UNIVERSITÉ PAUL
CÉZANNE – AIX-MARSEILLE III
FACULTÉ DE DROIT ET DE
SCIENCE POLITIQUE D’AIX-MARSEILLE
Le principe de l'unité des fautes
civile et
pénale à l'épreuve de la loi du 10
juillet 2000
Sous la direction de M. le Professeur Gaëtan Di Marino
Mémoire pour le Diplôme de Maîtrise
en droit
privé, sciences criminelles et
justice
Présenté par
Jean-Denis Pellier
Année 2004/2005
1
Je souhaiterais
remercier M. Di Marino qui,
par sa
bienveillance et son excellence, a
éclairé mon esprit.
Qu’il me soit également permis de remercier
M. Bonfils pour sa
disponibilité et ses conseils avisés.
2
TABLE DES
PRINCIPALES
ABRÉVIATIONS
Art. Article
Bull. civ. Bulletin des arrêts de la Cour de cassation (Chambres civiles)
Bull. crim. Bulletin des arrêts de la Cour de cassation (Chambre criminelle)
C.A. Cour d’appel
Cass. Cour de cassation
Cass. Ass. Plén. Cour de cassation, Assemblée plénière
Cass. Ch. réunies Cour de cassation, Chambre réunies
Cass. Civ. 1ère Cour de cassation, première chambre civile
Cass. Civ. 2ème Cour de cassation, deuxième chambre civile
Cass. Crim. Cour de cassation, chambre criminelle
Cass. Soc. Cour de cassation, chambre sociale
CP Code pénal
CPP Code de procédure pénale
C.E. Conseil d’Etat
Chron. Chronique
Comm. Commentaire
D. Recueil Dalloz
Dr. pén. Revue de droit pénal
Ed. Edition
Gaz. Pal. Gazette du Palais
JCP G Juris-classeur périodique (Semaine juridique), édition générale 3
J.O. Journal officiel
Obs. Observations
Préf. Préface
Rapp. Rapport
Rec. Lebon Recueil Lebon
Resp. civ. et assur. Responsabilité civile et assurances
RICPTS Revue internationale de criminologie et de police technique et
scientifique
RPDP Revue pénitentiaire et de droit pénal
RRJ Revue de la recherche juridique - Droit prospectif
RSC Revue de science criminelle
RTD civ. Revue trimestrielle de droit civil
S. Recueil Sirey
TC Tribunal des conflits
TGI Tribunal de grande instance
4
SOMMAIRE
INTRODUCTION
Première
partie : Les fondements du principe de l’unité
des fautes civile et pénale à l’épreuve
de la loi
du 10 juillet
2000
Chapitre
1. L’unité textuelle des fautes civile et pénale à l’épreuve de la loi du 10
juillet 2000
Chapitre
2. L’équivalence des fautes civile et pénale à l’épreuve de la loi du 10
juillet 2000
Deuxième partie : Les effets
du principe de l’unité des fautes civile et pénale à l’épreuve de la loi du 10
juillet
2000
Chapitre
1. L’autorité de la chose jugée au criminel sur le civil à l’épreuve de la loi
du 10 juillet 2000
Chapitre
2. Les fondements de l’action civile exercée devant le juge répressif à
l’épreuve de la loi du 10 juillet 2000
CONCLUSION 5
L'esprit
a tellement besoin d'unité, qu'à défaut d'unité réelle dans tout ce qu'il
saisit, il en place une factice et de son invention.
Théodore Jouffroy,
Cours d'esthétique, Douzième leçon
6
INTRODUCTION
1. Les responsabilités civile et
pénale présentent au premier abord de notables différences en ce que, d’une
part, le délit pénal ne peut résulter que d’une infraction à une loi qui
interdit un acte sous la sanction d’une peine tandis que le délit civil existe toutes les fois qu’il y a une faute,
sans qu’il soit besoin d’en préciser ses éléments constitutifs (1) et, d’autre part, le délit pénal existe même s’il n’a
pas été causé de dommage, la loi visant l’action coupable sans que l’on ait à
rechercher les conséquences de l’acte ; au contraire, le délit civil n’est
pris en considération que s’il a entraîné un préjudice pour une autre personne.
Ainsi, il existe un très grand nombre de délits pénaux qui n’entraînent
pas de responsabilité civile, en cas de tentative ou d’infractions ne portant
atteinte ni aux personnes ni aux biens (2),
et des hypothèses encore plus variées de délits civils non réprimés par la loi pénale
(3).
Au-delà de ces différences techniques, il existe aussi une dualité
fonctionnelle, la responsabilité pénale ayant pour objectifs de neutraliser des
individus nuisibles à la société et de les réadapter et la responsabilité
civile étant tournée vers la réparation du préjudice causé, même s’il est vrai
que, dans une certaine mesure, la sanction pénale et la sanction civile
répondent aussi l’une et l’autre à un double désir de punition et
d’intimidation, ou de dissuasion (4).
______________________________
(1) Cf. Planiol, Traité élémentaire
de droit civil, 4e éd., 1952, n° 907 ; M. Planiol
définit la faute civile comme étant « le manquement à une obligation
préexistante », n° 913.
(2) Toutes les infractions du livre IV
du Code pénal concernant les crimes et délits contre la Nation, l’Etat et la
paix publique.
(3) Comme par exemple le stellionat,
délit civil consistant à vendre ou hypothéquer à une personne, au moyen
d’affirmations mensongères ou de réticences un bien qu’on savait déjà vendu ou
hypothéqué à une autre personne.
(4) V. A. Tunc, Responsabilité civile
et dissuasion des comportements antisociaux, Aspects nouveaux de la pensée
juridique, Mélanges Ancel, 1975, t. I, p.407 et s. in Droit civil,
Les obligations, 2002, Terré, Simler et Lequette.
7
2. Pour différentes qu’elles
soient, les responsabilités civile et pénale peuvent néanmoins faire l’objet
d’un rapprochement en ce qui concerne le domaine non intentionnel.
En effet, les deux responsabilités ont les mêmes éléments
constitutifs : une faute d’imprudence ou de négligence dont il est résulté
un préjudice qui peut être aussi bien matériel que corporel en droit civil
tandis que le droit pénal ne réprime, à une exception près (5), que les atteintes à l’intégrité physique (6) d’une personne lorsqu’elles résultent d’une telle
faute (7).
Il est vrai, par ailleurs, que le droit criminel réprime aussi certaines
atteintes involontaires à des valeurs spécifiques, inconnues du droit civil (8).
Il y a d’autres illustrations de cette analogie : d’une part,
l’inexistence de la tentative en matière d’infractions non
intentionnelles. Ainsi, à l’instar de la
responsabilité civile, il n’y a pas de responsabilité pénale pour faute
d’imprudence s’il n’en est pas résulté un dommage corporel, excepté en cas de
risque causé à autrui (9), qui est une
hypothèse particulière.
D’autre part, comme en droit civil, c’est la gravité du dommage
occasionné qui fixe la mesure de la répression de la faute d’imprudence ou de
négligence et non la gravité de la faute en elle-même (10), même si la loi du 10 juillet 2000 a quelque peu
atténué cette analogie (11).
______________________________
(5) Celle de l’article 322-5 du code
pénal réprimant « la destruction, la dégradation ou la détérioration
involontaire d’un bien appartenant à autrui par l’effet d’une explosion ou d’un
incendie provoqués par manquement à une obligation de sécurité ou de prudence
imposée par la loi ou le règlement » (alinéa 1er).
(6) Et même, le droit pénal incrimine de
façon autonome la faute non intentionnelle dès lors qu’il y a atteinte à
l’intégrité d’autrui, même sans incapacité totale de travail :
contravention de la 5ème classe (cf. art. R625-3).
(7) Cf. article 221-6 pour l’homicide
involontaire et les articles 222-19, 222-20 et R625-2 du code pénal pour
les
blessures involontaires.
(8) Ainsi, l’article 413-10 alinéa 3 CP
réprime-t-il la divulgation, par imprudence ou négligence, d’un
secret de la défense nationale et l’art. 432-16 CP, la soustraction d’un bien
confié à un dépositaire public résultant de la négligence de ce dernier.
(9) Cf. art. 223-1 du code pénal, infra
n° 22.
(10) Ainsi, la répression des blessures
involontaires, par exemple, est fonction de la durée de l’incapacité totale de
travail résultant de la faute d’imprudence : indépendamment des
circonstances aggravantes, l’infraction est punie de deux ans d’emprisonnement
et 30000 euros d’amende s’il en est résulté plus de trois mois d’une telle
incapacité (art. 222-19), des contraventions de la 5ème classe s’il
en est résulté une incapacité d’une durée inférieure ou égale à trois mois
(art. R625-2).
(11) Ainsi, la faute de mise en danger
délibérée, plus grave dans la hiérarchie des fautes (cf. infra, n° 22),
constitue une circonstance aggravante propre à alourdir la répression par
rapport à l’auteur d’une « faute simple » (cf. art. 221-6 al. 2,
222-19 al. 2, 222-20).
8
3. La faute, en dépit des atteintes considérables dont
elle a souffert en matière civile (12),
demeure le fondement référentiel des responsabilités civile et pénale (13).
Or, un même fait peut être constitutif d’une faute civile et d’une faute
pénale. Ceci est vrai en matière intentionnelle (14), mais le champ de ce recoupement est particulièrement patent en matière
non intentionnelle.
En effet, l’article 1383 du code civil, définissant le contenu de la
faute civile, dispose que « chacun est responsable du dommage qu’il a
causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou son
imprudence » et les articles 319, 320 et R40-4 de l’ancien code pénal,
réprimant respectivement l’homicide et les blessures involontaires, faisaient
mention de la maladresse, l’imprudence, l’inattention, la négligence ou
l’inobservation des règlements.
La similitude des termes de ces textes a donc conduit la doctrine à se
demander si les notions d’imprudence ou de négligence recouvraient ou non le
même domaine en droit civil et en droit pénal et s’il y avait donc unité ou
dualité des fautes civile et pénale.
La question présente un intérêt évident en matière procédurale : la
théorie de l’unité des fautes a en effet pour conséquence, lorsqu’une personne
poursuivie pour une infraction d’imprudence est relaxée par le juge répressif,
qui considère donc que la faute pénale n’est pas établie, d’interdire à la
victime d’obtenir réparation de son préjudice devant une juridiction civile sur
le fondement de l’article 1383 du code civil car cette juridiction ne pourrait
pas, sans contredire le juge pénal, considérer qu’il existe une faute civile.
La théorie de la dualité des fautes permet au contraire à une victime
d’obtenir, devant une juridiction civile, la condamnation à des dommages et
intérêts d’une personne qui a été relaxée par le juge pénal.
_____________________________
(12) En raison de l’essor des cas de responsabilité sans faute des articles 1384 et
suivants du Code civil, cf. infra, n° 16.
(13) V. J. Deprez , « Faute pénale
et faute civile » in Quelques aspects de l’autonomie du droit pénal, Paris
1956, p. 157 et s., n°1.
(14) Ainsi, un comportement dolosif en
matière contractuelle peut être générateur de responsabilité civile aussi bien
que de responsabilité pénale, sur le fondement de l’escroquerie ou encore de
l’abus de confiance si les conditions sont réunies.
9
C’est donc le problème de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le
civil qui est en cause. Un autre effet de l’unité des fautes était celui de la
solidarité des prescriptions publique et civile, qui empêchait la victime d’une
infraction d’imprudence de demander réparation de son préjudice devant une
juridiction civile dès lors que la prescription de l’action publique était
acquise (c’est-à-dire un an ou trois ans après les faits, selon qu’il
s’agissait d’une contravention ou d’un délit). Cet effet a été, en grande
partie, neutralisé par la loi du 23 décembre 1980, qui a désolidarisé les prescriptions.
4. Le principe de la dualité des fautes civile et pénale
a emporté l’adhésion de la Cour de cassation tout au long du XIXème siècle (15) avant que la chambre civile ne consacre, dans son
célèbre arrêt Brochet et Deschamps du 18 décembre 1912 (16), la théorie de l’identité ou de l’unité des fautes
civile et pénale, considérant que
« la légèreté de la faute commise ne peut pas avoir d’autres effets que
d’atténuer la peine encourue ».
Elle proclama clairement par la suite, à propos de l’autorité de la
chose jugée au criminel sur le civil, l’unité des fautes (17).
Renforçant sa position au fil des années, la Haute juridiction affirma
que « la faute pénale des articles 319 et 320 du code pénal comprend tous
les éléments de la faute civile » (18).
La chambre criminelle a fini par s’aligner sur cette jurisprudence, en
estimant que la faute pénale d’imprudence se confond avec la faute quasi délictuelle civile, dans un arrêt Gouron
en date du 6 juillet 1934 (19).
______________________________
(15) Civ. 9 juillet 1866, D. 1866, I, p.
339 ; 14 novembre 1898, S. 1902, I, p. 27 ; Req., 31 octobre 1906, D.
1910, I, p. 151, S. 1907, I, p. 126.
(16) Cass. civ. 18 décembre 1912 S. 1914,
1, p. 249, D. 1915, 1, p. 17 et Gaz. Pal. 1913, 1, p. 107, J. Pradel et A.
Varinard, Les grands arrêts du droit pénal général, Dalloz, 4e éd., 2003, comm. n° 40, p. 511.
(17) Civ. 12 juin 1914, Rec. Sirey,
1915, I, p. 70 ; Civ. 23 mars et 28 mai 1916, Rec. Sirey, 1918, I, p.
36.
(18) Civ. 30 décembre 1929, D. 1930, I,
p. 41, note R. Savatier, Gaz. Pal. 1930, I, p. 317 ; F. Terré et Y.
Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, T. 2, Obligations,
contrats spéciaux, sûretés, 11ème édition, 2000, n° 187.
(19) Crim. 6 juillet 1934, Gouron,
DH 1934, 446.
10
En dépit des vives critiques doctrinales qui se sont élevées à
l’encontre de l’unité des fautes (20),
le principe subsista dans la jurisprudence (21), jusqu’à
ce que le législateur tente d’y mettre un terme.
5. La culpabilité non intentionnelle a fait l’objet d’une attention toute
particulière de la part
du législateur. Il suffit, pour s’en
convaincre, de retracer l’évolution tourmentée de l’article 121-3 du Code
pénal, définissant l’élément moral des infractions non intentionnelles,
c’est-à-dire la faute pénale d’imprudence. Cette disposition a en effet connu
trois versions successives depuis 1992. La version initiale avait repris les
termes d’imprudence et de négligence en ajoutant la mise en danger délibérée de
la personne d’autrui, de façon à tenir compte de la situation dans laquelle une
personne prend un risque de façon délibérée, tout en espérant que ce risque ne
provoque aucun dommage : cette situation est à la frontière du dol et
de la faute ordinaire (22).
Un phénomène d’inflation de la responsabilité pour faute non
intentionnelle, notamment celle des décideurs publics ou même privés et des
personnes exerçant des métiers à risque (tels les chirurgiens), a déterminé le
législateur à intervenir dans le sens d’une dépénalisation, l’ampleur de ce
phénomène entrant en contradiction avec le principe consacré par le Code pénal
de 1992, selon lequel « il n’y a point de crime ou de délit sans
intention de le commettre » (art. 121-3 alinéa 1 CP).
Avec la loi n° 96-393 du 13 mai 1996 relative à la responsabilité
pénale pour des faits d’imprudence ou de négligence, le législateur a tenté
d’opérer une certaine dissociation des fautes civile et pénale en invitant le
juge à apprécier la faute pénale de manière circonstanciée (in concreto)
et non de façon abstraite (in abstracto), en tenant compte des
diligences normales de l’auteur, c’est-à-dire de la nature de ses missions
ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont
il disposait (article 121-3 alinéa 3).
______________________________
(20) A. Pirovano, Faute civile et
faute pénale (Contribution à l’étude des rapports entre la faute des articles
1382 et 1383 du Code civil et des articles 319-320 du Code pénal), LGDJ,
1966, préf. Bonnassies .
(21) Civ. 1ère, 21 novembre
1978, JCP 1979, II, 19033, note R. Savatier ; crim. 18 novembre 1986, Bull.
crim., n° 343, RSC 1987.426, obs. Levasseur ; Civ. 2ème,
12 juin 1996, Bull. civ . II, n° 146.
(22) Cf. F. Desportes et F. Le Gunehec, Droit
pénal général, economica, 9ème éd., 2002, n° 492.
11
Comme l’ont remarqué la plupart des auteurs et de l’aveu même du
législateur (23), cette loi n’a pas apporté
de réelle innovation quant au principe de l’unité des fautes, l’appréciation de
la faute requérant toujours la référence à une norme de comportement modulée en
fonction des circonstances et des caractéristiques de l’agent.
6. Bien plus importante paraît
être la réforme opérée par la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 (24) tendant à préciser la définition des délits non
intentionnels, répondant au souci de
réduire les mises en cause des « décideurs publics », et tout
spécialement des élus locaux (25).
Dans cet objectif, la loi, issue d’une proposition du sénateur Pierre
Fauchon, a modifié la définition de la faute pénale d’imprudence et
l’appréciation du lien de causalité, en consacrant une dépénalisation qui
profite à l’auteur indirect, personne physique, de fautes pénales simples.
Ainsi, la responsabilité pénale, dans un rapport de causalité indirecte (26), ne pourra être engagée que si les personnes
physiques ont, « soit violé de façon manifestement délibérée une
obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le
règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un
risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer » (art.
121-3, alinéa 4).
Par ailleurs, le législateur du 10 juillet 2000 a estimé utile d’insérer
dans le Code de procédure pénale un nouvel article 4-1 précisant les
conséquences procédurales du nouveau principe de dualité des fautes civile et
pénale souhaité par le législateur.
Cet article dispose que l’absence de responsabilité pénale d’une
personne n’interdira pas aux juridictions civiles (ou au juge pénal s’il est
fait application de l’article 470-1 du Code de procédure pénale) de retenir sa
responsabilité civile sur le fondement de la faute de l’article 1383 du Code
civil.
______________________________
(23) Mme Céline Ruet a même parlé d’impuissance
réformatrice, cf. « La responsabilité pénale pour faute d’imprudence
après la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des
délits non intentionnels », Dr. pén., janvier 2001, p. 4 et
suivants ; cf. Rapport Fauchon.
(24) Cf. J.O. n° 159 du 11 juillet 2000,
p. 10484.
(25) Il suffit pour s’en convaincre de
lire le rapport du sénateur Fauchon, à l’origine de cette loi : cf. Rapport
n° 391 (1999-2000), Sénat, par P. Fauchon au nom de la commission des
lois ; ainsi que le rapport Dosière : cf. rapport n°2528 (1999-2000),
Assemblée nationale, par R. Dosière, au nom de la commission de lois.
(26) Cf. infra, n° 28 et s.
12
7. La circonspection de certains auteurs (27) quant à l’abandon total du principe de l’unité des
fautes contraste avec l'affirmation sans réserve d'une consécration de la
dualité des fautes civile et pénale par la loi du 10 juillet 2000 par d’autres
auteurs (28).
Il convient donc d’analyser les dispositions introduites en droit
positif par la loi du 10 juillet 2000 afin de déterminer si elle est venu « porter
l’estocade » (29) au principe de
l’unité des fautes civile et pénale ou
bien si celui-ci repose encore « sur des bases solides » (30). Dans cette perspective, il est nécessaire, en premier
lieu, d’étudier les dispositions substantielles de l’articles 121-3 afin de
mettre en évidence l’altération réalisée par la loi du 10 juillet 2000 sur les
fondements de l’unité des fautes ; puis, il faudra étudier les
dispositions procédurales issues de ladite loi pour faire apparaître
l’anéantissement des effets du principe de l’unité.
______________________________
(27) A. Dorsner-Dolivet, « Que
devient le principe de l'identité des fautes civile et pénale après la loi du
10 juillet 2000 ? », RRJ, Droit Prospectif, 2002-1, p. 199 et s. ;
M. Tapia, Décadence et fin éventuelle du principe d'identité des fautes pénale
et civile, Gaz. Pal. 7-8 mars 2003, p.2 ; Jean Pradel, De la véritable
portée de la loi du 10 juillet 2000 sur la définition des délits non
intentionnels, D. 2000, point de vue, V-VII.
(28) M.-A. Agard, « Faute pénale et
faute civile : un divorce dans la précipitation », Resp; civ; et
assur., juillet-août 2001, chr., n° 16, p. 6 et s. ; J.-D. Nuttens,
« La loi Fauchon du 10 juillet 2000 ou la fin de la confusion de la faute
civile et de la faute pénale d'imprudence », Gaz. Pal., Rec. 2000,
doctr., p. 1740.
(29) cf. JCP 2001, I, 338,
n°4, obs. Viney.
(30) Pradel J., « De la véritable
portée de la loi du 10 juillet 2000 sur la définition des délits non
intentionnels », D. 2000, point de vue, V-VII.
13
Première partie : Les
fondements du principe de l’unité des fautes civile et pénale à l’épreuve de la
loi du 10 juillet 2000
8. La Cour de cassation
considérait, jusqu’en 1912, que « l’action en réparation de dommages,
fondée sur les articles 1382 et 1383 du Code civil, ne se confond pas avec
l’action résultant du délit de blessures par imprudence, fondée sur les
articles 319 et 320 du Code pénal (…) qu’il appartient au juge de décider
d’après les circonstances du fait et la gravité de l’imprudence alléguée, si
cette imprudence constitue un délit punissable d’une peine correctionnelle ou
d’une simple faute ne donnant ouverture qu’à une action civile en
dommages et intérêts »(31) .
Prenant l’exact contre-pied de ces considérations dans l’arrêt Brochet
et Deschamps, la Chambre civile consacra l’unité des fautes, se fondant
d’une part, sur le fait que les termes des articles 319 et 320 du Code pénal
étaient identiques à ceux de l’article 1383 du Code civil, et d’autre part, sur
l’idée que « la légèreté de la faute commise » ne peut « avoir
d’autre effet que celui d’atténuer la peine encourue » (32).
Or, la loi du 10 juillet 2000, en modifiant l’élément légal des
infractions d’imprudence, a eu un double effet sur la nature et le régime des
fautes pénales non intentionnelles : tout d’abord, elle a altéré l’unité
textuelle des fautes civile et pénale ; elle a également instauré des
degrés de gravité dans la faute pénale, la dissociant ainsi de la faute civile
en rompant l’équivalence des fautes consacrée par la jurisprudence depuis 1912.
