui des avaries qui affectaient ces trois appareils en réparation du préjudice subi par l’assureur. En ce qui concerne le moyen du pourvoi de l’assureur qui soutenait que l’assuré aurait dû exercer, dans le délai légal d’un an après la  livraison, le recours en responsabilité contre le bord, la Cour de cassation confirme la décision  de la Cour d’appel qui n’avait fait qu’exprimer l’opinion de la doctrine et de la jurisprudence dominante suivant  laquelle l’assuré est tenu de conserver le recours et non  de l’exercer et qu’il a rempli son obligation lorsqu’il a protesté en temps utile contre le transporteur. 

[167] Cass. com 12 avril 1976, BT 1976 n°1738, p 268.

[168] CA Rouen, 26 février 1981, BT 1981 n°2019, p 368. 

[169] Pour un exemple où l’assuré a été jugé responsable de la prescription de l’action de son assureur. V. Trib. com. de Bordeaux 27 mars 1952, DMF 1952, 663.

[170] J Mestre, op.cit. n°246 : «  Le recours peut, dans ce dernier cas, paraître a priori paradoxal, puisque par hypothèse, l’assuré est lui-même responsable, et donc débiteur et que c’est cette dette de responsabilité que  prend précisément en charge l’assureur ».

[171] A Besson, note sous Cass, 1ère civ, 21 décembre 1943, JCP 1943, II, 2779 : « Les choses peuvent cependant se présenter autrement. Si , par définition même l’assuré doit être responsable pour que l’assureur soit tenu à garantie, faut-il encore déterminer la nature de cette responsabilité, savoir s’il s’agit d’une responsabilité personnelle définitive  ou d’une responsabilité pour autrui. Ici, apparaît avec toute son importance, la distinction classique entre l’obligation à la dette et la contribution à la dette. Sans doute, l’assuré est responsable envers la victime, il est tenu de l’indemniser ; il est obligé à la dette. Mais il ne doit pas nécessairement supporter le poids de cette indemnisation. Sa contribution à la dette peut être différente ; elle peut être nulle si il est responsable pour autrui. En un mot, il peut disposer d’un recours total ou partiel contre un autre responsable. Et c’est dans ce cas que  l’article 36 entre en application ; la subrogation édictée par ce texte implique que l’assuré dispose d’un recours contre un tiers, c’est-à-dire ici que les dommages et intérêts dus à la victime doivent être supportés en tout ou en partie par ce tiers et que l’assuré, en acquittant plus que sa contribution personnelle, a payé pour autrui ».

[172] L Charbonnier, conclusions prises devant l’assemblée plénière de la Cour de cassation. Arrêt du 13 novembre 1987 ( Bull. AP n°5, p 11). 

[173] Cass, 3ème civ. 26 novembre 2003, JCP G 2004, IV, 1143.

[174] Cass, 1ère civ, 21 décembre 1943, supra : «  L’assureur de dommages qui a payé l’indemnité d’assurance étant subrogé dans les droits et actions de l’assuré contre le tiers responsable du sinistre, il s’ensuit que l’assureur de responsabilité est, en cas de responsabilité partagée du sinistre, investi des droits de la victime contre le tiers avec lequel ou pou lequel l’assuré était tenu, dans la mesure où la responsabilité définitive incombe à ce tiers ».

[175] J Mestre, op. cit.,  n° 246 : «  Mais il ne faut pas oublier que parfois l’assuré, tenu au tout envers la victime , ne doit pas supporter le poids définitif de la dette  ou ne doit en supporter qu’une partie , laissant l’autre à la charge du coresponsable, avec lequel il était obligé in solidum : l’assureur de responsabilité, subrogé aux droits de son assuré , pourra alors, par une seconde subrogation, aux droits de la victime, cette fois, agir contre le coauteur comme l’assuré lui-même aurait pu le faire s’il avait désintéressé la victime ».       

[176] Si donc l’assuré est l’auteur du fait qui a causé le dommage, un lecture littérale de l’article L 121-12 du Code des assurances conduit à dénier toute subrogation à son assureur de responsabilité, sauf à recourir à la subrogation légale où à la subrogation conventionnelle prévues par le Code civil.

[177] Les décisions rendues sur ces deux questions soit, éludent totalement la théorie de l’assurance de responsabilité, au profit exclusivement de celle de la subrogation, soit font un amalgame fâcheux  entre ces deux théories.

[178] A Besson, note sous Tribunal civil d’Issoudun, 9 février 1939, RGAT 1939, 481 : « Si la loi supprime le recours de l’assureur contre certaines personnes, c’est parce que, sans l’assurance, la victime n’aurait pas agi elle-même contre l’auteur du sinistre ».

[179] A Besson, note sous Cass.civ.. 5 mars 1945, D 1946, 1.

[180] Ass.Pléinière Cour de cassation, 13 décembre 2002, Bull civ. n°5 : Pour que la responsabilité des père et mère puisse être recherchée, il suffit que le dommage invoqué par la victime ait été directement causé, par le fait, même non fautif du mineur.

[181] L Charbonnier, supra note 163.

[182] L Charbonnier, op.cit. : «  Ce qui frappe, de prime abord, c’est que l’article L 121-12 n’a pas été écrit à propos des assurances de responsabilité , auxquelles on prétend l’appliquer ; il est contenu dans le chapitre général du titre II ( livre 1er du Code des assurances qui traite des Règles relatives aux assurances de dommages non maritimes et, si ce titre contient bien in fine un chapitre IV relatif aux assurances de responsabilité, on constate avec surprise que la chapitre I qui institue des «  dispositions générales » et dans lequel figure l’article L 121-12, est pratiquement  consacré tout entier aux assurances de choses. Le premier article de ce chapitre (L 121-1) le marque clairement : «  L’assurance relative aux biens est un contrat d’indemnité ; l’indemnité due par l’assureur à l’assuré ne peut dépasser le montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre ». et tous autres articles du même chapitre ( L 121-1 à L 121-15)  se réfèrent à la « chose » ou «  objet », soit de façon expresse    ( articles L 121-3, 121-5, 121-6, 121-7,121-9, 121-10, 121-14, 121-15), soit tout au moins implicitement. Nous sommes donc en présence d’une incohérence étonnante : un chapitre général entièrement écrit pour les assurances de chose en tête d’un titre qui se termine par un chapitre relatif, non aux assurances de choses, mais aux assurances de responsabilité. Comment expliquer cette distorsion ? On en découvre la cause si on se reporte aux travaux parlementaires qui ont abouti à la loi du 13 juillet 1930. On constate alors qu’il s’agit d’un accident d’élaboration législative ; a l’origine, le titre II du projet ne concernait que les assurances de chose, de sorte que , logiquement, son chapitre général ne traitait que de ce sujet ; le parlement a estimé, en cours de débats, devoir incorporer dans ce titre II un chapitre IV concernant les assurances de responsabilité - ce qui a été fait sans modification du chapitre général ( cf. . à cet égard rapport Lafarge, Documents parlementaires, Chambre , p 1161). Le chapitre 1er intitulé «  dispositions générales » du titre II (livre 1er) de l’actuel Code des assurances, a donc bien rédigé pour les seules assurances de choses ».     

[183] Y Jouhaud, La loyauté dans les contrats d’assurance, Etude, rapport Cour de cassation 1987.

