UNIVERSITÉ DE PARIS X – NANTERRE

U.F.R. de sciences juridiques, administratives et politiques

 

 

 

L'ÉLECTION DE FOR

EN DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ

 

 

Thèse de Doctorat en Droit

(Arrêté du 30 mars 1992)

 

 

 

Par Philippe GUEZ

(guez@glose.org)

 

 

 

Sous la direction de

 

M. le Professeur Géraud DE GEOUFFRE DE LA PRADELLE

 

 

 

 

Composition du Jury

 

    Géraud DE GEOUFFRE DE LA PRADELLE [Professeur à l'Université de Paris X–Nanterre]

    André Huet [Professeur à l'Université de Strasbourg III (Robert Schuman)]

    Philippe ThÉry [Professeur à l'Université de Paris II (Panthéon-Assas)]

    Ibrahim Fadlallah [Professeur à l'Université de Paris X–Nanterre]

    Marie-Laure Niboyet [Professeur à l'Université de Paris X–Nanterre]

 

                       

 

 

Présentée et soutenue publiquement à Nanterre le 18 janvier 2000

Avec mention très honorables et les félicitations du jury, avis favorable pour publication

de la thèse en l’état et proposition de la thèse pour tous prix et subventions

 

 

 

 

 

 

www.glose.org

 

 

 

REMERCIEMENTS

 

    Je tiens à remercier tout particulièrement Monsieur le Professeur Géraud de Geouffre de La Pradelle pour sa confiance, sa disponibilité et ses conseils avisés sans lesquels cette thèse n’aurait pu aboutir.

 

    Je remercie vivement Samia Barache, Pierre Jourdin, Laurence Sinopoli et Hadi Slim pour leur travail de relecture.

 

    Enfin, ce travail n’aurait pu être achevé sans le soutien et les encouragements de mes parents et de ma sœur Emmanuelle.

 

    Je remercie chaleureusement Anne-Laure, Pierre et Rozenn pour leur amitié et leurs encouragements tout au long de l’élaboration de ce travail.

 

    Je remercie aussi les amis de la bibliothèque de la salle 111 et de la salle 419 de l’U.F.R. de Droit de l’Université de Paris X-Nanterre pour leurs conversations toujours intéressantes.

 


PLAN SOMMAIRE*

Chapitre PrÉliminaire - La notion d'Élection de for

PremiÈre Partie — L'ADMISSIBILITÉ DE L'ÉLECTION DE FOR

 

TITRE I — LE PRINCIPE D'ADMISSIBILITÉ

Chapitre I - La reconnaissance du principe d'admissibilitÉ

   Section I — La consécration du principe d'admissibilité

   Section II — Les incertitudes suscitées par le nouveau Code de procédure civile

Chapitre II - La mise en œuvre du principe d'admissibilitÉ

   Section I — Le caractère international du litige

   Section II — Les critères d'application des Conventions de Bruxelles et de Lugano

TITRE II —  LES LIMITES À L'ADMISSIBILITÉ

Chapitre I - La protection de la partie faible

   Section I — Les conventions d'élection de for passées dans les contrats conclus avec les consommateurs

     Sous-Section I — La notion de contrat international de consommation

     Sous-Section II — La protection des consommateurs contre les accords d'élection de for

   Section II — Les conventions d'élection de for dans les contrats d'assurance

   Section III — Les conventions d'élection de for dans les contrats de travail internationaux

   Section IV — Protection de la partie faible et effectivité du droit d'accès à la justice

Chapitre II - Les autres critÈres de l'impÉrativitÉ

   Section I — L'impérativité juridictionnelle déduite de l'impérativité substantielle

   Section II — L'impérativité fondée sur des considérations procédurales

 

DeuxiÈme Partie — La mise en œuvre de l'ÉLECTION de for

 

TITRE I — LA LOI APPLICABLE À l'ACCORD D'ÉLECTION DE FOR

Chapitre I - Le recours À des rÈgles matÉrielles de droit international privÉ

   Section I — L'éviction de la méthode conflictualiste en matière de convention d'arbitrage

   Section II — Une évolution souhaitable pour la convention d'élection de for ?

Chapitre II - Le recours À la mÉthode conflictualiste

   Section I — Les règles de conflit envisageables

   Section II — La règle de conflit proposéé

Titre II — LA VALIDITÉ DE L'ACCORD D'ÉLECTION DE FOR

Chapitre I - L'accord de volontÉs

   Section I — Formalisme et consentement des parties

     §1. - L'effectivité du consentement

     §2. - Le consentement présumé effectif

     §3. - Le consentement à l'élection de for en cas de clauses contradictoires

   Section II — L'informatisation des relations contractuelles et l'échange des consentements

Chapitre II - La dÉsignation

   Section I — La détermination de la juridiction compétente

   Section II — La désignation d'un for neutre

 

TroisiÈme Partie — Les effets de l'Élection de for

 

Chapitre I - L'effet juridictionnel

   Section I — La compétence exclusive du juge élu

   Section II — L'étendue de la compétence du juge élu

   Section III — Vers un contrôle des effets de l'accord d'élection de for

Chapitre II - Les effets À l'Égard des tiers

   Section I — L'élection de for et les tiers à l'instance

   Section II — L'élection de for et les tiers au contrat

 

 

INTRODUCTION

 

 

 

 

 

 

 

    I.— Il n'est pas rare, en matière internationale, que les parties procèdent à une “ élection de  for ”, c'est-à-dire désignent par un accord de volontés le tribunal ou les tribunaux qui devront connaître de leurs différends présents ou à venir. Cet “ aménagement du droit d'agir dans l'espace ”[1] intervient le plus souvent — mais pas exclusivement[2] — dans le cadre d'un contrat et prend alors généralement la forme d'une “ clause attributive de juridiction ”.

 

    Un tel phénomène, aujourd'hui, n'étonne guère. Déjà, en droit interne, la doctrine contemporaine constate qu’ “ en raison de son objet qui est d'assurer la sanction d'intérêts privés, le droit judiciaire doit composer avec la volonté des plaideurs dès lors que celle-ci ne porte pas atteinte aux règles essentielles d'organisation et de fonctionnement de la justice civile ”[3].

 

    Ces raisons de convenance se retrouvent également dans les relations internationales de droit privé. Dans ce domaine, pourtant, l'accord des parties sur la compétence judiciaire ne répond pas uniquement à un souci de commodité des plaideurs. En effet, la détermination de la compétence judiciaire présente, en général, une plus grande incertitude en matière internationale dans la mesure où il arrive fréquemment que plusieurs ordres juridictionnels puissent être compétents pour un même litige. De fait, l'utilité pratique des clauses attributives de juridiction s'avère plus grande dans l'ordre international que dans l'ordre interne. “ Grâce à elles il est, en effet, possible de diminuer sensiblement l'insécurité inhérente à l'absence d'organisation de la société internationale ”[4] et ce d'autant plus que l'imprévisibilité relative à la détermination de la compétence judiciaire internationale se répercute sur la loi qui sera appliquée au fond puisque la règle de conflit de lois qui sera appliquée sera celle du juge saisi du litige. De fait, la désignation conventionnelle d'un juge permet aussi de connaître le système de conflit de lois ainsi que la conception de l'ordre public international qui sera appliquée au litige.

 

    II.— Les rapports entre la volonté commune des parties et la compétence judiciaire ont déjà fait l'objet d'études systématiques en droit interne[5] ainsi qu'en droit international privé[6]. L'intérêt d'une nouvelle analyse peut alors paraître discutable. Tout n'aurait-il pas été dit et redit sur ces questions ? Il nous semble cependant que le sujet est loin d'être tari. En témoigne principalement une jurisprudence abondante, signe que les difficultés pratiques et théoriques soulevées par ce sujet sont loin d'être épuisées. Un auteur des plus autorisés s'est même demandé, au vu de la prolifération du contentieux relatif aux accords d'élection de for, s'ils atteignaient toujours leur but, “ à savoir éviter toute incertitude et tout litige sur la compétence judiciaire ”[7]. De fait, il est possible à ce jour de constater que certaines difficultés suscitées par les conventions d'élection de for — l'on songe notamment à la détermination de la loi qui leur est applicable ou à la protection de certaines parties faibles — n'ont toujours pas reçu de réponses satisfaisantes. Il n'est, dès lors, pas inutile de tenter une nouvelle approche de ces questions, fut-elle semée d'embûches.

 

    Cette nouvelle approche s'avère d'autant plus nécessaire depuis l'entrée en vigueur de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 sur la compétence judiciaire et la reconnaissance des décisions en matière civile et commerciale[8] et de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988, Convention “ parallèle ” à la Convention de Bruxelles, signée entre les États membres des Communautés européennes et les États membres de l'Association européenne de libre-échange[9]. Rappelons en effet que la Convention de Bruxelles ne comporte pas seulement des règles relatives à la reconnaissance et à l'exécution des décisions — comme le prévoyait uniquement l'article 220 du Traité de Rome qui en est l'origine —, mais qu'elle édicte également des règles de compétence directe et que, de surcroît, son interprétation est confiée à la Cour de Justice des Communautés Européennes. S'agissant ainsi plus particulièrement des conventions d'élection de for, le texte spécifique qui leur est consacré — l'article 17 de la Convention de Bruxelles — n'a pas simplement subi certaines modifications lors de l'adhésion à la Convention de Bruxelles des nouveaux États ayant intégré les Communautés européennes[10] ; plusieurs arrêts importants de la CJCE lui ont été consacré. À lui seul, ce constat témoigne de l'évolution constante dont font l'objet les rapports entre la volonté commune des parties et la compétence judiciaire internationale.

 

    Du reste, ce vaste mouvement d'européanisation des règles de compétence judiciaire internationale réduit de manière considérable le champ d'application du droit commun des conflits de juridictions qui, par ailleurs, se modifie sous l'influence du droit conventionnel européen. La convention d'élection de for, en effet, relève de la Convention de Bruxelles chaque fois qu'elle désigne le tribunal ou les tribunaux d'un État contractant et que l'une des parties au moins est domiciliée sur le territoire d'un État contractant. Aussi bien, la plupart des clauses attributives de juridiction qui désignent l'ordre juridictionnel français relèvent-elles aujourd'hui du droit conventionnel européen. Un droit international privé commun aux États de l'Union européenne se trouve ainsi en voie de formation[11], du moins en matière de compétence judiciaire internationale et de loi applicable aux obligations contractuelles[12], marquant ainsi le retour à un jus commune dont l'émergence est favorisée par le rôle régulateur de la Cour de Justice[13].

 

    III.— Le choix conventionnel d'un tribunal ou des tribunaux d'un État pour connaître d'un litige constitue l'une des manifestations de l'intervention de la volonté commune des parties dans le domaine de la juridiction[14]. La clause attributive de juridiction, tant en droit interne qu'en droit international privé, apparaît alors comme la variété d'un genre que formeraient les “ clauses relatives à la compétence ”, au sein desquelles figureraient les conventions d'arbitrage ; ou encore les “ clauses relatives aux litiges ”, si l'on envisage de manière globale toutes les possibilités dont disposent les parties dans l'aménagement conventionnel du règlement de leur différend[15]. Aussi bien les études récentes consacrées à ce sujet adoptent-elles une démarche comparatiste consistant à analyser en parallèle la convention d'élection de for et la convention d'arbitrage[16].

 

    Consacrer notre recherche à la seule élection de for apparaît dans ces conditions à contre-courant des tendances doctrinales actuelles qui, au contraire, privilégient une approche transversale de ces questions. Une telle approche, en définitive, n'a rien de neutre. Poussée à un certain stade, en effet, la comparaison entre la convention d'élection de for et la convention d'arbitrage poursuit un objectif qui consiste à vouloir modifier le régime juridique de l'une en considération du régime juridique de l'autre. Ainsi s'agit-il pour Mme Blanchin de souhaiter que la convention d'élection de for soit, à l'instar de la convention d'arbitrage, soumise pour l'essentiel à des règles matérielles de droit international privé[17]. Pour Mme Coipel-Cordonnier, en revanche, cette comparaison permet de justifier l'application à la convention d'arbitrage de la distinction entre “ l'admissibilité ” ou la “ licéité ” — qui se rattache à la matière des conflits de juridictions — et la “ formation ” — qui se rattache à la lex causæ désignée par les règles de conflit de lois — qui caractérise le régime de la convention d'élection de for[18].

 

    IV.— La convention d'élection de for se distingue pourtant fondamentalement de la convention d'arbitrage. Alors que la première a pour objet de désigner le tribunal ou les tribunaux d'un ou de plusieurs États devant connaître du différend, la seconde a pour objet d'écarter la compétence des juridictions étatiques en investissant un ou plusieurs arbitres du pouvoir de trancher le litige. L'une et l'autre ne peuvent donc être confondues[19]. La Cour d'appel de Paris a très justement rappelé à cet égard que “ la portée de la clause compromissoire comme expression de la volonté des parties est beaucoup plus large que celle d'une clause attributive de compétence, en ce sens qu'elle a pour effet de donner aux arbitres le pouvoir de juger, excluant par là-même l'intervention des juridictions de l'État, alors que la clause attributive de compétence ne fait que désigner la juridiction territorialement compétente pour trancher le litige ”[20]. La convention d'arbitrage se prononce ainsi sur le choix d'une justice — la justice arbitrale étant préférée à la justice étatique —, alors que la convention d'élection de for détermine uniquement quelle juridiction étatique devra être saisie du litige.

 

    Mais cette distinction n'est pas jugée fondamentale par les auteurs qui étudient de concert la convention d'élection de for et la convention d'arbitrage. Leurs différences seraient moins importantes que leurs ressemblances. L'une et l'autre présenteraient “ devant le juge étatique suffisamment de points communs pour tenter de dégager de leur confrontation des principes théoriques qui éclairent ensuite les controverses dont chacune d'elles fait l'objet ou les spécificités réelles qu'il faut leur reconnaître ”[21]. Dès lors, une “ comparaison constructive ” de ces deux conventions doit pouvoir être réalisée[22]. Dans cette perspective, l'accent est mis sur le fait que ces deux conventions présentent un objet fondamentalement distinct du contrat qui peut les contenir dans la mesure, où contrairement aux autres stipulations, elles ne portent pas sur des éléments de fond mais sur des questions procédurales[23]. Toutes deux ont des effets sur la juridiction d'un État, “ c'est-à-dire sur le pouvoir souverain que celui-ci exerce sur son territoire par ses organes dans leur ensemble et dont le pouvoir de juger est l'un des éléments ”[24]. Elles présentent ainsi un caractère hybride, à la fois contractuel et juridictionnel. Or “ de cette similarité de nature découlent des problèmes identiques dus à l'objectif particulier poursuivi par de telles clauses ”[25]. L'une et l'autre, en effet, soulèvent des problématiques semblables car, invoquées devant le juge étatique, elles entendent “ déroger à la juridiction du for ”[26].

 

    V.— Une telle approche, cependant, force quelque peu les ressemblances entre ces deux conventions. Sans doute peuvent-elles être rapprochées en ce qu'elles manifestent l'intervention de la volonté commune des plaideurs dans le règlement de la compétence internationale. Elles n'en présentent pas moins d'importantes différences qui, selon nous, limitent sensiblement le rapprochement qui peut être opéré entre ces deux institutions. L'analyse des effets juridictionnels de ces conventions exclut même toute analogie : alors que la convention d'arbitrage crée le pouvoir juridictionnel des arbitres, la convention d'élection de for, à l'inverse, met en œuvre le pouvoir juridictionnel de l'État. Il en résulte certes une conséquence commune : l'exclusion de la compétence des juridictions qui, en l'absence d'accord des parties, auraient pu retenir leur compétence internationale. Mais tel n'est pas ce qui les caractérise le plus.

 

    En tant que convention, toutefois, l'une et l'autre soulèvent des questions identiques en ce qui concerne notamment les conditions relatives à leur formation. Il devrait, dans ce domaine là, être possible d'opérer un rapprochement ponctuel. Cet exercice présente cependant des limites qu'il convient de ne pas négliger. La validité de la convention d'arbitrage sera le plus souvent appréciée par les arbitres qui, en la matière, peuvent avoir une approche différente de celle du juge étatique. Du reste la jurisprudence étatique, dans le but de favoriser l'arbitrage, adopte parfois des solutions dont la pertinence peut être discutée. Si la comparaison du régime de la convention d'élection de for avec celui de la convention d'arbitrage en matière internationale peut être instructive, elle doit être opérée avec prudence. En tout état de cause, elle ne peut, selon nous, déboucher sur l'idée que ces deux conventions ne présentent pas une différence de nature mais une différence de degré.

 

    VI.— Pour ces raisons, nous avons décidé d'envisager seulement le rôle que la volonté commune des parties exerce sur la détermination de la compétence des juridictions étatiques. Dans la conception naguère adoptée par la doctrine, cette question devait être examinée sous l'angle de la recherche de la loi applicable à la manifestation de cette volonté[27]. Mais cette manière de voir a depuis été abandonnée par la majorité des auteurs. Du reste, elle ne correspond pas à l'état actuel du droit positif. La convention d'élection de for, en effet porte sur un objet, la compétence, qui ne relève pas du conflit de lois : seule les règles de procédure civile internationale d'un État peuvent fixer la compétence juridictionnelle de cet État. Holleaux a pu ainsi remarquer que “ la lex fori décide, notamment, de la possibilité de proroger ou d'écarter volontairement la compétence du for et du caractère obligatoire de la modification pour le juge  saisi ”[28] et ce, comme l'a montré M. Mayer, parce qu'“ il serait certainement contraire au droit international public qu'un État prétende régler la compétence des organes d'un autre État ”[29].

 

    Pour autant, cela ne signifie pas que la détermination du régime de la convention d'élection de for échappe au jeu des conflits de lois. En définitive, le procédé conflictualiste demeure en principe applicable à l'exception des questions qui relèvent du domaine de la compétence juridictionnelle stricto sensu. Une distinction est ainsi opérée entre “ l'admissibilité ” de l'intervention de la volonté commune des parties relativement à la détermination de la compétence judiciaire internationale — soumise aux règles de compétence internationale du juge saisi — et la validité et les effets de l'accord de volontés des parties qui, en principe, restent dans le giron du conflit de lois. Pressentie par Holleaux[30], cette distinction entre “ admissibilité ” ou “ licéité ” et validité a été systématisée par M. Mayer[31] et nombre d'auteurs contemporains l'adoptent[32].

 

    VII.— Si l'objet de notre démarche s'inscrit dans le prolongement de cette répartition, il est toutefois proposé d'en approfondir la signification en distinguant l'admissibilité de “ l'élection de for ” — c'est-à-dire la faculté reconnue aux parties de choisir leur juge — de la “ convention d'élection de for ” qui est l'accord de volontés mettant en œuvre ce principe d'admissibilité. La portée de cette précision terminologique ne consiste pas seulement à présenter autrement ce qui existe déjà. Ce que nous voudrions faire en étudiant de manière globale “ l'élection de for ” n'est pas seulement de rendre compte de la possibilité pour les parties d'intervenir en matière de compétence judiciaire. Il s'agit aussi, plus fondamentalement, de voir dans l'expression de cette volonté commune un chef autonome de compétence internationale.

 

    Dans une telle perspective, l'étude de l'élection de for en droit international privé que nous nous proposons d'entreprendre sera développée en distinguant le principe même de cette élection de for (Première partie) de la mise en œuvre de ce principe par un accord de volontés des parties (Deuxième partie) et, enfin, de ses effets (Troisième partie). Il nous faudra cependant, avant de rentrer dans le vif du sujet, clarifier la conception que nous retenons de l'intervention de la volonté commune des parties en matière de compétence judiciaire internationale. C'est pour cette raison que nous étudierons, dans un chapitre préliminaire, la notion d'élection de for.


 

CHAPITRE PRÉLIMINAIRE

 

LA NOTION D'ÉLECTION DE FOR

 

 

 

 

 

    1.— L'élection de for est habituellement présentée comme l'acte par lequel les parties vont “ attribuer ” ou “ conférer ” à un tribunal une compétence dont en principe il est dépourvu et qui, corrélativement, va “ écarter ” la compétence d'un tribunal qui “ normalement ” est compétent. Cet “ accord d'élection de for ”, toutefois, ne permet pas à lui seul de rendre compte de la compétence du juge élu. À partir du moment, en effet, où la volonté commune des parties intervient dans le domaine de la compétence internationale, les règles juridictionnelles du for saisi devront intervenir pour reconnaître le principe même de cette “ prorogation ” ou de cette “ dérogation ” de compétence. Se trouve ainsi mise en évidence la distinction entre la licéité ou l'admissibilité de l'accord d'élection de for, d'une part, qui relève des conflits de juridictions, et sa validité et ses effets en tant qu'acte juridique, d'autre part, qui relèvent en principe des conflits de lois.

 

    Relativement récente, cette manière de voir apparaît assurément pertinente. Mais, sans la remettre en question, il est permis de justifier autrement cette dualité. S'il est vrai qu'il appartient à l'ordre juridictionnel saisi du litige d'accueillir ou de rejeter l'accord d'élection de for, il apparaît en revanche inexact d'affirmer que la volonté des parties “ proroge ” la compétence d'un juge initialement incompétent ou “ déroge ” à la compétence du juge “ normalement ” compétent. Ce n'est pas, en effet, la volonté des parties qui peut obliger le juge à statuer, mais les règles de procédure civile internationale du for dont il relève. De fait, ces règles n'interviennent pas seulement pour déterminer dans quelle mesure cette volonté peut jouer en matière de compétence judiciaire internationale. Si elles imposent au juge de retenir sa compétence ou son incompétence internationale, ce ne peut être, nous semble-t-il, que parce qu'elles considèrent que la volonté commune des parties représente un critère de rattachement à un ordre juridictionnel. L'accord des parties constitue ainsi un chef de compétence. Il conditionne la compétence du juge élu, mais n'en est pas le fondement.

 

    L'analyse de la notion d'accord d'élection de for que nous nous proposons de conduire doit alors être replacée dans cette perspective. Si l'élection de for implique un accord de volontés (Section I), cet “ accord d'élection de for ” consiste à mettre en œuvre cette règle de compétence internationale qui fait de la volonté des parties un critère de rattachement à un ordre juridictionnel (Section II).

 

 

Section I

L'Élection de for implique un accord de volontÉs

 

 

    2.— La détermination de la nature juridique de l'accord d'élection de for s'effectue par l'utilisation des concepts et classifications du droit français depuis que la jurisprudence s'est prononcée en faveur de la qualification lege fori[33]. Seuls les accords relevant du domaine de la Convention de Bruxelles font l'objet d'une qualification autonome conformément à la doctrine de la CJCE[34]. On observe cependant une très grande identité de solutions entre le droit commun des conflits de juridictions et le droit conventionnel européen. Dans un cas comme dans l'autre, en effet, l'accord d'élection de for est qualifié de contrat. Se pose alors la question, à laquelle il nous faudra ensuite répondre, de la nature des relations qu'entretiennent la clause d'élection de for et le contrat pour le compte duquel elle a été stipulée. À moins, ce qui est rare, qu'elle ait été conclue en matière extra-contractuelle ou après la survenance du litige, la convention d'élection de for constitue une stipulation accessoire du contrat dans lequel elle est insérée. Outre la qualification contractuelle de l'accord d'élection de for (§1), l'accent doit être mis sur son caractère d'accessoire (§2).

 

 

 

§1 - L'accord d'élection de for est un contrat

 

    3.— Si l'accord d'élection de for est un contrat qui se rapporte au litige, toutes les conventions susceptibles d'exercer une influence dans le domaine de la compétence judiciaire internationale ne peuvent recevoir la qualification d'accord d'élection de for. La qualification de contrat (A/) doit donc être distinguée de la qualification de convention d'élection de for en tant que telle (B/).

 

    A/ La qualification de contrat

 

    4.— La qualification contractuelle de l'accord d'élection de for, si elle a été consacrée en droit positif (1°), n'en a pas moins été contestée en droit comparé et par une partie de la doctrine (2°). Nous verrons toutefois qu'en dépit de ces objections, la nature contractuelle des accords d'élection de for ne peut sérieusement être remise en question.

 

1° Une qualification reconnue

 

    5.— L'analyse de la nature juridique des accords d'élection de for doit tenir compte de leur diversité. Se distinguent principalement les accords exprès et les prorogations tacites. Les premiers sont le plus souvent exprimés par écrit. Il s'agit pour l'essentiel des clauses attributives de juridiction généralement insérées dans le contrat principal ou dans tout autre document contractuel. Les secondes résultent de “ l'attitude  procédurale ”[35] des parties : le demandeur saisit une juridiction internationalement incompétente et le défendeur se garde de soulever l'incompétence et se défend sur le fond.

 

    6.— En droit interne, la détermination de la nature juridique des clauses attributives de juridiction ne semble être discutée ni la jurisprudence ni la doctrine. Elle ne présente guère de difficultés dans les ouvrages de droit judiciaire privé tant il s'avère évident qu'il s'agit là d’un contrat. À ce sujet, MM. SOLUS et PERROT parlent de “ convention de prorogation de compétence ” qu'ils soumettent en tant que telle aux règles de fond régissant la validité des contrats en plus des règles spécifiques au droit judiciaire privé[36]. D'ailleurs, le texte que leur consacre la nouvelle codification (l'article 48 du nouveau Code de procédure civile) emploie le terme “ clause ”, ce qui fait immédiatement songer à une disposition particulière du contrat, mais aussi le verbe “ convenir ”, qui fait référence à un accord de volontés et le terme d'“ engagement ”, qui fait directement penser à un contrat[37]. Seule la question de la nature des prorogations tacites est débattue[38].

 

    Cette qualification est en revanche davantage discutée en droit international privé[39]. Elle n'en recueille pas moins les suffrages de la majorité de la doctrine[40]. Elle correspond, d'ailleurs, à l'état du droit positif et ce tant en droit commun des conflits de juridictions[41] qu'en droit conventionnel européen. La rédaction de l'article 17 des Conventions de Bruxelles et de Lugano montre sans ambages qu'il est question d'un contrat. Le texte indique que “ les parties sont convenues d'un tribunal… ” et emploie l'expression “ convention attributive de juridiction ”[42]. La CJCE, qui adopte du reste une interprétation communautaire de la notion de convention attributive de juridiction, la considère comme un contrat puisque l'acte qui contient la clause doit obligatoirement relever de la matière contractuelle pour qu'elle soit qualifiée de convention attributive de juridiction au sens de l'article 17[43].

 

    7.— Si cette qualification contractuelle nous paraît s'imposer, encore faut-il savoir le sens qu'il convient de lui attribuer ; ce qui suppose que soit au préalable indiquée la conception du contrat auquel on se réfère. Sans retracer, dans le cadre de cette étude, l'évolution de la notion de contrat[44], on peut cependant rappeler qu'il est largement admis aujourd'hui que la théorie de l'autonomie de la volonté[45] est insuffisante à justifier la force obligatoire du contrat. La plupart des auteurs semblent à présent considérer que le fondement de l'obligation contractuelle ne réside pas dans la volonté des parties mais dans la loi, dans la valeur que le droit attribue à la commune intention des parties[46]. Pour autant, la volonté n'en conserve pas moins un rôle dans la procédure contractuelle, même si cela a pu être nié. Selon M. Rouhette en effet, le contrat serait “ un acte productif de normes bilatérales, c'est-à-dire liant deux centres d'intérêts ”[47]. Cette opinion est toutefois restée isolée. Si le volontarisme est en recul, la volonté constitue toujours un critère du contrat. En ce sens, le contrat peut être défini comme “ la concordance d'une pluralité d'expressions de volontés à laquelle la loi fait produire des effets de droit ”[48].

 

    8.— Confrontée à l'accord d'élection de for, cette conception du contrat permet assurément de retenir à leur égard la qualification contractuelle. Si l'on considère que les parties se voient reconnaître sous certaines conditions le droit subjectif de choisir leur juge, la réalisation de ce droit implique par conséquent une déclaration de volontés communes puisqu'elle procède du choix des parties et non de l'une d'entre elle. Les parties se trouvent ainsi tenues d'une obligation de faire — consistant pour le demandeur à saisir le juge désigné — et à une obligation de ne pas faire — consistant à s'abstenir de saisir toute autre juridiction — étant précisé que dans le cas où la clause ne serait conclue que dans l'intérêt exclusif de l'un des cocontractants[49], ces obligations ne pèseraient que sur l'autre partie.

 

    À ceci, il convient d'ajouter que le non respect de ces obligations est susceptible de donner lieu à des dommages et intérêts. Rare en pratique, la condamnation à réparer le préjudice résultant de l'inexécution de la clause d'élection de for n'en est pas moins admise par la jurisprudence. La Cour de cassation a ainsi approuvé une Cour d'appel d'avoir considéré que l'action en dommages et intérêts fondée sur l'inexécution par une partie d'une clause d'élection de for présentait un caractère contractuel[50]. Si cette action est de nature contractuelle, c'est donc bien que la violation d'un accord d'élection de for … constitue un manquement à une obligation contractuelle. La clause d'élection de for se trouve ainsi traitée comme une stipulation contractuelle quelconque.

 

    9.— En conséquence, on adhérera aux propos de M. FRAGISTAS pour qui “ dès lors que l'accord des parties entraîne des conséquences voulues par les parties, il s'agit d'un contrat ”[51]. L'auteur ajoute cependant que “ dès lors que ces conséquences se développent dans le déroulement du procès, il s'agit d'un contrat judiciaire ” [52]. Il est permis, sur ce dernier point, de ne pas partager cette opinion. Souvent utilisée hors de propos, la notion de contrat judiciaire[53] est aujourd'hui entendue au sens large comme “ tout accord de volontés des parties dont l'existence est constatée par le juge[54]. Il constitue l'expression de la faculté, pour les parties, “ de disposer librement de leur droit d'action en justice […], soit que les parties renoncent en tout ou partie à leur droit d'action (transaction, conciliation ou médiation), soit qu'elles en aménagent l'exercice et adaptent, de ce fait, le traitement judiciaire de leur litige (accord exprès des parties sur les points de qualification et de droit […], accord d'amiable composition ou “ arbitrage judiciaire ” […] et accord de suspension d'instance ou “ radiation conventionnelle ” ”[55].

 

    Si l'originalité du contrat judiciaire réside dans la constatation expresse par le juge de l'existence de l'engagement réciproque des parties, il apparaît douteux que l'accord d'élection de for puisse revêtir cette qualification. En effet, l'efficacité de l'élection de for ne dépend pas de sa reconnaissance formelle par le juge saisi. Cette conséquence résulterait, en droit interne, de ce que le juge ne peut, en principe, soulever d'office son incompétence territoriale[56]. L'on pourrait alors se demander s'il en est toujours ainsi en droit international privé dans la mesure où, selon l'article 92 du nouveau Code de procédure civile, l'incompétence peut être relevée d'office par le juge lorsque l'affaire échappe à la connaissance de la juridiction française. Sur ce point, il y a lieu toutefois d'observer que même si l'incompétence peut être relevée d'office, la constatation de l'existence de l'accord d'élection de for par le juge n'est en rien systématique à partir du moment où, justement, il n'a pas l'obligation, mais simplement la faculté, de relever d'office son incompétence. Certes, le juge saisi en vertu d'un accord d'élection de for vérifiera sans doute si un tel accord existe matériellement. Mais cela ne signifie pas pour autant qu'il en constate formellement l'existence, que cet accord ait besoin de l'onction du juge pour déployer ses effets. De surcroît, si le juge relève d'office son incompétence, ce ne sera que parce qu'il aura constaté l'irrégularité de l'accord qui le désigne. Son intervention ne sera donc pas limitée à la simple constatation de l'existence de l'accord d'élection de for puisqu'elle a trait à l'inefficacité de cet accord. Tout bien considéré, il est douteux que la qualification de contrat judiciaire soit tributaire de la question de savoir si l'incompétence peut ou non être soulevée d'office par le juge.

 

    10.— Il a pourtant été soutenu que la “ prorogation conventionnelle de compétence ” serait un contrat judiciaire uniquement dans l'hypothèse où le demandeur a saisi une juridiction autre que celle qui a été initialement convenue entre les parties. Selon Mme Muller en effet, “ il est possible de retenir l'existence d'un contrat judiciaire alors entendu comme l'accord de prorogation des parties constaté par le juge auquel il s'oppose ”[57]. Cette remarque est sans doute exacte si on admet avec l'auteur que “ le juge appelé à statuer sur sa compétence sera alors conduit à constater la réalité de l'accord des parties sans pour autant pouvoir se prononcer sur sa validité ”[58]. Il semble pourtant difficile de soutenir que le juge saisi ne puisse pas en l'occurrence se prononcer sur la validité de l'accord. Si tel était le cas, jamais un juge saisi, bien que non désigné, ne pourrait en dépit de l'accord d'élection de for retenir sa compétence. L'analyse du droit positif révèle, au contraire, que le juge saisi, qu'il ait ou non été désigné, dispose toujours de la possibilité d'apprécier l'efficacité de l'accord d'élection de for car c'est de cette appréciation que dépend sa compétence. Cet argument étant écarté, la qualification de contrat judiciaire ne peut dès lors être appliquée à l'accord d'élection de for.

 

2° Une qualification contestée

 

    11.— Si à propos des accords d'élection de for, “ la nature contractuelle est bien ancrée dans les esprits et la pratique ” [59], cette qualification n'en demeure pas moins controversée, tant à l'égard des accords exprès (a) que des prorogations tacites (b).

 

    a) Les accords exprès

 

    12.— Les critiques formulées à l'encontre du caractère contractuel des accords exprès sont principalement menées dans deux directions. En droit comparé, certains ordres juridiques ont affirmé leur caractère essentiellement   procédural (i). En droit interne, un courant s'est dégagé pour leur conférer une nature sui generis (ii).

 

     i) Les accords d'élection de for constitueraient des actes de procédure

 

    13.— En droit comparé, l'assimilation des accords d'élection de for aux actes de procédure s'observe essentiellement dans les pays où la procédure fait exclusivement partie du droit public. Ainsi en l'Allemagne, la jurisprudence qualifie l'accord d'élection de for “ d'acte de procédure des parties ” et soumet, en tant que tel, leurs conditions de validité et leurs effets au droit judiciaire interne appliqué au titre de la lex fori [60]. Le droit suisse adopte une attitude plus nuancé. Si le caractère contractuel de l'accord d'élection de for est admis, la jurisprudence estime que son régime relève de la procédure[61].

 

    Les arguments développés par une partie de la doctrine étrangère sont divers. Pour certains auteurs, la nature exclusivement procédurale de l'accord d'élection de for découle de son objet[62]. Pour d'autres, notamment en Italie, la volonté ne pourrait modifier la compétence internationale en raison “ du défaut d'équivalence fonctionnelle du procès étranger et du procès interne, qui réalisent deux systèmes juridiques différents ”, les parties ne pouvant choisir entre deux procès[63]. Et lorsque la loi donne parfois effet aux accords d'élection de for, ces mêmes auteurs indiquent que dans ce cas, l'intention des parties ne constituerait qu'un fait localisateur du litige et non un contrat[64].

 

    14.— La pertinence de cette argumentation, qui a pour principale utilité de justifier la compétence de la lex fori en tant que loi de procédure, est fortement contestable. Il semble difficile de nier la nature contractuelle des accords d'élection de for lorsque la volonté des parties a précisément pour effet le résultat qu'elles recherchaient, à savoir la compétence internationale du juge désigné[65]. Au bout du compte, il y a toujours au départ un contrat qui désigne un tribunal, même si le droit international privé du juge saisi est seul habilité à fonder sa compétence (ou son incompétence).

 

    On relèvera d'ailleurs qu'une évolution se dessine au sein de certains droits étrangers qui abandonnent la conception procédurale au profit de la conception contractuelle. Ainsi la jurisprudence italienne, qui voyait naguère dans l'accord d'élection de for un acte processuel[66], a évolué vers une acception contractuelle de cette notion lorsque la Cour de cassation de ce pays a décidé d'appliquer aux conditions de forme des clauses attributives de juridiction la règle locus regit actum au lieu de la loi italienne dont la compétence était auparavant retenue en tant que loi de procédure[67]. Le droit américain connaît également une évolution semblable depuis que la Cour suprême des États-Unis s'est prononcée en faveur des clauses attributives de juridiction[68]. Antérieurement, l'accord d'élection de for était apprécié au regard de la doctrine du forum non conveniens qui constitue une règle de compétence. On rappellera que selon cette doctrine, un tribunal compétent peut se dessaisir s'il estime qu'un autre tribunal est plus approprié (more conveniens) dans l'intérêt des parties ou dans l'intérêt général[69]. En refusant d'appliquer cette doctrine aux clauses d'élection de for, la Cour suprême insiste sur leur caractère contractuel[70].

 

    15.— Il n'en demeure pas moins que l'idée selon laquelle l'accord d'élection de for constitue, en tout ou en partie, un acte de procédure nous semble devoir être rejetée pour ce qui est du droit français. Il suffit pour s'en convaincre d'analyser la notion d'acte de procédure qui est incompatible avec celle d'accord d'élection de for.

 

    Cela ne fait aucun doute si, comme une partie minoritaire de la doctrine, on refuse de voir dans l'acte de procédure une espèce particulière d'acte juridique. En effet selon MM. SOLUS et PERROT, l'acte de procédure “ désigne non pas l'acte de volonté lui même — que l'on a coutume d'appeler “ negotium ” — mais l'instrumentum, c'est-à-dire l'écrit qui lui sert de mode d'expression nécessaire ”[71]. Pour ces auteurs, “ la distinction classique entre le “ negotium ” et “ l'instrumentum ” n'a plus ici la même portée. Le fond étant intimement lié à la forme, la notion d'acte de procédure s'entend uniquement de l'écrit qui, obligatoirement, doit être dressé en observant les formalités imposées par la loi ”[72]. Compris comme tel, l'acte de procédure exclut inévitablement les accords d'élection de for à partir du moment où ces derniers comportent un negotium.

 

    16.— Il se trouve cependant que cette acception est très largement rejetée par la majorité des auteurs pour qui “ l'acte de procédure constitue précisément une espèce particulière d'acte juridique ”[73], la distinction classique du negotium et de l'instrumentum permettant de distinguer ce qui relève des irrégularités de fond de ce qui appartient aux irrégularités de forme. Dès lors, s'il n'est pas douteux que les accords d'élection de for constituent eux aussi des actes juridiques, la question se pose de savoir s'ils peuvent, même partiellement, revêtir la qualification d'acte de procédure.

 

    On relèvera tout d'abord que cette qualification doit être écartée si l'acte de procédure est envisagé au sens strict du terme, c'est-à-dire en tant qu' “ acte des parties à une instance où des auxiliaires de la justice qui ont pouvoir de les représenter […] ayant pour objet l'introduction, la liaison ou l'extension d'une instance, le déroulement de la procédure ou l'exécution d'un jugement ”[74]. De tels actes ne concernent que le formalisme de l'instance ce qui exclut inévitablement les accords d'élection de for dans la mesure où le règlement de la compétence juridictionnelle intervient au seuil du procès.

 

    Mais considéré au sens large, l'acte de procédure est “ tout acte juridique accompli dans le cadre ou en vue d'un procès ”[75]. Or, il n'est pas contestable qu'un accord d'élection de for est passé en vue d'un procès et parfois même alors que le litige est déjà né. Sans doute est-ce la raison pour laquelle certains auteurs considèrent qu'ils présentent un caractère mixte. Ainsi Mme GAUDEMET-TALLON les envisage “ à la foi comme un acte contractuel et comme un acte de procédure ”[76]. Pour M. DE LA PRADELLE, “ l'accord des parties qui détermine le tribunal compétent est donc une convention, mais son objet juridictionnel en fait un acte de procédure au sens large ”[77].

 

    17.— Il nous semble pourtant que l'assimilation, même partielle, de la convention d'élection de for à un acte de procédure n'est pas justifiable sur un plan théorique.

 

    Tout d'abord parce qu'avec HÉRON, nous pensons que la qualification contractuelle retenue pour l'accord d'élection de for écarte inévitablement celle d'acte de procédure. En effet, si “ l'acte de procédure et le contrat appartiennent l'un et l'autre à la catégorie des actes juridiques […] ils se distinguent pour ce qui est de leur objet ” dans la mesure où “ l'objet du contrat n'a rien de commun avec l'objet de l'acte de procédure. Celui-ci n'a pas pour effet de créer des obligations, mais de contenir et de “ porter ”  devant le juge des demandes ou des défenses et un tel objet ne peut pas entraîner la nullité de l'acte ”[78].

 

    Ensuite, parce que si l'on ne peut nier le rôle processuel dévolu à l'accord d'élection de for, encore faut-il s'entendre sur ce qu'il renferme. La qualification d'hybride, mi-contrat, mi-acte de procédure, n'apparaît envisageable que si cet accord est perçu comme un acte “ créateur ” ou    “ modificateur ” de compétence internationale. Pour des raisons que nous approfondirons ultérieurement, cette perception nous apparaît contestable[79]. Selon nous, le but de cet accord consiste à mettre en œuvre une règle de compétence faisant de la volonté commune des parties un critère de rattachement à un ordre juridictionnel. Cette perspective commande de dissocier la règle de compétence du contrat qui en est la condition d'application. Affirmer dans ce cadre-là que la convention d'élection de for présente une nature hybride reviendrait à assimiler la règle de compétence au contrat qui est son facteur déclenchant, autrement dit à confondre l'objet du contrat avec le contrat lui même.

 

    On ne pourra dès lors qu'approuver M. PASCHOUD, négociateur de la Convention de La Haye sur les accords d'élection de for, lorsqu'il dit que “ la prorogation de for est un contrat qui, bien que réglant une matière de procédure, n'en est pas moins soumis aux règles de fond en matière de contrat ”[80].

 

 

 

 

 

     ii) Les accords d'élection de for présenteraient une nature sui generis

 

    18.— Si en droit international privé français, la doctrine rejette dans son ensemble la thèse selon laquelle les accords d'élection de for seraient uniquement de nature procédurale, des voix se sont élevées pour leur attribuer une nature qui leur serait propre.

 

    Ainsi en droit interne — mais le raisonnement est transposable aux conflits internationaux de juridictions — le Doyen CARBONNIER a estimé que les clauses attributives de juridiction n'étaient pas des contrats de droit privé[81]. Le cadre dans lequel cet éminent auteur fut amené à se prononcer concernait la compétence des juges de paix. Au XIXe siècle, la Cour de cassation, se fondant alors sur l'article 7 du Code de procédure civile, n'admettait les prorogations de compétence devant le juge de paix qu'à la condition que les parties manifestent leur accord en présence du juge qui devait immédiatement dresser un procès-verbal signé par ces dernières[82]. À cette occasion d'ailleurs, la Chambre civile qualifia ce type de prorogation d'“ acte judiciaire en même temps que conventionnel ” ce qui n'était pas contestable puisque l'intervention du juge était nécessaire lors de la formation de l'accord[83]. Cette jurisprudence qui excluait toute clause attributive de juridiction, par essence conclue hors la présence du juge, fut abandonnée par la Cour de cassation en 1938[84]. Cette circonstance permit au Doyen CARBONNIER, dans la note qu'il publia sous cet arrêt, de se monter hostile aux clauses attributives de juridiction en prenant appui notamment sur leur nature juridique. Considérant que les clauses attributives de juridiction “ cadrent mal avec les catégories civilistes ” le Doyen CARBONNIER refuse d'y voir un contrat de droit privé dans la mesure où elles lient l'activité du juge[85] et produisent ainsi un effet de droit public : la modification de la compétence judiciaire. Dans cette perspective, il s'avère justifié que le juge contrôle cet accord privé qui va affecter ses pouvoirs. Partant, les clauses attributives de juridiction sont qualifiées d' “ accord procédural à effets judiciaires ” et doivent uniquement être régies par les règles de procédure civile et non par les règles de droit commun des contrats[86]. Transposé en droit international privé, ce raisonnement  conduit à analyser la clause d'élection de for comme un acte juridique échappant entièrement à la règle de conflit de lois contractuelle pour n'être soumise qu'au droit judiciaire interne du juge saisi, appliqué en tant que loi de procédure, qui se suffirait à lui-même.

 

    19.— L'approche du Doyen CARBONNIER nous fait songer à la théorie que M. IACCARINO exposa en droit italien. Pour cet auteur, la convention d'élection de for apparaît comme un acte-condition, ou un alto, car elle concourt au service public de la justice. L'accord des parties sera alors étroitement encadré par le droit judiciaire, ce qui manifeste “ un état de subordination fonctionnelle aux objectifs et valeurs pris en charge par le droit de la procédure civile internationale ”[87]. Cette approche de la nature juridique des clauses attributives de juridiction est extrêmement critiquable. Tout d'abord, il est inexact de soutenir qu'une clause attributive de juridiction affecte les pouvoirs du juge. Cette affirmation revient à confondre le pouvoir juridictionnel d'une part et la compétence d'autre part[88]. Mais surtout, il nous semble discutable d'affirmer que les clauses attributives de juridiction produisent un effet de droit public. Sans doute “ dans la mesure où il a pour but de pourvoir au fonctionnement du service public de la justice, le droit judiciaire est, à certains égards, apparenté au droit public et certaines de ses prescriptions relèvent du droit public ”[89]. Mais cela ne peut certainement pas concerner les règles de compétence territoriale qui sont pour l'essentiel d'intérêt privé. Une argumentation identique peut être soutenue s'agissant cette fois des relations internationales. Il a été démontré que le caractère de service public que représente la justice ne constitue pas un obstacle à la reconnaissance des accords d'élection de for[90]. En effet, la compétence d'un État pour rendre la justice, qui intéresse le droit international public, n'a rien à voir avec la compétence internationale directe qui consiste pour l'État à indiquer à ses tribunaux et aux justiciables les cas dans lesquels il acceptera de juger[91].

 

    20.— Selon une autre approche, les conventions d'élection de for représentent un acte-subjectif, ou un negozio, dont les effets sont façonnés par la volonté des parties car elles constituent une manifestation de l'autonomie de la volonté[92]. Cette interprétation paraît davantage conforme à l'état du droit international privé actuel. On constate en effet, dans le règlement des litiges internationaux intervenant dans les domaines où les parties peuvent librement disposer de leurs droits et particulièrement en matière contractuelle, qu'une grande liberté est accordée aux plaideurs quant à la désignation d'une juridiction ou à la possibilité de recourir à l'arbitrage. Cette primauté accordée à la volonté des parties, qui n'est que la manifestation d'un droit subjectif qui leur est reconnu par les États, milite dans le sens d'une acception privatiste de la notion d'accord d'élection de for. En tout état de cause, il s'agit bien non seulement d'un contrat mais également d'un contrat de droit privé. La référence à l'autonomie de la volonté doit cependant être nuancée en considération de ce qui a été précédemment évoqué s'agissant de la notion de contrat[93]. La volonté des parties ne peut jouer un rôle en matière de compétence judiciaire internationale que dans la mesure où ce rôle est reconnu par le droit des États concernés. Sans doute les règles de procédure civile internationale, notamment d'origine conventionnelle, accordent-elles une grande latitude aux parties, particulièrement en matière de commerce international. Mais seules ces règles ont vocation à déterminer la valeur qu'il convient de conférer à la volonté commune des parties.

 

    21.— Il a enfin été soutenu que les accords d'élection de for auraient une nature qui leur serait propre. Sur ce plan, Mme GAUDEMET-TALLON a adhéré à la théorie de M. IACCARINO selon laquelle “ la prorogation de juridiction posséderait une nature propre : ni exclusivement contractuelle, ni exclusivement “ processuelle ”, elle serait […] “ un acte juridique pur ” (mero acto giuridico), en même temps qu'un acte juridique “ complexe ” ”[94]. Pour les mêmes raisons qui nous ont amené à contester le caractère d'acte de procédure des accords d'élection de for[95], cette approche de la nature juridique des accords d'élection de for nous parait discutable. Cette opinion nous semble procéder d'une confusion entre la nature juridique de cet accord qui est contractuelle et son objet qui consiste à mettre en œuvre une règle de compétence.

 

    b) Les prorogations tacites

 

    22.— En ce qui concerne cette fois les prorogations tacites, certains auteurs ont soutenu que la compétence du juge initialement incompétent ne résulte pas véritablement d'un contrat mais simplement de la loi donnant effet à l'acte de comparution du défendeur. Sur ce terrain-là, le Doyen CARBONNIER a soutenu que la prorogation faite post litem natam ne constitue pas une convention lorsque le défendeur s'est abstenu d'invoquer l'incompétence du juge en raison de son ignorance du droit. Si en pareil cas la prorogation demeure efficace, elle “ n'est plus volontaire ” car “ elle résulte d'un mécanisme voulu par la loi ”[96]. Plus incisif, M. POCHON considère qu'“ on ne peut croire sans quelque illusion que le défendeur qui n'oppose pas l'exception d'incompétence “ in limine litis ” a volontairement, consciemment, entendu proroger la compétence du juge devant lequel il se trouvait assigné. La plupart du temps, il s'agit bien plutôt de négligence ou d'ignorance ”[97]. Cet auteur ajoute d'ailleurs que “ le prétendu accord tacite des parties n'est peut-être pas la véritable explication de l'obligation faite aux plaideurs de proposer “ in limine litis ” l'exception d'incompétence relative […] si volontairement ou par négligence ou par ignorance le défendeur a laissé l'affaire s'engager devant un tribunal incompétent, il ne doit pas disposer du redoutable pouvoir d'obliger ce tribunal à se dessaisir. Cette explication suffit sans qu'il soit besoin de recourir à la fiction, généralement trompeuse, d'un accord tacite sur la compétence ”[98].

 

    D'autres n'hésitent pas, au plan européen, à opposer radicalement la prorogation tacite à la prorogation conventionnelle en estimant que l'article 18 des Conventions de Bruxelles et de Lugano, texte qui enjoint au juge de retenir sa compétence si le défendeur comparaît en ne soulevant pas l'incompétence, “ tirerait son fondement de la loi ” alors que l'article 17 “ exigerait un fondement contractuel ”[99]. Il apparaîtrait ainsi que ces articles “ constituent deux voies par lesquelles une partie peut reconnaître la compétence d'une juridiction, l'une par contrat, l'autre par l'acte de la comparution ”[100].

 

    23.— Il nous semble cependant que la prorogation tacite n'est ni plus ni moins qu'un contrat tacite, cette qualification étant tout à fait envisageable tant il est vrai que les formes de l'expression de la volonté sont libres. Une partie peut très bien manifester sa volonté de contracter sans qu'il soit besoin qu'elle l'exprime verbalement ou par écrit, son acceptation pouvant tout aussi bien être implicite. Dans cette perspective, la saisine par le demandeur d'un juge incompétent constituerait une offre de contrat d'élection de for qui serait acceptée par le défendeur en raison de son comportement procédural. Comme l'écrit Mme GAUDEMET-TALLON dans sa thèse, “ si le contrat peut être défini comme un accord de deux volontés, qu'importe que ces volontés se manifestent sous la forme d'un écrit ou résultent d'une simple attitude active ou passive, qu'elles soient explicitées avant la naissance du procès ou n'apparaissent qu'au début de l'instance : dans tous les cas il y aura manifestation de deux volontés, accord entre ces volontés et donc contrat ”[101].

 

    Cette opinion a d'ailleurs été implicitement consacrée par la CJCE dans l'arrêt Elefaten Schuh c/ Jacqmain[102]. En l'espèce, le demandeur avait intenté son action devant un tribunal belge alors que les parties avaient conventionnellement désigné une juridiction allemande. Le défendeur commença par contester le bien-fondé des demandes dirigées contre lui pour ensuite contester la compétence internationale de la juridiction saisie au motif que les parties avaient conclu une clause d'élection de for. La Cour de cassation de Belgique forma un recours préjudiciel devant la Cour de Luxembourg afin de savoir si l'article 18 de la Convention de Bruxelles s'applique lorsque les parties ont conclu une convention attributive de juridiction au sens de l'article 17. En répondant qu'“ il n'y a pas de motif tenant à l'économie générale ou aux objectifs de la convention pour considérer que des parties à une clause attributive de compétence au sens de l'article 17 seraient empêchées de soumettre volontairement leur litige à une autre juridiction que celle prévue par ladite clause ” (motif n° 10), la Cour de Justice affirme le caractère contractuel de la prorogation tacite. Comme l'indique la Cour, seule la volonté des parties peut défaire ce que cette même volonté a pu décider. Ce n'est, à vrai dire, qu'une simple application des principes régissant le droit des contrats[103].

 

    L'argumentation de la CJCE emporte la conviction et s'étend bien au delà du droit européen. La prorogation de compétence, qu'elle soit exprès ou tacite, procède toujours à l'origine d'un accord de volontés et non de la simple mise en œuvre d'un mécanisme processuel bien que son efficacité soit subordonnée aux règles de procédure civile. Comme l'indiquent MM. GOTHOT et HOLLEAUX, l'article 18 a pour seul objet de donner “ un effet attributif de compétence au contrat judiciaire qui se forme entre les parties ”[104].

 

    24.— Du reste, l'idée selon laquelle la prorogation tacite ne constituerait pas un véritable contrat en raison de la négligence ou de l'ignorance du défendeur, si elle n'est peut-être pas dénuée de pertinence en droit interne, doit être vigoureusement écartée en matière internationale. Omettre de soulever l'incompétence du juge parisien au profit du juge versaillais est une chose ; ne pas soulever l'incompétence des tribunaux de Miami, d'Athènes ou de Madrid, alors que le tribunal de Paris peut retenir sa compétence, en est une autre. L'importance de la compétence internationale est sans commune mesure avec la compétence territoriale interne si bien que l'on peut y voir davantage une différence de nature qu'une différence de degré. Derrière la détermination de l'ordre juridictionnel compétent se profile celle de la loi qui sera applicable au fond du litige : le juge saisi applique sa règle de conflit de lois ainsi que sa propre conception de l'ordre public international. Dans ces conditions, il est peu probable que le défendeur fasse preuve de légèreté, surtout s'il s'agit d'un opérateur du commerce international. D'une manière générale, les parties à un procès international sont particulièrement attentives, surtout lorsqu'il est question d'aller plaider sa cause devant le juge d'un pays étranger. Il ne fait aucun doute que le défendeur, qui ne connaît pas le système judiciaire appliqué par le tribunal dont la compétence est prorogée, se fera utilement conseiller sur ses droits avant d'engager des frais pour comparaître devant une juridiction étrangère. Il n'ignore assurément pas qu'il lui suffit de soulever l'exception d'incompétence pour mettre un terme à l'instance engagée[105]. Il est probable par conséquent que son silence équivaut à une manifestation non équivoque de sa volonté de ne pas contester la compétence du juge saisi. Par là-même, il ne fait que consentir au contrat de compétence que lui propose le demandeur en portant le litige devant une juridiction internationalement incompétente.

 

    B/ La qualification de convention d'élection de for

 

    25.— Pour qu'une convention puisse recevoir la qualification d'accord d'élection de for, il est nécessaire qu'elle procède à la désignation d'un tribunal ou des tribunaux d'un État pour connaître d'un litige existant ou à venir.

 

    Ainsi lorsque les parties n'ont entendu qu'écarter la compétence du ou des tribunaux compétents sans vouloir procéder à la désignation du juge devant connaître de leur différend, il ne s'agit pas d'une élection de for mais plutôt d'une clause de renonciation à l'action en justice[106]. Si de tels accords peuvent, sous certaines conditions, limiter le droit d'agir en justice[107], c'est toutefois sous cette réserve que l'action en justice ne doit pas faire l'objet d'une renonciation générale et absolue de la part d'un individu[108].

 

    Il se peut toutefois que les parties, à défaut d'avoir spécifié le for compétent, aient conclu des accords qui influent sur la détermination du juge compétent parce qu'ils modifient la localisation des éléments pris en compte par les règles de compétence. Il s'agit principalement des clauses relatives à l'exécution des contrats par lesquelles les parties fixent conventionnellement le lieu de leur domicile[109] ou de leur paiement. Souvent, ces stipulations ont pour effet d'entraîner la concentration des chefs de compétence dans un seul État, de sorte que seules les juridictions de cet État peuvent connaître du litige. Ces clauses permettent à tout le moins à un cocontractant — généralement celui qui se trouve en situation de force — d'être toujours à même de saisir le juge de son domicile. La question peut alors se poser de savoir si elles ne devraient pas, dans ce cas, être qualifiées d'accord d'élection de for.

 

    26.— En droit interne, les clauses d'élection de domicile sont assimilées aux clauses attributives de juridiction. Cette affirmation se fonde en premier lieu sur un argument de texte. L'article 111 du Code civil relatif à l'élection de domicile renvoie à l'article 48 du nouveau Code de procédure civile qui, du reste, s'applique aux clauses dérogeant directement ou indirectement à la compétence territoriale ce qui, d'une manière générale, concerne toutes les stipulations ayant un effet attributif de compétence, que ce soit à titre principal ou secondaire. On indiquera cependant que la jurisprudence distingue selon que l'élection de domicile a été faite dans l'intérêt du demandeur d'une part, ou dans l'intérêt des deux parties, et à plus forte raison dans l'intérêt du défendeur, d'autre part. Dans le premier cas, le demandeur pourra choisir entre le tribunal du domicile réel et le tribunal du domicile élu. Dans le second cas, seul le tribunal du domicile élu pourra être saisi[110].

 

    27.— La situation est moins nette en ce qui concerne les relations privées internationales. Naguère, la jurisprudence considérait qu'une simple élection de domicile valait renonciation au privilège des articles 14 et 15 du Code civil[111], ce qui revenait à l'assimiler à une élection de for. BARTIN se déclarait d'ailleurs en faveur de cette assimilation[112]. Peu à peu cependant, la jurisprudence allait amorcer un recul et admettre qu'en soi, une clause d'élection de domicile “ n'implique pas nécessairement une intention élective ”[113]. Il semble désormais établi en doctrine et en jurisprudence “ que pour que le domicile élu soit attributif de compétence, il doit y avoir manifestation de volonté des parties en ce sens ”[114]  / [115].

 

    28.— En ce qui concerne les clauses fixant le lieu du paiement, la jurisprudence refuse d'y voir une clause d'élection de for. Cette solution, affirmée depuis longtemps en droit commun des conflits de juridictions[116], a été consacrée en droit conventionnel européen par la CJCE[117]. Saisie par le BGH de la question de savoir si la clause fixant le lieu de paiement devait se conformer aux conditions de forme de l'article 17 relatif aux accords d'élection de for, la Cour de Justice a dit pour droit que “ la compétence du lieu d'exécution (prévue à l'article 5°1) et celle du tribunal élu (prévue à l'article 17) sont deux concepts distincts, et que seules les conventions d'élection de for sont soumises aux exigences de forme prévues à l'article 17 de la Convention ” (motif n° 4).

 

    29.— De prime abord, cette solution n'est pas contestable et peut s'appliquer tout aussi bien aux clauses de fixation du lieu de paiement qu'aux clauses d'élection de domicile. En effet, il n'est pas douteux que les clauses fixant le lieu du paiement n'ont pas pour objet direct la désignation d'un tribunal, leur fonction concernant en premier chef les obligations substantielles du contrat[118]. On ajoutera d'ailleurs qu'il en est de même s'agissant des clauses d'élection du domicile. À côté de la tâche essentielle qui lui est assigné en matière de compétence juridictionnelle, le domicile joue un rôle de premier plan en matière de signification d'acte judiciaire où d'acte extrajudiciaire et surtout lorsqu'il est question de déterminer le lieu du paiement d'une somme d'argent.

 

    Au surplus, si la clause d'élection de for confère en principe une compétence exclusive au juge élu, il apparaît évident que les clauses fixant le lieu du paiement[119] et les clauses d'élection de domicile ne privent pas le demandeur des options de compétence instituées par le droit judiciaire en matière contractuelle.

 

    En conséquence, si les clauses d'élection de domicile et les clauses fixant le lieu d'exécution du contrat sont “ attributives de compétence ” lorsque le domicile et le lieu du paiement sont pris en compte par les règles de compétence, il apparaît évident qu'elles n'ont pas pour objet principal la désignation directe d'un juge. Partant, elles ne peuvent être assimilées aux accords d'élection de for.

 

    30.— Ce constat doit toutefois être nuancé lorsque les parties, sous couvert d'une clause d'élection de domicile ou d'une clause fixant le lieu du paiement, ont eu pour principal objectif la détermination du tribunal internationalement compétent. M. HUET le reconnaît implicitement lorsqu'il considère que la dissociation entre les clauses de fixation du paiement et les clauses d'élection de for a pour avantage d'échapper aux conditions de l'article 17 de la Convention de Bruxelles[120]. De son côté, MEZGER rappelle qu'en matière de dette de somme d'argent, la détermination du lieu de paiement est secondaire et que les projets d'une Convention internationale sur la détermination du lieu d'exécution des dettes monétaires ont échoué précisément en raison de leur incidence sur la compétence judiciaire[121]. À cet égard, HOLLEAUX a relevé qu'hormis le cas où le litige concerne les modalités de paiement, le lieu de paiement d'une somme d'argent est en soi peu significatif si bien que les clauses relatives à ce lieu risquent de jouer un rôle d'élection de for subreptice[122]. Dans de telles circonstances, il nous semble évident que ces clauses peuvent être assimilées à des clauses d'élection de for stricto sensu. Certes, le juge élu n'est pas exclusivement compétent et le demandeur conserve la possibilité de saisir les autres tribunaux compétents. Mais cette possibilité demeure illusoire si le domicile élu de la partie “ défavorisée ” ou le lieu d'exécution du contrat sont fixés dans l'État dans lequel la partie “ favorisée ” est domiciliée. Du reste, la clause d'élection de domicile ou la clause de fixation du lieu de paiement peuvent être imposées par la partie forte à la partie faible précisément dans le but de contourner les restrictions affectant les accords d'élection de for, notamment en matière de contrats passés avec les consommateurs et en matière de contrat de travail. La requalification de la clause d'élection de domicile ou de la clause fixant le lieu du paiement en clause d'élection de for devrait par conséquent être possible s'il s'avère que les effets juridictionnels de ces stipulations l'emportent sur les autres effets légaux attachés au domicile ou au lieu de paiement.

 

    31.— Il y a lieu, enfin, d'opérer une distinction entre le choix d'une loi étrangère et le choix d'un juge. Selon, en effet, une jurisprudence fermement établie, le fait que le contrat soit soumis à une loi étrangère ne permet pas en lui-même de considérer que les parties ont souhaité choisir les tribunaux étrangers de l'État dont la loi est désignée[123]. La convention d'electio juris[124] doit donc être nettement distinguée de la convention d'élection de for. Cette solution se trouve indirectement réaffirmée par l'exclusion des accords d'élection de for du champ d'application de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (article 1§2, d) ).

 

§2 - Le caractère accessoire de la convention d'élection de for

 

    32.— Une fois admise la nature contractuelle de l'accord d'élection de for, il convient de s'interroger sur les liens qui l'unissent au contrat auquel il se rattache. On remarque à cet égard que loin de constituer un contrat distinct, la clause d'élection de for constitue une stipulation accessoire du contrat dans lequel elle est stipulée (A/), même si elle ne suit pas nécessairement le sort de ce contrat lorsqu'il se trouve anéanti (B/).

 

 

 

 

    A/ La clause d'élection de for est une stipulation accessoire

 

    33.— Une partie importante de la doctrine voit dans le contrat et les clauses de compétence (clauses d'élection de for et clauses compromissoires) deux actes différents. Ainsi pour M. FRAGISTAS “  il y a deux contrats, l'un de droit civil ou de droit commercial, l'autre de procédure ”[125]. De son côté, Mme GAUDEMET-TALLON voit dans la prorogation expresse “ un contrat autonome ” indépendant du contrat principal[126]. Selon SAUSER-HALL, “ il est inexact de considérer la clause compromissoire comme indissolublement liée à la Convention dans laquelle elle est insérée ; il y aurait, en réalité, deux conventions procédant de deux actes de volonté distincts, qui n'auraient entre eux que le lien matériel du contrat qui les contient ”[127]. Pour MOTULSKY, “ il y a, de toute nécessité, deux conventions ; car, selon sa rédaction habituelle, la clause compromissoire entend régler “ les différends ” auxquels le présent contrat pourra donner lieu : c'est assez dire que le “ contrat ” constitue l'objet de la clause et que celle-ci se place donc logiquement à l'extérieur ”[128]. De son côté, Mme NIBOYET-HOEGY estime que le principe de l'indépendance du contrat principal et de la clause compromissoire résulte de la prise en compte d'une dualité de contrats portant sur des objets différents. En conséquence, “ la clause compromissoire résulte toujours d'un échange de consentements distincts, qu'elle prenne la forme d'un accord séparé ou qu'elle soit incluse dans la convention principale ”[129]. Enfin selon Mme Coipel-Cordonnier, les conventions d'arbitrage et les conventions d'élection de for sont des contrats à part entière[130] mais qui présentent une dimension accessoire dans la mesure où elles ne se suffisent pas à elles-mêmes mais concernent toujours un certain rapport juridique[131].

 

    34.— Les arguments développés en faveur de cette dualité ont pour principal objectif de justifier “ l'autonomie ” de la clause par rapport au contrat de base ce qui produirait principalement deux effets. Cette autonomie, d'une part, empêcherait en matière de nullité ou de résolution que l'anéantissement rétroactif du contrat s'étende à la clause qui ainsi demeurerait efficace. Elle justifierait, d'autre part, en matière de compétence législative la possibilité pour la clause d'être soumise, soit à une autre loi que celle régissant le contrat principal, soit à une réglementation matérielle propre aux relations privées internationales.

 

    Il n'est pas sûr, cependant, que l'affirmation selon laquelle la convention d'élection de for constitue un contrat à part permette de rendre compte des conséquences que l'on attribue à ce “ principe d'autonomie ”. Tout d'abord, parce qu'au regard du conflit de lois, le fait de considérer qu'il s'agisse d'un contrat distinct ne signifie pas pour autant que des règles matérielles doivent ipso facto lui être appliquées. Les règles de conflit relatives aux contrats devraient dès lors toujours lui être appliquées. Du reste, il est tout à fait possible d'admettre qu'une stipulation contractuelle soit soumise à une loi qui lui soit propre sans pour autant y voir un acte juridique distinct. Il est en effet communément admis qu'un contrat puisse être soumis à plusieurs lois[132]. Par conséquent, le fait que la clause d'élection de for soit régie par une loi autre que celle qui s'applique au contrat peut tout à fait être le fruit d'un “ dépeçage ” de ce contrat au plan de la compétence législative.

 

    Prétendre au demeurant que la convention d'élection de for est un contrat séparé ne permet pas de justifier qu'elle puisse être immunisée contre la nullité du contrat principal. Compte tenu en effet de sa dimension accessoire, cette convention apparaît comme un contrat tributaire du contrat de base. Partant, elle devrait immanquablement suivre le sort du contrat principal en cas de nullité ou de résolution de ce dernier si l'on se réfère aux solutions communément admises en matière de groupe de contrats.

 

    35.— L'on peut dès lors douter que la clause d'élection de for constitue vraiment un contrat à part. En effet, ainsi qu'à pu l'écrire M. Mayer à propos de la clause compromissoire — mais il n'y a pas de raison de penser qu'il en soit autrement pour la clause d'élection de for — “ les liens entre le contrat et la clause qui y est insérée sont trop subtils pour qu'une expression militante comme celle de “complète autonomie” puisse en rendre compte de façon satisfaisante. A fortiori en est-il ainsi lorsque l'on voit dans cette autonomie une séparation radicale entre deux contrats ”[133]. Sur un plan formel, d'abord, parce que l'accord d'élection de for est le plus souvent inscrit dans le même instrumentum que le contrat dit “ principal ”. Il est certes possible que deux negocium figurent sur un même instrumentum. Mais encore faudrait-il que cette conséquence se déduise nettement de la volonté des parties ce qui, sans être inconcevable, s'avère rarissime s'agissant des clauses relatives au différend. Mme KAUFMANN-KOHLER, pourtant favorable à la thèse dualiste, reconnaît d'ailleurs que “ dans l'esprit des parties, l'élection de for constitue la simple clause d'un seul contrat ”[134]. Tel est sans doute l'argument essentiel permettant de soutenir que la clause d'élection de for constitue une stipulation accessoire du reste du contrat. Du point de vue des parties, en effet, “ la clause constitue un élément du régime contractuel ”[135], l'un des aspects de la relation qu'elles établissent entre elles, même si elle se distingue par son objet de l'obligation principale du contrat dans lequel elle se trouve insérée.

 

    36.— Sans doute se peut-il qu'une convention d'élection de for constitue un contrat à part entière. C'est le cas, bien évidemment, lorsqu'elle est conclue en matière extra-contratuelle. C'est le cas, également, lorsqu'en matière contractuelle, elle est conclue après la survenance du litige. A fortiori, il en est de même en cas d'accord tacite. Ces hypothèses mises à part, force est de reconnaître que la convention d'élection de for est, à l'instar des clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité ou des clauses pénales, une stipulation accessoire faisant partie intégrante du contrat lui-même[136]. Elle se trouve, pour emprunter la terminologie de M. GOUBEAUX, affectée au service de l'obligation principale[137] en raison de son rôle qui consiste à déterminer le tribunal compétent pour les contestations relatives à la validité et à l'exécution du contrat.

 

    Cette solution est de loin la plus raisonnable. Admettre le contraire reviendrait à exiger que l'accord d'élection de for fasse l'objet d'une acceptation distincte du contrat principal. Dès lors, le destinataire d'une offre pourrait arguer n'avoir accepté que le contrat et non la clause, notamment en cas de silence de sa part. Dans cette hypothèse, il est plus réaliste de considérer qu'en donnant son consentement à une offre de contrat comprenant, parmi ses stipulations, une clause attributive de juridiction, le destinataire de la pollicitation n'a conclu qu'un seul contrat. Au demeurant, il est à craindre qu'une dualité de contrats constitue un obstacle à ce que la clause d'élection de for, à l'instar des autres stipulations contractuelles, puisse être transmise avec le contrat, que cette transmission procède de l'effet de la loi ou de la volonté des parties.

 

    37.— La jurisprudence a d'ailleurs affirmé sans détour le caractère de stipulation accessoire de la clause d'élection de for. Naguère la Cour d'appel de Paris, en se prononçant sur la loi applicable à la clause d'élection de for, avait précisé qu'elle constituait “ une convention sur la compétence, incluse dans un contrat ” et qu'elle représentait l'“ accessoire de ce contrat principal […] comme faisant partie intégrante de l'ensemble économique et juridique qu'il constitue ”[138]. Plus récemment la Cour de cassation, dans l'arrêt Siaci c/ Zim Israël Navigation Cie, a jugé que la clause attributive de juridiction stipulée dans un contrat international “ fait partie de l'économie de la convention ”[139]. Statuant à propos de la renonciation à l'article 14 du Code civil, la première Chambre civile a imposé la charge de la clause attributive de juridiction à l'assureur français subrogé dans les droits du créancier, ne faisant qu'affirmer par là-même son caractère accessoire dans la mesure où elle se trouve justement transmise avec le droit substantiel.