______________________________
(31) Civ., 15 avril 1889, S.,
1891 .292 ; civ., 14 novembre 1898, S., 1902, I 27.
(32) Cf. supra n° 4.
14
Chapitre 1. L’unité textuelle des
fautes civile et pénale à l’épreuve de la loi du 10 juillet 2000
9. L’article 319 de l’ancien Code
pénal prévoyait que « quiconque, par maladresse, imprudence, inattention,
négligence ou inobservation des règlements, aura commis involontairement un
homicide (…) » et l’article 1383 du Code civil mentionnait pour sa part,
de façon moins détaillée, l’imprudence ou la négligence.
Il est important de comprendre pourquoi cette confusion des fautes s’est
créée dans l’esprit des magistrats de la Cour régulatrice avant d’apprécier la
portée de la loi du 10 juillet 2000 quant à la fin de cette confusion.
Section 1. L’ancien
système de l’unité textuelle
10. Bien que reposant sur une
réelle unité de sens, l’analogie entre les fautes civile et pénale d’imprudence
maintenue par la Cour de cassation depuis 1912 a fait l’objet de très vives
critiques doctrinales et a été contournée par ceux même qui l’avaient
consacrée.
§1. Une analogie
reposant sur une identité sémantique
11. Une identité de portée
juridique découle d’une identité de termes entre les dispositions respectives
des Codes civil et pénal.
15
A. Une identité
terminologique
12. Comme nous l’avons dit, les
termes des articles 319 et 1383 coïncident parfaitement. Certes, outre l’imprudence
et la négligence proprement dites, le Code pénal rajoute la maladresse,
l’inattention et l’inobservation des règlements. Cependant, comme l’a justement
souligné M. Mayaud, « les
maladresses, imprudence, inattention, négligence ou inobservation des règlements
auxquelles renvoyaient les anciens art. 319 et 320 c. pén., étaient autant
d’expressions synonymes de la même réalité fautive » (33).
En outre, la jurisprudence entretenait la confusion. En effet, la
Chambre criminelle employait indifféremment les termes d’imprudence, de
négligence, de maladresse, d’inattention et d’inobservation des règlements pour
engager la responsabilité pénale d’individus ayant commis de telles fautes
entraînant un préjudice (34).
La Chambre civile, quant à elle, devant apprécier si des faits étaient
constitutifs de fautes de nature à emporter la responsabilité civile, emploie
les termes d’inattention et de maladresse tout autant que ceux d’imprudence et
de négligence (35).
Il y a donc, en quelque sorte, une assimilation des termes de maladresse
et d’inattention à ceux de négligence et d’imprudence et M. Deprez a pu écrire
à ce sujet que « l’interprétation jurisprudentielle des mots
« maladresse, imprudence, inattention, négligence oblige à admettre que la
faute pénale des articles 319 et 320 du Code
pénal comprend tous les éléments de la faute civile » (36).
Il est malaisé, dans ces conditions, de faire produire à ces termes des
effets différents.
______________________________
(33) Mayaud Yves, « De l’article
121-3 du code pénal à la théorie de la culpabilité en matière criminelle et
délictuelle », D. 1997, chr., p. 37 et s.
(34) crim., 5 décembre 1890, Bull.
crim. 1890, n° 247 ; crim., 19 janvier 1967, Bull. crim. 1967,
n°32 ; crim., 9 mars 1971, Bull. crim 1971., n°78.
(35) Civ. 1ère, 17 novembre
1969, Bull. civ.1 1969, n° 347 ; Civ. 1ère, 25
mai 1983, Bull. civ.1, n° 155.
(36) J. Deprez, « Faute pénale et faute civile » in
Quelques aspects de l’autonomie du droit pénal, Paris 1956, p. 157 et s.,
n° 22.
16
B. Une identité de
portée juridique
13. M. Cornu, dans son
vocabulaire juridique (37), distingue
l’imprudence de la négligence, en ce que la première supposerait une initiative
(excès de vitesse, escalade par exemple) et la seconde consisterait à ne pas
accomplir un acte qu’on aurait dû accomplir. Au-delà de ces subtilités, il
qualifie les deux fautes à la fois de quasi-délit civil et de délit
pénal ; elles ont donc le même effet générateur de responsabilité.
Il est intéressant de remarquer que l’un des seuls points sur lesquels
la doctrine est unanime, est celui de l’unité de sens et donc de portée des
termes qui étaient employés pour désigner les fautes civile et pénale. Ces
termes sont « tellement compréhensif, tellement généraux qu’il est malaisé
d’imaginer des hypothèses dans lesquelles l’homicide, les blessures, les coups
involontaires ne seraient pas punissables ; il faut supposer un accident
purement casuel, fortuit, dont les causes ne tiennent à aucune négligence, à
aucune imprudence » (38).
Ainsi, la jurisprudence de l’unité se trouve justifiée par un puissant
argument textuel et M. Pradel, défenseur de l’identité des fautes s’il en est,
de relever que « le linguiste admettra difficilement que les mêmes mots
_imprudence, négligence_ qui se
retrouvent dans les deux Codes, le civil et le pénal, aient des sens
différents, un sens large dans le Code civil et un sens étroit dans le
« Code pénal » (39).
Cette analogie entre les fautes civile et pénale d’imprudence n’a pas
manqué de susciter une vindicte doctrinale tant ses conséquences étaient
regrettables et a donc été contournée au fil des années par la jurisprudence.
______________________________
(37) G. Cornu, Vocabulaire juridique,
Association Henri Capitant, PUF, 3ème éd., 2002.
(38) cf. Morel, note sous civ., 18
décembre 1912, D. 1915, p. 17.
(39) J. Pradel, Droit pénal général,
Cujas, 14ème éd. 2004, n° 523.
17
§2. Une analogie critiquée et
contournée
14. D’illustres voix se sont
élevées contre la théorie de l’unité des fautes civile et pénale (40) et l’analogie résultant de l’analyse textuelle des
articles 319 et 320 du Code pénal confrontés aux articles 1382 et 1383 du Code
civil fut rapidement contournée par d’habiles constructions prétoriennes.
A. Une analogie critiquée
15. Les auteurs ont souligné les
conséquences extrêmes engendrées par le principe de l’identité des
fautes : ou bien le juge répressif est obligé de prendre en considération,
en tant que faute pénale, des « poussières de fautes » dans le seul
but d’accorder des dommages et intérêts (ou de permettre au juge civil de le
faire), ou bien la victime perd toute possibilité d’indemnisation.
Cette alternative a souvent conduit le juge pénal à retenir des fautes
très légères (culpa levissima) là où il aurait sans doute été préférable
de condamner sur le seul plan civil.
Cet état de fait a eu pour conséquence évidente de dénaturer le procès
pénal (41).
Au-delà de cet aspect pratique, d’une importance considérable, certains
arguments théoriques permettent de prendre clairement position contre l’unité
des fautes.
En effet, l’imputabilité (42), qui n’a
cessé de se réduire telle une peau de chagrin en droit de la responsabilité
civile, demeure une condition nécessaire de la mise en jeu de la responsabilité
pénale (43).
______________________________
(40) cf. thèse Pirovano précitée ; « La majorité de la doctrine française ne s’est pas
départie d’une hostilité très vive à l’égard de l’assimilation des fautes
pénale et civile », R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel,
Cujas, éd. 1997, n° 607 et s.
(41) Y. Mayaud, Droit pénal général,
puf, éd. 2002, n° 215.
(42)
« Caractère de ce
qui peut être mis au compte d’une personne comme une faute, en raison de ce que
cette personne jouit d’une volonté libre et consciente » in Vocabulaire
juridique, G. Cornu, éd. 2002.
(43) Arrêt Laboube, crim., 13 décembre
1956, D. 1957, p. 349, note Patin ; P. Jourdain a par ailleurs défendu dans sa thèse l’idée selon laquelle
l’élément d’imputabilité, externe à la faute, serait seulement requis à l’égard
de la faute pénale, Recherche sur l’imputabilité en matière de
responsabilité civile et pénale, Paris II, 1982, in « Décadence
et fin éventuelle du principe d’identité des fautes civile et pénale »,
Mauricio Tapia, Gaz. Pal., Rec. Mars-avril 2003.
18
L’objectivisation croissante de la responsabilité civile a conduit le
législateur, avec la loi du 3 janvier 1968, à consacrer, dans l’article 489-2
du Code civil, la responsabilité des personnes ayant agi sous l’empire d’un
trouble mental.
La Cour de cassation a pour sa part considéré ce texte comme
interprétatif des articles 1382 et suivants du Code civil, ce qui a déterminé
certains auteurs à considérer que l’unité des fautes avait été abandonnée (44), le trouble mental constituant toujours une cause
d’irresponsabilité pénale, aux termes de l’article 122-1 du Code pénal.
Poursuivant l’œuvre du législateur, la jurisprudence, avec les arrêts de
l’Assemblée plénière de 1984 (45), a conduit
à éliminer toute considération subjective dans l’appréciation de la
responsabilité civile en admettant le principe de la responsabilité des infantes
tandis que, là encore, le droit pénal considère ces personnes comme
irresponsables (article 122-8 CP).
Par ailleurs, M. Pirovano a soutenu dans sa thèse consacrée au sujet, en
1966 déjà, que la faute civile devait s’apprécier in abstracto, par
référence au comportement idéal du bon père de famille, notion bien
connue en droit civil, tandis que la faute pénale devrait s’apprécier in
concreto (46), préfigurant ainsi la
volonté du législateur de 1996, qui avait souhaité par ce biais mettre un terme
à l’unité des fautes civile et pénale (47).
Enfin, il paraît évident que le droit pénal ne doit intervenir que
lorsque le trouble social présente une certaine gravité. Comme l’a affirmé M.
Chavanne, « même une poursuite pour délit d’imprudence doit conserver
une certaine coloration d’infamie, répondre à un blâme infligé par la société
pour une conduite nettement antisociale » (48).
______________________________
(44)
« La faute
civile diffère désormais de la faute pénale » ; l’article 489-2 « a de
graves répercussions sur le plan de l’unité des fautes civile et pénale … Une
personne pourra être censée en faute du point de vue civil et innocente du
point de vue pénal. Relaxée au pénal, elle pourra être condamnée au civil sur
la base des articles 1382 et suivants du Code civil, applicables grâce à
l’article 489-2 » ; « Ceci met en cause l’autorité de la
chose jugée au pénal sur le civil », F. Chabas, Responsabilité civile
et responsabilité pénale, p. 66, note 20.
(45) Cass. Ass. plén., 9 mai 1984 : « il
n’y a pas lieu de vérifier si un mineur est capable de discerner les
conséquences de ses actes », Bull. civ. n°s 2 et 3, arrêts Epoux
Derguini et Lemaire et autres, D. 1984, 525, concl. J. Cabannes,
note F. Chabas, JCP 198, II, 20256, note P. Jourdain.
(46) Cf. thèse Pirovano précitée, n° 127
et s.
(47) Cf. supra, n° 5.
(48) Cf. A. Chavanne, « Effets du
procès pénal sur le procès engagé devant le tribunal civil », RSC
1954, n°2, p. 239 et s.
19
Les aberrations théoriques auxquelles conduisait le principe ainsi que
la quasi-unanimité de la doctrine sur sa nécessaire suppression, ont amené la
jurisprudence à tempérer sa position, en contournant les effets de l’unité des
fautes, sans pour autant abandonner la théorie.
B. Une analogie contournée
16. La jurisprudence s’est
efforcée d’atténuer les effets pervers de l’unité des fautes civile et pénale,
en admettant qu’une relaxe au pénal pour défaut de faute pénale d’imprudence ne
faisait pas obstacle à une action devant le juge civil sur un autre
fondement : ainsi en est-il de l’article 489-2 du Code civil, qui met à la
charge du dément une obligation légale de réparation (49), de l’article 1384 alinéa 1er du Code
civil (50) sur la responsabilité du fait des choses ou encore
les articles 1385 (51), 1386 et 1386-1
et suivants, concernant respectivement la responsabilité du fait des animaux,
des bâtiments en ruine et des produits défectueux, ces textes n’exigeant pas la
preuve d’une faute et admettant une présomption de responsabilité ; de
même, peut être retenue l’application de la loi du 5 juillet 1985 sur les
accidents de la circulation (52).
On le voit donc, les juges ne se sont pas privés d’exploiter la
pluralité des sources de la responsabilité civile pour permettre aux victimes
d’obtenir une réparation à laquelle la rigueur de l’unité des fautes ne leur
permettrait pas d’aspirer. Ces palliatifs prétoriens sont la conséquence
logique de la « désubjectivisation » de la responsabilité civile et
de l’extraordinaire développement concomitant des responsabilités sans faute au
sein de cette dernière.
______________________________
(49) cf. supra, n° 15.
(50) Civ. 20 juin 1979, JCP 1979, IV,
286 ; Crim. 20 septembre 1993, Bull. n° 265.
(51) Civ. 2ème 14 décembre
1977, D 1978, IR, p. 201, obs. Larroumet.
(52) Civ. 25 mars 1998, Bull. civ.
II, n° 104.
20
Par ailleurs, il semblerait que la Cour de cassation, même en cas de
relaxe pour absence de faute pénale non intentionnelle, admette une action
fondée sur l’article 1147 du Code civil, donc sur la responsabilité
contractuelle, lorsque l’on se trouve en présence d’une obligation de résultat,
le créancier de celle-ci n’ayant pas à prouver de faute, contrairement à
l’hypothèse d’une obligation de moyens et le manquement au contrat pouvant
provenir d’une imprudence ou d’une négligence (53).
Pour pratiques que soient ces substituts, ils n’en mettent pas pour
autant un terme à la confusion des fautes civile et pénale. Celle-ci ne pouvait
en effet résulter que d’une nouvelle rédaction de l’élément légal de la faute
pénale non intentionnelle (54).
Section 2. Le nouveau système de la
pluralité des fautes pénales non intentionnelles
17. Les fautes non
intentionnelles délictuelles sont définies par les deuxième, troisième et
quatrième alinéas de l’article 121-3 du Code pénal, dont la rédaction, issue
des lois du 13 mai 1996 et du 10 juillet 2000, a eu pour effet de faire
« éclater » la faute pénale.
L’analyse de ces dispositions permet de mettre en évidence l’existence
de trois fautes pénales : d’une part, la faute d’imprudence, de négligence
ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi
ou le règlement (alinéa 3), d’autre part, une faute de violation
manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de
sécurité prévue par la loi ou le règlement (alinéa 2 et 4) et enfin, une faute
caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité que
l’auteur de la faute ne pouvait ignorer (alinéa 4).
______________________________
(53) Cf. infra, n° 55.
(54) « Si l’on voulait
absolument adopter la thèse dualiste, il faudrait avant tout réécrire les
articles du C.P. relatifs à la faute, par ex. en ne visant que la faute
grave » in Droit pénal général, J. Pradel, Cujas, 14ème
éd. , 2004.
21
Les auteurs considèrent que la première peut être qualifiée de faute
d’imprudence ordinaire et les deux autres de fautes d’imprudence
qualifiées ou spéciales (55),
ce qui traduit leur différence.
§1. Les fautes pénales simples
18. Certes, l’imprudence, la
négligence ainsi que le manquement à une obligation de prudence ou de sécurité
prévue par la loi ou le règlement sont visés au même alinéa.
Cependant, ce dernier est issu de la loi du 13 mai 1996, même si la
doctrine avait d’ores et déjà dégagé ces termes pour synthétiser les
différentes expressions employées par le législateur pour définir les délits
non intentionnels, l’ancien article 319 faisant référence à l’inobservation des
règlements (56). Eu égard à cette
spécificité, il convient d’envisager, dans un premier temps, la faute pénale
d’imprudence ou de négligence, puis, celle de manquement à une obligation de
prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement.
A. La faute d’imprudence ou de
négligence
19. Les termes d’imprudence et de
négligence sont traditionnellement employés pour désigner de façon générique la
faute pénale non intentionnelle, ce qui a généré la confusion avec la faute
civile quasi-délictuelle.
La doctrine s’accorde pour affirmer que ce type de faute procède d’une
imprévoyance, consistant pour l’agent dans le fait de ne pas avoir prévu les
conséquences dommageables de son acte, mais aussi d’une certaine indiscipline
sociale, dans la mesure où la personne viole une règle de prudence qui s’imposait
à elle ou néglige de prendre les précautions qu’elle aurait normalement dû
respecter.
______________________________
(55) cf. F. Desportes et F. Le Gunehec, Droit
pénal général, economica, 9ème éd., 2002, n° 484.
(56) cf. supra, n° 12.
22
Il peut ainsi s’agir de l’employeur qui n’organise pas le travail de
façon à éviter les accidents (57), du
personnel médical qui ne surveille pas suffisamment un opéré, du propriétaire
d’un animal dangereux qui le laisse s’échapper (58), ou encore de l’enfant qui, en connaissance de cause, se livre à un jeu
dangereux (59).
Il faut préciser que ce type de faute ne nécessite pas une réglementation
préexistante. Il appartient en effet au juge de rechercher si une imprudence ou
une négligence a été commise en se référant au comportement, dans un domaine
d’activité considéré, d’un individu normalement prudent et diligent, ce qui
peut s’avérer délicat dans certaines situations, notamment en matière médicale,
eu égard à la complexité des règles de l’art en ce domaine. C’est pourquoi le
juge a souvent recours à des experts (60).
La loi du 10 juillet 2000, outre la modification substantielle qu’elle a
opéré sur l’article 121-3 CP, référant de l’élément moral des infractions non
intentionnelles, a aussi rajouté une disposition dans les articles 221-6,
222-19 et R625-2 (61), qui
représentent en quelque sorte le « droit commun des infractions d’imprudence » :
« dans les conditions et selon les distinctions prévues à l’article
121-3. »
Sont ensuite énumérées les diverses modalités de la faute pénale,
consistant en une maladresse, imprudence, inattention, négligence ou
manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le
règlement, la répression en cas d’homicide ou de blessures involontaires
étant identique.
On peut donc supposer que la maladresse et l’inattention sont toujours
assimilables à l’imprudence et à la négligence et que tous ces termes peuvent
être regroupés sous l’expression de faute pénale simple.
______________________________
(57) Crim., 8 août et 18 octobre 1977, Bull.
crim. 1977, 277 et 305, D 1978, 472, note Benoit, RSC 1979, 87, obs.
Levasseur.
(58) Crim., 9 nov. 1966, GP 1966,1,10,
RSC 1967, 452, obs. Levasseur.
(59) Crim., 19 avril 1972, Bull. crim.
1972, 31.
(60) cf. F. Desportes et F. Le Gunehec, Droit
pénal général, economica, 9ème éd., 2002, n° 489.
(61) Cf. Crim., 12 décembre 2000, Bull.
crim., 2000, n° 371, JCP, G 2001, IV 1281 (la Cour de cassation a
décidé que la loi du 10 juillet 2000 s’appliquait aux contraventions pour
blessures involontaires) ; le décret du 20 septembre 2001 a en outre
inséré dans la partie réglementaire du Code pénal un article R610-2, étendant
aux contraventions la nouvelle définition de la faute pénale non intentionnelle
(JO du 27 septembre 2001, p. 15288) ; la loi s’applique aussi au délit de pollution
accidentelle de rivière (cf. crim., 15 mai 2001, Bull. crim. 2001, n°
123.
23
Il en est de même pour le manquement à une obligation de prudence ou de
sécurité imposée par la loi ou le règlement, qui présente cependant une
certaine spécificité.
B. Le manquement à une obligation de
prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement
20. Contrairement à la faute
d’imprudence ou de négligence stricto sensu, ce type de manquement
suppose que la règle de conduite qui a été violée ait d’abord été inscrite dans
une loi ou un règlement.
A ce sujet, il est intéressant de remarquer la modification issue de la
loi du 10 juillet 2000.
Auparavant, les textes antérieurs mentionnaient « les
règlements », ce qui avait conduit la jurisprudence à consacrer une
interprétation extensive : il pouvait s’agir d’un décret ou d’un arrêté,
d’une circulaire, d’une règle professionnelle, du règlement intérieur d’une
entreprise (62). Désormais, l’article 121-3
vise « le règlement » (63). Il s’agit
donc du règlement au sens administratif du terme (décrets et arrêtés), et non
de toutes les formes de réglementation de sécurité. Cependant, comme l’a
souligné M. Le Gunehec, cette modification n’a pas de conséquence de fond, car
tout manquement à une réglementation de sécurité, qu’elle qu’en soit l’origine,
constitue nécessairement une imprudence ou une négligence (64).
Néanmoins, l’hypothèse d’une réglementation écrite préexistante est la
plus pratique d’application pour les juridictions, car il suffit alors au juge
de constater l’existence et la violation de cette réglementation pour établir
la faute pénale d’imprudence ou la négligence, sous réserve toutefois de son
appréciation in concreto.
______________________________
(62) Crim., 7 janvier 1959, Bull.
crim. 1959, n°27 ; Cour d’appel de Rouen, 26 février 1969, JCP
1971, éd. G. II, 16849, note Brunet.
(63) Les articles 4, 5, 6 et 7 de la loi
du 10 juillet 2000 ont également modifié les articles 221-6, 222-19, 222-20 et
322-5 CP de façon à substituer au pluriel le singulier s’agissant des
règlements pour tous ces textes dans un souci d’harmonisation.
(64) Le Gunehec F., « Loi n°
2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non
intentionnels », JCP, G, 2000, aperçu rapide, p. 1587 et s.
24
En outre, la violation du règlement constitue souvent par elle-même une
contravention qui sera retenue en même
temps que le délit d’imprudence ou de négligence dès lors qu’elle a causé un
préjudice. Cette situation est particulièrement fréquente en matière de
sécurité routière, la conduite automobile faisant l’objet d’une réglementation
très stricte (65).
Il convient d’appréhender maintenant les fautes dites qualifiées ou
spécifiées.
§2. Les fautes pénales qualifiées
21. L’article 1er de
la loi du 10 juillet 2000 a modifié l’art. 121-3 CP et ainsi instauré deux
types de fautes d’imprudence qualifiées qui se distinguent de la faute
d’imprudence ordinaire : la faute de mise en danger délibérée et la faute
caractérisée. Elle a par là même institué une hiérarchie entre les fautes
pénales non intentionnelles, qui répond à l’objectif de dépénalisation des
fautes les plus légères.