[184] Assemblée plénière, 13 novembre 1987, Bull.civ, AP n°5, p 11 : cette décision constitue une innovation par rapport au seul arrêt  ayant été rendu jusque là en la matière et qui admettait, à propos d’un préposé, que l’acte de malveillance, faisant renaître le recours subrogatoire, pouvait aussi bien être dirigé contre un tiers que contre l’assuré lui-même ( Cass, 1ère civ. 15 janvier 1970, Bull. Civ, n°1, p1). 

[185] Outre qu’elle favorise les demandes fantaisistes : pour échapper à la demande subrogatoire d’un assureur de victimes, une jeune femme de dix-neuf ans, responsable de l’accident, non titulaire du permis de conduire, a été jusqu’à prétendre qu’elle avait agi dans un rapport de préposition la liant à son ami,  propriétaire du véhicule, qui, compte tenu de son âge (vingt-huit ans), « avait nécessairement de l’ascendance sur elle », de sorte qu’elle n’avait pu refuser de lui obéir. Rappelant « qu’aucun préposé ne peut se voir reprocher de refuser d’exécuter l’ordre manifestement illégal de son commettant», la Cour d’appel de Versailles la déboute de cette argumentation (CA Versailles,  1ère ch., 19 mai 2000. Dalloz 2000, IR 167). 

[186] Art L 121-12 al 3 CA. : “ Par dérogation aux dispositions  précédentes,  l’assureur  n’a aucun recours contre les enfants ,descendants, ascendants , alliés en ligne directe, préposés, employés, ouvriers ou domestiques, et généralement toute personne vivant habituellement au foyer de l’assuré, sauf le cas de malveillance commise par une de ces personnes ».

[187] Dans son commentaire de la loi de 1930(DP 1931-IV-24), Trasbot soulignait qu’ « il y a là un point délicat à trancher » et qu’ « en attendant qu’il le soit, les assurés agiront prudemment en faisant préciser dans leurs polices une exclusion de subrogation dans leurs actions contre leurs parents ou alliés ou ne vivant pas habituellement avec eux ». 

[188] Cass, civ. 28 octobre 1947, D 1947, J p13, note P.L-P, JCP 1948, II, 41416, note A Besson, RGAT 1947, note Besson.

[189] Cf . sur ce point, H Groutel, Menaces sur la subrogation de l’assureur, RCA , hors-série Décembre 1998,          p 307 : «  Il pourra s’agir d’un(e) ami(e) , d’un(e) concubin(e) , d’une personne recueillie, bref de toute personne que son intimité avec l’assuré permet d’assimiler aux personnes nommées quant au fondement de l’immunité ; Celle-ci repose sur l’idée qu’il ne faut pas que le recours de l’assureur vienne troubler la paix dans un cercle de personnes, alors qu’il y a tout lieu de penser que l’assuré, si précisément il n’y avait pas eu d’assurance, n’aurait pas agi contre ces personnes ».

[190] CA Douai, 24 novembre 1947, RGAT 1947, note A Besson.

[191] Par application des critères dégagés par l’arrêt du 28 octobre 1947, la subrogation devait être refusée  à l’assureur, puisque le tiers responsable était le gendre de l’assuré , bien que ne vivant pas sous le même toit que ce dernier.

[192] Cass, 1ère civ, 2 juillet 1991,RCA hors série décembre 1998, p 308.

[193] H Groutel, op.cit .

[194] H groutel, op.cit.

[195] H groutel, op.cit., pour qui, dans cette affaire, rien ne justifiait une telle limitation, puisque les mineurs et leurs parents étaient assurés.

[196] H Groutel, op.cit : « Les immunités fondées sur la nouvelle jurisprudence pousseront comme des champignons en cet automne, même si on ne les attend pas, et les assureurs risquent d’être toujours en retard d’une tarification ».

[197] Cass. civ 28 octobre 1947, D 1948, note P. L.-P , JCP 1948, II, 4146, note Besson. Cf ; également dans le même sens, , CIv, 1ère 28 avril 1970, RGAT 1971, 68. ; .JCP 1970-II-16420. Ci, 1ère, 6 juin 1990, Bull.n°190.

[198] Picard et Besson, Les assurances terrestres, I, n°346.

[199] P Lerebourgs-Pigeonnière, op.cit.

[200] H Groutel, op.cit.

[201] Besson, op.cit., cité par CJ Berr et H Groutel, Les grands arrêts du droit de l’assurance, Sirey 1978, p 201.

[202] Cass, 1ère civ, 26 mai 1993, RCA hors série  décembre 1998, p 305. 

[203] Cass, 1ère civ, 8 décembre 1993, Bull n°357 : dans cette espèce, le logement mis par un employeur à la disposition de son préposé, moyennant certains contreparties financières, a été endommagé. Après avoir indemnisé son assuré propriétaire du logement, l’assureur de dommages a exercé un recours subrogatoire contre l’assureur du préposé estimé responsable de l’incendie. Ce dernier a prétendu qu’un tel recours était irrecevable par application de l’article L 121-12, alinéa 3. Mais la Cour d’appel a considéré qu’au moment où l’incendie s’était déclaré, l’occupant du logement n’était pas soumis à l’autorité de son employeur et qu’il ne s’agissait pas, au demeurant, d’un logement de fonctions.  

[204] Berr et Groutel, supra note 188 :« En définitive, lorsque la subrogation est écartée, aucun des droits de l’assuré n’est transmis à l’assureur ».

[205] Rapport de la Cour de cassation pour l’année 1993 : «  On sait, en effet, qu’en application d’une jurisprudence devenue constante après, toutefois quelques hésitations, que la victime d’un dommage qui a renoncé à exercer une action en responsabilité contre son cocontractant (par exemple dans un contrat de bail) garde la possibilité d’exercer un recours contre l’assureur de ce dernier. De même, il résulte de l’arrêt de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation du 3 juin 1983, que la sécurité sociale, privée de son recours contre le conjoint de la victime, responsable de l’accident, parce qu’un tel recours priverait indirectement celle-ci du bénéfice des prestations auxquelles elle a droit, peut néanmoins agir contre l’assureur de responsabilité ; l’arrêt commenté apporte ainsi une plus grande cohérence dans les réponses données à des situations comparables ».

[206] M Groutel a été jusqu’à écrire ( op .cit.), «  qu’avec l’arrêt du 26 mai 1993, la 1ère chambre civile était  tenue d’une obligation de parfait achèvement en matière d’immunités ».

[207] Notamment, Civ., 1ère civ., 20 juillet 1988, RGAT 1988, note J Bigot. Civ, 1ère , 29 octobre 2002, RGDA 2003, n°1, p 112. La renonciation peut émaner soit de l’assuré, dans le contrat de bail par exemple, ou dans un contrat de dépôt, soit de l’assureur lorsqu’elle est prévue par une clause de la  police. Elle peut intervenir avant comme après sinistre. Cf ; également, F Vincent, La jurisprudence récente en matière de renonciations à recours et ses problèmes, RGAT 1990, n°3, qui notamment analyse les inconvénients de la jurisprudence au regard des assurances pour compte et des assurances cumulatives.

[208] Les polices types incendie prévoient généralement une surprime en cas de renonciation à recours de l’assureur.

[209] Cass, 1ère civ, 26 mai 1993, RCA 1993, comm. n°52.

