1.
L’autonomie de la cession, de la négociation et de la
subrogation. La transmission conventionnelle des créances ou, plus
largement, la transmission des créances, appartient à première vue aux
institutions consacrées par le droit positif. La doctrine regroupe déjà la
cession de créance [1], la
négociation [2] et la
subrogation [3] sous cet
intitulé [4]. Mais cette
classification n’emporte pas de conséquences. Elle demeure un cadre artificiel
à l’intérieur duquel chaque mode de transmission conserve son autonomie.
L’appartenance de la cession de créance, de la négociation
et de la subrogation à une même catégorie juridique se justifie principalement
par l’histoire [5]. A
l’intransmissibilité de la créance, sous l’ancien droit, succède sa
transmissibilité, à partir du Code civil. “ L’obligation est constituée
par le fait promis, apprécié au point de vue de sa valeur
pécuniaire ” [6]. Ce
dénominateur commun à l’objet de la cession, de la négociation, et de la
subrogation [7] renferme
le germe de leur éloignement. La transmission des créances perd en effet son
originalité lorsque la créance est assimilée à un bien [8]. Comme
les autres biens, la créance se transmet par l’effet des conventions. La
doctrine recherche alors la nature de la cession, de la négociation, et de la
subrogation dans l’intention des parties [9] et en
déduit une différence de régime.
Un esprit différent animerait chacun de ces modes de
transmission. Selon la doctrine classique, la cession, consentie en
contrepartie d’un prix, poursuit une finalité spéculative alors que la
subrogation, consentie en contrepartie du paiement de la dette d’autrui serait
un service d’ami [10]. La
négociation transmet la créance plus rapidement et avec une plus grande
sécurité que la cession [11] ;
cette sécurité, liée à la forme du titre, se justifie pour certains par la
notion d’acte abstrait [12]. Mais ces différences
s’estompent. L’opposition classique entre la cession de créance, une opération
spéculative, et la subrogation, un service d’ami, ne convainc plus [13]. La
doctrine s’accorde pour ne plus analyser la subrogation comme une fiction
dérogeant à l’effet extinctif du paiement, tout en refusant de l’assimiler sans
réserve à la cession de créance [14]. Les
auteurs se résignent à justifier la négociation par les impératifs de sécurité
et de rapidité du commerce alors que ce mode de transmission est sorti du cadre
des relations commerciales sans perdre son efficacité.
Les doutes entourant la nature juridique des modes de
transmission contrastent avec les différences fermement établies entre leur
régimes [15]. La
cession se caractérise par l’opposabilité des exceptions ; le cédé peut
opposer au cessionnaire les mêmes exceptions qu’au cédant. Le régime de la
négociation se distingue par l’inopposabilité des exceptions ; le débiteur
ne peut pas opposer au nouveau créancier les exceptions qu’il pouvait opposer à
l’ancien créancier. L’opposabilité des exceptions rapproche la subrogation de
la cession, mais la subrogation se caractérise par l’exigence d’un paiement qui
détermine notamment le moment et l’ampleur de la transmission.
Finalement, de la vision objective de l’obligation assimilée
à un bien, ressort une pluralité de modes autonomes de transmission des
créances.
2.
L’unité des modes de transmission. En
revanche, l’unité renaît en adoptant une conception subjective de l’obligation.
La créance désigne le côté actif d’un lien de droit entre deux personnes. La
transmission des créances introduit un tiers, l’ayant cause [16], dans le
lien d’obligation [17]. Lorsque
la transmission est issue d’une convention entre l’auteur et l’ayant cause, la
force obligatoire de ce contrat ne suffit pas à justifier l’atteinte à l’effet
relatif de l’obligation [18]. En
effet, bien que le débiteur ne consente pas à l’opération [19], celle-ci
opère un changement de créancier [20]. L’effet
caractéristique de la transmission conventionnelle des créances ne se situe
donc pas dans les rapports entre les parties [21], mais
dans les rapports respectifs de celles-ci avec le débiteur.
Les différences entre la cession, la négociation, et la
subrogation occultent leurs traits communs qui se déduisent de leur
appartenance à la catégorie plus vaste formée par la transmission
conventionnelle des créances. En raison de sa source, la transmission
conventionnelle des créances présente l’originalité de déroger à l’effet
relatif du lien d’obligation sans augmenter le poids de la dette à la charge du
débiteur. Cette exception à l’effet relatif du lien d’obligation ne se justifie
que dans la mesure où la substitution de créancier ne nuit pas au débiteur et
se distingue ainsi de la cession de contrat [22]. Par
l’effet de la transmission conventionnelle des créances, seul le créancier
change alors que la créance se conserve. La transmission conventionnelle des
créances se distingue ainsi des opérations attributives telles que la
délégation créant nécessairement une nouvelle obligation en raison d’un accord
entre le créancier et le débiteur de la nouvelle obligation. Elle se distingue
également du mandat qui ne peut opérer un changement de créancier.
Chaque mode de transmission se
caractérise par une atteinte à l’effet relatif du lien d’obligation opérant un
changement de créancier sans modifier l’étendue de l’engagement du débiteur.
Chaque mode de transmission surmonte différemment l’obstacle de la relativité
du lien d’obligation. La cession de créance étend la force obligatoire de la
convention entre le cédant et le cessionnaire afin d’imposer au cédé la
substitution de créancier. La négociation déroge également à la relativité du
lien d’obligation car il n’existe pas d’accord de volonté entre chaque porteur
du titre et le débiteur. Par l’effet d’une clause à ordre ou au porteur ou par
l’émission d’un titre nominatif, le débiteur accepte par avance de reconnaître
la qualité d’ayant cause à la personne qui lui sera désignée conformément aux
stipulations du titre négociable. La clause investit un tiers, l’ayant cause, du
droit d’exiger l’exécution de l’obligation. Enfin, la subrogation occulte
l’atteinte à la relativité du lien d’obligation inhérente à la transmission
conventionnelle des créances. La subrogation affecte la créance du subrogeant
au remboursement du subrogé qui s’acquitte de son montant. Par l’effet de cette
affectation, la créance se transmet au subrogé qui peut ainsi exercer une
action récursoire contre le débiteur.