A. La faute de mise en danger
délibérée
22. Il s’agit de la violation
manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de
sécurité prévue par la loi ou le règlement (alinéa 4 de l’article 121-3
CP), que l’on peut assimiler à la mise en danger délibérée mentionnée par
l’alinéa 2 (66).
Cette formule est issue de l’article 223-1 CP incriminant le délit de
risque causé à autrui (67). L’analyse du
texte permet de mettre en évidence deux aspects de cette faute.
______________________________
(65) Cf. article R11-1 du Code de la
route prévoyant le défaut de maîtrise de son véhicule (incrimination
très large), cité par F. Desportes et F. Le Gunehec, Droit pénal général, economica,
9ème éd., 2002, n° 489.
Par
ailleurs, la loi n° 2003-495 du 12 juin 2003 a aggravé la répression en la
matière dans la mesure où le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur
encourt des peines plus importantes s’il a commis une « faute
simple » de maladresse, d’imprudence, d’inattention, de négligence ou un
manquement à une obligation législative ou réglementaire de sécurité ou de
prudence ayant entraîné un homicide (art. 221-6-1) ou des blessures
involontaires (art. 222-19-1 et 222-20-1).
(66) cf. F. Desportes et F. Le Gunehec, Droit
pénal général, economica, 9ème éd., 2002, n°484.
(67) Cet art. réprime « Le fait d’exposer directement
autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une
mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée
d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou
le règlement ».
25
D’une part, elle nécessite la violation d’une obligation particulière de
sécurité et il faut donc qu’un texte de nature législative ou réglementaire
existe (68), ce qui implique que les juges du fond citent ce
texte (69), en dépit d’une brève hésitation jurisprudentielle (70).
Le point le plus délicat réside cependant dans le fait que le texte en
cause doive déterminer une obligation particulière de sécurité (71), ce qui a entraîné un débat sur ce type
d’obligation. Il semble en effet que l’obligation particulière s’oppose
à une obligation générale.
L’obligation violée doit donc être suffisamment précise et imposer un
mode de conduite circonstancié, ce qui, d’ailleurs, n’est pas le cas de
l’obligation pesant sur le maire de prévenir et de faire cesser les évènements
de nature à compromettre la sécurité des personnes résultant de l’article
L2212-2-5° du Code général des collectivité territoriales (72) et traduit ainsi une fois encore la volonté du
législateur de mettre hors du champ pénal non intentionnel les décideurs
publics.
La jurisprudence, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 10 juillet
2000, offre certains exemples de cette exigence : ainsi, la Chambre
criminelle a exclu une obligation générale comme insuffisante (73), et a pareillement jugé insuffisante une
condamnation basée seulement sur un excès de vitesse et une autre ayant
condamné sur la seule constatation de la circulation d’une moto-neige à un
moment interdit, au motif que n’avait pas été suffisamment caractérisé le « comportement
particulier » en cause (74).
______________________________
(68) Crim., 26 nov. 2002, Bull. crim. 2002,
n° 211 (absence de texte régissant les promenades en raquette en
montagne) ; crim., 15 oct. 2002, Bull. crim. 2002, n° 186 (texte métropolitain
inapplicable outre mer) ; crim., 10 déc. 2002, Bull. crim, 2002, n°
223 (absence de texte sur l’accompagnement d’un éléève autorisé à se rendre aux
toilettes).
(69) Crim., 18 juin 2002, Bull. crim. 2002,
n° 138.
(70) Crim., 23 juin 1999, Bull. Crim. 1999,
n° 156.
(71) cf. M.-L. Rassat, Droit pénal
spécial, infractions des et contre les particuliers, Dalloz, 4ème
éd., 2004, n° 320.
(72) Crim., 25 juin 1996, Bull. crim. 1996,
n°274, Dr. pén., 1996, 265, obs. Véron, RSC, 1997, 106, obs. Mayaud
et 390, obs. J.H. Robert.
(73) Crim., 17 septembre 2002, Dr.
pén. 2003, n° 19 (règles générales du droit du travail sans adaptation à
l’activité spécifique en cause) ; Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 22
novembre 1995, D. 1996, 405, note Borricand (règles générales relatives à la
circulation aérienne).
(74) Crim., 19 avril 2000, D. 2000, 631,
note Mayaud ; crim., 3 avril 2001, Dr. pén. 2001, n° 100.
26
D’autre part, la violation doit être manifestement délibérée, ce qui, là
encore, est susceptible de poser problème, dans la mesure où cela fait référence
au for interne. Il s’agit d’une situation à la frontière entre l’intention et
la non intention, d’où le problème de son appréhension et de sa preuve, qui ne
peut être rapportée que dans des hypothèses bien particulières, dont la
jurisprudence donne certaines illustrations : le non-respect de plusieurs
feux rouges successivement rencontrés alors que le fait d’en brûler un seul
pourrait relever de l’inadvertance (75),
le non-respect de huit panneaux d’interdiction de circuler dont deux lumineux (76), plusieurs actes de soin irrégulièrement accomplis
sur plusieurs malades (77)…
23. Par ailleurs, il faut
préciser que la faute de mise en danger délibérée, telle que définie par
l’alinéa 4 de l’article 121-3, constitue une circonstance aggravante de l’homicide
et des blessures involontaires, ce qui est susceptible de poser un problème
relativement épineux, ainsi que l’a relevé M. Comte (78). En effet, le renvoi opéré par l’alinéa 1er
de l’article 221-6 réprimant l’homicide involontaire aux conditions et
distinctions de l’article 121-3 semble imposer l’exigence de la violation d’une
obligation particulière de prudence ou de sécurité comme condition de la
responsabilité pénale de l’auteur indirect (79) d’un
homicide par imprudence. Or, cette même faute est consacrée en tant que
circonstance aggravante dans l’alinéa 2 de l’article 221-6. La même faute
implique donc à la fois la culpabilité de son auteur et l’aggravation des
peines encourues par celui-ci.
Toutefois, ce problème peut être résolu si l’on considère que l’article
221-6, en son alinéa 1er, fait en outre référence à une obligation
de sécurité ou de prudence, sans mentionner le caractère particulier de
celle-ci. L’aggravation de la sanction serait donc subordonnée à l’existence
d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence.
Ce n’est qu’au prix d’une telle contorsion juridique que la
« bévue » du législateur est susceptible d’être écartée.
Il convient dès lors d’étudier la faute caractérisée.
______________________________
(75) Crim. 6 juin 2000, Bull.
crim. 2000, n° 213.
(76) TGI Saint-Etienne, 4 et 10 août
1994, GP 1994, 2, 773.
(77) Crim. 11 septembre 2001, Bull.
crim. 2001, n° 176.
(78) P. Comte, « Le lampiste et la
mort », Dr. pén., janvier 2001, p. 10 et s.
(79) Cf. infra, n° 29.
27
B. La faute caractérisée
24. L’alinéa 4 de l’article 121-3
mentionne une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une
particulière gravité qu’elles (les personnes fautives) ne pouvaient
ignorer.
Les débats ayant précédé l’adoption de la loi du 10 juillet 2000 ont
tenté d’apporter des précisions sur l’adjectif caractérisée : la
faute doit présenter un caractère « bien marqué »,
« affirmé », une « particulière évidence », une
« particulière intensité », elle doit revêtir un certain degré de
gravité. Les fautes légères sont donc exclues de cette définition.
A l’origine, il n’était question d’instaurer que la faute de mise en
danger délibérée. C’est ce que fait apparaître la proposition de loi initiale
adoptée par le Sénat. L’Assemblée nationale ayant jugé cette position trop
restrictive, retint pour sa part le concept de faute d’une exceptionnelle
gravité. Les associations de victimes ayant protesté contre cette formule,
qui aurait eu pour effet d’exclure beaucoup trop de comportements dommageables,
obtinrent du Gouvernement un certain soutien qui détermina le Parlement à retenir
l’adjectif « caractérisée », bien qu’il puisse être considéré comme
juridiquement neutre (80).
En second lieu, la faute doit avoir exposé autrui à un risque d’une
particulière gravité. Celle-ci résultera en pratique de la nature du risque
(mort, blessures graves, pollution importante) et de son degré de probabilité
élevé, ce qui signifie que le dommage sui s’est produit devait être prévisible.
Enfin, il est mentionné que la personne « ne pouvait ignorer »
ce risque. Si une personne n’était pas en mesure d’avoir eu connaissance de
l’existence d’une situation de danger, elle ne pourra donc pas être condamnée
sur ce fondement. Ces termes peuvent être compris comme signifiant qu’au regard
du contexte il n’est pas vraisemblable que la personne n’avait pas personnellement
conscience d’un tel risque, ce qui évite de devoir systématiquement démontrer
de façon manifeste que la personne le connaissait effectivement. En revanche,
Il ne suffira pas de constater que, du fait notamment de ses fonctions, la
personne aurait dû connaître ce risque.
______________________________
(80) Cf. Rapp. Dosière précité.
28
La jurisprudence permet d’affirmer que la gravité de la faute dite
caractérisée a été trouvée, soit dans une accumulation de comportements fautifs
(81), soit dans la violation unique d’une obligation
jugée particulièrement importante notamment parce qu’elle est de nature
professionnelle (82).
La Cour d’appel de Lyon, dans l’affaire du Drac, en a donné une
définition relativement complète : « un manquement caractérisé à
des obligations professionnelles essentielles ou l’accumulation de négligences
successives témoignant d’une impéritie prolongée » (83).
25. L’examen des nouvelles
dispositions introduites dans le Code pénal par la loi du 10 juillet 2000
permet d’affirmer sans réserve que l’unité des fautes civile et pénale a été
atteinte, dans la mesure où les fautes pénales d’imprudence qualifiées ne sont
plus définies par les mêmes termes que ceux de la faute civile. Il est
cependant incontestable que les fautes pénales simples demeurent identiques à
cette dernière.
Au-delà de cette « dualité textuelle » (partielle), la
hiérarchie des fautes pénales non intentionnelles, suggérée par l’article
121-3, n’est-elle pas le signe d’une remise en cause de l’équivalence des
fautes civile et pénale ?
______________________________
(81) Crim., 5 décembre 2000, Petites
affiches 2001, n° 189, p. 21 ; crim., 15 octobre 2002, Bull. crim. 2002,
n° 186 ; TGI Millau, 12 septembre 2001, Petites affiches 2002, n°
47, p. 13, note Steinlé-Feuerbach.
(82) Crim., 26 juin 2001, Dr. pén. 2001,
n° 124 (infirmière laissant une stagiaire utiliser un produit dangereux hors de
sa présence) ; 13 novembre 2002, Bull. crim. 2002, n° 204 (agent
technique des eaux et forêts et bûcheron laissant sans surveillance des troncs
d’arbres coupés et mal empilés) ; 4 février 2003, Dr. pén. 2003, n°
71 (prêt d’un véhicule défectueux par un garagiste) et de multiples sanctions
d’accidents du travail (RSC 2001, 577, obs. Mayaud).
(83) CA Lyon, 28 juin 2001, Gaz. Pal., 29-31 juillet 2001,
note S. Petit, RSC 2001, p. 804, obs. Mayaud.
29
Chapitre 2. L’équivalence des fautes civile et pénale à
l’épreuve de la loi du 10 juillet 2000
26. La jurisprudence antérieure à
1912 considérait que la faute prévue par les articles 319 et 320 CP devait
avoir une certaine gravité et qu’elle se distinguait ainsi de la faute civile.
La faute pénale pouvait ainsi être écartée et laisser cependant subsister une
faute plus légère, ayant le caractère de faute civile et ne donnant lieu qu’à
des dommages et intérêts (84). Comme l’a
souligné à juste titre M. Mayaud, « la faute était jusqu’ici une
notion unitaire, ce que la jurisprudence traduisait en ne faisant aucune
différence selon sa nature ou sa gravité » (85). Toutes les
défaillances étaient ainsi soumises au même régime répressif, depuis les moins
graves, telle la culpa levissima, jusqu’aux plus conséquentes, sur le
modèle des fautes lourdes ou inexcusables.
Cette position tranchée excluait donc que la gravité d’une faute ait une
quelconque incidence sur son effet générateur de responsabilité aussi bien
civile que pénale (86), ce qui
entraînait une équivalence des fautes en tout état de cause.
La loi du 10 juillet 2000, en ayant introduit dans le Code pénal les
fautes qualifiées, a renversé cette perspective. Toutefois, le régime de ces
dernières s’avère relativement complexe. En effet, le législateur a décidé que
ces fautes étaient nécessaires pour engager la responsabilité pénale des personnes
physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou
contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui
n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter (alinéa 4 de l’article
121-3).
_________________________
(84) Marcadé, cité par Morel, cf. note
sous civ. 18 décembre 1912, D 1915, 1, p. 17 : « il y a des
degrés, il y a du plus ou du moins dans l’imprudence ; on peut n’avoir pas
été assez imprudent, négligent ou mal intentionné pour mériter une condamnation
à l’emprisonnement et l’avoir été assez pour être tenu de réparer le préjudice
causé ».
(85) Y. Mayaud, « De l’article 121-3
d Code pénal à la théorie de la culpabilité en matière criminelle et
délictuelle », D. 1997, chr., p. 37 et s.
(86) cf. Crim., 23 avril 1955, DS
1955.524, qui casse la relaxe prononcée par une cour d’appel sur le fondement
de l’absence de faute « grave » en matière d’homicide
involontaire.
30
Il résulte de cette disposition que la dualité des fautes civile et
pénale, issue des degrés de gravité instaurés par la loi du 10 juillet 2000,
semble doublement limitée : d’une part, quant au lien de causalité entre
la faute et le dommage, et d’autre part, quant à la personne dont on envisage
la responsabilité, physique ou morale.
Section 1. Une équivalence dépendante du lien de causalité
entre la faute et le dommage
27. En droit pénal, la causalité
ne soulève pas de difficultés la plupart du temps, le lien entre un
comportement et un résultat étant évident (87)
et l’ampleur du préjudice étant d’ailleurs indifférente à la qualification de
l’infraction. Le Code pénal prend cependant en compte l’importance du préjudice
dans certains cas. Ainsi en est-il pour les atteintes à l’intégrité physique ou
psychique de la personne, d’où l’importance de déterminer avec précision le
lien de causalité entre la faute et le dommage en la matière.
Or, jusqu’à la loi du 10 juillet 2000, le législateur ne consacrait
aucune théorie relative à la causalité. La jurisprudence faisait application,
pour les homicides et blessures involontaires, de l’équivalence des conditions,
théorie selon laquelle tous les évènements qui ont concouru à la réalisation du
dommage sont équivalents, chacun d’entre eux pouvant donc être retenu isolément
(88) et s’opposant à la théorie de la causalité adéquate,
en vertu de laquelle il convient de rechercher la cause la plus propre à entraîner
normalement le dommage.
L’analyse de l’alinéa 4 de l’article 121-3 CP met en évidence
l’existence de deux conceptions de la causalité en matière d’infractions non
intentionnelles : d’une part, la causalité indirecte, pour laquelle la
gravité des fautes est opérante et, d’autre part, la causalité directe, où la
gravité des fautes s’avère inopérante.
______________________________
(87) Ainsi, lorsque les manœuvres de
l’escroc provoquent la remise de la chose par exemple.
(88) Cf. Crim., 20 juin 1989, Dr. pén.
1989, comm. n°60 : la Cour de cassation estime qu’il n’est pas
nécessaire qu’existe entre la faute et le dommage « un lien de
causalité directe ou immédiate » ; crim., 7 février 1973, Bull.
crim. 1973, n°72 : il n’est pas nécessaire que les fautes imputables
au prévenu soient « la cause exclusive du dommage ».
31
§1. Une gravité opérante en cas de causalité indirecte
28. Il importe de définir la
notion de causalité indirecte avant d’expliciter le régime mis en place par la
loi du 10 juillet 2000, exigeant la commission d’une faute qualifiée pour
engager la responsabilité pénale dans un tel rapport.
A. La définition de la causalité indirecte
29. L’article 121-3, en son
alinéa 4, définit ainsi la causalité indirecte : il s’agit du fait d’avoir
créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage
ou de ne pas avoir pris les mesures permettant de l’éviter. Cela met tout
d’abord en évidence deux variantes de la causalité indirecte : celle où
l’auteur d’une faute a créé ou contribué à créer la situation qui a permis la
réalisation du dommage, que les auteurs ont qualifié d’auteur indirect et
celle où l’agent n’a pas pris les mesures permettant de l’éviter, qualifié d’auteur
médiat. La première hypothèse s’oppose à celle de l’auteur direct (89), en ce que l’auteur indirect intervient en amont
dans la chaîne des causalités ayant abouti au dommage. Il peut s’agir du
responsable d’un accident ayant provoqué chez la victime un traumatisme crânien
grave à la suite duquel elle s’est suicidée, du conducteur déséquilibrant un
cyclomotoriste qui se fait écraser par le véhicule roulant à sa suite, du
directeur d’une usine ayant employé un ouvrier souffrant d’insuffisance
respiratoire dans des ateliers empoussiérés …
La notion d’auteur médiat peut être considérée comme une extension de
celle d’auteur indirect (90). Il est parfois
défini par la doctrine comme celui qui laisse commettre l’infraction, en raison
d’une omission fautive, par une personne placée sous son autorité. Elle
correspond essentiellement à la situation des chefs d’entreprise ou des
décideurs publics.
______________________________
(89) Cf. infra, n° 33.
(90) Cf. F. Desportes et F. Le Gunehec, Droit
pénal général, economica, 9ème éd., 2002, n°511-1.
32
En rejetant l’idée que toute faute, quelle qu’elle soit, ayant concouru
à la réalisation du dommage puisse entraîné la responsabilité pénale, le
législateur a nécessairement rejeté la théorie de l’équivalence des conditions
pour s’orienter vers une forme de causalité adéquate, dans la mesure où il y a
une recherche de la cause la plus propre à entraîner le dommage.
B. La nécessité d’une faute
qualifiée dans un rapport de causalité indirecte
30. Seule une faute de mise en
danger délibérée ou une faute caractérisée (91)
peuvent désormais engager la responsabilité de la personne physique auteur
indirect ou médiat d’un dommage. Toutes les fautes pénales ne sont donc plus
équivalentes quant à leur effet générateur de responsabilité.
Or, en droit civil, le principe de l’équivalence des fautes a toujours
prévalu (92), l’article 1382 visant bien « tout fait
quelconque de l’homme » : le juge
civil n’a pas à qualifier la faute, puisque la faute la plus légère engage la
responsabilité et que l’étendue de la réparation ne dépend pas de la faute mais
du dommage. Toutefois, dans certaines hypothèses, la qualification de la faute
s’avère nécessaire, sur le plan de l’évaluation du dommage par exemple ou
encore si la faute est intentionnelle, elle sera inassurable (art. L113-1 al. 2
Code des assurances). Il arrive même exceptionnellement que telle ou telle
responsabilité soit subordonnée à l’existence d’une faute plus ou moins
caractérisée, comme la faute inexcusable en droit du travail par exemple (93).
Il paraît donc incontestable que l’unité des fautes civile et pénale
s’avère rompu dans un rapport de causalité indirecte, puisqu’il n’y aura aucune
contradiction, si le juge pénal relaxe un prévenu, auteur indirect, des chefs
d’homicide ou de blessures involontaires pour absence de faute qualifiée, à ce
que le juge civil retienne pour sa part une faute civile, qui n’a nullement
besoin de recevoir de qualification spécifique et qui peut tout à fait être de
gravité moindre qu’une faute qualifiée au sens de l’art. 121-3 alinéa 4 CP.
_____________________________
(91) Cf. supra, n°s 22 et 23.
(92) In lege Aquilia et culpa levissima
venit ; cf.
Planiol, Traité élémentaire de droit civil, LGDJ, 4ème éd.,
1952, n°964 ; cf. article de J. Deprez précité.
(93) Cf. infra, n°s 48 et 49.
33
On peut citer, à titre d’exemple, un arrêt de la Cour d’appel de
Poitiers, qui a considéré que « la faute pénale est
désormais déconnectée de la faute civile, le responsable indirect n’est pas
forcément coupable d’une infraction pénale » (94).
L’exigence d’une certaine gravité produit donc un effet de
dépénalisation puisque la responsabilité pénale de l’auteur du dommage ne
pourra être engagée si celui-ci n’a commis qu’une faute simple, selon le juge
pénal. Cet effet, bien qu’ayant pour objectif premier, conformément à
l’intention du législateur, de réduire la responsabilité des élus locaux, qui
prennent des décisions et s’exposent au risque d’un engagement de leur
responsabilité pénale en cas d’accident (95),
est favorable, en vertu du principe d’égalité devant la loi à tous les
citoyens, y compris bien évidemment aux chefs d’entreprise, aux chefs de
services hospitaliers et à bien d’autres personnes dont l’implication dans un
homicide ou des blessures involontaires est parfois difficile à établir.
31. Au-delà de ces constatations a
priori, l’on peut s’interroger sur la pertinence de la méthode du
législateur. Le fait d’avoir instauré une conception dualiste de la gravité
aboutit à une certaine confusion des genres que M. Pradel s’est empressé de
relever (96).
En effet, selon ce dernier, il est probable que le prévenu relaxé au
pénal en raison d’un lien indirect avec le dommage pour absence de faute
qualifiée, pourra aussi échapper à la réparation du préjudice, la
responsabilité civile demandant en général un lien direct avec le dommage (97) bien que certains auteurs contestent cet état de fait
(98). Cet argument, bien que logiquement inattaquable,
souffre cependant de l’existence de l’article 4-1 CPP, qui permet au juge civil
de s’affranchir de la tutelle du juge pénal en tout état de cause (99).
Il convient à présent
d’étudier le second système : celui de la causalité directe.
______________________________
(94) CA Poitiers (ch. corr.), 2 février
2001, JCP, G, 2001, II, 10534, note Ph. Salvage.
(95) Cf. Rapp. de René Dosière.
(96) J. Pradel, « De la véritable
portée de la loi du 10 juillet 2000 sur la définition des délits non
intentionnels », D. 2000, point de vue, V-VII.
(97) Cf. F. Terré, Ph. Simler et Y.
Lequette, Droit civil, les obligations, 8ème éd., 2002, n°
860.