 

    Le caractère accessoire de la clause d'élection de for a été également affirmé en droit conventionnel européen à propos d'une affaire où une telle clause figurait dans les statuts d'une société. À cette occasion, la CJCE prit soin de vérifier si les statuts étaient considérés comme un contrat au sens de la Convention de Bruxelles afin de pouvoir dire si la clause qui y figurait constituait une “ convention attributive de juridiction ” au sens de l'article 17[140]. Une telle démarche aurait été inutile si la Cour avait estimé que la clause d'élection de for était un contrat distinct dès lors qu'une clause intervenant en matière extra-contractuelle est tout à fait envisageable. En recherchant si les statuts d'une société constituent un contrat, la Cour de Justice a admis implicitement que la clause d'élection de for qu'ils comportent en est une partie non détachable. Dire, en effet, que l'acte qui contient la clause doit relever de la matière contractuelle revient à affirmer, d'une part, que la clause est de nature contractuelle et, d'autre part, qu'elle est une stipulation accessoire du contrat dans lequel elle se trouve insérée.

 

    B/ L'incidence de l'anéantissement du contrat sur la clause d'élection de for

 

    38.— En tant que stipulation accessoire, la clause d'élection de for devrait en principe suivre le sort du contrat principal en cas d'anéantissement de ce dernier. La question peut alors se poser de savoir si le juge désigné par la clause peut être saisi d'une demande qui, si elle était accueillie, aurait pour conséquence d'entraîner l'anéantissement rétroactif du contrat. L'on songe à la nullité, invoquée en demande ou par voie d'exception, et à la résolution. Si le juge prononce la nullité ou la résolution du contrat, l'anéantissement rétroactif qui s'ensuivra devrait en principe affecter la clause de compétence… en vertu de laquelle il a été saisi. Dès lors, le simple fait d'alléguer la nullité ou la résolution du contrat devrait l'empêcher de se déclarer compétent.

 

    Cette conséquence est profondément inopportune, surtout lorsque selon la volonté des parties, les litiges relatifs à la nullité ou à la résolution du contrat sont compris dans le champ d'application de la clause d'élection de for. La seule possibilité pour sortir de cette impasse consisterait à appliquer à cette clause un régime dérogatoire qui la protégerait d'une action susceptible d'engendrer l'anéantissement rétroactif du contrat. Un tel régime, habituellement qualifié d' “ autonomie ”, ne contredit pas l'idée selon laquelle la convention d'élection de for n'est pas un contrat distinct. Voir en effet dans la clause d'élection de for une simple stipulation accessoire n'empêche pas de reconnaître une certaine émancipation de cette dernière par rapport au contrat dans lequel elle est stipulée. En ce sens, les qualificatifs d'“ accessoire ” et d'“ autonomie ” ne sont pas foncièrement antinomiques[141]. Il est d'ailleurs banal en droit des contrats qu'une stipulation particulière puisse, pour certaines questions, relever d'un régime juridique particulier.

 

    39.— En droit interne, la Cour de cassation a jugé que la résolution pour inexécution d'un contrat n'est pas de nature à faire obstacle à l'application de la clause attributive de juridiction[142]. Mais, bien que l'annulation et la résolution aient l'une comme l'autre pour effet l'anéantissement rétroactif du contrat, la jurisprudence adopte une solution inverse en matière de nullité[143]. L'autonomie de la clause attributive de juridiction ne se trouve donc pas nettement affirmée.

 

    Force est de reconnaître qu'il en est également ainsi en droit commun des conflits de juridictions. Bien que rare sur le sujet, la jurisprudence contemporaine refuse de faire jouer la clause d'élection de for lorsque la nullité du contrat est invoquée[144] et ce en dépit des objections de la majorité de la doctrine[145]. Cette situation est d'autant plus surprenante depuis que le célèbre arrêt Gosset, rendu en 1963, a consacré l'autonomie de l'accord compromissoire en excluant qu'il puisse être affecté par une éventuelle invalidité du contrat[146]. Rien en effet ne justifie que le régime de ces deux clauses diverge sur ce point[147].

 

    40.— L'on peut toutefois espérer que la récente consécration du principe d'autonomie en droit conventionnel européen entraînera une évolution de la jurisprudence en droit commun des conflits de juridictions. Dans un affaire Francesco Benincasa c/ Dentalkit, la Cour de Justice a, en effet, dit pour droit que la juridiction d'un État contractant désignée par une clause attributive de juridiction valablement conclue au regard de l'article 17 de la Convention de Bruxelles est      “ exclusivement compétente lorsque l'action vise notamment à faire constater la nullité du contrat qui contient ladite clause ”[148]. Pour justifier cette solution, la CJCE s'est opportunément fondée sur l'esprit de sécurité juridique exprimé par les règles de compétence de la Convention de Bruxelles. Cette sécurité juridique implique, tout d'abord, que le juge national “ puisse aisément se prononcer sur sa propre compétence sur la base des règles de la Convention, sans être contraint de procéder à un examen de l'affaire au fond ” (motif n° 27). L'accent est mis, ensuite, sur le fait que cette sécurité “ pourrait être aisément compromise s'il était reconnu à une partie contractante la faculté de déjouer cette règle de la Convention [i.e. l'article 17] par la seule allégation de la nullité de l'ensemble du contrat pour des raisons tirées du droit matériel applicable ” (motif n° 29). Ce faisant, la Cour de Justice se montre fidèle à la position qu'elle avait auparavant consacrée à propos de la compétence spéciale de l'article 5-1° de la Convention de Bruxelles où elle avait jugé que le for du lieu d'exécution du contrat reste compétent même si la formation du contrat qui est à l'origine du recours est litigieuse entre les parties[149]. On relèvera, enfin, qu'en utilisant l'adverbe “ notamment ”, la Cour de Justice n'entend pas cantonner sa solution à la seule action en nullité mais, au contraire, entend la faire jouer à toutes les actions susceptibles d'entraîner l'anéantissement rétroactif du contrat, particulièrement l'action en résolution[150].

 

    41.— Il reste à s'interroger sur la portée de ce principe d'autonomie. Ce que nous avons mentionné jusqu'à présent concernait l'hypothèse d'une demande principale en nullité ou en résolution du contrat. La question peut alors se poser de savoir si l'autonomie doit jouer de la même façon lorsque la nullité du contrat est invoquée à l'appui d'une exception d'incompétence. Dans ce cas, en effet, l'invocation de la nullité ne fait pas obstacle à la compétence du juge puisqu'il n'est pas saisi de la nullité du contrat mais de la nullité de la clause, même s'il doit à cette occasion examiner la régularité du contrat qui la porte. Dans cette perspective, le principe d'autonomie n'aurait pour fonction que de donner effet à la clause lorsque la volonté des parties aurait indiqué que le juge élu devait connaître de leur litige en matière de nullité. Il ne signifierait pas que, compte tenu du caractère accessoire de la clause, la nullité du contrat ne puisse jamais rejaillir sur elle.

 

    Tel n'est pas, il faut le reconnaître, l'acception qui est habituellement conférée au principe d'autonomie. Au sens large, il signifie que la clause de compétence ne peut être affectée par une éventuelle invalidité de contrat, qu'elle soit invoquée en demande ou en défense. Le juge, dit-on, ne devrait pas aborder des questions de fond lorsqu'il statue sur sa compétence. Invoqué notamment par la Cour de Justice, cet argument ne manque assurément pas de pertinence. On ne peut toutefois s'empêcher de penser que certaines causes d'annulation du contrat ne peuvent que se répercuter sur toutes les stipulations qu'il renferme, y compris les clauses de compétence. Exprimé par MM. Solus et Perrot en matière de “ prorogation volontaire de compétence ”[151] et repris par M. Mayer en matière de clause compromissoire[152], ce constat nous apparaît évident dans les hypothèses de nullité pour l'incapacité[153], pour absence de pouvoir[154], pour dol[155] et pour violence[156]. Lorsqu'en revanche, la cause de nullité se rapporte à l'essence même du contrat — par exemple la nullité pour erreur sur les qualités substantielles de la chose[157] ou la nullité pour illicéité[158] — la clause d'élection de for ne devrait pouvoir en être affectée. De telles conséquences ne seraient toutefois possibles que si elles sont admises par la loi applicable à la clause d'élection de for[159]. Seule cette loi, en principe, devrait indiquer dans quel cas la nullité du contrat se répercute sur la clause d'élection de for.

 

 

 

 

 

 

Section II

Un contrat destinÉ À mettre en œuvre

une rÈgle de compÉtence internationale

 

 

    42.— Selon BARTIN, deux éléments permettent de caractériser l'intervention de la volonté commune des plaideurs dans la détermination de la compétence internationale : un élément d'exclusion, par lequel les parties renoncent à la compétence du tribunal qui aurait dû connaître du litige, et un élément d'attribution, par lequel les parties vont proroger la compétence d'une juridiction qui normalement ne l'était pas[160]. Ces deux éléments sont liés l'un à l'autre et ne sauraient produire indépendamment leurs effets. Cette analyse de la convention d'élection de for a été reprise par la plupart des auteurs. Selon le Dictionnaire de la terminologie du droit international privé, la prorogation de compétence s'entend comme “ l'extension, par le consentement des parties en cause, de la compétence d'un tribunal à une affaire qui, d'après les règles ordinaires, n'en relevait pas ”[161]. Dans le même sens, Mme GAUDEMET-TALLON définit la prorogation volontaire de juridiction comme “ l'acte par lequel les parties vont soustraire leur différend au tribunal qui aurait dû en connaître pour le porter devant une juridiction de leur choix ”[162], l'objet de cet acte étant double puisqu' “ il confère compétence à un tribunal en repoussant la compétence d'un autre”[163].

 

    43.— La convention d'élection de for ne peut toutefois être un “ contrat modificateur de compétence internationale ”[164] qu'à la condition qu'il puisse être “ dérogé ” aux règles de compétence qui “ normalement ” auraient dû s'appliquer. Selon en effet MM. SOLUS et PERROT, “ si la prorogation aboutit effectivement à porter le litige devant un juge qui normalement est incompétent, elle ne permet d'atteindre ce résultat que dans la mesure où l'y autorisent la nature et le caractère des règles de compétence ”[165]. Exprimé à propos de la compétence interne, ce point de vue est partagé par la plupart des manuels de droit international privé qui abordent les conventions d'élection de for lors de l'étude du “ régime de la compétence internationale ”[166]. Cette présentation laisse penser qu'une fois connues les règles de compétence internationale françaises, il est possible au stade de leur mise en œuvre de “ déroger ” conventionnellement à celles qui présentent un caractère facultatif.

 

    Cette manière de voir n'est assurément pas inexacte : la volonté des parties ne peut utilement désigner un juge que si la règle de compétence qui aurait dû être appliquée en l'absence d'accord d'élection de for est d'intérêt privé. Elle ne permet cependant pas de justifier en quoi le juge désigné par les parties peut statuer. Comment en effet expliquer que l'“ on attribue compétence à un tribunal qui n'a pas le moindre germe de compétence ”[167], que l'accord d'élection de for crée une compétence internationale à côté de celles prévues par la loi[168] ou, pour reprendre les mots de MM. Solus et Perrot, que la juridiction dont la compétence est “ prorogée ” n'est pas “ légalement compétente ”[169] ?

 

    44.— On relèvera, en premier lieu, qu'il n'est pas rare que le tribunal désigné soit déjà compétent à un autre titre en vertu de sa propre loi. Il est fréquent dans l'ordre international que plusieurs États puissent revendiquer la compétence internationale directe de leurs tribunaux. De fait, il est très probable que le juge élu aurait tout de même été compétent sur le fondement d'une règle “ normale ” de compétence, par exemple en tant que for du domicile du défendeur ou for du lieu d'exécution du contrat. D'aucuns considèrent alors qu'il n'y a pas en l'occurrence de véritable “ prorogation de compétence ”. Si le juge désigné est déjà compétent, le choix des parties n'aurait pour objet que d'exclure la compétence des autres tribunaux susceptibles de retenir leur compétence[170]. La compétence du juge élu, “ confortée ” par l'accord d'élection de for, devient alors exclusive.

 

    Il n'en demeure pas moins qu'il sera souvent difficile de déterminer à l'avance si la juridiction désignée par les parties aurait également pu être compétente sur le fondement d'autres règles de compétence. Si, par exemple, la clause d'élection de for désigne le tribunal de l'État où l'une des parties est domiciliée, la question de savoir si cette clause “ conforte ” ou “ proroge ” cette compétence dépendra de la position procédurale de la partie domiciliée dans cet État, position que l'on ignore lorsque la clause d'élection de for est conclue. On ne peut alors, pour des raisons de prévisibilité, se contenter de retenir cette explication. Il importe par conséquent de savoir avant tout litige ce qui pourrait expliquer que le juge élu puisse statuer alors même qu'il ne serait pas déjà “ normalement ” compétent.

 

    45.— Prétendre, à cet égard, que les parties ont “ prorogé ” la compétence du juge élu laisse penser que cette compétence est instituée par le seul effet de l'autonomie de la volonté. L'on peut cependant douter de la pertinence de cette proposition. Ne revient-elle pas à imposer au juge une compétence issue d'un contrat auquel il n'est pas partie ? Il est intéressant, de ce point de vue, de rapporter ce qu'écrivait naguère le Doyen Carbonnier afin de justifier le formalisme de l'article 7 du Code de procédure civile qui n'admettait les prorogations conventionnelles de compétence devant le juge de paix que si les parties avaient exprimé leur accord en présence de ce juge. Pour cet éminent auteur, “ s'il ne s'agissait que d'engendrer des obligations inter partes, on concevrait que la volonté privée fut efficace sans aucune intervention du juge […]. Mais il s'agit essentiellement de lier l'activité d'un tiers, fonctionnaire public, le juge en personne […] : on conçoit, dès lors, que l'opération ne puisse se dérouler hors la présence de ce fonctionnaire ”[171]. Le principe de l'effet relatif du contrat ne peut que condamner l'idée selon laquelle la compétence résulterait d'un accord auquel le juge ne serait pas partie. Il est, dans cette vue, intéressant d'opérer une comparaison avec l'arbitrage. Ce n'est pas, en effet, la convention d'arbitrage par laquelle les parties décident de confier à une juridiction arbitrale leur litige présent ou à venir qui permet à l'arbitre de statuer, mais le contrat d'arbitrage[172] passé entre le ou les arbitres et les parties.

 

    Faudrait-il alors aller jusqu'à subordonner l'efficacité de l'élection de for à la ratification par le juge de l'accord des parties qui le désigne ? L'exiger ruinerait la souplesse qui caractérise l'élection de for. C'est, d'ailleurs, pour cette raison qu'elle n'est pas, et ne devrait pas être, un contrat judiciaire[173]. À moins de considérer, selon une autre explication à laquelle nous adhérons, que le juge élu est obligé de connaître du litige non pas en raison de l'accord des parties, mais parce qu'une règle de droit lui commande de le faire. Et si la compétence peut être définie comme “ l'aptitude d'une juridiction à exercer son pouvoir de juger un litige de préférence à une autre ”[174], alors cette règle de droit est une règle de compétence, et plus précisément une règle de compétence internationale. Les règles de compétence internationale, en effet, ont pour objet “ de déterminer si un litige présente avec le for des liens suffisants pour que les tribunaux statuent. À une fonction de répartition dans un ordre juridictionnel donné, qui est celle de la compétence interne, s'oppose une fonction de rattachement à un ordre juridictionnel ”[175]. Dans ces conditions, la volonté commune des parties se présente comme un critère de rattachement à l'ordre juridictionnel du for[176].

 

    46.— La compétence de la juridiction désignée apparaît ainsi comme étant nécessairement préexistante à l'accord des parties. Loin d'attribuer compétence à une juridiction qui en est dépourvue, le rôle des parties se limite à désigner celle devant laquelle ils s'obligent à porter leur litige. Mais l'efficacité de cette désignation suppose obligatoirement l'intervention d'une règle de compétence qui, comme toute règle de droit, est composée de deux éléments : une hypothèse ou présupposé auquel est rattaché un effet juridique[177]. En l'occurrence, le présupposé désigne ici l'accord par lequel les parties s'obligent à saisir le juge élu et l'effet juridique la compétence de la juridiction désignée. Si donc l'accord d'élection de for sert à mettre en œuvre une règle de compétence dont il constitue la condition d'application, cette règle s'énoncera dans les termes suivants : lorsque par un accord de volontés, les parties sont convenues de soumettre leurs litiges présents ou à venir à un tribunal ou à des tribunaux français, l'affaire relève de la compétence internationale des juridictions françaises.

 

    En droit conventionnel européen, la structure de l'article 17 des Conventions de Bruxelles et de Lugano permet de soutenir l'existence d'une telle règle de compétence. Selon ce texte, si les parties […] sont convenues d'un tribunal ou des tribunaux d'un État contractant pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé ce tribunal ou ces tribunaux sont seuls compétents. En l'occurrence, le présupposé de l'article 17 paraît bien désigner un contrat, puisque les parties sont “ convenues ” d'un tribunal, et l'effet juridique apparaît comme la compétence exclusive de la juridiction désignée. Sans doute la formulation d'une telle règle de droit n'est-elle pas exprimée aussi clairement en droit commun des conflits de juridictions. Elle nous paraît toutefois se déduire de la reconnaissance par la jurisprudence du principe de licéité de l'accord d'élection de for[178].  Laisser aux parties la possibilité de choisir leur juge ne serait d'aucune utilité si ce juge était dépourvu de toute compétence. De fait, l'admission de la licéité de l'accord d'élection de for revient à reconnaître la compétence de la juridiction désignée[179].

 

    Considérer que la volonté commune des parties constitue, en soi, un critère de compétence invite alors à reconsidérer l'ordonnancement des règles de compétence internationale. Il ne s'agit plus, en effet, de voir uniquement dans l'accord d'élection de for un moyen d'écarter les règles de compétences facultatives. Dans cette perspective, il y aurait lieu de considérer qu'à côté des règles de compétences impératives figureraient celles qui fixent la compétence sur la volonté des parties et, enfin, celles qui instituent les différentes options de compétence offertes au demandeur en l'absence d'accord sur un tribunal ou sur les tribunaux d'un État. Cette présentation rend mieux compte des possibilités proposées aux plaideurs en matière de compétence judiciaire internationale.

 

    47.— Si donc la volonté commune des parties ne “ crée ” pas une compétence internationale, il est en revanche exact de dire que lorsque les parties désignent une juridiction, elles excluent très certainement une ou plusieurs autres juridictions qui auraient pu retenir leur compétence. Il est fréquent, en droit international privé, qu'un litige puisse être rattaché à plusieurs ordres juridictionnels. Cette exclusion, cependant, n'est pas une spécificité de l'élection de for mais découle de la mise en œuvre de toute règle de compétence. En effet, la problématique de la compétence juridictionnelle suppose nécessairement comme préalable l'existence d'une concurrence entre au moins deux tribunaux entre lesquels un choix s'impose. “ Que l'on institue une juridiction unique, et la compétence s'évanouit ”[180].

 

    Toutefois, le fait qu'une juridiction étrangère puisse également retenir sa compétence internationale parce qu'elle a été désignée par les parties n'entraîne pas ipso facto l'incompétence des juridictions françaises. Ce n'est que dans certaines situations bien précises, notamment lorsque l'affaire est également pendante devant une juridiction étrangère comme en matière de litispendance ou de connexité, que le juge français acceptera éventuellement de se dessaisir.

 

    Dès lors, pour que l'accord d'élection de for soit efficace, il faut qu'une autre règle de droit enjoigne au juge saisi de ne pas retenir sa compétence internationale lorsque les parties ont désigné une juridiction étrangère. Une telle règle s'énoncerait ainsi : lorsque par un accord de volontés, les parties sont convenues de soumettre leurs litiges présents ou à venir devant le tribunal ou les tribunaux d'un État étranger, l'affaire échappe à la compétence internationale des juridictions françaises.

 

    48.— L'exclusion apparaît ainsi comme le corollaire de la désignation. Il en résulte qu'elle se trouve subordonnée à cette dernière. Il s'ensuit que si le juge saisi n'est pas le juge élu, l'exclusion ne peut être régulière que si la désignation l'est aussi. L'efficacité de l'exclusion ne dépend certes pas uniquement de la validité de la désignation, la lex fori du juge exclu a certainement son mot à dire[181]. Mais l'on peut d'ores et déjà tenir pour acquis le fait que l'exclusion ne sera valable qu'autant que la désignation le sera également[182].

 

    Encore faut-il, pour ce faire, qu'il y ait une véritable concurrence entre l'ordre juridictionnel du juge exclu et l'ordre juridictionnel du juge élu. En effet, lorsqu'un seul ordre juridictionnel est concerné, la validité de la désignation et la validité de l'exclusion dépendent de la même loi, chacun de ces deux éléments étant, comme l'a justement relevé BARTIN, “ réglementé par elle en vue de l'autre qu'elle régit également ”[183]. Ainsi le particularisme de l'examen de la validité de l'exclusion disparaît lorsque l'accord d'élection de for entre dans le champ d'application des Conventions de Bruxelles et de Lugano. Qu'il soit élu ou exclu, le juge saisi appliquera le droit conventionnel européen et, partant, examinera la validité de l'accord d'élection de for en son ensemble. À cet égard, toute idée de dissociation de l'examen de la validité entre la désignation d'une part, et l'exclusion d'autre part, apparaît artificielle.

 

    49.— Si, en revanche, le juge saisi est le juge élu, il y a lieu de considérer que la validité de l'exclusion n'est pas son affaire. Mme GAUDEMET-TALLON considère pourtant qu'“ il est tout aussi fondé de voir dans l'attribution une conséquence, sinon inéluctable du moins pratiquement toujours réalisée, de la dérogation ”[184]. Cette opinion peut paraître discutable pour la simple et bonne raison que l'exclusion n'est que le résultat de la désignation. Selon nous, la désignation constitue toujours l'élément principal, l'exclusion ne devant être considérée que comme l'un de ses effets. Or, si l'effet est la conséquence de la cause, la cause ne peut être la conséquence de l'effet qu'elle génère.

 

    On rappellera que lorsque le litige relève du droit international privé commun, le juge saisi n'a pas à se poser la question de savoir si d'autres tribunaux étrangers peuvent également retenir leur compétence en raison du caractère unilatéral des règles de conflits de juridictions. Le juge français va uniquement se demander si l'affaire relève ou échappe à la compétence internationale des juridictions françaises. Il n'est pourtant pas douteux qu'en s'estimant compétent, le juge français exclut certainement la compétence internationale d'un juge étranger. Ce n'est, comme nous l'avons déjà dit, qu'une conséquence de l'application de toute règle de compétence. Pourquoi faudrait-il alors qu'il en soit autrement lorsque la règle de compétence se fonde sur la volonté commune des parties ? Comme l'a relevé avec pertinence HOLLEAUX, “ on ne méconnaît pas plus la compétence étrangère impérative en laissant les parties proroger la compétence des juges français qu'en les laissant user d'une compétence française légale ”[185].

 

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    50.— Conclusion du Chapitre prÉliminaire Contrairement à l'opinion fréquemment exprimée, l'accord d'élection de for ne saurait avoir une nature autre que exclusivement contractuelle. En aucun cas, il ne peut revêtir, même partiellement, la qualification d'acte de procédure par essence incompatible avec celle de contrat. Contrat relatif à la compétence s'il en est, son rôle consiste avant tout en la désignation d'un ou de plusieurs tribunaux ce qui le distingue des stipulations qui influent indirectement sur les règles de compétence. Au demeurant, l'accord d'élection de for ne constitue pas, tout au moins en matière de compétence contractuelle, un contrat autonome. Son caractère accessoire découle de ce qu'il a été passé pour le compte et au service d'un contrat de fond auquel il est subordonné. À cet égard, il représente une stipulation accessoire d'une grande importance dans l'équilibre général du contrat.

 

    L'accord d'élection de for ne peut à lui seul “ créer ” ou “ proroger ” la compétence de la juridiction désignée par les parties. Le juge élu, en effet, est tiers à cet accord et, partant, ne peut, par le seul effet de la volonté commune des parties, être contraint de statuer. Il ne le sera, en définitive, que parce qu'une règle de compétence internationale le rend apte à exercer son pouvoir juridictionnel. La volonté commune des parties apparaît ainsi comme un chef de compétence. La compétence du tribunal désigné par cet accord doit alors être considérée comme étant préexistante à la manifestation de la volonté des plaideurs et non une émanation de cette volonté. L'accord d'élection de for, que nous définirons comme le contrat par lequel les parties s'obligent à soumettre leurs différends présents ou à venir au tribunal ou aux tribunaux qu'elles ont désignés, apparaît ainsi comme la condition d'application d'une règle de compétence faisant de la volonté commune des parties un critère de rattachement à un ordre juridictionnel. Il y a donc lieu, par conséquent, de distinguer cette règle de compétence — incarnée par le principe d'admissibilité de l'élection de for — de l'accord de volontés chargé de la mettre en œuvre.


 

 

 

 

 

 

 

PREMIÈRE PARTIE

 

L'ADMISSIBILITÉ DE l'ÉLECTION DE FOR

 

 

 

 


    51.— L'intervention des règles de procédure civile internationale ne se limite pas à fonder la compétence du juge désigné ou à justifier l'incompétence du juge exclu. Ces règles définissent également le cadre dans lequel la volonté commune des parties peut intervenir en matière de compétence judiciaire internationale.

 

    Ce cadre est déterminé par ce qui est communément nommé le principe d' “ admissibilité ” ou de “ licéité ”. Ce principe se décline de deux manières. Ce qui est “ licite ”, tout d'abord, se définit comme ce qui est “ permis par un texte (loi, décret, etc.) ”[186]. Cette première acception de la licéité renvoie à la question de savoir si la possibilité même d'une élection de for est admise en droit international privé. Ce qui est “ licite ”, ensuite, s'applique à ce qui est “ conforme à l'ordre public (exprès ou virtuel) ”[187]. Il s'agit alors de déterminer les limites de ce qui est admis : la compétence fondée sur la volonté commune des parties n'est possible, en effet, que dans certaines matières.

 

    Ces deux conceptions de la licéité, loin de s'opposer, constituent en définitive les deux faces d'une même pièce : la volonté commune des parties ne constitue un critère de rattachement à un ordre juridictionnel uniquement dans la mesure de ce qui est autorisé par le droit, commun ou conventionnel, des conflits de juridictions du for saisi du litige. Ainsi seront successivement étudiés le principe de l'admissibilité (Titre I), puis les limites à ce principe (Titre II).

 


TITRE I

 

LE PRINCIPE D'ADMISSIBILITÉ

 

 

 

 

 

 

    52.— Si divers obstacles ont pu être dressés afin de refuser aux parties la possibilité de désigner le tribunal de leur choix dans le domaine des relations privées internationales, ils ont pour la plupart été écartés. Le droit international privé contemporain admet, surtout dans le domaine des relations commerciales, le principe de l'élection de for. Cette reconnaissance (Chapitre I), toutefois, n'est concevable que dans la mesure où sont réunies les conditions qui commandent la mise en œuvre de ce principe d'admissibilité et qui, selon la configuration de l'accord d'élection de for, sont définies, soit par le droit commun des conflits de juridictions, soit par le droit conventionnel européen (Chapitre II).

 


 

CHAPITRE I

 

LA RECONNAISSANCE DU PRINCIPE D'ADMISSIBILITÉ

 

 

 

 

 

    53.— En dépit de l'hostilité d'une partie de la doctrine à l'égard des accords d'élection de for, la jurisprudence va assez tôt affirmer le principe de leur licéité (Section I). Cette évolution jurisprudentielle a semblé être remise en cause par certains auteurs en droit commun des conflits de juridictions en raison des incertitudes suscitées par le nouveau Code de procédure civile, incertitudes qui seront ultérieurement levées par la jurisprudence (Section II).

 

 

Section I

La consÉcration du principe d'admissibilitÉ

 

 

    54.— Après avoir retracé l'évolution de la jurisprudence (§1), on abordera les débats doctrinaux relatifs au principe d'admissibilité (§2) avant d'illustrer l'utilité de ce principe (§3).

 

§1 - L'évolution de la jurisprudence

 

    55.— Avant le nouveau Code de procédure civile, aucun texte ne réglementait les clauses attributives de juridiction ni en droit interne[188], ni en droit international privé. S'agissant des conflits de juridictions, cette observation n'est en rien surprenante. On rappellera qu'à la suite de la codification du droit français, seuls deux textes furent consacrés à la compétence judiciaire internationale, les articles 14 et 15 du Code civil, selon lesquels les juridictions françaises sont internationalement compétentes chaque fois qu'un Français est demandeur (article 14) ou défendeur (article 15). Fondé uniquement sur ces deux textes, le droit français des conflits de juridictions se révéla déficient. Face à la carence de la loi, qui laissait notamment de côté la question de la compétence des juridictions françaises lorsque aucun Français n'était partie au litige et celle du régime de la compétence internationale, la jurisprudence fut amenée à jouer un rôle essentiel dans l'élaboration des règles de compétence internationale. Aussi bien, la Cour de cassation estimera-t-elle assez rapidement que l'article 14 du Code civil n'est pas d'ordre public et permet au Français de renoncer à son bénéfice[189], cette renonciation pouvant être conventionnelle et résulter d'une clause compromissoire[190], d'une clause d'élection de domicile[191] ou d'une clause donnant compétence à une juridiction étrangère[192]. Se trouvait ainsi affirmée l'admissibilité de principe des clauses d'élection de for. Licites parce que non prohibées par une disposition particulière de notre droit interne, elles ne se trouvaient pas davantage invalidées parce qu'elles dépossédaient les juridictions françaises de la compétence considérée comme facultative qu'elles tenaient de l'article 14 du Code civil.

 

    56.— De ce que les articles 14 et 15 du Code civil ne concernaient que les litiges où l'une des parties a la nationalité française, la jurisprudence en a longtemps déduit l'incompétence internationale des juridictions françaises dans les litiges entre étrangers[193]. Cette solution se répercutera en matière d'accord d'élection de for. Si la Cour de cassation admit la renonciation des Français à leur privilège de juridiction au moyen d'une clause désignant un ordre juridictionnel étranger, elle se montra plus réservée quant à la possibilité pour des étrangers de désigner l'ordre juridictionnel français. Dans cette hypothèse, la jurisprudence du XIXe siècle estimait que le juge français désigné et saisi n'avait en rien l'obligation de trancher le litige opposant deux étrangers, quand bien même ces derniers avaient consenti à être jugés par un tribunal français ; ce tribunal avait uniquement la faculté de statuer[194]. Cette jurisprudence, vivement critiquée en doctrine, fut abandonnée au XXe siècle lorsque la Cour de cassation renonça au maintien du principe de l'incompétence des juridictions françaises dans les litiges entre étrangers[195]. Une telle évolution était souhaitable. À l'instar du principe d'incompétence dans les litiges entre étrangers, laisser au juge la faculté de se dessaisir sous prétexte que l'accord d'élection de for qui le désigne a été passé par des parties de nationalité étrangère se révélait arbitraire et néfaste dans ses suites. L'existence d'une telle convention postulait certainement la localisation des principaux éléments du litige en France (domicile de l'une au moins des parties, exécution du contrat, etc.). Permettre dans ces conditions aux tribunaux français de ne pas statuer, autrement dit renvoyer les plaideurs devant un tribunal étranger, revenait à faire litière des intérêts des plaideurs et pouvait aboutir à un déni de justice si le tribunal étranger considérait que la clause était valable. Que par une sorte de “ renvoi ”, les tribunaux français retiennent finalement leur compétence sur le fondement du déni de justice s'avérait pour le moins funeste[196]. Le respect des légitimes prévisions des parties imposait donc la consécration de la pleine efficacité de l'accord d'élection de for, que le juge désigné soit français ou étranger et ce, quelle que soit la nationalité des plaideurs.

 

§2 - Les débats doctrinaux

 

    57.— Si cette évolution jurisprudentielle fut approuvée par une partie importante de la doctrine[197], certains auteurs y furent résolument opposés. Ainsi BARTIN qualifia la possibilité pour les parties de choisir le juge devant connaître de leur litige d'“ étrange anomalie ”[198]. Selon cet éminent auteur, la détermination de la compétence générale directe touche essentiellement l'ordre public. Cette opinion procède d'un rapprochement entre les conflits de lois et les conflits de juridictions. Ces deux systèmes de compétence, selon BARTIN, tendent à la même fin, “ à savoir l'administration de la justice dans les rapports internationaux d'ordre privé ”[199]. Ils sont dès lors dominés par le même esprit et présentent les mêmes caractères fondamentaux. Or, le caractère fondamental qui se retrouve dans le système de solutions des conflits de lois et le système de solutions des conflits de juridictions est qu'ils traduisent  “ la souveraineté de cet État sur son territoire et sur ses juges ”[200]. De fait, la protection de cette souveraineté conduit tout naturellement à penser que “ pour chaque État, le système de conflit de juridictions, comme le système de conflit de lois, est manifestement un système impératif ”[201]. L'assimilation des règles de compétence internationale directe à la souveraineté entraîne par conséquent la prohibition des accords d'élection de for. La volonté des individus ne peut trancher un conflit de souverainetés[202].

 

     L'analyse de BARTIN n'est que le reflet des idées dominantes au XIXe siècle et au début du  XXe siècle qui rendaient compte des conflits de lois et des conflits de juridictions en termes de conflits entre les souverains. Dans cette vue, le pouvoir du souverain devait, dans les relations internationales, se manifester par la soumission de ses sujets à ses lois et à ses tribunaux. Le succès de la méthode savignienne a, on le sait, battu en brèche l'assimilation du conflit de lois à un conflit de souverainetés. SAVIGNY, dont la position est pour l'essentiel admise par les auteurs contemporains, a montré que le recours à la méthode conflictualiste, en ce qu'elle rend possible l'application d'une loi étrangère, ne se traduisait pas par l'abandon de la souveraineté de l'État. Le rôle du souverain est d'assurer un règlement satisfaisant des conflits d'intérêt privé comportant un élément d'extranéité. Aussi bien, l'intérêt de l'État n'est pas en cause car la non application de la loi à un rapport ne porte pas atteinte à son autorité, dès lors que le législateur n'a ni la volonté ni intérêt à ce que sa loi s'applique spécialement à ce rapport, [cette volonté] tend simplement à éviter la non application généralisée de la loi aux rapports internes, qui remettrait en cause l'effectivité de la fonction législative de l'État [203]. Partant, un règlement acceptable des rapports internationaux de droit privé ne postule pas nécessairement l'application de la loi du for mais le respect des prévisions légitimes des parties. Dès lors, la règle de conflit doit poursuivre l'objectif de relier le rapport de droit à la loi qui lui convient le plus, c'est-à-dire celle qui est la plus apte à le régir.

 

    58.— Si cette conception privatiste du règlement des rapports internationaux domine le droit des conflits de lois, certains auteurs, dont M. RIGAUX, ont soutenu que la souveraineté a “ trouvé refuge dans les conflits de juridictions d'où il sera plus difficile de l'en déloger ”[204]. Cette assimilation des conflits de juridictions à la souveraineté, massivement rejetée par la doctrine contemporaine[205], est, oserait-on ajouter, particulièrement dépassée. Les règles de compétence internationale directe ne sont plus perçues aujourd'hui comme étant édictées afin d'affirmer la souveraineté d'un État face aux autres États. L'appareil judiciaire étatique ne sert pas “ d'instrument de défense contre l'empiétement d'autres souverainetés éventuellement intéressées au litige ”[206]. Cette évolution des idées relative à la compétence internationale procède de la prise de conscience suivante : si la justice est un service public, “ elle demeure essentiellement, même dans l'ordre international, un service établi dans l'intérêt du justiciable ”[207]. Ce mouvement traduit la privatisation de la compétence judiciaire internationale dont l'objectif, d'après HOLLEAUX, consiste à “ garantir, sous l'angle de la compétence, la justice procédurale de droit privé ”[208]. Les règles de compétence internationale sont instituées dans l'intérêt du justiciable. Loin d'affirmer la souveraineté de l'État sur ses sujets, “ les objectifs de commodité des plaideurs, de bonne administration de la justice inspirent leur contenu ”[209]. La désignation du juge internationalement compétent ne portant pas atteinte à la souveraineté étatique, aucun obstacle ne se dresse à la reconnaissance de l'admissibilité des accords d'élection de for.

 

    59.— L'assimilation des règles de compétence à la souveraineté a par ailleurs été pertinemment critiquée par M. THÉRY dans la mesure où elle opère une confusion entre le pouvoir juridictionnel, qui est une manifestation de la souveraineté de l'État, avec la compétence qui en gouverne l'exercice[210]. Cette assimilation est, en effet, particulièrement inexacte. Si l'État trouve dans sa souveraineté le principe du pouvoir juridictionnel, son intérêt ne peut aller au-delà de l'institution des organes qui composent son ordre juridictionnel. “ Là se manifestent les impératifs de paix publique, et l'idée que l'État a le monopole de la solution des litiges, mais aussi l'obligation de les résoudre. Mais, pas plus que l'État n'a d'intérêt à l'application de la loi, il n'a d'intérêt au fonctionnement, in casu, de ses juridictions ”[211]. L'incorporation des règles de compétence internationale à la souveraineté méconnaît également la spécificité de cette compétence dont l'objet consiste uniquement à déterminer si le litige présente avec le for des liens suffisants pour que ses tribunaux statuent. “ En ce sens, la compétence internationale est une détermination d'un rattachement prépondérant ”[212]. Or, la référence à la souveraineté exclut, par principe, tout conflit de juridictions car si un litige présente un lien avec le for, il doit dans cette perspective être exclusivement porté devant les juridictions de ce for. Cette vision est jugée à juste titre trop simplificatrice par M. THÉRY qui relève qu'un lien quelconque avec le territoire ne suffit pas toujours à justifier la compétence des tribunaux. Par exemple, le fait qu'un contrat soit conclu en France n'est pas suffisant pour justifier la compétence des juridictions françaises. Et inversement, l'absence de rattachement territorial avec un État n'exclut pas nécessairement sa compétence internationale. Si l'on retenait la thèse de l'incorporation de la compétence à la souveraineté, il faudrait alors constater que les limites de la souveraineté coïncident avec celles de la compétence. Or, tel n'est pas le cas en droit positif à partir du moment où il n'est pas rare qu'un litige puisse être porté devant des juridictions étatiques différentes. Ce constat s'accommode difficilement de l'exclusivisme de la souveraineté[213]. Il y a lieu, enfin, de relever une insuffisante distinction entre le pouvoir juridictionnel et la compétence à laquelle conduit l'assimilation de la compétence à la souveraineté[214]. En premier lieu, parce que si les règles de compétence ont pour objet de déterminer le tribunal qui devra trancher le litige, cela suppose d'abord que ce tribunal ait été investi par l'État du pouvoir juridictionnel[215]. Ensuite, parce que les critères de détermination des règles de compétence répondent à des considérations, telle que la commodité des plaideurs, qui sont étrangères à la souveraineté[216].

 

    60.— Un autre argument, susceptible d'être invoqué par ceux qui s'opposent à la reconnaissance de l'admissibilité de principe des accords d'élection de for, consiste à dire que les parties ne sauraient se voir reconnaître la possibilité de choisir leur juge car cela entraînerait une modification de la compétence législative. En effet, le juge saisi du litige applique, en principe, ses propres règles de conflit de lois. Les systèmes de conflit de lois n'adoptant pas nécessairement les mêmes rattachements, le choix de tel juge plutôt que tel autre peut aboutir à la désignation de telle loi plutôt que telle autre. D'aucuns pourraient alors estimer que la loi applicable au fond ne doit pas dépendre de la volonté individuelle[217]. À cet égard, Mme GAUDEMET-TALLON estime que “ cet argument se situe davantage au niveau de la compétence législative, c'est-à-dire plutôt au niveau de la conséquence qu'à celui du principe et s'il est légitime de chercher à éviter la conséquence quand elle se révèle fâcheuse, il l'est peut-être moins d'éliminer totalement le principe au motif qu'il peut avoir des conséquences fâcheuses ”[218]. Aussi bien, afin d'écarter l'influence sur la loi applicable au fond que va entraîner le choix par les parties du tribunal qui connaîtra du litige — choix propre à engendrer une fraude à la loi[219] — cet auteur s'inspire des solutions du conflit de systèmes dans le temps pour formuler la proposition suivante : le tribunal saisi par un accord d'élection de for devra appliquer la règle de conflit de lois de l'État dont les tribunaux sont “ normalement ” compétents[220]. Ce procédé présenterait l'avantage d'éviter de mettre en doute la validité de l'accord d'élection de for tout en écartant la fraude à la loi qu'elle pourrait tenter de réaliser.

 

    Pour notre part, si la critique selon laquelle il faudrait déclarer illicite les accords d'élection de for en ce qu'ils influent sur la loi applicable au fond nous paraît surfaite, le recours aux conflits de systèmes ne nous semble pas devoir être retenu. Tout d'abord, parce qu'en matière contractuelle, le caractère très répandu de la loi d'autonomie, l'unification des règles de conflit de lois, la possibilité, consacrée par l'article 7 de la Convention de Rome, d'appliquer les lois de police étrangères et l'élaboration de règles matérielles par des conventions internationales limitent très sensiblement le risque de variabilité de la loi applicable qu'occasionnerait le choix par les parties de la juridiction devant connaître du litige et ce d'autant plus, au risque de nous répéter, qu'elles disposent de la possibilité de choisir la loi applicable à leur contrat. Ensuite, parce que l'application du système de conflit du juge “ normalement ” compétent crée un facteur de complication supplémentaire[221]. Elle nous semble en premier lieu inopportune lorsque le juge désigné aurait pu également retenir sa compétence internationale s'il n'avait pas été choisi par les parties. La présence de chefs de compétence autre que la volonté des parties rattachant le litige aux tribunaux du for rend surabondant le recours aux solutions du conflit de systèmes dans la mesure où elle exprime très certainement des liens d'attache entre la situation juridique en cause et le for. À ce sujet, M. LAGARDE relève que “ le problème de la non-application du droit international privé du for ne peut évidement se poser que si les tribunaux du for sont compétents à un titre quelconque, sinon ils se déclarent incompétents et refusent de se prononcer sur le litige ”[222]. Il se peut toutefois que le juge désigné n'ait aucun rapport avec le litige. Cette circonstance doit-elle, à elle seule, motiver l'abandon du système de conflit du for et conduire à l'application des règles de conflit du juge “ normalement ” compétent ou celles du juge de l'État avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits ? Nous ne le pensons pas. Il est tout à fait excessif de présumer a priori que le choix d'un for neutre suppose une fraude à la loi ou, plus exactement, une fraude au jugement. Nous ajouterons que l'application des règles de conflits for ne résulte pas en l'occurrence de la saisine inopinée des juridictions de ce for mais de la volonté commune des plaideurs de les choisir. Si l'application du système de conflit d'un État totalement extérieur à la situation litigieuse peut porter atteinte à la prévisibilité des solutions, ce n'est à l'évidence pas le cas lorsque les parties ont par avance désigné leur juge. En choisissant un juge, on choisit un système de conflit de lois.

 

 

 

 

§3 - L'utilité du principe d'admissibilité

 

    61.— En définitive, la reconnaissance de l'admissibilité des accords d'élection de for est rendue nécessaire par leur très grande utilité pratique. On sait, en effet, que le droit des conflits de juridictions se caractérise par l'unilatéralisme : les règles de compétence internationale vont uniquement attribuer ou dénier compétence aux tribunaux de l'ordre juridictionnel du for, elles ne sont pas autorisées à attribuer ou à écarter la compétence des juridictions étrangères. L'absence d'un système international de répartition de la compétence juridictionnelle entre les différents États laisse place à une grande incertitude quant à la détermination de la juridiction internationalement compétente. Cette incertitude s'accroît par la multitude d’États qui peuvent revendiquer la compétence de leurs juridictions. Cette conséquence est aggravée par la prolifération de chefs de compétence spéciaux qui, en matière contractuelle et en matière délictuelle par exemple, s'ajoutent aux chefs de compétence classiques comme la nationalité ou le domicile du défendeur.

 

    Cette incertitude quant à la détermination de la juridiction compétente n'est pas sans influence en matière de conflit de lois. Nous avons vu, en effet, que c'est le tribunal saisi qui applique en principe son propre système de conflit de lois. La saisine de telle juridiction entraînera l'application des règles de conflit de lois du juge saisi du litige. Elle engendrera également l'application d'une certaine conception de l'ordre public international. L'influence de la compétence juridictionnelle sur la compétence législative doit toutefois être nuancée depuis l'entrée en vigueur de la Convention de Rome. Si les tribunaux à même de retenir leur compétence internationale appartiennent à des États qui l'ont ratifiée — États également signataires de la Convention de Bruxelles — la loi applicable au contrat devrait théoriquement être la même quelle que soit le juge saisi.

 

    Il n'en demeure pas moins qu'en l'état, le plaideur qui prendra l'initiative du procès pourra se livrer à un forum shopping, c'est-à-dire profiter de la diversité des ordres juridictionnels pour choisir le juge qu'il estimera le plus favorable à ses intérêts. Sur le plan processuel il choisira certainement, si cela lui est possible, son juge national dont l'accès lui sera plus facile et auquel il accorde une plus grande confiance qu'au juge étranger ; sur le plan de la compétence législative, il choisira le tribunal dont le système de conflit de lois lui est le plus favorable. L'autre partie se trouvera alors placé dans une situation plus difficile. Cet état de fait, en avantageant le plaideur le plus rapide, “ précipite [l']éclosion du contentieux, aggrave la litigiosité, rétrécit les perspectives d'un arrangement amiable ”[223]. En d'autres termes, “ elle se concilie mal avec un esprit de coopération et de tolérance qui devrait animer les rapports contractuels sous l'empire de la bonne foi ”[224].

 

    62.— Ces inconvénients incitent à laisser une place à la volonté individuelle en matière de compétence judiciaire internationale[225]. Lorsque les parties conviennent, au moment où elles forment leur contrat — ou même dans le cours de son exécution, voire lorsqu'un différend les oppose déjà — du juge qu'elles devront saisir, les insuffisances liées à l'absence de répartition internationale des litiges sont en principe jugulées. Certes, si théoriquement les clauses d'élection de for assurent une plus grande sécurité, elles ne peuvent éliminer toutes les incertitudes relatives à la détermination de la juridiction internationalement compétente. Une certitude absolue supposerait que tous les tribunaux, qu'ils soient désignés ou exclus, admettent l'admissibilité de principe des clauses d'élection de for et reconnaissent la décision rendue par un tribunal dont la compétence a résulté d'un accord des parties. Une telle certitude est plus facilement accessible en droit conventionnel, surtout dans le cadre de traités multilatéraux. De ce point de vue, les clauses de compétence relevant de la Convention de Bruxelles assurent une plus grande certitude que celles qui relèvent du droit commun : le juge saisi, qu'il soit élu ou exclu, appliquera les mêmes règles et la décision qu'il rendra sera plus facilement reconnue par des États contractants. Mais quoi qu'il en soit, la juridiction compétente sera toujours déterminée de la meilleure manière qui soit puisqu'elle procède d'un accord de volontés. Et incidemment, ce choix se double d'une plus grande certitude quant à la détermination du droit applicable étant donné que la désignation d'un tribunal implique normalement la soumission du litige aux règles de conflit de lois du juge élu. Dès lors, la clause attributive de juridiction apparaîtra souvent comme un élément déterminant du contrat. “ Refuser d'en tenir compte, c'est ruiner toute l'économie du contrat et remettre en cause le principe même de la liberté des conventions ”[226].

 

    Gage de souplesse et d'une plus grande sécurité, les clauses d'élection de for présentent un autre avantage, celui de laisser aux plaideurs la possibilité de choisir un for neutre. Outre qu'elle ménage leur susceptibilité en évitant que l'affaire soit portée devant un tribunal suspect a priori de servir au mieux les intérêts de l'un d'entre eux, cette possibilité permet la saisine d'une juridiction familière des difficultés suscitées ordinairement par le type de contrat qu'elles ont conclu. Ainsi les tribunaux anglais ont acquis en matière maritime une connaissance qui appelle souvent leur compétence[227]. Les accords d'élection de for réalisent ainsi une sorte de compromis entre l'arbitrage, eu égard à la spécialisation du litige, et la compétence des tribunaux étatiques[228].

 

    Les accords d'élection de for permettent également de réaliser un alignement de la compétence législative sur la compétence judiciaire. Il n'est pas rare, en effet, de voir dans les contrats internationaux une clause d'electio juris appelant l'application au contrat de la loi de l'État dont les tribunaux sont désignés par une clause d'élection de for. Si cette situation n'est en rien obligée, sa survenance se justifie aisément. Les mieux qualifiés pour appliquer la loi d'un État sont présumés être les juges de cet État[229].

 

    63.— Les clauses d'élection de for présentent en outre une utilité très grande en matière de commerce international où une réglementation libérale permet de faciliter les transactions. Les résultats de la balance commerciale des États sont évidement tributaires d'autres éléments, telles la compétitivité des biens et services de ses producteurs, les aides à l'exportation, l'agressivité commerciale, etc. Mais une législation trop restrictive constitue assurément un handicap pour la passation des contrats internationaux. Or, l'un des faits marquants de cette fin de siècle est l'internationalisation du droit[230] qui n'est que le prolongement de l'internationalisation de l'activité économique, communément baptisée “ mondialisation ”. Cette internationalisation a engagé le droit vers de nouvelles mutations en l'intégrant notamment dans la sphère marchande ce qui a engendré une mise en concurrence des ordres juridiques. Ainsi qu'a pu l'exposer M. DEZALAY, si “ le droit semble effectivement être entré dans l'ère du marché ”[231], la confrontation des systèmes juridiques, rendue possible par l'internationalisation croissante de ce marché, devient alors un enjeu concret pour les marchands.

 

    Ce “ marché du droit ” connaît des prolongements processuels. La justice, en effet, remplit une fonction économique dans l'ordre international[232]. Dans les rapports entre la justice et l'économie, “ l'institution judiciaire tend à devenir, non seulement une des arènes, mais aussi un des instruments privilégiés des luttes qui se déroulent dans le champ du pouvoir économique ”[233]. Ce phénomène est accentué par l'émergence de grands cabinets internationaux qui conseilleront à leur clientèle de choisir telle sorte de justice (arbitrale/étatique) ou tel ordre juridictionnel (plutôt que tel autre) en fonction d'une stratégie qui intégrera, entre autre, le degré de libéralisme des règles de conflit de juridictions et du droit matériel désigné par le système de conflit du juge saisi. Or, les États ne sont pas indifférents à la perception que les opérateurs du commerce international peuvent avoir de leur justice. Offrir aux marchands une justice simple, rapide et efficace est indiscutablement perçu comme un avantage. Dans cette perspective, il convient de faciliter l'accès à cette justice en laissant aux parties la possibilité de choisir le tribunal ou les tribunaux auxquels elles souhaitent soumettre leur différend.

 

     64— Pour toutes les raisons que nous venons d'évoquer, l'utilité pratique des conventions d'élection de for se trouve également consacrée, en droit comparé, par la législation des États parmi les plus impliqués dans les relations commerciales internationales et au sein des conventions internationales. Mme GAUDEMET-TALLON a pu parler à cette occasion de  “ tendance universelle en faveur de la  prorogation ”[234].

 

    Si l'on s'en tient à l'étude du droit américain, on relèvera que les avantages reconnus aux clauses d'élection de for ont engendré une évolution remarquable de la jurisprudence américaine traditionnellement hostile aux clauses désignant un ordre juridictionnel étranger. La décision de principe en la matière fut l'arrêt The Bremen c/ Zapata rendu par la Cour suprême des États-Unis le 12 juin 1972[235]. En l'espèce, la société allemande Unterweser devait remorquer un appareil de forage de Louisiane en Italie pour le compte de la société américaine Zapata. Le contrat de transport maritime passé entre ces deux sociétés comportait une clause attributive de juridiction à la Hight Court de Londres. À la suite d'une violente tempête, le matériel de forage fut considérablement endommagé. Enjoignant à la société Unterweser de le remorquer d'urgence à Tampa en Floride, la société Zapata introduisit dans cette ville une action en responsabilité. Par ailleurs, le contrat contenait une clause exonératoire de responsabilité nulle au regard du droit américain et vraisemblablement valable au regard du droit anglais, droit du juge désigné. Cette incidence du for désigné sur la loi applicable au contrat fut d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles les juges du fond s'opposèrent à la clause d'élection de for qui aurait indirectement dressé “ un obstacle au droit à réparation d'un citoyen des États-Unis que son juge naturel ne saurait tolérer ”[236]. Sans entrer dans les détails de cette affaire très largement popularisée par la doctrine hexagonale et étrangère, il n'est pas inintéressant de restituer la motivation employée par la Cour suprême pour admettre l'admissibilité a priori des clauses de compétence à un tribunal étranger. Une telle démarche permet d'illustrer les avantages généralement reconnus aux clauses d'élection de for.

 

    La Cour suprême a principalement utilisé trois arguments. Tout d'abord, les nécessités du commerce international conduisent au respect des clauses d'élection de for car “ l'expansion du commerce et de l'industrie américaine sera peu encouragée si, en dépit de contrats réguliers, nous nous en tenons à la conception étroitement nationaliste que tous les litiges doivent être résolus selon nos lois et devant nos tribunaux ”[237]. En permettant de recourir à un for neutre, elles favoriseront la conclusion de contrats internationaux avec les américains. La Cour suprême relève ensuite que les parties seraient restées dans l'incertitude quant à la détermination du for compétent si une action avait pu être intentée devant n'importe quelle juridiction compétente en raison du lieu de l'accident. Il s'agissait, rappelons-le, d'un transport maritime de la Louisiane à travers le Golfe du Mexique, l'océan Atlantique, la Méditerranée et l'Adriatique. De fait, “ l'élimination de telles incertitudes par la conclusion à l'avance d'un accord sur un for acceptable par les deux parties est un élément indispensable dans le droit du commerce international ”[238]. Enfin, la possibilité pour les parties de choisir leur juge n'est qu'une application du “ concept traditionnel de la liberté contractuelle ”[239] car, selon les termes mêmes de la Cour suprême, “ il semble établi que la clause d'élection de for constitue un élément essentiel de l'accord et il serait contraire à la réalité de penser que les parties n'ont pas conduit leurs négociations, y compris la fixation des termes financiers, sans que les conséquences de la clause soient prises largement en considération dans leur calcul ”[240]. Pour toutes ces raisons, la Cour suprême conclut à la validité de la clause d'élection de for, sauf pour celui qui la récuse à “ démontrer clairement que l'exécution de cette clause serait déraisonnable ou injuste, ou que la clause était nulle pour fraude, tromperie ou toute autre cause ”[241] et “ qu'un procès [à l'étranger] serait si gravement incommode […] qu'il serait privé de son droit d'accès à la justice. Hormis cela, il n'existe aucun motif pour conclure qu'il serait inéquitable, injuste ou déraisonnable d'obliger cette partie à respecter son engagement ”[242]. La clause d'élection de for n'est donc pas, en soi, suspecte. Celui qui conteste son efficacité doit démontrer qu'elle constitue un choix “ unreasonable ”[243].

 

    65.— C'est donc l'utilité pratique des accords d'élection de for qui justifie pleinement leur consécration. On se réjouira donc qu'en dépit des objections soulevées par une parties de la doctrine, la jurisprudence française ait évolué dans le sens de la reconnaissance de leur admissibilité. Cette évolution, consacrée en droit conventionnel avec l'entrée en vigueur, le 1er février 1973, de la Convention de Bruxelles, a paru être cependant très sérieusement limitée en droit commun des conflits de juridictions lors de l'adoption du nouveau Code de procédure civile.

 

 

Section II

Les incertitudes suscitÉes

par le nouveau Code de procÉdure civile

 

 

    66.— Alors que le droit français ne comprenait à l'origine aucun texte relatif au régime de la compétence internationale, le nouveau code de procédure civile, entré en vigueur le 1er janvier 1976, comporte deux textes dont la portée, au regard de la licéité des clauses d'élection de for, fut âprement discutée avant que la jurisprudence y mette bon ordre. Il s'agit, d'une part, de l'article 92 du nouveau Code de procédure civil (§1), relatif au régime de l'incompétence internationale des juridictions françaises, et de l'article 48 de ce même Code relatif aux clauses de compétence (§2).

 

§1 - Les accords d'élection de for et l'article 92 du nouveau Code de procédure civile

 

    67.— Selon l'article 92 du nouveau Code de procédure civile, “ L'incompétence peut être prononcée d'office en cas de violation d'une règle de compétence d'attribution lorsque cette règle est d'ordre public ou lorsque le défendeur ne comparaît pas. Elle ne peut l'être que dans ce cas [alinéa 1er]. Devant la Cour d'appel et devant la Cour de cassation, cette incompétence ne peut être relevée d'office que si l'affaire relève de la compétence d'une juridiction répressive ou administrative ou échappe à la connaissance de la juridiction française [alinéa 2]. En paraissant assimiler l'incompétence internationale à l'incompétence d'attribution, ce texte a ranimé un vieux débat, celui de la nature de la compétence internationale.

 

    On rappellera qu'en raison de la carence du droit écrit français de la compétence judiciaire internationale, uniquement formé des articles 14 et 15 du Code civil, la jurisprudence a été amenée à élargir les hypothèses de saisine des juridictions françaises, notamment lorsque aucun Français n'est partie au litige, en faisant appel aux règles de compétence territoriale interne étendues pour l'occasion aux relations internationales[244]. Dans ce système, l'emprunt de l'élément de rattachement utilisé par le droit interne permet de localiser le litige international dans l'ordre juridictionnel français si cet élément se réalise en France. Ainsi par exemple, les tribunaux français sont compétents si le défendeur est domicilié en France.

 

    Cette construction jurisprudentielle, en soulevant la question de la nature de la compétence internationale, influence celle de l'admissibilité des accords d'élection de for. Considérer, en effet, que la compétence internationale est une compétence territoriale devrait permettre de rendre compte de la licéité des clauses d'élection de for dans la mesure où les règles de compétence territoriale interne sont généralement d'intérêt privé. À l'inverse, si l'on considère que la compétence internationale s'assimile plutôt aux règles de compétence d'attribution qui sont, pour l'essentiel, d'ordre public, cela devrait enlever, pratiquement, aux parties toute possibilité de déroger à la compétence internationale des juridictions françaises.

 

    68.— Pour une partie de la doctrine emmenée par BARTIN[245], les règles de compétence internationale directe se rapprochent, par leur objet et par leur but, des règles internes de compétence d'attribution. Ce rapprochement résulterait de la logique catégorielle qui caractérise ces deux types de compétence et selon laquelle à un genre de litiges doit correspondre un genre de juridictions. Ainsi par exemple, les règles de compétence d'attribution vont faire correspondre les litiges civils et commerciaux aux tribunaux civils et commerciaux. Or, en matière internationale, l'on constate également que les règles de compétence vont avoir pour objet de rattacher telle nature de litiges à telle nature de juridictions. Au groupe de litiges “ français ” va correspondre la compétence internationale des tribunaux français et au groupe de litiges “ étrangers ” va correspondre la compétence des juridictions étrangères. Partant, les règles de compétence internationale directe se différencient des règles de compétence territoriale dont la fonction n'est pas de répartir les litiges entre diverses catégories de juridictions mais de déterminer, au sein de la catégorie désignée, celle qui sera géographiquement compétente. Le système préconisé par BARTIN suppose par conséquent la détermination de la nature du litige, c'est-à-dire — pour être précis — sa “ nationalité ”, afin de déterminer le groupe auquel il se rattache et, ainsi, la compétence des juridictions françaises ou étrangères. Dans cette perspective, le caractère “ français ” du litige se déduit tout d'abord de la nationalité française des plaideurs telle qu'elle est prise en compte par les articles 14 et 15 du Code civil. Mais BARTIN ne se contente pas de ces seules dispositions et va jusqu'à considérer que le litige est “ français ” lorsque ses éléments caractéristiques sont localisés en France. Pour ce faire, et ce n'est pas le moins paradoxal, l'auteur sera amené à utiliser certaines règles de compétence territoriale interne. Ainsi, l'article 420 de l'ancien Code de procédure civile, qui comportait de multiples chefs de compétence territoriale, aurait permis entre autre de considérer comme “ français ” un litige relatif à un contrat dont le paiement a lieu en France. Il apparaît en conséquence que même si la compétence internationale est jugée parallèle à la compétence d'attribution, elle ne peut faire l'économie de l'application des règles de compétence territoriale. D'aucuns pourraient y voir une rupture de logique accentuée par l'embarras même de BARTIN. En définitive, il semble que la position adoptée par cet auteur au sujet de la nature de la compétence internationale ne constitue qu'un moyen de renforcer l'idée qu'il se fait de son régime. Nous avons déjà indiqué que pour BARTIN, les conflits de juridictions doivent être analysés en conflits de souverainetés ce qui entraîne nécessairement le caractère impératif des règles de compétence internationale[246]. Le rapprochement de la compétence internationale et de la compétence d'attribution apparaît comme une justification supplémentaire de cette impérativité en raison du caractère d'ordre public généralement  attribué à cette dernière. Pour reprendre les mots de Mme SINAY-CYTERMANN, l'analyse de BARTIN “ serait moins le fruit d'une déduction que l'instrument apte à rendre la compétence impérative. Compétence d'attribution et impérativité seraient liées à tel point que la volonté de rendre la compétence impérative sous-tendrait l'analyse en termes de compétence d'attribution ”[247]. Il s'en suivrait, dès lors, une prohibition générale des accords d'élection de for.

 

    69.— Dans la prolongement de BARTIN, MM. SOLUS et PERROT ont estimé que la spécificité de la compétence internationale explique qu'elle soit analysée comme une compétence d'attribution[248]. Selon ces auteurs, la compétence internationale soulève trois interrogations. Les deux dernières, communes à la compétence interne et à la compétence internationale, doivent résoudre la question de la compétence interne d'attribution et de la compétences interne d'attribution territoriale. La première doit tenir compte de ce que NIBOYET appelait le “ phénomène de frontières ” en répondant à la question de savoir si le litige relève de l'ordre juridictionnel français ou des tribunaux de l'ordre juridictionnel étranger lesquels sont, l'un comme l'autre, l'émanation de deux souverainetés différentes. L'utilisation des règles de compétence territoriale ne constitue pas pour ces auteurs une source d'incohérence car ces dernières changent de nature lorsqu'elles accèdent à l'ordre international. Cessant d'opérer une répartition territoriale entre les tribunaux français de la même catégorie, elles vont servir à répartir le litige entre les tribunaux français et les tribunaux étrangers de la même manière que les règles internes de compétence d'attribution répartissent le litige entre les différents ordres et catégories de juridictions existant en France.

 

    70.— La conception de BARTIN, reprise par MM. SOLUS et PERROT, est loin d'avoir fait l'unanimité en doctrine. Pour certains auteurs, la compétence internationale s'analyserait en une compétence territoriale[249]. Elle ne saurait en tout cas être perçue comme une compétence d'attribution car cette dernière présuppose que la nature du litige doit être tranchée par une juridiction spécialisée. Le fait qu'un litige comportant un élément d'extranéité soit tranché par une juridiction française ou par une juridiction étrangère ne change pas sa nature. Selon la formule du Doyen BATIFFOL et de M. LAGARDE, “ une recherche en paternité à le même objet, qu'elle soit intentée entre roumains ou entre français ”[250]. En revanche, les règles de compétence internationale ne peuvent que s'inspirer des règles de compétence territoriale car elles constituent le seul procédé susceptible d'opérer une répartition spatiale des procès. Cette extension des règles de compétence territoriale interne aux relations internationales doit sans doute être aménagée afin de tenir compte de la spécificité des litiges internationaux. Elle n'en constitue pas moins le point de départ des règles de compétence internationale directe.

 

    D'autres auteurs ont adopté un raisonnement différent. Pour cette partie de la doctrine, la compétence internationale se rapprocherait à la fois de la compétence d'attribution, en ce qu'elle a pour objet de procéder au choix entre les juridictions des différents États, et de la compétence territoriale, en ce que les critères de cette dernière permettent de localiser la situation litigieuse et sont animés par le souci de commodité des plaideurs et de bonne administration de la justice. Mais bien que s'inspirant de l'une et de l'autre, elle ne serait ni l'une ni l'autre mais constituerait une compétence sui generis[251]. 

 

    En jugeant dans l'arrêt Scheffel que “ la compétence internationale se détermine par extension des règles de compétence territoriale interne ”[252], la Cour de cassation entendait nettement distinguer la compétence internationale de la compétence interne d'attribution. L'entrée en vigueur du nouveau Code de procédure civile permettait cependant d'augurer un changement de la nature de la compétence internationale.

 

    71.— À la suite d'une analyse serrée de l'article 92 du nouveau Code de procédure civile,     M. HUET a estimé qu'un changement était intervenu dans la nature de la compétence internationale[253]. On constate en effet que ce texte concerne les conditions dans lesquelles le juge peut relever d'office son incompétence en cas de violation d'une règle de compétence d'attribution. En visant, dans son alinéa 2, les affaires qui échappent “ à la connaissance d'une juridiction française ”, il semble bien, de manière implicite, assimiler la compétence internationale à la compétence d'attribution. Il reste alors à examiner les conséquences du changement de nature de la compétence internationale et notamment de se demander si le principe jurisprudentiel d'extension des règles de compétence territoriale interne à l'ordre international en sort indemne. À ce sujet, M. HUET estime que la compétence internationale ordinaire doit encore être déterminée d'après les règles de compétence territoriale interne[254], ce qui n'exclut pas que certaines d'entre elles seront, selon les cas, infléchies, voire écartées. Il est vrai que le contenu des règles de compétence d'attribution peut difficilement permettre de localiser le litige dans l'espace. Mais si le point de départ des règles de compétence internationale demeure les règles de compétence territoriale interne, M. HUET considère, comme MM. SOLUS et PERROT, qu'elles changent de nature pour revêtir le caractère de règles de compétence d'attribution. Or, si les règles de compétence territoriale déterminent les règles de compétence internationale qui désormais sont assimilées à des règles de compétence d'attribution, il faut logiquement en déduire que la validité des clauses d'élection de for ne doit pas s'apprécier d'après l'article 48 du nouveau Code de procédure civile qui ne vise que les clauses qui dérogent à la compétence territoriale. En conséquence, la validité des clauses d'élection de for ne doit pas être appréciée à la lumière de ce texte mais en recourant aux principes de la compétence d'attribution susceptibles d'être transposés[255].

 

    De ce point de vue, M. HUET va tout d'abord préciser que selon lui, en permettant au juge de relever d'office son incompétence d'attribution uniquement si elle est d'ordre public, l'article 92 du nouveau Code de procédure civile signifie que toutes les règles de compétence d'attribution ne sont pas d'ordre public. Cette opinion est fort justement déduite de l'alinéa 1er de ce texte qui précise que l'incompétence ne peut être relevée “ que dans ce cas ” ce qui laisse entendre qu'il ne peut en être autrement. En conséquence, seules les règles de compétence internationale revêtues du caractère d'ordre public peuvent faire obstacle à la volonté des parties[256]. Afin de les déterminer, M. HUET va analyser les règles de compétence d'attribution interne pour, dans un premier temps, exclure la transposition de celles qui concernent la nature des juridictions (civile, commerciale, etc.) en raison notamment de leur trop grande complexité. En revanche, les règles de compétence d'attribution relatives à l'ordre des juridictions (judiciaire, administrative, répressive) lui semblent plus facilement transposables. L'article 92 du nouveau Code de procédure civile soumet d'ailleurs à un régime identique la compétence répressive, administrative ou étrangère. Or, si l'on observe ces règles, on constate qu'elles sont en principe impératives. Ce n'est qu'à titre exceptionnel que les parties peuvent choisir entre les tribunaux des différents ordres, telle la victime d'une infraction pénale qui peut porter l'action en réparation devant une juridiction civile ou une juridiction pénale saisie de l'action publique. Si l'on étend ces solutions aux relations internationales, il faut en conclure que les règles de compétence internationale sont, en principe, impératives. Toutefois exceptionnellement, la volonté des parties pourra les modifier. Ainsi les articles 14 et 15 du Code civil, en raison de leur rédaction potestative, permettent à leur bénéficiaire d'y déroger. Mais en dehors de cette hypothèse, il faut considérer que les règles ordinaires de compétence internationale sont toutes d'ordre public. À la différence de l'analyse de BARTIN, les accords d'élection de for ne sont pas totalement inenvisageables. Mais leur domaine s'avère extrêmement limité. Il sont notamment exclus des relations commerciales internationales, lorsque la compétence ne peut être fondée sur la nationalité français de l'une ou de l'autre des parties, ce que ne manque pas de déplorer l'auteur[257].

 

    72.— L'analyse de M. HUET va rester isolée en doctrine. Les auteurs, en majorité, vont adopter une interprétation de l'article 92 du nouveau Code de procédure civile limitée à la seule question de la possibilité pour le juge de soulever d'office son incompétence internationale[258].

 

    Mme GAUDEMET-TALLON, opposée à l'explication fournie par M. HUET, indiquera dans un premier temps qu'il n'était pas dans les intentions des auteurs du nouveau Code de procédure civile de modifier la nature de la compétence internationale. Faisant état d'informations communiquées par M. CORNU, l'un des principaux artisans de la réforme de la procédure civile, Mme GAUDEMET-TALLON révélera que les rédacteurs de l'article 92 du nouveau Code de procédure civile n'avaient, semble-t-il, pour seule préoccupation que de fixer les conditions permettant au juge de soulever d'office son incompétence[259].

 

     Mais l'argument essentiel avancé contre la nature de compétence d'attribution de la compétence internationale est assurément celui qui consiste à rétorquer que cette assimilation ne débouchait sur aucune proposition concrète. En effet, le changement de nature de la compétence internationale ne rend pas pour autant possible l'utilisation des règles de compétence d'attribution pour déterminer les critères de la compétence internationale[260]. Les tenants de la compétence internationale d'attribution reconnaissent d'ailleurs leur impossibilité d'utiliser autre chose que les règles de compétence territoriale pour déterminer les cas dans lesquels le juge devra retenir ou exclure sa compétence. Le fait, non sans une certaine habileté, de soutenir que les règles de compétence territoriale interne changent de nature lorsqu'elles accèdent à l'ordre international n'y change rien. D'une manière ou d'une autre, les règles de compétence territoriale constituent toujours le point de départ de la compétente internationale. La jurisprudence a d'ailleurs eu l'occasion de le rappeler depuis l'entrée en vigueur du nouveau Code de procédure civile[261]. Ce constat révèle sans aucun doute que les questions soulevées par la compétence internationale sont plus proches de celles posées par la compétence territoriale que celles posées par la compétence d'attribution[262]. Comme l'ont souligné le Doyen BATIFFOL et M. LAGARDE, la compétence internationale se détermine “ en fonction d'éléments tenant aux personnes et au lieux ”[263]. Sa fonction consiste à rattacher le litige à l'ordre juridictionnel du for. Ce rattachement s'effectue principalement en localisant les éléments jugés essentiels du litige en France. Les critères de localisation utilisés par les règles de compétence territoriale sont, pour la plupart, facilement transposables aux relations internationales. Cela ne signifie pas qu'ils doivent tous être transposés tel quel et qu'il n'y en ait pas d'autres ailleurs ; cela signifie seulement que la source d'inspiration des règles de compétence internationale ne peut être recherchée ailleurs que dans les règles de compétence territoriale.