[210] Ce principe est interprété de manière très libérale par les juridictions consulaires. Cf. notamment, CA Paris,     5 ème A , 4 février 2004, BTL 2004, n°3023 : «  Considérant  que les appelantes font valoir qu’il résulte des dispositions de l’article 11 du contrat de sécurité, aux termes duquel «  la responsabilité du concessionnaire signataire ne peut être engagée en cas d’avarie sur les marchandises transportées . Il appartient à l’utilisateur de souscrire une assurance couvrant le risque », qu’elles sont exonérées de toute responsabilité en ce qui concerne les avaries constatées sur les marchandises transportées. Mais, considérant que c’est  à bon droit que les premiers  juges ont observé que cette clause s’analysait comme une clause de renonciation à recours contre la personne responsable du dommage, laquelle n’emporte pas, sauf stipulation contraire, renonciation à recourir contre l’assureur de cette personne ».,    

[211] Cf. E Bérard, La subrogation en matière d’assurance, DMF 1956, p 131.

[212] Cass, 1ère Civ. 5 juillet 1988, RCA 1988, comm. 52 : cette décision avait décidé que, si l’assureur a renoncé dans son contrat à tout recours contre le tiers responsable, il ne peut agir non plus contre son assureur à moins de dispositions spéciale du contrat  lui ménageant cette possibilité.

[213] Cass, 1ère Civ . 20 juillet 1988, RCA 1988, comm. 51 : à l’inverse de ce qu’avait jugé la décision du 5 juillet 1988, et non sans contradiction avec elle, cet arrêt maintient le recours d’un assureur (d’un déposant) contre l’assureur (du dépositaire). Si le déposant avait d’avance renoncé à obtenir réparation du dépositaire, il n’avait pas renoncé à l’exercice de l’action directe contre l’assureur de celui-ci. 

[214] cf. supra n° 72.

[215]  M Guittard L’action directe de l’assuré et de l’assureur subrogé, contre l’assureur du responsable du dommage indemnisé et renonciations à recours, L’ Assurance Française 199O, n° 606, p 354 : «  L’action directe de l’assuré « renonciateur » ou de son assureur, subrogé dans ses droits, aboutirait , en fait, à en plaçant, le souscripteur de la police dans une situation de sous-assurance, à exercer indirectement contre « le renonciataire » le recours qui lui était interdit du fait de la renonciation. »

[216] Entre les décisions des 5 et 20 juillet 1988, citée supra note 197 et 198. Sur cette contrariété, cf. notamment, M Guittard, op.cit. :  «  Et c’est à ce moment que l’on peut évoquer la contradiction existant entre l’arrêt du 5 juillet 1988, et celui du 20 juillet 1988. En effet, d’après cette première décision, le droit de l’assureur de choses contre l’assureur de responsabilité ne peut trouver son fondement que dans le droit existant contre le tiers responsable, alors que dans l’arrêt du 20 juillet 1988, cette condition n’est plus nécessaire ». Cf. également H Groutel, L’affirmation d’une doctrine de la cour de cassation en matière de renonciations à recours, RCA octobre 1993, doctrine 30 : «  A vrai dire, un alignement était inéluctable, et avec le recul on voit mieux comment les positions prises en 1988 étaient incohérentes. Même si l’assureur de chose ne s’était pas réservé un recours contre l’assureur du responsable, qu’est-ce qui pouvait lui interdire, en se présentant comme subrogé dans les droits de son assuré, et grâce à l’arrêt  du 20 juillet, d’agir contre ce même assureur ? Si la renonciation de la victime envers le responsable n’empêche pas l’assureur de choses d’agir contre l’assureur de celui-ci, à plus forte raison, le recours est-il possible lorsque ladite victime n’a renoncé à rien du tout. L’arrêt du 20 juillet contenait en germe la condamnation de celui du 5 juillet ».

[217] Cette proposition se heurte cependant à une objection d’ordre pragmatique : dans les évaluations qui contribuent à la fixation de la prime, l’assureur de choses intègre les récupérations qu’il peut retirer de la subrogation. Si l’on décide que l’immunité dont jouit un assuré responsable du fait de la renonciation ne s’étend pas à son assureur, cela peut créer un déséquilibre dans l’opération d’assurance.

[218] Sur l’ensemble de la question, cf. notamment , A Favre-Rochex, La subrogation de l’assureur de personnes, Gaz.Pal ; 1993, doctr. 145 ; H Margeat, La subrogation en assurance de personnes à caractère indemnitaire, RGAT 1993, n°2, 254.

[219] H Capitant, Du recours soit de l’assureur, soit de l’assuré.  RTDCiv 1906,  p 37.

[220] Cass. assemblée plénière, arrêt du 19 décembre 2003, n°01-10.670.

[221] Tandis que le projet de 1904 appliquait la subrogation aux assurances de personnes comme aux assurances de dommages, la loi de 1930, se conformant aux lois suisses (art 63 et 64) et allemande (article 55), ne l’a admis  que pour les assurances de dommages.

[222] Selon ce principe , posé par la l’article L 131-2 du Code des assurances ( ancien article 35 de la loi du 13 juillet 1930), inclus dans le chapitre I « Dispositions générale » du titre III relatif aux assurances de personnes, l’indemnité versée par l’assureur exclut tout recours de sa part : «  Dans l’assurance de personnes, l’assureur, après paiement de la somme assurée , ne peut être subrogé aux droits du contractant ou du bénéficiaire contre des tiers à raison du sinistre » .

[223] Article L 131-1 selon lequel, en matière d’assurance sur la vie et contre les accidents atteignant les personnes, les sommes assurées sont fixées par le contrat.

[224] Notamment, Crim, 13 novembre 1986, Bull.n°336.

[225] Avis de M Benmakhlouf, à propos de Cass. Assemblée plénière,  19 décembre 2003, n° 01-10.670.

[226] Notamment, Civ. 1ère, 6 octobre 1993, Bull. n°270. Le principe forfaitaire consacré par ces décisions est également rappelé en matière sociale  (Soc. 4 juillet 1996, n°94-18.221).

[227] Civ, 1ère 15 décembre 1998, Bull n°355. La portée de cet arrêt doit être restreinte : s’agissant d’une assurance «  avance sur indemnité », l’existence d’un recours était expressément prévu par la loi.

[228] Telle celle de la garantie des dommages corporels en cas de responsabilité avérée du tiers auteur.

[229] Travaux préparatoires de la loi du 16 juillet 1992, rapport de M  Planchou, A.N., n° 2627.  Cette loi a pu être présentée par M Bigot ( JCP G 1992, n°45, p 484 ) «  comme une vielle idée des assureurs revendiquant sur ce point l’égalité avec les mutuelles qui bénéficient de ce droit, qui avait déjà fait l’objet d’une tentative avec le Parlement. »

[230] Notamment, A Favre-Rochex, La subrogation de l’assureur de personnes, Gaz.Pal 1993, doctr. 145.

[231] P Jourdain, RTDCiv. 2000, p 129.

[232] Y Lambert-Faivre, Dalloz 1999, p 152. Cf également du même auteur, «  Le lien entre la subrogation et le caractère indemnitaire des prestations des tiers payeurs » , D 1987, chron. p 97.

