Introduction

 

 

N°1- Propos liminaires.

 

 « Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer ». Cette formule de Guillaume d’Orange mériterait de devenir le leitmotiv des partisans de l’introduction de véritables fonds de pension en droit positif français. En effet, après moult péripéties, cette réforme semble abandonnée au moins à court terme. Pourtant, une loi datée du 25-03-1997, a été votée par le Parlement sur le sujet[1]. Suite au changement de majorité à l’Assemblée nationale, issu des urnes en 1997, les décrets d’application n’ont jamais été publiés. Cette loi n’a pas été abrogée par la nouvelle majorité ce qui lui confère une nature virtuelle. D’un point de vue juridique, le procédé est extrêmement critiquable puisqu’une loi doit être appliquée ou abrogée. D’ailleurs, la primauté de la loi sur le règlement, en vertu de la pyramide des normes, devrait interdire une telle pratique. Mais puisque la loi du 25-03-1997 renvoyait elle-même à des décrets d’application, leur absence explique son ineffectivité. Pourtant, lors des travaux parlementaires J.Arthuis ne déclarait-il pas : «il s’agit d’un texte qu’il faut faire vivre ! »[2] Quant au sénateur C.Poncelet il affirmait : «l’enfantement a été long et l’accouchement difficile mais l’enfant est beau»[3]. Cet enfant est pourtant un mort né. Une nouvelle fois, il convient de constater que la réussite ou l’échec d’une réforme dépend d’une alchimie complexe. Ainsi, la doctrine a considéré par exemple que la réforme de la SAS (société par actions simplifiée) était due à «un mélange d’heureux hasards et à la volonté active de bonnes fées»[4]. Concernant les fonds de pension, l’on pourrait parler de malédiction tant un mauvais sort semble s’acharner sur leur création. En réalité, cet échec doit être imputé essentiellement au caractère passionnel du débat.

 

 

N°2- Un débat passionnel.

 

Ce choix défavorable aux fonds de pension est le fruit de débats souvent passionnés entre l’opposition et la majorité plurielle mais également au sein de cette dernière. Alors que de nombreux sujets en France ne sont plus tabous, par exemple ceux relatifs à la privatisation de certains secteurs de l’économie, la question des fonds de pension reste un sujet passionnel. Il semble que la crise des années trente, qui a engendré des pertes substantielles pour de nombreux épargnants, ait marqué durablement certains observateurs. Il est pourtant tentant d’observer que la répartition n’aurait probablement pas beaucoup mieux résisté à une crise économique d’une telle ampleur puisqu’un chômage pléthorique induit une perte de recettes pour un tel système. Il est par ailleurs particulièrement hasardeux de comparer l’économie française des années trente à celle de ce début de millénaire. L’hostilité à l’égard des fonds de pension facultatifs traduit également une rémanence de la tradition égalitariste qui défend parfois sans nuance le concept d’égalité. A titre de comparaison, le Conseil constitutionnel admet que celui-ci ne s’oppose pas «à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes »[5] Ces raisons semblent expliquer le caractère passionnel des débats relatifs aux fonds de pension. Ainsi, G.Hascoet, lorsqu’il était député, a déclaré «nous examinerons la question sans à priori idéologique » pour ensuite ajouter «accepter les fonds de pension à l’américaine, c’est favoriser l’égoïsme occidental et le pillage des économies, en particulier des économies émergentes »[6]. Lors de la même séance, le député C.Cuvilliez affirme «substituer un mode pervers de capitalisation au mode vertueux, même s’il est perfectible, de la répartition, c’est revenir aux pratiques déplorables et parfois spoliatrices d’avant l’instauration des assurances sociales de 1928, comme le pratiquent sans vergogne les places boursières anglo-saxonnes. C’est substituer une loterie à la garantie d’un salaire différé ou d’une épargne collégiale sans risque, substituer la logique parasitaire de l’actionnaire à celle de solidarité entre générations et de cohésion nationale». On aurait souhaité davantage d’irénisme. Les partisans des fonds de pension doivent également battre leur coulpe en raison de la présentation parfois simpliste qu’ils ont proposée. N’a-t-on pas déclaré : « comment les Français pensent-ils s’en sortir avec des livres, des réunions et des déclarations sur la nécessité de créer des fonds de pension ? Ils ont des fusées, le concorde, un porte-avions nucléaire, l’industrie du luxe mais ils n’ont pas d’argent (…) notre politique d’imprévoyance sociale nous conduit droit vers le sous développement »[7]. Certains partisans des fonds de pension ont également le tort de privilégier les objectifs économiques (compétitivité de notre économie réelle et financière) au détriment de l’intérêt de l’adhérent, ou encore de laisser penser qu’ils constituent la solution miracle face aux difficultés liées à la hausse de l’espérance de vie ou aux évolutions démographiques. Les fonds de pension ne sont pourtant pas une panacée et n’éviteront pas une hausse de la part du PIB consacrée au financement de la retraite. Le CNPF a également proposé un projet privilégiant les entreprises parfois au détriment de l’intérêt des adhérents[8]. Les propositions du MEDEF semblent d’ailleurs plus nuancées[9]. On ne peut que regretter cet aspect passionnel du débat qui a empêché son aboutissement. La passion n’annihile-t-elle pas la raison ? A titre de comparaison le débat sur l’épargne salariale ou la participation est aujourd’hui considérablement pacifié.

 

N°3-L’esquisse d’une approche constructive.

 

 Il faut néanmoins noter des évolutions tangibles favorables à un apaisement. Par exemple, certains syndicats, pourtant traditionnellement hostiles  à la capitalisation, ont organisé des colloques relatifs aux fonds de pension qui témoignent de leur évolution sur le sujet. Ainsi la CGC s’est intéressée à la mise en place de fonds socialement responsables[10], quant à la CFDT, elle convient que le débat ne peut être éludé[11]. L’hostilité des syndicats est d’ailleurs paradoxale puisqu’ils ont créé la Préfon qui est un fonds de pension destiné aux fonctionnaires. Ils signent également des conventions collectives qui mettent en place des mécanismes fondés sur la capitalisation. Au sein des partis politiques, certaines évolutions sont également notables, par exemple la proposition de loi du député P.Douste-Blazy ou celle votée par le Sénat le 14-10-1999 protègent davantage l’adhérent que ne le faisait la loi du 25-03-1997, peut être trop fortement inspirée du projet du CNPF.[12]  Du côté de la majorité plurielle, un article publié dans le journal Le Monde par le député J.C.Boulard et intitulé «réflexion faite, oui aux fonds de pension » a été fortement remarqué[13]. Cela démontre que le Parti socialiste n’a pas fait le deuil du congrès de Metz du 8-04-1979 qui a opposé les tenants du jacobinisme à ceux de la social-démocratie. Cette opposition explique les hésitations du gouvernement de L.Jospin en la matière. Ainsi, le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale du 19-06-1997 devant l’Assemblée nationale déclarait que «les dispositions récemment adoptées en faveur des fonds de pension qui peuvent porter atteinte aux régimes par répartition seront remises en cause ».  On remarque qu’il ne s’agissait pas nécessairement d’abroger l’ensemble de la loi du 25-03-1997, ici visée, mais seulement celles de ses dispositions jugées susceptibles de porter atteinte aux régimes par répartition. Il déclare même, dans un entretien accordé au journal Les Echos, que «personne ne conteste l’idée que les salariés du secteur privé puissent disposer de régimes de retraite surcomplémentaires, c’est à dire de fonds de pension »[14]. Pourtant, la création d’un fonds de réserves et d’un PEELT (Plan d’Epargne Entreprise à Long Terme) sonne le glas des fonds de pension, au moins à court terme. Néanmoins en raisons des évolutions précitées, on est finalement tenté de penser qu’il ne manque que quelques années pour qu’un débat serein s’instaure. Il faut néanmoins admettre qu’il n’est guère favorisé par les définitions souvent approximatives que l’on octroie aux fonds de pension.

 

N°4- La notion de fonds de pension.

 

Les débats relatifs aux fonds de pension sont d’autant plus complexes que cette notion épouse différentes définitions selon les observateurs.

 

N°4-1. Capitalisation et fonds de pension.

 

 On confond notamment cette notion avec celle de capitalisation qui est plus large. Dans le sens premier du terme, il s’agit de convertir des intérêts en capital. En ce sens, la capitalisation est une technique d’épargne qui consiste à immobiliser pendant un certain temps les gains réalisés sur le capital investi[15]. Elle n’a donc pas forcement pour finalité de préparer sa retraite.

 

N°4-2. Pension fund et fonds de pension.

 

En fait, l’expression fonds de pension trouve son origine dans la formule anglo-saxonne de pension fund. Pourtant, ces deux expressions ne sont pas synonymes puisque l’on a pu affirmer qu’ «en dépit de la similitude du vocabulaire Français et Anglais ne parlent pas de la même chose. Entre un fonds de pension  et un  pension fund, il y a toujours la largeur du Channel »[16]. La véritable traduction du pension fund est caisse de retraite. Cette notion implique l’existence d’une organisation autonome qui reçoit et verse des prestations. La technique de gestion de la caisse de retraite peut être la répartition ou la capitalisation. De ce point de vue, les régimes complémentaires français sont pour les Anglo-saxons des pension funds. D’ailleurs, les Britanniques ont souhaité en vain que le droit européen de la concurrence leur soit applicable. Par contre, les pensions civiles et militaires intégrées dans la dette publique ou encore les provisions au bilan des entreprises et enfin les contrats d’assurance ne constituent pas un pension fund [17]. En France, l’expression fonds de pension caractérise toujours un régime géré en capitalisation. Il semble que cette expression ait été privilégiée par les assureurs afin d’éviter le terme capitalisation qui a une connotation négative auprès du grand public pour des raisons historiques.