Ainsi, la cession, la négociation
et la subrogation présentent les caractéristiques essentielles de la
transmission conventionnelle des créances en dérogeant à la relativité du lien
d’obligation afin d’opérer un changement de créancier sans augmenter
l’engagement du débiteur. Dès lors, la question se pose de savoir s’il faut
maintenir l’autonomie de la cession, de la négociation et de la subrogation ou
reconnaître l’existence de la transmission conventionnelle des créances.
3.
Un rapprochement récent.
Actuellement, un rapprochement entre la cession, la négociation et la
subrogation se dessine en législation, en doctrine et en pratique.
Le législateur favorise ce
rapprochement. La loi du 2 janvier 1981, codifiée à l’article L. 313-23 et
suivants du Code monétaire et financier, a ainsi créé une cession [23]
produisant des effets comparables à l’endossement de la lettre de change.
Lorsque le cédé accepte la cession de créance professionnelle, le cessionnaire
jouit de la même protection que celle reconnue au porteur d’une lettre de
change acceptée [24].
L’inopposabilité des exceptions n’est plus l’apanage des titres négociables.
En doctrine, un rapprochement
entre la cession, la négociation et la subrogation se constate également. Les
études portant sur des principes ou des institutions plus vastes révèlent des
caractéristiques communes. Tel est par exemple le cas de la thèse de Monsieur Larroumet sur les opérations juridiques
à trois personnes [25], du cours de Raynaud
sur “ les conventions ayant pour objet une obligation ” [26] ou des
thèses récentes sur l’opposabilité des conventions ou de leur effet
relatif [27]. Le rapprochement se perçoit également à l’occasion des
études portant sur certains aspects de la transmission conventionnelle des
créances. Ainsi, la thèse de Madame Pardoel [28] sur les
conflits de lois en matière de cession de créance englobe la subrogation consentie
par le créancier. Il ressort de la comparaison du droit français et allemand
entreprise par Madame Cashin-Rithaine [29]. Il
apparaît enfin dans le domaine voisin des garanties conventionnelles sur
créances étudiées par Monsieur Legeais [30]. Le
rapprochement entre les modes de transmission se perçoit surtout à l’occasion
des monographies sur la négociation ou la subrogation. Ainsi, Monsieur Causse qualifie la transmission des
titres négociables [31] de
cession de contrat, après avoir établi de nombreux rapprochements avec la
cession de créance. Quant à Monsieur Despaquis [32], il
justifie le régime de l’obligation cambiaire par un équilibre entre le droit
commun des obligations et l’apparence. Enfin, Monsieur Endréo [33] analyse
la transmission de la provision d’une lettre de change à l’aide de la cession
de créance. En dernier lieu, la récente thèse de Monsieur Nizard [34] confirme
que le titre négociable n’est pas un simple instrumentum, mais qu’il
permet, en échappant aux lourdes formalités de l’articles 1690 du Code civil,
de faciliter le transport simplifié du droit qu’il constate. A propos de la
subrogation, Monsieur Mestre [35] a
fermement établi que ce procédé ne repose pas sur une fiction permettant
exceptionnellement la survie de la créance éteinte par le paiement du
subrogé [36]. La
subrogation, comme la cession, réalise une transmission de la créance. A partir
de ce rapprochement, Monsieur Mouloungi [37] conteste
l’interdiction du profit dans la subrogation, l’une de ses différences par
rapport à la cession.
En pratique, le rapprochement
entre la cession, la négociation et la subrogation se constate également. Le
choix du mode de transmission dépend moins de sa nature ou de ses effets
caractéristiques que d’un “ bilan coût‑avantage ” [38].
L’affacturage offre un exemple où la subrogation se substitue à une cession.
L’affacturage réalise une opération de crédit lorsqu’un client transmet ses
créances à terme à son affactureur, en contrepartie d’un paiement immédiat. A
cette fin, l’affactureur utilise la subrogation, alors que cette transmission
d’une créance en contrepartie de l’obligation d’en payer le prix caractérise
normalement la cession de créance. La subrogation s’avère cependant plus
avantageuse. L’opposabilité de la transmission aux tiers ne requiert pas
l’accomplissement des formalités onéreuses de la cession de créance régie par
le Code civil. Cependant, la subrogation présente l’inconvénient de limiter
l’ampleur de la transmission au montant du paiement effectué par le subrogé.
L’affactureur ne pourrait pas se rémunérer du crédit consenti à son client en
lui versant une somme inférieure à la valeur nominale de la créance transmise.
La pratique a néanmoins remédié à cet inconvénient. L’affactureur s’acquitte du
montant total de la créance mais impute immédiatement une commission [39]. Ainsi,
il est subrogé dans la totalité de la créance en ne décaissant qu’une partie de
son montant.
4.
Un rapprochement utile. Ce
rapprochement amorcé entre la cession, la négociation et la subrogation mérite
d'être systématisé. En effet, une théorie générale des modes de transmission
répond aux interrogations actuellement suscitées par leur mutation. Les
procédés récemment créés par la loi comportent des zones d’ombre, faute de
s’insérer parfaitement à l’intérieur de l’un des trois modes de transmission
connus [40]. Les
procédés plus anciens évoluent. La dématérialisation des valeurs mobilières,
imposée par la loi, remet en cause l’inopposabilité des exceptions
traditionnellement liée à l’instrumentum en papier des titres
négociables [41]. La dématérialisation
des effets de commerce, souhaitée par la pratique [42], semble
difficilement réalisable. Le “ droit cambiaire est peu compatible avec les
nouvelles technologies ” note Monsieur Bonneau
à l’occasion d’un arrêt de la Cour de cassation qui refuse d’assimiler une clé
informatique à la signature d’un effet de commerce [43].