 

    73.— D'autres raisons permettent également de soutenir que l'assimilation de la compétence internationale à la compétence d'attribution est particulièrement mal venue. Tout d'abord parce que les règles de compétence d'attribution assument une fonction de répartition du litige, entre les divers ordres et catégories de juridictions, qui ne peut être celle des règles de compétence internationale en raison de leur caractère unilatéral[264]. L'on sait que ces règles vont uniquement déterminer si l'affaire relève des tribunaux français, elles ne peuvent répartir le litige entre l'ordre juridictionnel français et l'ordre juridictionnel étranger. Les règles d'un État n'ont aucune autorité pour imposer aux tribunaux d'un autre État de trancher le litige.

 

    Le caractère unilatéral des règles de compétence internationale s'estompe, il est vrai, en droit conventionnel. Les règles de compétence des Conventions de Bruxelles et de Lugano peuvent très certainement être comprises comme assurant une répartition des litiges entre les ordres juridictionnels des États contractants. Il ne faudrait pas pour autant considérer qu'elles revêtent pour cette raison la nature de compétence d'attribution. La répartition du litige par les règles de compétence d'attribution s'opère, quoiqu'on en dise, en fonction de la nature du litige. C'est le caractère civil, commercial du litige qui aboutit à ce qu'il soit porté à la connaissance des juridictions civiles ou commerciales. Or ces considérations tenant au fond du litige ne peuvent rendre compte du fait qu'il soit tranché par une juridiction française ou une juridiction étrangère[265].

 

    74.— Il n'est qu'un domaine où la compétence internationale sera traitée comme la compétence d'attribution. Celui du régime de l'exception d'incompétence. Avant le nouveau Code de procédure civile, la jurisprudence avait calqué le régime de l'exception d'incompétence internationale sur celui de l'exception d'incompétence territoriale. Dans cette hypothèse, la possibilité pour le juge de soulever d'office son incompétence internationale se limitait à deux hypothèses : lorsque le litige concernait l'état des personnes et lorsque la règle de compétence qui était enfreinte était exclusive. Les règles de compétence d'ordre public n'étant pas toutes exclusives, il pouvait arriver que le juge ne puisse soulever son incompétence internationale lorsqu'elle résultait d'une règle d'ordre public. Cette situation choqua certains auteurs, dont MM. SOLUS et PERROT, pour qui le juge devait être en mesure de soulever d'office son incompétence internationale en cas de violation d'une règle de compétence d'ordre public[266]. Le non respect d'une règle de compétence d'attribution à caractère d'ordre public pouvant toujours être soulevé d'office par le juge, ces auteurs furent alors tentés d'analyser la compétence internationale en compétence d'attribution. Désormais et à l'instar de l'incompétence des tribunaux en matière administrative et répressive, le juge a la faculté de soulever d'office son incompétence si l'affaire échappe à la connaissance d'une juridiction française dès lors que la règle de compétence internationale revêt un caractère d'ordre public.

 

    75.— La compétence internationale n'est donc pas une compétence d'attribution. La nature juridique du régime de l'incompétence internationale ne postule pas sa nature tout entière. Doit-elle pour autant être considérée comme une compétence territoriale ? Une réponse tranchée mériterait au préalable d'approfondir en matière internationale la distinction que certains ont opérée entre la compétence territoriale et la compétence ratione loci[267]. De ce point de vue, l'analyse de M. THÉRY nous parait éclairante[268]. Si en droit interne, ces deux compétences tendent à se confondre, elles peuvent se dissocier en droit international privé. En effet, la compétence territoriale opère une répartition entre des juridictions identiques situées sur un même territoire alors que la compétence ratione loci va indiquer selon quels critères cette répartition va être effectuée. Assurément, l'expression compétence territoriale est inadaptée à la compétence internationale dans la mesure où les juridictions susceptibles de trancher un litige comportant un élément d'extranéité ne sont ni identiques, ni situées sur un même territoire. En revanche, il n'est pas inexact de soutenir que la compétence internationale est déterminée ratione loci si l'on vise par-là qu'elle est essentiellement fixée en fonction des critères de cette compétence (domicile du défendeur, lieu d'exécution du contrat, lieu de survenance du fait dommageable, etc.). Cette analyse ne peut toutefois rendre compte de l'utilisation de la nationalité par les articles 14 et 15 du Code civil.

 

    76.— La compétence internationale paraît difficilement réductible à une catégorie interne. Sans doute emprunte-t-elle pour partie les critères de rattachement des règles de compétence ratione loci s'agissant de sa détermination ; et le régime de la compétence d'attribution s'agissant de la possibilité pour le juge de soulever d'office son incompétence. Mais pour autant, la compétence internationale ne nous semble être ni une compétence territoriale, ni une compétence ratione loci, ni une compétence d'attribution, elle est tout simplement… internationale, autrement dit spécifique, comme le considère aujourd'hui la doctrine dominante[269]. Le fait qu'elle s'inspire de telle ou telle catégorie de compétence interne ne lui en confère pas, même en partie, le caractère. Analysée ainsi, la nature de la compétence internationale nous semble plus cohérente.

 

§2 - Les accords d'élection de for et l'article 48 du nouveau Code de procédure civile

 

    77.—  À la différence du droit antérieur[270], le nouveau Code de procédure civile contient une disposition relative aux clauses attributives de juridiction afin de lutter contre leur insertion fréquente dans les contrats d'adhésion et leur caractère souvent peu apparent. Limitée aux clauses portant sur la compétence territoriale, cette réglementation intéresse au premier chef le droit commun des conflits de juridictions depuis que la jurisprudence a affirmé que les critères de la compétence internationale sont définis, comme nous l'avons vu, d'après les règles de compétence territoriale. L'opportunité de sa transposition à l'ordre international sera pourtant farouchement débattue lors de l'entrée en vigueur de la nouvelle codification. La raison tient à son caractère restrictif. En effet, l'article 48 du nouveau Code de procédure civile dispose que “ toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée ”. Étendu aux relations internationales, ce texte engendrerait la règle de compétence internationale suivante : toute clause dérogeant aux règles désignant les tribunaux de l'ordre juridictionnel français est illicite à moins d'avoir été conclues entre commerçants. Il en résulterait alors une limitation du domaine des clauses d'élection de for. D'où l'intérêt d'aborder son bien-fondé.

 

    78.— Fidèle aux principes dégagés par les arrêts Pelassa et Sheffel, une partie minoritaire de la doctrine a estimé que l'article 48 du nouveau Code de procédure civile devait être étendu à l'ordre international en considérant notamment que les raisons qui l'ont inspiré, la protection des consommateurs, existent très souvent en matière internationale[271]. D'autres ont entendu limiter la portée de cette transposition. Ainsi selon M. HUET, si la compétence internationale n'avait pas changé de nature et était demeurée une compétence territoriale, l'extension de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile aux relations internationales n'aurait pas forcément signifié une impossibilité de renoncer aux articles 14 et 15 du Code civil[272]. En effet, l'article 48 ne vise que les clauses qui dérogent à la compétence territoriale interne et ne devrait par conséquent s'adresser qu'aux règles de compétence internationale ayant pour fondement les règles de compétence territoriale. Inspirée d'un rapprochement des solutions dégagées à l'époque par la jurisprudence à propos des clauses contenues dans les contrats de travail internationaux, jugées valables lorsque la compétence des juridictions françaises reposait uniquement sur les articles 14 ou 15 du Code civil[273], les grandes lignes de cette théorie seraient les suivantes : seules les règles ordinaires de compétence internationale seraient devenues, sauf entre commerçants, impératives alors que les règles exorbitantes fondées sur la nationalité seraient toujours d'intérêt privé, permettant ainsi aux plaideurs d'y déroger à condition toutefois qu'elles constituent l'unique fondement de la compétence internationale des juridictions françaises. Pour pertinente qu'elle soit, cette opinion nous semble, tout bien considéré, limitée dans ses conséquences pratiques. En mettant de côté la question de savoir si ce qui a été spécifiquement jugé en matière de contrat de travail ira nécessairement inspirer le droit commun des conflits de juridictions, il ne nous semble pas qu'elle aurait pour répercussion d'accroître le domaine de la licéité des clauses d'élection de for entre commerçants et non commerçants étant données les hypothèses fréquentes où les chefs multiples de compétence ordinaire sont concernés[274].

 

    Ajoutons que pour M. HUET, la prohibition de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile joue lorsque le juge désigné est français aussi bien qu'étranger. Cette conséquence ne nous parait pas s'imposer. Étendu aux relations internationales, l'article 48 du nouveau Code de procédure civile concerne les clauses qui dérogent aux règles de compétence internationale françaises, c'est-à-dire celles qui attribuent compétence aux juridictions françaises. Il ne peut s'agir que de la situation dans laquelle une clause désigne un tribunal étranger alors qu'une règle légale attribue compétence aux tribunaux de l'ordre juridictionnel français. Lorsqu'en revanche, la compétence internationale des juridictions françaises est fondée sur un accord d'élection de for, nous ne voyons pas en quoi cet accord déroge aux règles de compétence internationale françaises.

 

    79.— La majorité de la doctrine se montrera hostile à la transposition de l'articles 48 du nouveau Code de procédure civile[275]. L'un de ses principaux arguments consistera à contester le bien fondé de cette transposition en faisant valoir que les raisons justifiant ce texte en droit interne, la protection du consommateur ou de la partie faible, ne se retrouvent pas en matière internationale. Certains, en effet, estimèrent que la protection de la partie faible ne semblait pas devoir être retenue dans l'état actuel des relations internationales[276]. D'autres auteurs ont même été jusqu'à avancer que “ les parties “ faibles ” n'existent guère ” dans les relations contractuelles internationales[277]. Et dans l'hypothèse où l'on admettrait que les cocontractants ne sont pas d'une égale puissance, cela n'empêcherait pas la partie faible “ de se renseigner avec précision sur les clauses du contrat et leurs conséquences ”[278]. Cette argumentation est pour le moins excessive. Les contrats d'adhésion existent pareillement au plan international. Sans doute sont-ils moins fréquents[279]. Mais cela ne devrait pas entraîner l'absence de toute protection de la partie faible, protection que leur assure d'ailleurs la Convention de Bruxelles qui limite strictement les clauses d'élection de for passées dans les contrats conclus avec les consommateurs, les assurés et les salariés.

 

    80.— D'autres raisons furent invoquées au soutien du caractère inopportun de la transposition de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile aux relations internationales[280]. Tout d'abord le fait que, si cette circonstance devait se réaliser, le droit français trancherait singulièrement sur le mouvement de faveur dont bénéficient les accords d'élection de for en droit conventionnel et en droit comparé, notamment dans les pays de common law. Passer d'une réglementation libérale à une réglementation restrictive risque d'entraver la conclusion de nombreux contrats internationaux. Les clauses d'élection de for constituent souvent un élément déterminant du contrat. En limiter l'usage porte atteinte à la sécurité et à la souplesse qu'elles procurent et rend plus difficile les renonciations anticipées aux articles 14 et 15 du Code civil. Cette situation, enfin, diffère sensiblement par rapport au sort réservé aux clauses compromissoires, certainement plus dangereuses que les clauses attributives de juridiction, que la jurisprudence autorise dans les actes mixtes depuis l'arrêt Hecht[281].

 

    Il est pourtant possible de rétorquer que l'article 48 du nouveau Code de procédure civile n'est pas aussi restrictif que l'on voudrait bien le dire. Loin d'imposer une prohibition totale des clauses attributives de juridiction, cet article les autorise lorsque les parties sont commerçantes. On serait alors tenté de croire que la transposition de ce texte ne devrait pas représenter un grand danger pour les contrats “ qui mettent en jeu les intérêts du commerce international ”[282]. Mais, et c'est là que cette transposition s'avère délicate, l'article 48 du nouveau Code de procédure civile exige que les parties aient contracté en qualité de commerçant. Or, un contrat international n'est pas nécessairement passé entre commerçants. L'exemple d'importantes cessions de droits d'auteurs, donné par M. DROZ, permet de l'illustrer[283]. De plus, cette condition risque de gêner sérieusement la mise en œuvre de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile. Commet en effet, s'interroge Mme GAUDEMET-TALLON, faire jouer ce texte dans les rapports avec les pays qui ignorent le distinction du droit civil et du droit commercial ce qui est notamment le cas des pays de common law[284] ?

 

    81.— Mais si la rédaction de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile ne facilitait pas sa transposition à l'ordre international, il semblait cependant possible d'échapper à l'alternative de l'extension pure et simple ou du refus de toute transposition en adaptant ce texte aux exigences du commerce international. L'on aurait pu, par exemple, songer à étendre aux relations internationales les critères de commercialité utilisés en droit interne ou, comme certains l'ont proposé, substituer à la distinction actuelle de commerçant et de non commerçant celle de professionnel et de non professionnel qui de surcroît est connue des pays de common  law [285]. Suggérée par Mme SINAY-CYTERMANN et par M. THÉRY[286], cette solution présentait le mérite de concilier les intérêts du commerce international et la protection de la partie faible.

 

    En dépit de sa pertinence intrinsèque, cette voie médiane ne sera pas suivie par la jurisprudence. Sensible aux critiques de la doctrine dominante, la Cour de cassation, dans le célèbre arrêt C.S.E.E. c/ Sorelec, a refusé l'extension, même adaptée, de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile aux relations internationales[287].

 

    Les faits de cette affaire sont assez complexes. En l'espèce, une société française, la société Sorelec, avait les 12 juillet et 30 août 1979 conclu un contrat d'entreprise avec un organisme libyen, le secrétariat du comité populaire général de l'enseignement, portant sur la construction d'écoles et de logements en Libye. Ce contrat renvoyait aux “ dispositions générales des contrats de travaux publics ” adoptées en 1972 et visait spécialement l'article 51 de ces dispositions qui prévoyaient l'application de la loi libyenne et la compétence des tribunaux libyens. Par la suite, la société Sorelec conclut le 18 octobre 1979 avec une société française, la C.S.E.E. (Compagnie de Signaux et d'Entreprises Électriques) une “ convention de groupement d'entreprises ” qui convenait du principe que les deux sociétés françaises devaient réaliser chacune pour moitié les travaux en Libye, convention qui renvoyait aux stipulations du contrat de base passé entre la société Sorelec et l'organisme libyen. Cette convention sera suivie d'un contrat de sous-traitance conclu le 9 février 1980 et par lequel la société Sorelec consentit à sous-traiter la moitié de l'exécution de ses travaux à la C.S.E.E. Ce contrat prévoyait expressément qu'il était régi par la loi libyenne et que les contestations auxquelles il pourrait donner lieu seraient soumises aux juridictions libyennes. À la suite de difficultés surgissant entre les deux sociétés françaises, la société Sorelec obtint le 18 avril 1984 la désignation par le juge libyen d'un expert local. De son côté la C.S.E.E., estimant que la société Sorelec avait manqué à ses engagements en ayant notamment conservé à son compte propre les fonds versés par l'organisme libyen au lieu de les porter sur le compte joint des deux sociétés, saisit le président du Tribunal de commerce de Paris siégeant en référé pour faire ordonner une expertise. Cette demande fut rejetée au motif qu'elle conduirait à apprécier la validité et l'exécution du contrat de base qui donnait compétence aux juridictions libyennes. Confirmé par la Cour d'appel de Paris, ce point de vue fut combattu devant la Cour de cassation.

 

    Plusieurs arguments furent avancés par le demandeur au soutien de son pourvoi. Ce dernier prétendait d'abord que l'existence d'une clause d'élection de for au profit d'une juridiction étrangère ne faisait pas obstacle à la compétence internationale des juridictions françaises statuant en référé pour connaître d'une demande d'expertise. En se fondant ensuite sur la violation des articles 42, 43 et 46 du nouveau Code de procédure civile, le demandeur au pourvoi invoquait la nullité de la clause d'élection de for parce qu'elle dérogeait aux règles ordinaires de compétence. Cette argumentation n'était pas sans rappeler la position de M. HUET selon lequel les clauses d'élection de for sont prohibées si elles dérogent aux règles ordinaires de compétence internationale[288]. Ensuite, il fut reproché à l'arrêt d'appel d'avoir jugé que la C.S.E.E. avait consenti à la clause d'élection de for alors que la combinaison de la “ convention de groupement d'entreprises ” au contrat de base n'était ni claire ni précise. Ce n'est que dans ce moyen que fut invoquée, à côté des articles 14 et 1134 du Code civil, la violation de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile au regard uniquement des conditions de forme qu'il prescrit. Deux derniers points furent enfin invoqués. Le fait qu'une clause d'élection de for n'est valable que si elle désigne de façon claire et précise le tribunal qui, parmi les juridictions de l'État étranger, devra être spécialement saisi et le fait que la Cour d'appel aurait dû constater si la loi du for désigné validait la clause.

 

    L'ordre des arguments invoqués par le demandeur au pourvoi ne manquait pas de surprendre. Il aurait semblé plus logique de poser en premier la question de la validité de la clause d'élection de for. La stratégie adoptée révèle sans doute les craintes du demandeur qui, peu sûr de la réponse de la Cour de cassation, ne voulait pas courir le risque de voir son pourvoi rejeté sur la première branche du moyen. Et de fait, la Cour de cassation a évacué la question de la portée de la clause, en ce qui concerne la saisine du juge des référés et plus généralement de son acceptation par la C.S.E.E., en se fondant sur la commune intention des parties telle qu'appréciée par les juges du fond, pour consacrer l'essentiel de ses développements à la validité de la clause d'élection de for.

 

    82.— La Cour de cassation va avant tout affirmer sans ambages la non transposition de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile aux relations internationales en proclamant que “ les clauses prorogeant la compétence internationale sont en principe licites, lorsqu'il s'agit d'un litige international [...] et lorsque la clause ne fait pas échec à la compétence territoriale impérative d'une juridiction française ”. Cette formulation est d'autant plus remarquable qu'en l'espèce, le litige opposait deux commerçants. C'est d'ailleurs très certainement la raison pour laquelle le demandeur au pourvoi n'avait pas invoqué la violation de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile au soutien de l'illiciéité de la clause d'élection de for. Et effectivement, la première Chambre civile aurait pu rejeter le pourvoi en indiquant que la prohibition de ce texte n'était pas concernée en l'espèce. De toute évidence, en se prononçant sans ambiguïté pour la licéité des clauses d'élection de for, la Cour de cassation a voulu trancher ce problème.

 

    La Cour de cassation va ensuite envisager une situation différente, celle où une clause d'élection de for qui, en désignant un ordre juridictionnel déjà compétent, modifie la désignation du tribunal spécialement compétent. Il s'agit de la situation où, par exemple, le défendeur est domicilié à Paris alors que la clause désigne le tribunal de Lyon. La Cour de cassation décide dans ce cas que la prohibition de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile est écartée à l'égard des clauses “ qui ne modifient la compétence territoriale interne qu'en conséquence d'une modification de la compétence internationale ”[289].

 

    L'arrêt se prononce également au sujet des clauses d'élection de for qui opèrent une désignation globale des tribunaux d'un État en indiquant qu'une telle clause est licite “ du moins si le droit interne de cet État permet de déterminer le tribunal spécialement  compétent ”[290].

 

    83.— Il apparaît ainsi qu'en dépit des craintes suscitées en doctrine par l'entrée en vigueur du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt Sorelec c/ C.S.E.E. ne s'écarte pas de la jurisprudence antérieure qui manifestait déjà une certaine faveur à l'égard des clauses d'élection de for. Mais loin d'être une simple réaffirmation d'un courant jurisprudentiel dominant, cet arrêt, du fait justement de l'existence de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile, énonce une règle nouvelle spécifique aux relations internationales. En ne faisant pas référence à la qualité des parties, il constitue en quelque sorte l'arrêt Hecht[291] des clauses attributives de juridiction.

 

    La nature de cette règle n'est en rien surprenante. Les règles de compétence internationale directe sont, en principe, des règles matérielles de droit international privé. Même lorsqu'elles opèrent la transposition d'une règle interne de compétence territoriale, ce n'est pas cette règle qui est appliquée mais une règle matérielle qui s'en inspire.

 

    Le contenu de cette règle est riche d'enseignement. Plutôt que de procéder dès maintenant à son analyse, il nous paraît plus judicieux de l'examiner conjointement avec les règles issues de la Convention de Bruxelles. De cette confrontation pourront se dégager les principes directeurs gouvernant la licéité des accords d'élection de for. C'est cette démarche que nous nous proposons maintenant d'entreprendre.

 


 

CHAPITRE II

 

LA MISE EN ŒUVRE DU PRINCIPE D'ADMISSIBILITÉ

 

 

 

 

 

    84.— Affirmé par la jurisprudence en droit commun des conflits de juridictions et par les Conventions de Bruxelles et de Lugano en droit conventionnel, le principe de licéité ne prétend pas donner systématiquement effet à tous les accords d'élection de for. L'efficacité de ces derniers ne se déduit pas de leur existence. Outre la nécessité d'un accord de volontés valable, la mise en œuvre de la règle de compétence permettant aux parties de choisir leur juge nécessite au préalable la réunion de certaines conditions indispensables à son application.

 

    Parmi les conditions d'application du principe de licéité des conventions d'élection de for, l'exigence du caractère international du litige est commune au droit commun et au droit conventionnel (Section I). Outre cette exigence, certaines conditions sont spécifiquement requises comme critère d'application des Conventions de Bruxelles et de Lugano (Section II).

 

 

Section I

Le caractÈre international du litige

 

 

    85.— Pour une partie importante de la doctrine, l'exigence d'internationalité se présente comme une limite à l'admissibilité des accords d'élection de for[292]. À la vérité, on peut se demander s'il s'agit là d'une véritable limitation du principe de licéité. Cette exigence, en effet, n'a pas pour fonction d'en limiter l'étendue mais de subordonner son application à l'existence d'une situation internationale[293]. Que seuls les rapports juridiques internationaux soient concernés par la licéité de principe des accords d'élection de for s'énonce comme une évidence. De fait, la distinction des accords qui concernent les relations internes de ceux qui concernent les relations internationales s'avère essentielle. Cette opération est rendue d'autant plus indispensable eu égard à la teneur des régimes juridiques susceptibles d'être appliqués : souvent limitées, voire prohibées, par les droits internes, les clauses attributives de juridiction font l'objet d'une réglementation plus souple lorsqu'elles accèdent à l'ordre international. Il reste alors à déterminer les critères d'internationalité qui seront utilisés pour mener à bien cette opération de qualification. Nous serons donc amené à distinguer l'exigence de   l'internationalité (§1) de la détermination de cette internationalité (§2).

 

§1 - L'exigence de l'internationalité

 

    86.— Que le principe de licéité des accords d'élection de for soit exclusivement réservé aux litiges internationaux a été contesté par une partie minoritaire de la doctrine. Ainsi, Mme GAUDEMET-TALLON développa naguère une argumentation hostile à cette exigence. La position de cet auteur a depuis évolué. Mme GAUDEMET-TALLON estime aujourd'hui que l'article 48 du nouveau Code de procédure civile impose de distinguer les litiges internes des litiges internationaux[294]. De même, cet auteur considère que l'existence d'une situation internationale constitue l'un des critères d'application de l'article 17 de la Convention de Bruxelles[295]. Il demeure toutefois intéressant de rendre compte des arguments qu'elle développa antérieurement dans sa thèse.

 

    Selon Mme GAUDEMET-TALLON, deux raisons justifiaient la nécessité de dissocier l'efficacité de accords d'élection de for du caractère international du litige. Une première critique, d'ordre pratique, consiste à dire qu'il est souvent difficile de déterminer si une affaire est internationale[296]. L'auteur reconnaît toutefois que si la recherche d'un critère d'internationalité est laborieuse, elle reste cependant possible[297]. D'où une seconde critique, d'ordre théorique, relative à la confusion entre la compétence judiciaire et la compétence législative à laquelle aboutirait l'exigence du caractère international de l'affaire[298]. Mme GAUDEMET-TALLON considère, en effet, que cette exigence est bien plus défendable en matière de compétence législative qu'en matière de compétence judiciaire dans la mesure où elle a pour but d'éviter que les parties éludent une loi impérative française dans une affaire purement interne. Or, d'une manière générale, la compétence internationale n'est que la transposition de la compétence interne territoriale et, en droit interne, les règles de compétence territoriale sont, en principe, et sauf dispositions contraires, des règles facultatives. Dès lors, en choisissant de soumettre leur litige à une juridiction étrangère, les parties ne font que déroger à une règle d'intérêt privé. Par conséquent, on ne saurait leur interdire d'y déroger, même dans l'hypothèse d'une affaire purement interne. Admettre le contraire reviendrait à nier que la compétence internationale soit la transposition de la compétence territoriale interne. L'auteur limite cependant la possibilité pour les parties à un litige interne de choisir d'être jugées par une juridiction étrangère dans le cas où elle aboutirait à éviter l'application au fond du litige d'une loi française impérative. Mais dans ce cas, l'inefficacité de l'accord d'élection de for ne résulte pas d'un caractère international insuffisant mais plutôt de son incidence sur la loi applicable au litige.

 

    87.— Pour intéressant qu'il soit, ce raisonnement peut être discuté. On relèvera tout d'abord que la limite présentée par l'auteur réduit de beaucoup la possibilité, pour les parties à un litige interne, de choisir un juge étranger en raison de l'accroissement considérable des lois impératives qui caractérise le droit contemporain. Mais l'essentiel n'est pas là. La principale critique que l'on peut adresser à l'encontre de cette démonstration est de méconnaître la distinction entre la compétence interne et la compétence internationale. Comme l'a justement relevé M. THÉRY, les règles de compétence interne ont pour fonction de répartir le litige entre les diverses juridictions d'une organisation juridictionnelle alors que les règles de compétence internationale ont une fonction de rattachement puisqu'elles ont pour objet de déterminer si le litige présente avec le for des liens suffisants pour que ses tribunaux statuent[299]. Dans cette vue, l'incompétence internationale n'est autre que l'absence d'un élément de rattachement. De cette distinction fondamentale découle, selon nous, la conséquence suivante : aux litiges internes correspondent les règles de compétence interne et aux litiges internationaux correspondent les règles de compétence internationale. Si une règle de compétence interne est facultative, elle n'autorise les parties à un litige purement interne d'y déroger qu'en choisissant un autre tribunal appartenant à la même organisation juridictionnelle de celui auquel elle attribue compétence.

 

    Dès lors, empêcher les parties à un litige interne de choisir un juge étranger ne remet nullement en cause, contrairement à ce que soutient Mme GAUDEMET-TALLON, le principe de transposition à l'ordre international des règles de compétence territoriales interne. Les règles de compétence internationale constituent un corps de règles autonomes. Si certaines ont pour point de départ les règles internes de compétence ratione loci, ce ne sont pas ces règles qui sont appliquées mais des règles matérielles de droit international privé qui s'en inspirent[300].

 

    Au demeurant, et contrairement à ce qui a été soutenu, exiger une situation internationale en matière de clause d'élection de for n'a pas pour effet de dissiper la distinction entre le conflit de lois et le conflit de juridictions. Certes, la jurisprudence relative aux critères d'internationalité s'est pour l'essentiel prononcée en matière de conflit de lois. Mais en principe, la détermination de la compétence internationale constitue une étape antérieure au conflit de lois. Or, à partir du moment où se constate une différence de nature incontestable entre la compétence interne et la compétence territoriale, la détermination de la nature du litige se révèle être le préalable incontournable à la mise en œuvre d'une règle de compétence. Comme l'avait pertinemment énoncé MOTULSKY la définition de la nature de l'action doit précéder la recherche de la compétence judiciaire internationale ”[301]. En toute logique, l'internationalité d'une relation juridique est globale. Il n'y a pas d'internationalité judiciaire et d'internationalité législative. Un litige international soulève un problème de compétence internationale tout autant qu'un problème de loi applicable. L'on devrait d'ailleurs considérer qu'admettre sa compétence internationale devrait pour le juge revenir à reconnaître l'internationalité de la situation juridique litigieuse.

 

    88.— L'internationalité doit donc être nécessairement qualifiée et, serions-nous tenté de préciser, elle doit résulter de la situation juridique à laquelle à trait la clause d'élection de for[302]. Cette solution est depuis longtemps affirmée en droit commun des conflits de juridictions. Afin de valider la clause désignant la compétence des tribunaux anglais et la clause compromissoire soumettant les différends pouvant naître du contrat à une procédure d'arbitrage à Londres, la Cour de cassation, dans les célèbres arrêts Mardelé et Dambricourt, a expressément relevé la caractère international du contrat litigieux[303]. Cette solution a depuis été fermement réaffirmée dans l'arrêt C.S.E.E. c/ Sorelec qui fait du caractère international du litige une condition de licéité de la clause d'élection de for.

 

    L'internationalité du litige constitue également une condition d'application de l'article 17 des Conventions de Bruxelles et de Lugano. Bien que ce texte ne formule pas cette exigence, la doctrine estime qu'une situation juridique internationale doit nécessairement être caractérisée[304]. Cette opinion peut sérieusement se fonder sur le préambule du Traité qui énonce la règle générale selon laquelle la Convention ne détermine la compétence que dans l'ordre international[305]. Seule une interprétation différente de la CJCE, bien improbable au demeurant, permettrait de douter du caractère obligé de cette exigence.

 

    Une coïncidence parfaite devrait donc apparaître entre la nature, interne ou internationale, du litige et le régime juridique, interne ou international, de la clause attributive de juridiction. Dans cette perspective, une clause attributive de juridiction concernant un litige international ne devrait pas pouvoir être régie par le droit interne et inversement, une clause attributive de juridiction concernant un litige interne ne devrait pas pouvoir être “ internationalisée ” par le choix d'une juridiction étrangère. Cette coïncidence est pourtant rejetée par une partie de la doctrine.

 

    89.— Certains ont soutenu que le choix d'une juridiction étrangère serait possible dans le cadre d'un litige interne. Cette proposition s'apparente à l'opinion de Mme GAUDEMET-TALLON que nous avons précédemment évoquée. Elle s'en distingue néanmoins en ce sens que Mme GAUDEMET-TALLON contestait le principe même de l'exigence d'un caractère international alors que le courant dont nous allons rendre compte estime que cette internationalité, si elle est nécessaire, doit concerner l'accord d'élection de for et non le contrat auquel il se rattache. On se trouve alors en présence de ce que la doctrine nomme une “ internationalité subjective ” en ce sens qu'elle dérive de l'intention des parties. Cette opinion sera surtout débattue dans le contexte des conventions internationales.

 

    Alors que la Convention de La Haye du 15 avril 1958 sur la compétence internationale en cas de vente à caractère internationale d'objets mobiliers corporels présuppose — comme l'indique son intitulé, l'existence du caractère international du contrat ce qui exclut les accords d'élection de for à un tribunal étranger pour une vente interne — la Convention de La Haye du 25 novembre 1965, spécifiquement consacrée aux accords d'élection de for, sera plus nuancée quant à l'exigence de ce caractère international. L'avant-projet de convention, qui fut discuté par la Xe session de la Conférence de La Haye de droit international privé, comportait un article 3 ainsi rédigé : “ La présente Convention s'applique aux accords d'élection de for [présentant un caractère international et] conclus en matière civile et commerciale [présentant un caractère international] ”[306]. La mise entre crochets du “ caractère international ” révélait les hésitations des rédacteurs de l'avant projet. Elle laissait place aux trois propositions suivantes : aucun caractère international, un caractère international portant exclusivement sur la clause, un caractère international portant sur le litige. On relèvera que s'agissant d'une convention internationale, il pouvait paraître étrange que la présence d'un élément international comme condition d'application du traité ait pu être discutée. Cette discussion s'explique par le contexte dans lequel il fut négocié[307]. Elle finit par aboutir à la reconnaissance d'un élément international. Il restait alors à déterminer si cet élément devait uniquement concerner l'accord d'élection de for ou le litige auquel il a trait, étant entendu que la première branche de l'alternative autoriserait le choix d'un tribunal étranger pour un litige interne. Après de vives discussions[308], la Xe session de la Conférence de La Haye de droit international privé énonça, en des termes très généraux, l'exigence d'un élément international afin de concilier les différents points de vue. Le texte définitif, proposé par FRANCESCAKIS, fut rédigé ainsi : “ la présente convention s'applique, dans les rapports internationaux, aux accords d'élection de for conclus en matière civile et commerciale ”[309]. L'expression “ rapports internationaux ” ne semblait concerner ni spécifiquement la clause, ni spécifiquement le litige. Mais selon le rapporteur, M. WELAMSON, elle n'aurait pour effet que d'exclure l'application de la Convention aux seuls accords internes. Tel serait le cas si une clause attributive de juridiction désigne le tribunal d'un État dont seuls les tribunaux auraient pu être compétents. Mais si pour un litige de cette configuration, les parties choisissent un tribunal étranger, la clause d'élection de for entre dans le champ d'application de la Convention[310]. On se trouve alors en présence d'un  “ rapport international ” du seul fait de la volonté des parties[311].

 

    Bien que n'étant pas entrée en vigueur, cette Convention de La Haye a inspiré M. DROZ qui a prétendu que l'article 17 de la Convention de Bruxelles pouvait viser les rapports purement internes[312]. Selon lui, les auteurs de la Convention de Bruxelles auraient estimé que seul l'accord d'élection de for devait être revêtu du caractère international. Ce texte ne délimitant pas expressément le domaine de son internationalité, cette interprétation semble a priori envisageable. Plus nuancé, M. BERAUDO estime que le choix d'une juridiction étrangère dans un litige purement interne n'est possible que dans certains cas[313]. Pour cet auteur, les opérations qui peuvent devenir internationales par le choix d'une juridiction étrangère sont caractérisées par l'importance de l'objet du contrat, sa rareté et sa spécificité. Le caractère interne du contrat apparaîtrait accidentel en raison de sa similitude avec des opérations courantes du commerce international. M. BERAUDO donne l'exemple de deux négociants de blé, établis en France, qui choisissent les juridictions de Londres pour une opération ponctuelle qui se déroule en France. Les empêcher de choisir une juridiction étrangère serait, pour l'auteur, mal appréhender la situation et les obliger à recourir à l'arbitrage.

 

    90.— Rejetée par la jurisprudence, l'internationalité subjective l'est également par la doctrine dominante tant en droit commun qu'en droit conventionnel des conflits de juridictions. L'argument le plus souvent invoqué ne manque pas de pertinence. Laisser aux parties la possibilité de choisir une juridiction étrangère dans le cadre d'un litige interne revient à leur permettre d'échapper au régime juridique généralement plus restrictif qui s'applique aux clauses attributives de juridiction de droit interne[314]. Pour reprendre un exemple de MM. GOTHOT et HOLLEAUX, les parties n'auraient pas, dans ce cas, le droit de choisir le tribunal de Paris à la place de celui de Lyon mais pourrait préférer à ce dernier un tribunal allemand. Cette illustration permet de révéler les inconvénients pratiques de l'internationalité subjective. Elle aurait non seulement pour effet d'écarter trop facilement les prohibitions du droit interne, mais entraverait certainement l'accès à la justice de la partie faible qui très probablement ne serait pas en mesure d'engager les frais d'un procès à l'étranger pour que soit tranché un différend relatif à un contrat interne. Le choix d'une juridiction étrangère risque alors d'être abusivement imposé par la partie forte pour éviter tout contentieux.

 

    D'autres arguments d'ordre théorique nous semblent pouvoir être également avancés. Tout d'abord, et pour reprendre ce que nous avons déjà évoqué, le choix d'une juridiction étrangère pour un litige interne nous semble insoutenable à partir du moment où la mise en œuvre d'une règle de compétence internationale présuppose que l'internationalité du litige soit qualifiée. Admettre le contraire reviendrait à faire litière de la spécificité des règles de compétence internationale. Un litige interne ne peut relever que les règles de compétence interne. Aucune argumentation convaincante ne nous semble pouvoir être avancée pour déroger à ce principe.

 

    D'autre part, considérer que la clause attributive de juridiction devient internationale du seul fait qu'elle désigne une juridiction étrangère revient à méconnaître sa véritable nature. La clause d'élection de for constitue une stipulation accessoire. Partant, son caractère interne ou international ne peut être emprunté qu'au contrat pour le compte duquel elle a été stipulée. Que le contrat soit international et la clause d'élection de for le sera nécessairement. D'aucuns pourraient alors invoquer le principe d'autonomie pour soutenir que la clause d'élection de for et le contrat auquel elle a trait sont deux actes juridiques distincts. À supposer admise cette acception du principe d'autonomie, que personnellement nous réprouvons[315], on se trouverait alors en présence d'un contrat de compétence de nature internationale et d'un contrat de base de nature interne. Cette vue ne parait pas réaliste. Son caractère artificiel la rend intellectuellement peu accueillante. Si l'on se réfère à l'arbitrage international, domaine où la doctrine dominante adopte cette conception de l'autonomie, l'on constate que l'internationalité de l'arbitrage découle de la relation juridique dont le litige auquel elle a donné lieu va être arbitré et non de la convention d'arbitrage elle-même[316]. On ne voit pas pourquoi il en serait autrement pour la convention d'élection de for.

 

    91.— Un dernier obstacle pourrait toutefois nous être opposé. Bien que le conflit de lois et le conflit de juridictions constituent deux notions distinctes, il peut y avoir une influence de l'une sur l'autre. De ce point de vue, il pourrait sembler singulier que les parties à un contrat interne se voient interdire le choix d'un juge étranger s'il leur est laissée la possibilité de choisir une loi étrangère. Sur ce plan-là, le principe est que la possibilité pour les cocontractants de désigner la loi applicable à leur contrat dépend de son caractère international. Et afin d'exclure les contrats internes du domaine de la loi d'autonomie, la doctrine préconise l'utilisation de critères objectivement internationaux. Les parties ne peuvent alors créer artificiellement un conflit de lois en choisissant une loi étrangère dans le but d'échapper aux dispositions impératives de la loi française. Cette condition a été expressément consacrée en droit international privé commun par la Cour de cassation qui jugea “ qu'après avoir qualifié exactement de contrat international la convention liant les parties ” les juges du fond avaient pu déclarer “ que celles-ci ont valablement stipulé qu'elle était soumise à la loi française ”[317]. Cette exigence est également adoptée par certaines conventions internationales particulières. Telle est le cas de la Convention de La Haye du 15 juin 1955 sur les ventes mobilières internationales et de sa remplaçante, non entrée en vigueur, la Convention de La Haye du 22 décembre 1985.

 

    Cette construction bien établie semble pourtant avoir été remise en cause par la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles qui constitue, depuis le 1er avril 1991, notre droit commun des conflits de lois en matière de contrats. En effet, l'avant-projet qui prévoyait que la Convention était applicable “ dans les situations ayant un caractère international ” fut modifiée afin de prendre en compte la situation des États, comme le Royaume-Uni, dont le système juridique n'est pas unifié. Le texte définitif vise désormais une “ situation comportant un conflit de lois ” (article 1§1 de la Convention de Rome). De prime abord, cette modification pourrait n'avoir aucune répercussion. Il est tout à fait possible d'admettre qu'une situation comportant un conflit de lois doive nécessairement se caractériser par l'existence d'un élément d'extranéité, même si le texte ne l'évoque pas expressément. Or, l'article 3§3 de la convention de Rome indique que “ le choix par les parties d'une loi étrangère, assorti ou non de celui d'un tribunal étranger, ne peut, lorsque tous les autres éléments de la situation sont localisés au moment de ce choix dans un seul pays, porter atteinte aux dispositions auxquelles la loi de ce pays ne permet pas de déroger par contrat, ci-après dénommées "dispositions impératives" ”. En combinant les articles 1§1 et 3§3 de la Convention de Rome, il semble possible de choisir une loi étrangère pour régir un contrat “ monolocalisé ” dans un autre pays. En d'autres termes, le contrat devient international par la grâce de la clause élisant un droit étranger[318], cette clause d'electio juris voyant cependant ses effets limités par les dispositions impératives de l'État où le contrat est localisé[319].

 

    92.— L'instauration de critères subjectifs d'internationalité nous semble condamnable et nous doutons fortement que la Convention de Rome y fasse référence. Un contrat “ monolocalisé ” ne peut devenir international du seul fait que les parties ont décidé de la soumettre à une loi étrangère. Il se peut, en revanche, qu'un contrat “ monolocalisé ” soit international, ce qui rend possible l'insertion d'une clause d'electio juris. Notre opinion se fonde sur l'absence de définition du contrat international par la Convention de Rome. Ce faisant, aucun critère d'internationalité ne doit être a priori exclu. Or, la jurisprudence a parfois admis qu'un contrat “ monolocalisé ” puisse être international s'il met en jeu les intérêts du commerce international[320]. Le caractère international d'un contrat ne se déduit donc pas forcément de sa “ plurilocalisation ”. En conséquence, seuls les contrats “ monolocalisés ” susceptibles d'être qualifiés de contrat international pourront comporter une clause d'electio juris, l'article 3§3 de la Convention de Rome signifiant uniquement que la notion d'internationalité est susceptible de degrés. Le contrat n'étant localisé que dans un seul pays, il apparaît alors justifié de limiter la portée de l'élection de droit.

 

    Ce que nous venons de dire à propos de la clause d'electio juris nous semble également devoir s'appliquer aux clauses d'élection de for que l'article 3§3 de la Convention de Rome évoque par ailleurs. Dans cette perspective, il importe peu que le tribunal choisi soit ou non celui de l'État où sont domiciliés tous les cocontractants et où le contrat sera exécuté. Seul importe le caractère interne ou international du contrat dans lequel la clause est insérée. S'il est qualifié d'international, la règle de compétence actionnée par la volonté commune des parties devra nécessairement l'être. Il est à cet égard intéressant de reconsidérer l'exemple donné par M. BERAUDO, que nous avons précédemment évoqué, avec cette nouvelle approche. En effet, la question n'est pas de se demander si une juridiction étrangère peut être choisie pour connaître d'un contrat interne, parce que son objet est similaire avec les opérations du commerce international, mais de déterminer si un tel contrat est international. De la réponse à cette question dépend la possibilité pour les parties de choisir une juridiction étrangère. Sans doute peut-on apprécier cette internationalité avec souplesse. Mais en tout état de cause, les contrats internes ne sauraient être concernés par les règles de compétence internationale.

 

 

 

§2 - La détermination de l'internationalité

 

    93.— Par internationalité du litige, il faut entendre l'internationalité du rapport juridique auquel à trait le clause d'élection de for. En matière contractuelle, cette dernière présentera un caractère international si le contrat dans lequel elle s'incorpore est qualifié comme tel. Dès lors, la détermination de l'internationalité de la Convention d'élection de for passe par l'examen des critères de qualification du contrat international. Or si en pratique, la qualification de contrat international fait rarement difficulté, elle n'en demeure pas moins incertaine en raison de l'existence de plusieurs critères d'internationalité.

 

    94.— L'internationalité du contrat est, en effet, susceptible de deux acceptions. Le contrat international peut, en premier lieu, être l'objet d'une définition “ juridique ”. Systématisé par le Doyen BATIFFOL, un contrat est juridiquement international lorsque “ par les actes concernant sa conclusion ou son exécution, ou la situation des parties quant à leur nationalité ou leur domicile, ou la localisation de son objet, il a des liens avec plusieurs systèmes juridiques ”[321].

 

    À côté de cette définition juridique du contrat international coexiste une définition “ économique ” illustrée par le Procureur général MATTER dans ses conclusions prises dans l'affaire Pélissier du Besset  et selon laquelle le contrat doit produire “ un mouvement de flux et de reflux au-dessus des frontières, des conséquences dans un pays et dans un autre ”[322]. Ce critère du double mouvement de flux et de reflux fit l'objet d'un assouplissement jurisprudentiel conséquent. Déjà, les arrêts Mardelé et Dambricourt lui préfèrent la notion de contrat mettant en jeu “ les intérêts du commerce international ”[323] qui fut reprise bien plus tard par l'article 1492 du nouveau Code de procédure civile afin de définir l'arbitrage international. D'autres arrêts adoptèrent une conception plus large du contrat économiquement international en parlant de contrat “ dépassant le cadre de l'économie interne ”[324] de telle sorte que l'on estime à l'heure actuelle que “ toute opération impliquant des mouvements de biens, services ou un paiement à travers les frontières, ou intéressant l'économie (ou seulement la monnaie) de deux pays au moins, intéresse par là même le commerce international ”[325]. L'émergence du critère économique coïncide avec le besoin d'écarter en matière internationale les prohibitions de certaines stipulations en droit interne, telles notamment les clauses monétaires ou de garantie de change et les clauses compromissoires entre non-commerçants, qui se fit sentir en jurisprudence avec l'apparition de règles matérielles de droit international privé validantes. Ces règles auraient tout aussi bien pu être appliquées en présence d'un contrat qualifié d'international selon un critère juridique. Mais compte tenu justement du caractère dérogatoire de cette réglementation spéciale, il est apparu que l'exclusion de la méthode conflictualiste à son profit nécessitait une internationalité plus rigoureuse, fondée non plus sur un élément d'extranéité mais sur l'opération économique réalisée par le contrat.

 

    95.— Loin d'opposer ces deux définitions du contrat international, la doctrine contemporaine estime qu'elles occupent un domaine bien défini. Le critère “ juridique ” serait utilisé pour déterminer l'application de la méthode conflictualiste alors que le critère “ économique ” serait utilisé afin de déterminer l'application des règles matérielles de droit international privé[326]. Cette vue n'empêcherait toutefois pas de constater certaines convergences entre ces deux critères. Considéré par la doctrine comme plus large, le critère “ juridique ” engloberait le critère “ économique ”. Une vente internationale de marchandises, par exemple, présente des éléments d'extranéité tout en intéressant également le commerce international. En revanche, la réciproque ne serait pas vraie. Un contrat peut présenter des liens avec plusieurs pays sans pour autant intéresser l'économie de plusieurs États. L'on songe au célèbre exemple donné par GOLDMAN où un producteur de Cavaillon vend des légumes à un épicier italien installé à Paris[327].

 

    Outre cette répartition fonctionnelle, une hiérarchie devrait se constater au sein des contrats internationaux. Certains seraient “ substantiellement ” internationaux alors que d'autres seraient “ relativement ” internationaux[328]. Les premiers présenteraient une spécificité telle qu'il serait impossible de les considérer comme des contrats internes comportant un élément d'extranéité. Ils se caractériseraient par la réunion cumulative de deux éléments, l'internationalité économique et la commercialité, et leur identification rendrait possible un choix de lois mais aussi l'octroi de règles matérielles. Les seconds ne se verraient appliquer que la méthode conflictualiste. L'on devrait par conséquent conclure que l'internationalité du contrat est susceptible de degrés.

 

    96.— Si l'on estime que l'internationalité “ juridique ” et l'internationalité “ économique ” permettent de déduire l'application de la méthode conflictualiste ou des règles matérielles, il nous paraît contestable de soutenir que le critère “ juridique ” est toujours plus large que le critère “ économique ”. Il peut arriver, et la jurisprudence est là pour nous le rappeler, qu'un contrat intéresse l'économie de plusieurs États sans pour autant être “ plurilocalisé ”[329]. L'article 3§3 de la Convention de Rome nous semble implicitement réservé à ces derniers.

 

    Si donc l'on reconnaît à l'internationalité “ juridique ” et à l'internationalité “ économique ” un rôle répartiteur en matière de conflit de lois, la question peut se poser de savoir si elles n'occuperaient pas un rôle identique en matière de conflit de juridictions. En effet, l'article 1492 du nouveau Code de procédure civile détermine le caractère international de l'arbitrage en référence aux intérêts du commerce international. Si cette définition peut apparaître vague à bien des égards, elle se range incontestablement dans l'internationalité “ économique ”. Dès lors, ne faudrait-il pas estimer qu'à l'internationalité “ juridique ” correspondrait la justice étatique et qu'à l'internationalité “ économique ” correspondrait la justice arbitrale ?

 

    Ce sentiment est renforcé par la lecture de certains auteurs spécialistes de la Convention de Bruxelles pour qui l'internationalité “ juridique ” semble être le critère déterminant d'internationalité des clauses d'élection de for. Selon le rapport JÉNARD, sont considérées comme internationales les clauses attributives de juridiction intervenues premièrement “ entre une personne domiciliée dans un État contractant et une personne domiciliée dans un autre État contractant ”,  deuxièmement “ entre une personne domiciliée dans un État contractant et une personne domiciliée hors de la communauté, lorsqu'il y aura prorogation en faveur d'un tribunal d'un État contractant ”, troisièmement “ entre deux personnes domiciliées sur le territoire d'un État contractant [si la clause] proroge la compétence d'un autre État contractant ”[330]. À ces trois hypothèses, M. DROZ ajoute une quatrième, lorsque la clause conclue entre deux personnes domiciliées sur le territoire de l'État proroge la compétence d'un tribunal de cet État dès lors qu'elle “ déroge à la compétence d'un tribunal situé sur un autre État contractant ”[331]. Mis à part le fait que ces critères ne se réfèrent qu'à la clause d'élection de for et non au contrat dans lequel elle s'insère et raisonnent en termes de “ prorogation ” et de “ dérogation ” — ce qui nous semble contestable[332] —, on remarque qu'ils sont fondés sur la prise en compte d'éléments d'extranéité (domicile des parties, localisation de la juridiction élue ou exclue), autrement dit sur une internationalité “ juridique ”. On relèvera que la CJCE ne s'est pas encore prononcée sur cette question et surtout, que ces propos n'ont pour prétention que le droit conventionnel. On se souvient, en effet, que dans l'arrêt C.S.E.E. c/ Sorelec, le litige concernait deux sociétés françaises à l'occasion d'un contrat exécuté en Libye. Le critère “ juridique ” (lieu d'exécution du contrat) comme le critère “ économique ” (contrat intéressant l'économie de deux pays) pouvaient l'un et l'autre être retenus.

 

    97.— Estimer que, sous prétexte que le choix s'est porté sur la justice étatique, l'internationalité doit être déterminée par le seul critère “ juridique ” — si tant est que cette hypothèse soit un jour consacrée en jurisprudence — nous paraît profondément discutable. N'oublions pas que la convention d'élection de for doit revêtir une qualification d'internationalité par accessoire. Seule importe par conséquent la qualification du contrat dans son ensemble ce qui postule une approche globale de la situation. Cela implique, par conséquent, l'application systématique des deux critères d'internationalité. Non pas que le juge soit tenu d'appliquer cumulativement la définition juridique et la définition économique. Son rôle consiste plutôt à déterminer l'internationalité en fonction de l'économie générale du contrat[333]. De cette manière pourront être isolés les contrats objectivement internationaux et ceux dont l'internationalité est si faible, comme l'illustre l'exemple de GOLDMAN, qu'elle ne doit pas être retenue. Partant, il doit être alors possible d'appliquer le principe de licéité à des clauses d'élection de for intégrées dans un contrat “ monolocalisé ” mais intéressant l'économie de plusieurs États. Certes, en droit conventionnel, la Convention de Bruxelles —  tout comme la Convention de Rome — ne définit pas l'internationalité. Ceux qui considèrent que la Convention de Rome a recours à une définition “ juridique ” du contrat international risquent de douter que la CJCE adopte, pour la Convention de Bruxelles, une conception plus large à propos de la compétence judiciaire en matière contractuelle. Mais le domaine de la compétence judiciaire est plus étendu. Il englobe les contrats internationaux en matière civile et commerciale sans qu'il soit nécessaire de distinguer la méthode de règlement qui leur est applicable. Dès lors, et plus que jamais, que l'on se situe en droit commun des conflits de juridictions ou en droit conventionnel, la détermination de l'internationalité de l'accord d'élection de for doit se placer sous la dépendance du contrat dans lequel il s'intègre ou, en matière extra-contractuelle, en fonction du caractère que présente la relation litigieuse pour le compte de laquelle il a été passé.

 

 

Section II

Les critÈres d’application

des Conventions de Bruxelles et de Lugano

 

 

    98.— L'article 17 de la Convention de Bruxelles ne concerne pas tous les accords d'élection de for mais uniquement certains d'entre eux. Outre l'internationalité du litige — que ce texte ne vise pas mais qui est imposée, comme nous l'avons vu, par l'économie de la Convention de Bruxelles —  l'article 17 énonce deux conditions dont la réunion est nécessaire pour déclencher son application. Il s'agit, d'une part, du domicile de l'une des parties au moins sur le territoire d'un État contractant (§1) et, d'autre part, de la désignation d'un tribunal ou des tribunaux d'un État contractant (§2). Pour les raisons que nous allons maintenant évoquer, ces conditions nous semblent, à certains égards, devoir être remises en cause.

 

 

 

 

 

§1 - La domiciliation de l'une des parties au moins sur le territoire d'un État contractant

 

    99.— Pour que l'article 17 de la Convention de Bruxelles soit applicable, il faut que l'une des parties au moins ait son domicile sur le territoire d'un État contractant. Si ce texte ne mentionne que le domicile, il va de soi que pour les personnes morales, il s'agit de leur siège. La doctrine considère que l'expression “ son ” domicile utilisée par le texte signifie simplement qu'il faut que l'une des parties ait un domicile dans un État contractant. Rien n'empêche qu'elle en ait un autre sur le territoire d'un autre État contractant ou dans un État tiers à la Convention de Bruxelles[334].

 

    En visant uniquement le domicile de “ l'une au moins ” des parties, l'article 17 se montre indifférent à leur position procédurale. L'accord d'élection de for sera intégré dans la Convention de Bruxelles sans qu'il y ait lieu de distinguer si c'est le défendeur ou le demandeur qui est domicilié sur le territoire d'un État contractant. La lettre de l'article 17 rompt ainsi avec le système général de la Convention de Bruxelles qui veut que son applicabilité dépende du domicile du défendeur dans un État contractant. On relèvera cependant que la règle générale de l'article 4 de la Convention de Bruxelles est d'interprétation stricte et ne comporte qu'une seule exception. Selon l'alinéa 1er de ce texte, en effet, “ si le défendeur n'est pas domicilié sur le territoire d'un État contractant, la compétence est, dans chaque État, réglée par les lois de cet État, sous réserve de l'application des dispositions de l'article 16 ”. En dépit de la rédaction de l'article 17, le fait qu'il ne soit pas mentionné au titre des exceptions de l'article 4 autorise à penser que le rattachement de la clause d'élection de for au système de la Convention de Bruxelles doit être subordonné à la domiciliation du défendeur sur le territoire d'un État contractant.

 

    Cette interprétation littérale de l'article 4 est unanimement écartée en doctrine[335]. L'équivoque proviendrait, d'après M. DROZ qui a participé à l'élaboration de la Convention de Bruxelles, d'un oubli des auteurs du Traité. Au moment où ces derniers estimèrent suffisant le domicile d'une partie de l'une des parties au moins dans un État contractant, l'article 4 avait déjà été rédigé et bien qu'ayant envisagé d'amender ce texte pour y ajouter l'article 17 à côté de l'article 16, ils oublièrent de procéder à cette modification[336]. On regrettera, avec Mme GAUDEMET-TALLON, que cet oubli n'ait pas été corrigé à l'occasion des Conventions d'adhésion[337] car l'équivoque subsiste. Ainsi, la  jurisprudence s'est parfois fondée sur l'absence de domicile du défendeur dans un État contractant pour écarter l'article 17 la Convention de Bruxelles[338]. Cela est d'autant plus déplorable que de sérieuses raisons justifient qu'il ne soit pas tenu compte de la position procédurale des parties. La principale étant que la prise en compte du seul domicile du défendeur sur le territoire d'un État contractant reviendrait à rompre l'égalité des parties devant les conséquences de leur contrat. L'efficacité de la clause d'élection de for doit être la même pour toutes les parties qui l'ont conclue, ce qui implique qu'un seul et unique régime juridique lui soit applicable. On ne peut en conséquence admettre que l'application de la Convention de Bruxelles — ou du droit commun de la juridiction saisie — varie d'après la position procédurale de la partie domiciliée sur le territoire d'un État contractant[339].

 

    Pour toutes ces raisons, la lettre de l'article 17 doit l'emporter sur la lettre de l'article 4. En d'autres termes, l'article 17 doit intervenir chaque fois que l'une des parties est domiciliée sur le territoire d'un État contractant et, a fortiori, lorsqu'elles le sont toutes. Si les parties sont domiciliées dans le même État contractant, l'article 17 peut selon nous s'appliquer, même si la juridiction désignée est située dans le même territoire, dès lors que le caractère international du litige est caractérisé[340].

 

    100.— L'exigence de la domiciliation soulève deux difficultés qui ont trait à la détermination du domicile et à la date d'appréciation du domicile.

 

    La détermination du domicile ne s'effectue pas au moyen d'une notion communautaire mais d'après les droits internes désignés par une règle de conflit de lois déterminée par l'article 52 de la Convention de Bruxelles. Alors que l'alinéa 1er de ce texte indique que si une personne physique a son domicile sur le territoire de l'État dont les tribunaux sont saisis, le juge doit vérifier cette domiciliation en appliquant sa loi interne, l'alinéa 2 précise que lorsque cette personne n'a pas son domicile dans cet État, le juge doit appliquer la loi de l'État où elle est sensée être domiciliée. En ce qui concerne les personnes morales et les sociétés, la Convention de Bruxelles fixe leur domicile à leur siège qui est déterminé par les règles de droit international privé du juge saisi.

 

    Ce système constitue un facteur d'incertitude dans la mesure où les droits des États contractants diffèrent grandement sur la notion de domicile[341], tant à l'égard des personnes physiques qu'à l'égard des personnes morales à propos desquelles varie la notion de siège, certaines législations adoptant le critère du siège réel alors que d'autres se réfèrent au siège statutaire[342]. Or, une telle situation risque d'engendrer des conflits positifs, ce qui n'est pas gênant en matière d'élection de for puisqu'un seul domicile est exigé, mais également des conflits négatifs, ce qui est beaucoup plus fâcheux. Si, par exemple, une personne a son principal établissement au Pays-Bas et sa demeure en Belgique où elle n'est inscrite dans aucune commune[343], la clause désignant le tribunal de Paris échappera à l'article 17 de la Convention de Bruxelles, la méthode de l'article 52, alinéa 2, conduisant à ne reconnaître aucun domicile dans le territoire d'un État contractant. Le moins que l'on puisse dire, pourtant, est que cette situation de fait présente de sérieux liens avec l'Union européenne.

 

    101.— L'autre difficulté, qui soulève une controverse en doctrine, est celle de la date à laquelle il faut se placer pour apprécier le domicile. Pour une partie des auteurs, il faut se placer au moment de la conclusion de l'accord d'élection de for. Un argument de texte milite tout d'abord en ce sens. En employant le présent de l'indicatif et en utilisant le mot “ partie ”, l'article 17 envisagerait la personnalité des parties en tant que contractant de la convention d'élection de for et non en tant que plaideur[344]. Mais l'argument essentiel doit être tiré de la bonne foi et de la stabilité des engagements contractuels qui suppose d'apprécier une stipulation contractuelle au jour de sa formation. Admettre le contraire reviendrait à permettre à l'une des parties de se soustraire à l'article 17 en changeant de domicile. De fait, il doit être tenu compte de la condition du domicile au moment de la conclusion de la clause, même si aucune partie n'est domiciliée sur le territoire d'un État contractant au jour de l'introduction de l'instance[345].

 

    D'autres, en revanche, estiment que le seul moment où il faut se placer pour apprécier le domicile est celui de l'introduction de l'instance. Par là même, ces auteurs adoptent une conception entièrement processuelle de la notion d'accord d'élection de for selon laquelle tant que le procès n'est pas engagé, l'accord est dénué de toute portée. Partant, aucune règle d'aucun ordre juridique ne peut le valider ou l'annuler. Ces auteurs s'appuient sur l'arrêt Sanicentral, rendu par la CJCE à propos d'une question de droit transitoire, dans lequel la Cour la Luxembourg a indiqué que “ la clause attributive de juridiction […] est par nature, une option de compétence qui n'a pas d'effet juridique tant qu'une instance judiciaire n'est pas déclenchée et qui ne tire à conséquence qu'au jour où l'action judiciaire est mise en mouvement ”[346] pour asseoir leur argumentation[347]. Avec Mme GAUDEMET-TALLON, nous contestons la nature exclusivement procédurale que la Cour a attribué à la clause d'élection de for[348]. Il nous semble également hasardeux de s'écarter du contexte de cet arrêt qui ne concerne que l'application de la Convention de Bruxelles dans le temps. Non seulement il ne traite pas de la date d'appréciation du domicile, mais il ne pouvait apporter une solution différente dès lors que l'article 54 de la convention de Bruxelles indique expressément que la Convention de Bruxelles est applicable aux actions judiciaires intentées postérieurement à son entrée en vigueur.

 

    Certains adoptent une solution intermédiaire selon laquelle l'article 17 est applicable que le domicile existe au moment de la formation du contrat ou au moment de l'introduction de l'instance. Pour M. DROZ, cette position est justifiée car, d'une part, il convient de faire bénéficier toutes les parties de la protection que leur procure ce texte et, d'autre part, parce que le domicile de l'une des parties sur le territoire d'un État contractant au jour où l'instance est introduite révèle une intégration suffisante du litige dans l'Union européenne[349]. Cette position est assez libérale. Sans doute peut-elle manquer de cohérence. On ne peut à la fois se placer au moment de la formation de l'accord pour des raisons de sécurité des transactions et prendre également en considération la situation des plaideurs au jour où l'instance est engagée. Sa véritable raison d'être tient plutôt à des motifs d'opportunité et de volonté d'extension du domaine d'intervention de l'article 17 de la convention de Bruxelles[350].

 

    102.— Mais s'il peut paraître opportun de vouloir étendre le champ d'application de l'article 17, ne faut-il pas, dès lors, s'interroger sur le bien fondé de l'exigence de domiciliation ? Derrière la discussion relative à la date d'appréciation de la condition de domicile se profile celle de l'extension de son domaine. La prise en compte par la Convention d'adhésion de 1978 des clauses passées par des parties qui ne sont pas domiciliées dans un État contractant est également le signe d'une volonté d'extension.

 

    En effet, lorsqu'une clause d'élection de for désigne le tribunal ou les tribunaux d'un État contractant alors qu'aucune partie n'est domiciliée sur le territoire d'un État contractant, l'article 17, alinéa 2, indique que le tribunal ou les tribunaux d'un État contractant autre que celui qui a été désigné doit surseoir à statuer si la forme de la clause est conforme aux prescriptions de l'article 17, alinéa 1er[351]. Le respect du formalisme de l'article 17 confère à cette clause une sorte de “ présomption de validité ”[352] que seule une décision d'annulation du juge désigné pourra écarter. Selon certains auteurs, cette obligation de surseoir à statuer ne s'imposerait que si le juge désigné a été saisi par l'autre partie[353]. L'article 17, alinéa 2, reste muet sur l'étendue des obligations du juge saisi au mépris de la clause d'élection de for. Obligation dans certains cas, faculté dans l'autre, le texte autorise toutes les interprétations. Il nous semble préférable, afin d'assurer son efficacité, d'y voir une obligation de surseoir à statuer, que le juge désigné ait ou non été saisi, chaque fois que le défendeur soulève son incompétence. Dans le cas contraire, on se trouve probablement en présence d'un accord tacite relevant de l'article 18 de la Convention de Bruxelles.

 

    Le régime particulier de l'article 17 alinéa 2, ne manque pas de surprendre. Si le juge désigné est saisi, il appliquera son droit commun des conflits de juridictions car il manque la condition de domicile pour que le litige soit rattaché à la Convention de Bruxelles. Si un autre juge est saisi, il devra appliquer le formalisme de l'article 17 et attendre que le juge désigné se prononce sur la validité de la clause d'élection de for … en se fondant sur son droit commun[354]. La référence au formalisme de l'article 17 sert donc de modèle aux États contractants, mais uniquement s'il ne sont pas désignés. N'est-ce pas reconnaître que pour ceux-là, la désignation d'une juridiction d'un État contractant réalise une certaine intégration du litige dans la Convention de Bruxelles en dépit de l'absence de domiciliation d'une partie au moins ? Pourquoi, dès lors, ne s'impose-t-elle pas au juge qui est désigné ?

 

    103.— Cette question nous semble d'autant plus fondée que l'exigence de domiciliation ne paraît nullement indispensable. On en veut pour exemple le droit commun des conflits de juridictions qui n'impose pas la domiciliation de l'une des parties au moins sur le territoire français. Pour une fois, le droit commun pourrait inspirer le droit conventionnel européen. D'aucuns pourraient sans doute rétorquer en évoquant le contexte particulier de l'application d'une convention internationale. On pourra leur répliquer en donnant l'exemple de la Convention de La Haye du 25 novembre 1965 relative aux accords d'élection de for qui n'a nullement érigé le domicile de l'une des parties au moins sur le territoire d'un État contractant en condition de son application. Cette Convention n'est certes jamais entrée en vigueur. Mais le fait qu'elle ignore l'exigence de domiciliation illustre bien qu'il ne peut s'agir d'une condition incontournable à l'application d'une convention internationale.

 

    104.— On relèvera également que l'article 18 de la Convention de Bruxelles relatif aux accords tacites, c'est-à-dire à la situation où le demandeur saisit un juge incompétent et où le défendeur comparait sans contester la compétence, n'exige pas la domiciliation de l'une des parties au moins sur le territoire d'un État contractant. Ce point est certes discuté. Certains auteurs estiment, en se fondant sur le rapport JÉNARD[355], qu'en dépit de l'absence de condition de domicile de l'une ou de l'autre partie, le domicile du défendeur sur le territoire d'un État contractant est sous-entendu[356]. Leur argumentation peut se résumer ainsi. Tout d'abord, la compétence fondée sur l'article 18 est une compétence dépourvue de lien substantiel avec l'Union européenne. Ensuite, la comparution du défendeur suivie de son silence serait davantage le signe de son ignorance des règles applicables que d'un véritable accord. Enfin, faire prévaloir l'article 18 sur l'article 4 encouragerait les tentatives de fraude de la part du demandeur qui obtiendrait ensuite une décision bénéficiant du mécanisme simplifié de reconnaissance et d'exécution prévu par la Convention[357]. Ces arguments ne sont pas sans réponses. Le défendeur qui comparait devant une juridiction étrangère incompétente ne va certainement pas engager les frais d'un déplacement et d'une procédure à l'étranger sans être informé de ses droits. S'il ne soulève pas l'incompétence, c'est que pour une raison ou une autre, la compétence du juge saisi lui convient. Autrement dit, il ne peut s'agir que d'un véritable accord tacite[358]. En ce qui concerne le conflit entre l'article 18 et l'article 4, M. DROZ a indiqué que si les auteurs du Traité avaient oublié de faire figurer l'article 17 à côté de l'article 16 dans les exceptions à l'article 4, il en était de même pour l'article 18[359]. C'est pourquoi, avec la majorité de la doctrine[360], nous pensons que l'article 18 n'exige pas la domiciliation d'une partie sur le territoire d'un État contractant. On peut dès lors se demander ce qui peut expliquer une telle différence entre les accords tacites et les accords exprès.

 

    105.— Il reste alors à s'interroger sur la justification de l'exigence de la domiciliation de l'une des parties au moins sur le territoire d'un État contractant. Elle semble avoir été imposée afin que l'espace juridictionnel européen ne devienne pas, selon l'expression de M. DROZ, “ une sorte de "paradis" qui permettrait à des contractants n'y étant pas intégrés d'y trouver un juge    compétent ”, le bénéfice de l'article 17 ne devant en conséquence être accordé que “ si l'un des contractants au moins, par son intégration dans la Communauté, met en jeu les intérêts de la Communauté ”[361]. L'article 17 ne s'écarte donc pas totalement du système de la Convention de Bruxelles qui fait du domicile le facteur essentiel d'intégration du litige dans l'Union européenne. En effet, lorsque la Convention de Bruxelles permet au demandeur de choisir un autre for que le for du demandeur, c'est toujours à la condition que le défendeur soit domicilié dans un État contractant. Bien que la volonté des parties soit un critère de rattachement autonome par rapport au domicile du défendeur, l'exigence de la domiciliation, même si elle est détachée de la position procédurale des parties, demeure le signe que le litige présente une certaine intégration.

 

    Qu'il nous soit pourtant permis d'en douter. Tel qu'il est conçu actuellement, l'article 17 de la Convention de Bruxelles peut s'appliquer à des situations présentant des liens assez lâches avec l'Union européenne. Tel est le cas, nous semble-t-il, lorsque le domicile du défendeur et l'exécution du contrat sont situés dans un État tiers et que le demandeur est domicilié dans un État contractant. Et que dire si ce demandeur a un autre domicile dans un État tiers dans lequel l'essentiel de son activité se trouve localisée ou lorsque le domicile dans un État contractant ne résulte que d'une clause d'élection de domicile. Paradoxalement, l'article 17 est inapplicable alors même que le litige présente des liens sérieux avec la convention de Bruxelles. Ainsi en est-il lorsque le contrat est exécuté dans un État contractant et que toutes les parties sont domiciliées dans un État tiers.

 

    106.— Le domicile est un critère que nous estimons surabondant. Sa mise en œuvre est délicate, comme l'illustre la discussion née à propos de sa date d'appréciation. La volonté des parties nous semble constituer un meilleur facteur d'intégration. Si le domicile peut changer unilatéralement, la modification d'un accord exige, en principe, un autre accord. En souhaitant être jugées par le tribunal d'un État contractant, les parties ne manifestent-elles pas suffisamment leur volonté d'intégrer leurs intérêts dans l'Union européenne ?

 

    Pour répondre à cette question, il est nécessaire de placer la discussion sur un autre terrain. Celui de l'idée que les États contractants se font du rôle de la Convention de Bruxelles. Souhaitent-ils une Convention “ ouverte ” ou une Convention “ fermée ” ? En subordonnant l'application des chefs de compétence spéciaux, en matière contractuelle ou en matière délictuelle, par exemple, à la condition du domicile du défendeur, la Convention de Bruxelles se trouve en quelque sorte “ fermée ” sur elle-même. En admettant toutefois que la volonté des parties puisse déclencher son application, elle manifeste une ouverture certaine, limitée il est vrai par l'exigence de domiciliation. L'écarter permettrait d'ouvrir totalement la Convention dans l'hypothèse où la volonté des parties souhaite qu'un tribunal d'un État contractant tranche leur différend.