 

N°4-3. Tentative de définition.

 

 Généralement, on définit le fonds de pension comme «un fonds collectif d’épargne à caractère professionnel, alimenté par des contributions patronales et/ou individuelles, chargé de collecter, détenir et investir des actifs dans un cadre indépendant de l’entreprise, en vue d’assurer le paiement futur de prestations aux adhérents »[18]. Cette définition est très intéressante car elle distingue nettement l’épargne retraite individuelle des fonds de pension qui sont gérés dans un cadre professionnel. Ensuite, elle permet de comprendre pourquoi un régime comme la Préfon n’est pas un véritable fonds de pension puisque l’association du même nom n’assume que la gestion administrative mais ne peut assumer la gestion financière selon la convention passée le 1-06-1967  avec la CNP (Caisse Nationale de Prévoyance). L’indépendance de la structure est également un élément primordial, ce qui d’un point de vue juridique implique que le fonds soit doté de la personnalité morale. La définition précitée omet pourtant un élément essentiel qui nous semble caractériser les fonds de pension. Il s’agit du principe de spécialité légale auquel ils doivent être assujettis à l’instar de ce que prévoyait l’alinéa 1 de l’article 8 de la loi du 25-03-1997. Leur imposer de se spécialiser dans la gestion de l’épargne retraite réduit les risques de conflits d’intérêts et, accroît en principe leur compétence dans ce domaine. Cette exigence permet de comprendre pourquoi les contrats d’assurance de groupe gérés, par des assureurs aux activités multiples, ne sont pas de véritables fonds de pension contrairement à ce qu’indiquent certaines publicités commerciales. Egalement, le fonds de réserves, récemment créé en droit français, n’est pas un véritable fonds de pension puisqu’il est géré par le fonds de solidarité vieillesse, qui est certes un établissement public qui bénéficie par essence de la personnalité juridique mais n’est pas spécialisé dans la gestion de l’épargne retraite[19]. D’ailleurs, dans un souci d’indépendance à l’égard des pouvoirs publics, il semble souhaitable de considérer qu’un fonds de pension doit être une personne morale de droit privé.

 

N°4-4. Fonds de pension, fonds d’épargne retraite, fonds d’épargne salariale.

 

Il faut noter que l’expression fonds d’épargne retraite s’est substituée en France à celle de fonds de pension. La loi du 25-03-1997 utilisait d’ailleurs ce vocable. Les partisans de cette expression veulent ainsi démontrer qu’ils ne proposent pas d’importer purement et simplement un concept anglo-saxon. Cette terminologie a également l’avantage d’avoir une connotation plus sociale que financière, ce qui peut être un atout d’un point de vue politique. Cette thèse, dont le titre inclut l’expression fonds de pension dans un souci de réalisme, défend néanmoins l’idée de fonds participatifs[20]. Dans les développements qui suivent la formule fonds d’épargne retraite (FER) est considérée comme synonyme de celle de fonds de pension. Plus récemment, on a évoqué le concept de fonds d’épargne salariale afin d’identifier les PEE long terme (PEELT) proposés par le rapport Balligand Foucauld[21] et rebaptisés PPESV (Plan Partenarial d’Epargne Salariale Volontaire) par le projet de loi n°2560 du 1-08-2000 relatif à l’épargne salariale. On ne sait d’ailleurs plus vraiment quel est le sens du terme «fonds » dans ce cas. S’agit-il simplement d’une somme d’argent affectée à un PEELT ou d’une véritable organisation apte à gérer celle-ci ? Il est par contre certain que ces fonds d’épargne salariaux ne sont pas des fonds de pension puisqu’ils sont gérés par des FCP (fonds communs de placement) qui ne sont pas spécialisés dans la gestion de l’épargne retraite et surtout ne bénéficient pas de la personnalité morale. La COB a d’ailleurs entretenu cette confusion entre l’épargne salariale et l’épargne retraite en affirmant «qu’il suffirait au demeurant de peu de chose pour transformer un PEE en fonds de pension  : que l’échéance ne soit plus fixée en nombre d’années(cinq ou huit ans) mais à la date du départ à la retraite»[22]. Ce raisonnement est trop simple pour être exact car ce n’est pas le changement d’échéance qui octroie la personnalité morale à un FCP. Peut être que la COB, qui surveille la gestion de l’épargne salariale, a voulu évincer la commission de contrôle des assurances et celle des mutuelles et des institutions de prévoyance qui avaient le rôle principal dans la loi du 25-03-1997. Ces simples précisions terminologiques démontrent à la fois la complexité mais également l’intérêt du sujet et les enjeux de pouvoir qu’il implique.

 

N°5- Intérêt et objet de l’étude.

 

De prime abord, il paraît surprenant de disserter sur une réforme avortée. Pourtant, malgré l’ineffectivité de la loi du 25-03-1997, les fonds de pension suscitent un intérêt certain.

 

N°5-1. Un sujet incontournable.

 

De nombreux articles de presse ou universitaires lui sont consacrés. Il est vrai que l’importance de la présence des investisseurs institutionnels, particulièrement les fonds de pension anglo-saxons, dans le capital des entreprises françaises engendre des conséquences juridiques et économiques qui ne peuvent être ignorées notamment par les juristes d’affaires[23]. D’ailleurs, lorsque la doctrine trace les caractéristiques probables du droit des sociétés du XXIéme siècle, les fonds de pension sont considérés comme l’une des principales sources d’évolution[24]. Ainsi, le Président honoraire de la Chambre commerciale de la Cour de cassation admet qu’il convient d’être attentif au bouleversement susceptible de se produire à l’occasion des prises de participations massives des fonds de pension américains dans le capital des sociétés françaises et susceptible de s’accroître si des fonds français étaient finalement créés[25].

 

 

 Par ailleurs, le droit des affaires et les sciences économiques ont opéré un rapprochement ces dernières années au point que le nom de certains DEA inclut l’expression «droit économique». Une thèse en droit des affaires sur les fonds de pension permet de prolonger cette tendance, qui est une source d’enrichissement mutuel pour les deux matières. N’a-t-on pas affirmé «qu’une collaboration très fructueuse pourrait s’ouvrir entre juristes et économistes, qui offrirait au législateur les moyens d’une meilleure réflexion»[26]. Déjà le doyen Ripert affirmait «les juristes ne sauraient appliquer, ni interpréter les règles de droit s’ils ne connaissent pas l’économie et la sociologie»[27]. Par ailleurs, il est intéressant d’analyser les expériences étrangères en matière de fonds de pension. Cela permet d’appréhender la spécificité du modèle français et la richesse de la notion. Ainsi, il existe peu de points communs entre le fonctionnement d’un fonds néerlandais qui implique la participation des partenaires sociaux et celui d’un fonds britannique souvent dominé par le seul employeur. Ces exemples offrent un nouvel éclairage sur les projets français. Ensuite, il existe en France une épargne retraite, certes embryonnaire, mais trop souvent méconnue dont il convient pourtant de tracer les grands traits. Ses carences juridiques justifient une réforme. Par ailleurs, le fonds de réserves récemment introduit en droit positif français sans être un véritable fonds de pension s’en rapproche, ce qui justifie son étude.

 

 

N°5-2. Un sujet parlementaire.

 

De plus, un sujet qui  a occasionné autant de propositions parlementaires ne peut susciter l’indifférence du juriste. On rappelle en effet que depuis 1992,  pas moins de sept propositions  parlementaires ont été déposées sur le bureau de l’Assemblée nationale ou du Sénat.

 

 Il s’agit de :

 

-La Proposition de loi du sénateur P.Marini tendant à permettre la création de fonds de pension n°222 en 1992.

 

-La proposition de loi des députés MM.Charles Million et J.P.Thomas n°741 en 1993.

 

-La proposition de loi du député J.Barrot n°1039 en 1994.

 

La synthèse des deux propositions précédentes est à l’origine de la loi du 25-03-1997. L’ineffectivité de cette loi a incité les parlementaires à reprendre l’initiative. On citera :

 

-La proposition de loi du député P.Douste-Blazy n°1301 en 1998.

 

-La proposition de loi des députés B.Accoyer et J.L.Debré n°1231 en 1999.

 

-La proposition de loi du sénateur C.Descours n°187 en 1999.

 

-La proposition de loi du sénateur J.Arthuis n°218 en 1999.

 

La synthèse des deux propositions précédentes est à l’origine de la proposition de loi n°9, votée le 14-10-1999, par le Sénat.

 

 

N°5-3. Distinguer l’épargne salariale et l’épargne retraite.