Par ailleurs, une théorie générale
des modes de transmission complète le régime de la cession, de la négociation
et de la subrogation en précisant le principe et les limites de la transposition
des règles dégagées à l’occasion de chacun de ces modes de transmission.
Autrement dit, la catégorie juridique de la transmission conventionnelle des
créances établit un droit commun de la cession, de la négociation et de la
subrogation [44].
5.
L’inadaptation de la cession de créance. Mais la
présence de plusieurs techniques pour atteindre le même objectif surprend. Elle
révèle l’inadaptation de la cession de créance régie par le Code civil. Ce
jugement de valeur contribue pourtant à la compréhension de la transmission
conventionnelle des créances dont l’étude implique une rupture épistémologique
entre le droit et sa connaissance [45].
Le droit se présente formellement
comme une pyramide de normes [46]. Chaque
norme édicte un impératif hypothétique dont la validité se déduit du
rattachement à l’ordonnancement juridique. La conformité de la norme aux
valeurs fondamentales légitime la contrainte exercée [47].
L’ensemble forme un système autonome vis-à-vis des autres systèmes sociaux,
bien qu’ils évoluent chacun sous l’influence de leurs actions réciproques [48]. La
procédure démocratique devrait assurer la régulation du système juridique par
rapport aux autres systèmes sociaux, et garantir ainsi sa rationalité et sa
légitimité [49]. Mais ce
schéma idéal reflète imparfaitement le droit positif. Les normes reposent sur
des valeurs nécessairement relatives et imparfaites [50]. En
outre, la modification de l’ordonnancement juridique requiert une
décision ; rien ne garantit la régulation du système juridique. Face à
l’inaction du législateur, l’interprète ne jouit que d’une liberté
encadrée ; “ au-delà du Code civil, mais par le Code
civil ” [51].
La connaissance du droit se heurte
à des obstacles qui lui sont propres [52]. D’une
part, le droit se présente apparemment sous la forme d’un ensemble organisé de
propositions[Rédac1].
D’autre part, des organes habilités disposent du monopole de la création et de
l’interprétation des normes à l’issue d’une procédure qui en garantit la
légitimité. Au monopole de la contrainte légitime répondrait le monopole de la
connaissance légitime [53]. Tel
n’est pas le cas. Le droit se distingue de sa connaissance. Le droit est
l’objet de la science juridique. La connaissance du droit construit une
explication rationnelle qui ne préjuge pas de la cohérence du phénomène
juridique [Rédac2][54], mais
impose au contraire d’en douter[Rédac3] [55].
L’objectivité naît de la rupture entre l’objet et le sujet, autrement dit,
entre le droit et sa connaissance[Rédac4] [56]. Si
la pratique du droit est un art, sa connaissance n’en demeure pas moins une
science[Rédac5].
La rupture entre le droit et sa connaissance n’impose cependant pas
d’abandonner le raisonnement juridique traditionnel ; le droit connaît
déjà une rigoureuse méthode d’analyse, même si cette méthode, tournée vers
l’application des normes, n’appréhende que partiellement la complexité du
système juridique [57] ; la
loi n’exprime pas tout le droit. La diversité des sources du droit autorise la
multiplication des points de vue et des approches [58]. En
proposant une explication rationnelle du phénomène juridique, la connaissance
du droit rejoint ainsi, par d’autres voies, les préoccupations des acteurs de
la scène juridique à la recherche de cohérence et de prévisibilité.
Ces prémices dictent la méthode
retenue pour étudier la transmission conventionnelle des créances. La cohérence
du système juridique supposerait qu’à l’unité de la nature de la transmission
conventionnelle des créances corresponde l’unité de son régime. A priori,
les dispositions du Code civil régissant la cession de créance se présentent
comme le droit commun de la transmission conventionnelle des créances. Mais
l’opposabilité de la cession de créance exige une signification ou une
acceptation par acte authentique. Ces formalités anachroniques, onéreuses, et
inadaptées à la sauvegarde des intérêts qu’elles sont censées protéger forment
un obstacle injustifiable à la transmission conventionnelle des créances.
L’article 1690 du Code civil, directement inspiré de l’ancien droit, n’a jamais
été réformé à la différence de son homologue belge [59]. L’adaptation
du système juridique a emprunté d’autres voies : accessoirement, par la
multiplication de dispositions législatives écartant ponctuellement le régime
du Code civil, principalement, par le recours à deux autres modes de
transmission, la négociation et la subrogation, permettant d’atteindre le même
objectif que la cession de créance tout en échappant aux formalités de
l’article 1690 du Code civil.
6.
L’existence et le régime de la transmission
conventionnelle des créances. La cession, la négociation et la
subrogation appartiennent ainsi à une catégorie plus vaste, la transmission
conventionnelle des créances. La seule justification de la distinction entre
les modes de transmission est la nécessité d'échapper aux contraintes du droit
commun de la cession de créance. Ni l’histoire, ni la fonction de la cession,
de la négociation ou de la subrogation n’autorise d’autres différences entre
les modes de transmission. En revanche, la cession, la négociation et la
subrogation présentent une nature juridique commune et un régime commun déduit
de l’adage nemo plus juris… (nul ne peut transmettre à autrui plus de
droit qu’il n’en a [60]). En
effet, l’inopposabilité des exceptions fréquemment associée à la négociation
n’est pas liée au mode de transmission, mais à l’engagement souscrit par le
débiteur qui forme l’objet de la transmission. L’apparence renforce par
ailleurs la protection des tiers. Ainsi, l’inopposabilité des exceptions est
liée à la nature de la créance transmise et non au mode de transmission.