 

    La reconnaissance par le droit contemporain du rôle de l'autonomie de la volonté en matière de compétence judiciaire fait du choix de la juridiction un droit subjectif. Si l'on voulait bien s'accorder sur ce point, on reconnaîtrait que l'élargissement du champ d'application de la Convention de Bruxelles renforce l'exercice de ce droit en plaçant sur un pied d'égalité tous les justiciables, qu'ils soient ou non domicilié sur le territoire d'un État contractant. La suppression de l'exigence de domiciliation[362] présenterait ainsi l'avantage d'écarter toute discrimination. Elle n'irait pas non plus, d'après nous, à l'encontre de l'esprit de la Convention qui fait déjà de la volonté des parties l'unique critère de rattachement en matière d'accord tacite. On ajoutera que cette suppression ne viendra pas heurter la jurisprudence de la CJCE. L'absence de domiciliation dans un État contractant postule certainement la désignation d'un for neutre. Or, la Cour de Justice n'exige aucun lien entre le litige et le for élu[363].

 

§2 - La désignation du tribunal ou des tribunaux d'un État contractant

 

    107.— La seconde condition mentionnée à l'article 17 de la Convention est que la clause d'élection de for désigne le tribunal ou les tribunaux d'un État contractant. En visant la désignation d'un tribunal mais également des tribunaux, ce texte rend possible la clause attribuant une compétence générale aux juridictions d'un État membre. Dans ce cas, le tribunal spécialement compétent sera déterminé par les règles de compétence territoriale interne de l'ordre juridictionnel désigné par les parties[364].

 

    Littéralement, l'article 17 ne permet que la désignation du tribunal ou des tribunaux d'un seul État contractant. La CJCE admet pourtant la licéité de la clause désignant la compétence de plusieurs États membres dans l'arrêt Meeth c/ Glacetal[365]. En l'espèce, le litige opposait deux parties domiciliées chacune dans un État contractant différent à propos de l'exécution d'un contrat de vente comportant une clause attributive de juridiction réciproque. Cette clause imposait à la partie demanderesse d'attraire la partie défenderesse devant les juridictions de son État. Deux États avaient donc vocation à connaître du litige, leur désignation intervenant en considération de la partie à l'origine de l'action. Pour la CJCE, la formulation de l'article 17, “ inspirée de la pratique la plus courante dans la vie des affaires, ne saurait cependant être interprétée comme visant à exclure la possibilité, pour les parties, de désigner deux où plusieurs juridictions en vue du règlement de litiges éventuels ”.

 

    Que la Cour de Luxembourg s'écarte de la lettre de l'article 17 de la Convention de Bruxelles peut surprendre au premier abord. Sa démarche habituelle est plutôt orientée vers une interprétation stricte de ce texte. Mais une interprétation stricte n'est pas nécessairement littérale. L'essentiel reste avant tout d'assurer une lecture de l'article 17 qui soit conforme à son objectif. La finalité de ce texte étant de permettre aux parties de disposer librement de la compétence des États contractants, et de manière autonome[366], il n'est pas surprenant que la CJCE en assure une interprétation téléologique, ce qu'elle fait chaque fois qu'elle entend garantir “ l'effet utile ” de la Convention de Bruxelles[367]. La doctrine approuve dans son ensemble cette décision qui, en tenant compte de l'extrême variété des clauses d'élection de for, permet à la volonté des parties de s'exercer très librement.

 

    108.— L'exigence de la désignation du tribunal ou des tribunaux d'un — voire de plusieurs — État contractant n'étant qu'une condition d'application de l'article 17 et non une condition de validité, rien n'empêche les parties de préférer soumettre leur différend à un État tiers. Une telle désignation est possible même si ce choix a pour conséquence d'écarter les règles de compétence de la Convention de Bruxelles. Dans ce cas, il appartiendra au droit commun des conflits de juridictions de l'État contractant saisi du litige de décider si la clause d'élection de for peut écarter la compétence de ses tribunaux fondée … sur la Convention de Bruxelles. La doctrine apporte toutefois un tempérament à ce principe lorsque la protection de la partie faible est en cause. La clause désignant le tribunal ou les tribunaux d'un État tiers ne peut tenir en échec les règles de compétente protectrices en matière d'assurance, de contrats de consommation et en matière de contrat de travail[368].

 

    109.— La protection de la partie faible justifie sans doute l'extension du domaine de la Convention. Pour notre part, nous estimons souhaitable de voir s'appliquer l'article 17 chaque fois qu'un État contractant voit la compétence qui lui est conférée par la Convention de Bruxelles exclue par une clause désignant un État tiers. L'extension que nous appelons de nos vœux n'est pas motivée par un désir de protectionnisme juridique aboutissant à l'annulation quasi systématique de telles clauses, mais par un souci de protection juridique. Autant que possible, les parties doivent être en mesure de savoir avant tout litige si leur clause d'élection de for est licite ou non. Or, cet objectif est difficilement réalisable lorsque plusieurs droits étatiques sont susceptibles d'être appliqués. Cet inconvénient est en principe écarté lorsque tous les chefs de compétence sont situés dans les États contractants. Qu'il soit élu ou exclu, le juge d'un État contractant appliquera toujours une seule règle, l'article 17. Mais l'inconvénient de l'incertitude réapparaît en droit commun. Outre le droit du juge élu, qui normalement devrait être saisi, les droits de tous les juges exclus ont également vocation à être appliqués si le litige est porté à leur connaissance. Cette multiplicité des réglementations susceptibles d'être appliquées est pour le moins néfaste. Afin d'en réduire les effets, le meilleur moyen ne serait-il pas d'imposer aux États contractants une réglementation unique qui a déjà fait ses preuves — celle l'article 17 — aux clauses désignant le tribunal ou les tribunaux d'un État tiers et ce chaque fois que leur compétence internationale est fondée sur la Convention de Bruxelles ?

 

    110.— Selon les termes de M. ANCEL, La Convention de Bruxelles établit entre les tribunaux européens une “ fédération d'ordres juridictionnels ” ce qui a pour effet de dissoudre le cloisonnement des souveraineté dans la “ fongibilité ” relative des tribunaux[369]. En ce sens, les règles de compétence de la Convention de Bruxelles ressemblent plus aux règles internes de compétence qu'aux règles de droit commun des conflits de juridictions. Alors qu'en raison de leur caractère unilatéral, les règles de droit commun ne permettent pas de décider si les juridictions étrangères sont compétentes, il est en principe toujours possible de déterminer le tribunal ou les tribunaux étrangers compétents quand le litige relève de la Convention de Bruxelles. Mais dans les relations avec les États tiers, les règles de la Convention de Bruxelles vont cette fois ressembler aux règles de droit commun en ce sens qu'elles indiqueront uniquement si le litige peut être tranché par les tribunaux des États contractants. Dès lors, si un même corps de règles décide qu'une clause d'élection de for peut fonder la compétence des juridictions relevant de cette fédération d'ordres juridictionnels, il n'est pas déraisonnable d'affirmer qu'un même corps de règles doit décider si une clause peut l'écarter.

 

    L'application de l'article 17 de la Convention de Bruxelles aux clauses attribuant compétence à un État tiers n'irait bien évidement pas porter atteinte à sa souveraineté. Seule la loi de cet État peut décider si la volonté commune des parties peut fonder sa compétence internationale. Du reste, l'extension du domaine d'application de l'article 17 que nous suggérons ne concerne que le principe d'admissibilité de l'élection de for. Les conditions de validité, notamment de forme, que comporte ce texte ne devraient pas être appliquées à la clause qui désigne les juridictions d'un État tiers. Seule la loi de cet État, ou plutôt la loi désignée par le système de conflit de lois de ce État[370], devrait principe régir la validité de l'accord de volonté des parties. Tout reproche d'impérialisme juridique se trouve ainsi écarté.

 

    Si le domaine de la Convention de Bruxelles était étendu comme nous le souhaitons, celui du droit commun des conflits de juridictions deviendrait résiduel. Ce dernier serait réduit aux accords d'élection de for passés dans des matières qui ne sont pas régies par la Convention ou, dans ces matières, lorsque aucun chef de compétence de la Convention ne peut être appliqué. C'est le cas, par exemple, si la clause désignant les juridictions marocaines se trouve insérée dans un contrat exécuté dans cet État et conclu entre un Français domicilié en France et un Marocain domicilié dans son pays. Si le Français est demandeur, la clause a pour effet d'écarter l'article 14 du Code civil et, partant, relève du droit commun.

 

    Les conséquences de l'extension que nous proposons ne bouleverseront pas le droit commun français qui, sous l'influence de la Convention de Bruxelles, a évolué dans une direction très similaire. Elle présenterait le mérite d'assurer un traitement uniforme à la clause désignant un État tiers quel que soit le tribunal d'un État contractant saisi de sa validité. En faisant disparaître l'hétérogénéité des droits étatiques des États contractants dont les tribunaux sont saisis d'une telle clause, cette évolution ne peut qu'améliorer la perception que les États tiers se font de la Convention.

 

*

*   *

 

    111.— Conclusion du Titre I Synonyme de souplesse et d'une plus grande prévisibilité quant à la détermination de la compétente internationale, le principe de l'élection de for est reconnu par le droit international privé contemporain. Si l'entrée en vigueur du nouveau Code de procédure civile a pu laisser craindre une remise en cause de cette solution, la Cour de cassation a fort heureusement dissipé tout doute à ce sujet. Le principe même du choix du juge d'un commun accord des parties se trouve ainsi consacré par le droit, commun et conventionnel européen, des conflits de juridictions tandis que peut s'observer la reconnaissance de ce principe en droit comparé.

 

    La mise en œuvre du principe d'admissibilité suppose que soit constaté le caractère international du litige. Le choix d'une juridiction étrangère ne peut en effet être admis pour une affaire purement interne, de même que le simple fait de désigner une juridiction étrangère n'a pas pour effet d' “ internationaliser ” le litige. En fait, le caractère international du l'accord d'élection de for n'est que la conséquence de son caractère accessoire. L'accord sur la compétence ne sera international et, partant, ne bénéficiera du principe d'admissibilité, que si le contrat pour le compte duquel il a été stipulé — ou la relation juridique litigieuse s'il intervient en matière extra-contractuelle — est international.

 

    Pour relever du régime d'admissibilité des Conventions de Bruxelles et de Lugano, il est exigé que l'accord d'élection de for désigne le tribunal ou les tribunaux d'un État contractant et, surtout, que l'une des parties au moins soit domiciliée sur le territoire d'un État contractant. Cette exigence de domiciliation peut à bien des égards apparaître surabondante. La seule désignation d'un tribunal ou des tribunaux d'un État contractant devrait pouvoir constituer un rattachement suffisant du litige en Europe dès lors qu'il procède de la volonté commune des parties. L'article 17 devrait, au demeurant, pouvoir également s'appliquer à une clause désignant les juridictions d'un État tiers chaque fois que le tribunal (ou les tribunaux) d'un État contractant aurait pu retenir sa compétence sur le fondement de la Convention de Bruxelles si aucun accord n'avait pas été conclu. Ces propositions, en l'état, présentent évidement un caractère prospectif. Elles impliquent une redéfinition du rôle de la Convention de Bruxelles par les États contractants. Il reste néanmoins que la Convention doit aussi dans l'avenir évoluer vers une meilleure perception de cette dernière par les États tiers.

 


 

TITRE II

 

LES LIMITES AU PRINCIPE D'ADMISSIBILITÉ

 

 

 

 

 

 

    112.— La possibilité de désigner un ordre juridictionnel que le principe d'admissibilité reconnaît aux parties n'est pas sans limite. Elle se trouve avant tout restreinte par les règles françaises de compétence impérative lorsque la clause d'élection de for désigne une juridiction étrangère. Cette limite est expressément formulée par l'arrêt C.S.E.E. c/ Sorelec qui déclare nulle la clause d'élection de for “ si elle fait échec à la compétence impérative d'une juridiction française ”. Elle se trouve également mentionnée par l'article 17 de la Convention de Bruxelles qui prohibe les clauses portant atteinte à l'article 16. La Convention a également prévu un régime particulier plus strict dans certaines matières où la protection de la partie faible est concernée.

 

    113.— La détermination de l'impérativité[371] est toutefois rendue complexe en raison de l'envahissement de l'ordre public en matière de compétence judiciaire. À cet égard, Mme Sinay-Cytermann a montré qu'indépendamment du parti que l'on adopte à propos de la nature des règles de compétence internationale, cette détermination se présentait selon l'alternative suivante : transposer purement et simplement l'impérativité interne à l'ordre international ou au contraire l'adapter pour tenir compte de la spécificité de la compétence internationale[372]. Assurément, la seconde branche de cette alternative est de loin la plus satisfaisante. En effet, si les règles de compétence internationale s'inspirent principalement des règles de compétence interne, elles n'en sont pas de pâles copies dans la mesure où les unes et les autres remplissent des fonctions différentes[373]. Dans cette perspective, il ne saurait être question, comme l'a judicieusement relevé cet auteur, d'étendre l'impérativité interne à l'ordre international mais de prendre comme point de départ le droit international lui-même[374]. En d'autres termes, les règles de compétence internationale impératives doivent être déterminées  par “ l'analyse des données propres aux rapports internationaux ”[375]. Cette démarche n'interdit nullement la transposition de la compétence impérative interne à la compétence internationale. Elle ne commande de le faire que si elle répond à une nécessité propre à l'ordre international[376]. Par ailleurs, il se peut que l'impérativité internationale ne corresponde à aucun cas d'impérativité interne. Là encore, il y a lieu de tenir compte de la spécificité de la compétence internationale.

 

    114.— Si l'impérativité de certains chefs de compétence n'est guère contestée, elle apparaît moins bien établie dans d'autres hypothèses. Procédant à une analyse téléologique de la compétence internationale, Mme Sinay-Cytermann a proposé de distinguer, parmi les règles de compétence impérative, celles qui ont pour objectif de protéger l'un des plaideurs et celles qui ont pour objectif la bonne administration de la justice. Selon cet auteur, “ les objectifs de bonne administration de la justice sont en général commun à l'ordre interne et à l'ordre international. Que le litige présente ou non un élément d'extranéité, le tribunal compétent devra toujours être à proximité des parties, des moyens de preuve, des biens litigieux ou des biens sur lesquels sera poursuivie l'exécution ”[377]. Mme Sinay-Cytermann remarque cependant que les nécessités liées la bonne administration de la justice interne ne recoupent pas nécessairement les nécessités liées à la bonne administration de la justice internationale. D'où l'idée de recourir — en plus de la notion de protection de la partie faible — à la notion de “ bonne administration de la justice internationale ” pour déterminer l'impérative de la compétence internationale.

   

    Cette classification des critères de l'impérativité est très convaincante. Elle ne sera, cependant, que partiellement reprise pour les besoins de notre étude. Loin de nous, toutefois, l'idée de remettre en cause l'analyse proposée par Mme Sinay-Cytermann. Notre objectif est d'aborder d'une manière plus large encore la détermination des critères de l'impérativité en matière de compétence judiciaire internationale, notamment en examinant la question de savoir si l'applicabilité d'une loi de police française entraîne corrélativement la compétence impérative des juridictions françaises. À supposer, en effet, qu'une telle compétence soit admise, elle ne concernerait pas à proprement parler la “ bonne administration de la justice ” qui, en principe, a trait à des considérations procédurales[378]. Aussi bien distinguerons-nous l'impérativité fondée sur la protection de la partie faible (Chapitre I) des autres critères d'impérativité en général (Chapitre II).

 


 

CHAPITRE I

 

LA PROTECTION DE LA PARTIE FAIBLE

 

 

 

 

 

    115.— La protection de la partie en situation de faiblesse, tant en droit interne qu'en droit international privé[379], est un phénomène récent. Pendant longtemps, la conception du contrat adoptée par le droit, comme étant l'émanation d'une libre négociation entre des parties placées sur un pied d'égalité, a ignoré le contrat d'adhésion. Mais le développement de la production et de la consommation de masse va très sensiblement battre en brèche l'idéologie du contrat négocié. Dans la crainte que la partie en position de force n'abuse de sa situation afin d'organiser le contrat à son seul avantage, la loi contemporaine va imposer une réglementation impérative destinée à protéger certains contractants réputés faibles à l'encontre de certains contractants réputés forts. “ Ainsi pour la première fois, le contrat d'adhésion cesse officiellement d'être traité comme un contrat parmi d'autres. Il est, en quelque sorte, suspecté d'inégalité ”[380]. Les règles de compétence juridictionnelle ne restent pas à l'écart de ce phénomène. En droit interne, la protection de la partie en situation de faiblesse est assurée par la prohibition des clauses attributives de juridiction conclues entre commerçant et non-commerçant (article 48 du nouveau Code de procédure civile) et entre employeur et salarié (article R 517-1 du Code du travail).

 

    S'agissant du droit international privé, la liberté accordée aux parties quant au choix de la juridiction internationalement compétente va être limitée, voire écartée, dans certains contrats d'adhésion internationaux[381]. À cet égard, on constate que le droit conventionnel et le droit commun des conflits de juridictions n'offrent pas un niveau de protection identique. Si la Convention de Bruxelles réglemente les accords d'élection de for passés avec les consommateurs (article 15), avec les assurés (article 12) et avec les salariés (article 17 alinéa 6 introduit par la Convention de San Sébastien du 26 mai 1989), le droit commun des conflits de juridictions n'a, en revanche, pas encore achevé son évolution. La doctrine s'accorde certes à considérer que les règles internes de compétence territoriale impérative doivent être étendues à l'ordre international lorsqu'elles ont pour objet de protéger un plaideur en situation de faiblesse[382]. Mais cette extension ne s'effectue pas sans certains aménagements. La non transposition de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile aux relations internationales, ainsi que les soubresauts jurisprudentiels concernant les clauses attributives de juridiction dans les contrats de travail internationaux, en sont la démonstration. Le régime juridique de la protection de la partie faible, dans les accords d'élection de for relevant du droit commun, est en train de s'élaborer.

 

    Le contraste entre le droit commun et le droit conventionnel européen justifie par conséquent une étude comparative du régime des accords d'élections de for conclus avec les consommateurs (Section I), assurés (Section II) et les salariés (Section III). Ce faisant, l'on pourra constater que la protection de la partie faible contre les accords d'élection de for s'avère parfois insuffisante. Nous serions alors tenté de proposer d'en combler les lacunes en adoptant une autre manière de raisonner fondée sur la notion de droit d'accès à un tribunal. L'accès à la justice de la partie faible constitue précisément ce que tout dispositif de protection a, ou devrait avoir, pour objet de préserver. Or, l'effectivité de ce droit d'accès à un tribunal se trouve aujourd'hui garantie par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme dont la mise en œuvre devrait, nous semble-t-il, permettre de renforcer la protection de la partie faible quand cela s'avère nécessaire (Section IV).

 

 

 

 

 

 

 

 

Section I

Les conventions d'Élection de for passÉes

dans les contrats conclus avec les consommateurs

 

 

    116.— Subordonner l'application de la réglementation protectrice des consommateurs envers les accords d'élection de for à l'appartenance du rapport de droit litigieux dans la catégorie des contrats internationaux de consommation ne présente, en soi, aucune originalité. Comme toute règle de droit, les règles protectrices des consommateurs se décomposent en un présupposé et un effet juridique. Le déclenchement de l'effet juridique, la protection de la partie faible vis-à-vis des accords d'élection de for, suppose par conséquent résolue la question de savoir si l'une des parties au contrat est un consommateur et si ce contrat est international. Il convient alors d'entreprendre l'étude de la qualification de contrat international de consommation (Sous-Section I) avant d'aborder celle des règles protectrices des consommateurs contre les accords d'élection de for (Sous-Section II).

 

Sous-Section I

La notion de contrat international de consommation

 

 

    117.— La notion de contrat international de consommation est délicate à appréhender dans la mesure où la conception que l'on peut avoir du consommateur, d'une part, et de l'internationalité du contrat, d'autre part, sont l'une et l'autre susceptibles de plusieurs acceptions. Il importe alors de déterminer laquelle de ces acceptions doit être retenue. Nous serons donc amené à distinguer la notion de consommateur (§1) de l'internationalité du contrat de consommation (§2).

 

§1 - La notion de consommateur

 

    118.— La notion de consommateur peut être entendue de deux manières. Une première conception envisage le consommateur comme toute personne qui contracte à des fins personnelles qui n'entrent pas dans le champ de son activité professionnelle. Comprise plus largement, elle englobe le professionnel qui contracte dans le cadre de son activité mais dans un domaine étranger à sa compétence habituelle. Si la conception stricte a les faveurs du droit conventionnel européen (A/), la question est plus discutée en droit commun des conflits de juridictions (B/).

 

    A/ La notion de consommateur en droit conventionnel européen

 

    119.— L'article 13 des Conventions de Bruxelles et de Lugano définit le consommateur comme la personne qui contracte “ pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle ”. Cette définition, reprise en des termes identiques par l'article 5 de la Convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles, correspond à une acception restrictive de la notion de consommateur[383]. La formulation utilisée pouvait sans doute être interprétée avec une certaine souplesse dans la mesure où l'article 13 n'exige pas que l'usage soit totalement étranger à l'activité professionnelle. Il aurait ainsi été concevable de considérer comme consommateur celui qui contracte dans le cadre de son activité professionnelle, mais pour un usage qui soit étranger à cette activité. Tel est le cas, notamment, lorsqu'un bien est affecté à des fins professionnelles alors que son utilisation est étrangère au domaine de cette activité. Un boulanger qui achète de la farine contracte indubitablement dans le cadre de son activité professionnelle. Ce même boulanger qui équipe son magasin d'un système d'alarme contracte bien pour un usage étranger à son activité professionnelle qui consiste à fabriquer et à vendre du pain.

 

    Pourtant, la manière avec laquelle la CJCE a interprété la notion de consommateur condamne toute déviation vers une définition souple de l'article 13[384]. La Cour de Luxembourg a, en effet, estimé que si les règles de compétence relatives aux contrats passés avec les consommateurs sont inspirées par le souci de protéger le consommateur “ en tant que partie réputée économiquement plus faible et juridiquement moins expérimentée que son cocontractant ”, ces dispositions “ ne visent que le consommateur final privé, non engagé dans des activités commerciales ou professionnelles ”[385]. On relèvera que, suivant une démarche qui lui est désormais familière, la CJCE écarte toute idée de renvoi aux concepts juridiques des États contractants, estimant que l'utilisation de concepts autonomes constitue le moyen le plus efficace pour assurer une application uniforme de la Convention de Bruxelles.

 

    La portée de cette définition sera par la suite affinée, toujours dans un sens restrictif. Il va ainsi être précisé, à l'occasion d'une affaire où un professionnel tenait ses droits d'un consommateur, que la Convention “ ne protège le consommateur qu'en tant qu'il est personnellement demandeur ou défendeur dans une procédure ”[386]. Il en résulte que la protection du consommateur ne lui est applicable qu'en tant que partie au procès, le fait qu'il ait cédé ses droits à un professionnel ne fait pas de ce dernier … un consommateur. La CJCE a par ailleurs précisé que ne devait pas être considérée comme un consommateur la personne “ qui a conclu un contrat en vue de l'exercice d'une activité professionnelle non actuelle mais future ”[387].

 

    120.— Cette approche restrictive du consommateur est fréquente en droit international. Ainsi pour l'article 2 du projet de Convention sur la loi applicable à certaines ventes aux consommateurs, élaboré par la Conférence de droit international de La Haye en 1980 et qui a depuis été abandonné, le consommateur est “ la personne qui achète des marchandises principalement pour un usage personnel, familial ou domestique ”[388]. En droit communautaire, la directive européenne du 5 avril 1993 relative aux clauses abusives le définit, dans son article 2,b, comme “ toute personne physique qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle ”[389].

 

    Apprécier la pertinence de cette conception restrictive suppose l'examen de la thèse inverse, celle de la conception extensive, dont nous allons maintenant rendre compte en analysant la notion de consommateur en droit commun des conflits de juridictions.

 

    B/ La notion de consommateur en droit commun des conflits de juridictions

 

    121.— Si l'on estime applicable aux accords d'élection de for le droit interne des clauses abusives, ce que nous nous efforcerons de démontrer ultérieurement[390], la qualité de consommateur devra alors être déterminée en application des critères du droit français. On déplorera, à cet égard, que l'avènement du droit de la consommation ne se soit pas accompagné d'une définition légale du consommateur. En effet, ni les lois protectrices des consommateurs, qui ont proliféré depuis une vingtaine d'année[391], ni le Code de la consommation, qui les a regroupées, ne définissent le consommateur. Les auteurs du projet de refonte et de codification du droit de la consommation avaient bien proposé une définition du consommateur[392] mais elle ne fut pas reprise par le texte final[393]. Il en fut de même à propos de la définition du consommateur retenue par la directive européenne du 5 avril 1993[394] qui fut écartée par la loi de transposition du 1er février 1995. Le Code de la consommation fait donc référence au consommateur… sans le définir.

 

    122.— L'absence de définition légale du consommateur ne porterait toutefois pas à conséquence si la jurisprudence avait su définir une notion du consommateur facile à mettre en œuvre. Or, l'analyse des décisions publiées fait apparaître qu'entre la conception restrictive et la conception extensive, “ le cœur de la Cour de cassation balance depuis dix ans ”[395] si bien que l'on a pu écrire que “ le consommateur est encore, en droit français, à la recherche de sa   définition ”[396]. Tantôt, certaines décisions affichent une conception étroite du consommateur[397]. D'autres consacrent l'idée qu'un professionnel qui contracte en dehors de sa spécialité se trouve dans le même état d'ignorance et d'incompétence que n'importe quel consommateur auquel il doit être assimilé[398]. Un dernier courant, enfin, adopte une voie médiane selon laquelle la protection contre les clauses abusives ne s'applique pas au professionnel qui a passé un contrat ayant un “ rapport direct ” avec son activité[399].

 

    Le critère du “ rapport direct ” ayant été adopté par les arrêts les plus récents, l'on peut se demander s'il n'exprimerait pas désormais la religion de la Cour de cassation. Il resterait alors à déterminer les cas dans lesquels le contrat conclu par le professionnel présenterait un rapport direct ou indirect avec son activité. Cette détermination ne manquera pas de soulever de nombreuses interrogations[400]. Si l'on retient, en effet, une appréciation in concreto de l'existence d'un tel rapport, il faudrait considérer que tous les contrats passés à l'occasion de l'exercice de la profession présentent un rapport direct avec cette dernière ce qui reviendrait à préférer la vision la plus restrictive de la notion de consommateur[401]. Si tel avait été le souhait de la Cour de cassation, il nous semble qu'elle l'aurait exprimé plus clairement. Aussi bien, il a été suggéré de distinguer entre, d'une part, “ les contrats nécessaires et inhérents à l'exercice de l'activité professionnelle spécifique du cocontractant ” et, d'autre part, “ les contrats conclus à l'occasion de l'activité professionnelle du contractant, extérieurs à l'objet spécifique de cette activité, à tel point que n'importe quel professionnel […] pourrait les conclure en vue de l'exercice de sa profession ”[402]. Une autre approche, assez voisine, estime que les contrats en rapport direct avec l'activité professionnelle “ sont ceux qui participent au processus économique de fabrication, de distribution ou de commercialisation des produits ou des services ”, les contrats sans rapport direct, peu nombreux, étant essentiellement ceux qui ont pour objet “ la protection du patrimoine commercial du professionnel ”[403].  Il apparaît ainsi que le critère du rapport direct permettra toujours d'assimiler dans certains cas, plus rares il est vrai, le professionnel à un consommateur.

 

    123.— Les nombreuses hésitations auxquelles ont donné lieu l'élaboration jurisprudentielle de la notion de consommateur doivent être mises en parallèle avec la diversité des opinions doctrinales émises en ce domaine : alors qu'une partie de la doctrine se montre favorable à une conception large[404], d'autres auteurs préfèrent s'en tenir à une définition stricte[405]. Or les arguments échangés de part et d'autre ne sont pas, selon nous, dénués de pertinence.

 

    D'un côté, ceux qui défendent la conception stricte reprochent à la conception élargie d'instaurer une trop grande insécurité juridique en rendant imprécises les frontières du droit de la consommation[406]. Car “ pour savoir si un professionnel agit, ou non, dans sa sphère de compétence, il faut procéder, cas par cas, à une recherche dont le résultat est toujours      aléatoire ”[407]. Au surplus, il n'est pas sûr qu'un professionnel qui agit en dehors de sa compétence soit aussi désarmé qu'un consommateur[408].

 

    D'un autre côté, il n'est pas inexact de signaler qu'un professionnel qui contracte hors de son champ habituel d'activité se trouve souvent placé dans le même état d'infériorité intellectuelle, technique, et parfois juridique ou économique qu'un simple consommateur. Il doit pouvoir alors être protégé contre les clauses abusives[409].

 

    124.— Ces diverses conceptions “ ont toutes leurs vices et leurs vertus ”[410]. Aucune, en l'état, ne paraît pleinement satisfaisante.

 

    On a raison de dénoncer le manichéisme de la thèse étroite qui accrédite “ l'idée selon laquelle le consommateur doit être présumé irréfragablement incompétent, ignorant et inexpérimenté, tandis qu'au contraire tout professionnel doit être irréfragablement considéré comme suffisamment compétent, savant et expérimenté pour déjouer les pièges que son cocontractant peut lui tendre lors de la conclusion du contrat ”[411]. La réalité, on s'en doute, est évidement plus subtile.

 

    Mais l'acception large de la notion de consommateur peut, selon les cas, conduire à une sous-protection ou à une surprotection. À une sous-protection dans la mesure où la situation d'infériorité du professionnel n'est pas toujours liée au fait qu'il contracte dans un domaine étranger à son activité. Alors même qu'ils contracteraient pour un usage directement lié leur activité professionnelle, certains professionnels peuvent être contractuellement placés dans une situation de dépendance par rapport à leur cocontractant[412]. Ainsi certains contrats, tels les contrats de concession, de franchise, de sous-traitance, etc. constituent le plus souvent des contrats d'adhésion générateurs d'inégalités au profit de celui qui détient le plus grand pouvoir économique. Or, même en retenant une acception large de la notion de consommateur, le professionnel placé dans une situation de faiblesse n'est pas, en l'occurrence, protégé contre les clauses abusives.

 

    Au demeurant, l'acception large de la notion de consommateur conduit à une surprotection si le professionnel profane se trouve en mesure, compte tenu de sa puissance économique et de ses connaissances juridiques, de négocier librement les termes de son contrat. Il demeure, certes, en état d'infériorité technique mais cette dernière doit, en principe, être palliée par l'obligation de renseignement issue du droit commun des obligations.

 

    125.— Dès lors, on est amené à se demander si la lutte contre les clauses abusives et, d'une manière générale, contre toutes les injustices contractuelles, passe nécessairement par une extension de la notion de consommateur. Assimiler le professionnel au consommateur aboutit inévitablement à une confusion des ordres qui risque de nuire au consommateur. À trop étendre le champ de cette protection, ne risque-t-on pas de la fragiliser ? Si l'on estime que le droit de la consommation n'est pas fait pour les professionnels, il ne faut pas perdre de vue que la qualification de consommateur n'aurait pas été tant sollicitée si la jurisprudence avait tenu compte de la réalité des contrats d'adhésion entre professionnels. Aussi bien, une acception stricte de la notion de consommateur ne peut être retenue qu'à la condition de pouvoir juridiquement sanctionner les abus commis dans les contrats passés entre professionnels. Dans cette perspective, comme il n'est pas question d'appliquer le droit de la consommation aux professionnels, il faudrait alors admettre l'efficacité de principe de certaines clauses tout en se réservant la possibilité de les écarter quand leur mise en œuvre s'avérait abusive.

 

    C'est parce que le consommateur, entendu restrictivement, est irréfragablement perçu comme étant placé dans une situation d'infériorité qu'une élimination a priori des clauses abusives serait justifiée. Ce doit être l'objectif du droit de la consommation qui permet d'ailleurs — sous certaines conditions — d'éliminer les clauses abusives dans les formules de contrats proposées au consommateur.

 

    Une démarche inverse doit guider les contrats passés entre professionnels. Ces derniers doivent être présumés de force égale. Mais cette présomption ne doit pas être irréfragable et une clause doit pouvoir être écartée si son application s'avère effectivement abusive.

 

    126.— Aussi nous paraît-il préférable de retenir une acception stricte de la notion de consommateur : les règles de compétence judiciaire internationale, qu'elles soient de source nationale ou de source conventionnelle, s'en trouveront ainsi harmonisées. Cela permettra, en outre, d'éviter de considérer une partie comme consommateur lors de la détermination de la compétence juridictionnelle pour lui refuser ensuite cette qualité au moment de la mise en œuvre d'une règle de conflit de loi ou d'une loi de police. Rappelons, en effet, que la Convention de Rome, qui définit strictement le consommateur, constitue le droit commun des contrats internationaux en matière de conflit de lois et qu'elle est applicable même si la règle de compétence désignant l'ordre juridictionnel du for n'est pas issue de la Convention de Bruxelles mais du droit commun. Une acception unifiée de la notion de consommateur étant souhaitable pour un règlement harmonieux des litiges internationaux, il apparaît nécessaire d'écarter, en matière internationale, le critère du rapport direct au profit d'une notion restrictive.

   

    Cela étant, le professionnel qui se trouverait en situation de faiblesse ne doit pas rester sans protection. Dans cette voie, si la clause d'élection de for doit demeurer licite en son principe — sans quoi toute intervention de la volonté serait impossible en matière de compétence internationale — il doit être permis d'en contester l'efficacité si sa mise en œuvre ruine l'accès effectif à un tribunal d'un professionnel placé dans un état de dépendance ou d'infériorité par rapport à son cocontractant[413].

 

§2 - L'internationalité du contrat de consommation

 

    127.— Dès lors que l'internationalité d'un contrat est susceptible de deux acceptions, l'une juridique, l'autre économique[414], la question se pose de savoir si le fait qu'un contrat soit passé entre un consommateur et un professionnel postule l'application de tel critère plutôt que tel autre. Il nous semble, à cet égard, que cette internationalité ne devrait pouvoir être fondée que sur un critère juridique. En effet, le critère économique est essentiellement utilisé afin de déclencher l'application de règles matérielles de droit international privé, notamment en matière de commerce international. Or, les contrats de consommation, surtout si l'on retient une acception stricte de la notion de consommateur, ne participent pas au commerce international. Ils ne devraient pas pouvoir en conséquence être considérés comme économiquement internationaux.

 

    128.— L'argumentation développée dans ce sens par M. Leclerc nous semble à cet égard pertinente[415].

 

    Cet auteur relève tout d'abord qu' “ outre le fait que de tels contrats, par la nature et le volume des transactions qu'ils concernent, ne s'apparentent guère aux contrats dont la jurisprudence traditionnellement citée a eu à connaître, il convient de ne pas oublier que leur commercialité n'est que “ partielle ” ”[416]. En effet, un contrat passé entre un professionnel et un consommateur constitue un acte mixte, certes commercial pour le professionnel, mais civil pour le consommateur. Or la plupart des décisions retenant la définition économique du contrat international ne concernent, en général, que des relations purement commerciales[417].

   

    En outre, lorsque la jurisprudence évoque les accords “ mettant en jeu des intérêts du commerce international ” pour justifier un régime de liberté accrue,   “ elle vise en premier lieu les intérêts des deux parties contractantes au bon déroulement de l'opération […]. Mais encore faut-il que cet accroissement de la liberté réponde à l'intérêt commun des deux parties, et non à une seule ”. Or la partie faible n'a pas grand intérêt à se voir appliquer une solution libérale[418].

 

    Enfin, le critère économique mérite d'autant moins d'être étendu car, “ concentrant son attention exclusivement sur le dépassement par l'opération de cadre de l'économie interne, cette approche ignore le fait que les contrats comportant une partie faible, à la différence des contrats commerciaux, s'intègrent dans la sphère sociale de l'État ayant édicté la législation protectrice, et ce nonobstant les éléments d'extranéité qu'ils comportent ”[419]. Appliquer l'analyse économique d'internationalité reviendrait alors à méconnaître l'une des caractéristiques essentielles des contrats passés avec une partie faible.

 

    129.— La Cour de cassation a pourtant récemment d'appliqué le critère économique pour qualifier l'internationalité d'un contrat de consommation[420]. En l'espèce, un particulier avait commandé un véhicule de luxe à un constructeur britannique aux termes d'un contrat qui comportait une clause d'arbitrage à Londres. Pour juger efficace cette clause compromissoire, la première Chambre civile constata que le contrat “ réalisait un transfert de bien et de fonds entre la France et le Royaume-Uni ” et qu'il “ mettait en cause les intérêts du commerce international ”, autrement dit qu'il était économiquement international.

 

    Cette décision est critiquable à plus d'un titre. De ce que l'arbitrage international présuppose une internationalité économique (article 1492 du nouveau Code de procédure civile), la Cour de cassation était obligée de juger ce contrat de consommation comme “ économiquement ” international si elle voulait que la clause compromissoire reçoive application. Cependant, l'on peut douter que l'arbitrage international constitue le mode de règlement le plus approprié des litiges de consommation[421].

 

    Au demeurant, indépendamment de la question de l'arbitrage international, l'on pouvait très probablement estimer que ce contrat était également international en application du critère juridique. Ce n'est après tout guère surprenant dans la mesure où le critère juridique est traditionnellement perçu comme plus large que le critère économique[422]. Certains arrêts estiment pourtant qu'un contrat “ monolocalisé ” peut être économiquement international s'il met en jeu les intérêts du commerce international[423]. Or, si l'on va très loin dans l'assimilation à laquelle se livre en quelque sorte la Cour de cassation du consommateur à un opérateur du commerce international , il est alors possible de soutenir qu'un contrat de consommation ne comportant aucun élément d'extranéité peut être néanmoins qualifié d'international parce qu'il met en jeu les intérêts du commerce international en réalisant, par exemple, la vente d'un bien fabriqué à l'étranger. Même si d'aucuns pourraient juger cette illustration un temps soit peu excessive, nous estimons néanmoins que cet arrêt de la Cour de cassation fait craindre une utilisation de l'internationalité “ économique ” comme moyen d'échapper aux contraintes du droit interne en matière de clause d'arbitrage et de clause attributive de juridiction. Il y aurait là un véritable détournement de ce critère car l'on ne peut s'empêcher de penser que l'internationalité “ économique ” est intimement liée à l'activité exercée par les cocontractants.

 

 

 

 

 

 

 

Sous-Section II

La protection des consommateurs contre

les accords d'Élection de for

 

 

    130.— Rapporteur général en droit international privé des travaux de l'association Henri CAPITANT consacrés à la protection des consommateurs, le Doyen MALAURIE écrivait en 1973 qu'il n'allait pas traiter de “ la compétence judiciaire, qui [ne] présente, en matière de protection du consommateur, aucun particularisme ”[424]. Il est exact qu'avant l'entrée en vigueur, la même année, de la Convention de Bruxelles la détermination de la compétence internationale du juge français ne tenait aucun compte de la protection des consommateurs. L'intérêt d'une catégorie particulière de rattachement apparaissait sans doute inutile pour le consommateur de nationalité française qui bénéficiait du privilège des articles 14 et 15 du Code civil. À la vérité, cette protection était bien insuffisante. Tout d'abord, elle était refusée au consommateur de nationalité étrangère qui avait contracté avec un professionnel de nationalité française. Ensuite, le caractère subsidiaire des articles 14 et 15 du Code civil étant depuis longtemps affirmé, il demeurait possible d'écarter ces chefs de compétence exorbitants au moyen d'une clause attributive de juridiction qu'aucune règle particulière ne limitait. Sans doute, l'entrée en vigueur du nouveau Code de procédure civile permettait de penser que les consommateurs internationaux seraient protégés des clauses attributives de juridiction par l'article 48 du nouveau Code de procédure civile. On sait que le texte, mal adapté aux nécessités du commerce, n'a pas été étendu aux relations internationales par la Cour de cassation. Pour autant, nous pensons possible l'élaboration, en droit international privé commun, d'un régime protecteur concernant les accords d'élection de for passés avec les consommateurs.

 

    131. — Dans sa première version, la Convention de Bruxelles ne semblait pas non plus prendre en compte les intérêts consuméristes. La compétence particulière de la section 4 du titre 2 ne concernait au départ que les “ ventes et prêts à tempérament ”. Il n'était fait aucunement allusion à la qualité de la personne de l'acheteur ou de l'emprunteur. Dans ce contexte, il paraissait difficile de voir dans ce texte une compétence spécifiquement destinée à protéger le consommateur. La thèse que M. DROZ a consacrée à la Convention de Bruxelles précise d'ailleurs que si les prêts à tempérament présentant un caractère international touchent moins directement les consommateurs, ils n'en restent pas moins fréquents dans les relations commerciales internationales[425]. Il ne semblait donc pas, dans l'esprit de cet auteur qui a participé à l'élaboration de la Convention de Bruxelles, que cette compétence ait été limitée au contrat de consommation. Seul le rapport JÉNARD indiquait, sans plus de précision, que la section 4 tendait à la protection de certaines personnes, notamment en matière de contrat d'adhésion[426]. Il faudra attendre la Convention d'adhésion de 1978 pour que cette compétence particulière soit consacrée pour les seuls contrats conclus avec des consommateurs. La CJCE avait cependant précédé ce mouvement en reprenant l'opinion du rapporteur à l'occasion de l'arrêt Bertrand c/ P. Ott [427]. Procédant à une interprétation téléologique de la Convention et à une analyse autonome de la notion de vente à tempérament, démarche qui lui est familière, la Cour de Justice avait précisé que les articles 13 à 15 de la version initiale avaient pour objet de protéger les acheteurs qui, en raison de leur faiblesse économique, sont des “ consommateurs finals à caractère privé ”.

 

    Le droit européen étant plus abouti, nous commencerons notre analyse par l'étude de la réglementation des Conventions de Bruxelles et de Lugano relatives aux accords d'élection de for passés avec les consommateurs (§1), pour, dans un second temps, envisager les mesures protectrices susceptibles d'être élaborées en droit commun des conflits de juridictions à partir du droit de la consommation (§2).

 

§1 - La réglementation par les Conventions de Bruxelles et de Lugano des accords d'élection de for passés avec les consommateurs

 

    132.— Avant d'examiner le régime de protection que les Conventions de Bruxelles et de Lugano organisent à propos des clauses d'élection de for insérées dans les contrats de consommation (B/), nous étudierons les conditions d'application de ce régime protecteur (A/).

 

   

    A/ Les conditions d'application de la protection des consommateurs

 

    133.— Il est évident que l'article 15 de la Convention de Bruxelles relatif à la protection des consommateurs contre les clauses d'élection de for n'est applicable que si le litige entre dans le domaine de cette protection. Mais il faut toutefois préciser que si, à une première lecture, l'intitulé de la section 4 du titre 2 issu de la Convention d'adhésion de 1978 — “ compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs ” — laisse penser que la protection judiciaire du consommateur s'y trouve intégralement abordée, une analyse approfondie des articles 13 à 15 qui la composent dément cette première impression.

 

    En effet, le champ d'application des règles de compétence spécifiques aux consommateurs ne concerne que certains litiges s'élevant à l'occasion de contrats limitativement énumérés par l'article 13. Les contrats visés sont la vente à tempérament d'objets mobiliers corporels (article 13-1), le prêt à tempérament ou autre opération de crédit liés au financement d'une vente de tels objets (article 13-2), ou bien tout contrat ayant pour objet une fourniture de services ou d'objets mobiliers corporels, si la conclusion du contrat a été précédée dans l'État du domicile du consommateur d'une proposition spécialement faite ou d'une publicité, et que ce consommateur a accompli dans cet État les actes nécessaires à la conclusion de ce contrat (article 13-3). En outre, l'article 13, alinéa 3, exclut le contrat de transport du domaine d'application de la protection du consommateur. En ne s'appliquant pas à tous les contrats de consommation et en ne protégeant pas les “ consommateurs “dynamiques” ”[428], c'est-à-dire ceux qui ont conclu des contrats transfrontières sans avoir été sollicités, les articles 13 et 15 excluent de leur protection des parties dont la situation d'infériorité est manifeste. De la sorte, certains contrats passés entre une partie forte et une partie faible relèveront du droit commun de la Convention de Bruxelles en matière contractuelle (articles 2 et 5-1°) et, pour ce qui est des clauses d'élection de for, de l'article 17. Cette situation est loin d'être satisfaisante. N'est-il pas contradictoire de vouloir harmoniser, voire unifier, le droit de la consommation des États membres de l'Union européenne et favoriser la circulation des personnes sans garantir l'accès à la justice de certains consommateurs ? L'objectif de protection des consommateurs, introduit dans le Traité de Rome par l'Acte unique (article 100 A) et été réaffirmé par le Traité de Maastricht (Titre XI, article 129 A), ne doit pas être tributaire des circonstances dans lesquels le contrat a été conclu. Le consommateur doit être protégé uniquement parce qu'il se trouve, en principe, dans une situation de faiblesse structurelle. Il serait par conséquent souhaitable que la Convention de Bruxelles soit modifiée sur ce point. 

 

    134.— Il ne suffit pas que le litige entre dans le champ d'application de l'article 13 pour que le consommateur bénéficie de la protection de l'article 15. Il faut également que les conditions d'application de ce texte soient réunies. On insistera, à cet égard, sur la condition de désignation du tribunal d'un territoire contractant et sur la condition de domiciliation à propos desquelles nous avons dit, en ce qui concerne l'article 17, qu'elles nous paraissaient contestables[429]. On observera à cet égard un assouplissement et un durcissement de ces conditions par rapport à l'article 17.

 

    135.— L'assouplissement concerne la condition de désignation du tribunal ou des tribunaux d'un État contractant. On remarque tout d'abord que le texte de l'article 15 reste muet sur cette question ce qui permet deux interprétations. La première consisterait à soutenir que la clause d'élection de for doit nécessairement désigner une juridiction d'un État contractant dans la mesure où la Convention de Bruxelles ne peut prétendre régir la compétence des États tiers. Ce à quoi l'on pourrait rétorquer — dans l'autre interprétation — qu'en visant les clauses qui écartent les règles protectrices de l'article 14, l'article 15 entend régir tous les accords d'élection de for tenant en échec les règles de compétence que la Convention de Bruxelles instaure en faveur de la partie faible, y compris ceux qui désignent une juridiction étrangère. Admettre le contraire ne reviendrait-il pas à permettre au professionnel de se soustraire trop facilement à ces règles contraignantes ? Soutenue par une majorité d'auteurs[430], cette position n'a pas encore été consacrée par la CJCE. Il est permis de penser que la Cour de Justice devrait très certainement l'adopter si elle était saisie de cette question tant elle est soucieuse en général du respect de la finalité des règles de compétence de la Convention.

 

    136.— Le durcissement concerne l'exigence de domiciliation. On sait que l'article 17 ne tient pas compte de la position procédurale des parties et se contente du domicile de l'une d'entre elles sur le territoire d'un État contractant. Or si l'article 15 ne mentionne aucune exigence de domicile, il faut se souvenir que l'article 13 précise que l'ensemble de la section 4 est soumise à l'article 4, alinéa 1er. En d'autres termes, les règles de compétence protectrices du consommateur ne vont s'appliquer que si le litige est rattaché à la Convention de Bruxelles par le domicile du défendeur dans le territoire d'un État contractant[431]. Dès lors, les clauses d'élection de for passées avec les consommateurs ne pourront relever de l'article 15 que si le défendeur a son domicile dans l'Union européenne. Or, il est pour le moins inopportun de faire dépendre le bénéfice de cette protection de la position procédurale de la partie domiciliée dans le territoire d'un État contractant. Les arguments que la doctrine invoquait afin que l'article 17 ne tienne pas compte de cette position procédurale, et qui tenaient essentiellement à la prévisibilité[432], se retrouvent ici avec une vigueur d'autant plus grande qu'il est question de l'applicabilité d'un régime protecteur.

 

    Concrètement, si le demandeur est le seul à être domicilié dans le territoire d'un État contractant, la clause désignant le tribunal ou les tribunaux d'un État contractant relèvera de l'article 17 même si le demandeur est le consommateur. Certes, l'hypothèse est sans doute exceptionnelle en pratique. Il est rare qu'un professionnel domicilié dans un État tiers insère dans ses documents contractuels une clause désignant le tribunal ou les tribunaux d'un État contractant. Cette clause désignera vraisemblablement les juridictions d'un État tiers et très certainement celle du domicile du professionnel. Mais dans ce cas, la clause relèvera du droit commun des conflits de juridictions du juge saisi, même s'il s'agit du juge d'un État contractant. Nous avons vu, certes, que la désignation d'un État tiers ne devrait pas avoir pour effet d'exclure les règles protectrices de l'article 14 ce qui serait effectivement le cas puisque le consommateur demandeur est domicilié dans l'Union européenne et que la clause lui interdit de saisir le tribunal de son domicile. Mais en l'occurrence, le défendeur étant domicilié dans un État tiers, force est de constater que le critère d'intégration du litige dans le système de la Convention de Bruxelles fait défaut. Par ailleurs, si la seule partie à être domiciliée dans un État contractant est le professionnel demandeur et que la clause désigne le tribunal ou les tribunaux d'un État contractant, le consommateur d'un État tiers ne pourra pas, non plus, invoquer le bénéfice de l'article 15, cette clause relevant de l'article 17.

 

    137.— La protection du consommateur devient alors illusoire. Elle mériterait indiscutablement d'être repensée. Dans cette perspective, deux solutions peuvent être envisagées.

 

    L'on pourrait en premier lieu considérer que les règles de compétence de la section 4 doivent être applicables indépendamment de la domiciliation des parties, chaque fois que le consommateur a son domicile dans le territoire d'un État contractant. C'est, selon M. LIBCHABER, ce que le Bundesgerichtshof aurait sous-entendu devant la CJCE en ce qui concerne l'article 14, alinéa 1er, dont la deuxième branche de l'alternative permet au consommateur demandeur de saisir le tribunal de son domicile[433]. Une lecture littérale de la Convention de Bruxelles ne pouvait que condamner cette proposition qui fut d'ailleurs à juste titre rejetée par la Cour de Luxembourg. Mais le fait qu'elle n'ait pas été retenue ne signifie pas qu'elle soit dénuée de pertinence. Ses conséquences sur l'article 15 seraient bénéfiques puisqu'il suffirait que le consommateur ait son domicile sur le territoire d'un État contractant pour que la clause d'élection de for relève de l'article 15 et ce même, semble t-il, si elle désignait les juridictions d'un État tiers.

 

    La proposition du BGH nous semble devoir être complétée. En ce qu'elle fait du domicile du consommateur sur le territoire d'un État contractant le critère d'intégration du litige dans la Convention de Bruxelles, elle écarte du bénéfice de la protection les consommateurs domiciliés dans un État tiers. Elle n'empêche pas, en effet, la situation que nous avons déjà évoquée, celle de ce consommateur attrait devant les juridictions d'un État contractant par un professionnel qui y est domicilié. À coup sûr, cette discrimination pourrait être écartée si la Convention de Bruxelles faisait preuve d'une certaine ouverture vers les États tiers. C'est pourquoi, nous opterons pour une autre solution qui fonderait le rattachement du litige dans la Convention de Bruxelles non pas sur la domiciliation du consommateur mais sur la finalité poursuivie par le régime de protection que cette Convention instaure au profit de celui-ci. Le but de cette protection n'est-il pas de préserver l'accès à la justice du consommateur qui, en raison de sa faiblesse économique, risque de ne pas pouvoir engager les frais coûteux d'une procédure diligentée dans un pays étranger ? Cette considération doit profiter à tous les consommateurs, qu'ils soient ou non domiciliés sur le territoire d'un État contractant. Aussi bien, une modification de la Convention serait bien inspirée si elle permettait aux tribunaux des États contractants d'appliquer le régime protecteur de l'article 15 chaque fois que la protection du consommateur l'impose et ce sans qu'il soit tenu compte de la domiciliation des parties non plus que de l'État dont les juridictions sont désignées. Une telle évolution anti-discriminatoire ne pourrait qu'améliorer les relations que les États tiers peuvent avoir avec la Convention de Bruxelles qui assurerait ainsi la protection de tous les consommateurs d'où qu'ils viennent. Elle impliquerait sans aucun doute une redéfinition de l'idée que les États contractants se font de la Convention. Si l'on souhaite toutefois développer les échanges entre l'Union européenne et les États tiers, il faut alors en passer par une ouverture en direction de ces derniers. Cette ouverture postule une coopération internationale qui passe, en matière de compétence judiciaire, par un élargissement du champ d'application de la Convention de Bruxelles. Sur le plan de la protection des consommateurs, elle nous semble devoir être concrétisée par l'absence de toute discrimination de nationalité, ce qui est déjà le cas, mais également de domicile, ce qui ne l'est pas encore. La Convention de Rome pourrait à cet égard tenir lieu d'exemple. L'article 5§2 de cette Convention précise que le choix de la loi applicable ne peut avoir pour effet de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi de l'État dans lequel il a sa résidence habituelle. La Convention de Rome présentant un caractère universel, la loi choisie tout comme la loi de la résidence du consommateur pourra être la loi d'un État qui n'est pas celle d'un État contractant. Si, pour qu'il bénéficie de la loi la plus protectrice, la Convention de Rome n'impose pas au consommateur qu'il ait sa résidence dans le territoire d'un État contractant, la Convention de Bruxelles pourrait, afin que le consommateur ne puisse se voir priver d'un for protecteur, ne pas tenir compte de son domicile. L'objectif est somme toute le même. Seule importe son adaptation à la matière processuelle.

 

    B/ La protection assurée par l'article 15 des Conventions de Bruxelles et de Lugano

 

    138.— L'article 15-1° de la Convention de Bruxelles prohibe les clauses attributives de juridictions qui ne sont pas postérieures au différend. Cette règle a pour fonction de paralyser les clauses pré-imprimées qui figurent dans les contrats-types, dans les conditions générales du contrat ou dans tout autre document contractuel. Cette prohibition constitue le moyen le plus efficace permettant de lutter contre l'impossibilité dans laquelle se trouve, en pratique, le consommateur de refuser les clauses d'élection de for imposées par les professionnels dans les contrats d'adhésion. C'est ainsi que les législations de certains des États membres prohibent les clauses attributives de juridiction insérées dans les contrats passés avec les consommateurs.

 

    139.— Seul un accord intervenant après la naissance du différend est donc admis. À ce stade, les parties se trouvent placées sur un pied d'égalité et le consommateur a toute latitude pour refuser un accord qui serait contraire à ses intérêts[434]. On peut, d'ailleurs, se demander si un tel accord n'est pas condamné d'avance. On voit mal l'avantage qu'aurait le consommateur de renoncer, d'une part, à l'alternative qui lui est proposée par l'article 14 alinéa 1er et, d'autre part, à l'obligation que fait peser l'article 14 alinéa 2 sur le professionnel demandeur de ne pouvoir saisir que les tribunaux de l'État sur le territoire duquel le consommateur est domicilié. En fait, un tel accord n'a de chance d'aboutir que si les parties ont en commun l'intérêt de choisir telle juridiction plutôt que telle autre. Il pourra en être ainsi, notamment, lorsqu'il sera question de saisir un juge dont la compétence ne peut être fondée sur l'article 14 de la Convention de Bruxelles. En effet, lorsqu'un contrat passé avec un consommateur entre dans le champ d'application de la section 4, il n'est pas possible d'utiliser la compétence spéciale que l'article 5-1° prévoit en matière contractuelle. Pour autant, il peut être utile de saisir un juge, plus proche des données du litige, qui ne soit pas le juge de l'État du domicile de l'une ou de l'autre des parties. Si, par exemple, un consommateur français acquiert auprès d'un fabricant allemand un voilier qui se trouve, lorsque naît le litige, amarré en Italie à la suite d'avaries, la saisine du juge italien pourra faciliter les opérations d'expertise si, par hypothèse, le voilier est inutilisable en raison d'un vice caché. Dans de telles circonstances, le consommateur et le professionnel peuvent avoir un intérêt convergent à conclure un accord d'élection de for. On relèvera qu'un tel accord ne pourra pas être défavorable en ce qui concerne la loi qui sera appliquée au litige. Depuis l'entrée en vigueur de la Convention de Rome cette loi sera, en principe, la même quel que soit le juge saisi. De plus, comme il s'agit d'un contrat de consommation, le juge devra appliquer la loi la plus favorable au consommateur (Cf. l'économie de l'article 5 de cette Convention). En d'autres termes, la protection du consommateur ne sera pas moindre que le juge saisi soit celui du domicile du consommateur ou celui d'un autre État contractant.

 

    140.— Il reste à savoir ce que l'on entend par différend. La notion de différend ne semble pas difficile à définir. Il s'agit, principalement, de toutes les contestations relatives à la validité, à l'exécution, à l'interprétation du contrat et au montant des dommages et intérêts contractuels.

 

     Encore faut-il déterminer à quel moment naît le différend. Sur ce plan, MM. NORMAND et BALATE estiment que deux écueils doivent être évités. D'une part, ne retenir qu'une conception très stricte consistant à fixer la naissance du différend à l'orée du procès, l'article 15 risquant alors de devenir lettre morte au profit de l'article 18. D'autre part, ne retenir qu'une conception très large consistant à fixer la naissance du différend dès l'apparition du moindre incident entre les parties[435]. Certains auteurs étrangers considèrent que le différend est né lorsque le consommateur est raisonnablement censé être informé de l'existence de ce différend[436]. Ce raisonnement, qui procède d'une assimilation entre le consommateur qui a connaissance d'une contestation l'opposant à son cocontractant avec celui qui aurait du l'être, est à juste titre critiquée par MM. NORMAND et BALATE. Une telle assimilation, d'après ces auteurs, “ procède d'une équation trop rationnelle qui, en raison du caractère transfrontière du contrat, risque dans bien des cas de placer le juge face à des arbitrages où les interprétations par trop divergentes peuvent s'exprimer ”[437].

 

    Sans doute peut-on considérer que le différend est né lorsqu'il se manifeste par des actes non équivoques, telle une mise en demeure. Il est toutefois permis de penser qu'en pratique la détermination de la naissance du différend ne soulèvera pas de difficultés sérieuses. L'objectif de l'article 15-1° est de lutter contre les clauses attributives de juridiction imposées aux consommateurs dans les contrats d'adhésion lors de leur formation. Par là même, ce texte sous-entend une négociation post-contractuelle concernant la désignation du juge compétent. Dès lors, on peut raisonnablement soutenir que les parties n'entreront en négociation qu'à partir du moment où elles auront l'intention d'engager une procédure, ce qui implique que leur différend soit déjà né.

 

    141.— L'article 15-2° de la Convention de Bruxelles autorise les clauses attributives de juridiction antérieures à la naissance du différend, soit en pratique les clauses figurant dans tout document contractuel, à condition qu'elles permettent de saisir d'autres tribunaux que ceux indiqués à la section 4. En d'autres termes, les clauses attribuant compétence aux tribunaux d'un État contractant qui n'est ni celui du domicile du consommateur ni celui de son cocontractant, sont licites. Encore faut-il s'entendre sur le sens d'une telle convention. L'objectif de l'article 15-2° étant d'élargir l'éventail des possibilités offertes au consommateur quant au choix de la juridiction compétente, un tel accord ne pourra avoir pour effet de priver ce dernier de l'alternative que lui procure l'article 14 alinéa 1er. De même, une telle clause étant passée dans l'intérêt exclusif du consommateur, le professionnel ne pourra saisir d'autres tribunaux que ceux de l'État du domicile du consommateur.

 

    Par ailleurs, l'article 15-2° nous semble devoir être appliqué à la clause attributive de juridiction initialement irrégulière, en ce qu'elle désigne antérieurement à la naissance du différend les tribunaux de l'État où est domicilié le consommateur ou son cocontractant, dès lors que l'une des parties est domiciliée dans un autre État contractant au moment où les tribunaux sont saisis. Cette opinion est fondée sur le fait que la jurisprudence de la Cour de Luxembourg a décidé que les conditions de validité d'une clause attributive de juridiction devaient être appréciées au jour où l'action est intentée.

 

    142.— La troisième possibilité, offerte par l'article 15-3°, a pour objet de protéger les intérêts des professionnels dans une hypothèse bien particulière. Les clauses attributives de juridiction passées entre le consommateur et son cocontractant sont licites si les deux parties avaient, au moment de la formation du contrat, leur domicile ou leur résidence habituelle dans un même État contractant et à condition que la clause attribue compétence aux tribunaux de cet État. Ce texte a pour objectif d'éviter qu'une telle clause, qui ne concerne au départ qu'une situation juridique interne, voit ses effets paralysés par le changement de domicile du consommateur dans un autre État contractant. L'article 15-3° est cependant écarté si l'État contractant interdit les clauses passées entre les consommateurs et les professionnels, ce qui est le cas de la France avec l'article 48 du nouveau Code de procédure civile.

 

    143.— L'article 15 ne comportant aucune exigence formelle, la question s'est posée de savoir si les règles de forme de l'article 17 étaient applicables. La CJCE l'a admis à propos de l'article 12 relatif aux clauses attributives de juridiction en matière de contrat d'assurance[438]. On peut, par analogie, considérer que cette jurisprudence s'applique aux accords d'élection de for insérés dans les contrats passés avec les  consommateurs[439] et dans les contrats de travail. D'aucuns estiment pourtant qu'il serait raisonnable de ne pas imposer le respect des conditions de forme de l'article 17 à condition toutefois que le juge s'assure que la clause a réellement fait l'objet d'un consentement[440]. En définitive, l'application de l'article 17 n'est pas défavorable au consommateur dans la mesure où seules certaines des conditions de forme qu'il propose pourront être appliquées et surtout parce que l'instauration d'un formalisme protecteur peut s'avérer inutile dès lors que seules les clauses favorables au consommateur sont autorisées.

 

    144.— L'utilisation de la première option, la forme écrite, ne soulève pas de difficultés particulières. Dès lors que l'accord est postérieur au différend, l'écrit sera selon toute vraisemblance constitué d'un document signé par les deux parties et uniquement consacré à l'attribution de compétence. Cette convention écrite doit avoir fait l'objet d'un consentement exprès. Il n'en sera pas ainsi si le professionnel envoie au consommateur un courrier contenant une clause attributive de juridiction ou faisant référence aux conditions générales du contrat contenant une telle stipulation.

 

    La deuxième option, l'accord verbal confirmé par écrit, peut paraître moins protectrice ; encore faut-il signaler que selon nous, seule une partie de l'interprétation jurisprudentielle la concernant pourra être retenue. La jurisprudence qui admet que la confirmation écrite de l'accord verbal puisse émaner de l'une quelconque des parties, soit en l'occurrence du consommateur ou de son cocontractant, nous paraît applicable. Encore convient-il de préciser que la partie qui invoquera cette deuxième condition de forme devra établir l'existence d'un accord verbal, la simple production d'un document contenant une clause attributive de juridiction ne faisant pas présumer qu'un tel accord a été passé. Il en a été jugé autrement par la CJCE qui a admis que même en l'absence d'accord verbal, une clause attributive de juridiction insérée dans les conditions générales du contrat s'applique si les parties sont en relation d'affaires courantes, dès lors que leurs relations commerciales sont régies habituellement par ces conditions générales[441]. Une telle jurisprudence ne peut évidement être transposée à un litige de consommation.

 

    Au demeurant, les dernières options de forme relatives “ aux habitudes que les parties ont établi entre elles ” et aux “ usages du commerce international ”, dès lors qu'elles ne concernent que les opérateurs du commerce international, ne peuvent évidement être appliquées aux accords d'élection de for passés avec les consommateurs.

 

§2 - Les accords d'élection de for conclus entre les professionnels et les consommateurs en droit commun des conflits de juridictions

 

    145.— Que l'article 48 du nouveau Code de procédure civile soit inadapté aux relations commerciales internationales est une chose ; refuser de le transposer à toutes les relations internationales en est une autre. La non transposition de ce texte que l'arrêt C.S.E.E. c/ Sorelec a consacré en élaborant une règle de compétence purement internationale, a pour conséquence néfaste de laisser la partie faible sans aucune protection lorsque le litige relève du droit commun des conflits de juridictions. Une voie intermédiaire consistant à adapter l'extension de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile à l'ordre international avait pourtant été judicieusement proposée par une partie de la doctrine. Comme nous l'avons déjà indiqué, Mme SINAY-CYTERMANN et M. THÉRY avaient suggéré de substituer à la distinction des clauses passées entre commerçant et non-commerçant, sur laquelle s'appuie cette disposition, la distinction des clauses passées entre professionnel et non-professionnel qui s'avère plus appropriée en raison de la fréquence de son utilisation en droit comparé[442]. On constatera avec un certain dépit que cette proposition n'a pas été retenue par la Cour de cassation. Bien qu'elle ne fut pas directement interrogée sur l'applicabilité de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile aux clauses d'élection de for passées entre professionnel et non-professionnel, il est vraisemblable que la Cour suprême ait implicitement rejeté l'adaptation de ce texte qui était proposée par ces auteurs. On sait, en effet, que dans l'arrêt C.S.E.E. c/ Sorelec, les deux parties avaient la qualité de commerçant. Il aurait été possible pour la Cour de cassation d'écarter l'article 48 après avoir relevé que le contrat litigieux qui contenait la clause avait été conclu par des professionnels. En refusant d'étendre à toutes les relations internationales, qu'elles soient ou non commerciales, l'article 48 du nouveau Code de procédure civile, la première Chambre civile ne paraît pas avoir été effleurée par l'idée de substituer la qualité de commerçant à celle de professionnel.

 

    146.— Le refus pur et simple d'étendre l'article 48 du nouveau Code de procédure civile aux relations internationales rend-il pour autant indispensable une évolution du droit positif ? La question mérite d'être posée dans la mesure où il est permis de considérer que la non transposition de ce texte concerne uniquement la prohibition qu'il édicte[443]. Elle n'affecte pas les conditions de forme qu'il renferme. Ce formalisme étant strict, le consommateur ne se trouverait pas totalement démuni. Au surplus, comme les contrats internationaux de consommation sont assez peu fréquents et qu'ils relèvent en majorité des Conventions de Bruxelles et de Lugano — qui contiennent des règles de compétence protectrice des consommateurs — la nécessité de créer un régime protecteur en droit commun des conflit de juridictions peut paraître sans objet.

 

    L'utilité de l'élaboration de règles de compétence internationale de droit commun protectrice des consommateurs n'est cependant pas sérieusement contestable. Le formalisme de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile est certes strictement défini mais son efficacité, comme toute condition de forme, se révèle somme toute limitée. Sans doute permet-il de s'assurer que le consommateur a eu effectivement connaissance de la clause d'élection de for, mais il ne permet pas de déduire qu'il a été en mesure de la refuser. Or, l'une des principales raisons d'être de la protection du consommateur est justement de pallier l'injustice contractuelle souvent consécutive à l'inégalité des parties par une réglementation impérative prohibant ou limitant l'usage de certaines stipulations. En outre, il serait pour le moins hâtif de conclure que les règles de compétence internationale de droit commun ne doivent pas se préoccuper de la protection du consommateur aux motifs que les contrats de consommation sont certainement moins fréquents en matière internationale et qu'ils concernent peut-être davantage les Conventions de Bruxelles et de Lugano qui protègent les consommateurs. Le droit commun des conflits de juridictions ne s'appliquant qu'aux litiges qui ne sont pas intégrés dans les États parties aux Conventions de Bruxelles et de Lugano, la désignation d'un ordre juridictionnel étranger se traduira en général — à l'exception de l'ordre juridictionnel suisse — par un éloignement géographiquement plus important. Celui-ci peut dissuader la partie économiquement faible d'engager les frais d'une procédure à l'étranger. Raison de plus, nous semble t-il, pour se prononcer en faveur de règles protectrices.

 

    147.— À moins qu'une prochaine modification de la Convention de Bruxelles — à l'occasion par exemple d'une Convention d'adhésion de nouveaux États membres de l'Union       européenne — réalise une extension considérable du champ d'application de ce Traité, la création de règles protectrices du consommateur en matière de droit commun des conflits de juridictions, et plus particulièrement en matière de clause attributive de juridiction, pourrait venir du législateur. L'évolution de la législation en matière de protection du consommateur n'incite pourtant guère à l'optimisme. Mme SINAY-CYTERMANN déplorait déjà, en 1980, l'absence dans la loi du 10 janvier 1978 de règles de compétence interne d'ordre public susceptibles d'être transposées aux relations internationales[444]. Le législateur avait probablement estimé à ce moment là que l'article 48 du nouveau Code de procédure civile rendait inutile l'élaboration de règles de compétence protectrices. À cette époque, seule la loi du 22 décembre 1972, relative au démarchage, prohibait l'insertion d'une clause attributive de juridiction dans le formulaire de contrat que le démarcheur doit remettre à son client. Antérieure au nouveau Code de procédure civile, cette prohibition a depuis été maintenue et figure aujourd'hui à l'article L. 121-24, alinéa 2, du Code de la consommation. La transposition au plan international de cette prohibition paraît envisageable, au moins dans l'hypothèse où le consommateur est démarché à son domicile en France[445]. Par la suite, le refus jurisprudentiel d'étendre l'article 48 du nouveau Code de procédure civile à l'ordre international aurait pourtant pu faire réagir le législateur. Aucune évolution significative du droit de la consommation n'a pu depuis être constatée. Seule la loi du 8 juillet 1998 — qui transpose en droit interne la directive européenne du 26 octobre 1994 — limite, en matière de contrat de jouissance d'immeuble à temps partagé, la possibilité de conclure une convention d'élection de for[446]. Selon l'article L. 121-73 du Code de la consommation, la clause attribuant compétence à une juridiction d'un État non partie aux Conventions de Bruxelles ou de Lugano est réputée non écrite dans deux cas. Le premier est celui où le consommateur a son domicile ou sa résidence habituelle en France, le second est celui où l'un des biens est situé sur le territoire d'un État partie à l'une ou l'autre de ces deux Conventions. Dans l'une ou l'autre de ces hypothèses, la possibilité de passer une clause d'élection de for n'est possible que si elle désigne le tribunal ou les tribunaux d'un État contractant. Elle est alors soumise au régime de protection prévu par le droit conventionnel européen[447].

 

    148.— Il apparaît ainsi qu'à l'exception du démarchage et du contrat de jouissance d'immeuble à temps partagé, le consommateur ne bénéficie d'aucune protection. L'inertie du législateur pourrait encourager la jurisprudence à réagir. Parce qu'en l'état du droit positif, les règles de compétence internationale ne sont pas suffisamment adaptées à la protection du consommateur, rien n'interdit d'en créer de nouvelles qui le soient. Si historiquement, la création de règles de compétence purement internationales fut le tempérament que la jurisprudence dégagea pour écarter dans certains cas le principe d'incompétence des juridictions françaises dans les litiges entre étrangers, la doctrine estime que l'abandon de ce principe par la Cour de cassation n'interdit pas d'en forger de nouvelles[448]. Aussi bien, les nécessités particulières de la protection du consommateur au plan international pourraient inciter la jurisprudence à proclamer l'impérativité de la compétence internationale des juridictions françaises lorsque le consommateur est domicilié en France.