 

Enfin, il est difficile de comprendre la quintessence du PEELT proposé par le rapport Balligand-Foucauld sans connaître les débats relatifs aux fonds de pension[28]. Ainsi, lorsque ce rapport propose de ne pas accorder d’exonération de charges sociales concernant les abondements de l’employeur, il s’agit clairement de se démarquer de la loi du 25-03-1997. D’une manière paradoxale, l’article 8 du projet de loi du 1-08-2000, relatif à l’épargne salariale, propose pourtant une exonération substantielle de charges sociales concernant les abondements versés dans le cadre d’un PPESV. Cette disposition devrait engendrer des escarmouches parlementaires au sein de la majorité plurielle. Pour autant, l’épargne salariale, même à long terme, doit être soigneusement distinguée de l’épargne retraite. Cette dernière implique notamment une sortie principalement en rente viagère, ce qui n’est pas le choix du rapport Balligand-Foucauld qui prévoit une sortie en capital et admet d’ailleurs que le PEELT n’a pas pour objectif «seulement d’aider à la préparation de la retraite »[29]. Cette remarque est également valable concernant le PPESV[30]. Cette thèse, sans négliger les comparaisons entre les fonds de pension et les PEELT ou PPESV, ne concerne donc pas l’épargne salariale.

 

N°5-4. Du droit positif au droit prospectif.

 

 Son objet est d’envisager les caractéristiques principales des futurs fonds de pension, que le législateur pourrait finalement intégrer dans le droit positif français, à l’aide des mécanismes d’épargne retraite existant en France, des expériences étrangères, et surtout des différentes propositions de loi relatives aux fonds d’épargne retraite. Il s’agit donc d’analyser non seulement le droit positif mais également le droit prospectif en la matière. A ce titre, l’embryon d’épargne retraite qui existe en France constitue une base de travail intéressante «puisqu’il est utile de conserver tout ce qu’il n’est pas nécessaire de détruire » comme l’affirmait Portalis dans son discours préliminaire du code civil. Par ailleurs, il serait dommage de laisser en friche le remarquable travail parlementaire relatif aux fonds de pension. Ces précisions permettent de comprendre le titre de cette thèse qui de prime abord peut paraître curieux. Dans ce titre, l’expression fonds de pension caractérise des personnes morales dont l’unique activité est la gestion administrative et financière en capitalisation d’une épargne collective issue des contributions patronales et salariales. En ce sens, il n’existe quasiment pas de fonds de pension en droit positif français suite à l’avortement de la loi du 25-03-1997. Si certaines critiques seront parfois émises à l’égard de cette dernière, il ne faut jamais oublier qu’elle constitue une remarquable synthèse des travaux antérieurs. D’ailleurs, les lois parfaites n’existent pas et le sujet est d’une telle complexité qu’il enseigne l’humilité. De plus, il faut reconnaître que durant les travaux parlementaires le député Thomas et le sénateur Marini ont été contraints de déployer beaucoup d’énergie pour justifier l’existence même des fonds de pension alors que le débat aurait dû concerner essentiellement les modalités de leur création. Avec du recul, on ne peut d’ailleurs s’empêcher de penser qu’une abrogation partielle aurait pu satisfaire une majorité de la représentation nationale. Il est d’ailleurs paradoxal de constater que les escarmouches parlementaires trouvent leur source dans une opposition surannée entre la capitalisation et la répartition.

 

 

N°6. Capitalisation et répartition : une opposition surannée.

 

Dès 1986, un observateur plaidait en faveur de la fin de «la guerre de religion » entre les partisans de la répartition et ceux de la capitalisation.[31] Les débats parlementaires, relatifs à la loi du 25-03-1997, ont démontré qu’il s’agit encore d’un vœu pieux puisque le grand schisme perdure.

 

N°6-1. Rappel historique.

 

D’un point de vue historique, il faut rappeler que la répartition reste l’exception et la capitalisation le principe[32].

 

 

La naissance sociale de la vieillesse s’opère au XVIIIème siècle, avec la croissance démographique, le progrès scientifique et l’essor de la production artisanale puis industrielle. Durant les quelques cent-cinquante ans qui précèdent l’installation du régime général de la Sécurité sociale, et en exceptant le cas particulier des fonctionnaires, les systèmes de retraites en France ont fonctionné avec plus ou moins d’efficacité selon les secteurs mais sont restés dominés essentiellement par la logique de la capitalisation. Par exemple, la loi du 5 avril 1910 relative aux retraites ouvrières et paysannes organise un système obligatoire géré en capitalisation. La dénomination de cette loi était d’ailleurs mal choisie puisqu’elle concernait les salariés  de l’industrie, du commerce, les professions libérales et évidemment de l’agriculture[33]. Ce dispositif n’a pas rempli les espoirs qu’il avait suscités puisque son caractère obligatoire a été atténué par la jurisprudence qui ne sanctionnait pas, nonobstant des dispositions pénales spécifiques, les employeurs qui refusaient de prélever les cotisations ouvrières afin de se soustraire eux-mêmes à leurs obligations contributives[34].  Surtout, l’érosion monétaire, durant l’entre deux guerres,  a laminé le pouvoir d’achat des rentes. Cette observation ne constitue pas un obstacle dirimant puisque certains mécanismes peuvent remédier à un tel risque[35]. Les assurances sociales créées en 1930, pour le risque vieillesse, fonctionnaient également en capitalisation. Il faut attendre la loi du 14-03-1941 pour que la répartition se substitue à la capitalisation.[36] L’ordonnance du 4 octobre 1945 a confirmé ce choix.

 

N°6-2. Des atouts complémentaires.

 

En réalité, la répartition et la capitalisation sont deux techniques de gestion qui ont chacune leurs avantages et leurs inconvénients. En simplifiant, le talon d’achille de la capitalisation c’est l’inflation alors que la répartition subit les aléas de la démographie. Le panachage des deux systèmes permet de diversifier les risques. Si l’on accepte cette idée, il convient de déterminer le domaine respectif des deux techniques ce qui n’est pas chose aisée. Comment ne pas comprendre que cette complémentarité s’explique par les spécificités de chacune de ces deux techniques ? On peut en effet imaginer qu’un système de retraite par capitalisation soit obligatoire mais on remarque que ce n’est pas techniquement indispensable à son fonctionnement. Pour la répartition, l’obligation est une nécessité. Effectivement, si un tel régime n’est plus alimenté par les cotisations des actifs, il n’a plus de ressources pour payer les pensions des retraités. Les pourfendeurs des fonds de pension ont parfois une vision idyllique du mécanisme de la répartition alors que ce système opère parfois une redistribution au profit des classes les plus favorisées, ce qui constitue une curieuse conception de la solidarité nationale. Le Professeur Dupeyroux a ainsi affirmé «l’assurance vieillesse ? Elle fut aménagée sur la base d’un âge normal de départ à 65 ans. Sans attendre le verdict accablant du fameux modèle BABAR, un enfant de dix ans aurait compris qu’en raison de leur faible longévité, les O.S. et autres catégories déshéritées seraient volées comme dans un bois»[37]. Cette remarque ne doit néanmoins pas faire oublier les avantages du système par répartition français qui a l’immense mérite d’avoir assuré depuis 1945 un niveau de vie décent aux retraités.

 

N°6-3. Des rendements différents.

 

 La science économique enseigne qu’en régime permanent, la capitalisation a un rendement identique à la répartition à la condition que la fameuse règle d’or soit respectée[38]. Cela implique que le taux de croissance de l’économie, égal au taux de croissance de la productivité plus le taux de croissance de la population, soit égal au taux d’intérêt. En effet, le rendement de la répartition est égal au taux de croissance de l’économie alors que celui de la capitalisation se rapproche du taux d’intérêt. L’hypothèse d’école de la règle d’or ne se réalise jamais hors des manuels de sciences économiques, ce qui explique que dans la réalité leur rendement ne soit pas équivalent. Une nouvelle fois, la combinaison des deux techniques permet une répartition des risques. Les détracteurs des fonds de pension considèrent également que ces derniers n’offrent pas d’avantages sur la répartition puisque dans les deux hypothèses, il s’agit de prélever à un moment donné des ressources sur les actifs. Que ce prélèvement prenne la forme d’une cotisation ou d’un impôt dans le cas de la répartition, ou de dividendes, intérêts comme dans le cas de la capitalisation peu importerait. Un tel raisonnement n’est exact qu’en économie fermée et dans l’hypothèse d’une économie statique. En effet, une meilleure canalisation de l’épargne nationale vers l’investissement peut permettre d’augmenter la croissance économique[39]. De plus la capitalisation permet de bénéficier de la croissance des pays étrangers alors que la répartition opère un prélèvement uniquement sur la richesse nationale. Ainsi, actuellement les entreprises françaises financent les retraites de citoyens étrangers dont les fonds de pension détiennent des actions d’entreprises françaises. En l’absence de fonds de pension hexagonaux, la réciproque n’est pas vraie au détriment des retraités français. Par ailleurs, les régimes par répartition seront confrontés à partir de 2006 à des difficultés financières liées au vieillissement de la population. Le rapport Charpin rappelle sans ambages que l’indicateur de dépendance, qui rapporte l’effectif des plus de 60 ans à l’effectif des 20-59, double quasiment entre 1995 et 2040 en passant de 4 à 7 retraités pour 10 personnes d’âge actif [40]. Les spécialistes admettent qu’une épargne retraite doit être immobilisée au moins une quinzaine d’années pour être rentable, la loi du 25-03-1997 avait donc déjà été votée trop tardivement pour résoudre les difficultés qui apparaîtront en 2006. Dans cette optique, elle aurait dû être adoptée en 1991. Si une nouvelle loi instaurant des fonds de pension était votée en 2002, ses effets économiques seraient patents à l’horizon de 2017. Même crées tardivement les fonds de pension gardent donc un intérêt pour limiter les difficultés liées au vieillissement de la population. Surtout, ils peuvent permettrent l’avènement d’un capitalisme fondé sur la responsabilisation et la citoyenneté.