[233] Cf. ; sur ce point, l’analyse de M Beignier, Droit du contrat d’assurance, PUF, octobre 1999, n°213 : « La jurisprudence qui a refusé toute subrogation dans le cas d’une assurance visant à remplacer les revenus professionnels par des indemnités journalières (1ère Civ. , 17 mars 1993, B.L, n°113, D 1993, IR 85, . 1ère civ. 16 mai 1995, Bull n°205, analogie avec le recours de la sécurité sociale qui se justifie de la même manière, soc.4 juillet 1996, RCA 1997, chron.2) est contestable, car contrairement  à ce qui dit la Cour, ce n’est pas parce qu’elles sont calculées en fonction d’éléments prédéterminés par les parties, indépendamment du préjudice subi que ces assurances n’obéissent pas à une logique indemnitaire. A ce titre, on peut en dire de même avec l’assurance de chose en valeur agréée (comme celle d’un cheval de course). L’évolution de la jurisprudence en 1997, qui oblige désormais le candidat à l’assurance à relever tous les autres contrats d’assurance de personnes qu’il a déjà souscrits implique, dans un bref avenir, à une modification de ces vues. C’est, semble-t-il ce qu’amorce un notable arrêt  du 15 décembre 1998 ( B, I, n°235) qui a voulu esquisser un rapprochement avec la jurisprudence contraire de la Chambre criminelle (Crim. 18 septembre 1996, Bull. n°319)…. Dans le cas d’espèce, le contrat stipulait que  « si l’assuré n’a aucune responsabilité dans l’accident, notre règlement constitue une avance sur recours que nous sommes habilités, au titre de notre recours subrogatoire, à récupérer sur le montant de l’indemnité pouvant être versée au bénéficiaire par toute personne tenue à réparation ou son assureur ».

[234] Ce critère a été mis en avant par Mme TrIc, conseiller rapporteur, lors de l’audience ayant donné lieu à l’arrêt du 29 décembre 2003, cité note 205.

[235] cité note 205 : «  attendu que , selon l’arrêt confirmatif attaqué ( Paris, 6 février 2001) , que le 21 octobre 1987, M Jacques X, bénéficiaire d’une assurance de groupe souscrite le 5 mai 1983 , au titre du régime de prévoyance des salariés cadres, par son employeur, la société Oceano instruments, auprès de la compagnie la Mondiale, a été victime d’un accident de a circulation dont M Y.., assuré par la compagnie Uni Europe, aux droits de laquelle se trouve AXA Corporate solutions assurance, a été déclaré responsable; que La Mondiale, qui a  versé diverses sommes au titre de l’incapacité temporaire totale de travail et de l’incapacité permanente partielle en application du contrat, en a demandé le remboursement à la compagnie Uni Europe ». La Mondiale reproche à l’arrêt d’avoir rejeté ses demandes.

[236] Mais cela ne change pas fondamentalement les données juridiques de l’espèce. 

[237] F Lesage, Le recours subrogatoire de l’assureur dommages-ouvrages, prisonnier des déclarations de l’assuré ? Petites affiches, 18 juin 1999, n°121 : «  Délai et subrogation sont inconciliables en dommages-ouvrages ». Egalement, F Lesage, A-M Cascio, La problématique du recours subrogatoire de l’assureur dommages ouvrages en fin de période de garantie,  Gaz Pal. 13 mai 2000, doctr. 819.

[238]  Cette difficulté peut sans doute être palliée par une subrogation conventionnelle mais il n’empêche que le recours ne pourra s’exercer, dans le cadre des garanties d’assurances obligatoires, que pour les dommages relevant de la responsabilité décennale. 

[239] L’expression est de M Mestre.

[240] F M, note sous CA Turin, 13 avril 1931, RGAT 1931, 384 : «  De sérieux problèmes sont encore à discuter en matière de subrogation de l’assureur dans les droits de l’assuré. Quelle en est la nature ? Quelle preuve  doit fournir l’assureur pour démonter qu’il a acquitté les droits appartenants à l’assuré ? Quelles en sont les limites ? » 

[241] M Picard, note sous , Cass, civ., 14 décembre 1943, RGAT 1943, 63.

[242] Cass, civ. 14 décembre 1943, cité supra note 222.

[243] Cf . notamment, Trib. com. de Lyon, 14 juin 1933, RGAT 1933,  1121 :  qui fait porter ses effets à la clause de cession de doits au préjudice du possesseur de la voiture volée et de son vendeur , dont la mauvaise foi est établie, ayant acheté le véhicule « dans des conditions douteuses aux fins de se faire restituer par lui le montant des sommes payées à l’assuré ».  Et le commentaire de M Picard : «  L’acquéreur de la voiture volée peut-il être considéré comme un tiers au sens de la loi ? Cela est discutable et, en présence d’un doute, il est prudent pour l’assureur de se faire céder conventionnellement les droits et actions de l’assuré ».    

[244] La thèse de la coexistence de la cession et de la subrogation fut admise en jurisprudence, notamment par un arrêt de la Cour d’appel de Lyon du 2 mars 1943 ( DC 1944, note Besson) : «  Attendu que la clause de cession d’actions demeure licite ; qu’en instituant au profit de l’assureur, dans l’article 36 , la subrogation de plein droit qui n’existait pas auparavant , le législateur n’a pas stipulé que cette garantie serait désormais la seule possible, ni interdit les clauses conventionnelles antérieures ; que l’article 2 réserve aux parties la possibilité de modifier par convention les prescriptions de la loi qui leur ouvrent de simples facultés, notamment l’article 36 ».

[245] Cass. civ. 5 mars 1945. D 1946, 1.

[246] P Lerebourgs-Pigeonnière, JCP 1945, II, 2798. A Besson, D , 1946, 1.C.J Berr et H Groutel, Caractère d’ordre public de la loi du 13 juillet 1930, Les grands arrêts du droit de l’assurance, Sirey 1978.

[247] P Lerebours-Pigeonnière, op.cit.  Cf ; également sur ce point, les explications de M Besson, op.cit : L’article 2  ne déclare pas supplétives toutes les dispositions de la loi  mais seulement celles qui donnent aux parties une simple faculté et qui sont contenues dans ledit article. 

[248] H Groutel, Subrogation légale de l’assureur et subrogation conventionnelle, RCA hors-série décembre 1998, p 302.

[249] CJ Berr et  H Groutel, op.cit. : « Dans l’affaire jugée en 1968, on ne voit pas en quoi la cession était susceptible  de nuire à l’assuré. Ce dernier y avait consenti en connaissance de cause, après le sinistre et non de manière anticipée par une clause de la police ; en cédant ses actions contre le tiers, il ne renonçait pas à son droit à indemnisation par l’assureur. Quant au tiers, certes il se serait vu priver du bénéfice de la prescription ; mais il est évident que la législation sur le contrat d’assurance n’a pas entendu limiter les moyens qui peuvent être mis en œuvre pour interrompre la prescription de l’action en responsabilité contre ce tiers ».    

[250] Civ, 1ére 8 juillet 1968, D 1969, II, p 3 : suite à un incendie d’un important matériel appartenant au Commissariat à l’Energie Atomique au cours de son transport de Paris à Belgrade effectué par les soins de Lion, les assureurs, dans leurs recours contre le transporteur, se heurtent à la prescription annale de l’article 108 al 1 du Code de commerce. Avant l’expiration de ce délai, les assureurs imaginent d’obtenir de l’assuré non indemnisé une cession de tous ses droits et actions contre le transporteur, sur le fondement de laquelle ils assignent aussitôt celui-ci. Le règlement de l’indemnité à l’assuré intervient  contre quittance subrogative. L’arrêt déclare non valide la cession de droits au motif notamment que «  l’article 36 de la loi du 13 juillet 1930 détermine le seul moyen offert à l’assureur pour se prévaloir de ses droits à l’encontre de l’auteur du sinistre, prohibant ainsi toute cession conventionnelle de ceux-ci ». 