 

    Pour souhaitable qu'elle soit, cette évolution jurisprudentielle n'est peut être pas absolument nécessaire. Nous avons certes déploré l'absence de règles de compétence judiciaire protectrice des consommateurs. Mais bien que ce constat demeure, il nous semble possible d'envisager l'applicabilité de certaines techniques propres au droit de la consommation pour lutter contre les clauses attributives de juridiction passées entre les professionnels et les consommateurs. Nous pensons bien évidement à la sanction par le juge des clauses abusives au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation. Cette possibilité mérite à coup sûr que l'on s'y attarde. Pour la retenir, il importe de vérifier si le droit des clauses abusives est susceptible d'intéresser la compétence judiciaire. C'est à cette tâche que nous allons maintenant nous consacrer.

 

    149.— À quel titre le droit français des clauses abusives peut-il être appliqué aux clauses de compétence en matière internationale ? Un premier examen du Code de la consommation inclinerait à penser que l'article L. 135-1 serait applicable. Unique disposition d'un chapitre intitulé “ du conflit de lois relatives aux clauses abusives ”, ce texte rend applicable l'article       L. 132-1 du Code de la consommation au contrat régi par la loi d'un État n'appartenant pas à l'Union européenne lorsque le consommateur a son domicile sur le territoire de l'un des États membres et lorsque le contrat y est proposé, conclu ou exécuté. Ce texte d'ordre public n'est autre qu'une loi de police et les conditions qu'il pose définissent les critères du champ de son application internationale. Son domaine étant celui des conflits de lois et non celui des conflits de juridictions, son application à la compétence judiciaire internationale paraît discutable. Elle supposerait que la compétence internationale des juridictions françaises puisse être fondée sur la volonté d'application d'une loi de police française, ce qui est pour le moins discuté en doctrine[449]. De fait, il ne s'agit pas de rendre les juridictions françaises compétentes chaque fois qu'une clause abusive est présente dans un contrat international de consommation mais plutôt de déterminer l'applicabilité du droit des clauses abusives aux conventions qui intéressent directement la compétence, c'est-à-dire aux conventions d'élection de for et aux conventions d'arbitrage.

 

    Pour écarter le grief de l'immixtion des lois de police dans le domaine de la compétence judiciaire, il pourrait être tentant de placer l'application de l'article L. 135-1 du Code de la consommation sur le terrain de la validité de la clause d'élection de for conclue entre un professionnel et un consommateur. En effet, si la licéité est déterminée par l'ordre public international relatif à la compétence judiciaire, la validité au fond et la validité en la forme relèvent, en principe, des conflits de lois et, partant, des lois de police. Cette approche nous paraît pourtant condamnable. La clause doit être jugée abusive en raison de son contenu et non parce que le consentement du consommateur n'est pas libre ou éclairé. Or le contenu de la clause d'élection de for intéresse directement la compétence judiciaire qui est “ hors conflit de lois ”. De fait, la détermination des cas dans lesquels les parties peuvent élire un for ne peut relever que des conditions de licéité des conventions d'élection de for[450].

 

    150.— L'invalidation des clauses d'élection de for passées entre les professionnels et les consommateurs ne pouvant venir que de l'ordre public propre à la compétence judiciaire internationale, il reste alors à déterminer si le droit interne des clauses abusives peut être considéré comme un élément de cette impérativité. On relèvera qu'une réponse affirmative ne peut a priori être écartée en ce qui concerne l'ordre public judiciaire interne. Tout dépend, en définitive, de la question de savoir si la législation sur les clauses abusives entend s'appliquer à la compétence judiciaire. La spécificité du système des clauses abusives impose, en effet, cette démarche dans la mesure où la notion de clause abusive est définie de manière générale. La loi se garde, en effet, d'interdire spécialement telle ou telle stipulation particulière. Si tel était le cas, il s'agirait simplement d'une clause illicite[451], à l'instar de celle que vise l'article 48 du nouveau Code de procédure civile qui prohibe les clauses attributives de juridiction qui ne sont pas passées entre commerçants. Il faut par conséquent reconnaître aux clauses attributives de compétence interne un caractère abusif pour voir la législation sur les clauses abusives s'intégrer dans l'impérativité juridictionnelle.

 

    Si le caractère abusif d'une clause attributive de juridiction peut être reconnu en droit interne, il devrait a fortiori en être de même en droit international privé. L'impérativité judiciaire internationale n'est certes pas la reproduction fidèle de l'impérativité judiciaire interne. Mais si la compétence internationale répond à des préoccupations qui lui sont propres, l'on ne contestera pas qu'elle en partage de communes avec la compétence interne. Tel est le cas de la protection de la partie faible qui bénéficie d'un statut protecteur en droit interne et en droit international privé conventionnel, notamment par les Conventions de Bruxelles et de Lugano. La spécificité de la compétence internationale ne s'oppose donc pas, en droit commun des conflits de juridictions, à la reconnaissance de règles protectrices des consommateurs.

 

    151.— Sur ce plan là, force pourtant est de constater que la législation antérieure à la transposition en droit interne de la directive communautaire sur les clauses abusives par la loi du 1er février 1995[452] ne permettait pas d'englober les clauses attributives de compétence interne et, de cette façon, les clauses attributive de compétence internationale, dans le domaine du droit des clauses abusives. En effet, la loi du 10 janvier 1978 s'était avérée fort décevante en matière de lutte contre les clauses abusives. Certains ont même écrit, à juste titre, que “ le droit des clauses abusives était mal né ” tant le système retenu était à la fois “ complexe, rigide et restrictif ”[453]. L'article 35 de cette loi, devenu l'article L. 132-1 du Code de la consommation, soumettait la qualification abusive d'une stipulation à trois conditions. Il fallait, en premier lieu, que la clause dont le caractère abusif était invoqué concerne certaines matières limitativement énumérées par la loi. Il fallait, ensuite, que la clause corresponde aux deux critères matériels de la clause abusive définis par la loi, c'est-à-dire qu'elle ait été imposée au consommateur par un “ abus de puissance économique ” du professionnel et qu'elle confère à ce dernier un “ avantage excessif ”. Enfin, la clause devait avoir fait l'objet d'une interdiction par un décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission des clauses abusives. Cette dernière condition ne figurait pas dans le projet de loi qui laissait aux tribunaux le pouvoir d'apprécier si une clause était ou non abusive. Le législateur a craint, à l'époque, qu'en raison des difficultés d'appréhension de la notion d'abus, d'importantes divergences jurisprudentielles apparaissent ce qui aurait constitué un facteur d'insécurité juridique. Toutefois, ce système n'allait pas s'avérer d'une grande efficacité en raison du manque de diligence du pouvoir réglementaire. Un seul décret ayant été adopté, la Cour de cassation finit par accorder au juge la possibilité d'annuler une clause abusive quand bien même elle n'aurait pas été visée par un texte réglementaire[454]. Il n'en restait pas moins que le caractère abusif d'une stipulation ne pouvait être examiné que si la clause entrait préalablement dans le champ d'application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation relatif “ au caractère déterminé ou déterminable du prix ainsi qu’à son versement, à la consistance de la chose ou à sa livraison, à la charge des risques, à l’étendu des responsabilités et garanties, aux conditions d’exécution, de résiliation, résolution ou reconduction des conventions ”. La compétence judiciaire n'entrant pas dans cette énumération, la mise en œuvre du droit des clauses abusives pour invalider les clauses attributives de juridiction ne pouvait être envisagée.

 

    152.— La Commission des clauses abusives était pourtant intervenue en matière de compétence juridictionnelle lors d'une recommandation se rapportant aux “ clauses concernant les recours en justice ”. À cette occasion, elle avait recommandé “ que soient éliminées des contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs les clauses ayant pour objet ou pour effet […] de déroger aux règles légales de compétence territoriale ou       d'attribution ”[455]. Ce souhait, depuis réaffirmé par le § 20 de la recommandation de synthèse émise par la Commission[456] avait été repris dans le projet de Code de la consommation[457] pour être finalement abandonné dans le texte final. Sans doute ne doit on pas perdre de vue que le rôle de la Commission n'est que consultatif. Pourtant son action, ainsi que celle de ses diverses recommandations, est loin d'être négligeable[458]. En ce sens, l'existence même de cette recommandation révèle que les questions qui concernent la compétence juridictionnelle ne sont pas étrangères au domaine des clauses abusives.

 

    L'invalidation des clauses attributives de juridiction restait cependant impossible tant que la Cour de cassation n'indiquait pas clairement qu'elle entendait s'affranchir du domaine matériel de l'article L. 132-1 du Code de la consommation comme elle l'avait fait de l'énumération décrétale imposée par ce texte. En ce sens, un arrêt du 14 mai 1991[459] permettait de penser que les deux critères matériels de la clause abusive étaient autonomes dans la mesure où la Cour de cassation s'y référait sans citer aucun texte. Mais après un autre arrêt du 26 mai 1993[460], rendu sous le visa de l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978, plus aucun doute n'était possible. S'agissant en l'espèce d'un contrat fondé sur la mutualisation des risques, la Cour de cassation prit soin de relever que la clause litigieuse était relative à “ la charge des risques ”, matière figurant bien dans le champ d'application de la loi. On se réjouira donc que la nouvelle rédaction de article L. 132-1 du Code de la consommation consécutive à l'intégration de la directive communautaire, supprime cette énumération et consacre le pouvoir du juge de déclarer une clause abusive en se fondant uniquement sur la loi. Les obstacles empêchant le droit des clauses abusives de s'appliquer aux clauses attributives de juridiction s'en trouvent levés. Seul importe désormais le fait de savoir si les clauses d'élection de for conclues avec des consommateurs peuvent correspondre à la définition des clauses abusives.

 

    153.— Le nouveau texte modifie également la définition des clauses abusives pour adopter en partie celle qui était contenue dans la directive. Désormais sont abusives dans les contrats de consommation “ les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ”. À la différence de l'ancien article L. 132-1 du Code de la consommation, l'abus de puissance économique du professionnel ne constitue plus un critère de la clause abusive.  Ce critère avait, il est vrai, fait l'objet de nombreuses critiques en doctrine. Certains auteurs lui reprochèrent son étroitesse qui avait pour conséquence de rendre la loi sur les clauses abusives moins protectrice pour le consommateur. Et sans doute “ la supériorité dont il est abusé peut revêtir d'autres formes, elle peut être intellectuelle, psychologique, sociale, structurelle ou organisationnelle ”[461]. Cette supériorité se présente également sur un plan technique, le professionnel connaissant seul les arcanes des conventions proposées et pouvant en jouer contre le consommateur[462]. L'utilisation de cette notion pouvait également se révéler ambiguë[463] et très certainement inutile dans la mesure où l'avantage excessif a de toute évidence pour origine un abus[464]. Si certains lui préférèrent la notion de “ bargaining power ” (puissance de négociation), empruntée au droit anglo-saxon — qui va au delà de l'abus de puissance économique pour englober tout abus de supériorité — le législateur a préféré supprimer ce critère afin que les clauses abusives puissent être sanctionnées quelle que soit la puissance économique du professionnel.

 

    154.— Les clauses abusives sont désormais définies par un critère unique, le “ déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ” qui a substitué “ l'avantage excessif ” de l'ancienne définition. Ce nouveau critère ne bouleverse pas la notion de clause abusive. C'est, d'une certaine manière, la même idée qui est reprise en des termes différents[465]. Mais, alors que l'ancienne définition parlait des clauses qui  “ confèrent ” un tel avantage au professionnel, la nouvelle rédaction est plus large puisse qu'elle vise celles qui “ ont pour objet ou pour effet de créer ”. Le résultat devient par conséquent indifférent, la clause pouvant être déclarée abusive alors même que son application n'aurait causé aucun déséquilibre en faveur du professionnel, du moment qu'elle répondait à cet objectif au moment de la formation du contrat[466].

 

    Certains auteurs estiment pourtant cette nouvelle définition critiquable en ce qu'elle introduirait une marge d'incertitude plus grande par rapport à l'ancienne. Si, selon MM. TERRÉ, SIMLER et LEQUETTE, la loi du 10 janvier 1978 appréciait le caractère abusif de la clause in abstracto, ce qui rendait possible l'identification des clauses abusives en en dressant une liste, la loi du 1er février 1995 incarnerait une philosophie différente. De ce que l'article L. 132-1, alinéa 5, du Code de la consommation impose de ne plus caractériser l'abus en considération du seul contenu de la clause mais de tenir compte également de l'économie du contrat dans lequel elle s'insère, le caractère abusif serait désormais apprécié in concreto. De fait, la clause sera déclarée abusive au cas par cas par le juge, rendant ainsi difficile l'établissement de listes a priori des clauses abusives[467]. Loin de partager les réserves de ces auteurs, il nous semble plutôt que la loi du 1er février 1995 n'a pas modifié le mode d'appréciation du caractère abusif de la clause. On admettait déjà que le déséquilibre devait être analysé par rapport à l'ensemble des stipulations sous l'emprise de la loi du 10 janvier 1978. “ Il n'y a là rien que de très classique ” affirment MM. ROLAND et BOYER[468]. Et ce n'est, en définitive, qu'une conséquence de la possibilité pour le juge de reconnaître le caractère abusif d'une clause en l'absence de décret. En effet, alors que le caractère abusif des clauses visées par le décret se trouve affirmé in abstracto, la sanction de l'abus d'une stipulation non comprise dans l'énumération décrétale ne peut avoir lieu qu'à l'occasion de litiges particuliers, c'est-à-dire in concreto.

 

    155.— C'est pourquoi, le système mis en place par la loi du 1er février 1995 ne modifie pas les différentes catégories de clauses abusives qui ont été a mis en relief par la doctrine[469]. La première catégorie est composée des clauses déclarées abusives par un décret et qui sont, de ce fait, illicites. La deuxième concerne les clauses réputées abusives. Il s'agit des clauses reconnues abusives par la Commission et celles qui sont reproduites dans l'annexe de la loi mais qui n'ont pas été reconnues comme telles par un décret. La troisième catégorie est celle des clauses virtuellement abusives parce qu'elles répondent au seul critère de l'article L. 132-1 du Code de la consommation.

 

    Les clauses attributives de juridiction correspondent à la deuxième catégorie. Nous avons déjà indiqué qu'elles ont été répertoriées comme abusives par une recommandation de la Commission des clauses abusives[470]. Elles nous semblent également mentionnées par l'annexe de la directive renfermant une“ liste indicative et non exhaustives des clauses qui peuvent être regardées comme abusives ” qui a été intégrée dans la loi[471]. L'article 1 q) de cette annexe, en visant les clauses qui ont pour effet ou pour objet “ de supprimer ou d'entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours du consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d'arbitrage non couverte par des dispositions légales, en limitant indûment les moyens de preuve à la disposition du consommateur ou en imposant à celui-ci une charge de la preuve qui, en vertu du droit applicable, devrait revenir normalement à une autre partie au contrat ”. Si ce texte mentionne expressément l'arbitrage, l'utilisation de l'adverbe “ notamment ” montre qu'il peut concerner toutes les clauses relatives à l'action en justice du consommateur ce qui englobe les clauses attributives de juridiction. Toutefois selon l'article L.132-1, alinéa 3 du Code de la consommation, le consommateur qui invoque une clause visée dans l'annexe n'est pas dispensé de rapporter la preuve de son caractère abusif. Il est donc nécessaire de démontrer qu'une clause attributive de juridiction passée entre un professionnel et un consommateur a pour effet ou pour objet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

 

    156.— Cette démonstration ne nous semble pas difficile à établir en droit interne en ce qui concerne les clauses attributives de compétence commerciale insérées dans les actes mixtes. Rappelons que lorsqu'un contrat est passé entre un commerçant et un non-commerçant, le demandeur commerçant ne peut agir que devant le tribunal de commerce alors que le demandeur non-commerçant dispose d'une option entre le tribunal civil et le tribunal de commerce. Pendant un temps, la jurisprudence a admis que le non-commerçant pouvait s'engager à n'assigner que devant le tribunal de commerce, s'il était demandeur[472], ou renoncer à se prévaloir de l'incompétence du tribunal de commerce, s'il était défendeur[473]. S'agissant de la seconde branche de cette alternative, la Cour de cassation a récemment jugé qu' “ est inopposable à un défendeur non-commerçant une clause attributive de juridiction au tribunal de commerce ”[474]. Cette solution est la bienvenue mais n'écarte pas les effets de la clause attributive de juridiction lorsque le non-commerçant est le demandeur. L'absence de régime unifié s'expliquerait par le fait que le demandeur non-commerçant dispose d'une option à laquelle il peut valablement renoncer. On peut cependant douter de l'existence d'une véritable renonciation. Comme l'a montré HÉBRAUD[475], il est contestable de parler de la renonciation à propos d'un droit qui n'est pas encore né au moment de la formation du contrat. Au surplus, on voit mal comment le non-commerçant, le plus souvent un consommateur, exercerait un véritable choix alors qu'il ne fait qu'adhérer à un contrat qu'il n'a pas négocié et qu'il ignore en règle générale la portée d'une clause attributive de juridiction.

 

    En ne prohibant que les clauses ayant pour effet de modifier la compétence territoriale, l'article 48 du nouveau Code de procédure civile laisse sans réponse la question de la validité des clauses attributives de juridiction au tribunal de commerce. Et lorsque la clause déroge à la fois à la compétence territoriale et à la compétence d’attribution, une analyse littérale de ce texte, consacrée par la jurisprudence, ne permet pas d’étendre la nullité de la prorogation de compétence territoriale à la prorogation de compétence consentie au profit du tribunal de commerce qui demeure efficace[476]. Il a pourtant été soutenu qu’une recherche d’intention permettrait légitimement d'étendre la nullité de la compétence territoriale à la compétence d'attribution de la même clause. Dans l’intention des parties, compétence territoriale et compétence d’attribution constituent la “ cause impulsive déterminante ” de la clause attributive de juridiction. Ces deux compétences étant indivisiblement liées, la nullité de la compétence territoriale devrait s’étendre à la compétence d’attribution[477]. Ces objections doctrinales, pour pertinentes qu’elles soient, n’ont pas été reprises par les tribunaux. On se réjouira donc que certaines Cours d'appel aient proclamé le caractère abusif de la clause qui attribue compétence au tribunal de commerce[478].

 

    Il n'y a là rien de surprenant dans la mesure où les clauses attributives de compétence commerciale se prononcent sur le choix d'une justice. À la justice civile est substituée la justice commerciale qui est plutôt favorable au commerçant. Le tribunal de commerce étant exclusivement composé de représentants des professions commerciales, il est à craindre que les juges consulaires ne se montrent aussi intransigeants envers les consommateurs qu'ils peuvent l'être à l'égard des commerçants rompus aux affaires et ce d'autant plus qu'ils pourront se référer à des usages commerciaux inconnus du consommateur. Pour reprendre les mots d'un auteur “il ne s'agit pas de suspecter la bonne foi des juges consulaires, mais simplement de constater que leurs réactions devant un litige sont celles d'un commerçant : ils exigent d'un consommateur qu'il conduise ses affaires avec l'habileté qu'ils y auraient eux-mêmes apportée. Les tribunaux de commerce ne sont faits que pour les commerçants, et ne sont faits que pour eux ”[479]. La preuve du caractère abusif nous semble par conséquence facile à rapporter, cet abus affectant l'ensemble du contrat dans la mesure où la juridiction consulaire appréciera très vraisemblablement les droits et les obligations des parties dans une perspective défavorable au consommateur.

 

    157.— Un raisonnement analogue est sans doute transposable au droit international privé à condition bien entendu, qu'il soit adapté à la spécificité de la compétence internationale qui rappelons-le, n'est pas une compétence d'attribution. Mais si pour cette raison, les clauses d'élection de for ne peuvent pas être comparées aux clauses attributives de compétence commerciale, leur caractère abusif nous semble pouvoir être facilement reconnu.

 

     L'idée que le choix d'un ordre juridictionnel puisse être abusif n'est en soi pas nouvelle. On en trouve déjà la trace dans la Convention de La Haye du 25 novembre 1965 sur les accords d'élection de for. Cette Convention, qui n'est jamais entrée en vigueur, indiquait que “ l'accord d'élection de for est valablement formé s'il résulte de l'acceptation par une partie de la proposition écrite de l'autre partie désignant expressément le tribunal ou les tribunaux élus ” (article 4 alinéa 1er). Cette condition de validité n'exigeant pas que l'autre partie ait exprimé son acceptation par écrit, l'article 4 alinéa 3 de cette Convention écarte la validité de l'accord d'élection de for “ s'il a été obtenu par un abus de puissance économique ou autres moyens déloyaux ”. La référence à la notion d'abus de puissance économique rappelle évidement le premier critère de l'ancienne définition des clauses abusives. Elle est en ce sens critiquable[480] et ce d'autant plus que si la Convention évoque la nature de l'abus, elle n'en indique pas les effets alors que le système actuel définit les clauses en considération de leurs conséquences, ce qui nous semble plus cohérent. Il apparaît toutefois évident que l'abus de puissance économique n'a de raison d'être sanctionné que s'il avantage la partie forte. Comme l'écrit M. LAGARDE, “ il s'agit d'éviter de donner effet à certaines clauses contenues le plus souvent dans des contrats d'adhésion et qui pourraient avoir été "acceptées" au sens de l'article 4, alinéa 1 ”[481].

 

    158.— Le caractère abusif des clauses d'élection de for se manifeste notamment lorsqu'elles ont pour effet d'entraver l'accès à la juridiction du consommateur. Dans bien des cas en effet, l'éloignement géographique de la juridiction désignée et les coûts procéduraux risquent dans les faits de priver la partie économiquement faible de sa faculté d'agir en justice pour faire valoir ses droits. Le déséquilibre significatif dû à cette quasi-impossibilité d'agir caractérise d'autant plus le caractère abusif de la clause d'élection de for qu'il dépasse le cadre processuel pour rejaillir sur l'ensemble des droits et obligations des parties. L'exécution des obligations contractuelles repose tant sur la bonne foi des parties, quelle que soit d'ailleurs leur qualité, que sur les différentes sanctions qu'une mauvaise exécution ou une inexécution totale peuvent engendrer. L'efficacité de ces sanctions implique, dans la plupart des cas, l'intervention du juge. Le consommateur n'étant plus en mesure d'engager la garantie ou la responsabilité du professionnel, les clauses d'élection de for risquent d'avoir une portée dépassant leur domaine procédural pour, indirectement, tenir lieu de clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité. Cette influence du choix de la juridiction sur le fond se répercute aussi en ce qui concerne la loi applicable au contrat. De ce que le juge étranger désigné, en droit commun des conflits de juridictions, peut ne pas être celui d'un État ayant adhéré à la Convention de Rome, il résulte que la clause d'élection de for peut avoir pour conséquence d'engendrer l'applicabilité d'un système de conflit de lois n'assurant pas au consommateur le degré de protection que le droit français, issu du droit conventionnel, peut lui procurer. Les clauses d'élection de for sont donc bien susceptibles d'abus.

 

    159.— Il devrait en être de même en matière d'arbitrage international. Sans doute peut-on douter que la jurisprudence, d'ordinaire libérale dans ce domaine, soit prête à s'engager dans cette voie. Affirmé depuis l'arrêt Hecht[482], le principe de la licéité des conventions d'arbitrage dans les actes mixtes a récemment été réaffirmé par la Cour de cassation à propos d'un contrat de consommation qualifié d'international en application du critère économique d'internationalité[483]. Les conventions d'arbitrage passées avec les consommateurs sont pourtant aussi dangereuses, voire plus, que les conventions d'élection de for. Tout d'abord parce qu'elles se prononcent sur le choix d'une justice. À la justice étatique est substituée la justice arbitrale dont on peut sérieusement douter qu'elle soit, dans sa pratique traditionnelle, la plus adaptée aux litiges de consommation. Assimilé à un opérateur du commerce international, le consommateur se verra imposer les règles matérielles crées pour les professionnels du commerce international[484]. De plus, le coût de la procédure et sa relative complexité risquent, à l'instar des clauses d'élection de for, de décourager le consommateur et le priver de sa faculté d'agir en justice[485]. L'on peut également douter que le consommateur, ignorant des usages du commerce international, ait accepté en connaissance de cause la clause d'arbitrage[486].

 

    Ces raisons incitent à voir sanctionner le caractère abusif des conventions d'arbitrage international passées entre professionnel et consommateur. Les réserves de “ l'ordre public international ”, adoptées par la Cour de cassation[487] pourraient, dans cette perspective, justifier l'applicabilité de l'article L. 132-1 du code de la consommation aux contrats internationaux de consommation comportant une clause compromissoire. Si tel était le cas, on constate que le principe d'autonomie de la convention d'arbitrage n'en serait pas pour autant remis en cause. En effet, tous les actes mixtes ne sont pas des contrats de consommation. Se voir refuser la qualité de commerçant est une chose, se voir reconnaître la qualité de consommateur en est une autre. Le principe de la validité de la clause compromissoire dans les actes mixtes ayant été, jusqu'à présent, appliqué à des non-commerçants, au sens du droit français, qui étaient des professionnels[488], l'on doit pouvoir sans crainte l'écarter pour les consommateurs.

 

    Il reste que la Cour de cassation a indiqué que la clause d'arbitrage devait d'abord recevoir application quitte, ensuite, à ce que l'arbitre, sous le contrôle du juge de l'annulation, vérifie sa propre compétence en mettant en œuvre la seule réserve des règles d'ordre public international, spécialement en ce qui concerne l'arbitrabilité du litige. On concédera, alors, que “ la protection du consommateur serait bien mal assurée s'il lui fallait d'abord saisir l'arbitre prévu avant de pouvoir s'adresser à ses tribunaux ”[489].

 

    160.— Si les clauses d'élection de for peuvent, dans certains cas, avantager excessivement le professionnel, le consommateur n'est pas pour autant dispensé de rapporter la preuve de leur caractère abusif. Cette preuve consistera la plupart du temps à démontrer que les inconvénients d'une procédure engagée devant le juge étranger désigné sont disproportionnés par rapport à l'avantage d'un éventuel gain du procès[490]. La détermination du caractère abusif présente alors la faiblesse d'une appréciation in concreto par rapport aux Conventions de Bruxelles et de Lugano qui limitent dans des cas bien déterminés le recours aux clauses d'élection de for passées avec les consommateurs.

 

    Il nous semble pourtant que l'inéquité consécutive à la clause d'élection de for pourrait faire l'objet d'une présomption quasi-irréfragable d'abus de la part du professionnel et ce quel que soit le contenu du contrat. Ces propos induisent une appréciation in abstracto du caractère abusif de la clause. Sur ce terrain là, on pourrait songer à l'article L. 426-1 du Code de la consommation qui ouvre aux associations de consommateurs un droit d'action à titre principal devant la juridiction civile. L'intervention de ces associations tend, d'après la loi, à ordonner la suppression des clauses abusives dans les modèles de conventions habituellement proposées par les professionnels aux consommateurs. C'est d'ailleurs en étant saisie par une telle action que la Cour d'appel de Toulouse s'est prononcée en faveur du caractère abusif de la clause attributive de compétence en droit interne[491]. Ce droit d'agir ne nous semble pourtant pas pouvoir être étendu aux relations internationales. On voit mal comment une juridiction française serait habilitée à ordonner aux professionnels étrangers la suppression des clauses d'élection de for présentant un caractère abusif selon le droit français.

 

    161.— À défaut d'action en justice des associations de consommateurs, il semble que l'appréciation de l'abus ne pourrait s'établir in abstracto. Mais la réalité est parfois réfractaire à la logique la plus rigoureuse. L'appréciation in concreto du caractère abusif d'une stipulation devrait normalement convertir l'essentiel du contrôle de la Cour de cassation en une question de fait relevant du pouvoir souverain des juges du fond. Or la Cour de cassation estime que la notion de clause abusive est une notion de droit[492]. L'élaboration d'une règle prétorienne affirmant avec précision les cas dans lesquels une clause d'élection de for se verrait reconnaître un caractère abusif se trouve par là-même rendue possible. Dans cette perspective, la systématicité du caractère abusif des clauses d'élection de for pourrait être reconnue lorsqu'elles n'ont été stipulées qu'en faveur du professionnel et lorsqu'elles désignent le tribunal ou les tribunaux de l'État du domicile du professionnel. En revanche, les clauses qui désignent les tribunaux de l'État où le consommateur a sa résidence ou qui élargissent son éventail de possibilités (à l'instar de l'article 15-2° de la Convention de Bruxelles) ne revêtiraient pas ce caractère. Dans le même sens, les clauses postérieures au différend, admises par les Conventions de Bruxelles et de Lugano, ne devraient pas pouvoir être déclarées abusives. L'article L. 132-1 du Code de la consommation est certes applicable lorsque la clause a été librement négociée. Mais l'on peut estimer que le consommateur qui passe un accord d'élection de for après la naissance du litige le fait en toute connaissance de cause et selon son intérêt. Il est alors difficile dans ce cas de soutenir que le choix de la juridiction va avoir pour conséquence d'entraver son droit d'accès à la justice. On se rapprocherait ainsi du système élaboré par le droit conventionnel pour qui la protection de la partie faible ne passe pas par une prohibition systématique des clauses d'élection de for.

 

 

Section II

Les conventions d'Élection de for

dans les contrats d'assurance

 

 

    162.— L'existence de règles de compétence ayant pour objet la protection de l'assuré peut a priori sembler inutile. Dans la plupart des cas, l'assuré n'est-il pas une partie faible et le contrat d'assurance un contrat de consommation ? L'affirmative s'impose et les règles protectrices des consommateurs que nous venons d'étudier pourraient à coup sur s'appliquer. Des raisons historiques permettent toutefois d'expliquer l'existence d'un statut protecteur de l'assuré. En effet, bien avant que le droit ne prenne en compte le consumérisme, les premières mesures protectrices de la partie faible dans les contrats d'adhésion furent adoptées en matière de contrat d'assurance. Ainsi en droit interne, la célèbre loi du 13 juillet 1930 a limité la liberté contractuelle afin de lutter contre le déséquilibre engendré par les clauses habituellement insérées par les assureurs dans les contrats d'assurance[493]. En ce qui concerne la compétence territoriale, cette loi institua des règles impératives qui furent étendues par la jurisprudence à l'ordre international. De même en droit conventionnel européen, l'on rappellera que si la version initiale de la Convention de Bruxelles ne comportait aucune disposition protectrice du consommateur[494], la protection de la partie faible n'étant organisée que pour certains contrats dont le contrat d'assurance. Mais l'assurance n'intervient pas uniquement en matière domestique, elle concerne également le domaine industriel et commercial où la protection de l'assuré est plus discutable. De ce point de vue, on remarquera qu'à la différence du droit commun des conflits de juridictions (§2), les règles de compétence des Conventions de Bruxelles et de Lugano (§1) font preuve de pragmatisme en distinguant l'assuré partie faible de l'assuré disposant d'une puissance économique importante.

 

§1 - La convention d'élection de for en matière de contrat d'assurance dans les Conventions de Bruxelles et de Lugano

 

    163.— Pour que le régime des clauses d'élection de for en matière d'assurance soit applicable, l'accord des parties doit déroger aux règles de compétence propres aux contrats d'assurance instituées par les articles 8 à 11 de la Convention de Bruxelles. Selon ces textes, l'assureur demandeur doit en principe agir devant les tribunaux de l'État du défendeur, qu'il soit preneur d'assurance, assuré ou bénéficiaire (article 11, alinéa 1). Il peut cependant invoquer l'article 5-5° de la Convention de Bruxelles et saisir le for de la succursale. Si, en revanche, l'assureur est le défendeur, une série d'options profite au preneur d'assurance, à l'assuré et à la victime exerçant l'action directe. L'assureur peut d'abord être attrait devant les tribunaux de l'État où il a son domicile (article 8, alinéa 1,1°). Le preneur d'assurance, mais lui seul, peut saisir le for de son domicile (article 8, alinéa 1, 2°). L'assureur peut également être attrait dans certains cas au for du lieu du fait dommageable (article 9). De plus, l'assureur domicilié dans un État contractant et ayant une succursale, agence ou tout autre établissement peut être attrait devant le juge du lieu de cet établissement pour les litiges relatifs à l'exploitation de celui-ci. S'il existe plusieurs assureurs, les codéfendeurs peuvent être poursuivis devant le tribunal d'un État contractant saisi de l'action formée contre l'apériteur d'assurance (article 8, alinéa 1, 3°). Une autre compétence dérivée permet, en matière d'assurance de responsabilité, de poursuivre l'assureur devant le tribunal saisi de l'action de la personne lésée contre l'assuré si la loi de ce tribunal le permet (article 10, alinéa 1). Enfin, l'article 11, alinéa 2 de la Convention de Bruxelles attribue compétence au juge saisi de la demande originaire pour connaître d'une demande reconventionnelle.

 

    164.— En outre, pour relever des articles 12 et 12 bis de la Convention de Bruxelles, la clause d'élection de for insérée dans un contrat d'assurance doit concerner une situation internationale[495] et suppose la domiciliation du défendeur dans le territoire d'un État contractant[496]. L'article 12 ne précisant pas qu'il ne vise que le tribunal ou les tribunaux d'un État contractant, la doctrine estime qu'il s'applique aux clauses d'élection de for désignant les juridictions d'un État non contractant[497]. Il n'y a là qu'une règle de bon sens que nous avons déjà évoquée à propos du consommateur et qui consiste à garantir la protection de la partie faible en toute circonstance. Enfin, l'article 12 ne prévoyant aucune condition de forme, la CJCE considère que les formes de l'article 17 de la Convention de Bruxelles doivent être respectées dès lors que la clause désigne le tribunal ou les tribunaux d'un État contractant[498]. Ces formes sont variées et, à l'instar de ce que nous avons dit à propos des clauses d'élection de for passées avec les consommateurs, celles qui sont applicables à la partie faible ne préjudicient en rien à sa protection[499].

 

    Conçu strictement dans la version initiale de la Convention de Bruxelles, le régime des clauses d'élection de for tient compte, depuis la Convention d'adhésion de 1978, de la grande assurance[500]. On distinguera par conséquent la protection de l'assuré partie faible contre les clauses d'élection de for (A/) des clauses d'élection de for dans la grande assurance (B/)

 

A/ La protection de l'assuré partie faible contre les clauses d'élection de for

 

    165.— L'influence du Royaume-Uni lors des négociations de la Convention d'adhésion de 1978 ne s'est pas uniquement exercée à propos de la grande assurance. Le régime de la Convention d'adhésion tient compte également du preneur d'assurance domicilié hors du territoire d'un État contractant ce qui s'avère défavorable à la partie faible.

 

    1° L'assuré domicilié sur le territoire d'un État contractant

 

    166.— Le dispositif mis en place par la Convention de Bruxelles pour protéger la partie faible consiste à empêcher que l'assureur, impose une clause d'élection de for qui l'avantage. Aussi bien, l'article 12-1° prohibe les clauses qui ne sont pas postérieures à la naissance du différend[501], cette exigence n'étant écartée par l'article 12-2° que si la clause offre au preneur, à l'assuré ou au bénéficiaire des options supplémentaires de compétence. Dans la mesure où elle est exclusivement stipulée en faveur de la partie faible, cette clause peut être conclue au moment de la formation du contrat car l'on ne peut craindre que l'assureur puisse vouloir l'imposer[502].

 

    167.— L'article 12-3° concerne une hypothèse qui semble au départ favorable à l'assureur mais dont le domaine restreint ne porte pas préjudice à l'assuré. Il s'agit de la situation où l'assureur et le preneur d'assurance sont domiciliés ou ont leur résidence habituelle dans le même État contractant lors de la conclusion du contrat. Pour éviter que l'assureur puisse être poursuivi à l'étranger, au lieu du fait dommageable, en vertu des articles 9 et 10, alinéa 1, ce texte l'autorise à stipuler une clause d'élection de for désignant les tribunaux de l'État où l'assureur et le preneur d'assurance sont domiciliés ou ont leur résidence habituelle. Cette possibilité n'est pas jugée trop dangereuse pour la partie faible en ce qu'elle ne concerne pas la victime de l'action directe[503] et, à l'égard du preneur, en ce qu'elle est écartée si elle est interdite par la loi du domicile ou de la résidence commune du preneur d'assurance et de l'assureur[504]. Bien que le champ d'application de cette solution soit limité, elle est critiquée par une partie de la doctrine qui estime que le forum delecti commissi présente, du point de vue de la compétence, un intérêt objectif[505]. On peut toutefois douter que le preneur d'assurance, supposé partie faible, souhaite engager une procédure dans un autre État. La compétence du lieu du fait dommageable est, en effet, facultative ce qui laisse penser que le preneur d'assurance, surtout s'il est l'assuré, préfère utiliser la compétence du tribunal de son domicile si l'accident est survenu fortuitement loin de chez lui[506].

 

    Il nous semble, en définitive, que l'application de l'article 12-3° sera marginale. Elle suppose en premier lieu que le contrat d'assurance soit international, ce qui n'est pas fréquent lorsque le preneur d'assurance et l'assureur sont domiciliés ou ont leur résidence commune dans le même État. De plus, ses effets sont limités. La clause ne concerne que la compétence générale. Elle ne peut spécialement désigner le tribunal qui devra être saisi et par conséquent élire celle du domicile de l'assureur. Si tel n'était pas le cas, l'article 12-3° de la Convention de Bruxelles pourrait, dans une moindre mesure il est vrai puisque aucune juridiction étrangère ne peut être saisie, porter préjudice à l'assuré. Au surplus, elle ne sera pas valable si les juridictions françaises sont désignées car les règles de compétence en matière d'assurance sont d'ordre public et ne permettent pas à l'assureur de priver l'assuré du chef de compétence facultatif l'autorisant à intenter l'action devant le tribunal du lieu du fait dommageable[507].

 

    2° L'assuré non domicilié sur le territoire d'un État contractant

 

    168.— L'article 12-4° de la Convention de Bruxelles autorise les clauses d'élection de for conclues avec un preneur d'assurance n'ayant pas son domicile sur le territoire d'un État contractant. Cette possibilité a été ajoutée par la Convention d'adhésion de 1978 à la demande du Royaume-Uni. En raison de l'importance considérable pour le secteur des assurances britanniques des contrats d'assurance conclus avec des preneurs n'ayant pas leur domicile sur le territoire d'un État contractant, il a été jugé indispensable de prévoir expressément dans la Convention l'admissibilité de tels accords d'élection de for afin de ne pas inciter les compagnies du Royaume-Uni à recourir systématiquement à l'arbitrage[508]. Bien que le texte ne le précise pas, la domiciliation du preneur doit s'apprécier au moment de la formation du contrat[509]. Elle suppose, en outre, que le défendeur soit domicilié sur le territoire d'un État contractant au moment où le procès est engagé. Dès lors, si le défendeur est le preneur d'assurance et qu'il est toujours domicilié dans un État tiers, la clause relèvera de l'article 17. À vrai dire, cette conséquence ne modifie pas fondamentalement le régime de la clause dans la mesure où l'application de l'article 12-4° implique le respect des formes de l'article 17.

 

    En pratique, cette règle permettra à l'assureur de désigner les tribunaux de son domicile alors que la Convention aurait laissé à son adversaire le droit de saisir les juridictions d'autres États contractants[510]. Doit-on pour autant se réjouir de voir des intérêts du secteur des assurances britanniques et, partant, de tous les assureurs des États contractants, prendre le pas sur la protection de la partie faible ? Les craintes que le jeu des articles 7 à 10 de la Convention de Bruxelles permette d'attraire les assureurs devant une juridiction d'un État contractant qui n'est pas celle de leur domicile, rendant ainsi imprévisible la détermination du for compétent, existent que le preneur soit ou non domicilié sur le territoire d'un État contractant. Si l'on estime justifié que l'assureur, partie forte, supporte cette incertitude lorsque le preneur est domicilié sur le territoire d'un État contractant, nous ne voyons vraiment pas en quoi le fait que le preneur soit domicilié dans un État tiers la rend insupportable. Cette discrimination ne peut pas bien évidement améliorer la perception que les États tiers peuvent se faire de la Convention de Bruxelles.

 

    169.— On se réjouira donc de voir l'article 12-4° de la Convention de Bruxelles comporter deux limites. Tout d'abord, la clause d'élection de for n'est pas admise en matière d'assurance obligatoire[511]. Pour s'en tenir au droit français, on signalera que les assurances obligatoires se sont particulièrement développées depuis quelques décennies tant et si bien que l'on peut en dénombrer près d'une centaine[512]. Si cette limite varie selon les États contractants, son importance est loin d'être négligeable et l'on peut raisonnablement affirmer qu'elle constitue une entrave sérieuse à l'application de l'article 12-4° de la Convention de Bruxelles

 

    La clause d'élection de for est, en second lieu, interdite dans les contrats d'assurance portant sur des immeubles situés dans un État contractant. Cette illustration de la force d'attraction du lieu de l'immeuble sur la compétence judiciaire doit être d'autant plus approuvée parce que les règles de compétence impératives de l'article 16 n'englobent pas les contrats d'assurance[513].

 

B/ Les clauses d'élection de for et la grande assurance

 

    170.— Si la qualité de partie faible de l'assuré n'est plus à démontrer, il existe des hypothèses, telles les assurances dans le secteur industriel ou dans le secteur du transport, où les preneurs, à la différence d'un simple particulier, n'ont guère besoin de protection. Mme LAMBERT-FAIVRE estime pourtant que si le caractère de contrat d'adhésion du contrat d'assurance s'estompe pour les très gros risques industriels, il subsiste néanmoins en raison de l'existence de nombreuses “ polices types ” et de “ tarifs professionnels ” pour les risques industriels, même les gros risques[514]. Pourtant, en dépit de l'imprécision de la notion de contrat d'adhésion, les auteurs s'accordent à reconnaître que l'élément principal qui permet de le caractériser est l'inégalité économique et sociale entre les parties[515]. L'on peut douter que les preneurs de grande assurance, opérateurs industriels, commerciaux ou dans le domaine des transports, se trouvent, face aux assureurs, placés dans cette situation d'inégalité empêchant toute discussion. Sur ce dernier point d'ailleurs, on a pu faire observer que le contrat d'assurance n'est pas toujours entièrement prérédigé, la police comportant, outre les clauses imprimées, des clauses manuscrites, fixant certaines conditions particulières à la suite d'une discussion entre l'assuré et l'assureur. Au surplus, on a également fait remarquer qu'au cours des pourparlers précédant la conclusion du contrat d'assurance, l'assuré se voit fréquemment offrir le choix entre plusieurs types de police[516]. Nul doute qu'entre des parties disposant d'un pouvoir de négociation d'égale force, il est possible de discuter les points essentiel du contrats et notamment le choix de la juridiction.

 

    171.— Ces considérations ont été prises en compte par la Convention d'adhésion à la demande du Royaume-Uni. Le résultat s'avère cependant décevant. La Convention de Luxembourg ne permet les clauses d'élection de for que dans certains secteurs seulement de la grande assurance, les assurances maritimes et aériennes.

 

    L'article 12 bis-1° concerne certaines assurances de choses. Il vise en premier lieu les assurances de dommages aux navires de mer, aux installations au large des côtes et en haute mer ou aux aéronefs, causés par des événements survenant en relation avec leur utilisation à des fins commerciales. Il vise en second lieu les dommages causés aux marchandises autres que les bagages des passagers, durant  un transport réalisé par ces navires ou aéronefs, soit en totalité, soit en combinaison avec d'autres modes de transport. Le fait que le dommage aux bagages soit exclu n'est en rien surprenant. Le passager, partie faible, mérite protection. La clause d'élection de for relèvera, dans ce cas, des autres dispositions de l'article 12.

 

    L'article 12 bis-2° concerne les assurances de responsabilité à l'exception de celles des dommages corporels aux passagers ou à leur bagages. Là encore, la volonté de protéger la partie faible incite à écarter la licéité des clauses d'élection de for. Ces assurances de responsabilité doivent résulter de l'utilisation ou de l'exploitation des navires, installation au large des côtes et en haute mer, ou d'aéronefs pour autant que la loi de l'État contractant d'immatriculation de l'aéronef n'interdise pas les clauses attributives de juridiction dans l'assurance de tels risques[517]. L'article 12 bis-2° couvre également le risque de responsabilité causé par les marchandises au cours d'un transport maritime ou aérien ou en combinaison avec d'autres modes de transport.

 

    L'article 12 bis-3° se rapporte aux assurances de toute perte pécuniaire liée à l'utilisation ou à l'exploitation des navires, installations ou aéronefs, notamment celle du fret ou du bénéfice d'affrètement. Il peut s'agir, d'après le rapporteur, de la perte provenant de l'arrivé tardive du navire[518].

 

    Enfin l'article 12-4° concerne les contrats d'assurance couvrant tout risque lié accessoirement à l'un de ceux visés aux paragraphes 1 à 3. Il s'agit de l'assurance des risques accessoires, particulièrement pratiquée au Royaume Unis. À titre d'exemple, elle peut couvrir les frais d'exploitation imprévus, les taxes portuaires ou la perte qui pourrait résulter du naufrage ou de l'endommagement d'une cargaison ayant pris de la valeur durant le transport[519]. L'article 12-4° n'exige pas, selon le rapporteur, qu'un risque accessoire soit assuré dans la même police que le risque principal auquel il se rattache[520].

 

    172.— Si les articles 12-5 et 12 bis n'autorisent pas les clauses d'élection de for dans tous les secteurs de la grande assurance, la raison tient à ce qu'il est apparu impossible aux rédacteurs de la Convention d'adhésion de retenir un critère abstrait permettant de déterminer la puissance économique du preneur d'assurance, tel le capital de l'entreprise ou son chiffre d'affaire. Aussi bien, ces derniers décidèrent de ne retenir que des contrats suffisamment spécifiques par leur objet pour finalement limiter leur choix sur les différentes espèces d'assurances ayant un rapport avec le transport[521]. Il est vrai qu'il existe dans ce domaine une grande incertitude en ce qui concerne la détermination du for compétent. Comme l'a indiqué le rapporteur, le risque assuré en matière de transport maritime et aérien porte dans une large mesure sur des biens meubles, et en général, les polices d'assurances changent plusieurs fois et rapidement de titulaire[522]. Au surplus, la compétence du for du lieu du fait dommageable accroît les difficultés de détermination du for de compétent. Ce fut, on s'en souvient, l'une des raisons qui incitèrent les juges de la Cour suprême des États-Unis à reconnaître la licéité des clauses d'élection de for dans l'affaire Zapata qui concernait justement un transport maritime[523].

 

    173.— Pourtant, en préférant établir une liste limitative des risques dont le contrat d'assurance peut sans restriction contenir une clause d'élection de for, les experts ont sans doute écarté des difficultés de qualification et, partant, préservé la sécurité juridique, mais ils ont permis à des preneurs d'assurance disposant d'une forte puissance économique de pouvoir invoquer les règles protectrices de l'article 12 dès lors que leur activité ne relève pas de l'énumération de la Convention. Ainsi, une vente de marchandises conclue par des opérateurs de commerce international pourra contenir une clause d'élection de for ainsi que le contrat assurant l'acheminement par air de ces marchandises, parce que l'acheteur n'est pas un consommateur[524] et que l'assurance porte sur un transport aérien[525], alors qu'une telle clause ne pourra s'appliquer à l'assurance garantissant les risques de dommage de ces marchandises entreposées ensuite dans les locaux de l'acheteur. Cet exemple est pour le moins en contradiction avec la définition stricte du consommateur que la Convention de Bruxelles a adoptée afin d'empêcher tous les professionnels de pouvoir compter sur la protection qu'elle institue en faveur de la partie faible[526].

 

    Aussi bien, il est permis de penser qu'il ne serait pas contraire à l'esprit de la Convention d'élargir la licéité des clauses d'élection de for à l'ensemble des assurances en matière industrielle et commerciale[527]. Cette extension du champ de la licéité des accords de compétence en matière d'assurance pourrait être entreprise à l'occasion de l'adhésion à la Convention de Bruxelles des nouveaux États membres de l'Union européenne. Deux voies nous semblent devoir être explorées. L'une qui prendrait en compte la nature du risque assuré, l'autre qui serait fondée sur la personne du preneur d'assurance.

 

    174.— La première démarche est actuellement suivie par la Convention de Bruxelles. Une modification du Traité dans le sens d'un élargissement des catégories des risques concernés s'inscrirait alors dans une certaine continuité. Dans cette perspective, il pourrait être envisagé de s'inspirer de la deuxième directive sur l'assurance non-vie du 22 juin 1988[528] qui comporte une vaste énumération de la grande assurance. L'article 5 d) de cette directive définit les   “ grands risques ” en se référant à une annexe qui classe les risques par branche. L'article 5 d) i) classe dans les grands risques, à l'instar de l'article 12 bis de la Convention de Bruxelles, le transport maritime, le transport aérien en y ajoutant le transport ferroviaire. L'article 5 d) ii) y inclut les risques de crédit[529] et de caution[530] lorsque le preneur exerce à titre professionnel une activité industrielle, commerciale ou libérale et que le risque est relatif à cette activité. Enfin, l'article 5 d) iii) inclut l'assurance incendie et éléments naturels[531], les autres dommages aux biens[532], la RC générale[533] et les pertes pécuniaires diverses[534] pour autant que le preneur dépasse les limites chiffrées d'au moins deux des trois critères suivant : total du bilan, montant net du chiffre d'affaires et nombre de membres du personnel employé en moyenne au cours de l'exercice. Cette dernière catégorie montre bien qu'il n'est pas impossible de déterminer la puissance économique du professionnel à l'aide de critères chiffrés. On conviendra cependant que leur utilisation n'est pas d'une grande facilité.

 

    175.— Cette démarche est vraisemblablement la plus envisageable mais nous semble la moins adéquate. Ne retenir que l'importance du risque assuré ne va pas empêcher une surprotection du preneur d'assurance “ fort ” lorsque le risque assuré n'est pas un très gros risque. Or, parce qu'elle génère des abus, une protection trop étendue nuit à la protection toute entière. Une modification de la Convention serait alors bien inspirée si elle prenait uniquement en compte la qualité du preneur d'assurance et ce quelle que soit l'importance du risque qu'il assure. Il faudrait dans ces conditions autoriser sans restriction les clauses d'élection de for lorsque l'assurance est contractée par un professionnel dans le but d'assurer un risque lié à son activité[535].

 

    Nous sommes conscient que cette opinion implique une redéfinition du système actuel et soulève la question de savoir s'il fallait réellement une réglementation des clauses d'élection de for propre au contrat d'assurance. Certains pourraient être tentés de répondre en invoquant la spécificité du contrat d'assurance. Si cette spécificité implique sans doute des règles de compétence particulières lorsque les parties n'ont pas choisi de for, il ne faudrait toutefois pas l'exagérer dans le cas contraire. On ne devrait certes pas négliger, par exemple, que certains preneurs assurent par un même contrat leurs besoins privés et professionnels[536]. Mais cette circonstance ne peut, selon nous, remettre en cause le fait que le contrat d'assurance est soit un contrat passé entre un professionnel et un consommateur, soit un contrat passé entre professionnels et que sa spécificité en matière d'élection de for est résiduelle. Le fait que la protection de l'assuré (articles 12-1° et 12-2°) ou du consommateur (articles 14-1° et 14-2°) passe par des règles de compétence identiques n'en est-il pas une illustration ?

 

§2 - La convention d'élection de for dans les contrat d'assurance en droit commun des conflits de juridictions

 

    176.— L'application des règles de droit commun, à l'époque où aucune réglementation spécifique au contrat d'assurance n'existait, s'était révélée défavorable à l'assuré. Demandeur, il devait actionner l'assureur devant le tribunal de son siège. Défendeur, il devait être assigné devant le tribunal de son domicile, mais la prolifération, dans les conditions générales des polices, des clauses stipulant que les litiges qui naîtraient du contrat d'assurance seraient portés devant le tribunal du siège social de la compagnie avaient pour conséquence de renverser ce principe. Cette pratique se traduisait par l'encombrement des tribunaux du siège des compagnies d'assurances, en général ceux de Paris, et surtout par une gêne pour les assurés. Aussi bien, l'intervention du législateur en 1902 et 1930 eu pour principal objectif de protéger la partie faible[537].

 

    Les règles de compétence énoncées à cette occasion furent reprises sans changement lors de la codification du droit des assurances par les décrets du 16 juillet 1976. Elles se trouvent aujourd'hui à l'article R. 114-1 du Code des assurances. Ce texte pose le principe de la compétence du domicile de l'assuré pour toute espèce d'assurance lorsque la demande est relative à la fixation et au règlement des indemnités dues. Ce principe est écarté en matière d'assurances d'immeubles et de meubles par nature où le tribunal de la situation des objets assurés est seul compétent. Toutefois, lorsqu'il s'agit d'assurance contre les accidents de toute nature, l'assuré dispose d'une option entre la compétence du tribunal de son domicile et la compétence du tribunal du lieu du fait dommageable. Ces règles de compétence sont d'ordre public[538]. Cette impérativité se déduit de l'article L. 112-2 du Code des assurances qui, par une disposition générale, interdit de modifier par convention les prescriptions des Titres I, II, et III du Livre I du Code des assurances sauf celles, limitativement énumérées, qui donnent aux parties une simple faculté. De ce que l'article R. 114-1 du Code des assurances se trouve dans le domaine de l'article L. 112-2 du Code des assurances et n'est pas cité dans l'énumération des textes qui y dérogent, son caractère impératif se trouve affirmé. Le contraire eut été surprenant dans la mesure où ces règles de compétence sont pour l'essentiel motivées par le souci de protéger la partie faible.

 

    177.— Ces règles de compétence impératives ont été étendues aux relations internationales par la jurisprudence[539] qui va affirmer leur prévalence sur les règles de compétence internationale ordinaires[540] et sur les règles de compétence exorbitantes des articles 14 et 15 du Code civil[541]. Encore faut-il bien s'entendre sur le sens de cette prévalence. Si l'instance n'est pas relative à la fixation et au règlement des indemnités dues, les règles de compétence internationale ordinaire ou exorbitante sont applicables[542]. Cette impérativité a pour conséquence de rendre illicite toute clause d'élection de for désignant une juridiction étrangère chaque fois que l'assuré est domicilié en France[543] et lorsque la chose assurée se trouve située en France. Seules seraient donc permises les clauses écartant la compétence des juridictions françaises lorsqu'elle ne peut être fondée que sur les règles ordinaires ou exorbitantes de compétence internationale.

 

    178.— L'illicéité des clauses d'élection de for consécutive à la transposition de l'article R. 114-1 du Code des assurance appelle plusieurs remarques.

 

    L'applicabilité du droit commun des conflits de juridictions n'est possible que si le droit conventionnel européen n'est pas applicable. Si l'on considère, comme la doctrine dominante[544], qu'une clause d'élection de for désignant le tribunal ou les tribunaux d'un État tiers relève de la Convention de Bruxelles lorsqu'il s'agit de protéger la partie faible, l'application du droit commun ou du droit conventionnel européen sera alors uniquement tributaire de la domiciliation du défendeur sur le territoire d'un État contractant. En d'autres termes, si l'assuré est demandeur et que l'assureur n'est pas domicilié dans un État contractant, la clause sera régie par le droit commun. Faire dépendre l'application du régime de la Convention de Bruxelles de la position procédurale des parties s'avère pour le moins néfaste[545].

 

    Le droit commun étant favorable à la partie faible, l'assuré domicilié en France n'y perdrait peut-être pas au change. Le système mis en place par la Convention de Bruxelles nous semble pourtant de meilleure facture que le droit commun. Lorsque l'assuré est une partie faible, la prohibition totale des clauses d'élection de for peut parfois lui être défavorable. La Convention de Bruxelles est là pour nous rappeler, comme l'a indiqué Mme GAUDEMET-TALLON, que la protection de la partie faible ne passe pas nécessairement par une interdiction systématique des clauses attributives de juridiction[546]. Sur ce plan, on relèvera qu'avant que la loi du 11 juillet 1930 n'instaure les chefs de compétence repris aujourd'hui par l'article R. 114-1 du Code des assurances, les accords postérieurs à la naissance du litige étaient admis[547]. Cette possibilité, consacrée aujourd'hui par la Convention de Bruxelles, devrait pouvoir être maintenue. Si la transposition de l'ordre public judiciaire interne aux relations internationales a en l'occurrence pour objectif la protection de l'assuré, le caractère facultatif de la compétence des juridictions françaises en matière d'assurance pourrait être reconnu lorsque le choix de la juridiction intervient à un moment où l'assuré est en mesure de négocier et, partant, d'élire en toute connaissance de cause un for étranger qu'il estime conforme à ses intérêts. D'où l'intérêt qu'il y aurait d'écarter purement et simplement l'exigence de la domiciliation du défendeur sur le territoire  d'un État contractant comme critère d'intégration du litige dans le champ d'application de la Convention de Bruxelles. Cette proposition, sur laquelle nous nous sommes déjà exprimé, postule une redéfinition du rôle de ce traité. Si elle nous semble souhaitable, elle peut sembler irréalisable dans l'immédiat compte tenu des bouleversements qu'elles entraînerait. Une évolution du droit commun, inspirée du droit conventionnel pourrait probablement être plus facilement envisagée.

 

    179.— On ajoutera que le droit commun protège l'assuré sans tenir compte de sa puissance économique et de l'importance du risque assuré. Si l'on admet l'applicabilité de la Convention de Bruxelles lorsque la clause désigne le tribunal ou les tribunaux d'un État tiers, ce n'est que pour protéger l'assuré en situation de faiblesse. Cette extension du champ d'application de la Convention ne concerne pas les articles 12-5° et 12 bis relatifs à la grande assurance. Les assurés opérateurs du commerce international se trouvent en conséquence protégés de la même manière que les assurés qui contractent pour leurs besoins domestiques. À l'instar toutefois de la Convention de Bruxelles, l'article R. 114-1 du Code des assurances ne concerne pas l'assurance maritime. Il semble toutefois être applicable à l'assurance aérienne. Aussi bien, serait-on tenté de suggérer une adaptation de l'impérativité des chefs de compétence en matière d'assurances lorsqu'ils accèdent à l'ordre international. Dans cette perspective, il pourrait être décidé d'écarter l'illicéité des clauses d'élection de for lorsque l'assuré est un professionnel qui contracte pour les besoins de son activité.

 

 

Section III

Les conventions d'ÉlÉction de for

dans les contrats de travail internationaux

 

 

    180.— Alors que le droit commun des contrats repose sur le postulat de l'égalité des contractants, l'existence du droit du travail a pour origine la prise de conscience de l'inégalité qui caractérise la relation de travail. Ce déséquilibre apparaît tant au moment de la formation du contrat que dans le cadre de son exécution. Il est de l'essence même du contrat de travail dont le principal critère est constitué par la subordination juridique du salarié. La finalité du droit du travail est donc pour l'essentiel orientée vers la protection de la partie faible contre la partie forte. Des voix s'élèvent pourtant contre ce droit jugé par certains excessivement protecteur. Accentuées par la crise économique, ces critiques tendent à faire du droit du travail le responsable du chômage. Une trop grande protection du salarié constituerait un obstacle à l'emploi et à la compétitivité des entreprises. Émises à l'encontre des dispositions matérielles du droit du travail, de telles critiques sont également exprimées en ce qui concerne les clauses d'élection de for dans les contrats de travail internationaux : leur prohibition assurerait une protection efficace du salarié mais risquerait de décourager l'embauche des Français par les employeurs étrangers.

 

    Il ne peut pourtant être contesté que l'admission du rôle privilégié joué par la volonté des parties en matière de compétence contractuelle porterait plus durement atteinte à la protection du salarié dans les relations internationales de travail. Le plus souvent revenu dans son pays d'origine après un licenciement, le salarié se trouvera généralement empêché par la clause d'agir devant les juridictions de son État. En le contraignant de poursuivre son employeur devant un for étranger dont l'accès lui est difficile, l'élection de for menace alors directement ses intérêts substantiels. Tout d'abord parce qu'elle signifiera une quasi-impossibilité d'agir contre l'employeur lorsque le tribunal étranger élu est éloigné. Ensuite, à supposer que le salarié puisse saisir le tribunal désigné par la clause, parce qu'il est à craindre que la loi applicable au contrat de travail soit moins protectrice que celle qu'aurait appliquée son propre juge.

 

    Au demeurant, de sérieuses réserves peuvent être émises quant à la pertinence d'une règle de compétence ayant un fondement volontariste dans les relations de travail. L'intervention de la volonté des parties en matière de compétence judiciaire ne peut, selon nous, être envisagée que si l'expression de cette volonté est réelle ce qui suppose que la partie qui se voit proposer la clause d'élection de for puisse être en mesure de la refuser. De ce que “ certaines clauses attributives de compétence ne sont pas l'expression d'une volonté délibérée mais plutôt l'adhésion à un ensemble de règles contractuelles  indissociables ”[548], la protection du salarié devrait toujours constituer le cap à suivre et ce d'autant plus qu'en matière internationale, le choix du juge participe indirectement à la solution du litige. Telle est la direction dans laquelle s'est orienté le droit conventionnel (§1) qui tranche notablement avec les bégaiements du droit commun des conflits de juridictions (§2).

 

 

 

 

§1 - La convention d'élection de for en matière de contrats de travail dans les Conventions de Bruxelles et de Lugano

 

     181.— Que la première version de la Convention de Bruxelles n'ait pas contenu de règles relatives aux clauses d'élection de for dans les contrats de travail internationaux ne pouvait manquer de surprendre. La prise en considération de la protection de certaines parties faibles (assuré, vendeur et prêteur à tempérament) n'était-elle pas déjà affirmée par le Traité ? La lecture du Rapport JÉNARD apprend que l'avant-projet de Convention prévoyait d'attribuer une compétence exclusive soit aux tribunaux de l'État dans lequel se trouvait l'établissement, soit aux tribunaux de l'État dans lequel le travail devait être ou avait été exécuté[549]. Cette règle de compétence exclusive, qui aurait permis d'écarter toute possibilité d'accord d'élection de for, fut abandonnée par les rédacteurs de la Convention pour différentes raisons citées dans le rapport : l'attente que la Commission des Communautés européennes uniformise l'application des règles de droit du travail, l'existence de différentes catégories de salariés se trouvant dans des situations différentes et enfin la préoccupation de ne pas interdire l'expression de la volonté des parties quant à la détermination de la juridiction compétente. Les règles générales de la Convention, y compris l'article 17, devait en conséquence être appliquées au contrat de travail[550]. Cette solution fut confirmée par la CJCE dans l'arrêt Sanicentral c/ Collin[551]. Saisie à propos d'une question de droit transitoire, la Cour de Luxembourg va profiter de l'occasion pour préciser que “ le droit du travail fait partie du domaine matériel de la Convention ” et, partant, que les clauses d'élection de for relatives au contrat de travail relèvent bien de l'article 17. À la vérité, l'inclusion du droit du travail dans le champ d'application de la Convention de Bruxelles ne paraissait faire aucun doute pour les premiers commentateurs du Traité[552] dans la mesure où si l'article 1er précise que le domaine du traité est “ la matière civile et commerciale ”, ce texte n'exclut expressément que la sécurité sociale et pas le droit du travail. La réponse de la Cour a pourtant clarifié une question qui n'était peut être pas aussi évidente en raison notamment de l'autonomie du droit du travail et des liens que cette matière entretient avec le droit public[553]. Les clauses attributives de juridiction dans les contrats de travail internationaux se trouvaient donc traitées comme n'importe quelle clause d'élection de for ce qui ne pouvait que désavantager le salarié[554]. Il faudra attendre la Convention d'adhésion de San Sebastian, inspirée de la Convention de Lugano, pour qu'une réglementation protectrice des salariés soit adoptée. Ces deux Conventions n'étant pas identiques sur ce point, nous les aborderons successivement.

 

    A/ La Convention de Bruxelles et les clauses d'élection de for dans les contrats de travail internationaux

 

    182.— Selon l'article 17, alinéa 6, de la convention de Bruxelles, tel que modifié par la Convention d'adhésion de San Sebastian, “ en matière de contrat individuel de travail, la convention attributive de juridiction ne produit ses effets que si elle est postérieure à la naissance du différend ou si le travailleur l'invoque pour saisir d'autres tribunaux que celui du domicile du défendeur ou celui indiqué par l'article 5, point 1 ”. Cette disposition se situe dans la droite ligne des techniques utilisées par la Convention de Bruxelles pour protéger la partie faible contre la clause d'élection de for. Ainsi, comme en matière d'assurance et de contrats conclus avec les consommateurs, ces clauses ne sont autorisées que si elles sont postérieures à la naissance du différend[555]. L'on peut toutefois se demander si la spécificité du contrat de travail ne devrait pas imposer une adaptation de cette règle. Si le différend naît à la suite de la rupture du contrat de travail, la convention d'élection de for qui lui est postérieure peut raisonnablement être présumée avoir été conclue par un salarié sachant où se trouve ses intérêts. Mais si la majorité des litiges relatifs au contrat de travail sont portés devant les tribunaux après que ce dernier ait pris fin, il est possible, bien que beaucoup moins fréquent, qu'un procès oppose le salarié et l'employeur alors que la relation de travail se poursuit. Or, tant qu'elle n'a pas été rompue, l'infériorité de la partie faible subsiste. Certes, la subordination juridique du salarié ne donne pas juridiquement à l'employeur le pouvoir de le contraindre de porter le litige devant telle ou telle juridiction, mais l'on sent bien que le travailleur ne sera pas toujours libre de son choix. Aussi bien, une protection plus efficace du salarié aurait consisté à préciser que les conventions postérieures au différend ne sont possibles que si les parties ne se trouvent plus engagées dans la relation de travail au moment de la formation de l'accord, à moins que l'accord ne soit passé que dans son seul intérêt.

 

    183.— L'article 17, alinéa 6 ne prohibe pas toutes les clauses antérieures à la naissance du différend[556]. Ce texte permet en effet au travailleur d'invoquer une telle clause s'il souhaite saisir le tribunal élu autre que celui du domicile du défendeur ou celui de l'article 5-1°[557]. Cette clause ne peut être invoquée par le travailleur que s'il prend l'initiative de saisir le for élu. Il ne peut s'en prévaloir à titre d'exception pour faire échec à la compétence du tribunal saisi par l'employeur sur le fondement des articles 2 ou 5-1°[558]. Cette limitation, qui pourrait apparaître comme une atteinte à la protection du salarié, est tout à fait opportune. Il ne serait pas acceptable que le salarié puisse à la fois opposer la nullité de la clause à l'employeur qui saisit le juge élu et se prévaloir également de son efficacité si l'employeur, renonçant à l'utiliser, saisit le for du défendeur ou le for contractuel. Destinée à garantir la sécurité juridique et à éviter les manœuvres dilatoires, cette règle ne préjudicie en rien de la protection du travailleur.

 

    184.— Ainsi conçu, l'article 17, alinéa 6 de la Convention de Bruxelles assure une protection efficace du salarié. Certains expriment pourtant leurs craintes qu'un gigantesque contentieux ne se développe à l'avenir pour déterminer les cas dans lesquelles la clause sera tenue pour valable[559]. Nous ne pensons pas que ce texte suscitera des difficultés d'application. Certes, alors que la clause antérieure au différend est nulle si elle est invoquée par l'employeur, son efficacité est préservée lorsque le salarié l'utilise pour saisir un juge élu autre que celui du for du défendeur ou celui du for contractuel. Il ne faudrait pas pour autant en conclure que la clause d'élection de for est nulle à l'égard de l'employeur et valable à l'égard du salarié. La Convention de Bruxelles a pour objectif la protection du salarié. Si la nullité de la clause antérieure au différend est justifiée par cette idée, elle risquerait dans certains cas de se retourner contre celui qu'elle entend protéger si elle devait présenter un caractère absolu. D'où la nécessité de réserver la possibilité d'invoquer cette nullité à la seule personne protégée. Ce n'est, en définitive, qu'une nullité relative encourue pour violation d'une disposition d'ordre public social. L'objectif étant de protéger le salarié, lui seul peut avoir intérêt à se prévaloir de la nullité de la clause d'élection de for. S'il décide de ne pas mettre en œuvre cette protection, il pourra utiliser la clause pour saisir le juge élu. L'article 17, alinéa 6 ne dit pas autre chose, si ce n'est qu'il précise que le salarié ne pourra opposer la clause à l'employeur qui ne l'applique pas.

 

    185.— Il nous reste à aborder les conditions d'application de ce régime protecteur. Nous ne reviendrons pas sur la condition d'internationalité[560] mais sur celles de la désignation d'une juridiction d'un État contractant et de la domiciliation de l'une des parties au moins sur le territoire d'un État contractant. Alors que les articles 12 et 15 de la Convention de Bruxelles relatifs à la clause d'élection de for en matière d'assurances et de contrats conclus avec les consommateurs ne précisent pas que la juridiction désignée doit être celle d'un État contractant, ce qui permet de soutenir que la protection qu'ils instituent en faveur de la partie faible s'applique à la clause désignant les juridictions d'un État tiers[561], l'article 17 précise très clairement que les parties doivent désigner le tribunal ou les tribunaux d'un État contractant[562]. Cette solution est fâcheuse pour la protection du travailleur. Si la défense de l'assuré et du consommateur autorise l'application de la Convention de Bruxelles aux clauses désignant l'ordre juridictionnel d'un État tiers, l'on voit mal pourquoi il en irait différemment à l'égard du salarié. Cette situation est sans doute une conséquence de ce que la protection du travailleur se trouve ajoutée aux articles 5-1° et 17 au lieu d'avoir fait l'objet d'une section à part entière[563]. La CJCE s'étant déjà écartée de la lettre de l'article 17 lorsqu'elle l'estimait nécessaire au regard des objectifs poursuivis par la Convention de Bruxelles[564], il serait tentant de suggérer une interprétation de l'article 17, alinéa 6 qui serait guidée par sa finalité protectrice pour décider de son application à la clause désignant les juridictions d'un État tiers. Pour souhaitable qu'elle soit, il nous semble peu probable que la Cour de Justice s'engage dans cette direction. Car admettre l'applicabilité de l'article 17 à la clause désignant les juridictions d'un État tiers reviendrait, dans la plupart des cas, à rayer d'un trait de plume le droit commun des conflits de juridictions des États contractants. En effet, à la différence cette fois des articles 12 et 15 qui ne s'appliquent que si le défendeur est domicilié sur le territoire d'un État contractant[565], l'article 17 est applicable quelle que soit la position procédurale de la partie domiciliée dans l'Union européenne[566]. En pratique, il est peu fréquent que le salarié et l'employeur se trouvent domiciliés sur le territoire d'un État contractant alors que la clause désigne les juridictions d'un État tiers ou que le salarié et l'employeur se trouvent domiciliés dans un État tiers et que la clause désigne le tribunal d'un État contractant. Le terrain de prédilection du droit commun des conflits de juridictions étant pour l'essentiel limité à ces deux situations, l'élargissement de la Convention de Bruxelles réduirait son application à des hypothèses marginales.

 

    186.— Généraliser le système mis en place par la Convention de Bruxelles serait un moyen de régler les difficultés auxquelles donnent lieu des clauses d'élection de for dans les contrats de travail internationaux en droit commun. Elle apporterait également une réponse satisfaisante à la protection du salarié qui n'est pas domicilié dans un État contractant. En effet, de même que le droit conventionnel ne protège le salarié qu'à l'égard des clauses qui désignent le tribunal ou les tribunaux d'un État contractant, de même le droit commun ne protège le salarié qu'à l'égard des clauses qui désignent les tribunaux français. Il nous semble que la protection du salarié, et de la partie faible en général, ne devrait pas être source de discrimination. Tous les salariés, quel que soit l'État de leur domicile, devraient être protégés contre les clauses d'élection de for et ce, qu'elles désignent les juridictions d'un État contractant ou les juridictions d'un État tiers. Dans cette perspective, l'application du régime protecteur de la Convention de Bruxelles chaque fois que le tribunal d'un État contractant est saisi assurerait une protection efficace du salarié.