 

N°7-Présentation de la problématique.

 

Liberté, égalité et sécurité sont trois notions qui permettent de fédérer l’ensemble des questions relatives aux fonds de pension[41].

 

N°7-1. Une loi sacrifiée sur l’autel du principe d’égalité.

 

Selon Alexis de Tocqueville : «les peuples démocratiques ont un goût naturel pour la liberté. Livrés à eux-mêmes ils la cherchent, ils l’aiment, et ils ne voient qu’avec douleur qu’on les en écarte. Mais ils ont pour l’égalité une passion ardente, insatiable, éternelle, invincible. Ils veulent l’égalité dans la liberté, et s’ils ne peuvent l’obtenir, ils la veulent encore dans l’esclavage»[IdC1] [42].

Quel rapport peut-on établir entre cette citation de Tocqueville et la difficile introduction des fonds de pension dans le droit positif Français ? A priori aucun. Pourtant, une réflexion plus approfondie permet d’établir une corrélation. En effet, la loi du 25-03-97 a été vouée aux gémonies par l’actuelle majorité notamment en raison de son aspect supposé inégalitaire. Madame la Ministre de l’emploi et de la solidarité ne déclarait-elle pas récemment  qu’elle «est injuste car elle ne donne des avantages qu’à certains». Elle ajoutait «cette loi privilégie  une approche individuelle, avec le danger que cela fait courir à la Sécurité Sociale. En effet, rien n’empêcherait une entreprise de créer une épargne pour ses seuls cadres».[43] Certains assignent donc une nouvelle contrainte aux fonds de pension, celle de ne pas générer des inégalités. La loi de financement de la Sécurité Sociale pour 1999, dans son annexe, martèle de nouveau que «la loi du 25-03-1997 créant les plans d’épargne retraite ne constitue pas une bonne solution pour l’avenir de notre système de retraite ; elle favorise clairement les salariés aux revenus les plus élevés, privilégie une approche individuelle et fragilise les comptes de la Sécurité Sociale. Elle va à l’encontre de la politique qu’entend mener le gouvernement dans le domaine des retraites. En conséquence, le gouvernement proposera au parlement en 1999, dès qu’un support législatif le permettra, l’abrogation de cette loi ».[44] La prophétie de Tocqueville semble de nouveau se réaliser. Rappelons qu’une loi sur les fonds de pension implique déjà un recul de la liberté des sujets de droit afin de garantir la sécurité du dispositif.

 

N°7-2.-Des arbitrages complexes.

 

En matière d’épargne retraite, du diptyque liberté/égalité, l’on passerait au triptyque liberté/sécurité/égalité. Ces trois principes sont rarement univoques et dans les binômes contradictoires (liberté/sécurité et liberté/égalité) qu’ils forment, l’un des deux termes ne peut jamais être complètement sacrifié à l’autre. C’est ce qui fait à la fois l’importance et la difficulté du rôle du législateur qui a bien du mal à déterminer le point d’équilibre. L’étude de la difficile coexistence entre liberté et égalité sera le fil directeur de la première partie. La souscription de l’adhérent doit-elle être obligatoire ? Quels seront les citoyens concernés ? Le montant de l’abondement pourra-t-il varier selon les salariés ? Quelles seront les personnes morales habilitées à gérer l’épargne retraite ? Ces questions sont fondamentales dans la perspective d’un futur texte relatif à l’épargne retraite. Elles sont fédérées par la confrontation de deux principes juridiques opposés sinon contradictoires : la liberté et l’égalité. Au nom de ce dernier principe le législateur pourrait créer des fonds à adhésion obligatoire faisant fi de la liberté des citoyens. A.Recours, député du groupe socialiste, n’affirme-t-il pas : « les fonds de pension facultatifs seront peut-être de nouveaux produits, mais ils ne créeront pas de nouvelles perspectives en matière de retraite par capitalisation s’ils ne sont pas obligatoires à un moment ou à un autre»[45]. Le respect de la liberté individuelle implique au contraire que l’on respecte la liberté d’adhésion de l’adhérent. Certes, d’une manière générale cette liberté ne peut être absolue et par exemple ne doit pas heurter l’objectif principal de la retraite par capitalisation à savoir le financement d’une retraite surcomplémentaire. Ainsi, permettre à l’adhérent de choisir entre une sortie en rente ou en capital, c’est confondre l’épargne traditionnelle avec l’épargne retraite.

 

N°7-3.-Favoriser la responsabilisation du citoyen.

 

De plus, la liberté n’implique pas seulement le droit de choisir, mais également l’obligation d’assumer les conséquences de ses actes. En clair, l’autre face de la liberté c’est la responsabilité. Cette valeur s’est malheureusement diluée dans notre société qui incite parfois le citoyen à systématiquement externaliser ses difficultés. On peut d’ailleurs finalement penser que c’est la perspective d’être responsable que les pourfendeurs des fonds de pension abhorrent car «la raison et la liberté sont incompatibles avec la faiblesse»[46]. Ces derniers considèrent que seules des circonstances indépendantes de la volonté des citoyens ont déterminé leur position sociale, et même leurs propres agissements, ce qui est simplificateur. La liberté est effectivement source d’inégalité, mais c’est justement ce qui légitime son existence. En effet, si l’exercice de la liberté individuelle n’avait pour conséquence de démontrer la supériorité de certains choix sur d’autres, le plaidoyer en sa faveur serait bien moins pertinent. Néanmoins, si l’égalité économique est une chimère, la discrimination positive, peut permettre de réduire des inégalités trop importantes ou injustifiées. L’article 1 de la loi Thomas disposait «tout salarié[...]peut adhérer à un plan d’épargne retraite», de même l’article 4 disposait que «les plans d’épargne retraite peuvent être souscrits par un ou plusieurs employeurs, ou un groupement d’employeurs, au profit de leurs salariés». L’utilisation du verbe pouvoir ne laissait aucun doute concernant l’aspect facultatif du mécanisme. Les travaux parlementaires ont précisé que ces dispositions étaient d’ordre public, ce qui est original car dans ce cas la norme impérative a pour fonction de protéger la liberté contractuelle à l’instar de ce qu’elle faisait au 19ème siècle. En 1997, le Conseil constitutionnel a été saisi, notamment en raison de l’aspect facultatif du dispositif, considéré comme une source d’inégalité. Il n’a pas manqué de rappeler sa jurisprudence traditionnelle : «considérant que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente  des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit »[47]. Le pragmatisme du Conseil doit être approuvé, et sa formule consacre la constitutionnalité d’un système facultatif. Instaurer une adhésion et une souscription obligatoires revient à créer un nouveau contrat imposé, qui comme le dit très justement le Professeur Aubert est «l’une des manifestations du dirigisme étatique qui constitue l’un des traits marquants de l’évolution contemporaine du droit »[48]. N’est-il pas temps de contrecarrer cette tendance et de réhabiliter l’autonomie des citoyens ? La démocratie a-t-elle un sens si elle asphyxie en permanence les initiatives individuelles ? L’Etat ne doit pas infantiliser le citoyen[49]. Le modèle américain ne peut pas être notre figure de proue, car il fait rimer responsabilisation et «victimisation». Dans ce pays «la victimologie est en passe de devenir un fléau national»[50]. La France, l’Europe auront donc à construire leur propre modèle, qui devra trouver un juste équilibre entre un individualisme forcené et un interventionnisme étatique parfois infantilisant. Certes, on admettra sans peine qu’une telle responsabilisation implique une liberté de choix réelle, et non pas seulement formelle, ce qui nécessite notamment la confirmation de la réduction du chômage. Selon A.Sen, prix Nobel d’économie 1998, «l’Europe est sollicitée pour faire une place plus large à la responsabilité individuelle[…] encore faut-il que la société permette aux gens de s’assumer. Et cela impose des conditions politiques et économiques qu’on a du mal à mesurer. La possibilité d’occuper un emploi en est une, capitale »[51]. Certains pays comme le Danemark, l’Australie et la Suisse ont déjà opté pour des fonds de pension obligatoires, mais ils constituent une minorité. De plus, ces pays n’ont pas un système de base et complémentaire aussi développé que le nôtre. Il est exact que les fonds de pension dans le monde couvrent moins de la moitié des salariés. Mais l’égalité juridique, au sens strict, signifie qu’il n’y a pas de différence héréditaire de conditions, et que toutes les occupations, toutes les professions sont accessibles à tous. L’article 1 de la déclaration du 26-08-1789 ne déclare-t-il pas que «les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune» ? Mais cette égalité juridique n’implique pas que nous soyons économiquement égaux, ce qui est impossible voire contre-productif car démotivant. Défendre l’égalité juridique et admettre des inégalités économiques légitimes et limitées, c’est finalement défendre la méritocratie. De plus, infantiliser le citoyen équivaut à douter de sa capacité à préparer son avenir, et donc finalement à le sous estimer. Le niveau d’éducation de notre population a considérablement augmenté, en étant informé et guidé, le citoyen est capable de comprendre l’impérieuse nécessité d’épargner pour sa retraite. Informé sur l’évolution de son taux de remplacement, il déciderait de capitaliser une partie de son épargne. Le cas échéant, des mesures fiscales attrayantes pourraient l’inciter à prendre cette décision. Les partisans des fonds de pension obligatoires légitiment leur choix en invoquant un strict respect du principe d’égalité. Paradoxalement ce sont les plus sceptiques sur l’épargne retraite qui prônent un mécanisme obligatoire[52]. N’est-il pas contradictoire d’imposer un mécanisme que l’on redoute ? Un système de retraite combinant avec harmonie, répartition et capitalisation peut être la pierre angulaire d’un nouvel édifice.