[251] Cass, 1ère cIv. , 9 décembre 1997, RCA  hors-série  décembre 1998, 303.

[252] H Groutel, obs. sous Cass,  1ère civ, 9 décembre 1997, cité note 242.

[253] Sur l’ensemble de la question, JF Tantin, Le droit d’action de l’assureur subrogé, cité note 73.

[254] E Gaudemet , H Debois, J Gaudemet, Théorie générale des obligations , Sirey 1937, p 436 : « La subrogation est exceptionnelle,  car elle déroge au principe général de l’extinction de la créance par le paiement. Donc, elle ne peut être admise qu’en vertu de textes précis, d’interprétation stricte ».

[255] C’est ce vers quoi les écrits de M Mestre tendent.

[256]Cass. 1ère civ.27 novembre 1985, RTDCiv.1985, 752 :« La Cour d’appel a relevé que la Chambre de commerce disposait d’une créance à l’égard des responsables du sinistre et que toutes les sommes versées par l’assureur aux entrepreneurs l’avaient été pour le compte de cet établissement public administratif,  de telle sorte qu’il était indifférent que les paiements  n’aient pas été faits entre leurs mains ; qu’enfin, dès lors que les divers règlements faits par l’assureur aux entrepreneurs pour le compte de la Chambre de commerce , l’avaient été non au titre de créances distinctes mais d’une créance globale ne pouvant être estimée et déterminée qu’à l’achèvement des travaux, la Cour d’appel en a justement déduit que la subrogation avait eu lieu valablement bien qu’elle soit intervenue non à l’occasion de chacun des règlements partiels, mais lors du règlement du solde ».  

[257] Cass, 1ère civ. 22 juillet 1987, Bull.n°257, p186. RTDCiv. 1987, 350 : «  Même si concrètement, il réaffirme une solution déjà maintes fois donnée, cet arrêt est théoriquement important (en même temps qu’il nous procure, si l’on nous permet cette réaction quelque peu passionnelle, une joie profonde !).  En effet, pour dire que l’assureur d’un professionnel qui, par sa faute, avait causé un préjudice à un créancier (en l’empêchant de tirer profit d’une vente des biens de son débiteur) pouvait, après l’avoir indemnisé, se dire subrogé dans ses droits, la Haute juridiction ne se contente pas d’utiliser quelques mots prudents signifiant que l’acquittement d’une dette exclusivement personnelle n’est pas un obstacle au bénéfice de la subrogation. Elle dit plus simplement et beaucoup plus fortement que «  celui qui s’acquitte d’une dette qui lui est personnelle peut néanmoins prétendre bénéficier d’une subrogation conventionnelle s’il a, par son paiement, et du fait de cette subrogation, libéré envers leur créancier commun celui sur qui  doit peser la charge définitive de la dette ». Formule soigneusement pesée et particulièrement heureuse qui, au-delà des termes incertains du texte, entend renouer avec les origines de l’institution, avec le souci manifeste d’équité inspirant ceux, qui sous l’Ancien Régime, lui donnèrent sa véritable impulsion. Formule appuyée certes sur l’article 1250-1° et se référant donc à la subrogation consentie par le créancier mais qui a sans conteste vocation à la généralité du moment qu’aucune raison objective ne conduit à l’écarter du champ de la subrogation légale( Rappr. l’article 30 de la loi du 5 juillet 1985 sur l’indemnisation des victimes d’accident de la circulation, qui reconnaît aux recours des tiers payeurs un caractère subrogatoire). Formule enfin qui vient à son heure pour couper court définitivement, et cette fois-ci à la racine, à toutes ces mauvaises objections au jeu de la subrogation qu’avancent de mauvais débiteurs et auxquelles, assez curieusement, sont parfois sensibles certains juges du fond ».

[258]  J Mestre, obs sous  Cass, 1ère civ,  27 mars 2001 ( RTDCIv. 2001, 592. RCA 2001, comm. 204, obs Groutel,) qui illustre cette difficulté : La société Lyonnaise d’exploitation de chauffage, qui avait payé les travaux de remise en état des installations de l’usine de traitement des ordures ménagères appartenant à  la commune Chalon, détériorées par une explosion, suivie d’un incendie, en avait demandé le remboursement à AXA assurances IARD, assureur de la commune, sur le fondement précisément de la subrogation légale. Or, les juges du fond        ( Dijon, ; 27 mars 1998), pour la débouter de cette prétention, avaient développé trois considérations : 1°) Le contrat d’exploitation de l’usine stipulait qu'à l’égard de la commune , l’exploitant ferait son affaire du maintien en bon état de l’installation.  2°) La police souscrite par la commune n’était pas une assurance pour compte, mais une assurance de dommages.  3°) En conséquence, dans les rapports entre l’exploitant et l’assureur de la commune, la charge définitive de la dette incombait à l’exploitant, en sorte que, ce dernier ne pouvait bénéficier de la subrogation. La Cour de cassation les censure en rappelant que la société d’exploitation s’était prévalue de ce que l’assureur avait renoncé à tout recours contre les occupants et utilisateurs des bâtiments assurés et que, dès lors, en ne recherchant pas si, en considération de cette stipulation, l’assureur n’était pas tenu de la charge définitive de la dette, la Cour d’appel n’avait pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article 1251-3° du Code civil.

[259] Citée note 242.

[260] Citée par M Mestre, op.cit. : «  Par le seul fait de la présente police et sans qu’il soit besoin d’aucune autre cession ou transport, la compagnie est subrogée dans tous les droits, recours et actions de l’assuré contre le tiers responsable du sinistre, à quelque titre que ce soit, et même contre leurs assureurs, s’il y a lieu »..

[261] Aux termes de l’article 1250-1°  du Code civil, «  cette subrogation doit être expresse et faite en même temps que le payment. »

[262] Notamment, Cass .civ. 5 août 1885, DP 1885., 173, refusant de voir dans ces clauses une subrogation conventionnelle, qui serait nulle faute de remboursement de la créance par le subrogé au subrogeant au moment même de la convention mais, «  une cession de droits éventuels et aléatoires soumises à la seule condition de l’évènement de l’incendie des immeubles assurés ».

[263] Rep. Assur. terr. 1848, n°250 : «  Espèce de contrat qui n’est défendu par aucune loi, mais dont les effets, présentent des difficultés d’exécution ». 

[264] CA Paris, 5ème ch . 13 décembre 1965, note Rodière : une subrogation inderterminée, consentie à l’avance, ne peut valoir que comme promesse de subroger.

[265] Contrairement à l’opinion émise par M Mestre (op.cit. n° 55, p 66), pour qui le paiement est une condition essentielle de la promesse de subrogation, M F Leplat (La transmission conventionnelle des créances, thèse Paris X, septembre 2001, n°376), affirme quant à lui : «  Le paiement n’est pas une condition de validité de la convention entre le subrogeant et le subrogé, mais une condition d’opposabilité de son effet translatif. Le contraire reviendrait à qualifier la subrogation de contrat réel. L’expression « promesse » s’explique en partie par la diversité du terme subrogation ….. ».