(98) Ce n’est pas l’avis de P. Jourdain
par ex. : « certains ont cru qu’en droit civil la causalité devait
être directe, c’est évidemment inexact : il y a mille exemples, mille
arrêts de la Cour de cassation (peut-être pas mille mais en tout cas un bon
nombre) qui engagent la responsabilité de personnes qui ne sont que des auteurs
indirects du dommages » (Les conséquences de la loi du 10 juillet 2000
en droit civil, Colloque du 1er février 2001 à la Grande Chambre de
la Cour de cassation sur la loi n°2000-647 du 10 juillet 2000, inédit)
(99) sur cette question, cf. infra, n° 43
et 46.
34
§2. Une gravité inopérante en cas de causalité directe
32. Il faut adopter la même
démarche que pour la causalité indirecte : définition de cette dernière
dans un premier temps et régime mis en place par la loi du 10 juillet 2000,
c’est-à-dire l’équivalence des fautes.
A. La définition de la causalité directe
33. La causalité directe a été
consacrée quasi implicitement dans l’article 121-3, alinéa 4 CP, qui rompt
ainsi avec l’ancienne jurisprudence (100).
En effet celui-ci dispose « les personnes physiques qui n’ont pas causé
directement le dommage », sans prendre le soin de définir la causalité
directe. L’on peut considérer a contrario que l’auteur direct d’un
dommage est celui qui, par son comportement fautif, a créé de façon directe la
situation dommageable. Au-delà de cette tautologie, l’on peut constater que la
Chambre criminelle, sans donner de définition exhaustive, a considéré que le
lien de causalité était direct chaque fois que l’imprudence ou la négligence
reprochée était soit la cause unique, exclusive, soit la cause immédiate ou
déterminante de l’atteinte à l’intégrité physique de la personne (101).
Le domaine de prédilection en la matière paraît être celui des accidents
de la circulation.
On peut citer, à titre d’exemple, un arrêt en date du 25 septembre 2001,
dans lequel la Chambre criminelle a approuvé une Cour d’appel qui avait estimé
que le comportement d’un conducteur, circulant de nuit sur une ligne droite à
une vitesse excessive, « était constitutif d’une faute en relation directe
avec le décès de la victime », quand bien même le prévenu avait perdu
le contrôle de son véhicule pour venir heurter frontalement celui de la
victime, à la suite d’un premier heurt de sa voiture avec un sanglier qui avait
surgi sur la chaussée et s’était encastré sous son capot avant.
______________________________
(100) Cf. supra, n° 26.
(101) Cf. D.-N. Commaret, « La loi du
10 juillet 2000 et sa mise en œuvre par la chambre criminelle de la Cour de
cassation », Gaz. Pal., Rec. 2002, doctr., p. 603.
35
Certains auteurs ont estimé que la théorie de la proximité des causes
avait ainsi été consacrée (102).
Dans un tel rapport, il s’avère que même la faute la plus légère peut
engager la responsabilité pénale de son auteur.
B. L’équivalence des fautes en causalité directe
34. Lorsqu’une personne physique
a causé directement un dommage, les fautes simples d’imprudence ou de
négligence, dépénalisées en causalité indirecte, retrouvent tout leur empire,
si bien que l’on ne peut qu’en déduire que les fautes civile et pénale
demeurent donc identiques (103). En effet,
comment pourrait-on concevoir que le juge répressif relaxe un prévenu pour
absence de faute pénale simple et que le juge civil condamne cet individu à
réparation sur le fondement de l’article 1383 alors que la faute quasi
délictuelle recouvre le même champ que la première, tant sur le plan sémantique
que sur le plan de l’indifférence de la gravité ? Il y aurait évidemment
une contradiction flagrante entre les deux juridictions.
C’est pourquoi un courant doctrinal important est parvenu à la
conclusion selon laquelle la loi du 10 juillet 2000 n’aurait qu’en partie
atteint le principe de l’unité des fautes civile et pénale (104).
______________________________
(102)
F. Desportes et F. Le
Gunehec, Droit pénal général, economica, 9ème éd., 2002,
n°448-1.
(103)
Cf. A. Blanchot,
« Délits non intentionnels : la responsabilité de l’auteur
indirect », D. 2001, interview, p. 559 : « en ce qui
concerne l’auteur direct, rien n’est changé et il y a toujours identité de
faute entre la faute civile et la faute pénale ».
(104)
Cf. M. Tapia,
« Décadence et fin éventuelle du principe d’identité des fautes pénale et
civile », Gaz. Pal., Rec. Mars-avril 2003 : « Ce n’est
donc qu’à l’égard de ces fautes simples que la loi du 10 juillet 2000 opère une
dissociation entre faute pénale et civile » ; L. Griffon,
« Le renforcement de l’autonomie de la responsabilité pénale en matière de
délits non intentionnels par la loi française du 10 juillet 2000 »,
RICPTS, 2003, Rec., p. 349 et s. : « Ainsi, lorsque la
causalité est directe, un certain parallélisme subsiste entre les responsabilités
civile et pénale, dans la mesure où une faute, même très légère, suffit pour
engager la responsabilité ; C. Ruet, « La responsabilité
pénale pour faute d’imprudence après la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000
tendant à préciser la définition des délits non intentionnels », Dr.
pén., janvier 2001, p. 4 et s. : « L’unité des fautes civile
et pénale n’est cependant affectée que dans l’exacte mesure de l’exigence d’une
faute qualifiée (…) Seule la faute des personnes physiques visée à l’alinéa 4
de l’article 121-3 reçoit une acception distincte lors de la mise en œuvre de
leur responsabilité pénale et civile ».
36
Toutefois, certains auteurs (105)
pensent malgré tout que la dualité des fautes peut être consacrée en toute
hypothèse, dans la mesure où, même en cas de causalité directe, la faute pénale
doit toujours s’apprécier in concreto, contrairement à la faute civile (106).
Cet argument, bien que logiquement acceptable, peut être écarté si l’on
considère que la loi du 13 mai 1996, censée avoir consacré ce type
d’appréciation n’a pas vraiment eu de portée juridique, puisque tout
comportement constituant une faute d’imprudence, même une faute légère, pouvait
toujours caractériser une infraction pénale. Aucun arrêt de la Chambre
criminelle n’est d’ailleurs venu casser une condamnation pour insuffisance de
motif sur le fondement de ces dispositions.
C’est bien pour cette raison que le législateur a estimé utile d’opérer
une nouvelle réforme, ayant abouti à la loi du 10 juillet 2000, car, s’il avait
été satisfait du résultat obtenu par celle de 1996, tant sur le plan de
l’appréciation moins rigoureuse de la responsabilité des décideurs publics que
sur celui de la dissociation des fautes civile et pénale, il en serait sans nul
doute resté là.
Dépendante du lien de causalité en vertu duquel on apprécie le rapport
entre une faute et un dommage, l’équivalence des fautes civile et pénale paraît
également de la nature de la personne responsable du dommage.
______________________________
(105) Cf. A. Dorsner-Dolivet, « Que
devient le principe de l’identité des fautes civile et pénale après la loi du
10 juillet 2000 », RRJ, Droit prospectif, 2002, 1, p. 199 et s.
(106) Cf. supra, n° 5.
37
Section 2. Une équivalence dépendante de la personne
responsable
35. La possibilité d’engager la
responsabilité pénale des personnes morales depuis l’entrée en vigueur du Code
pénal de 1992 a conduit le législateur à articuler la responsabilité pénale de
ces dernières avec celle des personnes physiques. L’analyse des nouvelles
dispositions fait clairement apparaître que l’exigence d’une certaine gravité
des fautes en cas de causalité indirecte est opérante à l’égard des personnes
physiques, mais inopérante pour les personnes morales.
§1. Une gravité opérante pour les personnes physiques
36. L’alinéa 4 de l’article 121-3
vise uniquement les personnes physiques qui n’ont pas directement causé le
dommage (…). L’on peut aisément comprendre que le dispositif mis en place
concerne seulement ces dernières si l’on se réfère à l’intention du
législateur. En effet, celui-ci a tenu à dépénalisé les fautes simples commises
dans un rapport de causalité indirecte, avec pour objectif essentiel de mettre
hors de cause les « décideurs publics » (107), dont la responsabilité pénale pouvait être engagée
dans des cas où il existait un lien très ténu entre une faute parfois très
légère et un dommage (108), ce qui était
perçu comme infamant par les élus qui se dévouent pour leurs concitoyens (109), et donnait lieu à un acharnement médiatique
conduisant à désigner le mis en examen comme coupables aux yeux de l’opinion
publique.
Cette dépénalisation des fautes simples, dans l’esprit du législateur,
devait s’accompagner, corrélativement, d’une « civilisation » de ces
fautes, de façon à ce que les victimes ne restent pas démunies de recours. Ce
faisant, le droit pénal devait retrouver son domaine (la punition) et le droit civil,
se voir clairement assigner celui de la réparation.
______________________________
(107) Cf. supra, n° 30.
(108) Cf. Rapport n°2266 (1999-2000),
Assemblée nationale, par R. Dosière, au nom de la commission de lois : « Or,
l’extension sans limite de la responsabilité des décideurs publics et du champ
des délits non intentionnels (…) est désormais excessive ».
(109)
Cf. Rapp. Dosière
précité.
38
D’ailleurs, le législateur a pris le soin, comme en 1996, de décliner
les nouvelles dispositions de l’article 121-3 au profit des décideurs publics,
en y faisant référence dans le Code général des collectivités territoriales (110), le statut des fonctionnaires et celui des
militaires, tout en améliorant les conditions de leur protection par l’Etat ou
les collectivités publiques en cas de faute de service (111).
Il faut cependant remarquer, à l’instar de M. Tapia (112), que les statistiques faisaient apparaître un petit
nombre de poursuites engagées contre les élus locaux pour des fautes non
intentionnelles (113), même s’il
existait néanmoins, notamment chez les maires, un vrai sentiment de malaise,
ces derniers ayant l’impression d’être rendus responsables de tout (114). Dès lors, l’on peut s’interroger sur la nécessité
de modifier l’élément moral des infractions non intentionnelles de façon
générale, alors que l’on aurait pu se contenter d’instaurer un régime
spécifique aux décideurs publics.
Par ailleurs, il s’avère, comme l’a affirmé Mme Ruet, que « la
loi du 10 juillet 2000 organise en cas de faute simple, le transfert du
contentieux vers la responsabilité des personnes morales » (115).
______________________________
(110) Cf. art. 10 à 13 de la loi du 10
juillet 2000 ; art. L2123-34, L3123-28 et L4135-28 ; L. 13 juillet
1983, art. 11 bis A ; L. 13 juillet 1972, art. 16-1 in F. Le
Gunehec, « Loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la
définition des délits non intentionnels », JCP G 2000, aperçu
rapide, p. 1587 et s.
(111) Cf. infra, n° 50.
(112)
Cf. M. Tapia,
« Décadence et fin éventuelle du principe d’identité des fautes pénale et
civile », Gaz. Pal., Rec. Mars-avril 2003.
(113)
Entre le mois de mars
1995 et celui d’avril 1999, le nombre des mises en examen d’élus locaux était
de 54 (dont 14 condamnations), chiffre faible par rapport au nombre d’élus
locaux (un effectif potentiel de 50.000).
(114)
Cf. Rapport
Dosière précité.
(115)
Cf. C. Ruet , « La
responsabilité pénale pour faute d'imprudence après la loi n° 2000-647 du 10
juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non
intentionnels », Dr. pén., janvier 2001, p. 4 et s.
39
§2. Une gravité inopérante pour les
personnes morales
37. Comme on l’a dit, il ressort
explicitement de l’article 121-3, alinéa 4, que seules les personnes physiques
sont concernées par l’exigence d’une faute qualifiée en cas de causalité
indirecte. Par conséquent, les personnes morales demeurent soumises à l’ancien
régime, c’est-à-dire qu’elles peuvent voir leur responsabilité pénale engagée,
même en cas de faute simple d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation
légale ou réglementaire de prudence ou de sécurité (116).
Or, la responsabilité pénale des personnes morales revêt un caractère
indirect (117), en ce qu’elle ne peut être mise en jeu que par le
truchement des personnes physiques, le législateur n’ayant pas institué de
mécanisme permettant d’imputer directement des faits délictueux à une personne
morale (118). Il est donc nécessaire, aux termes de l’alinéa 1er
de l’article 121-2, de constater une infraction commise par les organes ou
représentants de la personne morale, pour le compte de celle-ci, si l’on veut
pouvoir engager sa responsabilité.
Certes, comme le souligne le rapport annuel de la Cour de cassation de
1998, « lorsque est reprochée à la personne morale une faute d’imprudence
ou de négligence consistant en la violation d’une disposition législative ou
réglementaire s’imposant à elle , il est possible de lui imputer un tel
manquement sans que soit identifiée la personne physique fautive, car l’on sait
que le devoir de faire respecter la réglementation méconnue pesait
nécessairement sur un organe ou un représentant de la personne morale :
soit le dirigeant, soit, en cas de délégation de pouvoirs, le délégataire,
lequel peut être considéré comme un représentant au sens de l’article 121-2
CP » (119).
______________________________
(116)
Cf. supra, n° 18 et s.
(117)
Cf. Crim., 18 janvier
2000, Dr. pén. 2000, comm. n°72, obs. M. Véron.
(118)
Cf. F. Desportes et F.
Le Gunehec, Droit pénal général, economica, 9ème éd., 2002,
n° 600.
(119)
Cf. Rapp. C. cass.
1998, p. 303.
40
La Cour de cassation a d’ailleurs consacré cette solution, dans un arrêt
en date du 1er décembre 1998, en approuvant la condamnation d’une
société pour homicide involontaire dans le cadre du travail, bien que
l’identité de la personne physique ayant agi « pour le compte » de la
personne morale n’ait pas été mentionnée (120).
Cependant, bien que non négligeable, ce domaine est loin de représenter
tout le champ des infractions non intentionnelles.
Dans les autres cas, il faudra donc imputer une faute non qualifiée à un
organe ou un représentant d’une personne morale poursuivie pour homicide ou blessures
involontaires, même s’il est vrai que la déclaration de culpabilité de la
personne physique n’est pas nécessaire (121).
C’est ainsi que, dans un rapport de causalité indirecte, la personne
physique organe ou représentant de la personne morale pourra être relaxée pour
absence de faute qualifiée tandis que cette dernière verra sa responsabilité
pénale engagée si le juge estime que la personne physique a commis une faute,
fût-elle très légère. C’est ce que législateur du 10 juillet 2000 a pris le soin
de spécifier dans l’article 8 de la loi, ayant modifié l’alinéa 3 de l’article
121-2 CP : « La responsabilité pénale des personnes morales
n’exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes
faits, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l’article
121-3 ».
Toute la difficulté réside dans l’exigence d’une infraction commise par
une personne physique, organe ou représentant de la personne morale, pour le
compte de celle-ci. En effet, en cas de causalité indirecte, il n’y a plus de
faute simple génératrice de responsabilité pénale pour les personnes physiques
… et donc plus d’infraction !
Faut-il donc considérer que les personnes morales sont également exclues
de la répression en pareille hypothèse ?
______________________________
(120)
Cf. Crim., 1er
décembre 1998, Bull. crim. 1998, n° 325, JCP 1998, éd. E,
Actualités, p. 194, RSC 1999, p. 337, obs. Giudicelli-Delage.
(121)
Cf. crim., 2 décembre
1997, Bull. crim. 1997, n° 420 ; crim., 1er décembre
1998, précité.
41
Cette solution ne semble pas conforme aux attentes du législateur. En outre, la jurisprudence l’a d’ores et déjà
rejeté (122).
Il faut donc en tirer la conclusion que la faute simple commise par une
personne physique continue de constituer l’élément moral du délit d’imprudence,
même en cas de lien de causalité indirect.
Certains auteurs, ayant relevé cette incohérence, ont estimé qu’il y
avait là, au-delà d’une cause d’irresponsabilité sui generis, propre aux
délits d’imprudence, un nouveau cas d’ immunité (123), l’infraction subsistant et l’irresponsabilité résultant à la fois de
la qualité objective de l’auteur des faits (personne physique) et des
circonstances de l’infraction (lien de causalité indirect).
38. Quoi qu’il en soit, cet état
de fait ne laisse pas de poser un problème essentiel au regard du principe de
la dualité des fautes civile et pénale voulue par le législateur. En effet,
comment le juge civil pourrait-il retenir l’existence d’une faute civile à
l’encontre d’une personne physique, organe ou représentant d’une personne
morale, ainsi qu’à l’encontre de cette dernière, si elles ont toutes deux fait
l’objet d’une relaxe par le juge pénal, l’une pour absence de faute qualifiée
(et a fortiori de faute simple) et l’autre pour absence de faute
simple ? Il y aurait une contradiction entre les deux juridictions, comme
en matière de causalité directe, la définition de la faute pénale étant alors
identique à celle de la faute civile (124).
______________________________
(122)
Cf. Crim., 24 octobre
2000, D. 2002, n°6, p. 514, note de Jean-Claude Planque : La Chambre
criminelle casse l’arrêt de la Cour d’appel, en ce que celle-ce a relaxé une
société poursuivie pour blessures involontaires causées à l’un de ses salariés
sans rechercher si un manquement à des prescriptions réglementaires n’était pas
dû pour partie à un défaut de surveillance ou d’organisation du travail imputable
au chef d’établissement ou, le cas échéant, à son délégataire en matière de
sécurité et susceptible, nonobstant l’absence de faute délibérée ou
caractérisée, d’engager la responsabilité pénale de la société.
(123) Cf. C. Ruet, « La responsabilité
pénale pour faute d'imprudence après la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000
tendant à préciser la définition des délits non intentionnels », Dr.
pén., janvier 2001, p. 4 et s. ; M. Pralus, « Réflexions autour
de l’élément moral des délits », Dr. pén., décembre 2002, p. 4 et
s.
(124)
Cf. supra, n° 34.
42
39. Il semble donc bien que la dualité des fautes civiles et pénales,
souhaitée par le législateur, et réalisée substantiellement par une
redéfinition de l’élément moral des délits non intentionnels et par
l’introduction corrélative de degrés de gravité entre les fautes pénales, soit
très limitée, si l’on s’en tient à l’article 121-3 CP, consacrant une simple
remise en cause partielle des fondements du principe (125).
D’ailleurs, qui pourrait prétendre fixer clairement un seuil de gravité
en deçà duquel seule la responsabilité civile pourrait être engagée ?
Cependant, le législateur, outre cette modification, a jugé utile de
préciser les conséquences procédurales de la dissociation des fautes civile et
pénale et s’est donc attaqué de front aux effets du principe de l’unité des
fautes.
______________________________
(125) Cf. J. Pradel, Droit pénal
général, Cujas, édition 2003, n° 524 : M. Pradel parle « d’effritement
de l’unité des fautes dans la législation moderne » ; M. Tapia,
article précité : « Malgré la coïncidence entre la position
majoritaire e la doctrine et l’intention de législateur, il est certain que la
loi du 10 juillet 2000 ne donne pas d’éléments substantiels pour la
dissociation des fautes ».
43
Deuxième partie : Les effets du
principe de l’unité des fautes civile et pénale à l’épreuve de la loi du 10
juillet 2000
40. En matière d’infractions non
intentionnelles, la consécration prétorienne de l’unité des fautes civile et
pénale entraînait essentiellement deux conséquences néfastes, véritables
manifestations de la primauté de l’ordre criminel sur le civil.
Tout d’abord, la nature identique des deux fautes aboutissait à ce que
les prescriptions civile et criminelle (de l’action publique) soient
liées ; cette règle dite de la solidarité des prescriptions était motivée par la volonté d’éviter toute
contradiction entre les deux juges, ce qui entraînait de singulières
conséquences, comme par exemple le fait que la victime d’un dommage civil
pouvait agir en réparation pendant trente ans, alors que la victime d’un
dommage résultant d’une infraction ne pouvait agir que pendant dix ans, trois
ans ou un an, suivant que le dommage avait été causé par un crime, un délit ou
une contravention (trois ans pour les infractions d’imprudence). La règle, à
l’instar de son fondement, fut critiquée par la doctrine (126) et contournée par la jurisprudence (127) avant d’être fortement vidée de sa substance par le
législateur, avec la loi du 23 décembre 1980. Celle-ci modifia l’article 10
alinéa CPP, qui dispose désormais : « l’action civile se prescrit
selon les règles du Code civil. Toutefois, cette action ne peut plus être
engagée devant la juridiction répressive après l’expiration du délai de
prescription de l’action publique ».
L’action
civile est donc, en ce qui concerne la prescription, indépendante de l’action
publique et survit à l’extinction de celle-ci, excepté dans l’hypothèse où elle
serait engagée devant le juge pénal.
______________________________
(126)
Cf. thèse Pirovano
précitée ; Stefani, Levasseur et Bouloc, Procédure pénale, 19ème
édition, 2004, n° 328 : la règle de la solidarité des prescriptions est
qualifiée de « prime légale à la turpitude ».
(127)
La jurisprudence
admettait l’action civile en réparation d’un dommage qui a son fondement dans
un contrat malgré l’extinction de l’action publique (cf. Civ., 9 janvier 1928,
D. 1929, 1, 56) et les tribunaux n’appliquaient la prescription pénale qu’à
l’action civile délictuelle qui trouvait son principe dans l’infraction et dans
la faute pénale en excluant de la solidarité des prescriptions celle qui
puisait son principe dans une disposition du droit civil ou du droit social
(article 1384 alinéa 1 par exemple).
44
En second lieu, au niveau de l’autorité de la chose jugée au criminel
sur le civil, principe prétorien (128) en
vertu duquel « le juge civil est lié par les constatations de nature
pénale » (129) à la condition qu’elles
soient « certaines et nécessaires » (130) et qu’elles constituent donc le « soutien nécessaire » (131) de la décision pénale, qui trouve son fondement dans la supériorité de l’ordre public, défendu
par les juridictions répressives, ainsi que des moyens d’investigation employés
par le juge pénal (132), l’unité des
fautes a pour conséquence de faire échec à toute action en responsabilité
civile fondée sur la faute dès lors que le défendeur a été relaxé du chef
d’homicide ou de blessures involontaires (133).
Inversement, si le juge pénal a retenu l’existence d’une faute, le juge civil
est contraint de tenir celle-ci pour établie (134).