 

N°7-4. Préserver la solidarité publique et encourager la solidarité privée.

 

Il faudra donc étudier les conditions juridiques de cet équilibre. En aucun cas, il ne s’agit de vilipender la solidarité nationale contrairement à l’économiste Von Hayek qui déclare : « le plus grand service dont je sois capable vis à vis de mes contemporains serait de faire que ceux d’entre eux qui parlent ou écrivent éprouvent une honte insurmontable à se servir encore des termes de justice sociale »[53].

Au contraire, il s’agit de faire comprendre que la capitalisation peut être un vecteur au service de la solidarité via les investissements socialement responsables par exemple. Il ne faut donc pas opposer les exclus sans épargne et les nantis qui en sont pourvus. Des placements éthiques, éventuellement encouragés fiscalement, peuvent rétablir un lien entre ces deux catégories de citoyens. Aussi, la solidarité étatique se combinerait avec une solidarité citoyenne. L’inégalité compensatrice ou la discrimination positive peuvent être les vecteurs d’une telle solidarité.  Pourquoi ne pas acquiescer les propositions qui vont dans ce sens ? Ainsi, P.Douste-Blazy propose que l’apport de l’employeur, pour un franc versé par le salarié, soit de 3F pour les salaires ne dépassant pas 9000F et seulement de 2F en cas contraire[54]. Cela compense partiellement le fait que les versements personnels soient croissants avec le revenu. P.Douste-Blazy est d’ailleurs à l’origine d’une proposition de loi créant des plans de prévoyance retraite[55]. De plus, cet aspect facultatif distinguerait clairement les fonds de pension des régimes de base et complémentaires qui existent déjà. Il faut également admettre que les fonds de pension ne constituent pas une solution aux difficultés de la répartition. Il s’agit de deux systèmes différents et complémentaires. Certes, on peut admettre qu’une meilleure canalisation de l’épargne des ménages, opérée par les FER, vers l’investissement pourrait relancer la croissance économique donc l’emploi et par voie de conséquence les recettes de la répartition. Mais ce cercle vertueux ne pourra se réaliser que si la répartition se réforme. Néanmoins, nous admettons que des fonds de pension facultatifs ne sont légitimes que si la répartition, qui incarne la solidarité entre générations, reste le pilier de notre système de retraite en offrant un taux de remplacement en baisse mais correct. Ainsi, les inégalités ne se manifesteraient éventuellement qu’au-delà de cette dernière, et seraient limitées grâce à une discrimination positive, notamment via des incitations fiscales, au profit des salariés à faible revenu. A contrario on comprend pourquoi les partisans d’une substitution de la capitalisation à la répartition prônent des fonds de pension obligatoires[56]. Pour surmonter les chocs démographiques de 2005 et 2015 et limiter la baisse du taux de remplacement offert par la répartition, des mesures idoines doivent être prises notamment le recul de l’âge de départ à la retraite et l’élargissement de l’assiette des cotisations. En effet, la création d’emplois ne découle pas automatiquement et proportionnellement de la croissance économique en raison de la substitution du capital au travail.  C’est d’ailleurs la principale critique que l’on peut adresser à la loi Thomas qui créait un système facultatif susceptible d’éroder la retraite par répartition. Les abondements de l’employeur étaient en effet exonérés de cotisations patronales. Ce vice de conception a été fatal à ce texte devenu inacceptable pour une majorité plurielle de gauche.

 

N°7-5. Un statu quo générateur d’inégalités.

 

D’ailleurs, c’est une hausse substantielle des cotisations sociales qui risqueraient, en alourdissant le coût du travail avec les risques que cela implique en terme de création d’emplois, de rompre l’égalité entre générations avec la possibilité de fissurer la solidarité qui les unit. A l’aube du XXIème siècle, la France est une économie ouverte, ce qui lui procure des avantages mais engendre également des contraintes.  En aucun cas cette remarque ne révèle un quelconque fatalisme face à la mondialisation. Il s’agit au contraire de la réguler avec des mesures idoines et réalistes. Le réalisme implique de ne pas se voiler la face, si l’on veut maintenir les taux de remplacement actuels, ce n’est plus 12,5% du PIB qu’il faudra consacrer aux retraites comme aujourd’hui mais 20% d’ici 20 ans[57]. En effet, il paraît difficile d’envisager une baisse substantielle du niveau de vie des retraités à la fois pour des raisons éthiques et politiques. Ethiques car pourquoi accepteraient-ils de se paupériser dans un pays qui globalement s’enrichit ? Politiques puisque les retraités représentent déjà  aujourd’hui 25% du corps électoral et 30% des votants grâce à un abstentionnisme faible. La véritable question est donc de se demander comment l’on peut passer de 12,5% à 20%. Les tenants du tout répartition acceptent l’idée d’élever les prélèvements obligatoires destinés à la retraite à 20%. Le taux global de prélèvement obligatoire qui gravite aujourd’hui autour de 45% passerait donc à 52,5%. L’ampleur de ce chiffre se passe de commentaires. Un tel taux risquerait d’engendrer un conflit entre générations et d’obérer la compétitivité de notre économie. L’idée serait donc d’admettre qu’une grande partie de ce supplément résulte d’un prélèvement volontaire. Ce dernier sera plus facilement accepté si son bénéfice est réservé à l’adhérent ou à la personne de son choix. Cette acceptation sera également facilitée par le fait que la capitalisation permet à l’adhérent de surveiller la gestion de son épargne. Le législateur doit prendre en compte l’évolution des besoins des consommateurs mise en exergue par la mercatique. Le consommateur des années 90 souhaite une personnalisation des produits et contrôler sa consommation. Cela légitime un plaidoyer en faveur de fonds de pension participatifs. Plus généralement, il est clair qu’en l’état actuel de notre droit positif, seule la partie de notre population la plus riche dispose d’une protection pour faire face à la diminution programmée des régimes par répartition. Ensuite, l’absence de fonds de pension accentue l’inégalité d’accès à l’épargne publique entre les grandes entreprises et les PME.

 

N°7-6. Des inégalités parfois inévitables.

 

Pourtant, l’attrait du dispositif implique une certaine souplesse que le législateur devra concéder. D’ailleurs le Conseil constitutionnel, lors de l’étude de la loi sur les 35 heures, ne vient-il pas, de rehausser le principe de la liberté contractuelle ? Ainsi il déclare sans ambages que le législateur «ne saurait porter à l’économie des conventions et contrats légalement conclus une atteinte d’une gravité telle qu’elle méconnaisse manifestement la liberté découlant de l’article 4 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789»[58]. Un rapport du CNPF exacerbe cette flexibilité du dispositif. Cette souplesse conditionne le succès commercial de l’épargne retraite, notamment celle de changer de FER, en cas d’insatisfaction ou de mobilité professionnelle, même si cette possibilité doit être encadrée. La France doit proposer un modèle équilibré, à l’image de ses choix historiques, qui évite l’écueil du système américain où seule la liberté individuelle a droit de cité, mais également celui de l’ancien système soviétique qui sous couvert d’égalité a finalement engendré autoritarisme et inégalités. L’économie française est souvent qualifiée d’économie mixte, sorte d’équilibre entre un libéralisme forcené et le tout étatique. Or, une retraite par répartition obligatoire conciliée avec une capitalisation facultative confirmerait cet équilibre et, le respect concomitant de la liberté individuelle et de l’intérêt collectif. Un système attentatoire aux libertés n’est pas viable à long terme car il démotive les acteurs économiques sans lesquels la création de richesse est impossible. Donc certaines libertés doivent forcement être accordées, ce qui légitime le titre de la première partie de la thèse car si le législateur impose finalement une adhésion et souscription obligatoires, il lui sera difficile d’imposer un taux unique d’abondement, ce dernier risquant d’être fatal pour certaines entreprises notamment les plus petites. Ainsi O.Davanne, dans le rapport dans le rapport du Conseil d’analyse économique, propose un dispositif obligatoire avec pourtant «plusieurs classes de cotisations[…]dont une très basse de façon à garder certains avantages d’un système facultatif »[59]. Comment mieux démontrer que l’inégalité est inéluctable, et qu’un système obligatoire ne résout rien ? Cela démontre l’hypocrisie d’une souscription et adhésion obligatoires, car dans ce cas l’inégalité entre salariés selon la taille de leur entreprise perdure et finalement dans cet exemple l’atteinte à la liberté ne permet même pas d’obtenir l’égalité. Il faut au contraire admettre que «la diversité c’est la vie et l’uniformité la mort» pour reprendre une formule célèbre. L’égalité de traitement n’a de sens que pour des entreprises dans une situation similaire, c’est d’ailleurs ce qu’a reconnu le législateur en matière fiscale, en créant un taux d’impôt sur les sociétés réduit pour les petites entreprises[60]. Une stricte égalité entre citoyens est également difficilement envisageable, car ayons l’honnêteté d’admettre que les chômeurs et les inactifs seront forcément défavorisés, quel que soit le système, d’où la nécessité notamment de lutter contre le chômage. La possibilité d’une adhésion individuelle au FER peut partiellement résoudre ces difficultés. Dans ce dernier cas, l’adhérent ne bénéficiera pas, par définition, d’un abondement de l’employeur. L’inégalité serait donc seulement réduite mais pas supprimée. D’ailleurs, la loi de 97 prévoyait une adhésion individuelle mais limitée aux salariés, ce qui est trop restrictif. Les solutions proposées par le gouvernement de L.Jospin s’inspirent, même si elles n’induisent pas la création de fonds de pension, de cette conciliation entre la liberté et l’égalité. Les PEELT incarne la première alors que le fonds de réserves consacre la seconde.