L’engagement du débiteur n’est jamais aggravé sans son consentement [61]. Ainsi,
la cession, la négociation et la subrogation poursuivant et réalisant le même
objectif peuvent utilement être rassemblées.
Ainsi, à l’existence de la
catégorie formée par la transmission conventionnelle des créances (Première
partie), correspond un régime
transcendant la diversité des modes de transmission (Seconde partie)[Rédac6].
[1] La cession désigne la convention par laquelle un
créancier (le cédant) transmet à son contractant (le cessionnaire), la créance
sur le débiteur (le cédé).
[2] La négociation, transmet la créance avec le titre
qui la constate. La transmission du titre désigne au débiteur son nouveau
créancier.
[3] La subrogation désignera exclusivement dans ces
développements la subrogation consentie par le créancier (le subrogeant) qui
transmet la créance au contractant (le subrogé) sur le fondement d’un paiement.
[4] Cette classification a pour la première fois été
proposée par Gaudemet (Théorie générale des obligations, Sirey, 1965, réimpression de l'édition de 1937, p
449 et s.).
Elle est généralement
reprise par la doctrine contemporaine qui distingue le plus souvent à
l’intérieure de la cession, la cession régie par le Code civil et la cession
dont les formalités sont simplifiées, notamment la négociation : v.
notamment : A. Bénabent,
Droit civil, Les obligations, Montchrestien, 7e éd., n° 721,
p 449 et s. ; J. Carbonnier, Droit civil, t.4, Les obligations, PUF,
22e éd., 2000, n° 314, p 555 et s. ; Larroumet, Les obligations, t.
4, par J. François, 2000, n°
337 ; G. Marty
et P. Raynaud, Droit
civil, Les obligations, Sirey, 1989, n° 348 ; F. Terré, Ph.
Simler et Y. Lequette, Droit
civil, Les obligations, Dalloz, 7e éd., 1999, n° 1173,
p 1063 et s.
[5] V. notamment E. Gaudemet, Théorie générale des
obligations, Sirey, 1965, réimpression de l'édition de 1937,
p 449.
Comp. E. Fraud, La
notion de transfert de créance, Rev. rech. juri. 1998-3. 817. Il établit un
rapprochement entre ces modes de transmission en constatant qu’ils ne modifient
pas la cause de l’obligation transmise. Mais il est dès lors obligé de
considérer que l’acceptation d’une lettre de change est une renonciation et non
un nouvel engagement.
[6] R. Saleilles,
Etude sur la théorie générale de l’obligation d’après le premier projet de
Code civil pour l’empire Allemand, Paris. 3ème éd. 1925, n° 80.
Sur
la propriété des créances V. notamment le débat entre et J. Dabin, Une
nouvelle définition du droit réel, Rev. trim. dr. civ. 1962. 20 et S. Ginossar, Pour une meilleure définition du droit réel et du
droit personnel, Rev. trim. dr. civ. 1962. 573.
[7] A. Bénabent, op. cit., Montchrestien, 7e éd., n° 721,
p 449 ; J. Carbonnier, op. cit., PUF, 22e éd., 2000, n° 314,
p 555 ; G. Marty et P. Raynaud,
op. cit., 1989, n° 348 ; M. Planiol et G. Ripert, op. cit., n° 1105 ; F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, op. cit., Dalloz, 7e éd., 1999, n° 1173,
p 1063.
[8] F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, op cit., 7e éd., 1999,
n° 1173, p 1063. Ils notent que l’obligation envisagée comme un bien
ne mériterait pas une étude particulière si ce n’est par référence aux
difficultés qui furent posées pour sa transmission. La cession de créance est
fréquemment étudiée à l’occasion des contrats spéciaux. Lorsqu’elle est étudiée
dans le régime général de l’obligation, le regroupement des techniques de
transmission débute alors par un rappel historique de l’opération.
[9] V. A propos de la distinction entre la cession et la
subrogation C. Demolombe,
op. cit., n° 385, p 330 : “ Ce n’est donc pas
au sens littéral des termes, que l’on doit s’attacher. C’est la commune
intention des parties, révélée par le caractère intrinsèque de l’opération… Ce
qu’il faut rechercher surtout, c’est si l’opération a été faite dans l’intérêt
du créancier, ou dans l’intérêt du débiteur. Dans le premier cas, on doit être
porté à penser que l’acte a le caractère d’une cession ; tandis que c’est
le caractère d’un payement avec subrogation, qui doit être présumé dans le second
cas ”. E. Gaudemet,
op. cit., p 471 : “ c’est là une délicate question
d’interprétation de volonté ”.
[10] C. Aubry
et C.
Rau, Cours de droit civil français, t. 4, Paris, 5e
éd., par G. Rau et Ch. Falcimaigne, 1878, § 321.
Le but principal de la subrogation est la libération du débiteur envers le
créancier originaire. Alors que celui de la cession serait la vente et
l’acquisition de la créance. C. Demolombe,
op. cit., n° 323, p 269. F.