Or, l’article 2 de la loi du 10 juillet 2000 a introduit dans la Code de
procédure pénale un article 4-1, qui dispose que « l’absence de faute
pénale non intentionnelle au sens de l’article 121-3 du Code pénal ne fait pas
obstacle à l’exercice d’une action devant les juridictions civiles afin
d’obtenir la réparation d’un dommage sur le fondement de l’article 1383 du Code
civil si l’existence de la faute civile prévue par cet article est établie ou
en application de l’article L452-1 du Code de la sécurité sociale si
l’existence de la faute inexcusable prévue par cet article est établie. »
Le législateur ayant par ailleurs pris en compte la possibilité pour la
victime d’obtenir réparation du dommage résultant d’une infraction non
intentionnelle devant le juge répressif statuant « en application des
règles du droit civil » en vertu de l’article 470-1 CPP, issu d’une
loi du 8 juillet 1983, a modifié ce dernier pour prendre en compte l’hypothèse
d’une relaxe prononcée par le juge répressif dans le cadre de poursuites
exercées pour une infraction non intentionnelle au sens des deuxième, troisième
et quatrième alinéas de l’article 121-3 CP.
______________________________
(128)
Cf. Civ., 7 mars 1855, Quertier,
D. 1855, 1, 81 ; S. 1855, 1, 439 (« Le juridictions
répressives, qui condamnent au nom de l’ordre public,ne peuvent être
contredites par les juridictions civiles qui jugent des intérêts
particuliers »).
(129)
Cf. Stefani, Levasseur,
Bouloc, Procédure pénale, Dalloz, 2004, n° 977 : existence du fait,
qualification légale, participation matérielle du mis en cause et culpabilité
de celui-ci.
(130) Op. cit., n° 982.
(131) Op. cit., n° 985.
(132)
J. Pradel, Procédure
pénale, Cujas, édition 2000, n° 972 : « le juge pénal dispose
de moyens d’investigation supérieurs à ceux du juge civil et se trouve donc
mieux placé pour obtenir la vérité ».
(133)
Cf. supra, n° 3.
(134)
Cf. P. Bouzat, Traité
de droit pénal, 1952, n° 676.
45
Il importe donc de déterminer dans quelle mesure la loi du 10 juillet
2000 remet en cause l’autorité de la chose jugée au criminel sur le civil ainsi
que son influence sur l’action civile exercée devant le juge répressif.
46
Chapitre 1. L’autorité de la chose jugée au criminel sur le civil
à l’épreuve de la loi du 10 juillet 2000
41. L’article 4-1 CPP, qui ne
figurait pas dans la proposition de loi du sénateur Fauchon, a été rajouté par
voie d’amendement par l’Assemblée nationale et adopté par la commission des
lois avec pour objectif de « prendre acte de la dissociation de la
faute pénale non intentionnelle et de la faute civile » (135).
Cette disposition vise deux types de faute : la faute civile quasi
délictuelle stricto sensu ainsi qu’un autre type de faute civile :
la faute inexcusable prévue par l’article L452-1 du Code de la sécurité sociale
et ouvrant droit, pour le salarié victime d’un accident du travail ou d’une
maladie professionnelle, à un complément d’indemnisation.
Par ailleurs, l’article 4-1 CPP suscite des interrogations quant à la
faute d’imprudence commise par un agent de l’administration.
Il convient donc d’analyser la portée de cet article à l’égard de
l’autorité de la chose jugée au criminel pour ces divers types de fautes.
______________________________
(135)
Selon l’expression du
rapporteur R. Dosière, Assemblée nationale, 2ème séance du 5 avril
2000, compte rendu intégral, p. 03141, cité par M. Tapia in « Décadence
et fin éventuelle du principe de l’identité des fautes pénale et civile »,
Gaz. Pal., Rec. Mars-avril 2003, p. 686 et s.
47
Section 1. L’autorité de la chose
jugée au criminel à l’égard des fautes civiles stricto sensu
42. Lorsque le juge pénal est
saisi, l’issue du procès se résume à deux alternatives : la condamnation
ou la relaxe du prévenu. L’autorité de la chose jugée au criminel sur le civil
se mesure en considérant la « marge de manœuvre » laissée au juge
civil dans ces deux hypothèses. Or, jusqu'à la loi du 10 juillet 2000, celle-ci
était nulle en matière d’infractions non intentionnelles. La lecture de
l’article 4-1 fait apparaître que l’autorité de la chose jugée au criminel
n’est remise en cause que dans l’hypothèse d’une relaxe au pénal, le juge civil
restant a priori lié en cas de condamnation.
§1. L’anéantissement de l’autorité
de la chose jugée au criminel sur le civil en cas de relaxe par le juge pénal
43. L’hypothèse de la relaxe est
expressément visée par l’article 4-1 CPP, dont l’objet est de permettre à la
victime d’une infraction d’exercer une action devant le juge civil sur le
fondement de l’article 1383, donc d’une faute quasi délictuelle, qui serait
nécessairement distincte de la faute pénale non intentionnelle dont le juge
répressif aura nié l’existence.
Il semble tout d’abord évident que cette disposition ne permettra pas au
juge civil de remettre en cause une décision pénale constatant l’absence
d’élément matériel ou encore la non-participation du prévenu au fait incriminé (136).
Toutefois, s’il ne fait aucun doute que cette action est possible en cas
de relaxe d’un prévenu pour absence de faute qualifiée dans un rapport de
causalité indirecte (137), la faute
civile pouvant alors se dissocier de la faute pénale, par son degré moindre de
gravité (138), est-elle toujours possible si la relaxe a été
prononcée pour absence de faute pénale simple dans l’hypothèse d’une causalité
directe ?
___________________________________
(136)
Voir en ce sens,
l’article de M. Tapia précité.
(137) Contra, cf. C. Desnoyer,
« L'article 4-1 du Code de procédure pénale, la loi du 10 juillet 2000 et
les ambitions du législateur : l'esprit contrarié par la lettre », D.
2002, chr., p. 979 et s.
(138)
Cf. supra, n° 30.
48
Certes, le bon sens juridique commande de répondre à cette question par
la négative, car il est malaisé d’imaginer que la faute pénale simple, qui n’a
jamais cessé d’être considérée comme étant identique à la faute civile, puisse
désormais s’en distinguer par le seul effet d’une disposition procédurale.
D’ailleurs, il apparaît clairement que la volonté du législateur ne va
pas dans ce sens, la disparition de l’autorité de la chose jugée au pénal sur
le civil faisant immédiatement suite à la modification de l’article 121-3 CP et
ayant donc été envisagée comme une conséquence de la définition distincte à
laquelle répond la faute visée à l’alinéa 4 dudit article et le rapport de M.
René Dosière indiquant, à propos de l’article 4-1, qu’il « a fait
l’objet d’un amendement du Gouvernement, qui a souhaité préciser que sont
désormais distinctes de la faute pénale d’imprudence exigée par le nouvel
article 121-3 du Code pénal en cas de lien de causalité indirect, non seulement
la faute civile de l’article 1383 du Code civil (…) (139).
Cependant, une interprétation strictement exégétique de l’article 4-1
fait apparaître que la dualité est consacrée en toute hypothèse. En effet, cet
article vise « l’absence de faute pénale non intentionnelle au sens de
l’article 121-3 », sans préciser d’alinéa. On peut donc en
déduire que la faute simple de l’alinéa 3 est concernée, au même titre que les
fautes qualifiées de l’alinéa 4. Certains auteurs n’ont pas manqué de relever
cet argument textuel (140). Par ailleurs,
il est vrai que l’article 4-1 ne semble avoir véritablement d’intérêt que dans
cette seule hypothèse puisque l’on peut estimer que l’autorité de la chose
jugée ne pourrait naturellement pas jouer si le juge pénal ne s’est prononcé
que sur l’absence d’une faute qualifiée. Toutefois, quid de l’hypothèse
où le juge pénal se serait prononcé sur les deux types de faute en cas de
présence d’une personne morale dont il faudrait apprécier la responsabilité à
l’aune de la faute commise par un de ses organes ou représentants ? (141)
______________________________
(139)
Cf. Rapp. Dosière
précité.
(140)
Cf. Cf. M.-A. Agard, « Faute
pénale et faute civile : un divorce dans la précipitation », Resp. civ. et
assur., juillet-août 2001, chr., n° 16, p. 6 et s. ; G. et B. Clément, « Faute civile et faute
pénale d'imprudence », RPDP, n° 3,
juin 2003 : l’article 4-1 « induit implicitement une
déconnexion de la faute civile et de la faute pénale ».
(141)
Cf. supra, n°s 37 et
38.
49
44. À ce stade, il est important
de faire état de l’existence d’un arrêt de la première Chambre civile « Beauchêne »,
en date du 30 janvier 2001 (142), qui a
suscité de vives réactions de la part de la doctrine. En l’espèce, le pilote
d’un hélicoptère, voulant s’approcher d’un voilier, avait sectionné le hauban
de celui-ci avec les pales de l’appareil qui, déséquilibré, s’écrasa en mer.
Deux passagers furent tués et un autre blessé. Poursuivi pour homicide par
imprudence et blessures involontaires, le pilote fut relaxé par la juridiction
pénale. Le passager blessé assigna alors le pilote devant la juridiction
civile, qui écarta cette action, aux motifs que la faute civile imputée au
pilote était de nature identique à la faute pénale sous la prévention de
laquelle il avait été relaxé et que le juge civil était tenu de respecter
l’autorité de la chose jugée au pénal. Saisie d’un pourvoi, la première Chambre
civile cassa l’arrêt d’appel au visa de l’article 1351 et des articles 1147 et
1383 du Code civil, énonçant que « la déclaration par le juge répressif
de l’absence de faute pénale non intentionnelle ne fait pas obstacle à ce que
le juge civil retienne une faute d’imprudence ou de négligence ».
Il est étonnant de constater que la Cour de cassation a censuré un arrêt
rendu conformément aux règles en vigueur au moment où il est intervenu par
application d’un texte survenu postérieurement et qu’elle ne vise pas.
Tout d’abord, la référence à l’article 1351, qui soumet l’autorité de la
chose jugée à la réalisation de la triple identité de parties, d’objet et de
cause, a pour objectif de souligner la finalité différente de la responsabilité
pénale et de la responsabilité civile et donc, l’objet différent de l’action
publique et de l’action en réparation.
Puis, en visant à la fois les articles 1147 et 1383, la première Chambre
civile signifie qu’en l’absence de faute pénale non intentionnelle, le juge
civil peut retenir une faute civile d’imprudence ou de négligence, quelle que
soit sa nature, contractuelle ou quasi délictuelle.
Or, comme l’a remarqué à juste titre M. Varinard (143), l’arrêt Beauchêne concerne incontestablement
un cas de causalité directe.
______________________________
(142) Cf. Bull. civ. I, n° 19, D.
2001, Somm. 2232, obs. Jourdain ; JCP, G, 2001, I , 338, n°4, obs. Viney ; RTD civ., 2001-376,
obs. Jourdain ; RSC 2001-613, obs. Giudicelli.
(143)
Cf. J. Pradel et A.
Varinard, Les grands arrêts du droit pénal général, Dalloz, 4e éd., 2003, comm. n° 40, p. 511.
50
Il semblerait donc que la Cour de cassation, avant même d’appliquer les
règles édictées par le législateur, se soit elle-même affranchie du principe
presque séculaire de l’unité des fautes civile et pénale, et ce, en tout état
de cause.
Ainsi, par un certain « parallélisme des formes », le
principe aurait été abandonnée par l’instance même qui l’avait consacré au
début du siècle dernier.
45. Il faut également relever un
arrêt de la deuxième Chambre civile en date du 7 mai 2003 (144), non commenté par la doctrine en raison de
l’hypothèse relativement marginale qu’il évoque. En l’espèce, un incendie
s’était déclaré dans un atelier et propagé dans un immeuble voisin,
endommageant celui-ci. Le propriétaire de l’atelier fut poursuivi sur le
fondement de l’article 322-5 CP (seule disposition réprimant une atteinte
involontaire aux biens) visant, en son alinéa 1er le « manquement
à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le
règlement » (faute pénale simple) et en son alinéa 2, « la
violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou
de prudence prévue par la loi ou le règlement » (faute pénale
qualifiée). Le prévenu fut relaxé et le juge civil refusa de retenir
l’existence de la faute civile prévue par l’alinéa 2 de l’article 1384 (145), aux motifs que « l’autorité de la chose jugée
de la décision de relaxe au pénal ne permet pas de qualifier de fautifs les
faits allégués en raison du principe de l’unité des fautes civile et pénale
pour les délits involontaires, la faute civile visée à l’article 1384 alinéa 2
étant identique à la faute d’imprudence de l’article 322-5 du Code pénal ».
L’arrêt fut cassé, la deuxième Chambre civile ayant estimé que « toute
autre faute résultant d’une maladresse, imprudence, inattention ou négligence
est susceptible d’engager la responsabilité du gardien de la chose dans
laquelle l’incendie a pris naissance ».
___________________________
(144)
Cf. 2ème
civ., 7 mai 2003 Bull. civ. 2003, II, n° 140, p. 120.
(145) Suite à une loi du 7 novembre 1922, « celui qui détient,
à un titre quelconque, tout ou partie de l’immeuble ou des biens mobiliers dans
lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable, vis-à-vis des tiers,
des dommages causés par cet incendie que s’il est prouvé qu’il doit être
attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable ».
51
S’il ne fait pas de doute que cet arrêt va dans le sens de la
dissociation des fautes civile et pénale, il ne faut cependant pas oublier que
l’élément moral de ce délit est défini plus étroitement que pour l’homicide ou
les blessures involontaires, dans la mesure ou un manquement à une obligation
légale ou réglementaire est exigée, ce qui a fondé la relaxe sans pour autant
exclure une éventuelle réparation civile.
Il convient à présent d’étudier l’hypothèse d’une condamnation par le
juge pénal.
§2. Le maintien de l’autorité de la
chose jugée au criminel sur le civil en cas de condamnation par le juge pénal
46. L’article 4-1 n’écarte
l’autorité de la chose jugée au criminel sur le civil que dans l’hypothèse
d’une décision de relaxe par le juge pénal pour absence de faute non
intentionnelle. Il faut donc en déduire, a contrario, que cette autorité
est maintenue en cas de condamnation au pénal (146). Le juge civil ne sera donc pas libre d’exclure l’existence d’une faute
civile quasi délictuelle si le juge répressif a retenu une faute pénale,
qu’elle soit simple ou qualifiée.
En outre, si la juridiction civile se permettait d’ignorer une
condamnation préalable au pénal, constatant l’existence d’une faute
d’imprudence portant atteinte à des intérêts supérieurs, puisque protégés par
la loi pénale, il y aurait une flagrante contradiction entre les deux
juridictions.
Une partie de la doctrine s’est contentée de relever le caractère
unilatéral de cette disposition et d’en tirer les conséquences (147), tandis qu’une autre partie, plus engagée, appelle
de ses vœux une « bilatéralisation » de l’article 4-1.
_____________________________
(146)
Cf. F. Chabas,
« Autorité de la chose jugée au pénal sur le civil », note Cass., 1ère
civ., 30 janvier 2001, Dr. et patrimoine, n° 98, novembre 2001, p. 97 : «
On peut très raisonnablement penser que la décision pénale de condamnation et
la culpabilité qu’elle postule conserveront leur autorité sur le civil ».
(147)
Cf. Salvage Philippe,
« La loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000, Retour vers l'imprudence
pénale », JCP G 2000, I, p. 281 ; cf. G. Viney,
« L’abandon du principe d’identité de la faute pénale non intentionnelle
et de la faute civile d’imprudence ou de négligence », JCP, G
2001.I.338, n° 4, obs. sur l’arrêt du 30 janvier 2001.
52
Ainsi, Mme Dorsner-Dolivet
affirme-t-elle : « Ou bien les deux catégories de fautes
sont différentes ou bien elles sont identiques mais elles ne peuvent être
différentes en cas de relaxe et identiques en cas de condamnation » (148) et Mme
Rassat, pour sa part, avance que « si la faute civile n’est pas la
faute pénale, l’inverse est tout aussi vrai. Nous ne verrions personnellement
aucune objection à ce qu’une condamnation pénale sur la base des articles 221-6
ou 222-19 n’emporte pas automatiquement une condamnation civile. » (149).
Cependant, en dernière analyse, il ne semble pas gênant de s’en tenir à
une « dualité unilatérale » ou « négative » des fautes
civile et pénale, et ce pour deux raisons.
Tout d’abord, l’unité des fautes civile et pénale n’a été fustigée par
la doctrine, abstraction faite de certaines raisons purement théoriques (150), que parce qu’elle entraînait cet effet pervers de
priver la victime de réparation civile en cas de relaxe au pénal, et qu’elle
aboutissait ainsi, en quelque sorte, à une « autorité du
civil sur le pénal » (151),
le juge pénal ne souhaitant pas laisser la victime démunie. Mais jamais aucune
voix ne s’est élevée pour protéger l’auteur d’un homicide ou de blessures
involontaires qui était nécessairement condamné au civil suite à sa
condamnation pénale, ce qui semble pour le moins normal.
En second lieu, sur le plan conceptuel, l’on voit mal comment le juge
civil pourrait considérer qu’un fait constitutif d’une faute pénale
d’imprudence ne l’est pas ipso facto d’une faute quasi délictuelle, dans
la mesure où la première fait l’objet d’une appréciation plus stricte que la
seconde. Si le juge pénal a estimé qu’une infraction non intentionnelle était
constituée, le juge civil pourra très raisonnablement considérer que la faute
génératrice de responsabilité pénale l’est également de responsabilité civile,
de surcroît dans le système mis en place par la loi du 10 juillet 2000, où le
juge pénal retrouve toute sa « liberté », n’étant plus inquiété des
effets pervers susceptibles de découler d’une décision de relaxe, comme par le
passé.
___________________________________
(148)
Cf. A. Dorsner-Dolivet,
« Que devient le principe de l'identité des fautes civile et pénale après
la loi du 10 juillet 2000 ? », RRJ, Droit Prospectif, 2002-1, p.
199 et s.
(149)
Cf. M.-L. Rassat, Droit pénal spécial, infractions des et contre les
particuliers, Dalloz, 4ème édition, 2004, n° 333.
(150)
Cf. supra, n° 15.
(151)
Pour R. Merle et A.
Vitu, le juge répressif est conduit à se placer dans la perspective civiliste,
car « il sait que son jugement sur l’action publique commandera
l’indemnisation de la victime par la juridiction civile », cf. Traité
de droit criminel, Cujas, 6ème éd., T. I, n° 577. 53
Enfin, si l’on envisage toutes les hypothèses en présence, l’on
s’aperçoit que la « marge de manoeuvre » du juge civil, en cas de
condamnation pénale préalable, est plutôt réduite (152). En effet, ou bien le juge
répressif a condamné un prévenu pour faute qualifiée, en cas de causalité
indirecte, et le juge civil aura alors le champ libre pour retenir une faute
moins grave, n’étant nullement obligé de qualifier la faute quasi délictuelle,
sauf à considérer, comme certains auteurs (153) que
le lien de causalité indirect, « constatation certaine et
nécessaire » du juge pénal (en tant qu’élément constitutif de
l’infraction), sera un empêchement dirimant, le juge civil réparant pour sa
part les dommages directs (154), mais cet
argument ne saurait tenir, dans la mesure où, faisant application de
l’équivalence des conditions, le juge civil considère comme direct tout
évènement à défaut duquel le dommage ne se serait pas produit. On voit donc que
cette conception assez large lui permettra de condamner, même si le juge pénal
a estimé que la causalité était indirecte.
Par ailleurs, pour reprendre l’expression d’un grand auteur, la
causalité est parfois affaire de sentiment (155).
Ou bien le juge répressif a condamné pour faute simple, dans un rapport
de causalité directe, ou même indirect pour les personnes morales (156), auquel cas le juge civil condamnera aussi, la faute
quasi délictuelle étant identique à la faute pénale simple, même si on a vu
qu’une certaine tendance consistait à séparer la faute d’imprudence ordinaire
du manquement à un texte légal ou réglementaire (cette hypothèse demeurant
spécifique à l’infraction d’incendie involontaire et l’hypothèse concernée
étant de toute façon celle d’une relaxe).
Il convient à présent d’étudier l’autre faute visée par l’article 4-1
ainsi que l’hypothèse particulière de la faute administrative.
______________________________
(152) Ce qui a conduit Mme Lazerges, lors
des débats, à affirmer que « si la responsabilité pénale entraîne
automatiquement une responsabilité civile, l’inverse ne doit pas être
possible ».
(153) Cf. C. Desnoyer, « L'article
4-1 du Code de procédure pénale, la loi du 10 juillet 2000 et les ambitions du
législateur : l'esprit contrarié par la lettre », D. 2002, chr., p. 979 et
s. ; cf. J. Pradel, « De la véritable portée de la loi du 10 juillet
2000 sur la définition des délits non intentionnels », D. 2000, point de
vue, V-VII.
(154) Cf. supra, n° 31.
(155) Cf. P. Esmein, « Le nez de
Cléopâtre ou les affres de la causalité », Rec. Dalloz, 1964, 33ème
cahier, chronique.
(156) Cf. supra, n°s 37 et 38.
54
Section 2. L’autorité de la chose jugée au criminel à
l’égard des fautes inexcusable et administrative
47. La faute inexcusable,
existant depuis la loi du 9 avril 1898 sur les accidents de travail, est prévue
par l’article L452-1 du Code de la sécurité sociale (157) ; elle est expressément visée par l’article 4-1
CPP, au même titre que la faute quasi délictuelle.
Il n’était pas prévu qu’elle y figure au départ et a été ajouté au tout
dernier moment, par amendement, par le Gouvernement, cédant à la demande des syndicats
et de la Fédération nationale des accidentés du travail qui craignaient une
dépénalisation aux effets négatifs sur la législation des accidents du travail (158).
Concernant la faute de service, notion de droit administratif, celle-ci,
bien que n’étant pas visée par l’article 4-1, suscite une interrogation quant à
la portée d’un décision pénale à l’égard du juge administratif.
§1. Les fautes pénale et inexcusable
48. Depuis un arrêt célèbre du 15
juillet 1941, la faute inexcusable « doit s’entendre d’une faute d’une
gravité exceptionnelle, dérivant d’un acte ou d’une omission volontaire, de la
conscience du danger que devait en avoir son auteur, de l’absence de toute
cause justificative, et se distinguant par le défaut d’intention de la faute
intentionnelle » (159).