 

    Il est peu probable que la CJCE s'engage dans une évolution aussi radicale du rôle de la Convention de Bruxelles. Faut-il attendre plus de témérité de la part des États adhérant à la Convention de Bruxelles ? Tout dépend de leur volonté de voir émerger un véritable droit judiciaire privé européen se traduisant par l'application de règles identiques tant dans les relations à l'intérieur de l'Union que dans les relations entre l'Union et les États tiers. De ce point de vue, une conception commune de la protection de la partie faible dans les conflits de juridictions serait une étape non négligeable vers la réalisation d'un jus commune européen — souhaitée par certains, même si des divergences subsistent quant à la méthode pour y parvenir[567] — que la Convention de Rome réalise déjà à sa manière au sujet du conflit de lois en matière de contrat.

 

    B/ La Convention de Lugano et les clauses d'élection de for dans les contrats de travail internationaux

 

    187.— La Convention de Lugano ne traite pas les clauses d'élection de for dans les contrats de travail internationaux de la même manière que la Convention de Bruxelles. Bien qu'ayant inspiré la Convention de San Sebastian, le système de protection mis en place par la Convention de Lugano s'avère moins protecteur. Ce sont en fait les imperfections de ce système qui ont été corrigées par la Convention de San Sebastian.

 

    Selon l'article 17-5° de la Convention de Lugano, “ en matière de contrat individuel de travail, les conventions attributives de juridiction ne produisent leurs effets que si elles sont postérieures au différend ”. Si ce texte assure une certaine protection du salarié, qui aurait été plus efficace s'il avait été tenu compte de la spécificité du contrat de travail[568], on doit cependant déplorer le caractère absolu de son impérativité. La clause antérieure à la naissance du litige étant toujours frappée de nullité, le salarié ne pourra l'invoquer même si elle lui convient. Cet inconvénient a été mis en lumière par un exemple de M. DROZ qui illustre au demeurent les difficultés de l'application distributive de ces deux Conventions[569]. L'article 54 ter, alinéa 2 de la Convention de Lugano pose comme principe que la Convention s'applique en tout état de cause en matière de compétence lorsque le défendeur est domicilié sur le territoire d'un État de l'A.E.L.E. Si le demandeur est un salarié domicilié en France et le défendeur un employeur domicilié en Norvège, la clause désignant les tribunaux français sera nulle, les tribunaux français ne pouvant être saisis qu'en application de l'article 5-1° si le travail est exécuté en France. Si le travail est accompli dans plusieurs États, le salarié ne pourra attraire son employeur qu'en Norvège. Une mesure de protection peut ainsi se retourner contre la personne sensée être protégée. On relèvera toutefois que cet inconvénient ne se retrouvera que très rarement en pratique. Il n'est pas fréquent qu'un employeur impose dans le contrat de travail une clause désignant le tribunal ou les tribunaux de l'État du domicile du salarié. Au surplus, l'adhésion de la Finlande, de la Suède et de Autriche à l'Union européenne se traduira certainement par une Convention d'adhésion de ces États à la Convention de Bruxelles. Seules l'Islande, la Norvège et la Suisse, d'une part, et les autres États ayant adhéré à la Convention de Bruxelles, d'autre part, resteront concernés par la Convention de Lugano. On ne peut cependant que déplorer la rédaction de l'article 17-5° de la Convention de Lugano et se féliciter que la Convention de San Sebastian n'ait pas suivi la même direction.

 

§2 - La convention d'élection de for dans les contrats de travail internationaux en droit commun des conflits de juridictions

 

    188.— D'origine jurisprudentielle, les règles de droit commun des conflits de juridictions applicables à la clause d'élection de for dans les contrats de travail internationaux se caractérisent par leur instabilité. Selon les formations de la Cour de cassation, la tendance oscille entre la prohibition absolue de ces clauses et leur admissibilité, soit totale, soit limitée en considération de la configuration de la relation de travail. Cette incertitude, synonyme d'insécurité juridique, est pour le moins insatisfaisante. Mettre un terme à cette situation implique très probablement une approche nouvelle des difficultés engendrées par les accords d'élection de for dans les contrats de travail internationaux. Avant d'appréhender les perspectives d'évolutions de la protection du salarié en la matière (B/), nous retracerons les grandes lignes des divergences jurisprudentielles et doctrinales actuelles (A/).

 

    A/ Une jurisprudence divergente

 

    189.— Apparue à la fin des années soixante, la divergence jurisprudentielle qui opposa la Chambre sociale et la première Chambre civile concernait la portée des textes relatifs à la compétence du Conseil des prud'hommes et le caractère facultatif des articles 14 et 15 du Code civil. À cette époque, la compétence des juridictions prud'homales était régie par les articles 80 et 81 du Livre IV du Code du travail. L'article 80 prévoyait la compétence du Conseil des prud'hommes du lieu de l'établissement ou, si le travail était effectué hors établissement, la compétence du Conseil des prud'hommes du lieu de l'engagement. Ce chef de compétence alternatif présentait un caractère d'ordre public grâce à l'article 81 qui empêchait d'y déroger. Selon ce texte, était “ nulle et de nul effet toute clause attributive de juridiction incluse dans un contrat de louage de service ”. Bien qu'étant a priori réservé à la compétence d'attribution, la Cour de cassation vit dans ce texte une disposition générale et étendit ses effets à la compétence territoriale[570]. Sa transposition à l'ordre international était alors rendue possible. Non seulement parce que cette disposition englobait la compétence territoriale, mais également parce que son caractère d'ordre public était destiné à protéger la partie faible. Ainsi que l'exposait dans sa thèse Mme GAUDEMET-TALLON, “ dans la mesure où la compétence impérative est destinée à protéger un plaideur présumé socialement et économiquement plus faible que son adversaire, son caractère d'ordre public s'impose a fortiori si son adversaire met en jeu des intérêts internationaux, la prorogation ayant des conséquences plus graves dans l'ordre international que dans l'ordre national ”[571].

 

    De ce point de vue, la transposition des articles 80 et 81 aux relations internationales aurait logiquement eu pour conséquence d'interdire les clauses désignant une juridiction étrangère lorsque l'établissement était situé en France ou, si le travail s'effectuait hors établissement, lorsque le contrat de travail avait été conclu en France. En revanche, si l'établissement était situé à l'étranger, ou si le travail s'effectuait hors établissement, lorsque le contrat de travail avait été conclu à l'étranger, une telle clause devenait normalement licite. Dans ce cas en effet, la compétence internationale des juridictions françaises ne pouvait reposer que sur les articles 14 et 15 du Code civil dont le caractère subsidiaire était depuis longtemps affirmé. Concrètement, cela signifiait que le salarié français pouvait être empêché de saisir les juridictions de son État si son contrat de travail contenait une clause désignant une juridiction étrangère.

 

    190.— Bien qu'étant le fruit d'une analyse classique des règles de procédure civile internationale, ce raisonnement ôtait toute protection au salarié lorsque la règle ordinaire de compétence n'était pas applicable. Afin, sans doute, d'y remédier, la Chambre sociale rompit avec cette orthodoxie dans deux arrêts remarqués où, bien que cela n'apparaisse clairement que dans l'un d'entre eux, le travail devait s'effectuer à l'étranger[572]. Il fut ainsi jugé que “ si, en règle générale, les français sont libres de renoncer par avance au privilège de juridiction institué en leur faveur par l'article 14, il n'en est pas de même dans un contrat de louage de service où toute clause attributive de juridiction est nulle et de nul effet ”. Ainsi donc l'article 14 du Code civil, traditionnellement d'intérêt privé, était devenu d'ordre public lorsque le litige concernait les relations internationales de travail et ce au prix d'une argumentation majoritairement critiquée par les auteurs. En effet, l'impérativité de ce privilège de juridiction était assurée par l'article 81 du Livre IV du Code du travail dont la raison d'être consistait jusqu'à présent à garantir le respect du chef de compétence alternatif de l'article 80. De fait, il ne pouvait fonder l'impossibilité de renoncer à l'article 14 du Code civil en principe étranger à son domaine[573].

 

    Pourtant, au-delà de l'argumentation employée par la Chambre sociale, la solution qu'elle adopta pouvait sembler opportune en raison de la spécificité de la relation de travail. Le fait qu'il soit possible de renoncer à l'article 14 du Code civil ne pouvait-il pas souffrir une dérogation si la protection du salarié s'en trouvait renforcée[574] ? Une réponse affirmative s'avérait pour le moins délicate dans la mesure où la fonction de ce privilège de juridiction n'a jamais été de protéger la partie faible. Il fut ainsi relevé qu'à partir du moment où le présupposé de l'article 14 de Code civil était la nationalité française du demandeur, ce texte était inadapté à la protection du salarié étranger[575]. Et, partant, lorsque l'employeur était français et le salarié étranger, alors que l'établissement ou le lieu de conclusion du contrat était situé à l'étranger, la clause désignant une juridiction étrangère aurait été considérée comme nulle. À moins de soutenir que la renonciation à l'article 14 était nulle lorsqu'elle émanait du salarié et valable lorsqu'elle émanait de l'employeur, ce qui était juridiquement peu satisfaisant[576], une protection du salarié indépendante de sa nationalité ne pouvait être élaborée à partir des privilèges de juridiction.

 

    191.— En dépit des critiques qui lui furent adressées, la jurisprudence de la Chambre sociale avait le mérite de soulever la question de la protection du salarié en matière de compétence judiciaire internationale. La position qu'elle adopta fut probablement inspirée par le peu de protection que l'extension des articles 80 et 81 à l'ordre international offrait au salarié. Rappelons que la prohibition des clauses désignant une juridiction étrangère ne pouvait fonctionner que si le travail était effectué dans un établissement situé en France ou bien si le contrat de travail avait été conclu en France alors que le travail était effectué hors établissement. Au lieu d'affirmer, comme cela fut fait, l'impérativité de l'article 14 du Code civil, il aurait été plus judicieux d'adapter l'extension du chef de compétence ordinaire. Dans cette perspective, il fut proposé de considérer que la conclusion du contrat de travail en France emportait compétence impérative des juridictions françaises et ce que le travail soit effectué dans établissement situé en France ou à l'étranger ou hors établissement[577]. Une telle adaptation aurait permis d'accroître la protection du salarié sans remettre en cause le caractère facultatif de l'article 14 du Code civil[578].

 

    192.— Telle n'allait pourtant pas être la voie dans laquelle allait s'engager la première Chambre civile. Sensible au fait que les exigences des relations internationales, liées notamment au souci de prévisibilité quant à la détermination du for compétent, devraient conduire à autoriser les clauses d'élection de for lorsque le contrat de travail est international[579], cette formation de la Cour de cassation prit le contre-pied de la Chambre sociale à l'occasion d'un litige similaire[580]. Il s'agissait à chaque fois d'un différend opposant un salarié français à un employeur étranger à propos d'un contrat de travail effectué à l'étranger et contenant une clause désignant un tribunal étranger. Le raisonnement de la première Chambre civile s'exprima en deux temps ce qui rendit délicate l'analyse de sa décision. Tout d'abord, l'arrêt releva que le caractère international du contrat de travail avait pour effet de rendre l'article 81, alinéa 4 du Livre IV du Code du travail inapplicable. Puis, en réponse à l'un des moyens du pourvoi, il fut précisé que “ la clause par laquelle [le salarié] avait par avance accepté la compétence de la juridiction étrangère et, de ce fait, renoncé au bénéfice de l'article 14 du code civil, n'était pas contraire à l'ordre public international ”. Ce motif ne manqua pas de jeter le doute sur le sens de cet arrêt. Mme SIMON-DEPITRE laissa ainsi entendre que c'était l'ordre public international, au sens des conflits de lois, qui avait été envisagé par la première Chambre civile. L'arrêt se serait donc placé sur le terrain de la loi applicable à la clause d'élection de for. Dans cette perspective, il faudrait comprendre qu'une loi étrangère qui validerait la clause d'élection de for dans un contrat de travail international ne serait pas contraire à l'ordre public international. Cette interprétation de l'arrêt n'ôterait cependant pas toute portée internationale à l'article 81. En tant que règle substantielle de protection du salarié[581], son application pouvait s'envisager si la clause d'élection de for était régie par la loi française[582]. L'arrêt ne s'opposerait donc pas totalement à la jurisprudence de la Chambre sociale puisqu'il resterait possible que la clause soit soumise à une loi invalidante[583].

 

    Cette interprétation de l'arrêt resta, à juste titre selon nous, isolée. Si telle avait été l'intention de la première Chambre civile, encore aurait-il fallu qu'elle recherchât la loi applicable à la clause d'élection de for pour ensuite affirmer clairement que le contenu de cette loi n'était pas contraire à l'ordre public international. Or, cette démarche ne fut absolument pas suivie par l'arrêt qui, au demeurant, indiqua clairement que c'était la clause et non la loi étrangère qui était contraire à l'ordre public international[584]. Il semblait en conséquent beaucoup plus vraisemblable de rendre compte du sens de cet arrêt en indiquant qu'il s'était placé sur le seul terrain des conflits de juridictions. Sa position devenait alors totalement inconciliable avec celle de la Chambre sociale. En jugeant que l'article 81, alinéa 4, du Livre IV du Code du travail était inapplicable dès lors que le contrat de travail était international, la première Chambre civile se prononçait pour la licéité de toutes les clauses d'élection de for, et ce même si la compétence internationale des juridictions françaises résultait de l'extension à l'ordre international des critères de rattachement de l'article 80 du Livre IV du Code du travail.

 

    193.— En ignorant délibérément la spécificité de la relation de travail, assimilée à n'importe quelle relation contractuelle, la position de la première Chambre civile apparaissait excessive. Elle rencontra pourtant l'appui d'une partie de la doctrine qui alla même jusqu'à soutenir, ce qui n'était pas le moindre des paradoxes, que l'absence de transposition de l'article 81 aux relations internationales pouvait parfois servir les intérêts du salarié. Tel serait le cas du salarié étranger concluant en France avec un employeur étranger un contrat de travail devant s'effectuer à l'étranger et contenant une clause désignant les juridictions françaises. Si, en l'occurrence, ce salarié part effectuer son travail à l'étranger et revient ensuite en France, la clause serait nulle car elle dérogerait à la compétence des tribunaux étrangers compétents en application de l'article 80 du Livre IV du code du travail[585] Un tel raisonnement est pour le moins discutable. Il s'oppose en tout point à l'unilatéralisme des règles de conflits de juridictions. L'article 80 ne peut établir une compétence étrangère. Étendu à l'ordre international, ce texte ne peut que fonder ou dénier la compétence internationale des juridictions françaises. De fait, si les critères de rattachement qu'il contient ne désignent pas l'ordre juridictionnel français, l'article 81, dont le rôle consiste justement à éviter qu'il puisse y être dérogé, sera alors sans application. Il nous semble dès lors peu contestable de voir dans le refus de transposition de l'article 81, alinéa 4, du Livre IV du Code du travail, une mesure essentiellement défavorable aux intérêts du salarié.

 

    194.— Une telle divergence entre la Chambre sociale et la première Chambre civile rendait nécessaire l'intervention de l'Assemblée plénière ou d'une Chambre mixte. C'est finalement une Chambre mixte qui, par trois arrêts, mit fin à cette opposition jurisprudentielle[586]. On relèvera qu'entre temps, la Chambre sociale, tout en réaffirmant son hostilité à l'égard des clauses attributives de juridiction, semblait amorcer un recul. En effet, dans trois affaires où la compétence des juridictions françaises ne pouvait se fonder sur l'article 80 du Livre IV du Code du travail, la Chambre sociale prononça la nullité de la clause d'élection de for en ne plaçant pas son argumentation sur le terrain du prétendu caractère impératif de l'article 14 du Code civil mais sur celui de l'appréciation de la renonciation à ce privilège de juridiction[587]. Par là même, elle laissait supposer qu'une telle renonciation était possible.

 

    Les arrêts rendus par cette Chambre mixte allaient parachever cette évolution. La possibilité de renoncer à l'article 14 du Code civil, solution traditionnellement admise, fut confirmée même lorsque le litige concernait un contrat de travail international. Une ambiguïté subsistait cependant quant à la portée de la règle ordinaire de compétence.

 

    D'un côté, le “ chapeau ” de l'un des arrêts affirmait que “ si est nulle et de nul effet toute clause attributive de juridiction incluse dans un contrat de louage de services, il n'en est ainsi qu'en cas de dérogation aux dispositions du décret susvisé ”, c'est-à-dire dans le seul cas où l'article 80 du Livre IV du Code du travail est applicable. Partant, la doctrine dominante estima que les clauses désignant une juridiction étrangère étaient nulles lorsque la compétence internationale des juridictions françaises résultait de la règle ordinaire de compétence et valables lorsqu'elle ne pouvait résulter que de l'article 14 du Code civil[588].

 

    Mais d'un autre côté, dans leur dernier motif, les arrêts rendus par cette Chambre mixte relevaient que le travail s'effectuait à l'étranger, que les parties étaient convenues de le soumettre à la loi étrangère, précisant qu'en cas de litige, les juridictions étrangères seraient compétentes, pour en déduire “ que ce contrat n'était pas soumis aux dispositions des lois françaises de compétence interne et que la nullité prévue par le texte susvisé [l'article 81] n'était pas      encourue ”. L'interprétation a contrario de ce motif laissait entendre que la clause aurait été déclarée nulle si le contrat avait été soumis à la loi française. Certains auteurs en avaient alors conclu que l'application des règles, françaises ou étrangères, de compétence juridictionnelle dépendait de la loi applicable au contrat de travail[589]. Cette analyse, qui rappelait celle qu'une partie de la doctrine fit de l'arrêt de la première Chambre civile[590], fut vivement critiquée par la doctrine dominante[591]. À juste titre selon nous, il fut rappelé que la question de savoir si une clause d'élection de for pouvait fonder ou écarter la compétence internationale des juridiction françaises était hors conflit de lois, les règles françaises de conflit de juridictions étant seules habilitées à déterminer les cas dans lesquels l'accord des parties pourra produire ses effets[592]. Il fut également relevé qu'à aucun moment, la Chambre mixte, tout comme d'ailleurs la première Chambre civile, ne s'était livrée à la recherche et à l'interprétation de la loi étrangère, ce qui permettait de douter qu'elle ait entendu soumettre l'admissibilité de la clause d'élection de for à l'application des règles de conflits de lois[593]. Au surplus, une telle interprétation allait à l'encontre du principe d'indépendance entre la détermination de la loi applicable au fond et la détermination de la compétence internationale, principe qui fut d'ailleurs rappelé ultérieurement par la Chambre sociale[594].

 

    195.— L'analyse que fit la doctrine dominante des arrêts de la Chambre mixte apparaissait donc bien comme la plus satisfaisante. La protection du salarié qu'elle consacrait était cependant restreinte par le nombre limité des chefs de compétence de l'article 80, du livre IV, du Code du travail. Et comme dans les trois cas d'espèce, le contrat avait été conclu à l'étranger pour y être exécuté, la Chambre mixte ne pouvait se prononcer sur la suggestion doctrinale consistant à adapter la règle interne de compétence territoriale lors de son passage à l'ordre international[595]. Cette adaptation, rappelons-le, aurait consisté à faire de la conclusion en France du contrat de travail devant s'effectuer à l'étranger un critère de rattachement impératif à l'ordre juridictionnel français. L'extension de la compétence territoriale du Conseil des prud'hommes, par un décret du 12 septembre 1974, allait cependant rendre sans intérêt la nécessité de cette adaptation.

 

    196.— Selon ces nouvelles règles, désormais inscrites dans l'article R. 517-1 du Code du travail, le Conseil des prud'hommes compétent est celui dans le ressort duquel est situé l'établissement où est effectué le travail ou, si le travail est effectué en dehors de tout établissement, celui du domicile du salarié alors que l'article 80 retenait dans cette hypothèse la compétence du Conseil des prud'hommes du lieu de conclusion du contrat de travail. Mais surtout, l'article R. 517-1 du Code du travail ajoute que dans tous les cas, le salarié demandeur peut saisir le Conseil des prud'hommes du lieu où l'engagement a été contracté ou celui du lieu où l'employeur est établi. Enfin, le dernier alinéa de l'article R. 517-1 du Code du travail ajoute que “ toute clause attributive de compétence territoriale est nulle ”[596].

 

    Si l'on considère que la Chambre mixte a souhaité transposer aux relations internationales tant les critères de la compétence territoriale interne que leur impérativité, force est de constater que la réforme de la compétence prud'homale étend considérablement la protection judiciaire internationale du salarié. En effet, les clauses désignant une juridiction étrangère seraient prohibées si le travail est effectué dans un établissement situé en France ou, lorsque le travail est effectué dans un établissement situé à l'étranger et que le salarié est demandeur, si le lieu de l'engagement a été contracté ou si le lieu où l'employeur est établi est situé en France. S'agissant du travail effectué en dehors de tout établissement, les clauses d'élection de for seraient prohibées si le salarié est domicilié en France et, s'il est le demandeur, si le lieu où l'engagement a été contracté ou si le lieu où l'employeur est établi est situé en France. Comme l'a fort justement relevé M. LAGARDE “ si ces deux derniers lieux sont à l'étranger […] il suffira au salarié français de revenir en France et d'y fixer son domicile pour y assigner son employeur étranger, au mépris de la clause désignant un tribunal étranger ”[597]. C'est uniquement lorsque le travail est effectué dans un établissement situé à l'étranger, alors que le contrat y a été conclu et que l'employeur y est établi, que la clause désignant un tribunal étranger serait licite. Dans cette hypothèse, seul l'article 14 du Code civil pourrait s'appliquer, si le salarié est français, et l'on sait que la Chambre mixte a réaffirmé son caractère subsidiaire.

 

    D'un autre côté, le fait que la Chambre mixte ait statué à une époque où les chefs de compétence étaient beaucoup moins diversifiés ne pouvait laisser indifférent. En ce qu'elle restreignait considérablement le champ d'action des clauses d'élection de for, la question de la combinaison de la jurisprudence de la Chambre mixte, telle qu'analysée par la doctrine dominante, et des nouvelles règles de compétence issues de l'article R. 517-1 du Code du travail ne pouvait manquer d'être à nouveau posée. Délicate, cette interrogation allait relancer les divergences au sein de la Cour de cassation.

 

    197.— Curieusement, la première à résister à la jurisprudence de la Chambre mixte fut la Chambre sociale[598] pourtant habituellement soucieuse de la protection des intérêts du salarié. En l'espèce, un contrat de travail contenant une clause désignant les tribunaux colombiens avait été conclu en France entre un salarié français et une société colombienne pour être exécuté en Colombie. Le salarié étant demandeur et le lieu où l'engagement avait été contracté étant situé en France, l'illiciéité la clause d'élection de for aurait du être prononcée si l'on considérait que tous les chefs de compétence prud'homale étaient impératifs. La Chambre sociale allait pourtant juger que “ dès lors que ce contrat de travail revêtait le caractère d'un contrat international, il s'ensuivait que les parties avaient pu valablement déroger aux règles de l'article R. 517-1 du Code du travail et que Allart avait pu valablement déroger au bénéfice des articles 14 et 15 du Code civil ”. En d'autres termes, tous les critères de compétence internationale en matière de contrat de travail sont d'intérêt privé, ce qui signifie une remise en cause absolue de la jurisprudence de la Chambre mixte et un retour à la jurisprudence de la première Chambre civile.

 

    198.— Afin de relativiser la portée de cet arrêt, Mme GAUDEMET-TALLON en proposa une seconde interprétation, qui reprenait une suggestion de M. RODIÈRE. Estimant que “ la juridiction prud'homale du lieu de l'établissement de travail est le juge naturel des litiges relatifs au contrat de travail ” ce dernier s'était demandé si la prohibition des clauses attributives de juridiction devait s'imposer avec la même vigueur pour tous les chefs de compétence de l'article R. 517-1 du Code du travail[599]. Poursuivant la même idée, Mme GAUDEMET-TALLON va distinguer parmi les critères de compétence retenus par ce texte ceux qui constituent un rattachement fort et ceux qui constituent un rattachement faible[600]. Constitueraient des rattachements fort auxquels les parties ne peuvent se soustraire, l'exécution du travail dans un établissement situé en France et le domicile du salarié en France si le travail est exécuté en France hors établissement. Lorsqu'en revanche, le contrat est exécuté à l'étranger, la clause désignant une juridiction étrangère devrait être autorisée si la compétence internationale des tribunaux français ne repose que sur le lieu de conclusion du contrat, le lieu où l'employeur est établi ou le domicile du salarié si le travail est exécuté en dehors de tout établissement et ce dans la mesure où les liens avec l'ordre juridictionnel français sont dans ces hypothèses peu significatifs.

 

    Cette analyse présenterait pour une partie de la doctrine des avantages non négligeables. Tout d'abord, elle n'altérerait pas la protection du salarié (français ou étranger) dès lors que le travail est exécuté en France. Si toutefois le travail est effectué à l'étranger, le salarié français ne devrait pas souffrir d'une clause désignant les juridictions étrangères. En premier lieu parce qu'assez souvent, le salarié partant à l'étranger “ négocie ” véritablement son contrat de travail et, ensuite, parce qu'interdire la clause lorsque le contrat s'exécute à l'étranger risque de faire perdre au salarié une occasion d'embauche, l'employeur pouvant légitimement ne pas vouloir courir le risque d'être assigné devant les tribunaux de tous les États dont il emploie les nationaux[601]. Au surplus, la juridiction étrangère désignée sera le plus souvent celle du lieu d'exécution du travail qui est sans doute la mieux désignée au regard d'une bonne administration de la justice Ainsi interprété, “ l'arrêt Allard ménagerait une salutaire liberté des parties et il ne soulèverait pas les objections tenant à une insuffisance  protection ”[602].

 

    199.— Cette interprétation de l'arrêt Allard est pour le moins inquiétante. Si elle maintient l'impérativité de certains chefs de compétence, elle a néanmoins pour conséquence, quoiqu'on en ait dit, de sacrifier la protection du salarié notamment dans l'hypothèse où, expatrié à l'étranger pour y travailler, il revient dans son pays après avoir été licencié. Loin d'assurer une salutaire liberté des parties, l'analyse proposée assurerait plutôt une “ salutaire liberté ” de l'employeur[603]. Au surplus, et de l'aveu même de Mme GAUDEMET-TALLON, cette seconde lecture s'avère “ un peu divinatoire ”[604]. Elle cadre mal avec la formule tranchée qu'utilise la Cour de cassation pour soumettre au même régime l'article R. 517-1 du Code du travail et l'article 14 du Code civil[605]. Ainsi donc, non seulement la lecture tempérée de l'arrêt Allard ne nous paraît pas satisfaisante, mais il n'est pas sûr qu'elle ait été adoptée, renforçant d'autant plus l'inquiétude suscitée par cette décision.

 

    200.— On ne s'étonnera donc pas que deux arrêts rendus postérieurement par la Chambre sociale — précédée il est vrai par certaines juridictions inférieures[606] — aient opéré un retour à l'interprétation que la doctrine dominante avait faite des arrêts de la Chambre mixte[607]. Le premier attirera plus particulièrement notre attention en raison de la netteté de sa motivation. Il fut rendu à propos d'un contrat de travail conclu entre un Français et une société française pour être exécuté à l'étranger en dehors de tout établissement. Pour écarter la clause désignant un tribunal étranger, il fut jugé que “ toute clause qui directement ou indirectement déroge aux dispositions des trois premiers alinéa de l'article R. 517-1 du Code du travail [est] réputée non écrite ”. D'une grande clarté, ce motif permet de dissiper certaines ambiguïtés. Tout d'abord, en ne faisant pas référence à la possibilité d'un accord désignant une juridiction étrangère “ lorsque le contrat n'est pas soumis aux dispositions des lois françaises de compétence interne ”, il dissipe l'équivoque des arrêts de la Chambre mixte qui avaient semblé raisonner en termes de conflit de lois[608]. Corrélativement, il renforce la position de la doctrine dominante en plaçant sur un pied d'égalité tous les chefs de compétence de l'article R. 517-1 du Code du travail, condamnant par-là même l'idée d'une impérativité variable fondée sur une distinction entre les rattachements forts et les rattachements faibles. Cette condamnation est d'autant plus explicite si l'on analyse les circonstances de fait puisqu'en cas de travail effectué à l'étranger hors établissement, le domicile du salarié en France devait être considéré comme un rattachement faible. De toute évidence, la Chambre sociale tourne le dos à la jurisprudence Allard qui, tout bien considéré, ne semble avoir été qu'une décision d'espèce.

 

    201.— On ne saurait pourtant ignorer deux autres arrêts de la Chambre sociale ayant validé des clauses désignant une juridiction étrangère. Le premier de ces arrêts concernait un contrat de travail passé entre un salarié français et une société américaine pour être exécuté en Guinée Bissau[609]. Le moyen fondé sur la violation de l'article R. 517-1 du Code du travail fut rejeté au motif que les juges du fond avaient “ constaté que le contrat liant les parties avait été déclaré conclu au siège de l'employeur dans l'État du New Jersey, et que le travail n'avait pas été effectué dans un établissement en France ”. Cette constatation laisse entendre qu'aucun des critères visés à l'articles R. 517-1 du Code du travail ne débouchait sur la compétence française[610]. D'aucuns ont pourtant relevé que la Chambre sociale n'avait pas jugé utile de préciser si le travail effectué à l'étranger l'avait été hors établissement, ce qui aurait permis aux juridictions françaises de retenir leur compétente dès lors que le salarié était domicilié en France[611]. Mais le fait justement que le demandeur au pourvoi n'ait pas invoqué le domicile du salarié en France et qu'il ait centré son argumentation sur le lieu de conclusion du contrat en France laisse penser que le travail était effectué dans un établissement, ce qui explique le silence de la Chambre sociale sur ce point précis. Le second arrêt fut également rendu à propos d'un contrat de travail conclu entre un salarié français et un employeur étranger pour être exécuté à l'étranger[612]. Afin de rejeter le pourvoi formé contre la décision qui avait déclaré les juridictions françaises incompétentes, la Chambre sociale a indiqué que “ l'article 48 du nouveau Code de procédure civile doit s'interpréter en ce sens que doivent être exclues de la prohibition qu'il édicte les clauses qui ne modifient la compétence interne qu'en conséquence d'une modification de la compétence internationale ”. De prime abord, l'absence de référence à l'article R. 517-1 du Code du travail ne manque pas de surprendre. Mais, là encore, il s'agissait d'un arrêt de rejet et la Chambre sociale n'a fait que répondre aux arguments du demandeur au pourvoi qui se fondait sur la violation de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile[613]. De plus, le salarié français invoquait l'article 14 du Code civil et non l'article R.517-1 du Code du travail. Il est probable, sans plus de précision, que ce dernier texte n'était pas applicable, la Chambre sociale n'ayant alors fait que confirmer la licéité des clauses d'élection de for dans ce cas. Il est en conséquence difficile de voir dans ces deux arrêts un infléchissement de la position de la Chambre sociale dans la mesure où ces affaires concernaient très certainement des hypothèses où l'article R.517-1 du Code du travail n'était pas applicable.

 

    202.— De son côté, la première Chambre civile, par deux arrêts, allait s'orienter dans une voie toujours moins favorable au salarié[614]. Il s'agissait à chaque fois de contrats de travail conclus entre des pilotes français et des compagnies aériennes étrangères. Afin de valider la clause désignant une juridiction étrangère, ces deux arrêts vont relever que le contrat ne s'exécutait pas en France, indiquant par la suite, dans le premier arrêt, que “ les litiges relatifs à cette exécution n'étaient pas soumis aux dispositions des lois françaises de compétence  interne ”[615], et dans le second, que “ les litiges relatifs à cette exécution n'étaient pas soumis aux dispositions de l'article R. 517-1 du Code du  travail ”[616]. À première vue, cette motivation laisse entendre que les règles de compétence internationale ne sont pas déterminées à partir des règles de compétence territoriale interne lorsque le travail s'exécute à l'étranger[617]. Si tel était le cas, elle serait d'une “ sévérité inouï ”[618] pour le salarié qui, indépendamment de toute clause d'élection de for, se trouverait dans l'impossibilité de saisir les tribunaux français si l'employeur est établi en France, même s'il a lui-même son domicile en France, pour la simple raison que le travail a été exécuté à l'étranger. Cette analyse, enfin, est d'autant plus déplorable que le souci d'admettre les clauses d'élection de for qui anime la première Chambre civile n'est pas tributaire du refus de l'extension à l'ordre international des règles de compétence territoriale interne[619]. L'arrêt Allard en est une illustration. Aussi bien, il est plus vraisemblable que la première Chambre civile ait voulu dire que les clauses désignant une juridiction étrangère sont licites quand le travail s'exécute à l'étranger, les règles françaises de compétence internationale étant dans ce cas d'intérêt privé[620].

 

    De ce point de vue, si certains auteurs ont estimé que les arrêts de la première Chambre civile n'encourent pas de reproches[621], d'autres, que nous suivons volontiers, se montrent beaucoup plus critiques. Car, comme l'a très justement indiqué Mme SINAY-CYTERMANN, “ cette solution répond au besoin de prévisibilité des solutions mais elle sacrifie, ô combien, l'objectif de protection du salarié ”[622]. L'on peut, au surplus, douter que l'exécution du travail à l'étranger constitue “ un élément objectif suffisant pour admettre la validité des clauses attributives de  juridiction ”[623].

 

    203.— La fracture entre la Chambre sociale et la première Chambre civile ne semble pas a priori pouvoir être réduite. L'analyse originale que M. MAYER formula au sujet des clauses d'élection de for dans les contrats de travail permet cependant de concilier ces différentes positions jurisprudentielles[624]. Si, selon cet auteur, le salarié doit être protégé car l'inconvénient des clauses attributives de juridiction est plus grand en matière internationale qu'en matière interne, il existe néanmoins dans certaines hypothèses des motifs puissants pour valider de telles clauses, notamment pour des besoins de prévisibilité. Dès lors, “ si l'on juge opportun, en matière internationale, de mettre la protection du salarié en balance avec d'autres considérations, on est nécessairement conduit à opérer des distinctions très fines entre des situations très variées ”[625]. Pour ce faire, l'idée d'une impérativité inégale des critères de compétence n'est pas rejetée mais affinée. Il n'est pas suffisant, pour M. MAYER, de distinguer entre des critères de compétence forts ou faibles, il faut aussi considérer, à propos de chaque critère, les liens de la situation avec le pays désigné et éventuellement de l'existence de liens complémentaires avec la France ou un pays tiers. En d'autres termes, “ c'est en tenant compte de toute la configuration spatiale de la situation que l'on pourra évaluer les avantages et les dangers de la clause, afin de la valider ou de l'annuler ”[626].

 

    204.— Dans cette perspective, tous les critères de compétence vont être examinés afin que soient pesés les avantages et les inconvénients de l'extension de leur impérativité à l'ordre international

 

    En ce qui concerne la situation en France de l'établissement dans lequel est effectué le travail (article 517-1, aliéna 1er, du Code du travail), M. MAYER estime qu'aucune circonstance ne peut justifier qu'une clause déroge à cette compétence particulièrement forte[627].

 

    Pour ce qui est du critère fondé sur la situation en France du domicile du salarié lorsque le travail est effectué en dehors de tout établissement (article 517-1, alinéa 2, du Code du travail), M. MAYER distingue deux hypothèses. Si le travail est effectué en France, la conjonction de ces deux rattachements doit imposer la compétence des juridictions françaises même si le plus significatif des deux, le lieu d'exécution du travail, n'est pas celui qui fonde cette compétence[628].

 

    S'agissant du travail effectué hors de France, une sous-distinction est nécessaire. Si l'employeur est établi en France, la compétence des juridictions françaises s'impose avec une force particulière car il n'est pas admissible que l'employeur français puisse contraindre le salarié revenu en France de plaider dans un pays étranger avec lequel il n'a plus de liens. Cette hypothèse correspond aux arrêts de la Chambre sociale qui ont dans ce cas invalidé la clause d'élection de for. En revanche, l'efficacité de la clause désignant une juridiction étrangère doit être reconnue lorsque l'employeur est établi à l'étranger. Cette hypothèse correspond à l'arrêt Allard et aux arrêts de la première Chambre civile qui ont dans ce cas admis qu'un tel accord puisse écarter la compétence des juridictions françaises. Cette position doit être approuvée car, selon  M. MAYER, il est légitime que l'employeur qui embauche un salarié étranger pour effectuer un travail sans relation avec le pays d'origine de ce dernier puisse exclure le risque d'être assigné dans le pays où le salarié décidera de fixer son domicile à l'issue du contrat de travail[629]. En outre, il s'agit le plus souvent d'une condition sine qua non de l'embauche. Les salariés français désireux de travailler à l'étranger se trouveraient défavorisés par rapport aux ressortissants d'autres pays s'ils ne pouvaient passer une clause désignant les juridictions du pays de l'employeur et de l'emploi[630]. Partant, la divergente jurisprudentielle entre la Chambre sociale et la première Chambre civile ne serait qu'apparente. La jurisprudence serait, tout au contraire, homogène car elle tiendrait compte du fait de savoir si l'employeur est établit, en France ou à l'étranger.

 

    Il reste à examiner les critères de compétence laissés, dans tous les cas, à la discrétion du salarié demandeur (article R. 517-1, alinéa 3, du Code du travail). Lorsque le lieu d'établissement de l'employeur est situé en France, il faut envisager, en dehors des hypothèses précédemment évoquées, le cas où l'employeur embauche un salarié d'un pays étranger pour effectuer un travail soit en France, soit à l'étranger. Si le travail doit s'effectuer en France, même hors établissement, M. MAYER conçoit difficilement qu'une clause puisse obliger le salarié à agir à l'étranger, serait-ce dans son pays d'origine[631]. Si, en revanche, le travail s'effectue dans le pays d'origine du salarié et que la clause attribue compétence aux tribunaux de ce pays, cette clause, qui ne désavantagera pas le salarié, devra être considérée comme valable[632]. En ce qui concerne la compétence fondée sur le lieu de conclusion du contrat, elle  ne présente d'intérêt que si ne se rencontre pas l'une des circonstances déjà mentionnées. Mais ce critère de compétence apparaît tout à fait artificiel lorsque tous les autres rattachements sont réalisés à l'étranger, et le fait qu'il vienne à coïncider avec le domicile du salarié n'affecte pas les raisons qui commandent de valider la clause lorsque le travail s'exécute à l'étranger au service d'un employeur étranger[633].

 

    205.— L'analyse de M. MAYER présente également le mérite d'aborder la question des clauses qui désignent les juridictions françaises. En effet, autant la jurisprudence dont nous avons jusqu'à maintenant retracé l'évolution ne concernait que la situation où la compétence internationale des juridictions françaises étaient exclues par une clause désignant les juridictions étrangères, autant la situation inverse est, à notre connaissance, ignorée des décisions publiées en droit commun des conflits de juridictions. Cette constations n'est guère surprenante dans la mesure où la plupart des clauses qui désignent les juridictions françaises relève de la Convention de Bruxelles. Rappelons qu'à côté de la désignation du tribunal ou des tribunaux d'un État contractant, l'article 17 est applicable dès lors que l'une des parties au moins est domiciliée sur le territoire d'un État contractant. Autrement dit, le droit commun des conflits de juridictions ne sera appliqué que si le salarié et l'employeur ne sont pas domiciliés sur le territoire d'un État contractant au moment où l'instance est engagée[634]. Cette hypothèse, on s'en doute, est en pratique rarissime même si elle n'est pas inenvisageable. Elle concerne pour l'essentiel la situation du salarié détaché par un employeur d'un État non contractant à la Convention de Bruxelles pour travailler en France. Dans cette occurrence, si le travail est effectué hors établissement ou si le contrat n'a pas été conclu en France, seule la clause d'élection de for peut fonder la compétence de l'ordre juridictionnel français. Il est, en outre, vraisemblable que les tribunaux français seront exceptionnellement saisis des litiges présentant cette configuration. En effet, c'est très généralement le salarié qui est le demandeur. Or, compte tenu de sa domiciliation, la saisine des juridictions françaises lui sera très probablement incommode si bien qu'il sera plutôt amené à saisir une juridiction étrangère qui, selon toute vraisemblance, statuera sur la validité de la clause désignant les tribunaux français. Les juridictions françaises peuvent également être saisies d'une demande en exequatur de la décision étrangère qui a statué sur le fond après avoir annulé la clause. Mais en pratique, une telle demande ne sera formée que si le débiteur a des biens saisissables en France.

 

    206.— Si toutefois le juge français venait à être saisi, une première inclinaison consisterait à admettre la licéité de la clause d'élection de for. N'avons-nous pas déjà eu l'occasion d'indiquer que la désignation constitue l'élément essentiel de la clause ? Le juge désigné et saisi ne devrait pas, en principe, se préoccuper  de vérifier si un juge étranger aurait pu également retenir sa compétence. Seul lui importe le respect des conditions fixées par sa règle de compétence faisant de la volonté commune des parties un critère de rattachement à son ordre juridictionnel. L'arrêt Sorelec c/ C.S.E.E. ne dit pas autre chose quand il affirme la  licéité des clauses d'élection de for “ lorsqu'elles ne font pas échec à la compétence territoriale impérative française ”[635] Il est bien évident qu'une clause désignant une juridiction française … ne peut faire échec à la compétence territoriale impérative française, ce qui laisse bien entendre que le juge français désigné et saisi n'a pas à tenir compte de la compétence étrangère, qu'elle soit d'ordre public ou d'intérêt privé.

 

    Cette démarche peut cependant apparaître discutable quand la partie à la clause d'élection de for est faible. Elle s'avère, en effet, discriminatoire. Ne revient-elle pas à protéger les salariés, souvent de nationalité française ou domiciliés en France, lorsque la clause désigne une juridiction étrangère et à refuser toute protection aux autres lorsqu'elle désigne une juridiction française ? L'on a pu ainsi souligner que l'impérativité des critères de compétence n'avait pas pour fonction de protéger la compétence du for mais la partie faible si bien qu'il faudrait prendre en considération la règle de compétence impérative étrangère pour annuler la clause qui y dérogerait[636].

 

    207.— Un moment favorable à cette solution, M. MAYER suggère aujourd'hui une approche différente. Estimant que “ la France n'a pas à prêter son concours à l'exécution des clauses dont l'objet est de priver le salarié de la compétence des tribunaux dont la saisine est commode pour lui ”[637], cet auteur estime que la distinction entre les clauses qui désignent les juridictions françaises et celles qui désignent les juridictions étrangères doit être abolie. En d'autres termes, les types de configuration qui valident les clauses lorsqu'elles désignent un tribunal étranger doivent également s'appliquer lorsqu'elles désignent un tribunal français[638]. Cette solution, qui s'inspire de la Convention de Bruxelles dont le système de protection ne distingue pas selon que le juge saisi est le juge élu ou le juge exclu, présente l'avantage d'éviter la complication résultant de la prise en considération de plusieurs lois étrangères lorsque plusieurs fors sont exclus[639]. Certes, l'ignorance du point de vue du for exclu risque d'aboutir à un conflit négatif s'il valide la clause alors que le juge exclu l'annule. Mais cet inconvénient peut être écarté si le juge exclu maintient sa compétence afin d'éviter un déni de justice[640] ou, comme nous le préconisons, si le juge exclu apprécie la validité de la clause d'élection de for en appliquant le système de conflit du juge élu[641].

 

    208.— Appliquer un régime unique à la clause d'élection de for nous semble être une solution opportune lorsque le but poursuivi est la protection de la partie faible. Les raisons justifiant que la clause soit ou non déclarée licite sont intellectuellement indépendantes du fait de savoir si l'ordre juridictionnel français est élu ou exclu. Encore faut-il s'entendre sur les cas de licéité de la clause d'élection de for. Sur ce point, la thèse présentée par M. MAYER séduit par sa subtilité. Elle semble a priori parvenir à concilier les intérêts des salariés et la prévisibilité des solutions lorsque la situation ne présente pas de liens significatifs avec l'ordre juridictionnel français. La Chambre sociale paraît d'ailleurs s'en être depuis inspirée. Il a été ainsi jugé qu'une Cour d'appel, après avoir relevé le caractère international du contrat de travail, “ a pu décider que la clause attributive de compétence, incluse dans un contrat de travail conclu entre le salarié français et une société étrangère pour être exécuté à l'étranger, et désignant expressément les juridictions de Kinshasa, était valide, qu'elle excluait l'application de l'article R. 517-1 du Code du travail, et qu'elle emportait renonciation [du salarié] au bénéfice des dispositions de l'article 14 du Code civil ”[642]. La relation entre la situation litigieuse et le for étranger désigné par la clause l'emporte ainsi sur le domicile du salarié qui, en l'espèce, n'avait jamais cessé d'être fixé en France. Au surplus, si la solution de la Chambre sociale semble s'aligner sur celle dégagée par les arrêts de la première Chambre civile, on relèvera que sa motivation est autrement plus convaincante puisqu'il n'est pas soutenu que l'article R. 517-1 du Code du travail est inapplicable en matière internationale[643] mais qu'une clause d'élection de for peut utilement y déroger lorsque le contrat de travail international est exécuté à l'étranger pour le compte d'un employeur étranger[644]. Dès lors, tant que ces deux Chambres n'auront pas statué dans des termes identiques, il sera hâtif de conclure que la jurisprudence de la Cour de cassation est désormais fixée, même si la solution de l'arrêt de la Chambre sociale peut être interprétée comme un signe d'apaisement. D'autres décisions seront donc nécessaires pour apprécier avec exactitude les contours du domaine de l'admissibilité des clauses d'élection de for dans les contrats internationaux.

 

     209.— Mais pour séduisante qu'elle soit, nous n'adhérons pas à l'opinion défendue par M. MAYER. Nos réserves ne portent pas sur le raisonnement suivi par cet auteur mais sur le point de départ de ce raisonnement. En effet, pour peser les avantages et les inconvénients de la clause d'élection de for, M. MAYER doit admettre que la protection du salarié doit pouvoir s'effacer devant d'autres considérations. Or, selon nous, si le dernier état de la jurisprudence était par la suite confirmé, les solutions retenues aboutiraient dans la plupart des cas à admettre des clauses d'élection de for dans des hypothèses où la protection du salarié est plus que jamais nécessaire.

 

            Pour autant, notre démarche ne postule nullement la prohibition de principe des clauses d'élection de for dans les contrats de travail internationaux. Il s'agirait plutôt de repenser la protection du salarié afin que soit instauré un système conduisant à ne les admettre que si elles profitent à la partie faible. C'est dans cette direction que nous allons maintenant nous orienter.

 

    B/ Les perspectives d'évolution de la protection du salarié contre les clauses d'élection de for

 

    210.— Si, d'une manière générale, les arguments invoqués par la doctrine pour justifier les clauses d'élection de for dans les contrats de travail internationaux nous semblent discutables, tant l'incommodité de ces clauses nous paraît manifeste pour le salarié, il peut parfois arriver que le choix d'un ordre juridictionnel puisse avantager la partie faible, voire les deux parties. Une place doit donc pouvoir être laissée à l'autonomie de la volonté à la condition qu'elle ne puisse pas désavantager le salarié dont la protection, comme nous allons tenter de le démonter, ne peut être négociée.

 

    En premier lieu, on relèvera que si la notion de partie faible n'est pas homogène, il est des contractants qui se trouvent structurellement en situation de faiblesse[645]. Le salarié en fait incontestablement partie dès lors que la relation contractuelle qui le lie avec l'employeur est marquée du sceau de la subordination juridique. Certes, il est sans doute des salariés qui disposent d'une réelle possibilité de négociation. Il a ainsi été proposé de tenir compte du profil professionnel du salarié pour admettre le jeu de l'autonomie de la volonté en matière de compétence judiciaire internationale. Dans cette perspective, il faudrait se montrer restrictif à l'égard du technicien et libéral à l'égard du cadre[646]. Une telle proposition n'est pas dénuée de pertinence. Elle rejoint le constat fait par la doctrine travailliste qui souligne l'ambiguïté de la situation du cadre supérieur dont la position est intermédiaire entre l'employeur et les autres salariés, certains occupant même le rôle de l'employeur envers des salariés placés sous leur autorité[647]. Il a même été soutenu que ces derniers devraient cesser d'être considérés comme des salariés[648]. C'est, d'une manière générale, poser la question de la frontière du salariat. À cet égard, on relèvera que le droit positif maintient la distinction entre le contrat de travail et l'employeur même si certaines règles ont été aménagées vis-à-vis des cadres jouant le rôle de l'employeur. Ainsi, les cadres détenant une autorité permettant de les assimiler à un employeur votent avec les employeurs pour l'élection des Conseils de prud'hommes et ne participent pas aux élections des représentant du personnel[649]. Mais en admettant que les cadres supérieurs se trouvent “ à la limite supérieur du Code du travail, indifférents aux dispositions protectrices minimales du Code du travail ”[650], est-il pour autant justifié de leur ôter toute protection, même s'ils peuvent à l'occasion exercer par délégation la tâche de l'employeur ? Il n'est pas sûr, “ ainsi qu'en témoigne la fréquence des litiges relatifs à ce type de relation de travail en droit interne comme en droit international ”[651], que le salarié de haut niveau soit à l'abri d'un abus de l'employeur. L'on a pu ainsi relever que l'article L. 122-14-8 du Code du travail, qui protège le salarié mis à la disposition d'une filiale étrangère en imposant à la société-mère qui l'a engagé l'obligation de le rapatrier et de le réintégrer au cas où il serait licencié par la filiale étrangère, avait reçu application dans des cas où le salarié occupait des fonctions de cadre supérieur[652]. Ce n'est, à vrai dire, guère étonnant dans la mesure où les salariés de haut niveau sont souvent les plus concernés par l'expatriation. Au surplus, la très grande variété et complexité des types de relation de travail rend fort délicate la mise en œuvre de la distinction fondée sur le profil professionnel du salarié. Elle rend bien incertain le sort des catégories intermédiaires tels les cadres moyens, les contremaîtres, etc.[653] Aussi serions nous enclin, comme M. LECLERC en matière de conflit de lois[654], à considérer que les salariés de niveau supérieur ne doivent pas être écartés du domaine d'application des règles de compétence protectrices.

 

    211.— Un autre argument avancé au soutien des accords d'élection de for fut de dire qu' “ il n'est pas rationnel […] de laisser [le salarié] librement désigner une loi d'autonomie, mais de l'empêcher de choisir son juge [655]. On ne contestera pas l'intérêt de comparer de quelle façon le principe d'autonomie est appréhendé en matière de conflit de lois et en matière de conflit de juridictions. Encore faut-il s'entendre sur le sens qu'il convient d'accorder à cette comparaison. De ce que la détermination de la loi applicable diffère de la désignation de la compétence internationale, même si elles ne sont pas sans liens entres elles, les raisons justifiant l'autonomie de la volonté pour l'une ne sont pas nécessairement transposables pour l'autre. Cette précision apportée, il n'est pas inintéressant de vérifier si l'inégalité structurelle de la relation de travail est prise en compte pour tempérer la loi d'autonomie.

 

    À cet égard, on remarquera qu'à côté de l'intervention des lois de police — qui n'est pas propre au contrat de travail — la Convention de Rome contient une disposition particulière précisant qu'en matière de contrat individuel de travail, le choix de la loi par les parties ne peut avoir pour effet de priver le salarié de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable à défaut de choix, c'est-à-dire de la loi du lieu d'exécution ou de la loi du pays où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur s'il n'accomplit pas habituellement son travail dans le même pays.  En d'autres termes, si la liberté de choix est reconnue aux partie, elle ne peut empêcher l'application des règles impératives les plus protectrices du salarié. L'idée d'encadrer ainsi l'autonomie de la volonté nous paraît féconde. Elle pourrait inspirer la détermination de la compétence internationale en matière de contrat de travail. Il ne s'agirait pas, dans cette perspective, de prohiber les clauses d'élection de for mais de ne les admettre seulement dans la mesure où elles ne portent pas atteinte aux intérêts du salarié.

 

     212.— Il reste à examiner l'un des principaux arguments invoqués en faveur des clauses d'élection de for qui est la prévisibilité des solutions. Parce que l'employeur peut légitimement vouloir éviter d'être assigné devant les tribunaux de tous les États dont il emploie les ressortissants, la conclusion d'un accord d'élection de for serait devenue une condition essentielle de l'embauche. Les interdire risquerait alors de défavoriser les salariés français souhaitant travailler à l'étranger[656]. Ces propos rejoignent les critiques formulées contre le droit du travail dont l'air du temps est bruissant. Les dispositions du Code du travail seraient trop contraignantes et auraient pour effet de constituer un obstacle à la création d'emplois.

 

    On peut cependant douter que la prohibition des clauses d'élection de for constituent une entrave à l'embauche. La Convention de Bruxelles, qui ne tient pas compte du fait de savoir si l'employeur est établi dans le pays où le travail s'exécute, pour valider la clause, en est une illustration. Certains auteurs estiment pourtant que les règles protectrices posées par la Convention d'adhésion de San Sebastian[657] sont critiquables et que l'alignement du droit commun sur le droit conventionnel n'est pas une nécessité dès lors que le droit commun des conflits de juridictions apparaît comme le meilleur[658]. Qu'il nous soit permis de douter du caractère néfaste de ces règles : si la prohibition des clauses d'élection de for constituait un obstacle dirimant à l'emploi, notamment d'un salarié étranger engagé pour effectuer un travail sans relation avec son pays d'origine, on voit mal pourquoi la Convention de Bruxelles en limiterait l'usage alors que l'un des objectifs de la construction européenne est justement de favoriser la mobilité des salariés au sein de l'Union. Au demeurant, une étude quantitative des clauses d'élection de for dans la pratique révèle qu'un grand nombre d'employeurs ne les insèrent pas dans les contrats de travail internationaux[659].

 

    Tout bien considéré, l'importance des clauses d'élection de for ne doit pas être exagérée. Il est excessif de prétendre qu'elles constituent une condition primordiale de l'embauche. La qualification du candidat, son expérience professionnelle, son adaptation au poste sont autant d'éléments que l'ont peut qualifier d'essentiels pour un recrutement, surtout lorsque le salarié susceptible d'être recruté doit occuper des fonctions de haut niveau.

 

    213.— Toutefois, si la clause d'élection de for ne nous paraît pas occuper le rôle d'une condition sine qua non de l'embauche d'un salarié, il n'est pas contestable que l'absence de précision quant à la juridiction internationalement compétente peut constituer une gêne pour l'employeur. Mais au lieu, comme cela fut proposé, de sacrifier dans certains cas la protection du salarié sur l'autel de la prévisibilité des solutions, il nous semble possible de concilier ces deux objectifs.

 

    Quel est l'inconvénient majeur de l'absence de clause d'élection de for pour l'employeur ? Ignorer à l'avance la juridiction qui sera saisie en cas de différend, avec le risque de forum shopping que cela comporte, ou le fait de ne pas pouvoir saisir les juridictions de l'État où il est établi, voire éventuellement les juridictions de l'État dans lequel le travail doit être exécuté ? Assurément, l'imprévisibilité constitue l'inconvénient le plus important. D'où la nécessité de laisser une place à la volonté des parties, mais à la condition qu'elle ne désavantage pas le salarié. Ce qui signifie l'adoption d'une réglementation qui lui soit favorable et ce quelle que soit la configuration du litige, dès lors que le contrat de travail peut être qualifié d'international. L'on pourra ainsi concilier la prévisibilité, en autorisant le principe d'une clause d'élection de for, et la protection, en évitant qu'elle soit défavorable au salarié. Dans bien des cas, cela impliquera sans doute pour l'employeur de ne pouvoir choisir qu'un for étranger. Mais l'inconvénient de plaider à l'étranger est moindre pour ce dernier que pour le salarié dans la mesure où la désignation d'un for lointain et incommode risque d'entraver l'effectivité de son droit d'accès à la justice.

 

    Si le dispositif de protection du travailleur issu de la Convention de Bruxelles nous paraît adapté à la protection du travailleur, il n'en demeure pas moins inapplicable en droit commun des conflits de juridictions. En l'état actuel de la rédaction de l'article R. 517-1 du Code du travail, un tel dispositif ne paraît pas possible à mettre en place, dû moins si l'on raisonne toujours à partir de l'extension des règles françaises de compétence interne et, éventuellement, de leur impérativité, à l'ordre international. Une autre approche, plus respectueuse de l'objectif qui devrait animer tout système de protection de la partie faible en matière de compétence judiciaire, consisterait à changer de logique en ne tenant compte que de la possibilité pour le salarié de pouvoir effectivement saisir le juge élu. De lege ferenda, cette perspective nous paraît pouvoir se réaliser.  De ce qu'elle ne concerne pas seulement la relation de travail mais tous les accords d'élection de for passés entre une partie forte et une partie faible, nous allons la développer dans la section suivante.

 

 

 

 

 

 

 

 

Section IV

Protection de la partie faible et effectivitÉ

du droit d'accÈs à la justice

 

 

    214.— Repenser la protection de la partie faible contre les clauses d'élection  à partir de la notion de droit d'accès à la justice peut de prime abord rappeler la suggestion que fit naguère HOLLEAUX dans la note qu'il rédigea sous les arrêts de la Chambre mixte de 1974. Au lieu de garantir la protection de la partie faible au moyen de la transposition à l'ordre international des critères de compétence territoriale interne, cet auteur proposa qu'elle soit assurée en fonction des besoins réels de la partie faible et non de circonstances sans rapport avec eux. Afin d'y parvenir, HOLLEAUX proposa d'adopter une attitude souple consistant à admettre l'admissibilité de la clause d'élection et tempérer ce principe “ par une application également souple de la règle qui attribue ou rend compétence au juge français lorsqu'il y a un risque de déni de justice ”[660]. Cette proposition s'inspirait du célèbre arrêt Zapata de la Cour suprême des États-Unis[661] qui jugea que le plaideur qui cherche à écarter l'application de la clause “ doit montrer que le procès devant le for contractuel serait si difficile et si incommode qu'il aboutirait en pratique à le priver de son droit d'accès à la justice ”.

 

    La démonstration que nous nous proposons de conduire est pourtant différente. Notre démarche consiste, en effet, à inverser l'ordre des facteurs. Il ne s'agit pas d'affirmer un principe de licéité des accords d'élection de for qui serait ensuite limité en cas d'atteinte avérée à l'accès à la justice de la partie faible mais, au contraire, de partir de la notion même d'accès à la justice pour élaborer le champ d'intervention de la volonté individuelle.

 

    215.— Une telle proposition paraît envisageable dès lors que l'accès à la justice constitue aujourd'hui un droit fondamental, protégé par le Conseil constitutionnel et garanti par le droit international[662]. Plusieurs instruments internationaux de protection des droits de l'homme y font référence. Il se trouve notamment consacré par la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 (article 8), par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 (articles 2§1 et 14§1) et par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Cette Convention partage l'originalité avec le Traité de Rome (et la Convention de Bruxelles) d'être dotée d'un organe juridictionnel chargé de contrôler l'application et l'interprétation des droits et libertés qu'elle énonce. C'est d'ailleurs la CEDH qui va consacrer le caractère fondamental du droit d'accès à un tribunal. En effet, une simple lecture de la Convention montre que le droit d'accès à un tribunal n'y est pas expressément mentionné. Il revient à la CEDH d'avoir reconnu ce droit qu'elle a fondé sur l'article 6§1 de la Convention relatif au droit à un procès équitable[663].

 

    Cette évolution révèle le rôle croissant incarné aujourd'hui par l'accès à la justice. Naguère perçu comme un principe formel — c'est-à-dire n'impliquant pas de substance particulière et fondé sur l'idée que la justice, service public régalien, devait être accessible de façon égale — l'accès à la justice est devenu, sous l'influence de la CEDH, un principe substantiel, un droit dont le caractère effectif a été consacré[664]. L'effectivité du droit d'accès à la justice[665] permet essentiellement d'assurer l'effectivité du droit. Car l'effectivité de la loi passe par l'effectivité de l'accès à la justice. Être titulaire d'un droit et ne pas pouvoir le faire reconnaître revient, d'une certaine manière, à ne pas être titulaire de ce droit. Pour que le droit soit effectif, il faut que le justiciable puisse efficacement saisir le juge afin que la loi soit appliquée à son profit. L'accès au droit et l'accès à la justice sont donc intimement liés et l'on voit bien ici l'importance de sanctionner les accords d'élection de for qui reviendraient, dans les faits, à priver la partie faible de tout recours juridictionnel et, ainsi d'obtenir la réalisation de ses droits.

 

    216.— Mais avant de déterminer l'incidence du droit d'accès à la justice, en tant que norme fondamentale, sur le régime de l'accord d'élection, encore faut-il au préalable justifier la perméabilité des règles de droit international privé à de telles normes. Longtemps restée à l'écart des préoccupations de la doctrine internationaliste française, cette question connaît aujourd'hui un vif intérêt[666]. La confrontation des normes fondamentales au droit international privé se présente sous deux aspects : la conformité des règles de droit international privé du for avec les normes fondamentales et la conformité du droit étranger avec les normes fondamentales du for[667]. Le premier de ces aspects retiendra plus particulièrement notre attention, notre démarche étant de vérifier si la règle de compétence du for faisant de la volonté commune des plaideurs un critère de rattachement à un ordre juridictionnel est conforme au droit fondamental d'accès à la justice reconnu notamment par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Nous laisserons ainsi de côté les normes fondamentales d'origine interne pour nous intéresser aux “ normes fondamentales internationales ”[668] et plus particulièrement à cette Convention.

 

    Outre que les droits fondamentaux consacrés par les normes fondamentales de source internationale “ correspondent […] à des valeurs admises par une certaine communauté internationale ”, en l'occurrence le Conseil de l'Europe, “ ce qui leur conférera peut-être un rayonnement positif supérieur ”[669], la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme présente la particularité, parmi les instruments internationaux ayant consacré des droits fondamentaux, d'être dotée d'une véritable juridicité. Elle impose, en effet, aux États contractants l'obligation de respecter et de promouvoir les droits et libertés qu'elle consacre. L'efficacité de cette juridicité se trouve par ailleurs renforcée par l'institution d'organes juridictionnels chargés de contrôler la conformité des droits nationaux avec les droits fondamentaux contenus dans la Convention. De fait, l'examen de cette conformité pourra avoir lieu à l'occasion d'une affaire déterminée soumise aux juridictions de l'ordre juridictionnel d'un État contractant lui-même placé sous le contrôle de la CEDH. On relèvera également que la Convention doit s'appliquer à tout procès se déroulant devant la juridiction d'un État contractant dès lors qu'il entre dans son champ d'application. La Convention ne précisant pas si ce procès doit ou non comporter un élément d'extranéité, son application aux règles de conflits de juridictions ne semble pouvoir être démentie. Dès lors, si l'on estime que les garanties processuelles de la Convention sont applicables à la procédure civile interne[670], il devrait a priori en être de même pour la procédure civile internationale[671].

 

    217.— À cet égard, on relèvera quelques applications positives de la Convention aux conflits de juridictions. Elles concernent principalement la compétence internationale indirecte. Il s'agit à cette occasion de s'interroger sur l'efficacité d'une demande en exequatur ou en reconnaissance d'un jugement étranger dont le contenu serait contraire à un droit garanti, ou qui serait rendu au terme d'une procédure inéquitable au regard de la Convention. Dans un premier temps, la jurisprudence semblait réservée sur l'application de la Convention européenne des droits de l'homme. Dans une affaire où il était allégué que la décision étrangère résultait d'une procédure inéquitable, la première Chambre civile refusa de rechercher une quelconque violation de la Convention au motif que le jugement étranger n'émanait pas d'un État contractant[672]. Il semble donc que la Cour de cassation répugnait à appliquer la Convention, du moins lorsque la décision étrangère émanait d'un État qui n'était pas partie à ce Traité. M. MAYER a depuis montré que l'atteinte aux droits garantis par la Convention se trouve constituée par la décision du juge qui accepte de reconnaître la décision étrangère rendue au terme d'une procédure inéquitable. Il n'y aurait donc pas lieu de distinguer selon que le jugement étranger émane ou non d'un État contractant et l'on devait considérer, selon la doctrine majoritaire, que les garanties de l'article 6§1 de la Convention sont applicables au contentieux de la reconnaissance[673]. La jurisprudence récente semble désormais abonder dans ce sens[674].

 

    La compétence internationale directe n'est pas ignorée des travaux de la doctrine internationaliste. C'est essentiellement sous l'angle de la compatibilité entre les chefs de compétences présentant un caractère discriminatoire et les garanties de l'article 6§1 de la Convention que la question a été étudiée. Une partie de la doctrine s'est ainsi demandée si les exigences du procès équitable et les articles 14 et 15 du Code civil n'étaient pas inconciliables[675]. Il a par ailleurs été soutenu par certains auteurs étrangers que l'application des règles de compétence directe édictées par la Convention de Bruxelles doit être soumise aux exigences du procès équitable, certaines applications des articles 5-1°, 5-3°, et 5-4° pouvant selon eux porter atteinte au droit d'accès à la justice du défendeur en l'obligeant à comparaître devant un tribunal trop éloigné de son domicile[676]. Il a également été avancé qu'il pourrait exister au regard de la Convention une obligation à la charge des États contractants de faire du déni de justice un chef de compétence international spécifique au profit de celui qui se voit privé de toute possibilité de saisir un tribunal national selon les règles de compétence des différents États[677]. Le droit français est très certainement conforme à l'article à l'article 6§1 de la Convention dans la mesure où il fait déjà du déni de justice un chef de compétence internationale[678]. Mais de cette opinion émerge l'idée féconde que le droit à un procès équitable peut engendrer l'obligation de créer un critère de compétence.

 

    218.— Si à ce jour et à notre connaissance, la Cour de Strasbourg n'a jamais été directement interrogée sur le fait de savoir si les garanties de l'article 6§1 de la Convention s'étendent à la compétence internationale, la Commission a déjà eu l'occasion d'être confrontée à une requête s'y rapportant. Sa décision, bien que non publiée au Recueil, n'en est pas moins intéressante. L'interprète doit toutefois se montrer prudent dans la mesure où cette décision a été publiée en abstract et en langue anglaise[679]. Il s'agissait en l'espèce d'un litige international dont on ignore la nature mais à propos duquel le requérant contestait la compétence internationale des juridictions britanniques au motif que lui et sa fille étant de nationalité grecque, ils devaient en tant que tels ne se soumettre qu'aux juridictions grecques. Le requérant ne précisant pas sur quel article de la Convention il justifiait sa demande, la Commission va statuer en se fondant sur l'article 6§1 et conclure que “ le droit donné par cet article d'être entendu équitablement par un tribunal impartial ne confère pas le droit à une personne de choisir le tribunal particulier qui devra statuer sur sa cause ”[680]. Toutefois, la Commission a pris soin de préciser que “ considérant que dans certains cas, un problème concernant la compétence et les critères sur lesquels elle peut être fondée, doit être examiné au regard de l'article 6 de la Convention, il faut reconnaître dans le cas présent que, le fait que la fille du requérant vive avec sa mère au Royaume-Uni, ajouté au fait que sa mère est de nationalité britannique, constitue pour les juridictions britanniques un lien suffisant selon les principes généraux du droit international ”[681].

 

    Le raisonnement de la Commission est riche d'enseignement et suscite notre totale approbation. Selon elle, “ le droit à un tribunal ” ne confère pas “ le droit de choisir un tribunal ”. Admettre le contraire reviendrait à imposer aux États contractants la compétence internationale de leurs tribunaux au motif que le choix de ses tribunaux par l'une ou l'autre des parties constitue une manifestation du “ droit à un tribunal ”. Ce droit sacrifierait ainsi les règles de compétence des États et, partant, un peu de leur souveraineté. Il en résulterait une extrême instabilité et une profonde imprévisibilité des solutions. Il serait pourtant excessif de conclure que la Commission interdit aux plaideurs de choisir leur tribunal. Elle ne fait, selon nous, qu'affirmer qu'un tel choix ne peut intervenir que si, pour un litige donné, les tribunaux de différents États contractants sont susceptibles de retenir leur compétence internationale. En d'autres termes, si ce n'est pas le choix discrétionnaire d'un plaideur qui peut fonder la compétence internationale des juridictions d'un État mais bien la loi de cet État, il doit être possible de choisir parmi les tribunaux des États ceux dont la loi retient leur compétence internationale. Mais si les règles de compétence internationale d'un État sont les seules à pouvoir rattacher le litige à l'ordre juridictionnel du for, elles peuvent néanmoins contrevenir aux exigences du “ droit à un tribunal ”. C'est pourquoi, la Commission va en l'espèce vérifier si la règle anglaise de compétence internationale contrevient à l'article 6§1 de la Convention. N'est-ce pas ainsi reconnaître que les critères de rattachement pris en compte par les règles de compétence internationale peuvent être jugés à l'aune du droit d'accès à un tribunal ?

 

    219.— Le fait que l'article 6§1 ne confère pas le droit de choisir un tribunal particulier ne signifie pas une prohibition des accords d'élection de for. Ces accords, comme nous l'avons vu, ont pour objet de mettre en œuvre une règle de compétence faisant de la volonté commune des plaideurs un critère de rattachement à un ordre juridictionnel. Les exigences de l'article 6§1 de la Convention doivent par conséquent leur être applicables. À ce sujet, MM. VELU et ERGEC ont soutenu, en prenant appui sur la décision de la Commission, que “ le droit d'accès à un tribunal n'implique pas un droit illimité de choisir le tribunal compétent : les règles de droit international privé limitant le libre jeu de l'autonomie de la volonté ne sont donc pas incompatibles avec l'article 6§1 ”[682]. Par “ règles de droit international limitant le libre jeu de l'autonomie de la volonté ”, nous serions tenté de comprendre que les règles limitant les accords d'élection de for ne sont pas incompatibles avec l'article 6§1. Pourtant, on l'a vu, cette décision ne traite pas de ces accords. Les propos tenus par ces auteurs nous paraissent cependant compatibles avec le raisonnement de la Commission. À ceci près qu'il nous semble plus exact de soutenir que l'article 6§1 de la Convention peut constituer l'un des fondements des limites apportées aux accords d'élection de for et non que les limites apportées à ces accords sont compatibles avec ce texte.