[266] CA Rouen, 2ème ch., 30 octobre 1997, DMF mai 1998, note JF Tantin : Dans cette affaire, un assureur, la compagnie Yasuda, avait assuré la société Sharp, pour le transport de magnétoscopes en conteneur vers Le Havre sur un navire Compagnie Neptune Orient Lines. Après déchargement du navire au Havre, le conteneur avait été confié à la société Somaba, pour être ensuite réexpédié à destination finale par un transporteur terrestre. Avant d’être pris en charge par ce transporteur, le conteneur avait été pillé et la perte des magnétoscopes s’était élevée à la somme de 689.340, 07 frs. La compagnie Yasuda, se disant subrogée, dans les droits de la société Sharp, avait assigné en paiement de la perte, le transporteur maritime Neptune Orient  Lines et l’entreprise de manutention Somaba, en se prévalant notamment d’une promesse de subrogation en sa faveur par la société Sharp, lorsque cette dernière « serait indemnisée de son préjudice ». La Cour de Rouen, confirmant le jugement de première instance, déclare la compagnie irrecevable en sa demande au motif que       « n’est produit aucun document signé par l’assurée où elle reconnaîtrait avoir reçu l’indemnité afférente aux dommages et dès lors, elle ne peut prétendre être subrogée dans les droits de son assuré ».

[267] CA Orléans, 8 mars 2001, juris-data n°99/03161, citant Com. 6 mai 1997, Bull. civ. IV, n°126 : L’assureur d’un expéditeur, après avoir indemnisé  son assuré du montant du préjudice résultant d’avaries et de manquants à la marchandise, prétendait, de ce seul fait, être subrogé dans ses droits. Il se trouve que l’assuré se prétendait lui-même cessionnaire d’une autre société de tous les droits dérivant de la LTA. Le transporteur, assigné par l’assureur, faisait valoir qu’aucun des documents produits ne portant de date, on ne pouvait vérifier l’ordre des opérations de transmission de droits .La Cour fait droit à cette argumentation «  faute d’offrir, même devant la Cour d’appel, autrement que par son affirmation, que la cession a précédé la subrogation ».   

[268] Cité note 243.

[269] Cf. J Kullmann, note sous Cass. 1ère civ, 22 juillet 1987, RGAT 1987, 566 : «  Si l’on a pu se demander s’il ne fallait pas réécrire l’article L – 121-12  du Code des assurances, lorsque les conditions de la subrogation légale de l’assureur ne sont pas réunies alors que son action en remboursement de sinistre payé est  justifié, il semble que désormais, la subrogation conventionnelle offre à l’assureur un palliatif suffisant à une carence éventuelle de la subrogation légale ». 

[270] JF Tantin, op.cit., p 812 : «  On peut donc très facilement supprimer les obstacles apportées à la subrogation  de l’assureur, mais encore faut-il y penser constamment ».

[271] Cass, 1ère civ., 27 janvier 1981, D 1982, IR p 99, obs Groutel : «  Dans cette espèce, l’assureur d’un entrepreneur avait indemnisé le maître de l’ouvrage, lequel lui délivra une quittance subrogative. Puis l’assureur exerça un recours contre le fabriquant. Or, le délai de l’action en garantie des vices cachés dont disposait l’entrepreneur contre le fabriquant et dont aurait pu bénéficier l’assureur grâce à l’article L  121-12  CA , était expiré. En revanche, l’action du maître de l’ouvrage,  étant une action en responsabilité, délictuelle, le recours l’assureur contre le fabriquant  ne se heurtait plus à aucun obstacle ».      

[272] Cass, 1ère civ, 7 octobre 1987, Bull. n°121. D 1988, somm. 151, obs Groutel : «  Par conséquent, la subrogation conventionnelle dans les droits de la victime contre un auteur n’apparaît plus nécessaire, puisque l’article L 121-12 permet d’arriver automatiquement au même résultat. Encore convient-il de préciser que le transfert des droits de la victime s’opère en deux temps : d’abord, le coauteur assuré est censé, comme s’il avait payé lui-même, recevoir les droits de la victime sur le fondement de l’article 1251-3° du Code civil ; ensuite, en vertu de l’article L 121-12 du Code des assurances,  ces mêmes droits passent à l’assureur. Les deux transferts s’opèrent en même temps par le fait du paiement à la victime ».

[273] Cité note 243 : Même si la subrogation légale ne devait pas jouer,il existait une quittance subrogative, et la cassation intervient parce que la Cour d’appel ne s’est pas expliquée sur la teneur de celle-ci alors que l’assureur  prétendait qu’elle valait subrogation conventionnelle.

[274] H Groutel, Subrogation légale de l’assureur et subrogation conventionnelle, RCA HS décembre 1998, p 302.

[275] «  Attendu, cependant, que la subrogation légale de l’assureur contre le tiers responsable, instituée par les dispositions de l’article L 121-12 du Code des assurances, qui ne sont pas impératives, n’exclut pas l’éventualité d’une subrogation conventionnelle »  

[276] Il convient par ailleurs de faire observer que des obstacles à la subrogation conventionnelle existent. Ainsi, en vertu de l’effet translatif, l’assureur subrogé, dans les droits de son assuré ou de sa victime, ne peut agir contre le tiers responsable que si cet assuré ou cette victime dispose d’une action en responsabilité contre l’auteur du dommage. Si la prescription est acquise au responsable, l’assureur subrogé ne peut agir à l’encontre de ce dernier. Il n’en demeure pas moins que la subrogation permet, dans certaines situations, d’échapper à de courtes prescriptions, en cas notamment de responsabilités en chaîne où la jurisprudence n’exige pas la constatation judiciaire de la contribution de chacun. C’est ce qui résulte d’un arrêt rendu le 24 juin 2003 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation ( BTL 2003, n°2995) : « vu l’article 1251-3 du code civil ; attendu que pour déclarer irrecevables les demandes en réparation de la société ACCR en tant qu ’elle se prétend subrogée dans les droits et actions de la société Peugeot contre les sociétés Saffer, Sogecofa, Luchina et la compagnie d’assurances Helvétia, assureur de la Sté Saffer, l’arrêt reteint, par motifs adoptés , que les dettes de réparation des sociétés Saffer, Sogecofa et Luchina envers la société Peugeot sur le fondement de la responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle n’étaient pas déterminées lors du paiement effectué le 10 juin 1996 par la société ACRR au profit de la société Peugeot ; qu’à cette date, les rôles respectifs de chacune d’elles dans la survenance du sinistre et la production des dommages restaient à établir en l’absence de jugement et que la société ACRR ne peut invoquer à l’encontre de ces sociétés des dettes virtuelles de réparation les obligeant pour le tout envers la société Peugeot ; attendu qu’en se déterminant ainsi, après avoir relevé que la Sté ACRR, qui devait restituer un moteur en bon état de conservation matérielle était tenue d’indemniser la Sté Peugeot et sans rechercher si les varies du moteur n’avaient pas engagé la responsabilité délictuelle des Stés Saffer, Luchina et Sogecofa envers la société Peugeot, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision[276] ».

[277] Notamment,  E Savaux, Rep. civ Dalloz 1999, Subrogation personnelle, n°127.

[278] Cass, 1ére civ. 29 avril 2003, RGDA 2003, n°3, note F Vincent.

[279] H Groutel, op.cit.

[280] F Leplat, La transmission conventionnelle des créances, Thèse Paris II, septembre 2001, n°173 : « La subrogation de l’assureur ne présente pratiquement plus de ressemblances avec le visage initial de la subrogation. Tout oppose la bienveillance des codificateurs à l’égard du subrogé et la défiance du législateur à l’égard de l’assureur ».

[281] F Leplat, op.cit.