Mourlon, op. cit., p VIII. “ Le payement avec subrogation
n’est pas une spéculation ; c’est un bon office ” et p 178 si
“ le payement est fait par un tiers dans son intérêt particulier et avec
subrogation aux droits du créancier : l’opération n’est plus un
payement ; ce n’est même pas un payement avec subrogation ; c’est une
cession déguisée sous l’apparence trompeuse d’un payement subrogatoire ”. M. Planiol et G. Ripert, op. cit., p 655,
n° 1245. “ L’opposition fondamentale d’ordre économique établie entre
la cession et la subrogation, si elle répond à la réalité dans un certain nombre
de cas, que la loi a considérés comme typiques, n’est pas commandée par la
situation de fait. L’esprit de système est venu ici déformer l’aspect véritable
des choses ” ; mais, au n° 1520, p 579, “ la cession
de créance nous apparaît comme un acte de spéculation, tandis que la
subrogation est l’auxiliaire d’un bienfait ; elle facilite la réalisation
d’une pensée généreuse, en garantissant au capitalise, qui vient au secours
d’un débiteur obéré, le remboursement de son avance ”.
[11] J. Carbonnier, op. cit., n° 317,
p 563 ; Ph. Malaurie et L. Aynès,
Cours de droit civil, Les contrats spéciaux, Cujas, 10e éd., 1997, n° 1250,
p 749 ; G. Marty, P. Raynaud et
P. Jestaz, op. cit., n° 371 ; F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, op. cit., Dalloz, 7e éd., 1999, n° 1201,
p 1084.
[12] J. Bouteron et L. Lacour, Précis de droit commercial, t. 2, Dalloz,
3e éd., 1925, n° 1171bis, p 14 “ L’obligation cambiaire
est une obligation littérale ou formelle ”, “ la lettre de change
n’est pas seulement un titre formel : c’est aussi un titre abstrait,
autonome, qui se suffit à lui-même, sans qu’il y ait lieu d’en rechercher la
cause ”. M. Jeantin,
P. Le Cannu, Instruments de paiement et de crédit - Entreprises en
difficulté, Dalloz, 5e éd., 1999, n° 254, p 151. Le
“ formalisme cambiaire créé par la loi suscite une apparence qui donne à
la lettre de change une valeur qui lui est propre et est indépendante de sa
cause ”. E. Putman, op.
cit.,
n° 2, p 18. L’archétype
“ des effets de commerce, la lettre de change, est formaliste et abstraite ”.
[13] V. infra note 437
[14] Au XIXe siècle, cette présentation
dominait en doctrine, V. infra n° 70.
[15] Sur la corrélation nécessaire entre le régime et la
nature d’une institution V. J.-L. Bergel, Variété de nature (égale) différence de régime, Rev.
trim. dr. civ. 1984. 255.
[16] Le terme d’ayant cause est la traduction littérale
de l’expression latine utilisée par Dumoulin
habens causam. Elle implique une succession d’une personne aux droits
d’une autre (A. Weill, Le principe de la relativité des conventions en
droit privé français, thèse, Dalloz, 1938, n° 60, p 107).
[17] V. Ch. Larroumet,
Les opérations juridiques à trois personnes en droit privé, thèse
Bordeaux, 1968, n° 7.
[18] P. Chaumette, La subrogation sans paiement, Rev. trim.
dr. civ. 1986. 33, spéc. n° 6. “ La subrogation personnelle
constitue une exception au principe de l’effet relatif des conventions, puisque
la substitution des personnes permet à un tiers au contrat de remplacer l’un
des contractants ”. Comp. J. Ghestin, La distinction entre les
parties et les tiers au contrat, JCP. 1992. I. 3628, spéc.
n° 17. L’auteur préfère se référer à une extension de l’opposabilité de la
convention de cession.
[19] Quel que soit le mode de transmission, le
consentement du débiteur est inutile.
Lorsque
la créance est transmise par une cession, le débiteur est un tiers à l’acte
(article 1689 du Code civil). La signification de la cession, une notification
par acte d’huissier, suffit à faire produire à la cession ses effets à l’égard
du débiteur (articles 1690 et 1691 du Code civil). En ce sens A. Bénabent, Droit
civil, Les obligations, Montchrestien, 7e éd., n° 727,
p 453 ; J. Carbonnier, t.4,
op. cit., n° 316, Ph. Malaurie et L. Aynès, Cours de droit civil, Les contrats spéciaux, Cujas,
10e éd., n° 1219, p 735 ; G. Marty, P. Raynaud et P. Jestaz, op. cit.,
n° 352 ; F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit civil, Les
obligations, Dalloz, 7e éd., 1999, n° 1182, p 1070.
De
même, l’endossement de la lettre de change requiert seulement la signature de
l’endosseur (article L. 511-8, ancien article 117 Code commerce) et sa remise à
l’“ endossataire ”. L’article L. 512-3 (ancien article 185) du Code
de commerce sur le billet à ordre renvoie à l’article L. 511-8 (ancien 117) du
Code de commerce sur l’endossement de la lettre de change.
Quant
à la subrogation consentie par le créancier, l’article 1250‑1° énumère
ses conditions de validité. Il ne mentionne pas le consentement du débiteur V.
par exemple Civ. I, 23 octobre
1984, Bull. civ. n° 276 ; JCP éd. E 1984. I.13955.
[20] A. Ghozi, La modification de l'obligation par la volonté des
parties (Etude de droit civil français), thèse, LGDJ, 1980, préface D. Tallon ; A. Sériaux, Droit des obligations, 2e
éd., PUF, Droit fondamental, 1998, n° 168, p 614. La transmission
“ opère incontestablement une certaine modification du lien originaire car
le débiteur n’est plus tenu envers le même créancier ”. Aussi, consacre‑t‑il
un chapitre à la modification du lien d’obligation découpé en deux sections
respectivement intitulées “ La modification par transmission du lien
d’obligation ” et “ La modification par transformation du lien
d’obligation ”.
[21] Rappr. M. Planiol et G. Ripert, op. cit., p 656, n° 1246.
A propos de la distinction entre la cession et la subrogation “ les deux
opérations peuvent aisément intervenir l’une et l’autre dans des situations
analogues et en vue de buts très voisins, sinon identiques ”.