 

N°7-7. L’opposition entre la liberté et la sécurité.

 

L’opposition entre liberté et égalité n’est pourtant pas l’unique essence de cette problématique. La liberté se heurte également au principe de sécurité. Cette dernière est en effet indispensable si l’on veut assurer la réussite commerciale des produits d’épargne. Le gouvernement en a conscience comme l’atteste la loi n°99-532 du 25-06-1999 relative à l’épargne et à la sécurité financière. L’affaire Maxwell a inspiré, en Grande Bretagne, une réforme législative en 1995, qui a renié la liberté au profit de la pérennité des FER. Le législateur britannique a prévu notamment l’obligation de provisionner les engagements, la création d’un fonds de compensation et d’un organe de régulation des fonds de pension. Les pourfendeurs de la capitalisation qui ressassent l’affaire Maxwell pour mieux discréditer les fonds de pension oublient pourtant de préciser que les victimes des détournements de leur employeur ont pu finalement être indemnisées grâce aux mécanismes du trust[61]. Autant l’opposition liberté/égalité a donné lieu à des escarmouches parlementaires, autant les contraintes prudentielles sont unanimement admises. Elles impliquent également un recul de la liberté des contractants. Si l’objectif sécurité fait l’unanimité, ses modalités concrètes d’application suscitent certaines divergences. Tout comme Tocqueville reprochait aux gouvernants de sacrifier la liberté des citoyens sur l’autel de l’égalité, on peut reprocher au législateur d’éroder, parfois excessivement, la liberté des acteurs[62], au nom de la sécurité. Cela se traduit en droit des affaires par l’hypertrophie de l’ordre public qui asphyxie les initiatives, au point que les sujets de droit les plus actifs contournent partiellement cet écueil en utilisant certaines techniques contractuelles, afin de recouvrer un espace de liberté[63]. Placer l’objectif de sécurité, comme le faisait la loi du 25-03-1997, au cœur du dispositif est indispensable pour crédibiliser les FER et éviter les scandales financiers. Pourtant, à chaque fois que cela ne remettait pas en cause la sécurité du dispositif, la loi essayait de préserver l’autonomie des acteurs. Cette volonté de liberté doit être soulignée et approuvée car elle est source de responsabilisation. Elle s’inscrit dans une évolution déjà marquée par la loi n°94-1 du 3-01-94 instituant la société par actions simplifiée, même si dans ce cas la liberté est beaucoup plus importante. Elle s’est d’ailleurs accrue récemment[64]. La liberté octroyée par la loi de 1997 n’était jamais absolue, mais toujours limitée puisque le législateur avait circonscrit les possibilités offertes aux acteurs des FER. Ainsi, s’il offrait la liberté aux créateurs d’un FER de choisir entre quatre structures juridiques[65], il interdisait le choix d’une autre structure. Cette liberté était donc réelle mais encadrée et ne pouvait faire oublier les mesures visant à assurer la sécurité du dispositif. Les acteurs des FER étaient donc face à un espace de liberté encadrée, mais également face à un espace de sécurité impliquant une hétéronomie. Notons que ces deux notions ne sont pas  toujours antinomiques, la sécurité étant parfois une source de liberté réelle. Aussi, la liberté de changer de FER serait théorique sans protection de l’épargne de l’adhérent. Les mêmes causes ayant les mêmes effets, l’arbitrage liberté/sécurité devrait rester le centre névralgique d’une nouvelle loi relative à de véritables fonds de pension. Peut être néanmoins, que l’on assistera à un recul de la souplesse du dispositif au profit  d’une sécurité renforcée. Les moyens d’assurer celle-ci seront étudiés dans la deuxième partie.

 

N°7-8. L’égalité et la sécurité : les deux sources de l’ordre public en matière d’épargne retraite.

 

Finalement, l’ordre public dans le domaine de l’épargne retraite, négation de la liberté contractuelle et plus généralement de l’autonomie de la volonté, a essentiellement deux fondements : l’égalité et la sécurité. Mais quelle est la nature de cet ordre public ? La doctrine distingue l’ordre public de protection de celui de direction. Le premier, que le Professeur Aubert appelle ordre public social, vise à remédier à une égalité de puissance économique entre les parties alors que le second «tend à réaliser une organisation et un équilibre économique, que la liberté n’assure pas, les dispositions sont édictées dans l’intérêt général, au besoin contre les intérêts particuliers même concordants des parties»[66]. Cette question est importante car elle permet de déterminer la nature de la nullité du contrat. Il semble qu’un texte relatif aux fonds de pension contienne des dispositions relevant des deux ordres. Aussi, lorsque la loi de 97 veille au respect de l’information de l’adhérent[67] ou à sa liberté de choix[68], il s’agit sans aucun doute d’une illustration de l’ordre public de protection. Ces exemples ne sont pas exhaustifs mais traduisent les intentions bienveillantes du législateur à l’égard de l’adhérent consommateur. Pourtant à vouloir trop bien faire, on contrecarre des principes juridiques qui ont démontré leur pertinence. Ainsi, comme on a pu le remarquer, l’article 13 L97 qui prévoyait que les FER sont tenus d’exercer effectivement, dans le seul intérêt des adhérents, les droits de vote attachés aux actions qu’ils détiennent, était hétérodoxe au regard des principes du droit des sociétés français[69]. Cet ordre public de protection est effectivement incontournable, pourtant une telle affirmation laisse subsister deux interrogations. Comment ne pas confondre protection et infantilisation ? Il s’agit dans cette hypothèse de s’interroger sur l’étendue de cet ordre public (aspect quantitatif) et sur la manière d’assurer son respect (aspect qualitatif). Ces deux questions suscitent des divergences entre juristes qu’il conviendra d’étudier. Ensuite, une loi relative à l’épargne retraite relève également partiellement de l’ordre public de direction. Ainsi, l’article 5 L97 interdisait les plans à prestations définies. On rappelle que dans ce cas, le fonds de pension s’engage à verser une prestation dont le montant est défini à l’avance. Le rapport du député Cahuzac opte également pour les plans à cotisations définies, dans lequel aucun engagement n’est pris sur les prestations[70]. Seul le niveau des cotisations est fixé à l’avance. En privilégiant ces plans, le législateur favorise les entreprises au détriment des salariés au nom de la compétitivité économique[71]. Il devrait au contraire proposer l’alternative aux différents intéressés : entreprises, salariés, syndicats. Ce choix démontre l’incapacité du législateur, quelle que soit sa couleur politique, a hiérarchiser les différents objectifs que l’on assigne aux fonds de pension à savoir la constitution d’une retraite surcomplémentaire et l’augmentation des fonds propres des entreprises, ainsi qu’une dynamisation de notre place boursière.

 

N°7-9. La sécurité du dispositif implique le respect de l’intérêt de l’adhérent.

 

Il faut au contraire admettre la prévalence de l’objectif retraite. Les autres cibles doivent être secondaires et dérivées. Secondaires car en cas de conflit avec le premier objectif elles doivent s’effacer et, dérivées car elles peuvent éventuellement découler de l’objectif principal. Espérer atteindre plusieurs objectifs avec un même outil est une erreur que les économistes évitent depuis longtemps. Ils ont démontré au contraire qu’à un objectif devait correspondre un outil de politique économique. Bien entendu, il ne s’agit aucunement de nier certains cercles vertueux, notamment l’idée selon laquelle une canalisation de l’épargne des ménages vers les fonds propres des entreprises est une source de croissance qui permet d’augmenter la richesse distribuable et, par voie de conséquence les revenus des retraités. Mais ce scénario n’est qu’une hypothèse qui peut-être contredite par la réalité à un moment donné. Ainsi, lorsque le législateur imposait aux FER de ne pas détenir plus de 65% d’obligations dans son portefeuille[72], cela relève de l’ordre public de direction que le législateur camoufle en ordre juridique de protection, en invoquant des statistiques passées qui démontrent que le placement en actions est plus rémunérateur à long terme que celui en obligations. Or, en finance il faut être prospectif et non pas se contenter d’envisager un futur à l’image du passé. Par exemple, l’économiste P. Artus considère que le cours  des actions risque de baisser à partir de 2005[73]. Une telle disposition a donc en fait comme principal objectif de favoriser l’augmentation des fonds propres des entreprises et cela parfois au détriment de l’intérêt de l’adhérent. Cette mesure  témoigne donc d’une confusion regrettable qui relègue en seconde position, ce qui devrait être l’objectif premier des fonds de pension. Nous considérons que l’objectif social, c’est à dire le  financement des retraites, doit prévaloir, ce qui d’ailleurs permet de résoudre de nombreuses questions notamment celle relative à la sortie du plan d’épargne retraite. La sortie en rente doit l’emporter sur celle en capital, à défaut on n’a aucune certitude que les sommes seront affectées au financement de la retraite. Renier la liberté de l’adhérent dans ce cas est logique car son exercice s’opposerait à l’objectif premier du dispositif. L’ordre public de direction, en faisant appel à la notion d’intérêt général se rapproche de la notion d’ordre public politique qui en est sa genèse. Ainsi, Planiol affirmait «une disposition est d’ordre public toutes les fois qu’elle est inspirée par une considération d’intérêt général qui se trouverait compromise si les particuliers étaient libres d’empêcher l’application de la loi»[74] . Autant l’ordre public de protection est clair, donc légitime, en opposant deux intérêts particuliers, autant cette référence à l’intérêt général dans le domaine économique rend absconse la définition de l’ordre public de direction[75].