[282] M Besson, note sous Cass, civ. 5 mars 1945, D 1946, II, p 1 : «  La subrogation suppose essentiellement, comme l’indique l’article 36, le versement préalable de l’indemnité par l’assureur : elle lui permet donc au maximum de rentrer dans ses frais ; il ne peut jamais s’enrichir en recourant contre le tiers. D’autre part, la cession d’actions implique la garantie de la part de l’assuré de sorte que, si l’indemnité d’assurance est inférieure au montant du dommage,  l’assureur, en concours avec l’assuré contre le tiers, n’est pas primé par l’assuré. Tous deux exerçant des droits identiques, viennent à égalité et, en cas d’insolvabilité du tiers, sont traités au marc le franc ; rien n’empêche même le cédant d’accorder au cessionnaire un droit de préférence. Au contraire, suivant le droit commun de l’article 1252 di code civil, la subrogation ne peut nuire au créancier lorsqu’il n’a été payé qu’en partie ; notamment, si l’assuré subrogeant, indemnisé partiellement par  l’assureur, dispose d’une sûreté spéciale, à l’encontre du tiers, il l’exerce seul et prime donc l’assureur qui, pour son recours propre, est un simple créancier chirographaire ».  A la vérité, les choses ne sont pas si simples car en droit positif, l’assureur subrogé est parfois préféré à l’assuré.     

[283] H Capitant, op.cit., p 64.

[284] H Capitant, op.cit ; p 64.

[285] Article L 132-1 du Code de la consommation : « Dans les contrats conclus entre professionnelles et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif  entre les droits et obligations des parties au contrat ».

[286] Il va de soi que les clauses de cession entre professionnels, fréquentes en matière de transport, ne seraient pas concernées, mais le principe l’exigence de loyauté des relations commerciales paraît être de nature à éviter les abus.

[287] Cass. Com. 29 février 2000, Bull IV, n°41, p 35.

[288] En joignant l’acte de cession de droits auxdites conclusions.

[289] JF Tantin, op.cit, p 811.

[290] Article 126 alinéa 2 du nouveau Code procédure civile : « Dans le cas où  la situation donnant lieu à la fin de non-recevoir est susceptible d’être régularisée, l’irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue ».   

[291] Cass.com , 27 novembre 2001, RCA 2002, comm.81.

[292] Cass, 3ème civ. , 24 novembre 1987, III, n°187, p 109.

[293] H Groutel, Réflexions sur la subrogation anticipée, Dalloz 1987, chron.p 283., à propos d’un arrêt  restrictif du 22 juillet 1987, considéré comme « inacceptable », en raison de la nécessité d’aligner «  le régime de l’appel en garantie sur celui de l’action récursoire a posteriori ».

[294] Cf. M Mestre, RTDCiv 1987, p 352 : «  A dire vrai, le doute ne paraît cependant guère permis .En effet, si la subrogation de l’article 1251-3° du code civil passe clairement et fort logiquement (puisqu’elle le dépouille de es droits) par un désintéressement préalable du subrogeant, une jurisprudence bien acquise permet cependant,  par souci de simplification que le coauteur poursuivi par la victime puisse appeler en garantie les autres coauteurs par voie subrogatoire. Le droit de subrogation ainsi invoqué procéduralement permettra opportunément d’éviter une cascade de recours, mais il reste que, sans désintéressement de la victime, la décision obtenue contre les coobligés solidaires ne pourra être exécutée ».

[295] Cass. 1ère civ. 18 juin 1985, RGAT 1985, p378. BT 1985, n°2167.

[296] Cass. com 23 mai 1989, BT 1989, n°2353 : Un transport de viande a été effectué de Marseille à Tunis par la société Sud Cargos, sur l’ordre de la société Calberson, chargée de l’acheminement de la marchandise par la société Pien et Glasson (sté P et G) ; que la marchandise ayant été partiellement avariée au cours du voyage, la Sté P et G a été indemnisée par son assureur, la MGFA. La société Sud Cargos a été assignée par la société P et G, et la MGFA., lesquelles ont été subrogées ultérieurement  dans les droits de la société Calberson. La société Sud Cargos a opposé une fin de non- recevoir en tant que transporteur maritime, à la société  P et G, vendeur de marchandises selon une clause CAF, et à son assureur. 

[297] Cf . cependant pour une décision contraire critiquée à juste titre, CA Versailles, 12ème ch. 4 septembre 2003, BTL 2003, n°3012, 798.

[298] C’est-à-dire, au moment de la clôture des débats si la procédure est orale ou au moment de l’ordonnance de clôture rendue par le juge de la mise en été si la procédure est avec représentation.

[299] S-C Chétivaux, La subrogation rétroactive, RCA 2003, chron. 31 : « Cette jurisprudence s’est ensuite étendue en matière d’assurance construction, dans un premier temps à propos d’une police dites des « maîtres d’ouvrages »  puis, dans un second temps, à l’assurance de dommages obligatoires, où l’action au fond engagée par l’assureur de dommages non subrogé est néanmoins jugée interruptive de prescription envers les responsables dès lors qu’il a réglé  l’indemnité lui conférant subrogation avant que le juge ne statue. La régularisation peut intervenir en cause d’appel puisqu’à ce moment, le juge du fond n’a pas encore définitivement statué ».

[300] TGI Paris, 7ème.ch ; 2ème section, 8 mars 2001, Axa assurances/ Ics, inédit. CA paris, 22 janvier 2002, Axa/ Sci Basfroi Cavaignac, inédit, cités par M S-C Chétivaux, supra n°289.

[301] Cass, 3ème civ, 9 juillet 2003, RCA 2003, comm. 276. JCP G 2003, IV, 2588.

[302] L’expression est de M Mestre, RTDCiv. 1999, 330.

[303] Y Tassel, note sous CA Paris, 5ème ch. A , 4 juin 2003, DMF 2004, 27.

[304] Y Tassel, op.cit. : «  Cependant, l’esprit d’ouverture ne doit pas dépasser certaines limites ».

[305] P Bonassies, DMF hors série juin 2003, n°101, p 81.

[306] Trib.com de Marseille, 5 mai 1950, DMF 1951, 22. Egalement, Trib. Com. de Marseille, 26 janvier 1951, DMF 1951, 602 : « La condition posée par l’article 1250 du code civil à la validité de la subrogation, à savoir la concomitance du paiement et de la subrogation, est réalisée lorsque la police d’assurance prévoit que le paiement emporte subrogation. Il importe peu que le paiement soit constaté par un acte postérieur à la quittance de paiement, car il est essentiel de distinguer la condition de subrogation, qui résulte de la police, du document qui sert à la prouver. »   

[307] Selon M de Juglart, cette condition, en matière d’assurance, «  fait la plupart du temps défaut » ( note sous CA Paris, 19 octobre 1969, JCP G 1969, II,11443 ). Egalement,  dans le même sens,  P Lureau , L’action de l’assureur contre le transporteur  responsable, DMF 1952, p 5 : « En fait, cette exigence est rarement remplie ».  

[308] Cass, 10 janvier 1923, Rev. Dor.,  t 2, p 414.

[309] P Lureau, op.cit. : «  Solution très juridique, selon nous ; elle a en outre le mérite d’éviter toute difficulté pratique et cela seul elle mériterait d’être approuvée ».

[310] P Lureau, op.cit. p6.

[311]  JF Tantin , op.cit., p 810.

[312] J Kullmmann, note sous Cass, 1ère civ. 23 mars 1999, RGDA 1999, n°3, 618.

[313] Notamment, CA Nancy, 2ème ch. 5 mai 1999, BTL 200, N°2831, 50.