   

    220.— Cette affirmation doit toutefois être explicitée dans la mesure où la Commission et la Cour n'opèrent pas un contrôle in abstracto de la conformité du droit interne des États contractants avec la Convention. En effet, le recours individuel n'est ouvert qu'aux individus ayant subi une atteinte effective et concrète aux droits consacrés par la Convention. Ne faudrait-il pas alors en conclure que si ce recours débouche sur un contrôle concret, ce n'est pas le critère de compétence qui va être contrôlé mais le résultat effectif auquel sa mise en œuvre va déboucher ? Il serait en conséquence impossible d'élaborer, à partir de la notion de droit d'accès effectif à un tribunal, une typologie des situations dans lesquelles un accord d'élection de for serait admissible ou non. Tout serait donc affaire de cas d'espèce. D'ailleurs, s'agissant plus particulièrement du droit d'accès à un tribunal, la CEDH n'a-t-elle pas précisé dans l'arrêt Airey c/ Irlande que “ la réalité du droit d'accès aux tribunaux dépend chaque fois des circonstances de la cause ”.

 

     La réalité nous apparaît en définitive beaucoup plus subtile. Si la Cour est un jour amenée à statuer sur la conformité des accords d'élection de for aux exigences de l'article 6§1 à propos d'une affaire particulière, sa décision sera très certainement riche d'enseignements et devra être pris en compte par tous les États contractants. Tout d'abord parce qu'en contrôlant l'application effective du droit national, la Cour est nécessairement amenée à en apprécier la conformité avec les droits reconnus par la Convention, même si la violation doit résulter de la mise en œuvre de ce droit. Et au-delà de l'autorité relative de la chose jugée, il n'est pas douteux que les États contractants qui ne tireraient pas toutes les conséquences de la jurisprudence de la CEDH s'exposeraient à être condamnés pour des violations comparables. Il est d'ailleurs fréquent que la loi ou la jurisprudence d'un État contractant soit modifiée après que cet État ait été condamné par la CEDH à propos d'une affaire particulière. Pour ce qui concerne la France, on citera notamment l'exemple des écoutes téléphoniques[683] et du transsexualisme[684]. Au demeurant, si la CEDH se refuse à rendre des arrêts de règlement, elle se reconnaît néanmoins la possibilité de statuer sur les recours formés contre le droit des États contractants même en l'absence d'application concrète ayant lésé le requérant. La Cour estime ainsi que “ l'article 25 de la Convention habilite les particuliers à soutenir qu'une loi viole leurs droits par elle-même, en l'absence d'acte individuel d'exécution, s'ils risquent d'en subir directement les effets ”[685]. Il apparaît ainsi que les répercussions des décisions de la Cour sur les droits internes des États contractants sont loin d'être négligeables. Les règles déterminant les conditions d'admissibilité des accords d'élection de for, notamment lorsqu'ils sont passés entre une partie forte et une partie faible, pourront être ainsi être appréciées au regard des exigences de la Convention.

 

    221.— Pour ce faire, il importe au préalable de vérifier si l'accord d'élection de for entre dans le champ d'application de l'article 6§1 de la Convention, le droit d'accès à un tribunal ne pouvant être invoqué que dans les limites du domaine matériel de cette disposition[686]. Cette vérification ne suscite pas de difficultés particulières. En effet, L'article 6§1 de la Convention protège “ toute personne ”. Il peut d'agir d'une personne physique ou d'une personne morale, qu'elle soit ou non ressortissante ou domiciliée dans un État contractant.

 

    S'agissant plus particulièrement des garanties processuelles de l'article 6§1 de la Convention, on relèvera que leur domaine matériel ne vise pas essentiellement la procédure pénale mais également les “ contestations sur des droits et obligations de caractère civil ”. Ces notions ont fait l'objet d'une interprétation autonome et large par les organes de la Convention.

 

    Ainsi, la notion de “ contestation ” ne se limite pas à l'existence de prétentions ou de demandes contradictoires. La CEDH l'a revêtue d'une signification très étendue, estimant que l'esprit de la Convention commande de ne pas prendre le terme de “ contestation ” dans une     “ acception trop technique ” et “ d'en donner une définition matérielle plutôt que formelle ”, que la contestation doit être réelle et sérieuse, qu'elle peut porter aussi bien “ sur l'existence même d'un droit que sur son étendu ou ses modalités d'exercice ” et qu'elle peut avoir trait tant à des “ points de droit ” qu'à des “ questions juridiques ”[687]. Cette notion pourrait tout au plus être la source de discussion si l'on estime qu'elle a pour objet l'accord d'élection de for en tant que tel. En effet, à partir du moment où l'une des parties conteste l'efficacité de cet accord, ne faudrait-il pas en conclure qu'il constitue la “ contestation ” sur laquelle le tribunal devra statuer ? La contestation devant porter sur “ des droits et obligations à caractère civil ”, il serait alors nécessaire de vérifier si l'accord d'élection de for correspond à ces notions, telles qu'interprétées par les organes juridictionnels de la Convention. Un tel raisonnement ne résiste pas à la critique. Une lecture attentive de l'article 6§1 de la Convention montre que les garanties processuelles qu'il consacre doivent s'appliquer à un tribunal qui “ décidera ” des droits et obligations à caractère civil.  En d'autres termes, l'article 6§1 ne garantit le droit d'accès à un tribunal qu'aux personnes dont les “ droits et obligations à caractère civil ” constituent l'objet de la “ contestation ”. Même si l'efficacité de l'accord d'élection de for est débattue et, finalement, tranchée par le juge, elle ne constitue pas le différend qui lui est soumis. Il y a donc lieu de dissocier l'accord d'élection de for, mettant en œuvre une règle de compétence éventuellement attentatoire au droit d'accès à un tribunal, de l'objet de la contestation au service duquel il a été conclu. À titre de comparaison, on rappellera de l'article 17 de la Convention de Bruxelles indique que les parties à un accord d'élection de for sont convenues d'un tribunal ou de tribunaux  pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé. C'est bien là le signe d'une distinction entre l'accord désignant un tribunal et le différend que ce tribunal devra trancher.

 

    222.— Cette contestation, comme nous l'avons évoqué, doit porter sur “ des droits et obligations ” qui doivent présenter “ un caractère civil ”. La notion “ d'obligation ” apparaît ici comme la face passive de la notion de “ droit ”. Cette dernière est interprétée d'une manière assez large par les organes de la Convention. Un équilibre subtil est ainsi réalisé entre les droits subjectifs reconnus par les droit internes des États contractants et l'autonomie du concept. Le sens de cette autonomie n'est pas de justifier la découverte de droits qui n'ont aucune assise en droit interne. Le droit de l'État contractant concerné doit donc nécessairement être pris en considération. Elle signifie uniquement que la Commission et la Cour ne s'arrêtent pas à cette qualification[688]. Un avantage, une faculté ou une possibilité qui seraient prévus par le droit interne d'un État contractant sans être qualifiés de droit  pourraient l'être par les organes de la Convention[689].

 

    Les “ droits et obligations ” doivent présenter “ un caractère civil ”. Là encore, cette notion a été largement interprétée par la CEDH. Loin d'être limitée à la sphère propre du droit privé, cette notion autonome intègre nombre de contestations fortement imprégnées de droit public. La Cour a ainsi jugé que “ l'article 6 ne vise pas uniquement les contestations de droit privé au sens classique, c'est-à-dire entre des particuliers, ou entre un particulier et l'État dans la mesure où ce dernier agit comme personne privée, et non comme détenteur de la puissance publique. Peu importe tant la nature de la loi suivant laquelle la contestation doit être tranchée (loi civile, commerciale, administrative, etc.) que celle de l'autorité compétente en la matière : il peut s'agir d'une juridiction de droit commun, d'un organe administratif, etc. seul compte le caractère du droit en question ” [690].

 

     223.— Une dernière difficulté doit toutefois être écartée. Envisager que l'article 6§1 de la Convention puisse constituer la source d'inspiration des règles limitant les accords d'élection de for n'est-il pas en contradiction avec le fait que ce texte est susceptible de renonciation ? En effet, les droits garantis par la Convention, et notamment ceux protégés par l'article 6§1, sont en l'état du développement actuel de la Jurisprudence de Strasbourg des droits auxquels les parties peuvent renoncer. L'arbitrage en fourni une illustration[691]. Si l'arbitrage obligatoire ou forcé reste soumis aux exigences du procès équitable, il n'en est pas de même de ce que nous serions tenté d'appeler le véritable arbitrage, c'est-à-dire l'arbitrage d'origine conventionnelle. Le compromis ou la clause compromissoire s'analysent en effet comme une renonciation au bénéfice de l'article 6§1 de la Convention[692]. Il serait alors tentant de faire un rapprochement entre l'accord compromissoire et l'accord d'élection de for — comme le fait souvent une partie de la doctrine afin que le régime du premier influe sur celui du second[693] — et d'y voir dans les deux cas une renonciation aux droits garantis par la Convention.

 

    La différence de nature entre l'accord compromissoire et l'accord d'élection de for exclut cependant tout rapprochement. En effet, s'il est exact de voir dans l'arbitrage une renonciation à l'article 6§1 de la Convention, dès lors que ce texte vise expressément “ un tribunal établi par la loi ”, il n'en est pas de même au sujet de l'accord d'élection de for qui n'a pas pour effet de soustraire le litige à la justice étatique mais au contraire de déterminer, par un accord commun, l'ordre juridictionnel — et parfois le tribunal particulier au sein de cet ordre juridictionnel — qui devra être saisi du différend. Par ce simple constat, il apparaît évident que le choix d'une juridiction étatique ne vaut pas renonciation au bénéfice de l'article 6§1 de la Convention.

 

    224.— Au surplus, il n'est pas sûr que l'arbitrage volontaire soit totalement exclu du domaine de la Convention. Partant de l'idée que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme n'a été ni pensée ni écrite pour l'arbitrage, certains ont soutenu qu'elle était inapplicable à l'arbitrage, notamment parce que l'esprit de la Convention est orientée vers la responsabilité de l'État dont on pourrait difficilement admettre qu'elle soit engagée sauf à assimiler les arbitres à une juridiction d'un État membre[694]. Tout au plus lui a-t-on reconnu un rôle de source d'inspiration pour les arbitres[695]. Mais si l'arbitre n'a pas de for et ne peut, en tant que tel, être l'organe d'un État partie à la Convention, il n'en est pas de même du juge étatique amené à statuer sur une demande en exequatur ou sur un recours en annulation de la sentence. À cet égard, la décision du juge étatique qui satisferait à la reconnaissance ou à l'exécution d'une sentence rendue au mépris des garanties du procès équitable violerait la Convention[696]. Le fait que l'on ait pu dire que l'application de la Convention serait inutile dans ce cas, la sentence pouvant par ailleurs être annulée dans les différents cas visés aux articles 1484 et 1502 du nouveau Code de procédure civile, ne change rien au raisonnement[697]. Cela ne remet pas en cause le principe de l'application de la Convention par le juge étatique, mais affirme simplement que le droit français de l'arbitrage serait conforme aux garanties de la Convention. Nous y verrions, au surplus, une intégration des principes dégagés par l'article 6§1 de la Convention dans l'ordre public international.

 

    Et au-delà du contrôle de la sentence par le juge étatique, si l'on estime fondé qu'une partie demande l'annulation d'une sentence quand, par exemple, elle n'a pas été rendue dans un délai raisonnable, n'est-ce pas, d'une autre manière, inciter l'arbitre à appliquer les garanties procédurales de la Convention dès lors que sa sentence est susceptible de devoir être reconnue et exécutée dans l'un des États contractants ? L'arbitrage ne peut se tenir à l'écart des règles étatiques. Lorsque la jurisprudence considère que les arbitres qui se référent à la lex mercatoria statuent en droit, cela signifie certainement qu'une règle étatique va reconnaître des effets juridiques à ces usages dégagés par les opérateurs du commerce international. Et si l'arbitre doit respecter les composantes du droit à un procès équitable pour que sa sentence ne soit pas dépourvue d'efficacité, n'est-ce pas dire autrement qu'il doit, en définitive, les  appliquer ? La renonciation à l'article 6§1 de la Convention prendrait alors un autre sens. Il ne s'agirait plus de renoncer aux garanties processuelles mais de renoncer à ce qu'elles soient appliquées par un “ tribunal établi par la loi ”. Elle se limiterait alors à l'organe chargé de les mettre en œuvre.

 

    225.— Un accord d'élection de for ne peut donc être assimilé à une renonciation aux garanties de l'article 6§1 de la Convention et, partant, au droit d'accès à un tribunal. Il reste alors à examiner la teneur de ce droit, telle qu'elle a été définie par la jurisprudence de Strasbourg. On rappellera qu'il constitue une création de la CEDH, la Convention ne reconnaissant pas explicitement le droit d'accès à un tribunal[698]. Certes, la Convention comporte certaines dispositions spécifiques qui instituent un droit au recours. Il s'agit du recours devant un tribunal en matière de privation de liberté (article 5§4) et du recours effectif devant une instance nationale en cas de violation des droits reconnus dans la Convention (article 13). Mais ces textes pouvaient difficilement fonder un droit au recours qui aurait présenté une portée générale. Tout d'abord parce qu'il n'est pas établi que le “ droit à la liberté ” de l'article 5§4 présente un caractère civil[699]. Ensuite parce que le recours de l'article 13 doit être formé devant une “ instance nationale ” qui peut aussi bien être un organe juridictionnel qu'un organe non-juridictionnel[700]. Ce n'est donc que dans l'article 6§1 que l'on pouvait “ découvrir ” le droit d'accès à un tribunal.

 

    La première manifestation jurisprudentielle de ce droit est apparue dans l'arrêt Golder c/ Royaume-Uni[701]. En l'espèce M. Golder, qui était détenu dans une prison anglaise, avait voulu poursuivre en justice un gardien de prison qu'il accusait de diffamation à son égard. Pour ce faire, il avait sollicité du ministre de l'intérieur, conformément au règlement pénitentiaire, l'autorisation de consulter un Avocat. Sa demande lui fut refusée. Face au Gouvernement du Royaume-Uni qui soutenait que l'article 6§1 ne garantissait aucun droit d'accès aux tribunaux aux personnes protégées par la Convention, la Cour a au contraire estimé que “ l'article 6§1 garantit à chacun le droit à ce qu'un tribunal connaisse de toute contestation relative à ses droits et obligations de caractère civil. Il consacre de la sorte le "droit à un tribunal" dont le droit d'accès, à savoir le droit de saisir un tribunal en matière civile, ne constitue qu'un aspect ”[702] et conclut que M. Golder avait été victime d'une violation de l'article 6§1 en raison de l'entrave apportée par le Ministre à son droit de s'adresser à un tribunal.

 

    226.— Le droit d'accès à la justice va connaître une évolution décisive dans l'arrêt Airey c/ Irlande[703]. Dans cette affaire, Mme Airey soutenait avoir été privée de son droit d'accès à la justice, en vue d'une séparation de corps, en raison du coût trop élevé de la procédure au regard de sa situation financière. Il est vrai que l'Irlande ne connaissait pas d'aide judiciaire en matière civile. En réponse au Gouvernement irlandais qui soutenait que Mme Airey avait bien accès à la Hight Court puisqu'il lui était loisible de s'adresser à elle sans l'assistance d'un homme de loi, la CEDH a été amenée à préciser la portée du droit d'accès à un tribunal. Il va être indiqué que “ la Convention a pour but de protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs. La remarque vaut en particulier pour le droit d'accès aux tribunaux eu égard à la place éminente que le droit à un procès équitable occupe dans une société démocratique ”[704]. Elle va ainsi considérer qu'en l'espèce, la comparution personnelle devant la Hight Court sans l'assistance d'un conseil n'offre pas à la requérante un droit effectif d'accès à la justice.

 

    Mais surtout, avoir rappelé qu' “ un obstacle de fait peut enfreindre la Convention à l'égal d'un obstacle juridique ”[705], la Cour  a relevé que “ l'exécution d'un engagement assumé en vertu de la Convention appelle parfois des mesures positives de l'État ; en pareil cas celui-ci ne saurait se borner à demeurer passif … or l'obligation d'assurer un droit effectif d'accès à la justice se range dans cette catégorie d'engagement ”[706]. La CEDH a néanmoins estimé, dans l'arrêt Ashingdane[707], que ce droit pouvait donner lieu à des limitations implicitement admises car “ il appelle de par sa nature même une réglementation par l'État, réglementation qui peut varier dans le temps et dans l'espace en fonction des besoins et des ressources de la communauté et des individus ”. Toutefois, il fut précisé que les limitations appliquées ne sauraient restreindre l'accès ouvert à l'individu d'une manière ou à un point tel que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même. En outre, elles ne se concilient avec l'article 6§1 que si elles poursuivent un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

 

    227.— La reconnaissance de l'effectivité du droit d'accès à la justice marque le passage d'une conception théorique à une conception concrète de ce droit. Il ne s'agit plus désormais d'obliger l'État de s'abstenir d'entraver l'accès à la justice mais, positivement, de l'obliger à faciliter cet accès. Cela ne signifie pas pour autant que l'effectivité du droit d'accès doit être limitée au financement du procès. D'autres moyens, comme la simplification de la procédure, peuvent la garantir[708]. Ainsi, l'extrême complexité du droit positif et notamment de la procédure constitue une atteinte au droit d'accès à la justice[709].

 

    Cette évolution représente une étape cruciale pour ce qui concerne l'incidence du droit d'accès à un tribunal sur le régime des accords d'élection de for. Car tant que le droit d'accès à un tribunal restait cantonné au rang de principe (affaire Golder), il ne pouvait les affecter. En effet,  les accords d'élection de for n'interdisent nullement d'accéder à un tribunal puisqu'ils ont justement pour objet de désigner le tribunal ou les tribunaux de l'ordre juridictionnel qui devra être saisi en cas de litige. Mais depuis que l'accent est mis sur la réalité de la mise en œuvre du droit d'accès à un tribunal, il est désormais possible d'envisager les conséquences pratiques des accords d'élections de for.

 

     228.— À ce sujet, un auteur a soutenu à que “ la prorogation de compétence au profit exclusif d'une juridiction étrangère dont la décision ne pourrait être reconnue sur le territoire national emporte également renonciation à la protection judiciaire étatique, et devrait par conséquent être considérée comme irrecevable sur le plan procédural. Du point de vue de la Convention, elle ne soulèverait toutefois des problèmes - eu égard à la fongibilité de principe des tribunaux des différents États (et pas seulement des États parties à la convention) - que dans l'hypothèse où, en raison par exemple de l'impossibilité d'intenter des poursuites judiciaires à l'étranger, elle aboutirait à un déni de justice ”[710]. Si l'on adoptait ce point de vue, l'incidence de l'article 6§1 de la Convention sur les accords d'élection de for s'en trouverait profondément limitée, si ce n'est inexistante. Classiquement, le déni de justice constitue un chef de compétence international lorsqu'aucun autre tribunal étranger ne se reconnaît compétent. Principalement invoqué à l'époque du principe de l'incompétence des tribunaux français dans les litiges entre étrangers, il ne présente plus aujourd'hui qu'un caractère résiduel. Il faut reconnaître que les conditions permettant aux tribunaux français d'accepter leur compétence pour éviter un déni de justice sont difficiles à réunir. En effet, le demandeur doit établir qu'aucune juridiction étrangère ne peut être saisie. Il peut s'agir d'une impossibilité de droit, si l'État avec lequel la situation présente les liens les plus étroits ne se reconnaît pas compétent, ou d'une impossibilité de fait, si par exemple un tel État connaît une situation de guerre civile. Appliqué aux accords d'élection de for, il faudrait admettre qu'il n'y a pas de déni de justice chaque fois que le juge désigné reconnaît sa compétence et ce, même si sa saisine s'avère incommode pour l'un des plaideurs, dès lors qu'un tribunal étranger s'estime compétent.

 

    Il n'est pas sûr cependant que ce raisonnement soit conforme à l'effectivité qui doit caractériser le droit d'accès à un tribunal. Une approche pragmatique imposerait plutôt de distinguer entre les plaideurs qui participent régulièrement ou occasionnellement au commerce international et ceux qui se sont vu imposer un accord d'élection de for qu'ils n'ont pas été en mesure de refuser. Pour les premiers, la seule circonstance que le procès doit se tenir à l'étranger constitue un inconvénient normal des litiges internationaux. Pour les autres, le fait de plaider à l'étranger constitue le plus souvent une contrainte réelle. L'éloignement, les difficultés linguistiques, juridiques, les coûts procéduraux sont autant de raisons qui vont restreindre leur droit d'accès à un tribunal. Cet accès n'est certes pas impossible sur un plan théorique. Il n'y a pas, en ce sens, de déni de justice si le juge élu accepte sa compétence. Mais l'on sent bien que, concrètement, la partie qui se trouvera en situation de faiblesse sera pratiquement empêchée d'engager une action en justice si un autre juge ne peut juridiquement être saisi du litige.

 

    229.— Si l'on veut donc mettre en œuvre une protection efficace et réaliste du droit d'accès à un tribunal, qui aille au-delà du déni de justice sans pour autant rendre inefficace la plupart des accords d'élection de for, on est conduit à opérer des distinctions parmi les situations dans lesquelles sont placés les plaideurs. Or non seulement la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ne distingue pas entre les individus mais, de surcroît, elle prohibe toute distinction dans la jouissance des droits et libertés qu'elle énonce (article 14). En définitive, il ne s'agit pas de priver telle catégorie de plaideurs de la protection des droits reconnus par la Convention mais, au contraire, de préciser que l'égalité dans l'application de ces droits implique parfois de distinguer selon les situations. Il est évident, par exemple, que la question de l'aide juridictionnelle ne concerne qu'une certaine catégorie de personnes. Ce n'est pas la partie qui dispose des ressources nécessaires pour engager une procédure qui fait l'objet de discrimination mais bien celle qui ne peut pas financer son procès. De la même manière, l'égalité face au droit d'accès à la justice n'emporte pas l'affirmation que les accords d'élection de for désignant une juridiction étrangère doivent être systématiquement tenus pour valables ou nuls. Un droit d'accès effectif égal pour tous implique au contraire de distinguer selon le type de situations. Si, dans un cas, un procès engagé à l'étranger constitue un inconvénient normal, il peut dans un autre cas s'avérer problématique. Il ne s'agit donc pas d'instaurer une discrimination, mais au contraire de rétablir l'égalité entre les justiciables.

 

    230.— Pour ce faire, le critère de l'égalité des armes nous semble pouvoir être utilisé. Ce critère a surtout été appliqué pour garantir l'égalité des parties devant le juge, protéger l'effectivité du débat contradictoire et l'indépendance du tribunal. Il devrait pouvoir être utilisé pour garantir l'égalité des parties au regard du droit d'accès à un tribunal. En présence de ce droit, les parties ne sont pas placées sur un pied d'égalité. L'égalité des armes ne serait pas respectée si une partie pouvait, en raison de sa situation de force, imposer à l'autre un accord d'élection de for qu'elle ne serait pas en mesure de refuser et qui la désavantage. Cette situation renvoie au phénomène plus général des contrats d'adhésion dont la réalité sociale est incontestable et qui, en raison du réalisme généralement affiché par la CEDH, devrait pouvoir être pris en compte. Le contexte de l'arrêt Airey aidera sûrement à s'en persuader. Dans cette affaire, le gouvernement irlandais soutenait que la Convention n'imposait pas aux États de mettre en place une assistance juridique pour les contestations relatives à un droit de caractère civil. En réplique, la CEDH répondit que “ la Convention doit se lire à la lumière des conditions de vie d'aujourd'hui … et à l'intérieur de son champ d'application elle tend à une protection réelle et concrète de l'individu. Or si elle énonce des droits civils et politiques, nombre d'entre eux ont des prolongements d'ordre économique ou social ”. Le pragmatisme affiché par la CEDH autorise, d'une manière générale, la prise en compte de l'inégalité économique et sociale des parties.

 

    231.— Mais la simple rupture d'égalité ne permet pas, en soi, d'induire qu'il a été porté atteinte au droit d'accès à la justice de la partie faible. Il faut en outre qu'elle ait pour conséquence de rendre illusoire cet accès. De ce point de vue, il est possible de déduire de la faiblesse économique d'un plaideur les inconvénients qu'il y aurait pour lui d'être obligé de saisir une juridiction étrangère. L'inexistence de l'aide juridique pour une procédure ou l'assistance d'un avocat n'était pas obligatoire n'aurait pas porté atteinte au droit d'accès à la justice de Mme Airey si elle n'avait pas connu des difficultés financières. Dans une autre perspective, on peut soutenir que c'est la faiblesse économique ou plus précisément, comme vient de le reconnaître récemment la Cour de cassation en matière de caution judiciaire[711], l'importance des frais que devra engager une partie pour porter l'affaire devant une juridiction étrangère qui va faire obstacle à son libre accès à la justice. Et cette faiblesse économique peut être considérée comme structurelle et si l'on se trouve dans le cadre d'un contrat de travail ou d'un contrat de consommation.

 

    232.— L'accord d'élection de for conclu dans ces circonstances doit donc être suspecté de porter atteinte au droit d'accès à un tribunal de la partie faible. Sauf nous semble-t-il dans deux cas.

 

    Il ne fait pas de doute que si l'accord d'élection de for est passé après la naissance de la contestation, la partie faible ne peut invoquer une atteinte à son droit effectif de saisir un tribunal. Même si la juridiction élue est très éloignée, l'on peut penser que dans ces circonstances, l'accord a, véritablement, été négocié entre les parties. Il ne peut y avoir alors une quelconque rupture d'égalité entre les parties et ce quelle que soit, en conséquence, la configuration spatiale de la situation litigieuse. L'accord d'élection de for conclu dans ces conditions doit conserver sa pleine efficacité.

 

    Pour autant, l'accès à la justice peut demeurer effectif même si l'accord d'élection de for a été conclu avant la naissance de la contestation, c'est-à-dire le plus souvent au moment de la formation du contrat. À ce moment là, les parties ne sont certes pas placées sur un pied d'égalité mais il est possible que l'accord soit passé en faveur de la partie faible. Tel sera le cas si la partie forte ne peut saisir que le tribunal du domicile de la partie faible et si la partie faible peut, outre ce tribunal, saisir d'autres tribunaux, par exemple ceux de l'État où est établie la partie forte, ceux de l'État où le contrat a été exécuté, etc. L'option ainsi instituée en faveur de la partie faible permettra non seulement de garantir l'effectivité de son droit d'accès à la justice mais aussi le renforcera en élargissant l'éventail de ses possibilités.

 

    233.— Cette protection assurée par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme doit s'appliquer que le juge saisi soit le juge désigné ou le juge exclu. Dans un cas comme dans l'autre en effet, la compétence ou l'incompétence peuvent avoir pour conséquence de ruiner l'effectivité du droit d'accès à la justice.

 

    Si le juge saisi n'est pas le juge désigné mais le juge exclu d'un État contractant, la règle de compétence du for énonçant qu'en cas de désignation d'un ordre juridictionnel étranger, l'affaire échappe à la compétence internationale des tribunaux du for, ne doit rendre inefficace le droit d'accès à la justice. Cette situation, somme toute banale, correspond à la plupart des litiges dont est saisie la jurisprudence en matière d'accord d'élection de for.

 

    Si juge saisi est le juge désigné, l'élection de for peut porter atteinte à l'effectivité du droit d'accès à la justice d'un plaideur domicilié dans un autre État. L'article 1er de la Convention permettant à toute personne se trouvant sous la juridiction d'un État d'invoquer à son profit les droits reconnus dans la Convention, le fait qu'une affaire soit portée devant les tribunaux d'un État contractant implique qu'un plaideur domicilié à l'étranger, même dans un État qui n'est pas partie à la Convention, est soumis à la juridiction de cet État. Encore faut-il que le tribunal saisi soit obligé de prononcer la nullité de l'accord d'élection de for. À cet égard, force est de reconnaître que les insuffisances du droit français en matière de pouvoir d'office du juge constituent un obstacle non négligeable. Rappelons, en effet, que selon l'article 92 du nouveau Code de procédure civile, le juge français a la faculté et non l'obligation de soulever d'office son incompétence internationale lorsque la règle de compétence est d'ordre public ou lorsque le défendeur ne comparaît pas. Cette situation constitue une “ dégradation de la notion d'ordre public en matière de compétence ”[712]. Elle nous semble contraire à l'esprit de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme qui est orientée vers l'idée de la responsabilité de l'État, responsabilité qui serait engagée par la décision du juge qui ne soulèverait pas d'office son incompétence internationale. Dès lors, il nous parait possible de soutenir que l'article 6§1 de la Convention commande aux États d'imposer au juge l'obligation de soulever d'office son incompétence internationale si l'accord d'élection de for qui désigne sa juridiction contrevient au droit d'accès à un tribunal.

 

    Enfin lorsqu'une juridiction d'un État non contractant est saisie, qu'elle soit élue ou exclue, il est évident qu'elle n'est pas tenue d'appliquer la Convention. Mais si en retenant sa compétence internationale, le juge d'un État tiers a ruiné l'effectivité de la l'accès à la justice d'une partie faible, le jugement d'un État contractant qui accorderait l'exequatur ou reconnaîtrait de cette décision commettrait une violation l'article 6§1 de la Convention.

 

     234.— Les cas dans lesquels nous estimons qu'un accord d'élection de for garantit l'effectivité du droit d'accès à la justice correspondent pour l'essentiel à ceux que la Convention de Bruxelles retient lorsqu'elle entend protéger certaines catégories de parties faibles. Faut-il, pour autant, en conclure que la Convention de Bruxelles est d'ores et déjà conforme à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ? On a vu que l'accord d'élection de for passé entre un consommateur et un professionnel bénéficie d'un régime de protection uniquement si le défendeur est domicilié dans un État contractant[713]. À défaut, c'est l'article 17 de la Convention, qui est applicable. Cette condition de domiciliation est pour le moins fâcheuse. Elle exclut de toute protection le consommateur domicilié dans un État tiers lorsque le professionnel est domicilié dans un État contractant et que l'accord désigne les tribunaux d'un État contractant, généralement le même. En ce sens, elle est non seulement susceptible d'atteindre le droit d'accès effectif à un tribunal de ce consommateur, mais elle nous semble, en outre, constituer une discrimination tombant sous le coup de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

 

    Du reste, le régime de protection du consommateur du droit conventionnel européen ne protège pas les consommateurs “ dynamiques ” qui concluent des contrats transfrontières de consommation sans avoir été spécialement sollicités par les professionnels[714]. Pour ces contrats, l'article 17 de la Convention de Bruxelles et applicable. Un accord d'élection de for défavorable au consommateur — c'est-à-dire susceptible d'atteindre le droit d'accès effectif — peut ainsi lui être imposé par le professionnel.

 

    235.— Comment un tel conflit de conventions internationales pourrait-il être réglé ? L'on pourrait songer, en l'absence de stipulations de compatibilité entre ces deux Traités, à appliquer les solutions du droit international public[715] qui, selon les cas, font prévaloir la convention spéciale sur la convention générale, le Traité le plus récent sur le plus ancien ou appliquent le principe dit de “ l'efficacité maximum ” qui consiste à appliquer celle des conventions “ qui paraît servir le mieux l'intérêt inspirant l'une et  l'autre ”[716]. Ce conflit présente cependant une physionomie originale dans la mesure où l'harmonisation de l'interprétation de ces deux Conventions internationales est confiée à des juridictions supranationales spécialement élaborées à cette fin. Or, d'une manière générale, la CJCE a tendance à assurer la défense des droits fondamentaux issus de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme[717]. Et si l'Union européenne n'a pas adhéré à cette Convention, le Traité de Maastricht y fait référence. La Cour de Justice n'est certes intervenue que dans le cadre du droit communautaire et non à propos de la Convention de Bruxelles. Or, la qualification de droit communautaire du droit issu de la Convention de Bruxelles est contestée en doctrine[718]. Rien n'empêche de considérer que la CJCE appliquera les mêmes principes lorsque la question se posera à propos de la Convention de Bruxelles. On se rappellera du reste que la Cour de cassation a récemment affirmé la primauté de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme sur la Convention franco-marocaine. De là, certains ont soutenu que l'économie générale de cette Convention, et notamment son article 1er, en assure la prééminence sur les traités bilatéraux et multilatéraux[719]. Il est permis de penser que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme devrait donc primer sur la Convention de Bruxelles en cas de conflit entre ces deux Conventions.

 

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    236.— Conclusion du Chapitre I Si la partie qui est en position de force abuse de sa supériorité pour imposer un accord d'élection de for stipulé à son seul avantage, il ne saurait être contesté que le principe de licéité peut dans ce cas être source d'inéquité. Cet avantage, en matière internationale, dépasse largement le cadre d'un forum actoris que la clause pourrait instituer en faveur de la partie forte. L'éloignement géographique de la juridiction désignée ainsi que l'importance des frais qui devront être engagés ont la plupart du temps pour effet de priver la partie faible de la possibilité de faire respecter ses droits.

 

    L'on peut à cet égard se réjouir de constater que le droit conventionnel européen, au fil de ses évolutions, comporte des mesures qui nous paraissent adaptées à la protection de la partie faible tout en conciliant la nécessité de ne pas sacrifier l'élection de for afin de maintenir une certaine prévisibilité dans la détermination de la compétence judiciaire internationale. Ainsi, les accords d'élection de for ne sont autorisés que s'ils sont postérieurs à la naissance du différend ou, lorsqu'ils sont passés avant la survenance du litige, s'ils ne profitent qu'à la partie faible. La mise en œuvre de cette protection nous paraît cependant trop restrictive dans la mesure où elle ne concerne, s'agissant des consommateurs, que certains types de contrats conclus dans certaines circonstances particulières et ce à condition que le défendeur soit domicilié sur le territoire d'un État contractant

 

    Cette protection présente néanmoins le mérite d'exister. Le contraste est grand avec le droit commun des conflits de juridictions depuis qu'en raison de la non transposition de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile aux relations internationales, aucun texte ne prohibe les clauses d'élection de for dans les actes mixtes. Il est cependant permis de penser qu'à partir du moment où le droit des clauses abusives s'applique aux clauses attributives de juridiction en droit interne, il en va de même dans les relations internationales. La situation apparaît en revanche beaucoup plus incertaine dans les relations internationales de travail où la jurisprudence, au demeurant instable, semble procéder à une hiérarchisation dans la transposition de l'impérativité des chefs de compétence interne. Cette situation conduit à sacrifier de manière nous semble-t-il inopportune la protection du salarié.

 

    237.— La protection de la partie faible en matière d'accord d'élection de for s'explique par la nécessité de préserver l'accès à la justice de la partie faible. La Cour de Justice affirme ainsi à propos du consommateur, mais il en est de même pour toute partie en situation de faiblesse, qu'il “ ne doit pas être découragé d'agir en justice en se voyant obligé de porter son action devant les juridictions de l'État sur duquel son cocontractant a son domicile ”[720]. En ce qu'elle transcende tout dispositif de protection de la partie faible, cette notion d'accès à la justice, érigée en droit fondamental par la Convention européenne des droits de l'homme, nous semble pouvoir constituer un moyen de combler les lacunes du droit commun des conflits de juridictions, mais aussi dans certains cas du droit conventionnel européen. Ce “ droit d'accès à la justice ” doit en effet présenter un caractère effectif pour la Cour EDH . De lege ferenda, cette effectivité devrait permettre d'apprécier l'efficacité des règles protectrices actuelles et, surtout, d'en envisager de nouvelles.


 

CHAPITRE II

 

LES AUTRES CRITÈRES DE L’IMPÉRATIVITÉ

 

 

 

 

 

    238.— Lorsqu'elle n'est pas motivée par le souci de protéger la partie faible, l'impérativité des règles de compétence internationale ne devrait se fonder que sur des considérations procédurales. Une partie de la doctrine estime cependant que l'applicabilité d'une loi de police devrait déboucher sur un chef de compétence impératif. L'existence de cette proposition nous incite à distinguer entre l'impérativité juridictionnelle déduite de l'impérativité substantielle (Section I) et l'impérativité fondée sur des considérations procédurales (Section II).

 

 

Section I

L'impÉrativité juridictionnelle

dÉduite de l'impÉrativité substantielle

 

 

    239.— De ce que “ le rattachement à un ordre juridictionnel est […] un rattachement médiat à l'ordre juridique du for ”[721], il résulte que la loi appliquée par le juge étranger désigné peut être différente de celle appliquée par le juge français exclu. C'est la conséquence de la diversité des solutions qui sont retenues quant aux critères de rattachement, à l'admission du renvoi, aux qualifications et à la conception de l'ordre public qui sera appliquée au litige. Cette incidence de la compétence juridictionnelle peut devenir préoccupante lorsqu'elle a pour effet d'évincer une Convention internationale liant la France ou de contrarier l'ordre public international français. D'où la tentation d'étendre les manifestations de l'ordre public en matière de compétence législative à la compétence judiciaire. Dans cette perspective, NIBOYET avait naguère soutenu que les tribunaux français devaient retenir leur compétence internationale chaque fois que l'ordre public international français évinçait l'application d'une loi étrangère[722]. Cette position fut condamnée par la majorité de la doctrine qui en souligna le caractère impraticable lorsque la loi étrangère n'était que partiellement contraire à l'ordre public. Dans ce cas, l'ordre public international, pris dans sa fonction classique d'éviction, aboutirait à un “ dépeçage ” fâcheux de la compétence judiciaire, les tribunaux français n'étant compétents que dans la mesure où la loi française serait substituée à la loi étrangère[723]. Les inconvénients de cette proposition expliquent sans doute les raisons pour lesquelles elle ne fut jamais consacrée par la jurisprudence.

 

    240.— Mais si l'ordre public, pris dans sa fonction classique d'éviction, permet difficilement son utilisation comme critère de rattachement à un ordre juridictionnel, il est en revanche beaucoup plus facile de fonder la compétence des tribunaux français lorsqu'il s'agit d'un ordre public positif, c'est-à-dire provoquant d'emblée l'application d'une règle française. Il est vrai que pendant un temps, la jurisprudence a déduit de l'applicabilité d'une loi de police française la compétence des tribunaux français à une époque où existait le principe de leur incompétence dans les litiges entre étrangers. La qualification de loi de police fut d'ailleurs étendue à cette fin. Mais depuis que ce principe a été écarté par la jurisprudence, le “ gauchissement ” des qualifications a été abandonné et ces “ fausses lois de police ” ont disparu[724].

 

    Un important courant doctrinal continue néanmoins de soutenir que la compétence des juridictions françaises ne peut être écartée lorsqu'une loi de police française se veut applicable[725]. Le principal argument utilisé au soutien de cette opinion s'appuie sur le caractère nécessaire de l'application de la loi de police qui, parce qu'elle repose sur les objectifs poursuivis par l'État, implique la compétence internationale des tribunaux français. Cette volonté d'application de la loi de police constituerait alors un indice sérieux en faveur de l'impérativité de la compétence des juridictions françaises qui ne pourrait ainsi être écartée par une clause d'élection de for[726]. Le contraire reviendrait à faire de ces clauses l'instrument de prédilection pour déjouer les intérêts essentiels que les États entendent protéger. Cette impérativité, à supposer qu'elle soit reconnue, est cependant jugée insuffisante par MM. ANCEL et LEQUETTE[727]. Afin de tenir compte des concours de compétences dus à la diversité des ordres juridictionnels qui permettent au demandeur de saisir une juridiction étrangère, il a été proposé de la prolonger. Deux possibilités ont pu alors être envisagées : considérer que la compétence du tribunal français est indirectement exclusive ou contrôler la conformité de la loi applicable[728].

   

    241.— La thèse de l'impérativité de la compétence liée à l'impérativité substantielle a parfois reçu un accueil favorable par la jurisprudence relative aux clauses d'élection de for. Les décisions qui y furent sensibles ont été rendues par certaines juridictions inférieures statuant dans le domaine maritime ce qui ne surprend guère dans la mesure où la désignation d'une juridiction étrangère laisse craindre l'inapplicabilité de la Convention de Bruxelles de 1924 qui a unifié certaines règles relatives au transport sous connaissement[729]. Adoptée par certaines Cour suprêmes étrangères[730], cette thèse n'a jamais été consacrée par la Cour de cassation, même en matière de transport maritime[731]. Il semble du reste bien acquis aujourd'hui que l'ordre public ne peut, à lui seul, constituer un chef de compétence internationale. On peut, à l'appui de cette affirmation, invoquer l'arrêt de l'Assemblée plénière du 14 octobre 1977 statuant à propos de l'application de la Convention franco-suisse de 1869[732]. La Cour de cassation y affirme, en effet, que “ le caractère d'ordre public de la loi du fond ne commande pas d'écarter une règle de compétence contenue dans un Traité international dont l'autorité est supérieure à la loi interne ”. Bien que cette décision ait statué en matière conventionnelle, la doctrine estime que sa portée s'étend au droit commun des conflits de juridictions[733]. Aussi bien, la majorité des auteurs contemporains rejettent-ils toute irruption de l'ordre public législatif dans la compétence juridictionnelle[734].

 

    242.— Les arguments invoqués contre cette irruption ont été systématisés par Mme SINAY-CYTERMANN[735]. Cet auteur relève tout d'abord que ce critère de compétence engendre une grande incertitude en raison du flou qui entoure la notion de loi d'application immédiate, laissant ainsi aux tribunaux le soin de s'estimer compétents dès que l'application de la loi française leur paraît essentielle. Ainsi entendue, il est à craindre que la compétence des juridictions françaises connaisse une extension immodérée[736].

 

    Mais même si une définition stricte de la notion de loi de police cantonnait cette dernière à un domaine plus restreint, prétendre qu'elle accréditerait la compétence des tribunaux français serait hautement contestable. Elle heurterait de front la distinction entre la compétence judiciaire et la compétence législative qui constitue le fondement du droit international privé actuel. Alors que la détermination du tribunal internationalement compétent répond à des soucis de bonne administration de la justice et de commodité des plaideurs, la détermination de la loi applicable répond à des considérations de fond[737]. Faire dépendre la compétence judiciaire de la compétence législative revient à confondre ces deux impératifs  qui doivent demeurer distincts. Prétendre que la compétence des juridictions françaises s'impose chaque fois qu'une loi de police française est applicable ne revient-il pas à affirmer que le tribunal qui doit appliquer sa propre législation d'ordre public est le mieux placé pour rendre la justice ? Cette idée est critiquable. “ Les tribunaux français ne sont pas les vengeurs de toute atteinte à nos principes par une législation quelconque ” selon le Doyen BATIFFOL et M. LAGARDE[738]. En ce qu'elle porte en germe le refus d'internationalisation et de coopération entre l'État du for et les États étrangers, la défiance à l'égard des juridictions étrangères qu'elle cristallise pourrait bien se retourner contre l'État français[739]. Elle s'avère, au surplus, théoriquement inexacte. Si, comme le montre Mme SINAY-CYTERMANN, l'application de la loi de police française commande nécessairement la compétence des tribunaux français, l'on devrait estimer que l'application éventuelle d'une loi de police étrangère commande l'incompétence de ces mêmes tribunaux. Or, la jurisprudence s'oriente progressivement vers l'application des lois de police étrangères[740]. Cette possibilité se trouve d'ailleurs expressément consacrée par l'article 7§1 de la Convention de Rome. N'est-ce pas la marque que l'intérêt que l'État entend protéger ne serait pas systématiquement sacrifié si une juridiction étrangère était saisie ?

 

    243.— La possibilité pour les tribunaux du for d'appliquer des lois de police étrangères fait, par conséquent, disparaître la pertinence de l'extension de l'impérativité substantielle à la compétence judiciaire. Peu importe, en effet, de savoir quel juge appliquera la loi de police française. Ce qui compte avant tout, c'est qu'elle soit appliquée au litige. Si l'on admet que le juge français applique les lois de police étrangères, on doit admettre la compétence des juridictions étrangères pour appliquer les lois de police françaises. Mieux vaut, dès lors, ne pas sacrifier l'intérêt des plaideurs et admettre la licéité de la clause d'élection de for, quitte à ne pas reconnaître ensuite la décision[741].

 

    Au demeurant, le refus de transposer à la compétence internationale les matières relevant des lois de police ne s'avérera pas nécessairement redoutable dans le domaine contractuel, certains intérêts pris en compte par ces lois l'étant déjà par les règles de compétence. Tel est le cas de la protection du consommateur et de la protection du salarié. Il serait, enfin, paradoxal d'être plus rigoureux à l'égard des clauses d'élection de for qu'à l'égard des conventions d'arbitrage dont la nullité ne se déduit pas du seul fait que le litige concerne une règle que les parties ne peuvent pas écarter[742].

 

    244.— La compétence des juridictions françaises résultant de l'applicabilité d'une loi de police a été récemment remise au goût du jour par M. Pataut d'une façon qui ne condamne pas les accords d'élection de for. Se fondant sur l'idée de souveraineté, entendue comme l'intérêt de l'État d'appliquer certaines de ses règles, l'auteur estime, d'un côté, que “ ne devraient mériter la qualification de loi de police que les lois qui exigent, pour leur mise en œuvre, une compétence juridictionnelle concomitante ”[743], tout en estimant que ce “ for de la souveraineté ” ne devrait pas présenter un caractère exclusif, le contrôle de la loi appliquée permettant de vérifier que les exigences de l'ordre juridique français ont été respectées par le juge étranger[744].

 

    Cette manière de voir est ensuite appliquée au contrat de travail. C'est ainsi que M. Pataut analyse l'article 6 de la Directive du 16 décembre 1996 relative au détachement des travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de service[745] comme l'exemple type de compétence juridictionnelle fondée sur le principe de souveraineté. Selon ce texte, “ pour faire valoir le droit aux conditions de travail et d'emploi garanties à l'article 3, une action en justice peut être intentée dans l'État membre sur lequel le travailleur est, ou était, détaché, sans préjudice, le cas échéant, de la faculté d'intenter, conformément aux conventions internationales existantes en matière de compétence judiciaire internationale, une action en justice dans un autre État ”. Ce texte est jugé heureux par M. Pataut au motif qu'il ne fonde pas directement la compétence juridictionnelle sur l'applicabilité d'une loi de police “ mais se contente de retenir comme chef de compétence le même critère de rattachement que celui utilisé pour la détermination du champ d'application des lois de police ”[746]. Ce faisant, ce chef de compétence échappe aux reproches que l'on a pu opposer au forum legis tout en faisant coïncider la loi applicable et la compétence juridictionnelle. Enfin si cette compétence est ouverte tant au travailleur qu'à l'employeur, voire à l'administration du travail, elle n'est en revanche pas exclusive, toute autre compétence de la Convention de Bruxelles restant susceptible d'être mise en œuvre. Cette compétence apparaît ainsi comme une compétence possible, concurrente, “ qui doit permettre, au même titre que d'autres éléments de rattachement fondés sur des considérations de proximité ou de faveur, de justifier l'intervention des tribunaux de l'État impliqué ”[747].

 

    245.— La solution préconisée par M. Pataut est intéressante dans la mesure où elle n'a pas pour effet d'écarter les clauses d'élection de for au motif qu'une loi de police serait applicable. S'agissant en effet plus particulièrement de la question de savoir si une telle clause priverait d'effet la compétence d'un tribunal saisi en application de l'article 6 de la Directive, M. Pataut souhaite “ que soit admise concurremment la compétence du tribunal élu et celle du tribunal de l'ordre juridique dont émane la loi de police ”[748]. L'auteur est conscient que cette proposition constitue une importante dérogation au principe de l'exclusivité de la compétence du tribunal élu. Nous doutons qu'elle soit un jour admise par la Cour de Justice sans une modification de l'article 17, ce texte étant sans équivoque en ce qui concerne la portée de l'accord d'élection de for. Estimant, en outre, que l'exemple de cette directive doit être suivi en droit commun des conflits de juridictions, l'auteur considère que “ si, du fait de l'absence de caractère exclusif de ce chef de compétence [i.e. fondé sur l'applicabilité d'une loi de police], il est loisible aux parties de saisir la juridiction étrangère désignée, cette compétence ne saurait suffire à priver les tribunaux français de leur compétence propre, fondée sur les exigences de l'intérêt de l'État ”[749].

 

    246.— À suivre donc la démarche de M. Pataut, la compétence fondée sur l'applicabilité d'une loi de police — dû moins dans l'exemple du droit du travail sur lequel raisonne l'auteur — n'a pas pour effet d'empêcher les parties de désigner une juridiction étrangère. Plus subtilement, ce chef de compétence se répercute sur l'effet juridictionnel de l'élection de for : en principe exclusive, la compétence du juge élu devient concurrente puisqu'elle ne peut empêcher les tribunaux français d'être également compétents en raison des exigences de l'intérêt de l'État.

 

    Pour intéressante qu'elle soit, nous n'adhérons pas à cette proposition. On ne comprend pas très bien ce qui justifierait le maintien de la compétence du “ for de la souveraineté ” à côté du for élu à partir du moment où le contrôle de la loi appliquée permet justement d'écarter l'exclusivité de la compétence fondée sur l'applicabilité d'une loi de police. L'absence d'exclusivité de cette compétence signifie sans aucun doute qu'elle peut s'effacer devant des considérations de commodité des plaideurs. D'où vient alors que ces considérations justifieraient qu'il soit possible de désigner un juge étranger, mais impossible de considérer que la compétence de ce juge présente un caractère exclusif ? De l'intérêt de l'État quant à la mise en œuvre d'une loi de police ? Mais alors pourquoi, dans ces conditions, permettre néanmoins aux parties de choisir un autre juge, même si cette compétence n'est que concurrente ? Si l'État peut vérifier, au moyen du contrôle de la loi appliquée, que sa loi de police a bien été appliquée par le juge étranger, rien n'empêche de considérer que la compétence du juge étranger ne puisse pas être exclusive.

 

    247.— Nous suivons en revanche volontiers M. Pataut lorsqu'il considère que “ la transformation d'un chef de compétence fondé sur l'applicabilité d'une loi de police en chef de compétence indirectement exclusif n'est en aucun cas d'une nécessité logique ”[750]. Considérer, en effet, que la compétence est indirectement exclusive lorsqu'une loi de police française se veut applicable reviendrait à priver d'efficacité toutes les décisions des tribunaux étrangers saisis par la volonté commune des parties sans distinguer celles qui auraient appliqué les lois de police françaises. Il semble préférable, suivant en cela M. Pataut, de porter le contrôle sur la conformité de la loi applicable. Ne s'agit-il pas, en l'occurrence, de l'influence de la clause d'élection de for sur cette dernière ? À cet égard, on relèvera que si le contrôle de la compétence de la loi appliquée comme condition d'efficacité des jugements étrangers est majoritairement critiqué en doctrine, certains auteurs s'accordent cependant à reconnaître qu'il doit être maintenu lorsque la loi applicable est une loi de police française[751]. La conciliation des intérêts étatiques, protégés par l'inefficacité de la décision étrangère qui les méconnaîtrait, avec celui des plaideurs apparaît ainsi possible à réaliser et ce, rappelons-le, même si la compétence du juge élu demeure une compétence exclusive.

 

 

 

Section II

L'impÉrativité fondÉe

sur des considÉrations procÉdurales

 

 

    248.— Il est difficile de donner une énumération exhaustive des hypothèses dans lesquelles la compétence internationale directe est impérative. Si, dans certains cas, l'impérativité d'un chef de compétence ne fait aucun doute, elle peut, dans d'autres cas, être davantage discutée. Ainsi en est-il de la compétence en droit des personnes et de la famille (§1), traditionnellement présentée comme étant impérative alors que dans certaines circonstances, la volonté commune des parties peut, nous semble-t-il, peser sur le choix de la juridiction compétence. Il est des situations, en revanche, où l'impérativité des chefs de compétence est bien établie. Il en est ainsi des règles de compétence de l'article 16 des Conventions de Bruxelles et de Lugano et de certaines règles de compétence issues du droit commun des conflits de juridictions (§2).

 

§1 - L'impérativité de la compétence en droit des personnes et de la famille

 

    249.— La majorité de la doctrine s'accorde à reconnaître que les accords d'élection de for sont interdits en matière d'état et de capacité des personnes[752]. M. Mayer, par exemple, considère que “ ce qui est vrai dans le domaine de la compétence territoriale interne (article 93 du nouveau Code de procédure civile) l'est également a fortiori dans celui de la compétence internationale, le choix de la juridiction y emportant celui de la loi applicable ”[753]. Il n'est pas sûr, cependant, que la prohibition des accords d'élection de for présente en la matière un caractère absolu. L'on peut déjà, en effet, constater une certaine pénétration de l'autonomie de la volonté dans les conflits de lois en droit de la famille, matière pourtant traditionnellement considérée comme d'ordre public[754]. Il est possible qu'il en soit également ainsi dans certains cas en matière de conflit de juridictions.

 

    250.— La question se pose d'abord à propos des successions et des régimes matrimoniaux. À juste titre, Mme Gaudemet-Tallon a pu considérer que selon que l'on insiste sur le lien entre ces questions et le statut personnel ou, au contraire, sur leur caractère patrimonial et sur le fait que les parties ont en la matière une assez large maîtrise de leur droit, il ne serait pas impossible d'admettre la licéité des accords d'élection de for dans ces matières[755].

 

    Il est probable, à cet égard, que l'élection de for ne sera pas admise en ce qui concerne les successions immobilières dans la mesure où ces questions relèvent de la compétence exclusive du tribunal du lieu de la situation de l'immeuble. En revanche, il devrait être possible de considérer que la compétence du tribunal du lieu d'ouverture d'une succession mobilière présente un caractère facultatif[756]. Si la jurisprudence antérieure à la réforme du Code de procédure civile, à vrai dire bien clairsemée, était partagée sur le caractère impératif de ce chef de compétence[757], elle ne paraît pas depuis s'être prononcée à ce sujet. Considérer que la compétence du tribunal du lieu d'ouverture d'une succession mobilière est d'intérêt privé présenterait l'avantage de permettre aux parties qui le souhaiteraient de porter l'ensemble du litige (concernant meuble et immeuble) devant les tribunaux de l'État du lieu de situation de l'immeuble[758]. Les héritiers pourraient ainsi éviter la dispersion du règlement juridictionnel de la succession.

 

    L'élection de for devrait plus facilement être admise en matière de régime matrimonial. Déjà sur le plan du conflit de lois, les époux peuvent choisir de soumettre leurs rapports patrimoniaux à une loi donnée. La possibilité de choisir leur juge devrait pouvoir leur être laissée, ne serait-ce que pour leur permettre d'instaurer une corrélation entre la loi applicable et la juridiction compétente.

 

    251.— Il est possible, du reste, de considérer que même en matière extra-patrimoniale, la prohibition des accords d'élection de for ne présente pas une portée générale. Il paraît probable, en effet, qu'il soit permis dans certains cas à des époux d'émettre leur volonté de soumettre leur divorce à une juridiction donnée. Il convient à cet égard de distinguer selon que les époux se sont accordés à soumettre leur divorce à une juridiction étrangère ou bien à une juridiction française.

 

    La compétence internationale des juridictions françaises fondées sur l'article 1070 du nouveau Code de procédure civile ayant un caractère impératif, il devrait, en principe, être inconcevable d'y déroger. Un accord des époux désignant une juridiction étrangère ne pourrait dans ces conditions être possible que si la compétence des juridictions françaises résultait des articles 14 et 15 du Code civil[759]. Ces privilèges de juridictions, rappelons-le, sont d'intérêt privé et la partie française peut y renoncer, notamment au moyen d'une élection de for. Il reste que ces textes ne s'appliquent que lorsque aucun critère ordinaire de compétence territoriale n'est réalisé en France[760]. Il faudra donc que la résidence de la famille, le lieu où réside celui des époux avec lequel habitent les enfants mineurs ou le domicile de l'époux défendeurs soient situés hors de France — hypothèses où l'article 1070 du nouveau Code de procédure civile n'est pas applicable — pour qu'il soit possible de conclure un accord d'élection de for en faveur d'une juridiction étrangère, ce qui limite les situations dans lesquelles un tel accord pourra être passé.

 

    252.— Pour M. Audit, cependant, l'article 1070 du nouveau Code de procédure civile ne doit pas nécessairement s'opposer à ce que des époux de même nationalité s'accordent à soumettre leur divorce à un tribunal de leur pays[761]. D'une manière générale, il est permis de penser que l'article 1070 du nouveau Code de Procédure civile ne fait pas définitivement obstacle à la volonté des époux de soumettre leur divorce à une juridiction étrangère dans la mesure où, si ce texte est impératif en ce qui concerne la compétence directe, il n'est pas exclusif en ce qui concerne la compétence indirecte[762]. De fait, un divorce prononcé à l'étranger par une juridiction désignée par un accord commun des époux ne sera pas privé d'efficacité au motif que les parties ne pouvaient déroger à la compétence des juridictions françaises. L'efficacité d'un tel accord se trouve en quelque sorte tributaire de l'attitude des parties. Si l'un des époux décide de ne pas le respecter et de saisir les juridictions françaises, ces dernières devront statuer en raison de l'impérativité de la compétence internationale issue de l'article 1070 du nouveau Code de procédure civile. Mais à supposer que la juridiction étrangère désignée par cet accord ait été saisie du litige, il ne sera pas possible, après coup, d'invoquer cette impérativité pour s'opposer à la reconnaissance de la décision ayant prononcé le divorce en raison du défaut d'exclusivité de la compétence française.

 

    Il n'y a là, somme toute, qu'une application de ce que la compétence internationale indirecte en matière de divorce est concurrente : les parties peuvent choisir entre les juridictions françaises et les juridictions étrangères mais ne peuvent, compte tenu de l'impérativité de la compétence française au plan de la compétence directe, écarter cette compétence française et conférer à la juridiction étrangère une compétence exclusive. L'accord n'oblige donc pas les époux à saisir le juge élu. Son efficacité est laissée à la discrétion des parties. Son rôle se limite alors à fonder la compétence du juge élu.

 

    253.— Encore faut-il, de ce point de vue, qu'un accord des parties puisse être suffisant pour que le juge élu se reconnaisse compétent. Il se peut, en effet, que le choix des parties se porte sur un tribunal qui n'a aucune vocation à régir leur divorce.  La question peut alors se poser de savoir si un tel accord pourrait obliger une juridiction à connaître du divorce de deux étrangers n'ayant aucun lien avec le for élu.

 

    Rien, de prime abord, ne permet de considérer que si la juridiction élue est une juridiction française, elle ne puisse retenir sa compétence internationale. Selon, en effet, les termes de l'arrêt C.S.E.E. c/ Sorelec[763], l'accord d'élection de for n'est illicite que s'il fait obstacle à une compétence impérative française. Ce ne peut évidement être le cas d'un accord qui désignerait les juridictions françaises. Il est donc permis de penser qu'un tel accord n'est pas illicite, même s'il fait obstacle à une compétence impérative étrangère.

 

    254.— Une partie de la doctrine est pourtant hostile à ce point de vue au motif que la possibilité de saisir le juge français d'un divorce ne présentant aucun lien avec la France permettrait de réaliser une fraude à la loi étrangère. Rappelons, en effet, qu'en matière de divorce, la règle de conflit de lois française contenue dans l'article 310 du Code civil est une règle de conflit unilatérale. Dès lors, si les époux ne sont pas français et ne sont pas domiciliés en France, la loi française n'a aucune vocation à régir le litige. Le juge sera alors obligé de rechercher la loi étrangère “ qui se veut compétente ”. “ Or tant que le juge français n'a pas l'obligation d'appliquer d'office la loi étrangère […], les parties peuvent escompter la non-application par le juge français de la loi étrangère ”[764] et, partant, l'application à titre subsidiaire de la loi française dont on suppose qu'elle est plus libérale que la loi étrangère. Aussi bien, afin de mettre obstacle aux “ divorces migratoires ”, faudrait-il admettre “ la sanction préventive de la fraude à la loi étrangère par le refus du juge d'exercer sa compétence ”[765].

 

    Ces propos ont été tenus avant que la jurisprudence française relative à l'autorité de la règle de conflit de lois n'ait évolué. Depuis lors, sans retracer les variations “ en dent de scie ” de la jurisprudence sur cette question, on se contentera d'indiquer que la règle de conflit ne présente actuellement un caractère obligatoire pour le juge que lorsque les droits des parties sont indisponibles[766]. Or, il est plus que probable que les droits des parties ne sont pas disponibles en matière de divorce. Le juge sera donc obligé d'appliquer la loi étrangère. Du reste, la règle de conflit de loi présentera également en l'occurrence un caractère obligatoire pour les parties. Les parties, en effet, ne peuvent s'accorder pour demander au juge d'appliquer une loi différente de celle désignée par la règle de conflit que “ pour les droits dont elles ont la libre disposition [et ce] malgré l'existence d'une convention internationale ”[767]. Si aucun “ accord procédural ” n'est possible en matière de divorce parce que les droits des époux apparaissent indisponibles, ces derniers ne pourront contraindre le juge d'appliquer la loi française ou une loi étrangère plus libérale que celle qui normalement aurait dû être appliquée.

 

    255.— Si l'on considère, en conséquence, que les occasions de fraude à la loi étrangère par application de la loi française devraient être rarissimes, aucune raison ne s'oppose à ce que des époux étrangers s'accordent pour saisir les juridictions françaises de leur divorce. Si ce choix ne peut déboucher sur l'application d'une loi plus libérale, autant maintenir cette compétence.

 

    Sans doute la désignation d'une juridiction française demeure-t-elle dans ces conditions largement théorique. Cette impression ne pourra être que renforcée lorsque la Convention de Bruxelles du 28 mai 1998 concernant la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale, dite “ Bruxelles 2 ”, sera entrée en vigueur[768]. Les chefs de compétence prévus aux articles 2 à 6 de cette Convention en matière de divorce, de séparation de corps et d'annulation de mariage sont exclusifs et alternatifs. Un accord d'élection de for ne sera alors possible que si aucun des chefs de compétence prévus par la Convention — résidence habituelle des époux, du demandeur ou du défendeur, nationalité ou domicile commun — n'est réalisé sur le territoire d'un État contractant. Autant dire que la possibilité de choisir un autre juge sera exceptionnelle.

 

§2 - L'article 16 des Conventions de Bruxelles et de Lugano et les autres chefs de compétence impératifs en droit commun

 

    256.— L'article 16 des Conventions de Bruxelles et de Lugano énonce une série de chefs de compétence auxquels les parties ne peuvent déroger. Ces compétences sont à la fois impératives et exclusives, tout tribunal saisi autre que celui dont la compétence est prévue par ce texte devant se déclarer incompétent. Ce texte, enfin, s'applique quels que soient la nationalité et le domicile des parties. L'application du droit conventionnel européen découle ainsi de la nature même du litige et ce alors même que les plaideurs seraient domiciliés dans un État tiers. L'application de ces chefs de compétence en France ne suscite pas de difficultés particulières. Pour la plupart d'entre eux, en effet, ils coïncident déjà avec certaines règles de compétence impératives issues du droit commun des conflits de juridictions. Cette impérativité peut résulter de la matière même du litige ou du caractère spécifiquement international de la règle de compétence, quand elle ne résulte pas de l'extension à l'ordre international des règles internes de compétence territoriale et des articles 14 et 15 du Code civil. En raison des recoupements que l'on peut constater entre le droit conventionnel européen et le droit commun des conflits de juridictions, l'on abordera conjointement l'analyse de ces chefs de compétences en suivant l'ordre dans lequel ils apparaissent au sein de l'articles 16 des Convention de Bruxelles et de Lugano.

 

    257.— Selon l'article 16-1° des Conventions de Bruxelles et de Lugano, sont seuls compétents en matière de droit réel immobilier et de baux d'immeubles les tribunaux de l'État contractant où est situé l'immeuble. Cette règle est en partie identique à l'article 44 du nouveau Code de procédure civile qui énonce qu'en matière réelle immobilière, la juridiction du lieu où est situé l'immeuble est seule compétente. Ce texte, qui a toujours été appliqué lorsque l'immeuble est situé en France, est traditionnellement considéré comme impératif, le tribunal du lieu de situation étant regardé comme le mieux placé pour administrer la justice et rendre une décision immédiatement exécutoire[769]. S'agissant plus particulièrement du bail, qui ne fait naître que des droits personnels, l'impérativité de la compétence se justifie aussi par le fait que les baux sont le plus souvent régis par des règles impératives, destinées généralement à protéger le locataire, qui sont qualifiées de loi de police dans l'État où se trouve situé l'immeuble[770].

 

    258.— Il est toutefois permis de s'interroger sur le bien-fondé de l'impérativité de la compétence des tribunaux de l'État de la situation de l'immeuble lorsque le bail est conclu pour une courte durée, notamment dans les litiges relatifs aux locations de vacances[771]. Dans une telle situation, la justice est la plupart du temps saisie du litige à l'issue de la location, alors que le preneur est revenu dans le pays où il a son domicile. Du reste, ces locations sont le plus souvent conclues entre personnes qui sont domiciliées dans le même État, soit entre particuliers, soit entre un particulier et un professionnel du tourisme. Être obligé, dans ces conditions, de saisir le juge du lieu de la situation de l'immeuble peut constituer une contrainte qui découragera le preneur d'agir contre le bailleur. On ajoutera, enfin, que les rapports Jénard et Schlosser paraissent sur ce point divergents. Le second de ces rapports, en effet, précise que l'article 16-1° ne s'applique pas aux contrats de “ cession d'usage ” conclus pour une durée limitée, “ notamment aux fins d'un séjour de vacances ”[772] alors que le premier n'opère aucune distinction[773].

 

    259.— La Cour de Justice fut saisie de cette question à propos d'un litige portant sur la location d'une maison en Italie par un allemand domicilié en Allemagne à un autre allemand, lui aussi domicilié en Allemagne, et alors qu'une clause d'élection de for en faveur des juridictions allemandes figurait dans ce contrat. La Cour de Justice a néanmoins estimé que l'article 16-1° était applicable même si le contrat avait été conclu pour une durée limitée, et même s'il ne portait que sur une cession d'usage d'une maison de vacances[774]. Sans doute était-il difficile, en l'état de la rédaction de l'article 16-1° de l'époque, de distinguer la location de vacances du bail ordinaire. Mais si cette solution avait le mérite de la simplicité, en ce qu'elle ne distinguait pas selon les situations, elle n'en apparaissait pas moins inopportune pour les plaideurs. Et ce d'autant plus que la nécessité de faire coïncider les compétences législatives et judiciaires présente un intérêt moindre en matière de location de courte durée, notamment de vacances, dans la mesure où ces dernières sont généralement exclues des dispositions impératives relatives aux baux d'habitation[775]. Certes, comme on a pu le relever, l'exclusivité de la compétence du tribunal du lieu de situation de l'immeuble permet de protéger le locataire contre les clauses d'élection de for[776]. Toutefois, cette protection n'est utile en pratique que si le preneur et le bailleur ne sont pas domiciliés dans le même État, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, car l'on peut alors supposer que la clause désignera plus volontiers les tribunaux de l'État du bailleur. Du reste, le preneur se voit contraint de saisir le tribunal du lieu de situation de l'immeuble qui n'est probablement pas le for dont la saisine lui est la plus commode. La solution de la Cour de Justice, enfin, ne se justifie pas non plus par la nécessité de faire exécuter le jugement à intervenir au lieu de l'exécution de l'immeuble[777], le litige opposant deux allemands domiciliés en Allemagne, l'exécution du jugement à intervenir ne peut raisonnablement être envisagée qu'en Allemagne.

 

    260.— Sans doute, comme cela a pu être judicieusement souligné, les litiges relatifs aux locations de vacances s'apparentent-ils davantage à des litiges de consommation qu'à des litiges en matière de baux. Ainsi que M. Lagarde a pu le constater, “ si certaines règles impératives édictées pour ces locations [i.e. de vacances] protègent le locataire, c'est plus comme consommateur que comme locataire. Ainsi en est-il de la limitation du montant de l'acompte à verser lors de la réservation, voire du droit à la rétractation ”[778]. Tel est le cas, notamment, lorsque la mise à la disposition d'une maison s'accompagne de prestations annexes (transport, restauration, excursions, activités sportives, etc.). On se réjouira donc que la Cour de Justice ait considéré, dans une autre affaire, que l'article 16-1° n'était pas applicable à “ un tel contrat complexe portant sur un ensemble de prestations de services fournies contre un prix global payé par le client ”[779]. Cette décision constitue incontestablement un progrès. Elle ne remet pas en cause, cependant, la qualification de bail lorsque l'usage d'une maison de vacances n'est accompagné d'aucune autre prestation.

 

    Jugé trop stricte pour les locations de vacances, et d'une manière générale pour les locations de courtes durées, l'article 16-1° de la Convention de Bruxelles fut, après d'âpres négociations, modifié par les Conventions de Lugano et de San Sebastian. L'article 16-1° est désormais scindé en deux, l'article 16-1°a) énonçant la règle de principe tandis que l'article 16-1°b) prévoit, pour les locations de courte durée, une exception à ce principe. Il existe dorénavant “ en matière de baux d'immeubles conclus en vue d'un usage personnel temporaire pour une période maximale de six mois consécutifs ” une option de compétence entre le for du lieu de situation de l'immeuble et le for du domicile du défendeur. Les conditions d'application de cette exception varient cependant entre la Convention de Bruxelles et la Convention de Lugano. Selon en effet l'article 16-1°b) de la Convention de Bruxelles, tel que modifié par la Convention de San Sebastian, le demandeur ne bénéficie de cette option de compétence que si le preneur et le bailleur sont tous deux des personnes physiques domiciliées dans le même État contractant. Cette exigence réduit sensiblement la portée de cette exception car il est fréquent que les locations de vacances soient consenties par des personnes morales. Le texte de la Convention de Lugano se montre plus libéral puisqu'il suffit que le preneur soit une personne physique et qu'aucune des parties ne soient domiciliées dans l'État où l'immeuble est situé[780].

 

    261.— Cette évolution n'apparaît pas pleinement satisfaisante, non seulement parce que les conditions permettant de bénéficier de cette option de compétence apparaissent trop strictes, mais également parce que les deux compétences alternatives présentent chacune un caractère exclusif. Critiquable sur un plan théorique dans la mesure où, par nature “ la notion de compétence exclusive est incompatible avec la possibilité d'une option de compétence ”[781], cette solution l'est également sur un plan pratique car l'exclusivité de la compétence empêche des parties de conclure une clause d'élection de for[782]. Or il est permis de penser, avec M. Pataut, que “ si l'ordre juridique de la situation de l'immeuble n'est plus suffisamment intéressé pour exiger sa seule compétence, aucune justification sérieuse ne vient expliquer l'interdiction des clauses attributives de juridiction ”[783]. Si l'on considère, en effet, que les questions relatives aux locations de vacances relèvent davantage des litiges de consommation, les clauses d'élection de for ne devraient, dans ces conditions, être régies que par les règles relatives aux clauses insérées dans les contrats conclus par les consommateurs qui, rappelons-le, ne prohibent pas ces clauses mais ne les autorisent que si elles ne désavantagent pas le consommateur ou s'il a été en mesure de les négocier[784]. Force cependant est de reconnaître qu'à moins d'une nouvelle modification de l'article 16-1°b), cette solution n'est guère envisageable en l'état du texte de la Convention de Bruxelles.

 

    262.— Selon l'article 16-2°, sont seuls compétents les tribunaux de l'État du siège social en matière de validité, de nullité ou de dissolution des sociétés ou personnes morales ayant leurs siège sur le territoire d'un État contractant, ou des décisions de leurs organes.