 

N°7-10. Un intérêt général protéiforme dans le domaine de l’épargne retraite.

 

Aux Etats-Unis, après avoir encensé les fonds à cotisations définies, on note un retour de ceux à prestations définies. Cela démontre la relativité des thèses économiques qui implique, selon nous, un ordre public de direction réduit. Ainsi, lorsque le sénateur Marini dans un rapport déclare que dans l’intérêt des adhérents des PER, le Sénat a interdit les contrats à prestations définies[76], il travestit la réalité. Son objectif est de favoriser la compétitivité des entreprises, ce qui est un choix de politique économique. Et ce choix n’est pas toujours pertinent car certaines entreprises ont la possibilité de financer de tels plans. De plus, il affirme que ce type de contrat limite le placement en actions, plus rémunérateur à long terme. Pourtant en Grande-Bretagne, la majorité des fonds sont  à prestations définies, ce qui n’empêche pas un placement substantiel en actions. Le législateur devrait proposer les deux types de contrats à l’adhérent et au souscripteur qui choisiraient en connaissance de cause grâce à une information idoine. Ainsi, liberté de choix rimerait avec responsabilisation. Finalement, à l’instar du Professeur Ghestin, on ne peut qu’admettre le flou de cette notion d’ordre public de direction : «les incertitudes de la science économique le rendent essentiellement expérimental, empirique et opportuniste»[77]. Cela est logique car la science économique n’est pas une science exacte mais une science sociale. Sa scientificité résulte de ses méthodes d’analyse mais pas de la certitude de ses résultats. Le législateur est finalement victime des incertitudes économiques. Cela est gênant lorsqu’il s’agit de questions fondamentales. Ainsi en 1997, l’introduction des fonds de pension symbolisait l’intérêt général, alors qu’aujourd’hui certains invoquent cette notion pour les condamner. Le Conseil constitutionnel ne déclarait-il pas dans sa décision du 20 mars 1997 que «le principe d’égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur édicte, pour des motifs d’intérêt général, des mesures d’incitation par l’octroi d’avantages fiscaux ; que celui-ci a entendu favoriser pour les salariés qui le souhaitent la constitution d’une épargne en vue de la retraite propre à compléter les pensions servies par les régimes obligatoires de sécurité sociale et de nature à renforcer les fonds propres des entreprises»[78]. Certes, le Conseil constitutionnel réalise un contrôle juridique et non pas d’opportunité, mais cette décision démontre qu’il n’y a pas d’incompatibilité juridique entre l’intérêt général et les fonds de pension. Aujourd’hui selon certains, c’est au nom de cet intérêt général que l’on devrait interdire les FER. Il est logique que dans un régime représentatif comme le nôtre, l’intérêt général soit protéiforme selon la majorité au pouvoir, mais de tels revirements nuisent à notre économie et à la crédibilité des hommes politiques. De plus, la sécurité de l’adhérent implique également que les avantages fiscaux qui lui sont octroyés soient gravés dans le marbre et indifférents aux changements politiques. Le législateur ne doit pas abuser de la rétroactivité fiscale à défaut, il lui sera impossible d’orienter l’activité d’agents économiques échaudés[79].

 

N°7-11. Les fonds de pension : un outil au service d’une nouvelle régulation du capitalisme.

 

Finalement, la plus belle des libertés n’est-elle pas de pouvoir déterminer partiellement son avenir ? Or, les FER peuvent, sous certaines conditions, être une alternative à la sempiternelle opposition capitalisme/économie à planification impérative et, constituer un outil au service de cette troisième voie souvent évoquée mais rarement définie. Il ne s’agit pas d’un retour de l’idée d’autogestion des entreprises, car les adhérents auront surtout le droit de contrôler et sanctionner l’action des gestionnaires des FER, et non pas de se substituer à ces derniers. Indirectement ils influenceront leurs placements et donc les stratégies des entreprises. Certains auteurs sont très optimistes sur le rôle que les investisseurs institutionnels, et donc notamment les FER, peuvent jouer dans l’économie[80]. Ils constitueraient une alternative à la sempiternelle opposition économie capitaliste et économie planifiée. Cette perspective implique des conditions juridiques qui restent à inventer. «L’œuvre du juriste est la seule qui demeure quand le tumulte des révolutions est apaisé» selon le doyen Ripert[81]. Lorsque les hommes politiques auront clairement tracé les domaines respectifs de la capitalisation et de la répartition, le juriste assumera le rôle principal. A l’heure où la mondialisation semble parfois heurter la souveraineté nationale et déposséder le politique de ses prérogatives, les FER peuvent, sous certaines conditions être un outil efficace au service d’une souveraineté recouvrée[82]. Ils permettraient aux citoyens d’endogénéiser certains arbitrages économiques. Les citoyens doivent être guidés pour assumer ce pouvoir, ce qui implique notamment la transition vers un syndicalisme de coopération et non plus d’opposition. L’exemple peu connu du Québec rappelle qu’une telle symbiose entre partenaires sociaux est possible. Ainsi un syndicalisme québécois lors d’un récent colloque affirmait «notre philosophie est la suivante : le plus grand créateur  d’emplois au Québec étant l’entreprise privée où, je l’ai dit, la PME occupe une place des plus importantes, les travailleurs et travailleuses ont intérêt à se préoccuper de la santé financière de leurs employeurs. Les travailleurs et les chômeurs ont un intérêt direct dans le développement des entreprises dont la santé est un élément trop important pour le laisser entre les seules mains des entrepreneurs»[83]. Certains fonds de pension au Québec favorisent la formation économique des salariés des entreprises dans lesquelles ils investissent. Ils imposent une clause prévoyant le versement par l’employeur d’une somme forfaitaire annuelle destinée à la formation économique des salariés. Le savoir étant source de pouvoir dans notre société, une telle initiative doit être approuvée et, constituer le corollaire de la responsabilité du citoyen adhérent. Rappelons que l’un des objectifs initiaux de la participation, souhaitée par le Général de Gaulle, était d’élever le niveau de culture économique des salariés. Nous pensons que les FER peuvent favoriser cet objectif louable. La réduction de la durée du travail devrait favoriser l’implication de l’adhérent dans le contrôle de son épargne. Néanmoins, les FER ne doivent pas investir dans des entreprises obsolètes ou mal gérées en raison de considérations uniquement syndicales. Il faut donc définir et protéger l’intérêt de l’adhérent. Le rôle de l’Etat serait également modifié, d’un Etat gestionnaire on passerait à un Etat régulateur, c’est à dire créateur de normes et contrôleur de leur bonne application. Ce recentrage sur ces missions essentielles est certes une source d’économie, mais beaucoup plus limitée qu’on pourrait le croire. Ainsi, aux Etats-Unis des citoyens veillent à ce que les moyens octroyés aux contrôleurs des fonds de pension soient suffisants. La loi du 24-07-1867 sur les sociétés commerciales a marqué un tournant dans l’histoire du capitalisme. On a pu remarquer que «le capitalisme moderne n’aurait pu se développer si la société par actions n’avait pas existé »[84]. En sera-t-il de même avec les FER ? Par ailleurs les fonds de pension ne sont pas des actionnaires comme les autres, leur activisme et leur volonté de transparence ont déjà favorisé des modifications de notre droit des sociétés. Ils ont par exemple obtenu de la COB que les entreprises cotées évoquent le gouvernement d’entreprise dans leur rapport annuel, ou encore que le législateur assouplisse les modalités du rachat  par une entreprise de ses propres actions[85]. Ils ont surtout suscité un changement des mentalités et des pratiques[86]. L’introduction dans notre droit positif de véritables FER, c’est à dire de personnes morales indépendantes, induira-t-elle une réforme plus profonde de notre droit des sociétés ?

 

 

Il s’agit dans un premier temps d’étudier la difficile conciliation entre la liberté des acteurs de l’épargne retraite et la recherche d’une forme d’égalité. Dans un second temps, il convient de s’interroger sur les moyens qui permettent de consacrer la sécurité du dispositif et qui éradiquent également parfois la liberté des sujets de droit.  



[1] Loi n°97-277 dite «loi Thomas».

[2] J.O. du 21-02-1997, n°17, A.N., p.1224.

[3] J.O. du 21-02-1997, n°15, Sénat, p.922.

 

[4] M.Germain, La SAS libérée, JCP 1999, éd.E, Actualité, n°39 , p.1505.

[5] Principe d’ailleurs rappelé dans la décision du Conseil relative à la loi du 25-03-1997. Décision n°97-388 DC du 20-03-1997, J.O. du 26-03-1997, n°72.

[6] A.N., Débats du 28-01-1999, S.O. 1998-1999, disponibles sur internet : www.assemblee-nationale.

[7] P.Cardon, Fonds de pension une solution pour la compétitivité, Les cahiers de l’audit 1999, n°6, p.19.

[8] Propositions pour un projet de loi sur les fonds de retraite, CNPF 1993

[9] Propositions du MEDEF, Pour assurer l’avenir des retraites en France, 1999, disponible sur internet : www.medef.fr.