______________________________
(157)
« Lorsque
l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est
substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une
indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles
suivants ».
(158)
Cf. G. Vachet ,
« L'incidence de la loi du 10 juillet 2000 relative aux délits non
intentionnels sur la reconnaissance de la faute inexcusable de
l'employeur », Droit social , janvier 2001, p. 47 et s.
(159)
Cf. Cass. Ch. réunies,
15 juillet 1941, DC 1941.117, note A. Rouast, JCP 1941, II, 1705, note J.
Mihura, « Les grands arrêts du droit de la sécurité sociale »,
par X. Prétot, 2ème éd., Dalloz.
55
Cette faute est donc très spécifique par rapport à la faute quasi
délictuelle stricto sensu et l’on peut s’étonner, à l’instar de M.
Mayaud, de la voir figurer au sein de l’article 4-1, destiné à lutter contre
les excès de pénalisation engendrés par la théorie unitaire, tant elle apparaît
« fort éloignée de cet enjeu » (160).
Sans entrer dans le détail des éléments constitutifs de cette faute, qui
relèverait d’une autre étude, l’on peut constater que la jurisprudence
antérieure à la loi du 10 juillet 2000 assimilait faute pénale et faute
inexcusable, au même titre que la faute de l’article 1383 (161), à ceci près que les effet découlant de cette
assimilation n’étaient pas tout à fait identiques, en ce que, si une relaxe de
l’employeur au pénal entraînait bien l’impossibilité pour le juge social de
reconnaître l’existence d’une faute inexcusable (162) (ce qui n’a pas manqué de soulever, là encore, de vives critiques
doctrinales), il n’en était pas toujours de même en cas de condamnation et il
arrivait ainsi qu’une faute de l’employeur sanctionnée pénalement ne constituât
pas nécessairement une faute inexcusable (163).
Cette différence pouvait s’expliquer par la gravité supérieure de la faute
inexcusable par rapport à une faute d’imprudence ou de négligence plus légère,
mais suffisante pour être génératrice de responsabilité pénale ou civile sur le
fondement de l’article 1383.
La loi du 10 juillet 2000 ne devrait pas modifier a priori cet
état de fait dans les hypothèses de causalité directe, les mêmes causes produisant
les mêmes effets.
En revanche, concernant la causalité indirecte, l’on peut se demander
quelle sera l’incidence d’une relaxe ou d’une condamnation pénale préalable sur
la « marge de manœuvre » du juge social.
En premier lieu, il faut se demander à quel niveau se situe la faute
inexcusable dans « l’échelle de la gravité ».
______________________________
(160) Cf.
Y. Mayaud , « Retour sur la culpabilité non intentionnelle en droit
pénal (à propos de la loi n°2000-647 du 10 juillet 2000 », D. 2000, chr.
p. 603 et s.
(161) Ce qui n’a pas manqué de soulever
des critiques doctrinales encore plus virulentes, dans la mesure où les fautes
pénale simple et inexcusable recouvrent à l’évidence un domaine bien différent
et sont à l’évidence de gravité distincte.
(162) Cf. soc., 30 juin 1982, Bull.
civ. V, n° 432.
(163) Cf. Salvage Philippe, « La loi
n° 2000-647 du 10 juillet 2000, Retour vers l'imprudence pénale », JCP
G 2000, I, p. 281.
56
On peut raisonnablement supposer qu’elle est de gravité moindre que la
faute de mise en danger délibérée, celle-ci supposant une violation
manifestement délibérée d’un texte légal ou réglementaire et se situant
donc à un niveau plus aigue de conscience du danger et exigeant en outre la
violation d’une obligation prévue par un texte, ce qui n’est pas le cas de la
faute inexcusable.
Ensuite, l’on peut se ranger à l’avis du Doyen Vachet et considérer que
la faute inexcusable est en revanche de gravité supérieure à la faute
inexcusable (164). Cette opinion est
d’ailleurs confortée par les travaux parlementaires. En effet, le Sénat avait
proposé à l’origine que soit retenue une faute d’une exceptionnelle gravité par
référence au droit social, mais le Gouvernement a finalement préféré que l’on
vise une faute caractérisée afin de réduire le degré de qualification
nécessaire pour qu’une faute puisse engager la responsabilité pénale de son
auteur.
De façon purement mathématique, on serait donc conduit à supposer que la
relaxe pour absence de faute caractérisée exclurait la possibilité pour le juge
social de retenir une faute inexcusable tandis que la relaxe pour absence de
faute de mise en danger délibérée laisserait subsister cette possibilité.
Inversement, la condamnation de l’employeur pour faute qualifiée
supposerait a fortiori l’existence d’une faute inexcusable tandis que la
condamnation pour faute caractérisée ne l’entraînerait pas forcément.
Toutefois, la jurisprudence, plutôt que de s’en tenir à une arithmétique
aussi complexe, à préférer faire jouer pleinement l’article 4-1 à l’égard de la
faute inexcusable.
49. Un arrêt de la Chambre
sociale de la Cour de cassation, en date du 12 juillet 2001 a consacré la
solution selon laquelle « la déclaration par le juge répressif de
l’absence de faute pénale non intentionnelle ne fait pas obstacle à la
reconnaissance d’une faute inexcusable en application de l’article L452-1 du
Code de la sécurité sociale » (165).
______________________________
(164)
Cf. G. Vachet,
« L'incidence de la loi du 10 juillet 2000 relative aux délits non
intentionnels sur la reconnaissance de la faute inexcusable de
l'employeur », Droit social, janvier 2001, p. 47 et s.
(165)
Cf. soc., 12 juillet
2001, Bull. civ. V, n° 267, D. 2001, p. 3390, note Y. Saint-Jours, Resp.
civ et assur., Comm. n° 289, obs. H. Groutel.
57
La portée de cette décision semble bel et bien générale et, pourvu qu’on
en tire toutes les conséquences logiques, une faute inexcusable doit désormais
pouvoir être relevée malgré l’absence de toute faute pénale … même
simple !
Trois autres arrêts postérieurs à celui-ci sont venus consacrer la même
solution, dans des termes rigoureusement identiques (166), sans qu’aucun d’entre eux toutefois ne vise
l’article 4-1, dont il était pourtant fait application, comme si la Chambre
sociale, à l’instar de la Chambre civile, voulait elle-même se défaire d’un
principe qu’elle avait consacré.
Il faut également noter qu’un arrêt de la deuxième Chambre civile, du 14
septembre 2004 (167), a rejeté le pourvoi formé
contre un arrêt d’appel qui avait relaxé un employeur de la prévention de
blessures involontaires et rejeté la demande de la victime aux fins de
reconnaissance d’une faute inexcusable dudit employeur, en raison de l’absence
d’éléments matériels prouvant la participation du prévenu au fait délictueux,
ce qui tend à confirmer que l’autorité de la chose jugée au criminel sur le
civil se maintient en cas de décision pénale constatant l’absence d’élément
matériel ou encore la non-participation du prévenu au fait incriminé (168).
Dans sa dernière évolution, la jurisprudence a apporté une solution qui
semble a priori dépourvue d’équivoque. Par un arrêt en date du 16
septembre 2003, la deuxième Chambre civile a censuré un arrêt infirmatif de la
Cour d’appel d’Aix-en-Provence ayant interdit d’imputer à un employeur qui
avait été relaxé une faute inexcusable à l’origine d’un accident. La Cour
suprême estima que « l’article 4-1 du Code de procédure pénale
applicable à l’espèce dissocie la faute civile de la faute pénale non
intentionnelle, notamment pour ce qui a trait à la reconnaissance éventuelle de
la faute inexcusable de l’employeur » (169).
N’hésitant plus à se servir ouvertement de l’article 4-1, la deuxième
Chambre civile tire avec cet arrêt toutes les conséquences de cette
disposition.
______________________________
(166)
Cf. soc., 28 mars 2002,
Bull. civ. V, n° 110, D. 2002, IR p. 1881 ; TPS 2002, Comm. n° 193,
obs. X. Prétot ; soc., 30 janvier 2003, inédit (cf. site
« légifrance »); soc., 3 avril 2003, inédit (cf. site
« légifrance).
(167)
Civ. 2ème ,
14 septembre 2004, inédit (cf. site légifrance).
(168)
Cf. supra, n° 43.
(169)
Cf., Civ. 2ème,
16 septembre 2003, Bull. civ. 2003 II, n° 263, p. 215, D. 2004, n°
11, p. 721, note Ph. Bonfils.
58
En effet, elle affirme non seulement la dualité des fautes pénale et
inexcusable (malgré une évidente incohérence), mais encore celle des fautes
pénale et civile stricto sensu. Si l’on applique cette décision à la
lettre, le juge civil pourra donc désormais retenir l’existence d’une faute
quasi délictuelle même en l’absence de faute pénale simple dans un rapport de
causalité directe et ce, malgré l’identité textuelle et l’équivalence de
gravité de ces deux fautes.
L’autorité de la chose jugée au criminel sur le civil devrait donc, par
voie de conséquence disparaître elle aussi totalement.
C’est à propos de cette décision que M. Bonfils a pu affirmer que « l’identité
des fautes civile et pénale d’imprudence est morte ; vive la dualité des
fautes ! » (170)
Or, pour évidente et enthousiasmante qu’elle soit, cette dissociation
n’en est pas moins troublante, dans la mesure où, comme l’a justement souligné
M. Mayaud, elle serait « le résultat d’une disposition de procédure, et
non d’une affirmation substantielle » (171).
Dans ces conditions, l’on voit mal quel critère serait susceptible de
permettre au juge civil de fonder clairement la dualité des fautes civile et
pénale.
50. Par ailleurs, comme pour la
faute civile de l’article 1383, la remise en cause de l’autorité de la chose
jugée au pénal pour la faute inexcusable ne touche, aux termes de l’article
4-1, que la décision de relaxe du juge pénal, et l’on pourrait donc imaginer
que la condamnation lierait toujours le juge social.
Certes, comme il a été dit, la reconnaissance par le juge pénal d’une
faute d’imprudence ne déterminait pas ipso facto le juge social à tenir
l’existence d’une faute inexcusable pour acquise. Cependant, l’on peut
raisonnablement supposer, concernant les fautes qualifiées à tout le moins que
leur reconnaissance par le juge pénal aura une incidence certaine sur le juge
social. Pour la faute de mise en danger délibérée, le doute n’est pas permis,
sa gravité étant supérieure à celle de la faute inexcusable.
______________________________
(170)
Cf. note op. cit.
(171)
Cf. Y. Mayaud,
« La loi du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits
non intentionnels », intervention au colloque du 8 décembre 2000,
Tribunal de grande instance de Créteil, Gaz. Pal., Rec. 2001, doctr. P.
1190 et s.
59
La faute caractérisée, quant à elle, est certes de gravité moindre en
théorie, mais il n’en demeure pas moins que sa définition reste très proche de
celle de la faute inexcusable et le législateur a d’ailleurs failli qualifier
cette faute de faute d’une exceptionnelle gravité (172), ce qui correspond à la définition de la faute
inexcusable (173).
Enfin, dans les hypothèses de causalité directe, la jurisprudence
antérieure devrait se maintenir, la faute pénale simple demeurant de moindre
gravité que la faute inexcusable.
Dans ces conditions, l’on voit mal quel critère serait susceptible de
permettre au juge civil de fonder clairement la dualité des fautes civile et
pénale.
Il faut maintenant examiner la faute de service d’un agent de
l’administration.
§2. Les fautes pénale et
administrative
51. Il peut se poser un problème
évident à la lecture de l’article 4-1 : ce texte permet certes à la
victime, en cas de relaxe pénale, de saisir la juridiction civile. Cependant,
qu’en est-il lorsque le dommage résulte d’une faute de service d’un agent
public ?
En premier lieu , il faut écarter la thèse selon laquelle la loi du
10 juillet 2000 aurait modifié les règles en matière administrative en
provoquant un transfert de compétence au profit du juge civil, qui est
indéfendable, eu égard tant aux débats parlementaires (174) qu’à la jurisprudence (175).
Plus délicat s’avère le problème de l’autorité de la chose jugée dans
cette branche de la responsabilité.
______________________________
(172)
Cf. supra, n° 24.
(173)
Cf. supra, n° 48.
(174)
Le garde des Sceaux
avait dit : « Je crois utile aussi de préciser (…) que cette
disposition ne remet évidemment pas en cause la répartition des compétences
entre les juridictions administrative et les juridictions judiciaires et ne
signifie pas que la victime d’un dommage causé par la faute de service d’un
agent public pourra en demander réparation devant les juridictions civiles qui
ne sont pas compétentes dans une telle hypothèse » (intervention séance du 5 avril 2000, Assemblée nationale,
compte rendu intégral, p. 03142) cité par M. Tapia in « Décadence et fin éventuelle du principe
d'identité des fautes pénale et civile », Gaz. Pal., Rec.
mars-avril 2003, p. 686 et s.
(175)
Cf. CA poitiers, 2
février 2001, note Ph. Salvage, JCP, G, 2001, II, 10534.
60
Tout d’abord, il faut rappeler que le droit administratif distingue, en
matière de responsabilité extra contractuelle, les fautes personnelles des
agents publics, qui n’engagent que la responsabilité de ceux-ci et non de
l’administration, et les fautes de service, engageant la responsabilité de la
puissance publique (176).
Or, pendant longtemps, la jurisprudence a estimé que les fautes pénales
des fonctionnaires constituaient toujours des fautes personnelles et
n’engageaient donc pas la responsabilité de l’administration puisqu’on ne peut
penser que le service d’un fonctionnaire consiste à commettre des infractions.
La célèbre décision Thépaz (177) du
Tribunal des conflits, en date du 14 janvier 1935, a cependant admis que
certaines fautes pénales ne constituent pas des fautes personnelles et a donc
consacré le principe selon lequel il existe des infractions pénales qui sont la
conséquence de fautes de service, ce qui est le cas pour tous les délits
d’imprudence, excepté, bien évidemment s’ils sont commis en dehors du service
(l’affaire Thépaz concernait d’ailleurs des blessures involontaires
causées par un militaire dans l’exercice de ses fonctions).
Concernant l’autorité de la chose jugée, les décisions du juge pénal ont
en principe l’autorité absolue de la chose jugée sur les juridictions
administratives, mais cette autorité ne s’attache qu’aux seules constatations
de fait opérées par le juge pénal et
non à l’appréciation de ces faits (178).
Ces considérations ont conduit la jurisprudence administrative, en
matière d’infractions non intentionnelles, à toujours considérer que
l’acquittement du chef de délit d’imprudence par le juge pénal ne faisait pas
obstacle à ce que le juge administratif relève l’existence d’une faute de
nature à engager la responsabilité de la puissance publique (179). Il est donc clair qu’il n’y a pas d’unité des
fautes pénale et administrative semblable à l’unité des fautes civile et
pénale.
_____________________________
(176)
Cf. Y. Gaudemet, Traité
de droit administratif, T.1, LGDJ, 16ème éd., 2001, n° 1624 et
s.
(177) TC, 14 janvier 1935, S. 1935, III,
17, note Alibert ; M. Long, P. Weil, G. Braibant, P. Delvolvé et B. Genevois,
Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, 13ème édition,
2001, n° 50.
(178) Cf. C. Debbasch, Droit
administratif, economica, 6ème éd., 2002, p. 699.
(179) Cf. CE, 2 février 1944, Dame
veuve Rossi, Rec. Lebon, 43 in C. Debbasch, Droit administratif, economica,
6ème éd., 2002, p. 700.
61
Dès lors, pourvu que cette position ne change pas, l’on peut aisément en
déduire que la loi du 10 juillet 2000, bien qu’elle ait substantiellement
modifié la définition des délits non intentionnels (180), n’aura aucune incidence sur l’indemnisation des
victimes d’agents publics, le juge administratif restant libre de retenir une
faute de service et donc de réparer le dommage subi par ces dernières.
C’est à cette conclusion qu’est parvenue la grande majorité de la
doctrine (181), à l’exception de Mme Desnoyer, se fondant, d’une
part sur le fait que l’article 4-1 ne vise que les juridictions civiles et non
administratives et d’autre part, sur une appréciation différentielle du lien de
causalité entre les deux instances pour qualifier l’article 4-1 de « texte
dangereux », en ce qu’il remettrait en cause l’indemnisation des
victimes de fautes d’imprudence qualifiées en rapport de causalité indirecte
avec le dommage, cette constatation s’imposant au juge administratif (182).
Or, ces arguments semblent dénués de pertinence, dans la mesure où d’une
part, il n’existe pas d’unité des fautes pénale et administrative et donc pas
de problème analogue à ceux rencontrés au siècle dernier par le juge civil (la
victime restant alors libre de se tourner vers la juridiction administrative,
sans craindre l’obstacle de l’unité des fautes) et, d’autre part, où le juge
administratif s’est affranchi depuis longtemps de l’appréciation portée par le
juge pénal sur le lien de causalité (183).
______________________________
(180) Cf. supra, n°s 21 et s.
(181)
Cf. M. Tapia in « Décadence et fin éventuelle du principe
d'identité des fautes pénale et civile », Gaz. Pal., Rec.
mars-avril 2003, p. 686 et s.
(182)
Cf. C. Desnoyer,
« L'article 4-1 du Code de procédure pénale, la loi du 10 juillet 2000 et
les ambitions du législateur : l'esprit contrarié par la lettre », D.
2002, chr., p. 979 et s.
(183)
Cf. CE, 24 février
1964, Société générale d’entreprises et Sieur Laurent, Rec. Lebon, 149 in
C. Debbasch, Droit administratif, economica, 6ème éd., 2002,
p. 700.
62
52. En conclusion, si les
civilistes (184) demeurent opposés aux
pénalistes (185) quant au point de savoir
dans quelle(s) hypothèse(s) l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil
en matière d’infractions non intentionnelles a été abandonnée, il ne fait aucun
doute que l’article 4-1 constitue pour le juge civil « un puissant
instrument pour franchir le pas » (186) et
s’affranchir de la « tutelle du juge pénal », même s’il ne s’agit que
d’un instrument procédural et nullement d’un fondement de la dualité des
fautes, qui n’est d’ailleurs pas affirmée. Si dualité (unilatérale) en toutes
hypothèses il y a, elle ne peut donc être que le fait de la jurisprudence.
Il faut à présent étudier
l’incidence de la loi du 10 juillet 2000 sur les fondements de l’action civile
exercée devant le juge pénal.
______________________________
(184)
Cf. J. Pradel,
« De la véritable portée de la loi du 10 juillet 2000 sur la définition
des délits non intentionnels », D. 2000, point de vue, V-VII ; F.
Desportes et F. Le Gunehec, Droit pénal général, neuvième édition,
2002, n° 498-7 ; C. Desnoyer, « L'article 4-1 du Code de
procédure pénale, la loi du 10 juillet 2000 et les ambitions du législateur :
l'esprit contrarié par la lettre », D. 2002, chr., p. 979 et s.
(185)
Cf. P. Jourdain,
« Les conséquences de la loi du 10 juillet 2000 », RSC 2001,
p. 748 ; G. Viney, Conclusions du colloque sur la nouvelle définition
des délits non intentionnels par la loi du 10 juillet 2000, RSC 2001, p.
764 ; A. Dorsner-Dolivet, « Que devient le principe de l'identité des
fautes civile et pénale après la loi du 10 juillet 2000 ? », RRJ, Droit
Prospectif, 2002-1, p. 199 et s.
(186) Cf. Buy Catherine, Faute civile
et faute pénale, le paradoxe de l'unité, mémoire de DEA en droit pénal,
Université d’Aix-Marseille, sous la direction de Mme Viriot-Barrial, 2002.
63
Chapitre 2. Les fondements de
l’action civile exercée devant le juge répressif à l’épreuve de la loi du 10
juillet 2000
53.
Le procès pénal, dont l’objet principal
est l’action publique, pour l’application des peines (art. 1er CPP),
peut également avoir comme objet accessoire une action en réparation du
dommage causé par un crime, un délit ou une contravention (art. 2 CPP).
Il s’agit là de l’action civile. Toutefois, la condition sine qua non
de la décision sur l’action civile
par un tribunal répressif est la reconnaissance de la culpabilité du prévenu (187). En effet, en raison du caractère accessoire de
l’action civile, le tribunal de police et le tribunal correctionnel n’ont, en
principe, plus compétence pour statuer sur l’action civile en cas de relaxe (art.
470 et 541 CPP).
En vertu de l’article 372 CPP, la Cour d’assises demeure néanmoins
compétente pour accorder des dommages et intérêts à la partie civile en cas
d’acquittement (188), mais cette faculté ne
remet nullement en cause le principe d’identité des fautes civile et pénale
d’imprudence, eu égard à la nature intentionnelle des faits passibles des Cours
d’assises.
Beaucoup plus troublante fut la réforme opérée par la loi n° 83-608 du 8
juillet 1983 renforçant la protection des victimes d’infractions, qui
permet au tribunal de police ainsi qu’au tribunal correctionnel, en cas de
relaxe intervenue sur des poursuites pour une infraction non intentionnelle,
d’accorder, en application des règles du droit civil, la réparation de
tous dommages résultant des faits, objet de la poursuite, sur la demande de la
partie civile (189) ou de son assureur,
formulée avant la clôture des débats (art. 470-1 et 541 alinéa 2 CPP) (190).
______________________________
(187)
Ainsi, la jurisprudence
censure les décisions statuant sur l’action civile avant d’avoir reconnu la
culpabilité du prévenu et qualifié l’infraction commise (cf. Crim., 7 décembre
1967, Bul. crim. 1967, n° 319, obs. J.-M ; Robert).
(188)
A la condition de
préciser la faute, distincte de la faute pénale écartée, sur laquelle la
condamnation civile est fondée.
(189)
Celle-ci doit être
victime d’un homicide ou de blessures involontaires, et non de seuls dommages
matériels (Cf. Crim., 24 janvier 1996, Bull. crim., 1996, n° 38).
(190) À condition que le tribunal ait été saisi à l’initiative du Ministère public ou sur renvoi d’une juridiction d’instruction. 64
Cependant, à cause du principe d’identité des fautes civile et pénale,
la jurisprudence a été conduite à adopter une conception restrictive des règles
du droit civil visées par l’article 470-1.