[22] En l’absence de dispositions contraire, le consentement
du cédé est nécessaire
Rappr. Civ. I, 6 juin
2000, Bull. civ., n° 173 ; D. 2001, 1346, note D. Krajeski ; JCP 2000. IV. n° 2306 ; RTD Com. 2000,
571, obs. J. Mestre et B. Frages ; Defrénois 2000, art.
37237, n° 69. 1125, obs. P. Delebecque
(Le fait qu’un contrat ait été conclu en considératin de la personne du
contractant ne fait pas obstace à ce que les droits et obligations de ce
dernier soient transférés à un tiers dès lors que l’autre partie y a consenti).
Contra. L. Aynés, La
cession de contrat, thèse, Economica, 1984, préface Ph. Malaurie
[23] Th. Bonneau, Droit bancaire, Montchrestien,
4e éd., 2001, n° 582, p 378 et s. M.
de Juglart et B. Ippolito, op. cit.,
n° 283 ; G. Ripert et R. Roblot,
Traité de droit commercial, t. 2, LGDJ, 16e éd., 2000, n° 2428-1,
p 452 ; J.-L. Rives-Lange et M.
Contamine-Raynaud, op. cit., n° 526.
[24] L’article L. 313-29 du Code monétaire et financier
(ancien article 6 de la loi du 2 janvier 1981) est formulé dans des termes
identiques à ceux de l’article L. 511-12 (ancien article 121) du Code de
commerce.
[25] Ch. Larroumet, Les opérations juridiques
à trois personnes en droit privé, thèse, Bordeaux, 1968.
[26] P. Raynaud,
Les contrats ayant pour objet une obligation, Cours de DEA, Les Cours de
droit, 1977.
[27] F. Bertrand, L'opposabilité du contrat aux tiers, thèse, Paris
II, 1979 ; J. Duclos, L'opposabilité
(Essai d'une théorie générale), thèse, LGDJ, 1984, préface D. Martin ;
Y. Flour,
L'effet des contrats à l'égard des tiers en droit international privé,
thèse, Paris II, 1977 ; J.-L. Goutal,
Essai sur le principe de l'effet relatif du contrat, thèse, LGDJ, 1981,
préface H. Batiffol.
[28] D. Pardoël, Les conflits de lois en matière de cession de créance,
thèse, LGDJ, 1997, préface P. Lagarde.
[29] E. Cashin-Rithaine,
Les cessions contractuelles de créances de sommes d’argent dans les
relations civiles et commerciales franco-allemandes, LGDJ, 2000, Préface F.
Ranierei, Avant-propos F . Jacquot.
[30] D. Legeais, Les garanties conventionnelles sur créances,
thèse, Economica, 1986, préface P.
Rémy et Avant-propos de J. Stoufflet.
[31] H. Causse, Les titre négociables (Essai sur le contrat
négociable), thèse, Litec, 1993, préface B. Teyssié.
[32] J.-M. Despaquis, L'obligation cambiaire-
Essai sur la nature de l'obligation cambiaire, thèse, Reims, 1996.
[33] G. Endréo, La provision, garantie du payement de la lettre de
change, thèse, Nantes, 1980.
[34] F. Nizard,
La notion de titre négociable, thèse, Paris II, 2000, Dr 21, 2001, T 001 (http://www.droit21.com).
[35] J. Mestre, La subrogation personnelle, thèse, LGDJ, 1979,
préface P. Kayser,
n° 639 ; p 698. “ Pourquoi ne pas
admettre que la subrogation personnelle, réglementée au niveau du paiement,
soit en réalité une cession de créance qui s’effectue, de manière originale sur
le fondement d’un paiement ? ”. Néanmoins, les “ exceptions
générales que ces juges dans le silence des textes, ont apportées à l’effet
translatif, loin de contredire cette analyse, viennent la renforcer, en même
temps que la compléter. Elles révèlent, en effet l’originalité de l’institution
quant au fondement juridique de la transmission de la créance ”.
Ce rapprochement entre la subrogation et la cession est notamment
admis par Ph. Malaurie et L. Aynès, op. cit, Cujas, 10e
éd., n° 1206, p 721. La
subrogation “ est davantage devenue un mode de transfert de la créance,
lié au paiement ”.
[36] Parmi les auteurs analysant la subrogation comme une
fiction ou une exception à l’extinction de la créance après le paiement : G. Baudry-Lacantinerie
et L. Barde, Traité
théorique et pratique de droit civil, Des obligations, t. 12, Paris, 1902,
n° 1516, p 574. “ La subrogation est une fiction juridique, par
suite de laquelle une créance, payée avec des deniers fournis par un tiers et
par conséquent éteinte par rapport au créancier, est réputée subsister avec
tous ses accessoires au profit de ce tiers, afin d’assurer l’efficacité de son
recours pour le remboursement des fonds qu’il a versés ”. C. Demolombe,
Traité des contrats ou des obligations conventionnelles en général, t. 1, Paris,
1868, n° 315, p 262. La subrogation, ce “ n’est pas la
vérité ; c’est la fiction. Ce n’est pas le droit pur ; c’est
l’équité. Il est vrai ! ”. Gauthier, Traité de la
subrogation de personnes, Paris, 1853, n° 8, p 5. Ce n’est
“ que par une dérogation à la rigueur du droit que le paiement peut, en
certain cas, et au moyen de la subrogation, faire revivre au profit de celui
qui paie les droits du créancier originaire ”. F.
Laurent, Principes de droit
civil, t. 18, Paris, 3e éd. 1878, n° 6, p 16. “ La
fiction établie dans l’intérêt du subrogé, consiste en ceci, c’est qu’il est
censé avoir plutôt acheté la créance que l’avoir payé. La subrogation est donc
une cession fictive ”. F. Mourlon, Traité théorique et
pratique des subrogations personnelles, Paris, 1848, p VIII.