[10] Actes du colloque de la CFE-CGC, Fonds de retraite paritaires au service des entreprises et de l’emploi, Colloque du 16-06-1998, publiés dans encadrement magazine n°80.

[11] Nouveau capitalisme et action syndicale, Revue de la CFDT 1999, n°26.

[12] Proposition de loi de P.Douste-Blazy créant les plans de prévoyance retraite, A.N., n°1301, 1998 ; Proposition de loi n°9 votée le 14-10-1999 par le Sénat.

[13] J.C.Boulard, Réflexion faite oui aux fonds de pension, Le Monde du 13-11-1998.

[14] Les Echos du 9-12-1997.

[15] L.apRoberts,, Les retraites complémentaires : vers une définition des termes, Problèmes économiques 1995, n°2 438, p.1.

[16] A.D’Yvoire, Du pension fund au fonds de retraite, La lettre de l’observatoire des retraites 1995, n°6, p.3.

[17] Idem.

[18] S.Billioud Ponson, Les fonds de pension : une solution à la convergence des retraites complémentaires professionnelles en Europe, Thèse Aix Marseille III, 1995, p.244.

[19] V. infra n°87-1.

[20] Voir infra n°177 et suivants.

[21] J.B.Foucauld et JP Balligand, L’épargne salariale au cœur du contrat social, La documentation française 2000.

[22] Rapport d’activité de la COB 1997.

[23] Y. Guyon, Les actionnaires étrangers, in Rapport moral sur l’argent dans le monde 1998, Montchrestien, p.395 ; A. Viandier et G. Mauduit, Le capitalisme au XXIème siècle, vers quels rapports entre management et capital ? Dalloz Affaires 1998, n°114, p.698.

[24] A. Viandier, Le droit des sociétés, demain, JCP 2000, éd.E, Actualité, p.3 ; Voir également le dossier de la revue des sociétés intitulé «le changement de millénaire et le droit des sociétés », Rev. des sociétés 2000, n°1.

 

 

 

 

[25] P.Bézard, Le droit des sociétés français face aux défis de la mondialisation, Rev. des sociétés 2000, n°1, p.60.

[26] A.Couret, Les apports de la théorie micro économique moderne à l’analyse du droit des sociétés, Rev. des sociétés 1984, p.257.

[27] G.Ripert, Aspects juridiques du capitalisme moderne, LGDJ 1951, p.4.

 

[28] Rapport balligand-Foucauld, L’épargne salariale au cœur du contrat social, La documentation française 2000.

[29] Idem p.136.

[30] V. infra n°237.

 

[31] P.Picard, Retraite par répartition ou par capitalisation : la fin de la guerre de religion, Droit social 1986, p.341.

 

 

 

[32] Concernant l’histoire passionnante des systèmes de retraite en France voir J.M.Thiveaud, La lente construction des systèmes de retraite en France de 1750 à 1945, Revue d’économie financière 1997, n°40, p.21 ; B.Dumons et G.Pollet, L’Etat et les retraites, genèse d’une politique, Belin 1994.

[33] Y.Saint-Jours, Les retraites supplémentaires par capitalisation : côté pile et côté face, Droit social 1996, p.627.

[34] Idem.

[35] V. infra n°143 à 145.

[36] J.M.Thiveaud, op.cit., p.39.

 

[37] J.J.Dupeyroux, 1945-1995 : quelle solidarité ?, Droit social 1995, n°9/10, p.713.

[38] D.Kessler, Fonds de pension et régimes de retraite par répartition, Encyclopédie de l’assurance, Economica 1997, p.701.

[39] Et par conséquent le rendement de la répartition ce qui démontre que les deux techniques peuvent être complémentaires.

[40] Rapport Charpin du commissariat général du Plan publié en 1999, disponible sur internet, site www.la doc.francaise.gouv.fr.

[41] Concernant l’importance des notions de liberté et d’égalité en droit des affaires se reporter au colloque organisé par l’université Paris I sur ce thème in la revue des sociétés 1989, p.343.

[42] A.Tocqueville, O.C., T.1, 2ème Vol., p.103 et 104.

[43] Compte rendu analytique officiel des débats relatifs à la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Disponible sur internet, code http ://www.assemblée nationale.

[44] J.O.du 27-12-1998, n°300, p.19646. Cette citation est à la page 30 de la version internet disponible sur le site legifrance : http://www.legifrance.gouv.fr.

[45] Actes du colloque de la CFE-CGC, Fonds de retraite paritaires au service des entreprises et de l’emploi, colloque du 16 juin 1998, publiés dans encadrement magazine n°80, citation p.41.

 

[46] Vanvenargues maximes de 1747, max.20 citée par J.Dupichot, Le droit des obligations, PUF, collection que sais-je ?, 1993.

[47] Décision 97-388 D.C. du 20-03-1997, J.O.du 26-03-1997, p.4664.

[48] J.Flour et J.L.Aubert, Les obligations, T.I : l’acte juridique, A.Colin 1996, 7ème éd., p.207.

[49] P.Bruckner, La tentation de l’innocence, Grasset 1995.

[50] Idem p.126.

[51] A.Sen, L’inégalité, le chômage et l’Europe, Alternatives Economiques, n°165, p.51 et p.52.

[52] Voir A.Recours supra n°7-2.

 

[53] F.A. Hayek, Droit, législation et liberté, Paris, PUF, 1981.

[54] P.Douste-Blazy, Pour sauver nos retraites, éd. Plon 1998, p.110.

[55] Proposition de loi de P.Douste-Blazy créant les plans de prévoyance retraite, A.N., n°1301, 1998, 4p.

[56] F.Manin, Les investisseurs institutionnels, thèse Paris I, 1996, p.158.

[57] Chiffres donnés par M.Artus, Fonds de pension, économie et emploi, Actes du colloque du 21-09-1998 organisés par la C.N.P., Doc. C.N.P. , p.32.

 

[58] Cité par L.Favoreu, Revue Française de droit constitutionnel 1998, n°35, p.640.

[59] CAE, Retraites et épargne, La documentation Française 1998, p.29.

[60] L’impôt sur les sociétés reste néanmoins en principe un impôt proportionnel.

[61] P.Turbot, Les fonds de pension, PUF, collection que sais-je ?, 1997, p.46.

[62] J.Dupichot, Le droit des obligations, PUF, collection que sais-je ?, 1993, p.28.

[63] Y.Guyon, Traité sur les sociétés, Aménagements statutaires et conventions entre associés, 3ème édition, LGDJ 1997.

[64] Art.3 de la loi n°99-587 du 12-07-1999.

[65] Selon l’article 8L97, les FER doivent être constitués sous la forme d’une société anonyme d’assurance, d’une société d’assurance mutuelle, d’une institution de prévoyance ou d’un organisme mutualiste.

[66] J.Flour et J.L.Aubert, op. cit., p.210 et 211.

[67] Voir art.21 et 22 L.97.

[68] Voir art.7.

[69] Y.Guyon, Aspects juridiques des FER, P.A.1997, n°124, p.17.

[70] J.Cahuzac, Avis présenté au nom de la commission des finances de l’Assemblée Nationale sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, n°1147, p.109.

[71] Y.Saint-Jours, Les aspects juridiques de l’épargne retraite d’entreprise instituée par la loi du 25-03-1997, JCP 1997 éd. G, n°19-20, p.208.

[72] Article 24 de la  loi du 25-03-1997.

[73] P.Artus, Actes du colloque de la CNP, Fonds de pension : impacts économiques et sociaux, colloque du 21-09-1998, Doc.C.N.P., p.33.

[74] Cité par P.Malaurie, L’ordre public et le contrat, étude de droit civil comparé France, Angleterre, URSS, Thèse Paris 1953.

[75] J.M.Pontier, L’intérêt général existe-il encore ?, Dalloz 1998, 35ème cahier, Chr., p.327.

 

[76] P.Marini, Rapport n°190, Sénat S.O. 1996-1997, p.8.

[77] J.Ghestin, Traité de droit civil, La formation du contrat, 3ème éd., LGDJ 1993, p.108.

[78] D.C., n°97-388, op. cit.

[79] H.Moutouh, La rétroactivité des lois fiscales ; à propos de la taxation de l’assurance-vie, JCP 1999, éd.G, I, n°2, p.68.

[80] O.Pastré, Les nouveaux piliers de la finance, La Découverte 1992.

[81] Ripert, Aspects juridiques du capitalisme moderne, LGDJ 1951, p.348.

[82] Déjà le Doyen Ripert, à son époque, remarquait que «la puissance du capitalisme se heurte aujourd’hui à la puissance de la démocratie». G.Ripert, Aspects juridiques du capitalisme moderne, LGDJ 1951, p.7.

[83] Actes du colloque de la CNP, Fonds de pension : impacts économiques et sociaux, colloque du 21-09-1998, Doc.C.N.P., p.10.

 

 

[84] W.Lippmann, La cité libre, 1938, p.329.

[85] Sur cette réforme voir notamment : A.Couret et J.Y.Mercier,  Le nouveau régime du rachat par une société de ses propres actions, Banque&Droit 1998, n°61, p.13 ; A.Viandier, Le rachat d’actions après la loi n°98-546 du 2-07-1998, RJDA 7/1998, p.590.

[86] Y.Guyon, Dix ans d’évolution des conseils d’administration en France, R.I.D.E 1998-1, p.7.

 


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