[314] CA paris, 5ème ch., 7 juillet 1982, BT 1982, n°2024, p 430 : «  Qu’en produisant devant la cour, un document signé de l’assuré et par lequel celui-ci reconnaît avoir reçu, et par conséquent préalablement, l’indemnité afférente au dommage qui est l’objet du litige, l’assureur a fait la preuve exigée pour que soient réunies en l’espèce les conditions de la subrogation légale ».

[315] CA Versailles, 12ème ch. 31 mai 2001, BTL 2001, N°2913, et le commentaire. Dans cette affaire, la quittance était datée du 9 septembre alors que le règlement avait eu lieu le 23 octobre.

[316] CA Rouen, 25 octobre 2001, DMF 2002, 270 : certes, dans cette espèce, les assureurs n’avaient pas été identifiés :.«  L’assureur n’est subrogé dans les droits de l’assuré que s’il établit avoir payé l’indemnité d’assurance. Il n’en est pas ainsi lorsque les pièces produites ne mentionnent pas les noms des assureurs ayant couvert les risques et, en  particulier, lorsque l’acte de subrogation se référant à la police d’assurance…a été établi en faveur du seuil Gie agissant comme mandataire des assurés non identifiés. » 

[317] CA Paris, 5ème A, 4 juin 2003, DMF 2004, 27, note Y Tassel.

[318] Cass, 1ère civ. 2 octobre 2001, n°99-15.828, Axa Global Risks et autres / Paulin, Lamy assurances, n°895 : Dans cette espèce, le responsable faisait valoir que le Gie n’avait ni le pouvoir de faire des opérations d’assurance, ni celui de plaider en justice pour l’un de ses membres, ni, a fortiori, celui d’être subrogé. Les juges du fond, en déclarant irrecevable le recours du Gie, lui donne raison.  A l’appui de son pourvoi, le Gie conclut à une violation des articles 1 et 3 de l’ordonnance N°67-821 du 23 septembre 1967 et de l’article 1er de ses statuts. Il fait valoir qu’en vertu de ces textes, il a la capacité d’assurer pour le compte des compagnies qui le composent, la gestion des polices d’assurances souscrites auprès de celles-ci et notamment d’effectuer des règlements d’indemnité ce qui ne constitue pas une opération d’assurance et, qu’en tout état de cause, il pouvait être subrogé conventionnellement dans les droits des victimes qu’il avait indemnisées.

[319] Cette règle, «  presque aussi ancienne que le droit français », est une règle de pure forme obligeant le représentant d’une personne à faire figurer le nom de celle-ci dans l’assignation et tous les actes de procédure.   

[320] Cass, 1ère ,  civ, 4 février 2003.Dalloz 2003, n°12 : «  Une société camerounaise refuse de payer le complément de prix à ses fournisseurs au motif que ces derniers avaient été indemnisés par la Coface. Cependant, les conditions générales du contrat d’assurance prévoyaient que si l’assureur n’exerçait pas lui-même les recours, l’assuré s’engageait à prendre en charge toutes les mesures propres au paiement des créances garanties et, par ailleurs, la Coface avait confirmé, dans es conclusions d’appel, avoir donné aux fournisseurs la qualité de prête- nom. L’argumentation est rejetée par la Cour, aux motifs que l’assuré indemnisé ayant subrogé son assureur dans ses droits, il  perd  qualité pour agir contre le responsable, sauf convention contraire. Cette solution, affine celle posée par la chambre commerciale le 17 décembre 1985  selon lequel aucune disposition n’oblige le subrogé à faire valoir les droits qu’il a acquis et qu’il peut les faire exercer  par le subrogeant. Une telle atténuation à l’effet translatif n’est toutefois possible que par convention : soit par mandat (et cela depuis longtemps, V. Cass.civ, 19 mars 1902, DP 1902, 1, 482, 16 mars 1943, RGAT 1943, 272), soit par prête- nom      ( Cass.com, 17 décembre 1985, précité). Encore faut-il pour cela que l’existence de telles conventions, expresses ou tacites, soit établie, ce qui n’était pas le cas en espèce au terme de l’analyse souverainement menée par les juges du fond ». 

[321] J Mestre, RTDCIv 2003,298. 

[322] Cass. com, 17 décembre 1985, Bull, IV, n° 296, p 253.

[323] F Caballero, Plaidons par procureur : De l’archaïsme procédural à l’action de groupe, RTDCiv. 1985,247.

[324] E Bérard, op.cit.: «  Devrait-on ébranler les colonnes du temple, nous n’hésiterons pas à affirmer que cette vielle règle du doit coutumier français est devenu tout à fait inadéquate aux nouvelles nécessités crées par la généralisation de l’assurance ».

[325] J Mestre, op.cit.

[326] J Flour et JL Aubert, Droit civil, Les obligations, T 3, Le rapport d’obligation, Armand Colin , 1999, n°367, p 228.

[327] P Chaumette, La subrogation personnelle sans paiement, RTDCiv 1986, p 34.

[328] C Mouloungi, L’admissibilité du profit dans la subrogation, thèse LGDJ 1995. Le recul de la règle su paiement préalable, Contrats-Concurrence-Consommation  1996, chron 9.

[329] Cette codification poussée à l’extrême rend d’autant plus difficile l’élaboration d’un concept harmonisé de subrogation de l’assureur par delà les frontières. En effet, si la subrogation de l’assureur a été consacrée légalement par une disposition spéciale dans la plupart des pays, notamment dans des domaines précis tel celui de la protection sociale ou les accidents de la circulation, c’est sans adjonction comme en France de deux séries de règles. Cf.sur ce point, Communication de la Commission eu Parlement européen et au Conseil, plan d’action pour un droit européen des contrats (2003/C63/01) : « La multiplicité des lois nationales pose problème ».  

[330] Cf ; notamment, D Pardoel, Les conflits en matière de cession de créance, thèse LGDJ 1997.

[331] Lorvellec, Subrogation légale, juris.cl.civ. 1968. Article 1249 à 1252, fasc. 4, N°3 : « Cette diversité d’application conduit très souvent à une perte d’identité de la technique subrogatoire ». Cf. en ce sens, les travaux de F Leplat, op.ct., N°176.

[332] Les interactions des règles civiles sont diverses : outre l’interférence des règles de la responsabilité, celles résultant des règles de la possession des articles 2279 et 2289, en cas notamment de vol de véhicule, qui prévalent sur celles de la subrogation.

[333] La première et la deuxième chambre civile apportent des réponses différentes. Sur l’ensemble de la question, cf. N Laurent , ombres et lumières sur la Règle  «  Nemo contra se ... » en droit des assurances, RGDA 2003, n°1, p 23.

[334] J Labin, Concours des actions de l’assuré et de l’assureur subrogé contre le tiers  responsable, RGAT 1986, 264.

[335] J Kullmann, note sous Cass . 1ère civ. 23 mars 1999, RGDA 1999, N°3, p 621.

[336] Cass. 1ére civ. 4 avril 2001, RGDA 2001, n°3, 689, note L Mayaux, Petites Affiches, 2 avril 2002, n°66 note A Gossselin-Gorand, RCA 2001, chron. n°15,  H Groutel,  Dalloz 2001, n°23  comm 1824, note M Billiau.

[337] JF Tantin, op.cit   «  La cour de cassation a donc fait un grand pas en avant en gommant les conditions de la subrogation, pour appliquer un principe général  du droit ».

[338] J Mestre, RTDCiv. 1988, 353.