RESUME

 

Le droit de la concurrence est mal perçu par les entreprises et par les autres disciplines juridiques. Au sein des pratiques anticoncurrentielles, le droit des ententes cristallise les inquiétudes. En effet, les contrats qui peuvent servir de support juridique à l'entente illicite sont annulés ou remodelés malgré leur conformité au droit du travail, au droit administratif et, surtout, au droit civil des contrats. La volonté des parties est malmenée au nom d'une logique qui n'est pas la logique contractuelle. Parce que le droit de la concurrence est un droit économique, c'est une logique économique qui préside à l'intervention dans le contrat.

 

Cette intervention se réalise tout d'abord par l'annulation des actes anticoncurrentiels. Seuls les magistrats et, dans une moindre mesure, les arbitres, sont autorisés à annuler les conventions ou les clauses illicites. La nullité apparaît comme une sanction nécessaire mais inadaptée. Elle est nécessaire parce qu'elle seule permet de tirer les conséquences civiles d'une déclaration d'illicéité et qu'elle offre un dernier refuge à la théorie de l'autonomie de la volonté. Elle est inadaptée car ses principes fondamentaux sont contrariés par l'application du droit des ententes. Le contentieux de l'annulation est en outre fortement influencé par les décisions susceptibles d'être rendues par les autorités de la concurrence. La dualité des procédures (judiciaires et administratives)  ajoutées à la dualité des ordres juridiques ayant vocation à régir cette sanction (français et communautaire) favorisent des décisions contradictoires. Elles créent des situations fâcheuses pour les entreprises et difficilement réversibles. A l'heure actuelle cependant, le contentieux de l'annulation est peu étoffé.

 

Beaucoup plus abondant est le contentieux porté devant les autorités régulatrices. Ces dernières veillent exclusivement au bon fonctionnement du marché et à la conformité des contrats aux exigences de l'ordre public concurrentiel. Elles disposent pour cela d'instruments parfaitement adaptés : l'exemption et l'injonction. Ces deux techniques, immunitaire pour la première, coercitive pour la seconde, permettent aux autorités de surveiller et d'orienter l'activité contractuelle. Le Conseil de la concurrence et la Commission des Communautés ne se contentent pas d'expurger les contrats de tout élément illicite : elles modèlent les conventions avec une précision jusqu'alors inconnue. Ce n'est pas le principe d'une atteinte à la liberté contractuelle qui doit surprendre : celle-ci est depuis longtemps dénoncée. C'est l'ampleur de l'atteinte. Il y a véritablement immixtion dans les relations contractuelles.

 

Cette immixtion est mal ressentie par les entreprises. La sanction éventuelle est jugée imprévisible parce qu'imparable. En effet, un comportement est rarement anticoncurrentiel par nature : c'est le contexte juridique et économique dans lequel il s'insère qui justifie sa prohibition. Or, si les entreprises ont toute puissance sur leur contrat, elles n'ont pas la maîtrise du contexte qui l'environne. Un comportement, en tant que tel irréprochable, peut-être condamné parce que ses effets se cumulent avec celui d'autres acteurs économiques. La règle de raison, les théories de l'effet sensible et de l'effet cumulatif sont de compréhension difficile pour les instances ayant la charge de les appliquer et, plus encore, pour les entreprises. Celles-ci se perdent dans les arcanes du raisonnement économique et dans les contradictions des théories mouvantes qui sous-tendent les décisions de justice.

 

Le malaise ressenti a encore une autre cause. Les entreprises ont parfois le sentiment que les autorités régulatrices sont peu respectueuses des conditions de l'incrimination. La condition première est l'existence d'une entente : les instances administratives et judiciaires ainsi que la doctrine ont énoncé que l'altération du processus concurrentiel n'était répréhensible que s'il est le fruit d'un concours de volontés. La notion nous est familière car elle caractérise le contrat. Il est remarquable que l'entente emprunte ainsi au contrat son processus de création : le droit de la concurrence ne fait preuve en ce domaine d'aucune autonomie. Cette condition fondamentale devrait être soigneusement démontrée. Il n'en est pas toujours ainsi : parce que la preuve directe d'un concours de volontés est difficile à rapporter, les autorités de la concurrence déduisent parfois d'une situation anormale du marché l'existence d'une concertation. Cette méthode probatoire est peu rigoureuse. Partant, elle conduit à de nombreux excès. Il faut y renoncer et restaurer les conditions d'une intervention dans le contrat plus légitime.

 

French and EEC Antitrust law create some annoyances for companies and give rise to interrogation points for authors. Indeed, interference into the contractual relations by the authorities takes on an unprecedented extent. This interference operates into differents ways. The contracts or provisions of contract which violate the antitrust regulation are unenforceable. Unenforceability is one of the necessary sanction because it draws civil inference from a decision of those authorities. However, this sanction is not well adapted for antitrust. A number of specific regulation in this matter disturb its implementation. Competent authorities have at their disposal some more efficient and adapted legal tools to interfere into the contract, which are on one hand, the exemption and, on the other hand, the injunction. Those tho legal technics, the former is priviledged and the letter is coercive, are means for the autorities to watch out and to adjust the contractual area.

Compagnies do not favorabily receive such interference. They consider the possible sanctions as unforeseeable because they are unavoidable. A particular behaviour is rarely uncompetitive by iltself : in fact, the economical or legal contexts justify such prohibition. However, companies do not control the context. Moroever, fhe autorities in matter of competition are not alwlays respectfull of the prerequisite conditions to this prohibition. There are two necessary bases of the interference by the autorities into the contract : a restriction of full competition and a meeting of minds from the very beginning. The former bases reveal the specific characters of these matter. The letter revels in contrary the connection between restrictive practice and contract. Both of them are generated by a combination of states of minds. The proximity of the two notions must be used to confer exactness and foreseeability to the interference into the contract by the antitrust autorities.