L’article 3 de la loi du 10 juillet 2000 a modifié cette disposition de
façon à ce qu’elle fasse désormais référence aux deuxième, troisième et
quatrième alinéas de l’article 121-3, donc à tous les types de faute pénale non
intentionnelle.
Il faut donc déterminer dans quelle mesure cette modification remet en
cause les effets de l’unité des fautes devant le juge pénal.
Section 1. La conception restrictive
des règles du droit civil de l’article 470-1 antérieure à la loi du 10
juillet 2000
54. Deux voies s’offraient à la
jurisprudence suite à l’entrée en vigueur de la loi du 8 juillet 1983 : ou
bien elle considérait que les règles du droit civil incluaient celles
concernant la responsabilité du fait personnel, ou bien elle excluait ces
dernières du domaine de l’article 470-1. C’est la première voie qui fut
choisie, la faute civile quasi délictuelle se trouvant donc en dehors du champ
de l’article 470-1.
§1. Le domaine originel des règles
du droit civil de l’article 470-1
55. En dépit du principe de
l’unité des fautes civile et pénale et de ses effets, les victimes
d’infractions non intentionnelles avaient néanmoins la possibilité d’obtenir
réparation de leur dommage devant le juge civil, en cas de relaxe au pénal, sur
un fondement distinct de celui de la faute quasi délictuelle (191), ce qui les contraignait à saisir une autre
juridiction et alourdissait singulièrement le processus de réparation. De ce
point de vue, l’article 470-1 a représenté une réelle innovation, permettant
aux victimes de demeurer dans le même cadre procédural.
______________________________
(191) Cf. supra, n° 16.
65
Toutefois, le texte a donné lieu à d’importantes hésitations doctrinales
(192), dans la mesure où il fait référence aux règles
du droit civil, sans donner de précisions. Ainsi, fallait-il entendre
toutes les règles du droit civil ou seulement certaines d’entre elle ?
La première option aurait permis au juge pénal de s’affranchir de sa
propre décision de relaxe et de retenir, malgré l’absence de faute pénale
d’imprudence, l’existence d’une faute civile sur le fondement de l’article
1383.
Tel n’a pas été le réflexe de la Chambre criminelle, qui par un arrêt en
date du 18 novembre 1986 (193), a considéré
que les règles du droit civil visées par l’article 470-1 sont les règles « autres
que celles qui gouvernent la réparation des dommages causés par une infraction
pénale » et a donc interprété la loi de 1983 comme « une
réforme de procédure » (194). Par la
suite, la jurisprudence a confirmé sa position, les réparations octroyées dans
le cadre de l’article 470-1 faisant référence aux seuls régimes de
responsabilité sans faute.
Ainsi, la Chambre criminelle a-t-elle admis, suite à une relaxe pour
absence de faute pénale non intentionnelle, que des dommages et intérêts soient
alloués à la victime sur le fondement de l’article 1147 du Code civil, donc
d’une obligation contractuelle, y compris pour une obligation de moyens (195), ainsi que sur le fondement des articles 489-2, 1384
et suivants du Code civil (196). Elle a aussi
admis que les régimes spéciaux de responsabilité soient inclus dans ces règles (197).
On le voit donc, pour octroyer une réparation à la victime en dépit de
la relaxe du prévenu, les juridictions répressives, en matière d’action civile,
ont adopté une démarche analogue à celle des juridictions civiles (198) en contournant l’unité des fautes par le biais
d’autres fondements de la responsabilité civile, mais ne la rompant pas.
______________________________
(192)
Cf. Ph. Bonfils, L'action
civile, Essai sur la nature juridique d'une institution, PUAM, 2000, Préf.
S. Cimamonti, n° 347.
(193)
Crim., 18 novembre
1986, Bull. crim. 1986, n° 343, RSC 1987, p. 426, obs. G.
Levasseur.
(194) Cf. G. et B. Clément, Faute
civile et faute pénale d'imprudence, RPDP, n° 3, juin 2003.
(195) Cf. Crim., 3 mars 1993, Bull.
crim. 1993, n° 96, p. 230 ; crim., 1er juillet 1997, Bull.
crim. 1997, n° 259, p. 881 ; crim., 28 septembre 1999, Bull. crim. 1999,
n° 198, p. 624.
(196)
Cf. Crim., 3 novembre
1986, Bull. crim. 1986, n° 313, p. 797.
(197)
Ainsi pour la loi du 5
juillet 1985 sur les accidents de la circulation (Cf. crim., 18 novembre 1986
précité ; crim., 17 février 1987, Bull. crim. 1987, n° 74).
(198)
Cf. supra, n° 16.
66
§2. Critiques de l’exclusion de la
faute civile quasi délictuelle des règles du droit civil de l’article
470-1
56. La jurisprudence,
antérieurement à la loi du 10 juillet 2000, a toujours refusé de fonder la
réparation du dommage causé à la victime d’une infraction non intentionnelle
sur la faute civile quasi délictuelle, en application de l’article 470-1.
Cette position était certes critiquable, dans la mesure où, comme l’a
relevé M. Bonfils dans sa thèse (199), d’un
point de vue étymologique, les règles du droit civil sont censées renvoyer, en
matière de réparation d’un dommage, à tous les régimes de responsabilité, aussi
bien sans faute que du fait personnel.
D’autre part, l’esprit de la loi de 1983 incitait à faciliter la
réparation des dommages causés aux victimes d’infractions et il eût donc été
préférable, dans cette perspective, d’adopter une « conception
globale » des règles du droit civil au sens de l’article 470-1.
Toutefois, pour critiquable qu’elle soit, cette ligne de conduite n’en
était pas moins purement orthodoxe. En effet, sur le plan théorique, il aurait
été gênant de mettre fin à l’unité des fautes civile et pénale par une
disposition procédurale (qui ne concerne de surcroît que le juge pénal statuant
sur l’action civile), alors que cette unité a des fondements substantiels, qui
étaient enracinés dans notre droit positif depuis 1912.
C’eût été, en quelque sorte, comme « mettre la charrue avant les
bœufs ».
En outre, même sur un plan pratique, comment le juge pénal aurait-il pu
admettre l’existence d’une faute civile quasi délictuelle après avoir lui-même
rejeté une faute pénale non intentionnelle dont la définition coïncidait
parfaitement avec celle de la première ? C’eût été pousser bien loin le
dédoublement fonctionnel propre au magistrats répressifs statuant sur l’action
civile et demander un effort intellectuel quasi insurmontable … ?
L’intention, pour louable qu’elle soit, n’avait donc des chances
d’aboutir que par le canal d’une réforme de fond, modifiant la définition même
des délits non intentionnels, ce qui a été précisément la préoccupation du
législateur du 10 juillet 2000.
______________________________
(199) Cf. Thèse Bonfils précitée, n° 347.
67
Section 2. La conception extensive
des règles du droit civil de l’article 470-1 consécutive à la loi du 10
juillet 2000
57. La loi du 10 juillet 2000,
comme il a été dit, a opéré une légère, mais néanmoins substantielle
modification de l’article 470-1, qui vise désormais toutes les fautes non
intentionnelles de l’article 121-3 CP, simples comme qualifiées (200).
Si, pour certains auteurs, ce changement « apparaît simplement
d’harmonisation » (201), l’intention
du législateur semble cependant manifeste. La remise en cause de la conception
restrictive de l’article 470-1 va-t-elle pour autant conduire à une
« dualisation » complète des fautes civile et pénale ? Il faut,
pour répondre à cette question, envisager les deux situations résultant de la
loi du 10 juillet 2000.
§1. L’intégration de la faute civile
quasi délictuelle dans les règles du droit civil de l’article 470-1 en
cas de causalité indirecte
58. Certes, l’interrogation sur
la possibilité pour le juge répressif d’accorder des dommages et intérêts à une
victime sur le fondement de l’article 1383 en cas de relaxe pour absence de
faute pénale suite à la loi du 10 juillet 2000 paraît légitime, dans la mesure
où l’article 4-1, qui seul remet en cause expressément l’autorité de la chose
jugée au criminel en la matière, ne vise que les juridictions civiles et
n’envisage pas l’hypothèse de l’action civile exercée devant le juge pénal.
Cependant, le doute est-il permis dans la mesure où la modification
opérée par la loi du 10 juillet 2000 est consécutive à la nouvelle définition
des délits non intentionnels ?
______________________________
(200)
L’alinéa 2 de l’article
541 CPP disposant, pour le tribunal de police, que « les dispositions
de l’article 470-1 sont applicables », on peut supposer que la réforme
du 10 juillet 2000 a également touché les contraventions de blessures
involontaires.
(201)
Cf. J. Pradel et A.
Varinard, Les grands arrêts du droit pénal général, 4ème édition, 2003,
n° 40.
68
En réalité, il l’est en partie. En effet, l’article 470-1 vise toutes
les fautes pénales non intentionnelles, soit. Mais il ne va pas de soi que le
juge pénal, à l’instar du juge civil (?) (202),
considère comme acquise la dualité des fautes civile et pénale dans un rapport
de causalité directe, car là encore, leurs définitions respectives sont
identiques.
Ainsi, en matière de causalité indirecte, il y a bien
dualité des fautes. Ceci est incontestable, le juge répressif n’ayant aucune
difficulté à condamner civilement sur le fondement de l’article 1383 le prévenu
qui aura été relaxé pour absence de faute qualifiée, les deux fautes n’étant
pas de même gravité.
A cet égard, un jugement du TGI de la Rochelle, en date du 7 septembre
2000 (203)
illustre bien ce propos : en l’espèce, un
adolescent s’était suspendu à la barre transversale d’une cage amovible de but
de football qui, en basculant, l’avait mortellement blessé. Le tribunal,
excluant l’infraction d’homicide involontaire pour absence de faute qualifiée,
relaxa le maire qui avait été mis en cause, tout en concluant que seule une
faute de négligence (donc une faute simple) pouvait lui être reprochée. Le
maire s’est néanmoins vu condamner sur le plan civil à réparer le préjudice
résultant de sa faute de négligence, sur le fondement de l’article 470-1 CPP (204).
On peut également relever un arrêt de la Cour d’appel de Pau, du 26 juin
2001 (205), ayant relaxé un chef d’entreprise du chef
d’homicide involontaire sur la personne d’un salarié, étouffé par une machine
qui ne disposait pas de tous les équipements de sécurité nécessaires, pour
absence de faute qualifiée et ayant néanmoins condamné civilement l’intéressé,
en application de l’article 470-1, estimant qu’une faute de nature civile
pouvait être relevée, dès lors que les rapports faisaient état du niveau de
sécurité insuffisant de la machine et de son implantation inadaptée en raison
de l’exiguïté du poste de travail.
______________________________
(202)
Cf. supra, n° 44.
(203)
Cf. TGI La Rochelle, 7
décembre 2000, D. 2000, IR 250, RSC 2001, p. 199, obs. Mayaud.
(204)
Le jugement a cependant
été infirmé par la Cour d’appel de Poitiers, mais seulement parce que la faute
retenue contra le maire avait le caractère d’une faute de service non
détachables des fonctions et que la juridiction répressive n’était donc pas
compétente pour réparer le dommage causé à la victime, solution qui a été
confirmée par la Cour de cassation (cf. Crim., 4 juin 2002, Bull. crim. 2002,
n° 127).
(205)
Cf. CA Pau, 26 juin
2001, JCP G 2002, IV, 1693.
69
Ces décisions sont très intéressantes, en ce qu’elles ouvrent la voie
d’une dualité des fautes civile et pénale devant le juge répressif statuant sur
l’action civile et permettent donc à ce dernier de se délier de sa propre
décision de relaxe, mais elle ne concerne que des hypothèses de causalité
indirecte. En d’autres termes, le doute plane encore sur le sort que réservera
le juge pénal statuant sur les intérêts civil d’une victime dans les hypothèses
de causalité directe.
§2. Le doute sur l’intégration de la
faute civile quasi délictuelle dans les règles du droit civil de
l’article 470-1 en cas de causalité directe
59. Comme l’a souligné M.
Varinard (206), il n’existe pas, pour l’instant, de décision où le
juge pénal, après avoir écarté la responsabilité pénale en cas de causalité
directe, admet ensuite immédiatement une faute civile sur la base de l’article
1383 du Code civil.
Toutefois, l’on peut raisonnablement supposer que le juge répressif
suivra le chemin ouvert par la première Chambre civile avec l’arrêt du 30
janvier 2001 (207), sinon dans un souci
d’harmonisation des règles, du moins dans une préoccupation du sort des
victimes.
Il est évident que celles-ci, lorsque les conditions procédurales seront
remplies, continueront d’opter pour la voie pénale, qui offre des garanties de
célérité (dans la mesure où la victime n’a pas à saisir une autre juridiction)
et de cohérence, les victimes comprenant parfois mal qu’elles aient à saisir un
autre juge pour obtenir réparation.
Du reste, comme l’a relevé M. Bonfils (208), l’article 470-1, dans sa rédaction issue de la loi du 10 juillet 2000,
contient en lui-même cette évolution puisque le juge pénal est compétent en la
matière pour statuer sur la réparation après une relaxe pour une infraction non
intentionnelle « au sens des deuxième, troisième et quatrième alinéas
de
L’article 121-3 du Code pénal ».
______________________________
(206)
Cf. J. Pradel et A.
Varinard, Les grands arrêts du droit pénal général, 4ème édition, 2003,
n° 40.
(207)
Cf. supra, n° 44.
(208)
Cf. Ph. Bonfils
« Consécration de la dualité des fautes civile et pénale non
intentionnelles », Civ. 2ème
, 16 septembre 2003, Rec. Dalloz 2004, n° 11, p. 721 et s.
70
60. En conclusion, il semblerait
que le législateur n’ait remis en cause que partiellement l’autorité de la
chose jugée au criminel, dans la mesure où cette autorité se maintient
indiscutablement en cas de condamnation pénale préalable, ce qui ne pose pas,
a priori, de difficulté, sauf
éventuellement dans des hypothèses extrêmes (209), car, s’il y a place pour une faute civile de
moindre gravité en cas d’absence de faute pénale, en revanche, il est
difficilement concevable qu’il y ait place pour une faute pénale, mais pas pour
une faute civile.
Par ailleurs, même si la dualité des fautes semble avoir été consacrée
en toutes hypothèses par le juge civil, il n’est pas encore acquis que son
homologue pénal fasse de même dans le cadre de l’action civile.
Enfin, même si les effets de l’unité des fautes ont été quasiment
anéantis par la loi du 10 juillet 2000 et les efforts de la jurisprudence, il
n’en demeure pas moins qu’il n’existe aucun critère pour fonder théoriquement
la dualité des fautes civile et pénale.
Si toutes les composantes de la primauté du criminel sur le civil, « survivance
anachronique de l’ancienne confusion des responsabilités civile et
pénale » (210), semblent
tomber une à une (211), il subsiste
néanmoins le principe selon lequel le criminel tient le civil en l’état, en
vertu duquel « il est sursis au jugement de cette action exercée devant
la juridiction civile tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur
l’action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement » (art. 4
alinéa 2 CPP), de façon à éviter tout risque de contradiction entre les
décisions civile et pénale.
______________________________
(209)
M. Jourdain considère
par exemple que « l’hypothèse sera certainement rare mais elle est loin
d’être d’école ; il suffit par exemple qu’un juge pénal ait fait preuve
d’une sévérité à l’égard du prévenu que son homologue civil saisi
ultérieurement juge excessive pour que celui-ci ait la tentation de ne pas
respecter la décision pénale et de nier la faute civile », cf. RTD
civ. avril-juin 2001, n° 2, p. 378.
(210) Cf. G. Viney, Introduction à la
responsabilité, n° 158, cité in F. Terré et Y. Lequette, Les
grands arrêts de la jurisprudence civile, T. 2, Obligations, contrats
spéciaux, sûretés, 11ème édition, 2000, n° 187.
(211) Cf. supra, n° 40.
71
Or, si le juge civil peut désormais accorder des dommages et intérêts
même dans l’hypothèse d’une relaxe, la survivance de ce principe paraît
compromise, même s’il est vrai qu’il serait gênant que le juge civil ne
retienne pas de faute quasi délictuelle à l’encontre d’un individu qui serait
par la suite condamné pénalement.
Le rapport Magendie préconise d’ailleurs cet abandon, dans le but
d’améliorer la célérité de la justice (212).
______________________________
(212)
Cf. Rapport Magendie, Célérité
et qualité de la justice, la gestion du temps dans le procès, Rapport au
Garde des Sceaux, ministre de la justice, 15 juin 2004, p. 117.
72
CONCLUSION
61. En définitive, le principe de
l’unité des fautes civile et pénale d’imprudence, en dépit de l’ambition du
législateur, semble survivre, de manière résiduelle, à la réforme du 10 juillet
2000.
En effet, sur un plan substantiel, il est indéniable qu’il y a toujours
identité des fautes en matière de causalité directe, les fondements du principe
étant maintenus dans un tel rapport.
Sur un plan procédural, concernant les effets de la confusion des fautes,
outre le fait que la dualité de celles-ci soit consacrée de manière indirecte,
par la simple éviction de l’autorité de la chose jugée au criminel en cas de
relaxe, elle ne l’est également que partiellement, dans la mesure où l’unité
des fautes subsiste en cas de condamnation.
En outre, il est permis de douter de cette remise en cause unilatérale
de l’autorité de la chose jugée au criminel, dans la mesure où,
fondamentalement, la dualité ne semble reposer sur aucun critère établi dans
les hypothèses de causalité directe.
Certes, cette inadéquation entre la réforme de fond et la réforme
procédurale paraît avoir été contournée par la jurisprudence, qui faisant fi du
principe, s’oriente vers un abandon (toujours unilatéral) de l’autorité de la
chose jugée au criminel en tout état de cause et, partant, du principe de
l’unité des fautes civile et pénale (unilatérale encore) que la Cour de
cassation avait elle-même consacré.
Toujours est-il que la nouvelle dualité des fautes devra, au fil du
temps, « trouver ses marques » si elle veut pouvoir perdurer, car
tout principe doit avoir ses fondements théoriques et ceux-ci sont tellement
importants qu’ils ont permis à l’unité des fautes de se maintenir pendant près
d’un siècle, contre vents et marées.
Certains auteurs ont d’ores et déjà proposé des solutions originales
pour fonder la dualité des fautes civile et pénale. Par exemple, M. Bonfils a
avancé l’hypothèse d’une substitution à l’identité juridique des fautes
d’une identité matérielle (213).
______________________________
(213) Cf. thèse Ph. Bonfils précitée, n°
350.
73
Celle-ci aurait pour effet de conférer
aux éléments purement objectifs et matériels, considérés comme certains
par le juge civil ou pénal, une autorité relative à l’égard du second juge qui
aurait à statuer sur l’affaire, celui-ci restant libre de qualifier ces faits
comme il l’entend. Il s’agirait en quelque sorte d’un « nouveau
regard » sur l’affaire (214). Mais
est-il possible, pour un juge, de ne pas tenir compte, plus ou moins
consciemment, de l’appréciation portée par son homologue sur un fait, en
particulier si le premier à le faire est le juge pénal, qui est investi d’une
mission particulière, et dont la décision est marqué du sceau de la
culpabilité ?
Par ailleurs, le problème ne serait que déplacé, car même si le juge
civil, par exemple, considère comme établi un fait relevé par le juge pénal,
mais ne constituant pas une faute pénale, comment pourrait-il le qualifier de
faute quasi délictuelle si la définition de celle-ci est la même que la
première ?
Peut-être le problème devrait-il être renversé et la responsabilité
civile devrait être définitivement considérée comme purement objective, à tout
le moins en matière d’imprudence, poursuivant ainsi l’évolution qui est à
l’œuvre depuis la fin du XIXème siècle,
vidée de tout contenu « moral » et confinée à la réparation
des dommages par une personne qui serait responsable, non parce qu’elle aurait
commis une faute, mais parce qu’elle serait « impliquée » dans un
accident (215) ou qu’elle devrait assumer les risques d’une activité
(216). M. Deprez
affirmait d’ailleurs déjà en son temps qu’ « une responsabilité pénale
sans faute choquerait le sentiment de l’équité, alors que le droit civil peut
s’éloigner de l’idée de faute sans réaliser l’injustice, car il est dominé par
la nécessité de la réparation des dommages » (217).
______________________________
(214)
Cf. J. Pradel,
« De la véritable portée de la loi du 10 juillet 2000 sur la définition
des délits non intentionnels », D. 2000, point de vue, V-VII.
(215)
La notion d’implication
d’un véhicule conditionne d’ailleurs tout le droit des accidents de la
circulation, depuis l’entrée en vigueur de la loi de 1985, qui représente un
pan très important des infractions non intentionnelles.
(216)
Ainsi en serait-il pour
les employeurs qui seraient responsables des accidents du travail en raison du
risque pris dans l’activité entreprise.
(217) En 1956, cf. article de J. Deprez
précité.
74
La multiplication des régimes spéciaux de responsabilité ayant un
fondement autre que celui de la faute est à cet égard symptomatique de
l’évolution de nos sociétés vers une autre conception de la responsabilité
civile, qui sera rendue possible par l’extraordinaire développement du droit
des assurances.
Elle appelle une généralisation et une conceptualisation de nouveaux
fondements de la responsabilité civile. Peut-être est-ce là le seul moyen de
sortir de l’aporie de l’unité des fautes civile et pénale et de rendre à César
ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu …
75
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LEVASSEUR et B. BOULOC, Procédure pénale, Dalloz 19ème édition,
2004
_ F. TERRÉ, P. SIMLER
et Y. LEQUETTE, Droit civil, les obligations, Dalloz, 8ème
édition, 2002
76
II.
Ouvrages spéciaux
_M. LONG, P. WEIL, G.
BRAIBANT, P. DELVLOLVE et B. GENEVOIS, Les grands arrêts de la jurisprudence
administrative, Dalloz, 13ème édition, 2001
_J. PRADEL et A.
VARINARD, Les grands arrêts du droit pénal général, Dalloz, 4ème
édition, 2003
_X. PRETOT, Les
grands arrêts du droit de la sécurité sociale, Dalloz, 2ème
édition, 1998
_F. TERRÉ et Y.
Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, Dalloz, T. 2, Obligations,
contrats spéciaux, sûretés, 11ème édition, 2000
III.