“ Le paiement avec subrogation est une opération à double face. Entre le
subrogé et le débiteur ou ses ayants cause, c’est une cession fictive par suite
de laquelle le tiers dont l’argent a servi à la libération du débiteur succède
à tous les droits qu’avait le créancier originaire. Entre le subrogé et le
subrogeant, c’est un payement extinctif de la dette ”. M. Planiol et G. Ripert, Traité pratique de
droit civil français, t. 7, LGDJ, 2e éd., avec P. Esmein, J. Radouant,1954,
n° 1219, p 626. “ La subrogation est donc l’institution juridique en
vertu de laquelle la créance payée par le tiers subsiste à son profit et lui
est transmise avec tous ses accessoires, bien qu’elle soit considérée comme
éteinte par rapport au créancier ”. Mais les auteurs écartent l’idée de
fiction, la subrogation “ repose sur des besoins pratiques évidents, il
vaut mieux se contenter de l’analyser ” (p 652, n° 1244).
[37] C. Mouloungi, L'admissibilité du profit dans la subrogation,
thèse, LGDJ, 1995, préface F. Grua.
[38] E. Putman, Droit des affaires, t. 4, Moyens de paiement et de
crédit, PUF, Thémis droit privé, 1995, n° 4.
[39] Th. Bonneau, op. cit., n° 579,
p 376 ; M. de Juglart et B.
Ippolito, Traité de, Montchrestien, 3e éd., par L. M. Martin, 1991, n° 294 ;
J.-L. Rives-Lange
et M. Contamine-Raynaud, op.
cit., Dalloz, 6e éd., 1995,
n° 585.
Comp. les
doutes quant à la validité de l’opération M. Vasseur, Droit et économie bancaire,
Les opérations de banque, Fasc. 1, Les cours de droit, 4e éd., 1987-1987,
p 308.
[40] V. par exemple la loi du 25 juin 1999 et ses décrets
du 29 juillet et 3 août 1999 organisant le refinancement des établissements
accordant des prêts immobiliers. Ces textes sont codifiés aux articles L. 515
et suivants du Code monétaire et financier. Sur ce nouveau mode de mobilisation
des créances : Th. Bonneau, Droit bancaire, Montchrestien, 4e éd., 2001,
n° 843, p 570 et s.
[41] Sur les conséquences de la dématérialisation à
l’égard de la notion de valeur mobilière A. Reygrobellet, La notion de valeur
mobilière, thèse, Paris II, 1995, n° 978 et s.
[42] V. M. Vasseur, La lettre de change-relevé,
de l'influence de l'informatique sur le droit, Rev. trim. dr. com. 1975.
203.
[43] Th. Bonneau,
note sous Com., 26 novembre 1996, JCP éd. E, 1997. II. 906, n° 7.
[44] Elle permet ainsi d’établir un droit commun de la
négociation alors que l’attention se concentre habituellement sur certaines
formes réglementées de ce mode de transmission, telle la lettre de change
Sur
l’utilité d’un droit commun : J. Ghestin, La transmission des
obligations en droit positif français, LGDJ. 1980. in Travaux des IX
Journées d'études juridiques J. Dabin.
spéc. p 79. Il constate à propos des titres négociables que “ leur
théorie générale reste à faire en droit français ”. Le même constat est
fait pour le droit belge par M. Fontaine, La transmission des
obligations de lege ferenda, LGDJ. 1980. in Travaux des IX Journées
d'études juridiques J. Dabin.
611, spéc. p 639. En revanche, une telle théorie existe en Suisse
(Code suisse des obligations articles 965 à 1155) et en Italie (Code civil
italien articles 1992 à 2027).
[45] V. sur ces deux pôles P. Amselek, Eléments d'une définition
de la recherche juridique, 297. La recherche “ se déploie dans
une double direction, en vue de fonder à la fois le statut de l’objet de
recherche et le statut de l’activité de recherche tourné vers cet objet ”
Les
théories de la connaissance du droit suscitent un regain d’intérêt V. notamment
C. Atias,
Epistémologie juridique, PUF, 1985 ; X. Lagarde, Réflexion critique sur le droit de la preuve,
thèse, LGDJ, 1994, préface J. Ghestin,
n° 1, p 1 qui part du constat “ qu’il n’y a pas de science
purement empirique du droit ” pour en déduire la nécessité de dégager les
concepts nécessaires pour aborder le droit positif “ de manière
scientifique ”.
Cet
appel à la science à l’issue d’une réflexion sur les méthodes de la
connaissance juridique n’est pas sans précédent (V. le mouvement de la libre
recherche scientifique et notamment F. Geny, Science et technique en droit
privé positif, Sirey, t. 1, 1914 ; F. Geny, Méthode d'interprétation et sources en droit privé
positif, t. 1, LGDJ, 1996, réimpression de l'édition de 1919).
[46] H. Kelsen, Théorie pure du droit, Trad de la 2e éd. De la
Reine Rechtslehre par Ch. Eisenmann, Dalloz, 1962, p 299 et s.
[47] Comp. H. Kelsen
se contente d’une légitimité formelle : le jugement de valeur objectif
énonce “ soit qu’une conduite effective est conforme à une norme
considérée comme objectivement valable et est en ce sens bonne… soit qu’une
conduite effective contredit une telle norme et est en ce sens mauvaise, c’est
à dire contraire à une valeur ” H. Kelsen, op. cit.,
p 23.