Mémoires et thèses
_BONFILS Philippe,
L'action civile, Essai sur la nature juridique d'une institution, PUAM,
2000, préf. S. Cimamonti
_PIROVANO Antoine, Faute
civile et faute pénale, Contribution à l'étude des rapports entre la faute des
articles 1382 et 1383 du Code civil et des articles 319-320 du Code pénal,
LGDJ, 1966, préf. Bonnassies
_BUY Catherine, Faute
civile et faute pénale, le paradoxe de l'unité, mémoire de DEA en droit
pénal de l’université d’Aix-Marseille, sous la direction de Mme Viriot-Barrial,
2002
77
IV.
Articles
_Agard Marie-Annick,
« Faute pénale et faute civile : un divorce dans la précipitation », Resp.
civ. et assur., juillet-août 2001, chr., n° 16, p. 6 et s.
_Blanchot Alain,
« Délits non intentionnels : la responsabilité de l'auteur
indirect », D. 2001, interview, p. 559 et s.
_Clément Gérard et
Clément Béatrice, « Faute civile et faute pénale d'imprudence », RPDP,
n° 3, juin 2003
_Commaret Dominique-Noëlle,
« La loi du 10 juillet 2000 et sa mise en oeuvre par la chambre criminelle
de la Cour de cassation », Gaz. Pal., Rec. 2002, doctr., p. 603
_Conte Philippe, Le
lampiste et la mort, Dr. pén., janvier 2001, p. 10 et s.
_Deprez J.,
« Faute pénale et faute civile » in Quelques aspects de
l'autonomie du droit pénal, Paris 1956, p. 157 et s.
_Desnoyer Christine,
« L'article 4-1 du Code de procédure pénale, la loi du 10 juillet 2000 et
les ambitions du législateur : l'esprit contrarié par la lettre », D.
2002, chr., p. 979 et s.
_Dorsner-Dolivet,
Annick, « Que devient le principe de l'identité des fautes civile et
pénale après la loi du 10 juillet 2000 ? », RRJ, Droit Prospectif,
2002-1, p. 199 et s.
_Esmein Paul,
« Le nez de Cléopâtre ou les affres de la causalité », Rec. Dalloz,
1964, 33ème cahier, chronique
_Griffon Laurent,
« Le renforcement de l'autonomie de la responsabilité pénale en matière de
délits non intentionnels par la loi française du 10 juillet 2000 », RICPTS,
2003, Rec., p. 349 et s.
_Le Gunehec Francis,
« Loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des
délits non intentionnels », JCP G 2000, aperçu rapide, p. 1587 et
s.
_Mayaud Yves,
« De l'article 121-3 du code pénal à la théorie de la culpabilité en
matière criminelle et délictuelle », D. 1997, chr. p. 37 et s.
_Mayaud Yves,
« Retour sur la culpabilité non intentionnelle en droit pénal (à propos de
la loi n°2000-647 du 10 juillet 2000 », D. 2000, chr. p. 603 et s.
78
_Nuttens
Jean-Dominique, « La loi Fauchon du 10 juillet 2000 ou la fin de la
confusion de la faute civile et de la faute pénale d'imprudence », Gaz.
Pal., Rec. 2000, doctr., p. 1740
_Pradel Jean,
« De la véritable portée de la loi du 10 juillet 2000 sur la définition
des délits non intentionnels », D. 2000, point de vue, V-VII
_Pralus Michel,
« Réflexions autour de l’élément moral des délits », Dr. pén.,
décembre 2002, p. 4 et s.
_Ruet Céline,
« Commentaire de la loi n° 96-393 du 13 mai 1996 relative à la
responsabilité pénale pour des faits d'imprudence ou de négligence », RSC
1998, p. 23 et s.
_Ruet
Céline, « La responsabilité pénale pour faute d'imprudence après la
loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits
non intentionnels », Dr. pén., janvier 2001, p. 4 et s.
_Salvage
Philippe, » La loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000, Retour vers
l'imprudence pénale », JCP G 2000, I, p. 281
_Tapia Mauricio,
« Décadence et fin éventuelle du principe d'identité des fautes pénale et
civile », Gaz. Pal., Rec. mars-avril 2003, p. 686 et s.
_Vachet Gérard,
« L'incidence de la loi du 10 juillet 2000 relative aux délits non intentionnels
sur la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur », Droit
social, janvier 2001, p. 47 et s.
79
V.
Jurisprudence
Chambres
civiles
_Civ., 7
mars 1855, Quertier, D. 1855, 1, 81 ; S. 1855, 1, 439
_Civ., 9
juillet 1866, D. 1866, I, p. 339 ; 14 novembre 1898, S. 1902, I, p.
27
_Civ., 15
avril 1889, S., 1891 .292 ; civ., 14 novembre 1898, S., 1902, I 27
_Civ. 2e,
18 décembre 1912, Brochet et Deschamps, S. 1914.1.249, note R. Morel ;
D. 1915.1.17, Gaz. Pal. 1913.1.107, J. Pradel et A. Varinard, Les grands
arrêts du droit pénal général, 4e éd., 2003, comm. n° 40, p. 511
_Civ. 12
juin 1914, Rec. Sirey, 1915, I, p. 70 ; Civ. 23 mars et 28 mai 1916, Rec.
Sirey, 1918, I, p. 36
_Civ. 30
décembre 1929, D. 1930, I, p. 41, note R. Savatier, Gaz. Pal. 1930, I, p.
317 ; F. Terré et Y. Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence
civile, T. 2, Obligations, contrats spéciaux, sûretés, 11ème
édition, 2000, n° 187
_Civ. 1ère,
17 novembre 1969, Bull. civ. I 1969, n° 347
_Civ. 2ème
14 décembre 1977, D 1978, IR, p. 201, obs. Larroumet
_Civ. 1ère,
21 novembre 1978, JCP 1979, II, 19033, note R. Savatier
_Civ. 1ère
20 juin 1979, JCP 1979, IV, 286
_Civ. 1ère,
25 mai 1983, Bull. civ.I, n° 155
_Civ. 2ème,
12 juin 1996, Bull. civ . II, n° 146
_Civ. 2ème
25 mars 1998, Bull. civ. II, n° 104
_Civ. 1ère,
30 janvier 2001, Beauchêne, Bull. civ. I, n° 19, D. 2001, Somm.
2232, obs. Jourdain ; JCP G 2001.I.338, n° 4, obs. Viney, RTD civ., 2001-376,
obs. Jourdain ; Rev. sc. crim. 2001-613, obs. Giudicelli
_Civ.2ème,
7 mai 2003 Bull. civ. 2003, II, n° 140, p. 120
_Civ. 2ème,
16 septembre 2003, Bull. civ. 2003 II, n° 263, p. 215, D. 2004, n°
11, p. 721, note Ph. Bonfils
(Consécration de la dualité des fautes
civile et pénale non intentionnelles)
_ Civ. 2ème,
14 septembre 2004, inédit
80
Chambre
criminelle
_Crim.,
5 décembre 1890, Bull. crim. 1890, n° 247
Crim., 9 mars 1971, Bull. crim 1971., n°78
_Crim.,
6 juillet 1934, Gouron, DH 1934.446
_Crim.,
23 avril 1955, DS 1955.524
_Crim.,
13 décembre 1956, Laboube, D. 1957, p. 349, note Patin
_Crim.,
7 janvier 1959, Bull. crim. 1959, n°27
_Crim.,
9 nov. 1966, GP 1966,1,10, RSC 1967, 452, obs. Levasseur
_Crim.,
19 janvier 1967, Bull. crim. 1967, n°32
_Crim.,
7 décembre 1967, Bul. crim. 1967, n° 319, obs. J.-M ; Robert)
_Crim.,
9 mars 1971, Bull. crim 1971., n°78
_Crim.,
19 avril 1972, Bull. crim. 1972, 31
_Crim.,
7 février 1973, Bull. crim. 1973, n°72
_Crim.,
8 août et 18 octobre 1977, Bull. crim. 1977, 277 et 305, D 1978, 472,
note Benoit, RSC 1979, 87, obs. Levasseur
_Crim.,
3 novembre 1986, Bull. crim. 1986, n° 313, p. 797
_Crim.
18 novembre 1986, Bull. crim., n° 343, RSC 1987.426, obs.
Levasseur
_Crim.,
17 février 1987, Bull. crim. 1987, n° 74
_Crim.,
20 juin 1989, Dr. pén. 1989, comm. n°60
_Crim., 3 mars 1993, Bull. crim. 1993, n°
96, p. 230
_Crim. 20 septembre 1993, Bull. crim. n° 265
_Crim., 24 janvier 1996, Bull. crim., 1996,
n° 38
_Crim., 25 juin 1996, Bull. crim. 1996,
n°274, Dr. pén., 1996, 265, obs. Véron, RSC, 1997, 106, obs. Mayaud et 390, obs. J.H. Robert
_Crim.,
1er juillet 1997, Bull. crim. 1997, n°
259, p. 881
_Crim.,
2 décembre 1997, Bull. crim. 1997, n° 420
_Crim.,
1er décembre 1998, Bull. crim. 1998, n° 325, JCP 1998,
éd. E, Actualités, p. 194, RSC 1999, p. 337, obs. Giudicelli-Delage
81
_Crim.,
23 juin 1999, Bull. crim. 1999, n° 156
_
Crim., 28 septembre 1999, Bull. crim. 1999, n° 198, p. 624
_Crim.,
18 janvier 2000, Dr. pén. 2000, comm. n°72, obs. M. Véron
_Crim., 19 avril 2000, D. 2000, 631, note
Mayaud
_Crim. 6 juin 2000, Bull. crim. 2000, n°
213
_Crim.,
24 octobre 2000, D. 2002, n°6, p. 514, note de Jean-Claude Planque
_Crim., 5
décembre 2000, Petites affiches 2001, n° 189, p. 21
_Crim.,
12 décembre 2000, Bull. crim., 2000, n° 371, JCP, G 2001, IV 1281
_Crim.,
3 avril 2001, Dr. pén. 2001, n° 100
_Crim.,
15 mai 2001, Bull. crim. 2001, n° 123
_Crim.,
26 juin 2001, Dr. pén. 2001, n° 124
_Crim.
11 septembre 2001, Bull. crim. 2001, n° 176
_Crim., 4
juin 2002, D. 9 janvier 2003, Rec. n° 2, note S. Petit
_Crim., 18 juin 2002, Bull. crim. 2002, n° 138
_Crim.,
17 septembre 2002, Dr. pén. 2003, n° 19
_Crim., 15 oct. 2002, Bull. crim. 2002, n° 186
_Crim., 13 novembre 2002, Bull. crim. 2002, n°
204
_Crim., 26 nov. 2002, Bull. crim. 2002, n° 211
_Crim., 10 déc. 2002, Bull. crim, 2002, n° 223
_Crim., 4
février 2003, Dr. pén. 2003, n° 71
Chambre
sociale
_soc., 30
juin 1982, Bull. civ. V, n° 432
_soc., 12
juillet 2001, Bull. civ. V, n° 267, D. 2001, p. 3390, note Y.
Saint-Jours, Resp. civ et assur., Comm. n° 289, obs. H. Groutel
_soc., 28
mars 2002, Bull. civ. V, n° 110, D. 2002, IR p. 1881 ; TPS 2002,
Comm. n° 193, obs. X. Prétot
_soc., 30
janvier 2003, inédit (cf. site légifrance, v° infra)
_ soc., 3
avril 2003, inédit (cf. site légifrance, v° infra)
82
Conseil
d’Etat
_CE,
2 février 1944, Dame veuve Rossi, Rec. Lebon, 43
_CE,
24 février 1964, Société générale d’entreprises et Sieur Laurent, Rec.
Lebon, 149
Tribunal
des conflits
_
TC, 14 janvier 1935, S. 1935, III, 17, note Alibert ; M. Long, P. Weil, G.
Braibant, P. Delvolvé et B. Genevois, Les grands arrêts de la jurisprudence
administrative, 13ème édition, 2001, n° 50
Chambres
réunies et assemblée plénière
_Ch.
réun., 15 juillet 1941, JCP 1941, II, p. 1705, note J. Mihura, D.1941, p. 117,
note Rouast, Les grands arrêts du droit de la sécurité sociale par X.
Prétot, 2ème édition, Dalloz
_Ass.
plén., 18 juillet 1980, D. 1980, p. 394 concl. G. Picca, note P.G, JCP 1981, n°
19642, note Y. Saint-Jours
_Cass. Ass. plén., 9 mai 1984, Bull. civ. n°s 2 et 3,
arrêts Epoux Derguini et Lemaire et autres, D. 1984, 525, concl.
J. Cabannes, note F. Chabas, JCP 198, II, 20256, note P. Jourdain
Autres
juridictions
_Req., 31 octobre 1906, D. 1910, I, p. 151, S.
1907, I, p. 126
_CA
de Rouen, 26 février 1969, JCP 1971, éd. G. II, 16849, note Brunet
_TGI
Saint-Etienne, 4 et 10 août 1994, GP 1994, 2, 773
_CA
d’Aix-en-Provence, 22 novembre 1995, D. 1996, 405, note Borricand
_TGI
La Rochelle, 7 décembre 2000, D. 2000, IR 250, RSC 2001, p. 199, obs.
Mayaud
_CA
Poitiers (ch. corr.), 2 février 2001, JCP, G, 2001, II, 10534, note Ph.
Salvage
_CA
Pau, 26 juin 2001, JCP G 2002, IV, 1693
_CA
Lyon, 28 juin 2001, Gaz. Pal., 29-31 juillet 2001, note S. Petit, RSC
2001, p. 804, obs. Mayaud
_TGI
Millau, 12 septembre 2001, Petites affiches 2002, n° 47, p. 13, note
Steinlé-Feuerbach
83
VI.
Autres documents
Rapports
_Rapport n° 391
(1999-2000), Sénat, par P. Fauchon au nom de la commission des lois
_Rapport n°2528
(1999-2000), Assemblée nationale, par R. Dosière, au nom de la commission de
lois sur la loi du 10 juillet 2000
_Rapport de la Cour
de cassation, 1998
_ Rapport de J.-C.
Magendie, Célérité et qualité de la justice, la gestion du temps dans le
procès, Rapport au Garde des Sceaux, ministre de la justice, 15 juin 2004
Colloques
_ « Les
conséquences de la loi du 10 juillet 2000 en droit civil », Colloque du 1er
février 2001 à la Grande Chambre de la Cour de cassation sur la loi n°2000-647
du 10 juillet 2000, inédit
_« La loi du 10
juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non
intentionnels », intervention de Y. Mayaud au colloque du 8
décembre 2000, Tribunal de grande instance de Créteil, Gaz. Pal., Rec.
2001, doctr. P. 1190 et s.
_G. Viney, Conclusions
du colloque sur la nouvelle définition des délits non intentionnels par la loi
du 10 juillet 2000, RSC 2001, p. 764
84
VII.
Ressources internet
_http://www.assemblee-nat.fr
Site de l’Assemblée nationale
(http://www.assemblee-nat.fr/rapports/r2528.asp
pour le rapport Dosière)
_http://www.senat.fr
Site du Sénat
(http://www.senat.fr/rap/199-391/199-391.html
pour le rapport Fauchon)
_http://www.justice.gouv.fr
Site du Ministère de la Justice
(http://www.justice.gouv.fr/publicat/rapport-magendie.pdf pour le
rapport Magendie)
_http://www.legifrance.gouv.fr
Site permettant l’accès à l’ensemble des sources du droit positif
(pour certains arrêts inédits de la Cour de cassation)
85
INDEX
Les numéros renvoient aux paragraphes et non aux pages
-A-
Accidents du travail : 41, 47 et s.
Action civile : 40, 53 et suivants
Autorité de la chose jugée au criminel sur le civil : 40, 41 et suivants
-B-
Blessures involontaires : 3, 13, 19, 30
-C-
Causalité :
- causalité directe : 32 et s., 59
- causalité indirecte : 28 et s., 58
- causalité adéquate : 27, 29
Causes :
- proximité des : 33
Condamnation : 46 et s.
Culpa levissima : 15
-E-
Equivalence :
- des conditions : 27, 29
- des
fautes : v° fautes (équivalence des)
86
-F-
Faute(s) :
- administrative : 51 et s.
- analogie des (civile et pénale) : 11
et s.
- caractérisée : 24
- civile quasi délictuelle : usage trop
fréquent, non répertorié
- dualité des : usage trop fréquent,
non répertoriée
- équivalence des : 26 et s.
- gravité des : 8, 26, 28 et s.
- inexcusable : 47, 48 et suivants
- de mise en danger délibérée : 22, 23
- pénales simples : 18 et suivants
- pénales qualifiées : 21 et s.
- unité des : usage trop fréquent,
non répertoriée
-H-
Homicide involontaire : 3, 9, 13, 19, 23,
30
-I-
Immunité : 37
Imprudence : 2, 3, 8, 9, 12, 13, 17, 18, 19, 45
Imputabilité : 15
Inattention : 3, 9, 12
Incendie involontaire : 45
Infantes : 15
Inobservation des règlements : 3, 9,12
In abstracto (appréciation): 5, 15
In concreto (appréciation) : 5, 15, 20
-M-
Maladie professionnelle : 41
Maladresse : 3, 9, 12
Manquement à une obligation de
prudence ou de sécurité imposée
par la loi ou le règlement : 17, 20, 45
87
-N-
Négligence : 2, 3, 8, 9, 12, 13, 17, 18, 19, 45
-P-
Personnes :
-
physiques : v° responsabilité
des
-
morales : v°
responsabilité des
-R-
Règles du droit civil : 53 et s.
Relaxe : 42, 43 et s.
Responsabilité :
- contractuelle : 16, 55
- civile délictuelle : usage trop
fréquent, non répertoriée
- du fait des animaux : 16, 55
- du fait des bâtiments en ruine :
16, 55
- du fait des choses : 16, 55
- du fait des produits défectueux :
16
- pénale : usage trop fréquent,
non répertoriée
- des personnes physiques : 26,
35, 36
- des personnes morales : 26, 35,
37 et s.
- de la puissance publique : 51
et s.
-T-
Trouble mental : 15, 16, 55
88
TABLE DES MATIERES
TABLE DES PRINCIPALES
ABRÉVIATIONS _______________ 3
SOMMAIRE
____________________________________________5
INTRODUCTION
_______________________________________ 7
Première
partie : Les fondements du principe de l’unité des fautes
Civile et pénale à l’épreuve de la loi
de 10 juillet
2000
___________________________________ 14
Chapitre
1. L’unité textuelle des fautes civile et pénale à l’épreuve
de la loi du 10 juillet 2000
_______________________ 15
Section 1. L’ancien système de l’unité
textuelle _____________________ 15
§1. Une analogie reposant sur une
identité sémantique ….…….…… 15
A. Une identité terminologique
…………...……………….…….…. 16
B. Une identité de portée juridique
...……………………….…….... 17
§2. Une analogie critiquée et contournée …………………….…….. 18
A.
Une analogie critiquée ....………………………………………. 18
B. Une analogie contournée
………………………………………. 20
Section 2. Le nouveau système de la
pluralité des fautes pénales non
intentionnelles
_______________________________________ 21
§1. Les fautes pénales simples ………………………………….... ...22
A. La faute d’imprudence ou de négligence ....………………….. 23
B. Le manquement à
une obligation de prudence ou de sécurité
prévue par la loi ou le
règlement ……………………………… 24
§2. Les fautes pénales qualifiées ……...………………………..….. 25
A. La faute de mise en danger délibérée ………………………… 25
B. La faute caractérisée …………………………………….…….. 28 89
Chapitre
2. L’équivalence des fautes civile et pénale à l’épreuve de
la loi du 10 juillet 2000
________________________ 30
Section
1. Une équivalence dépendante du lien de causalité entre la faute et le
dommage
____________________________________________
31
§1.
Une gravité opérante en cas de causalité indirecte ……………….. 32
A.
La définition de la causalité indirecte ..………………………….. 32
B. La nécessité d’une faute qualifiée
dans un rapport de causalité
indirecte
..………………………………………………………... 33
§2. Une gravité inopérante en cas
de causalité directe ...…………….. 35
A. La définition de la causalité directe …………..………………… 35
B. L’équivalence des fautes en
causalité directe …...……………… 36
Section
2. Une équivalence dépendante de la personne responsable ________ 38
§1.
Une gravité opérante pour les personnes physiques ……………… 38
§2.
Une gravité inopérante pour les personnes morales ……………… 40
Deuxième
partie : Les effets du principe de l’unité des fautes civile
et
pénale à l’épreuve de la loi du 10 juillet 2000 _______________ 44
Chapitre
1. L’autorité de la chose jugée au criminel sur le civil à
l’épreuve de la loi du 10
juillet 2000 _______________ 47
Section
1. L’autorité de la chose jugée au criminel sur le civil à l’égard des
fautes civiles stricto
sensu _______________________________
48
§1. L’anéantissement de l’autorité
de la chose jugée au criminel sur le
civil en cas de relaxe par le
juge pénal ………………………….. 48
§2. Le maintien de l’autorité de la
chose jugée au criminel sur le civil
en cas de condamnation par le
juge pénal ………………………... 52
Section
2. L’autorité de la chose jugée au criminel sur le civil à l’égard des
fautes inexcusable et
administrative ________________________ 55
§1.
Les fautes pénale et inexcusable …………………...…………….. 55
§2.
Les faute pénale et administrative ………………………………... 60
90
Chapitre
2. Les fondements de l’action civile exercée devant le juge
répressif à l’épreuve de la
loi du 10 juillet 2000 ______ 64
Section
1. La conception restrictive des règles du droit civil au sens de
l’article
470-1 antérieure à la loi du
10 juillet 2000 ___________________ 65
§1.
Le domaine originel des règles du droit civil l’article 470-1 .…..... 65
§2.
Critiques de l’exclusion de la faute civile quasi délictuelle des
règles du droit civil de l’article 470-1 ……………………….….... 67
Section
2. La conception extensive des règles du droit civil consécutive à la
loi du 10 juillet 2000
____________________________________ 68
§1.
L’intégration de la faute civile quasi délictuelle dans les règles du
droit civil de l’article 470-1en cas de causalité indirecte
………..... 68
§2.
Le doute sur l’intégration de la faute civile quasi délictuelle dans les
règles du droit civil de l’article
470-1 en cas de causalité directe.... 70
CONCLUSION
________________________________________
73
BIBLIOGRAPHIE
______________________________________ 76
INDEX
_______________________________________________ 86
TABLE
DES MATIERES ________________________________ 88
91