Cette
vision restrictive chasse l’idée de justice que Perelman réintroduit : “ Nous sommes amenés à
distinguer trois éléments dans la justice : la valeur qui la fonde, la règle
qui l’énonce, l’acte qui la réalise ”. “ De même qu’un acte juste est
relatif à la règle, la règle juste sera relative aux valeurs qui servent de
fondement au système normatif ” (Ch. Perelman,
Justice et Raison, 2e éd. Université de Bruxelles,
1972 ; B. Huisman
et F. Ribes, Les
philosophes et le droit - Les grands textes philosophiques sur le droit, Bordas,
1988, p 330).
[48] La théorie des systèmes est généralement attribuée
au biologiste Ludwig von Bertalanffy, l’auteur de General
system Theory publié en 1968. Cette théorie s’étend depuis à l’ensemble des
domaines de la connaissance et spécialement à l’économie v. J.-L. Le Moigne,
La théorie du système général, Théorie de la modélisation, PUF, 4e éd.,
1994.
Sa
transposition au droit a principalement été tentée par des auteurs allemands
dont N. Luhmann (En langue
française v. L’unité du système juridique, APD, 1986, p 163) et G. Teubner (Deux ouvrages sont
traduits : G. Teubner,
Le droit : un système autopoïétique, PUF, Trad. de l'all. par G. Maier
et N. Boucquey, 1993 ; G. Teubner,
Droit et réflexivité - L'auto-référence en droit et dans l'organisation, LGDJ,
1994, trad. de l'allemand par N. Boucquey). L’idée de système a
également fait l’objet du tome 31 des Archives de philosophie du droit (1986),
intitulé “ Le système juridique ” avec l’article de Ch. Grzegorczyk, Evaluation critique du
paradigme systémique dans la science du droit, ainsi que plusieurs
publications en français parmi lesquelles v. : N.
Bobbio, Nouvelle réflexions
sur les normes primaires et secondaires, in La règle de droit, Bruylant,
1971 ; J.-L. Le Moigne, Le
systèmes juridiques sont-ils passibles d'une représentation systémique ?, Rev.
rech. juri. 1985-1. 155 ; P. Orianne, Introduction au système
juridique, Bruylant, 1982 ; M. Van
de Kerchove et F. Ost, Le
système juridique entre ordre et désordre, PUF, 1988, Orianne, Introduction au système
juridique, Bruylant, 1982 ; M. Van
de Kerchove et F. Ost, Le
système juridique entre ordre et désordre, PUF, 1988.
Ces
théories inspirent de nombreux auteurs comme C. Atias, op. cit.,
n° 86, p 168, n° 97, p 191 ; J.-L. Bergel, Théorie générale du droit, Dalloz, 1999, 3e éd.,
n° 8, p 8.
[49] J. Habermas, Droit et démocration - Entre faits et normes, Gallimard,
NRF essais, 1992, trad. de l'allemand, 1997, Dans cet ouvrage, l’auteur
applique au phénomène juridique le concept de discussion au centre de son
œuvre. La légitimé de la contrainte suppose que les citoyens puissent à tout
moment se concevoir comme les auteurs du droit auquel ils sont soumis.
[50] Ch. Perelman, op. cit. , 1972 ;
B. Huisman et F. Ribes, op. cit.,
p 331. “ Toute valeur étant
nécessairement arbitraire, il n’existe pas de justice absolue, entièrement
fondée sur la raison ”
[51] Saleilles,
Préface à F. Geny,
Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif, t. 1, LGDJ,
1996, réimpression de l'édition de 1919.
[52] C. Atias, op. cit., n° 13, p 20 A propos
des obstacles à la reconaissance d’une épistémologie juridique : “ Ou
bien il n’y pas de connaissance du droit : ou bien cette connaissance n’a
rien de scientifique ”.
[53] V. sur l’encadrement de l’enseignement du droit au
XIXe : J.-L. Halpérin, Histoire du droit privé français depuis 1804, PUF,
1996, n° 24, p 49 et s. La loi du 22 ventôse an XII (13 mars
1804) donne à l’Etat le monopole de l’enseignement juridique, les professeurs
prêtent un serment d’obéissance, ils exercent sous la surveillance
d’inspecteurs généraux.
[54] L’expression de phénomène du droit, par opposition à
science du droit, est empruntée à J. Carbonnier, Droit
civil, t. 1, Introduction, PUF, 26e éd., 1999, n° 3, p 19.
[55] Friedrich A. Hayek, Droit, législation et
liberté, t. 1 Règles et ordre, PUF, Quadrige, 1973, Trad. En 1980 par R. Audouin, p 6
“ Nombre d’institutions de la société qui sont des conditions
indispensables à la poursuite efficace de nos buts conscients sont en fait le
résultat de coutumes, d’habitudes, de pratiques qui n’ont ni été inventées, ni
ne sont observées afin d’obtenir des buts de cette nature ”.
[56] Comp. X. Lagarde, thèse précitée.
[57] Deux tendances existent en épistémologie :
le réductionnisme (le centre de gravité est le sujet, le complexe peut se
ramener au simple), l’antiréductionnisme (le centre de gravité est l’objet et
sa structure, le complexe ne peut se ramener au simple).
L’idée
de système juridique écarte une approche réductionniste. “ Il n’y a pas de
phénomènes simples ; le phénomène est un tissu de relations ” (G. Bachelard,
Le nouvel esprit scientifique, PUF, Quadrige, 1er éd. 1934, 5e éd. 1995,
p 143).
[58] M. Carbonnier
à travers les notes d’histoire, de théorie juridique, de sociologie, de
politique législative et de pratique judiciaire de ses manuels de droit civil
marque un net intérêt pour les “ sciences auxiliaires ” du droit.
[59] Loi
du 6 juillet 1994 sur laquelle v. Rev. trim. dr. civ.
1996.
[60] Trad. H. Roland et L. Boyer, Adages du droit français, Litec, 3e éd.,
1992, n° 328, p 382.