   

    Le siège social n'est pas défini de manière autonome mais est déterminé d'après les règles de conflit de lois en vigueur dans chaque État contractant. Il pourra donc s'agir du siège réel comme du siège statutaire si les deux conceptions sont admises au sein des États contractants. Il se pourra donc que la compétence exclusive de deux États puisse être retenue, l'une sur le fondement du siège réel, l'autre sur celui du siège statutaire. Un tel conflit de compétence exclusive est tranché par l'article 23 de la Convention de Bruxelles qui prévoit que le dessaisissement a lieu en faveur de la juridiction saisie en premier.

 

    263.— En matière de validité des inscriptions sur les registres publics, l'article 16-3° attribue exclusivement compétence aux tribunaux de l'État contractant sur lequel les registres sont tenus. Cette règle n'est que la traduction d'un principe consacré en droit commun des conflits de juridictions, du reste largement admis en droit comparé, selon lequel la compétence liée au fonctionnement d'un service public relève de la compétence exclusive de l'État ayant institué ce service[785].

 

    264.— Dans le prolongement de l'article 16-3°, l'article 16-4° attribue compétence exclusive en matière d'inscription ou de validité des brevets, marques, dessins et modèles, et autres droits analogues donnant lieu à un dépôt ou à un enregistrement, aux juridictions de l'État contractant sur le territoire duquel le dépôt ou l'enregistrement a été demandé, a été effectué ou est réputé avoir été effectué aux termes d'une convention internationale. À la différence toutefois de l'article 16-3°, l'article 16-4° ne limite pas la compétence exclusive des tribunaux de l'État où la formalité est effectué aux litiges relatifs à la validité de l'inscription, mais l'étend aux litiges relatifs à la validité même du brevet.

 

    La notion de “ litige en matière d'inscription et de validité des brevets ” est interprétée de façon autonome par la Cour de Justice[786]. Selon la CJCE, la compétence de l'article 16-4° s'adresse aux litiges portant sur la validité ou la déchéance d'un brevet, sur l'existence du dépôt ou de l'enregistrement, ou encore sur la revendication d'un droit de priorité au titre d'un dépôt antérieur. Elle ne s'applique pas au litige qui porte sur l'appartenance des droits intellectuels et en matière de contrefaçon.

 

    265.— Enfin selon l'article 16-5°, la compétence des tribunaux de l'État du lieu d'exécution en matière d'exécution des décisions présente un caractère impératif et exclusif. Il en est de même en droit commun des conflits de juridictions lorsqu'une voie d'exécution est pratiquée en France[787], ce qui n'est en rien surprenant. Il s'agit là, en réalité, “ d'une règle universelle, découlant du principe coutumier selon lequel les États ont le monopole de la contrainte sur leur territoire ”[788]. La portée de cette règle doit cependant être précisée. Si, en effet, cette compétence est indiscutablement impérative s'agissant de la mise en œuvre de la mesure d'exécution, il semble que l'autorisation de cette mesure puisse être accordée par un autre juge.

 

    266.— En droit conventionnel européen, la Cour de Justice n'a pas contesté qu'une juridiction française puisse ordonner des mesures conservatoires sur des biens situés en Allemagne[789]. La compétence du juge qui autorise une mesure d'exécution doit alors être fondée sur l'article 24 de la Convention de Bruxelles selon lequel “ les mesures provisoires ou conservatoires prévues par la loi d'un État contractant peuvent être demandées aux autorités judiciaires de cet État, même si, en vertu de la présente Convention, une juridiction d'un autre État contractant est compétente pour connaître du fond ”. Le juge désigné par un accord d'élection de for, compétent “ en vertu de la présente Convention ” et plus précisément en vertu de l'article 17, pourrait donc, par exemple, autoriser une saisie devant être mise en œuvre dans un autre État contractant. Toutefois la Cour de Justice a estimé que les décisions françaises ayant ordonné ces mesures conservatoires ne pouvaient bénéficier du régime de reconnaissance et d'exécution de la Convention de Bruxelles parce qu'il s'agissait de décisions non contradictoires. L'on peut alors se demander si cette circonstance ne réduit pas considérablement la valeur de cette jurisprudence. En effet si, comme M. Théry “ l'on se rappelle que le caractère unilatéral des décisions d'autorisation est pratiquement la règle dans les pays de l'Union européenne, la Cour a privé sa décision de toute portée : de facto, sinon de jure, elle revient à l'article 16-5° puisque l'autorisation ne peut être utilement demandée qu'aux juges du pays dans lequel se trouvent les biens ”[790].

 

    La situation ne paraît pas aussi sûre en droit commun des conflits de juridictions. Les règles de compétence territoriale interne en la matière, issues de l'article 9, alinéa 1er, du décret du 31 juillet 1992, prévoient, à moins qu'il n'en soit disposé autrement, la compétence du juge de l'exécution “ du lieu où demeure le débiteur ou celui du lieu d'exécution de la mesure ”, et précisent, à l'alinéa 2, que “ si le débiteur demeure à l'étranger ou si le lieu où il demeure est inconnu, le juge compétent est celui du lieu d'exécution de la mesure ”. Si l'autorisation par le juge français d'une mesure d'exécution relativement à un bien situé en France n'est guère remise en cause, la compétence internationale des juridictions françaises pour autoriser la saisie d'un bien situé à l'étranger est plus discutée[791]. À supposer qu'elle soit admise, le juge français désigné par un accord d'élection de for devrait alors se reconnaître compétent pour autoriser des mesures conservatoires[792].

 

    267.— La possibilité pour un juge autre que celui de l'État où la mesure d'exécution doit être mise en œuvre d'autoriser une telle mesure est approuvée par une partie de la doctrine au motif qu' “ ordonner ou autoriser la mesure d'exécution ne porte pas atteinte à la souveraineté de l'État sur le territoire duquel se trouvent les biens ”[793]. Mais d'autres auteurs, estimant que “ l'autorisation n'a aucune valeur en elle-même, et ne trouve son sens que par la contrainte qu'elle permet d'exercer ”, considèrent en revanche que l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire ne doit pas être dissociée de la mesure elle-même[794].

 

    De notre point de vue, la compétence du juge élu pour connaître des mesures conservatoires ne devrait pas présenter un caractère exclusif mais concurrent avec le for où doit être exécutée la mesure. À supposer, en effet, que la commodité des plaideurs justifie que le juge désigné par les parties puisse autoriser une mesure d'exécution devant être mise en œuvre dans un autre État, des considérations de bonne administration de la justice commandent de ne pas empêcher le demandeur de saisir le juge de l'État où la mesure doit être exécutée. Du reste “ l'autorisation n'aura de conséquence effective que si l'ordre juridique étranger accepte la mise en œuvre de la mesure ”[795]. Il n'y a alors pas de réel inconvénient à admettre que le demandeur puisse choisir entre le for élu et le for où le mesure d'exécution doit être exécutée.

 

    268.— En revanche, la compétence du tribunal du lieu d'exécution pour ordonner une mesure conservatoire sur un bien situé sur son territoire ne peut être étendue au fond de l'affaire. En droit conventionnel européen, cette solution se déduit de l'arrêt AS-Autoteille Service c/ Malhé dans lequel la Cour de justice a dit pour droit que l'article 16-5° de la Convention de Bruxelles ne permet pas “ de demander devant les juridictions de l'État contractant du lieu d'exécution, par la voie d'une action en opposition à exécution, la compensation entre le droit en vertu duquel l'exécution est poursuivie et une créance sur laquelle les tribunaux de cet État contractant ne seraient pas compétents pour statuer si elle faisait l'objet d'une action autonome ” (motif n° 19)[796]. En droit commun des conflits de juridictions, la Cour de cassation a un temps admis le forum arresti en considérant, dans le célèbre arrêt Nassibian, que les juridictions françaises compétentes pour statuer sur l'instance en validité d'une saisie-arrêt pouvaient éventuellement à cette occasion statuer sur l'existence de la créance invoquée par le saisissant[797]. Elle est revenue sur cette jurisprudence. Désormais, selon la première Chambre civile, “ si les juridictions françaises sont seules compétentes pour statuer sur la validité d'une saisie pratiquée en France et apprécier, à cette occasion, le principe de la créance, elles ne peuvent se prononcer sur le fond de cette créance que si leur compétence est fondée sur une autre règle ”[798]. Sans revenir sur cette évolution, on relèvera qu'il n'était pas sûr, sous l'empire de l'état du droit antérieur, que le forum arresti aurait pu jouer en présence d'une clause d'élection de for, la Cour de cassation ayant précisé que la compétence issue de l'arrêt Nassibian n'existait qu'à la condition qu'une autre juridiction ne fût pas exclusivement compétente pour connaître de l'affaire[799].

 

    269.— S'agissant des mesures provisoires qui ne sont pas aussi des mesures conservatoires, la compétence du juge élu est, en revanche, tout à fait admise. La Cour de cassation a en effet considéré dans l'arrêt C.S.E.E. c/. Sorelec que dans les matières où “ les parties avaient la libre disposition de leurs droits ”, le juge dont les parties étaient convenues pouvait connaître de toute demande “ même celles relevant des attributions du juge des référés ”[800]. Il en est probablement de même en droit conventionnel européen “ puisque l'article 17 de la Convention de Bruxelles ne vise pas l'article 24 comme faisant partie des règles auxquelles les parties ne peuvent déroger contractuellement ”[801]. Le juge élu pourrait ainsi connaître d'une demande de provision, d'une injonction de faire, voire d'une expertise[802].

 

    Toutefois, d'après la Cour de cassation, “ lorsque l'urgence est établie ou que la sécurité des personnes ou la conservation de leurs biens est en péril le juge des référés français est compétent pour ordonner toutes mesures de sauvegarde, même en l'état d'une clause attribuant compétence à une juridiction étrangère pour connaître du litige ”[803]. La compétence des juridictions françaises fondée sur l'urgence — apparue à l'époque où prévalait le principe de leur incompétence pour connaître des litiges entre étrangers — s'avère à ce titre comme étant impérative. Si ce chef de compétence purement international subsiste encore aujourd'hui, il conserve néanmoins un domaine marginal, la compétence des juridictions françaises pouvant être fondée sur d'autres règles de compétence internationale ordinaire[804]. Sa justification n'en demeure pas moins pertinente, l'exclusion de la compétence du juge qui n'a pas été désigné pouvant conduire “ à un déni de justice chaque fois que le juge élu ne sera pas en situation de prendre rapidement une mesure immédiatement applicable à l'affaire litigieuse ”[805].

 

    270.— On relèvera enfin que les accords d'élection de for sont également exclus lorsque l'action concerne une question de nationalité française, l'effet d'un jugement étranger en France ou encore lorsqu'elle porte sur le droit de prélèvement en matière successorale[806].

 

    L'élection de for est par ailleurs expressément exclue par certains textes en matière contractuelle. Ainsi la clause désignant une juridiction étrangère est-elle interdite en matière d'assistance maritime, selon l'article 2 du Décret du 19 janvier 1968, “ lorsque le navire assistant et le navire assisté sont de nationalité française et que l'assistance a été rendue dans les eaux soumises à la juridiction française ”[807]. On mentionnera aussi la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929 relative au transport aérien international dont l'article 32 déclare nulles toutes clauses du contrat de transport et toutes conventions particulières antérieures au dommage par lesquelles les parties dérogeraient aux règles de cette Convention “ par une modification des règles de compétence ”[808].

 

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*   *

 

    271.— Conclusion de la PremiÈre PartieQue la volonté commune des parties constitue un critère de rattachement à un ordre juridictionnel n'est somme toute guère surprenant. D'une manière générale, en effet, les règles de compétence internationale directe sont motivées par des considérations de bonne administration de la justice et de commodité des plaideurs. Le champ d'intervention de la volonté des parties se détermine par la confrontation entre ces deux considérations. Que la bonne administration de la justice soit jugée dans certains cas primordiale et les parties ne pourront élire leur for.

 

    Le souci de garantir l'accès à la justice de la partie faible constitue également une limite à la possibilité pour les parties de choisir leur juge. Si en principe l'élection de for permet de déterminé de la meilleur manière qui soit, par accord de volontés des parties, de la juridiction qui devra être saisie en cas de différend, ce n'est que dans la mesure où cet accord a pu être librement négocié. Que la partie forte abuse de sa position pour imposer un accord qui désavantage la partie faible et l'accès à la justice de cette dernière s'en trouvera compromis. La notion d'accès à la justice apparaît ainsi comme le concept permettant de garantir l'objectif de commodité des plaideurs, et non de l'un d'entre eux, qui justifie l'élection de for.


 

 

 

 

 

 

 

 

DEUXIÈME PARTIE

 

LA MISE EN ŒUVRE

DE l'ÉLECTION DE FOR

 

 

 

 


   

    272.— Après avoir mis en évidence, au travers du principe d'admissibilité de l'élection de for, l'existence d'un chef de compétence autonome fondé sur la volonté des parties, il nous faut maintenant envisager la mise en œuvre de cette règle de compétence. Cette mise en œuvre procède, on l'a vu, d'un accord de volontés par lequel les parties s'engagent à saisir le juge élu. On pourrait donc imaginer qu'en tant qu'acte juridique, cet accord emprunte son régime à la loi que désigne le droit des conflits de lois. Force est pourtant de constater le recul en la matière du procédé conflictualiste au profit de la méthode des règles matérielles de droit international privé. Ce constat impose, après avoir abordé la délicate question de la loi applicable à l'accord d'élection de for (Titre I), d'analyser la réglementation applicable à la validité (Titre II) de cet accord.

 

 

 


 

TITRE I

 

LA LOI APPLICABLE À L'ACCORD D'ÉLECTION DE FOR

 

 

 

 

 

 

    273.— Sans doute n'est-il pas inutile d'insister une fois de plus sur le fait que le domaine de la loi applicable à l'accord d'élection de for ne concerne pas l'admissibilité — qui relève des règles de compétence judiciaire internationale — mais la formation, la validité et les effets de cet accord. Cette précision étant faite, il reste à indiquer selon quel procédé cette loi doit être déterminée ; en d'autres termes à déterminer la méthode de règlement qui parait la mieux convenir eu égard aux objectifs de sécurité et de prévisibilité que poursuit le droit international privé.

 

    La règle de conflit classique étant la méthode par excellence de réglementation des rapports internationaux de droit privé, on pourrait penser qu'elle n'est pas a priori inadaptée en ce qui concerne l'accord d'élection de for. Nous savons que cette méthode consiste à déterminer la loi applicable à un rapport de droit en fonction de la catégorie juridique à laquelle il se rattache. Par conséquent, une fois la qualification de l'accord d'élection de for réalisée, il suffirait de lui appliquer la loi désignée par le critère de rattachement de la catégorie juridique à laquelle il s'incorpore : l'accord d'élection de for étant un contrat, il serait logique de lui appliquer la règle de conflit de lois relative aux contrats.

 

    274.— Des objections ont pourtant été émises à l'encontre de l'application de la lex contractus. Tout d'abord parce que son application aux accords d'élection de for conduit à un morcellement des lois applicables (lois applicables au fond, à la forme, à la capacité, etc.). Ensuite parce que le rôle particulier de ce contrat, qui consiste à mettre en œuvre une règle de compétence, peut laisser penser que les rattachements retenus pour les contrats internationaux ne sont pas nécessairement les plus adaptés. Du reste, si d'autres catégories de rattachement ont été proposées, leur pertinence n'a pas provoqué l'adhésion de la doctrine et de la jurisprudence. La question est complexe au point que certains considèrent qu'en l'occurrence, la méthode savignienne a montré ses limites et que le recours au procédé des règles matérielles lui est préférable.

 

    De fait, si le recours à des règles matérielles est aujourd'hui la solution préconisée par une partie non négligeable de la doctrine, l'on peut constater que la jurisprudence tend à lui attribuer un domaine de plus en plus étendu par rapport au procédé conflictualiste. Certes, pour certains auteurs, ces deux procédés ne sont pas sans liens entre eux dans la mesure où l'applicabilité d'une règle matérielle peut résulter d'une règle de conflit de lois. Mais, quoi qu'il en soit des raisons qui fondent l'applicabilité de la règle matérielle[809], le résultat sera le même. Aussi, dans un premier temps, notre propos consistera à apprécier la pertinence de l'élaboration d'une réglementation matérielle spécifique aux accords d'élection de for dans les relations internationales (Chapitre I). Nous verrons ensuite les raisons pour lesquelles, selon-nous, le procédé conflictualiste doit toujours, dans une certaine mesure, continuer à régir les accords d'élection de for (Chapitre II).


 

CHAPITRE I

 

LE RECOURS À DES RÈGLES MATÉRIELLES

DE DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ

 

 

 

 

 

 

    275.— À la différence des règles de conflit classiques, les règles matérielles de droit international privé sont des règles substantielles de droit interne qui ont pour particularité de s'adresser spécifiquement aux relations internationales[810]. À côte du domaine qui leur était traditionnellement attribué, à savoir celui de la nationalité, de la condition des étrangers et des conflits de juridictions, ces règles ont connu un essor important dans les matières concernant le commerce international. Ce phénomène — qui s'observe pour une grande part dans les conventions internationales instituant des règles substantielles communes aux États contractants[811] et en jurisprudence — tient sa raison d'être non pas tant de l'inadaptation de la méthode conflictualiste classique[812] mais plutôt des droits nationaux internes qui ne conviendraient pas aux opérateurs du commerce international[813].

 

 

    Bien qu'elles aient pareillement pour effet d'écarter la méthode conflictualiste classique, les règles matérielles de droit international privé doivent être distinguées des règles d'application immédiate et de la lex mercatoria. En effet, les lois d'application immédiate sont au départ des règles internes qui, en raison du but qu'elles poursuivent, sont applicables aux rapports juridiques comportant un élément d'extranéïté. Or les règles matérielles sont uniquement destinées aux relations internationales. Il en est certes de même pour la lex mercatoria, où plutôt des leges mercatoria, vocable plus juste car il s'agit d'une catégorie hétérogène. À cette différence toutefois que les leges mercatoria ne sont pas issues des normes étatiques (ou conventionnelles) ou jurisprudentielles mais sont produites par les agents du commerce international[814].

 

    276.— S'il est un domaine qui constitue le terrain de prédilection des règles matérielles internationales et de la lex mercatoria, c'est incontestablement l'arbitrage international.  Ainsi la clause compromissoire, dont l'autonomie a justement été affirmée par la création prétorienne de règles matérielles[815], constitue pour une partie de la doctrine une référence, un “ modèle ” [816] dont devraient s'inspirer les clauses d'élection de for. Il nous semble donc nécessaire de présenter dans un premier temps la manière avec laquelle les règles matérielles dégagées à propos de la clause compromissoire ont évincé les règles de conflit de lois (Section I) afin d'envisager si une telle évolution est souhaitable pour les clauses d'élection de for (Section II).

 

 

 

 

 

 

Section I

L'Éviction de la mÉthode conflictualiste

 en matiÈre de convention d'arbitrage

 

 

    277.— Au départ, la méthode conflictualiste fut utilisée par la jurisprudence afin d'échapper aux règles prohibitives du droit français de l'époque en matière de clause compromissoire. En effet, à la différence du compromis, qui est conclu une fois le litige né, la clause compromissoire, qui est conclue avant la naissance du différend, fut déclarée par la Cour de cassation[817] incompatible avec les exigences de l'article 1006 de l'ancien Code de procédure civile qui imposait de préciser dans le compromis l'objet de la contestation et le nom des arbitres. La loi du 31 décembre 1925 allait toutefois limiter la nullité de la clause compromissoire aux seuls actes mixtes. Mais cette prohibition, justifiée en droit interne par la volonté de protéger la partie faible dans les contrats d'adhésion, était de toute évidence inadaptée aux nécessités du commerce international. Afin de permettre aux parties d'y échapper, la jurisprudence affirma tout d'abord que l'article 1006 de l'ancien Code de procédure civile n'était pas d'ordre public[818]. Il fallait entendre par là l'ordre public international dans sa fonction classique consistant à évincer une loi étrangère désignée par la règle de conflit de lois en raison de sa teneur qui heurte les conceptions du for. Partant, si la convention d'arbitrage était soumise à une loi étrangère validante, la loi française ne pouvait lui être substituée[819]. Et comme la loi applicable à la clause compromissoire était la lex contractus, il était permis aux parties de se soustraire à la prohibition du droit français en choisissant la loi applicable à leur contrat[820]. Il en résultait que, pour l'essentiel, seules restaient tributaires de la prohibition du droit français les clauses de pur droit interne ou celles qui étaient soumises à la loi française en matière d'arbitrage international. La qualification internationale devenait donc déterminante et la Cour de cassation l'employa largement dès lors que le contrat mettait “ en jeu des intérêts du commerce international ”[821], autrement dit au moyen d'un critère économique d'internationalité.

 

    Le procédé des conflits de lois, on le voit, fut donc utilisé pour valider la convention d'arbitrage. Il sera pourtant, pour les mêmes raisons, écarté par la jurisprudence postérieure d'une manière et pour des raisons dont nous allons maintenant rendre compte.

 

1° La jurisprudence Gosset

 

    278.— La première atteinte portée à la méthode conflictualiste classique ne concernait pas directement la loi applicable à la validité de la clause compromissoire mais les effets de la nullité du contrat principal sur cette clause. En droit interne, le contrat principal et la clause compromissoire étaient considérés comme solidaires par la jurisprudence. Il en résultait que l'action en nullité du contrat principal  suffisait  à mettre en cause la validité de la clause compromissoire[822]. Cette jurisprudence fut à juste titre critiquée par la doctrine. MOTULSKY lui reprochait d'ouvrir grandes les portes à toutes les manœuvres dilatoires puisqu'il suffisait d'invoquer n'importe quelle cause de nullité pour paralyser la clause compromissoire et empêcher les arbitres de statuer sur leur propre compétence[823]. Mais s'agissant de l'arbitrage international, le risque que l'invalidation du contrat principal se répercute sur la clause compromissoire était limité par le jeu des conflits de lois. La loi applicable à la nullité du contrat, et aux effets de cette nullité, étant la lex contractus, la clause compromissoire ne pouvait être annulée que si la loi applicable au contrat considérait que la nullité du contrat s'étendait aux stipulations accessoires[824]. Pourtant, de nombreux droits étrangers, ainsi que la Convention de Genève du 27 avril 1961 et les règlements de diverses institutions d'arbitrage, avaient admis la séparabilité de la clause et du contrat principal[825]. Souhaitant écarter l'aléa tenant au procédé des règles de conflit classiques, la Cour de cassation formulera, dans l'arrêt Gosset c/ Carapelli, la règle matérielle de la séparabilité de la clause compromissoire.

 

    En l'espèce, la société Gosset s'opposait à l'exequatur d'une sentence arbitrale italienne qui la condamnait à payer des dommages et intérêts en raison de l'inexécution de ses obligations contractuelles. L'argument invoqué à l'appui de cette demande consistait à dire qu'à défaut d'avoir obtenu une autorisation administrative, le contrat litigieux n'avait pu être exécuté. Ce défaut ayant frappé le contrat de nullité absolue, cette nullité devait s'étendre à la clause compromissoire et par voie de conséquence à l'arbitrage qui s'en était suivi. La Cour de cassation rejeta cette argumentation au motif “ qu'en matière d'arbitrage international, l'accord compromissoire, qu'il soit conclu séparément ou inclus dans l'acte juridique auquel il a trait, présente toujours, sauf circonstances exceptionnelles […] une complète autonomie juridique, excluant qu'il puisse être affecté par une éventuelle invalidité de cet acte ”[826].

 

    La portée de cet arrêt se limite à la seule question des effets de la nullité du contrat sur la clause compromissoire. Compris en ce sens, l'autonomie doit s'entendre comme l'émancipation de la clause compromissoire par rapport au contrat qui la contient. Un tel principe atténue sensiblement la différence entre la clause compromissoire et le compromis en matière d'arbitrage international et sa consécration était souhaitable pour les raisons évoquées précédemment par MOTULSKY. Toutefois, nous ne pensons pas, comme l'expose cet auteur ainsi qu'une partie de la doctrine, que la Cour de cassation ait affirmé que la clause compromissoire et le contrat constitueraient deux actes juridiques distincts[827]. MOTULSKY, pourtant partisan de la thèse des deux negotium, estimait que les “ circonstances exceptionnelles ” auxquelles l'arrêt Gosset faisait allusion[828] pour justifier l'extension de la nullité du contrat sur la clause seraient réunies si l'ensemble était attaqué pour vice du consentement. Il est vrai que dans l'affaire Gosset, la nullité du contrat pour défaut d'autorisation administrative était intimement liée à son objet. Mais s'il peut exister des vices communs, n'est-ce pas reconnaître qu'il y a là un seul et unique contrat ?

 

    On relèvera que, sur le terrain des conflits de lois, le principe de séparabilité exprimé par l'arrêt Gosset n'a pas pour conséquence de soumettre la clause compromissoire à un rattachement différent de la loi d'autonomie ou à une règle matérielle. Cette séparabilité confirme tout au plus la possibilité pour les parties de soumettre la clause compromissoire à une loi différente de celle du contrat principal[829].

 

2° La jurisprudence Galakis

 

    279.— La deuxième atteinte portée contre la méthode conflictualiste a concerné la capacité de l'État à compromettre. Alors que pour les relations internes, les articles 83 et 1004 de l'ancien Code de procédure civile interdisaient à l'État de compromettre, certains arrêts de la Cour d'appel de Paris avaient écarté cette prohibition dans les relations internationales lorsque la loi étrangère applicable au contrat validait la clause compromissoire dans une telle occurrence. Cette position, consacrée par la Cour de cassation dans l'arrêt San Carlo[830], fut abandonnée dans l'affaire Galakis au profit d'une règle matérielle de droit international privé[831]. En l'espèce, l'État français, partie à un litige l'opposant à un armateur grec, avait refusé de participer à l'arbitrage et faisait obstacle à l'exequatur de la sentence néanmoins rendue. Approuvant la Cour d'appel de Paris d'avoir admis la validité de la clause compromissoire, la Cour de cassation a jugé “ surabondant ” le motif qui considérait que la clause compromissoire était valable selon la loi qui régit le contrat et décider que les juges du fond devaient seulement se prononcer sur le point de savoir si la prohibition édictée pour les contrats internes devait s'appliquer aux contrats internationaux. Ainsi l'aptitude de l'État à compromettre ne dépendait ni de la loi applicable au contrat, ni de la loi de la capacité comme le soutenait le pourvoi. En échappant à toute règle de conflit, tout en déclarant inapplicable la prohibition de droit interne, la Cour de cassation semblait bien raisonner en termes de règle matérielle.

 

    En définitive, c'est plutôt le recours à une règle de conflit de lois qui ne s'avérait pas ici adapté. D'éminents auteurs relevèrent qu'il était peu concevable d'admettre qu'une loi étrangère ait vocation à juger de la faculté de l'État français de compromettre[832]. Et de fait, comme le droit interne contenait une règle prohibitive, la reconnaissance de la capacité de l'État à compromettre dans le cadre des relations commerciales internationales rendait nécessaire l'émergence d'une règle matérielle de droit international privé[833].

 

3° La jurisprudence Hecht

 

    280.— La troisième atteinte portée à la méthode conflictualiste a concerné directement la prohibition des clauses compromissoires dans les actes mixtes internationaux soumis à la loi française. Il s'agit de la célèbre affaire Hecht qui donna lieu à deux arrêts abondamment commentés[834].

 

    À la différence de l'affaire Gosset, ce n'était pas la nullité du contrat qui était invoquée mais celle de la clause compromissoire elle-même. En l'espèce un agent commercial, M. Hecht, assigna son mandant, la société Buisman's, devant le tribunal de commerce de Paris. Afin de faire échec à la compétence internationale du tribunal saisi du litige, la société Buisman's invoqua la clause compromissoire insérée dans le contrat d'agent commercial. Formant un contredit contre le jugement ayant favorablement accueilli l'exception d'incompétence, M. Hecht invoqua la nullité de la clause compromissoire au motif que selon la loi française applicable au contrat, une telle stipulation ne pouvait valablement être incluse dans un acte mixte. Au regard des conflits de lois, cette argumentation était en tout point conforme à la jurisprudence qui considérait qu'une clause compromissoire internationale n'était valable que si la lex contractus en admettait la validité. La Cour d'appel de Paris a pourtant rejeté le contredit en soutenant “ que malgré cette référence législative [à la loi française] les parties ont pu exclure l'application de la loi française et adopter une clause compromissoire en dehors des hypothèses où celle-ci l'autorise ; qu'en effet en matière d'arbitrage international l'accord compromissoire, qu'il soit conclu séparément ou inclus dans l'acte juridique auquel il a trait, présente toujours par rapport à celui-ci, sauf circonstances exceptionnelles qui ne sont pas alléguées en la cause, une complète autonomie juridique ; qu'il échet seulement de vérifier si en l'espèce, cette clause compromissoire adoptée par les parties devrait être écartée comme il a été indiqué ci-dessus, soit parce qu'elle serait stipulée dans une matière régie obligatoirement par la loi française, soit parce qu'elle serait contraire à l'ordre public international français ”.

 

    Ce motif n'a pas manqué de surprendre les auteurs. S'il était admis que les parties pouvaient soumettre la clause compromissoire à une loi différente de celle régissant le contrat principal, il ne semblait pas qu'en l'espèce elles aient usé de cette faculté. Dans un tel cas, l'opinion dominante était de considérer que la même loi devait s'appliquer au contrat principal et à la clause compromissoire[835]. Or, si la Cour d'appel de Paris a considéré que la clause compromissoire échappait à la loi française, loi du contrat principal, elle n'a fait aucune allusion à la loi qui lui serait éventuellement applicable et aurait pour effet de la valider. L'arrêt se contente d'affirmer que la compétence de la loi française est exclue parce qu'en matière d'arbitrage international, la clause compromissoire présente toujours une complète autonomie juridique. Si la formule de l'arrêt Gosset était reprise, force est de constater que la Cour d'appel de Paris l'étendait au delà de la simple séparabilité du contrat principal et de la clause compromissoire. Se posait alors la question de la portée de cette affirmation. L'arrêt semblait permettre deux interprétations. D'une part, il était possible de considérer que la volonté des parties se suffisait à elle même, autrement dit que la clause compromissoire constituerait un contrat sans loi dont la seule limite serait les lois d'application nécessaire et l'ordre public international. À supposer que telle fut l'intention de la Cour d'appel de Paris, on relèvera que l'exception d'ordre public international n'était pas utilisée dans sa fonction habituelle, son rôle n'étant pas ici de s'opposer à une loi étrangère compétente mais à une stipulation contractuelle. D'autre part, on pouvait également considérer que dans l'esprit de la Cour d'appel de Paris, il s'agissait d'appliquer une règle matérielle propre à l'arbitrage international.

 

 

    281.— Rejetant le pourvoi formé contre cet arrêt, la Cour de cassation n’a pas pour autant dissipé toutes les incertitudes. Ne reprenant que certains des motifs de la Cour d'appel de Paris, les autres étant considérés comme surabondants, la première Chambre civile a affirmé “ qu'ayant relevé le caractère international du contrat qui liait les parties et rappelé qu'en matière d'arbitrage international l'accord compromissoire présente une complète autonomie juridique, l'arrêt attaqué en a justement déduit que la clause compromissoire devait recevoir application ”.

 

    La formulation utilisée n'est pas sans ambiguïté. Une première lecture confirme le sens nouveau donné par la Cour d'appel de Paris au concept d'autonomie qui vise plus que la séparabilité. Il reste toutefois difficile de se prononcer sur la portée de cette décision dont la concision rend l'analyse délicate. En effet, si l'on suit le raisonnement de la Cour de cassation, la clause compromissoire doit recevoir application parce qu'elle présente une complète autonomie juridique. De prime abord, cette affirmation est pour le moins excessive. Faut-il y voir, comme une interprétation de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris pouvait le laisser penser, l'affirmation selon laquelle la clause compromissoire tirerait sa force obligatoire de la seule volonté des parties ? L'hypothèse du contrat sans loi, formellement condamnée par la Cour de cassation dans l'arrêt Messageries Maritimes[836], fut écartée par la doctrine. Le fait que la Cour de cassation ait jugé surabondant le motif de la Cour d'appel selon lequel la limite à la validité des clauses compromissoires serait les lois d'application nécessaires et l'ordre public international semble aller dans ce sens. En définitive, il semble bien, comme les auteurs l'ont relevé, que l'arrêt Hecht dégage une nouvelle règle matérielle consacrant la licéité de principe de la clause compromissoire en matière internationale. Il est vrai que la Cour de cassation ne fait aucunement référence à la méthode conflictualiste qui semble être abandonnée. Ainsi que l'a écrit OPPETIT, “ la notion de loi de rattachement s'efface totalement ”[837].

 

    282.— Si règle matérielle il y a, la Cour de cassation, comme la Cour d'appel de Paris, n'indique pas sa nature. La doctrine s'est alors demandé s'il s'agissait d'une règle matérielle française dégagée par la jurisprudence ou de l'application d'une règle propre aux relations commerciales internationales, autrement dit d'une lex mercatoria[838]. Selon nous, il ne peut s'agir que d'une règle de droit français. Sans doute peut-on soutenir que le juge est parfois inspiré par la lex mercatoria. Mais à supposer que la règle matérielle énoncée par le juge ait déjà été dégagée par les opérateurs du commerce international, on aurait tort d'y voir une application pure et simple, par le juge étatique, de la lex mercatoria. Nul ne conteste aujourd'hui le rôle créateur de la jurisprudence, considérée comme une source de droit, et dont l'une des actions fondamentales consiste à adapter la règle de droit. Cette adaptation peut aller de la transformation d'une règle à une création de toute pièce. Or il convient de distinguer les créations prétoriennes des sources d'inspiration de ces créations. Le juge peut être inspiré par le droit comparé, par les conventions internationales, par les usages du commerce international, par les pratiques de ses agents, par la doctrine, etc. Mais en tout état de cause, la règle qu'il dégage est une règle de droit français. Pour emprunter les mots de FRANCESCAKIS, “ ce qui parait en revanche traduire de près la réalité, c'est la possibilité pour l'État de déclarer unilatéralement l'insertion d'un principe dans l'ordre juridique international tel que l'État français le conçoit. On est alors en présence de […] règles de droit international étatique. De fait, “ il y va de la constatation d'un usage établi, usage qu'il s'agirait de confirmer ou de consolider en le transposant en impératif légal ”[839]. Partant, une telle règle ne s'appliquera qu'en cas de saisine d'une juridiction française ou bien lorsque la compétence de la loi française sera désignée par la règle de conflit de lois d'un juge étranger saisi du litige[840].

 

    283.— Après avoir évoqué la nature de cette règle, il convient de s'interroger sur l'étendue du principe d'autonomie qu'elle consacre. Un point n'est pas contestable : l'affirmation du principe de la licéité des clauses compromissoires en matière internationale. La règle matérielle dégagée par l'arrêt Hecht recevra application quelle que soit la loi interne applicable[841]. S'affirme donc un régime juridique propre à l'arbitrage international que la réforme réalisée par le décret du 12 mai 1981 viendra consacrer dans le nouveau Code de procédure civile[842].

 

    Mais s'il est acquis que les règles de conflit de lois sont exclues lorsqu'il s'agit de déterminer si les clauses compromissoires internationales sont autorisées dans les actes mixtes internationaux, certains commentateurs s'étaient demandés si la méthode conflictualiste se trouvait complètement évincée, notamment au regard des questions de capacité, de pouvoir, de consentement[843]. A priori, l'exclusion des règles de conflit de lois ne semblait nullement s'imposer[844]. A cet égard, on signalera que les conventions internationales relatives à l'arbitrage international énoncent des règles de conflit de lois[845]. La jurisprudence postérieure à l'arrêt Hecht allait pourtant se diriger dans une direction nettement anti-conflictualiste.

 

    284.— Ce mouvement jurisprudentiel hostile à la théorie des conflits de lois a tout d'abord vu le jour chez des juges du fond pour finalement venir contaminer la Cour de cassation. Cette réaction envers la méthode conflictualiste, qui procède d'une lecture extrême de la notion de “ complète autonomie ” dégagée par les arrêts Gosset et Hecht, sera surtout perceptible au sein de la Cour d'appel de Paris qui affirma, selon les arrêts, que la clause compromissoire était “ valable indépendamment de la référence à toute loi étatique ”[846] ou qu'elle avait “ une validité et une efficacité propres ”[847]. En fait, les formules utilisées par la Cour d'appel de Paris vont au delà d'une simple remise en cause de la méthode conflictualiste. Affirmer que la validité et l'efficacité de la clause compromissoire lui sont propres ou bien qu'elle est valable indépendamment de la référence à toute loi étatique laisse penser qu'elle tire sa force obligatoire de sa propre existence. Le principe d'autonomie alors envisagé représente l'indépendance de la clause compromissoire par rapport à toute norme juridique. Autrement dit, la clause compromissoire en matière d'arbitrage international ne serait soumise à aucune loi. Une telle conséquence est pour le moins excessive et justifie les vives réserves formulées par une partie de la doctrine à l'égard de ces positions jurisprudentielles jugées, à juste titre, intenables par M. MAYER.

 

    À propos de l'indépendance par rapport à toute loi étatique cet auteur estime que “ lorsque la jurisprudence française pose une règle, il s'agit nécessairement — par définition — d'une règle de droit français ; ce n'est pas “ indépendamment du droit français ” que la jurisprudence valide les clauses compromissoires en matière internationale ”[848]. De la même manière, le principe de “ validité et d'efficacité propres ” est également critiquable “ parce que la notion même de “ principe de validité ” est dénuée de sens. Un contrat est valable s'il n'est pas atteint par une cause de nullité ; voudrait-on dire qu'une clause compromissoire n'est pas susceptible d'être nulle pour cause d'incapacité, de vice du consentement, de non-arbitrabilité, etc. ? ce n'est pas   sérieux ”[849]. Ainsi que l'a relevé Mme GAUDEMET-TALLON, “ un acte ne peut-être “ en principe valable ” : il n'est valable que s'il remplit des conditions de fond et de forme posées par une norme logiquement première par rapport à cet acte ; ces conditions peuvent être peu sévères, elles ne sauraient être  inexistantes ”[850]. Ces propos tombent sous le sens. Affirmer qu'une clause est valable abstraction faite de toute loi étatique est une ineptie. Comme tout contrat, la convention d'arbitrage n'est nullement invulnérable. Son efficacité ne peut résulter de sa propre existence. Elle se trouve nécessairement soumise à une norme préexistante qui fixe les conditions dans lesquelles elle peut être conclue[851].

 

    285.— Cette référence au principe de “ validité et d'efficacité propres ” sera par la suite abandonnée sans pour autant que le changement de formulation se traduise par un retour de la méthode conflictualiste[852]. Au contraire, la Cour d'appel de Paris affirmera que la clause compromissoire possède une complète autonomie à l'égard de la loi interne applicable au contrat sous la seule réserve de l'ordre public international[853]. Le sens de cette formule sera approfondi au fil des décisions. Il sera tout d'abord précisé que cette autonomie vise à assurer la pleine efficacité de la clause compromissoire selon la volonté des contractants et que la réserve à l'ordre public international vise notamment l'arbitrabilité du litige[854]. Il sera ensuite indiqué la nature du principe d'autonomie qui sera affirmé en tant que règle matérielle de droit international[855], étant précisé que la validité de la clause compromissoire doit être contrôlée au regard des seules exigences de l'ordre public international[856].

 

4° La jurisprudence Dalico

 

    286.— Si la Cour d'appel de Paris s'est détournée depuis longtemps de la méthode conflictualiste, il faudra attendre l'arrêt Dalico de 1993 pour que la Cour de cassation consacre sans ambiguïté son abandon. En effet depuis l'arrêt Hecht, la Cour de cassation semblait limiter le principe d'autonomie aux seules clauses compromissoires insérées dans les actes mixtes internationaux. Ainsi dans un l'arrêt L & B c/ Cassia,  la première Chambre civile estima que la validité en la forme de la convention d'arbitrage était régie par la loi d'autonomie[857].

 

    Il est pourtant apparu évident, à la fin des années quatre vingt, que la Cour de cassation entendait raisonner en termes de règle matérielle. Cette évolution se dessina en premier lieu à propos des conditions de forme de la clause compromissoire. D'abord, la Cour de cassation sembla abandonner tout formalisme dans l'arrêt Sonetex[858]. Puis, elle fut amenée à se prononcer sur les clauses compromissoires par référence. Ces dernières posent la question de savoir s'il est impératif, lorsque qu'une convention d'arbitrage est contenue dans un document annexe, que le contrat principal mentionne expressément son existence ou si une clause de renvoi général au document contenant la clause suffit. Dans la célèbre affaire Bomar Oil [859], sur laquelle nous reviendrons lorsque nous étudierons les clauses d'élection de for par référence[860], la première Chambre civile a proclamé la validité de la clause compromissoire par référence, même en l'absence de mention dans la convention principale, “ lorsque la partie à laquelle elle est opposée, a eu connaissance de la teneur de ce document au moment de la conclusion du contrat, et qu'elle a, fût-ce par son silence, acceptée l'incorporation du document au contrat ”. En affirmant qu'une clause compromissoire contenue dans un document annexe est valable sans qu'il soit besoin que le contrat principal y fasse spécialement allusion, il était clair que la Cour de cassation formulait une règle matérielle de droit international privé.

 

 

    287.— La question de la clause compromissoire par référence fut une nouvelle foi posée dans l'arrêt Dalico [861] mais l'apport de cette décision se situe ailleurs. En l'espèce, un contrat portant sur la réalisation de travaux relatifs à un système d'évacuation d'eaux usées avait été conclu entre la société danoise Dalico Contractors et la municipalité libyenne d'El Mergeb. Ce contrat mentionnait comme faisant partie intégrante de la convention des conventions-types “ amplifiées ou amendées par une annexe ” et les documents d'appel d'offre. Ces conditions-types, qui étaient signées par les parties, contenaient une clause attributive de juridiction aux tribunaux libyens. Mais l'annexe, qui n'était pas signée, renvoyait à la clause compromissoire insérée dans l'un des documents d'appel d'offre. La société Dalico Contractors, après avoir résilié le contrat, mit en œuvre une procédure d'arbitrage en application de cette clause compromissoire. Le tribunal arbitral prononça trois sentences successives. Il se déclara compétent dans la première, puis ordonna une expertise et, enfin, constata la résiliation du contrat aux torts de la municipalité libyenne qu'il condamna à payer diverses sommes. Un recours en annulation contre ces sentences fut formé par la municipalité qui se fondait notamment sur l'incompétence du tribunal arbitral  en raison de la nullité de la clause compromissoire tant en droit français qu'en droit libyen. Ce recours en annulation fut rejeté par la Cour d'appel de Paris[862] qui procéda en deux temps. Elle estima tout d'abord qu'en raison du principe “ de validité et d'autonomie de la clause compromissoire ”, il n'y avait pas lieu de se référer à la loi applicable au contrat. Puis, elle analysa les différents documents et constata que la clause compromissoire avait été intégrée dans le champ contractuel.

 

    Le pourvoi formé contre cet arrêt fut rejeté par la première Chambre civile au motifs “ qu'en vertu d'une règle matérielle du droit international de l'arbitrage, la clause compromissoire est indépendante juridiquement du contrat principal qui la contient directement ou par référence et que son existence et son efficacité s'apprécient, sous réserve des règles impératives du droit français et de l'ordre public international, d'après la commune volonté des parties, sans qu'il soit nécessaire de se référer à une loi étatique ”. D'autre part, en ce qui concerne le second point relatif à l'analyse et à l'interprétation des documents contractuels, la Cour de cassation s’est retranché derrière le pouvoir souverain des juges du fond qui avaient retenu la commune intention des parties de se soumettre à la clause compromissoire[863].

 

    288.— La première partie de l'attendu de principe de l'arrêt Dalico ne soulève pas a priori de difficultés particulières. La Cour de cassation rappelle l'existence d'une règle matérielle consacrant l'indépendance juridique de la clause compromissoire par rapport au contrat principal qui la contient directement ou par référence. Cette formule permet de penser que l'indépendance à laquelle il est fait allusion n'est autre qu'un aspect de l'autonomie dégagée par l'arrêt Gosset selon laquelle le sort du contrat principal n'affecte pas la convention d'arbitrage qui, du reste, n'est pas obligatoirement soumise à la lex contractus[864]. Le deuxième aspect de l'autonomie au sens de l'arrêt Gosset semble pourtant faire défaut car pour admettre que la convention d'arbitrage n’est pas nécessairement soumise à la même loi que celle qui régit le contrat principal, il faudrait raisonner en terme de conflit de lois. Or, justement, la deuxième partie de l'arrêt Dalico condamne toute démarche conflictualiste. Il convient donc de procéder à une analyse d'ensemble de cette décision.

 

    289.— Sur ce terrain, l'arrêt Dalico est susceptible de plusieurs interprétations. Selon une première lecture, la Cour de cassation aurait entendu affirmer “ qu'en vertu d'une règle matérielle du droit international de l'arbitrage, la clause compromissoire est indépendante juridiquement du contrat principal qui la contient directement ou par référence ”, d'une part, “ et que l'existence et l'efficacité de la clause compromissoire s'apprécient d'après la commune volonté des parties sans qu'il soit nécessaire de se référer à une loi étatique et sous réserve des règles impératives du droit français et de l'ordre public international ”, d'autre part. La conjonction de coordination “ et que ” utilisée par l'arrêt laisserait penser que l'existence et l'efficacité de la clause compromissoire ne relève pas “ d'une règle matérielle du droit international de l'arbitrage ” mais de la seule volonté des parties. Compris ainsi, le sens de cette décision rejoindrait alors l'une des interprétations possibles de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris dans l'affaire Hecht[865] ainsi que le principe de “ validité et d'efficacité propres ” dégagé plus tard par cette même Cour d'appel de Paris dans d'autres affaires[866]. La convention d'arbitrage se présenterait alors comme un contrat sans loi dont la seule limite serait “ les règles impératives du droit français et l'ordre public international ”. La Cour de cassation renouerait ainsi avec la doctrine autonomiste de la fin du XIXe siècle, “ la réserve des règles impératives ne la mettrait même pas en retrait par rapport à eux, car les plus hardis des autonomistes reconnaissaient que le pouvoir créateur de la volonté était limité par la loi ”[867].

 

    Si tel était le cas, la position de la Cour de cassation serait pour le moins inquiétante. C'est qu'en effet, “ le contrat ne peut être source d'obligations que si un système juridique attribue cette conséquence à la rencontre des volontés ”[868]. L'existence et l'efficacité de la clause compromissoire ne devraient en principe résulter que d'une norme préexistante, qu'il s'agisse d'une loi désignée par une règle de conflit de lois ou d'une règle matérielle de droit international privé, et non de la seule rencontre des volontés.

 

    290.— Sous réserve donc “ d'une ambiguïté grammaticale ”[869], il faudrait lire qu' “ en vertu d'une règle matérielle du droit international de l'arbitrage, […] l'existence et l'efficacité de la clause compromissoire s'apprécient d'après la commune volonté des parties sans qu'il soit nécessaire de se référer à une loi étatique et sous réserve des règles impératives du droit français et de l'ordre public international ”. Si cette formulation est déjà plus satisfaisante, elle n'en suscite pas moins la perplexité lorsqu'il est question de déterminer la nature de la règle dégagée par la Cour de cassation .

 

    Une première lecture de l'arrêt donne l'impression que la Cour de cassation n'a pas créé une règle matérielle française inspirée par les usages du commerce international, mais a constaté l'existence d'une règle relevant de la lex mercatoria[870]. En effet, l'expression “ règle matérielle de droit international de l'arbitrage ” laisse penser qu'il s'agit d'une règle appartenant au droit supra-national. Ce sentiment est renforcé par le fait que l'arrêt précise qu'il n'est pas nécessaire de se référer à une loi étatique[871]. Or si la clause compromissoire échappe à toute loi étatique, la “ règle matérielle du droit international de l'arbitrage ” qui prescrit d'en apprécier l'existence et l'efficacité d'après la commune volonté des parties ne peut qu'appartenir à la lex mercatoria. Et comme la Cour de cassation n'a pas compétence pour créer une règle matérielle supra-nationale à valeur universelle, elle ne peut qu'en constater l'existence. Si tel est le sens de l'arrêt Dalico, la Cour de cassation procéderait à nouveau incidemment, mais sûrement, à la consécration du caractère juridique de la lex mercatoria dont la reconnaissance, et plus généralement celle d'un ordre juridique transnational, fait l'objet d'intenses controverses doctrinales. Nous serions même tenté d'ajouter qu'il en renforce la juridicité. On rappellera que dans l'affaire Valenciana[872] où était contestée une sentence arbitrale fondée sur les règles de la lex mercatoria, la Cour de cassation avait estimé que l'arbitre avait statué “ en droit ” dès lors qu'il s'était référé “ à l'ensemble des règles du commerce international dégagées par la pratique et ayant reçu la sanction des jurisprudences nationales ”. Or, l'arrêt Dalico ne subordonne pas la juridicité des règles du commerce international à leur consécration par les jurisprudences nationales. Le caractère juridique de la lex mercatoria découlerait par conséquent de leur propre existence.

 

    Enfin, l'arrêt Dalico, n'écarterait pas définitivement l'application du droit français qui interviendrait a posteriori afin de permettre le contrôle de la régularité de la convention d'arbitrage. C'est ainsi que devraient s'analyser les réserves “ des règles impératives du droit français et de l'ordre public international ” dont le rôle serait nécessairement adapté. Il ne pourrait bien évidement pas être question de réserver l'application “ des règles impératives du droit français ”, en tant que loi de police, ou l'exception d'ordre public international au détriment d'une loi étatique, désignée par une règle de conflit de lois, dont l'application est justement écartée par l'arrêt. Ces réserves ne seraient mises en œuvre qu'à l'égard de la règle supra-nationale qui validerait la clause compromissoire. Tout au plus pourrait-on se demander si le droit français applicable dans ce cas serait le droit interne de l'arbitrage et le droit commun des contrats ou des règles matérielles françaises spécialement adaptées à l'arbitrage international. On ajoutera que la référence faite par l'arrêt à ces réserves ne peut que renforcer l'idée que la règle matérielle applicable à la clause compromissoire est de nature supra-nationale. Il serait pour le moins singulier que les règles impératives du droit français et l'ordre public international s'opposent à la validité d'une clause qui serait par ailleurs régie … par une règle matérielle française.

 

    291.— De prime abord, une telle lecture de l'arrêt ne manque pas de cohérence. Pourtant, la doctrine quasi-unanime rejette l'idée que la règle matérielle à laquelle serait soumise la clause compromissoire puisse être une règle relevant de la lex mercatoria[873]. Mais si certains auteurs sont affirmatifs, comme M. GAILLARD pour qui “ il n'a jamais été question pour la jurisprudence française de prétendre dégager une véritable règle supra-nationale ”[874], d'autres se montrent plus réservés, comme Mme GAUDEMET-TALLON qui estime “ prudent de penser qu'il ne s'agit que d'une règle de droit français ”[875].

 

    Avec M. MAYER, nous souhaitons que ces auteurs aient raison[876]. Tout d'abord parce que, comme l'indique M. LAGARDE, “ dès lors, que l'on prétend insérer dans un ordre juridique étatique les normes et décisions produites ou à produire par l'arbitre, il faut consentir à cet ordre juridique étatique un pouvoir exclusif de détermination de la validité de la clause d'arbitrage qui prive précisément le juge étatique de la juridiction qu'il aurait eu sans elle ”[877]. Or, un tel pouvoir ne peut être exclusif si la détermination de la validité de la clause compromissoire se trouve sous la dépendance de règles issues de la pratique du commerce international.

 

    292.— Mais surtout, la découverte par la Cour de cassation d'une règle matérielle supra-nationale, nous semble bien hasardeuse. Cette règle, si elle existe, prétend régir tous les opérateurs du commerce international qui recourent à l'arbitrage. Il ne peut s'agir d'une règle isolée émanant de tel groupe d'agents du commerce international, de tel organisme professionnel, de telle institution spécialisée dans l'arbitrage international. Une telle règle, qui prétend à l'universalité, ne peut avoir été sécrétée que par la societas mercantorum dont l'existence, compte tenu de l'hétérogénéité des acteurs des relations économiques internationales, est fortement contestée par une partie éminente de la doctrine[878]. Reconnaître l'existence de normes produites par les agents de commerce international est une chose, reconnaître l'existence d'un ordre juridique transnational en est une autre.

 

    Au demeurant, pour que la Cour de cassation applique une règle coutumière du commerce international, il faudrait être certain qu'elle existe véritablement, autrement dit qu'elle emporte une large adhésion. Sans doute, à propos de l'autonomie de la clause compromissoire, dans le sens de la séparabilité, M. SANDERS estima, après avoir étudié le droit comparé et les sentences arbitrales, que l'on devait considérer “ le principe de la séparabilité comme une règle substantielle de droit international ” devant “ être acceptée par les juridictions nationales ”[879], il est en revanche présomptueux de parler d'unanimité à propos de l'existence d'une règle matérielle de droit international soustrayant la clause compromissoire à tout droit étatique pour ne la faire dépendre que de la commune volonté des parties.

 

    En premier lieu, l'analyse de la jurisprudence arbitrale internationale ne permet pas de conclure à la réalité d'un consensus sur une règle matérielle de droit international propre à la clause compromissoire. L'étude des sentences arbitrales publiées révèle, en effet, que si certains arbitres se réfèrent aux usages du commerce international pour examiner l'existence ou l'efficacité de la convention d'arbitrage[880], d'autres procèdent à la recherche de la loi étatique applicable à la clause compromissoire[881] au lieu de se référer à une règle transnationale[882]. L'hétérogénéité des solutions dégagées par les tribunaux arbitraux n'est, à la vérité, guère surprenante. Elle tient à l'absence d'une juridiction arbitrale suprême chargée d'unifier l'interprétation des règles appliquées par les arbitres.

 

    En deuxième lieu, il est douteux qu'une telle règle, qui implique au minimum la validité de la clause compromissoire par référence, soit unanimement reçue en droit comparé[883]. Il est par conséquent difficile de parler à ce sujet d'une convergence des principaux systèmes juridiques étatiques ou d'un “ tronc commun ” des lois nationales dont l'existence serait, à côte des usages du commerce international, l'une des composantes de la lex mercatoria[884].

 

    En troisième lieu, les Traités relatifs à l'arbitrage international n'écartent pas la méthode conflictualiste. On ne peut donc en déduire la présence d'un principe général du commerce international, dégagé par les Conventions internationales, qui ferait dépendre la convention d'arbitrage de la commune volonté des parties.

 

    293.— Il reste alors à se demander pourquoi la Cour de cassation n'a pas cru bon de préciser la nature de cette règle matérielle. Un élément de réponse peut être trouvé dans la communication que le Conseiller ANCEL fit au Comité français de droit international privé. Analysant dans une perspective des plus favorables l'évolution jurisprudentielle devant déboucher sur l'arrêt Dalico de la Cour de cassation[885], ce haut magistrat fut amené à se prononcer sur la nature de la règle matérielle utilisée par la Cour d'appel de Paris avant que la Cour de cassation ne la reprenne à son compte. Selon lui, il s'agit d' “ une règle matérielle  de droit international non liée à l'ordre juridique interne ”[886] ce qui est pour le moins équivoque. Toutefois lors du débat qui suivit son intervention, le Conseiller ANCEL précisa que s'agissant d'une règle proposée par le juge français, cette règle matérielle était une règle de droit français “ à portée internationale ”[887]. Autrement dit, parler d'une règle matérielle de “ droit international de l'arbitrage ” ne constitue qu' “ une façon de présenter les choses ”[888]. L'expression “ droit international de l'arbitrage ” désignerait alors le “ droit français de l'arbitrage international ”[889]. Dans cette perspective, l'arrêt Dalico, loin de faire une application pure et simple d'une règle supra-nationale, consacrerait la création prétorienne d'une règle matérielle de droit français dont le but affiché est de satisfaire les “ besoins ” du commerce international[890].

 

    294.— Si l'on admet que l'arrêt Dalico énonce une règle matérielle française, il convient d'en analyser le contenu. Selon la Cour de cassation, l'existence et l'efficacité de la clause compromissoire s'apprécient d'après la commune volonté des parties sans qu'il soit nécessaire de se référer à une loi étatique. Cette règle présente deux aspects. D'une part, elle exclut, au nom du principe d'autonomie, les clauses compromissoires du domaine des conflits de lois. D'autre part, elle pose un principe général d'existence et d'efficacité des clauses compromissoires.

 

    Mais bien que d'inspiration libérale, un tel principe ne saurait être absolu. C'est pourquoi sont visées les réserves “ des règles impératives du droit français et de l'ordre public international ”. L'utilisation de ces notions ne manque pas de surprendre. Pour Mme GAUDEMET-TALLON, “ les règles impératives du droit français ” interviennent à titre de loi de police[891]. Si tel est le cas, nous avouons ne comprendre en quoi une règle matérielle de droit international privé français pourrait être contraire … aux lois de police françaises, à moins évidement que l'on ait de la règle matérielle proclamée par la Cour de cassation la représentation d'une règle supra-nationale. Quant à “ l'ordre public  international ”, il est certain qu'il ne peut s'agir “ de l'ordre public au sens du droit international privé, en l'absence de règle de conflit désignant une loi nationale susceptible d'être évincée ”[892]. L'on pourrait alors se demander si la Cour de cassation a entendu se référer à un ordre public réellement international, c'est-à-dire transnational[893]. L'ordre public transnational, à cheval entre le droit international privé et le droit international public, est composé pour l'essentiel de principes fondamentaux communs à divers ordres juridiques, voire universels. Il ne nous semble pas que l'ordre public visé par l'arrêt Dalico soit un ordre public réellement international. Si ce concept peut-être utile aux arbitres, qui n'ont pas de for, on ne voit pas en quoi il s'imposerait au juge étatique. D'ailleurs, à propos du contrôle de la reconnaissance ou de l'exécution de la sentence arbitrale, la jurisprudence considère que l'ordre public international visé à l'article 1502-5° du nouveau Code de procédure civile est l'ordre public international français[894]. Du reste, on voit mal ce qu'apporterait de plus le recours à cet ordre public international car, comme le souligne M. SYNVET, “ c'est un ordre public vu à travers le prisme d'une culture juridique qui sera mis en œuvre ”[895].

 

    Pourquoi, dès lors, la Cour de cassation a-t-elle visé l'ordre public international à côte des règles impératives du droit français ? Pour M. GAILLARD, la réserve des “ règles impératives du droit français ” fait double emploi avec celle de “ l'ordre public international ”[896] qui n'est “ qu'une autre manière de dire que l'existence et la validité de la convention d'arbitrage s'apprécient au regard des règles matérielles, certes de source française, mais adaptées aux exigences du commerce international ”[897]. Le contenu de cet ordre public international ne s'en trouve pas pour autant déterminé. Selon M. GAILLARD, l'ordre public international visé par l'arrêt Dalico désigne les règles applicables à l'existence et à la validité de la convention d'arbitrage. Son rôle consiste à évincer les clauses compromissoires conclues dans des conditions dépassant à la fois le minimum et le maximum de libéralisme dont peut faire preuve le droit français[898]. “ L'ordre public international ” rejoint alors la notion classique d'ordre public d'éviction. Ainsi d'après cet auteur, dont les positions rejoignent celles exprimées par le Conseiller ANCEL[899], les questions de vice du consentement (au regard de la jurisprudence française), d'arbitrabilité du litige et certaines questions de capacité et de pouvoir constitueraient des règles d'ordre public international dont la violation entraînerait la nullité de la clause compromissoire ce qui ne serait pas le cas de l'exigence d'un écrit[900].

 

    295.— Si tel est le sens de l'arrêt Dalico, la méthode suivie nous semble pour le moins discutable. Lors de sa communication aux travaux du comité français de droit international privé, le Conseiller ANCEL indiquait qu' “ à défaut de référence à un système de droit étatique quel qu'il soit, il ne subsiste qu'un critère de contrôle, propre à assurer la vérification de la validité de la convention d'arbitrage et son accomplissement dans la sécurité juridique, c'est l'ordre public international ”[901]. Nous avouons ne pas comprendre les raisons pour lesquelles l'élaboration de règles matérielles passe par l'utilisation de la notion d'ordre public international détournée de sa fonction classique[902]. Certes, d'aucuns pourraient objecter que ce phénomène n'est pas nouveau. On se souvient que dans le célèbre arrêt Messageries maritimes[903], la Cour de cassation avait jugé les clauses monétaires dans les contrats internationaux “ en conformité avec la notion française d'ordre public international ”. Si le recours à l'exception d'ordre public international paraissait en l'occurrence n'avoir été “ qu'un moyen de fortune chargé de masquer la naissance d'une règle matérielle de droit international privé ”[904], l'utilisation de cette notion avait été source de confusions et de controverses. Aussi bien, la jurisprudence postérieure délaissa le détour par l'ordre public international et formula en toute clarté une règle matérielle française de licéité des clauses monétaires dans les contrats internationaux[905]. L'emploi de la notion d'ordre public international n'est en rien nécessaire à l'élaboration jurisprudentielle de règles matérielles de droit international privé. On peut d'ailleurs constater que, jusqu'à présent, la jurisprudence ne l'a jamais utilisé lorsqu'elle a créé, puis façonné, le concept d'autonomie de la clause compromissoire. Or, l'emploi de cette notion a pour conséquence, si l'on reprend l'expression de M. MAYER, de rendre flou ce qui devrait être précis. En effet, à supposer que le recours aux règles matérielles soit absolument nécessaire, il eut été préférable que la Cour de cassation élabore des règles précises plutôt que de se référer à une notion vague qui devra rendre compte de toutes les causes de nullité de la convention d'arbitrage[906] et dont le maniement risque fort de conférer au juge un pouvoir d'appréciation très étendu. On peut dès lors craindre que l'utilisation de l'exception de l'ordre public international ne constitue un facteur d'insécurité juridique. Les solutions rendues risquent d'être imprévisibles. Pourtant selon M. GAILLARD, “ la méthode d'inspiration internationaliste ” utilisée par la Cour de cassation est sans doute moins aléatoire que celle consistant à faire dépendre le sort de la convention d'arbitrage d'une règle de conflit de lois[907]. Qu'il nous soit permis d'en douter. Si la difficulté liée à la détermination d'un élément de rattachement propre à la clause compromissoire est somme toute semblable à celle que l'on peut rencontrer en ce qui concerne la clause d'élection de for, avec cette différence toutefois que l'arbitre n'a pas de for, elle n'est pas insurmontable. Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit d'une stipulation accessoire qui doit dépendre par conséquent de la loi régissant le contrat principal. Si la Cour de cassation avait fermement réaffirmé ce rattachement, le droit français aurait été fixé une bonne fois pour toutes et il n'aurait pas été possible d'invoquer un quelconque aléa.

 

    296.— Un autre reproche que l'on peut adresser à l'arrêt Dalico est de manifester un certain impérialisme juridique. Alors que la méthode conflictualiste peut mener à l'application d'une loi étrangère, son abandon au profit d'une règle matérielle française conduit à apprécier l'existence et l'efficacité de la clause compromissoire au regard du seul droit français, même s'il s'agit en l'occurrence d'un droit spécialement élaboré pour les relations internationales. Or, le droit français peut souvent ne présenter aucun lien avec le litige. Les circonstances de fait de l'arrêt Dalico sont à ce sujet éloquentes et ont amené Mme GAUDEMET-TALLON à observer que “ si la règle matérielle est française … était-il logique de l'appliquer à un litige impliquant une entreprise danoise et une municipalité libyenne pour des travaux devant être effectués en       Libye ? ”[908].

 

    M. GAILLARD estime cependant que cet argument n'est pas fondé dans la mesure où, qu'il s'agisse du contentieux de l'annulation ou du contentieux de l'exequatur, il sera toujours question de l'accueil de la sentence dans l'ordre juridique français. Il n'est, dès lors, pas excessif d'apprécier la validité de la clause compromissoire au regard des conceptions retenues par le droit français en matière internationale[909]. L'argument n'est pas dénué de pertinence mais sa portée nous semble se limiter aux conditions d'admissibilité de la convention d'arbitrage. Si l'ordre juridique français est au premier chef intéressé lorsqu'il faut déterminer si les parties peuvent recourir à l'arbitrage, cela ne nous semble pas être le cas lorsqu'il s'agit d'apprécier si, en tant que contrat, la convention d'arbitrage est valable. M. GAILLARD exclut pourtant tout recours à la méthode conflictualiste. Cet auteur considère que l'application d'une loi nationale déterminée par les règles de conflit françaises, qui trouvent la seule justification de leur application dans l'existence d'un recours en annulation ou d'une demande en annulation, peut ne pas correspondre aux hypothétiques prévisions des parties[910]. Mais alors, si l'on trouve contestable l'application d'une règle de conflit française pour la seule raison qu'un recours en annulation ou une demande d'exequatur ont été formés devant le juge français, il devrait en être de même pour l'application des règles matérielles françaises. Dans un cas comme dans l'autre, il est toujours question de droit français[911]. Le recours à la méthode conflictualiste serait contraire aux prévisions des parties ? Mais si les parties ont prévu une clause d'electio juris, le fait que le juge français, saisi d'une sentence n'ayant aucun rapport avec la France, applique une règle matérielle française déjoue certainement leurs prévisions.

 

    297.— Ces propos traduisent en définitive la crainte que la règle de conflit désigne une loi nationale hostile à l'arbitrage. En souhaitant recourir à l'arbitrage, les parties n'ont pas souhaité que leur clause compromissoire soit annulée par une loi manifestant de la défiance à l'égard de cette institution. C'est pourquoi il est jugé préférable qu'en toute circonstance, la convention d'arbitrage soit soumise à des règles matérielles françaises plus libérales.

 

    L'arbitrage est sans doute aujourd'hui le mode de règlement privilégié des opérateurs du commerce international. Que la jurisprudence se prononce, pour d'évidentes raisons pratiques liées au fonctionnement de l'arbitrage, en faveur de la licéité de la convention d'arbitrage constitue certainement une évolution positive de notre droit du commerce international. On ajoutera qu'en ce qu'elle concerne la compétence judiciaire internationale, il est logique que cette question ne relève pas du procédé du conflit de lois. Rien de ce point de vue ne devrait distinguer la convention d'arbitrage de la convention d'élection de for. La distinction entre la licéité, d'une part, et la validité, d'autre part, devrait être commune à des deux conventions relatives à la compétence[912].

 

    En revanche, les conditions de validité relatives à l'accord de volonté des parties nous semblent difficilement compatibles avec une élimination totale de la méthode conflictualiste. La principale raison que les auteurs invoquent pour expliquer l'émergence des règles matérielles de droit international privé est l'inadaptation des droits internes aux relations internationales[913]. Cette inadaptation, associée à la méthode conflictualiste, peut conduire à l'application de règles rigides prohibant ou limitant considérablement la possibilité de compromettre. Cette inadaptation ne saurait cependant être totale. À supposer que l'on considère, avec M. MAYER, que les vices du consentement ne présentent aucune particularité en matière internationale, aucune raison ne justifierait de soustraire les conditions de validité et d'opposabilité de la convention d'arbitrage à la lex contractus[914]. Ainsi, la mise en œuvre du procédé des conflits de lois ne portera pas atteinte aux prévisions des parties car elle ne concernera pas le principe même de la soumission du différend à l'arbitrage. La loi désignée ne sera pas interrogée pour savoir si telle partie peut recourir à l'arbitrage mais pour déterminer, par exemple, si les conditions du dol sont réunies.

 

    298.— Certains critiquent la méthode conflictualiste pour une autre raison liée à la difficulté qu'il y aurait à déterminer un rattachement pertinent en matière de convention d'arbitrage. On évoque à ce sujet la difficulté de localiser la convention d'arbitrage en l'absence de clause d'electio juris. L'hésitation est notamment permise entre la loi du siège de l'arbitrage, la loi du lieu de conclusion, la lex fori, la loi du ou des fors évincés[915]. Un rattachement approprié nous semble pourtant s'imposer en la loi du contrat principal, qu'elle soit ou non déterminée au moyen d'une clause d'élection de droit.

 

    299.— L'arrêt Dalico constitue par conséquent une évolution contestable de la jurisprudence française de l'arbitrage international. Il nous semble poser plus de problèmes qu'il n'en résout.  Il est sans doute plus “ commode ” pour les praticiens de l'arbitrage de voir consacrer la toute puissance de la volonté des parties avec comme seule limite la loi française. On peut d'ailleurs se demander si sous couvert d'internationalisme, la Cour de cassation ne fait pas autre chose que de justifier la compétence du droit interne, autrement dit de la lex fori, dont les règles matérielles tirées de “ l'ordre public international ” ne pourront que s'inspirer. La notion même de droit international privé, dont le but ici aurait été de conduire à la loi la plus à même de régir la convention d'arbitrage, en sort affaiblie.

 

    L'évolution de la jurisprudence postérieure à l'arrêt Dalico renforce malheureusement les inquiétudes que l'analyse de cette décision avait pu susciter. D'un côte, la Cour de cassation paraît confirmer l'interprétation que la majorité de la doctrine avait pu faire de cette décision, celle de l'élaboration d'une règle matérielle propre à la validité de la clause compromissoire. Ainsi dans l'arrêt Meglio c/ V2000 que nous avons déjà évoqué à propos des litiges de consommation[916], la Cour de cassation approuve une Cour d'appel d'avoir exactement déduit que “ la clause  compromissoire devait recevoir application en vertu de l'indépendance d'une telle clause en droit international sous la seule réserve des règles d'ordre public international ”[917]. Par rapport à l'arrêt Dalico, on relèvera que la réserve des “ règles impératives du droit français ”, source de confusion, est abandonnée.

 

    Mais, d'un autre côte, la Cour de cassation paraît dans deux décisions plus récentes dissiper le doute qu'une première lecture de l'arrêt Dalico avait laissé planer : celui d'une conception purement autonomiste selon laquelle la commune volonté des parties se suffirait à elle-même. Ainsi sans un premier arrêt Zanzi, la Cour de cassation se réfère au “ principe de validité de la clause d'arbitrage international, sans condition de commercialité ”[918]. De prime abord, cette expression pourrait laisser penser que le terme “ validité ” désigne en fait le principe de licéité de la convention d'arbitrage. Cette solution ne serait pas différente de celle qui avait été consacrée par l'arrêt Hecht, si ce n'est que le concept  “ d'autonomie ” qui en constituait jusqu'à présent le fondement aurait été abandonné, ce qui serait somme toute satisfaisant compte tenu de l'ambiguïté entourant cette expression. En admettant cependant que ce “ principe de validité ”  désignerait en définitive un “ principe de licéité ”, “ c'est d'un principe non assorti d'exceptions qu'il pourrait ici s'agir ” puisqu'il suffirait “ pour que la clause compromissoire soit licite, que l'on soit en matière internationale ”[919]. Il n'est cependant pas impossible que l'expression “ principe de validité ” utilisée par la Cour de cassation se réfère bien à la formation de la convention d'arbitrage et non à son admissibilité. En effet, dans un autre arrêt rendu le même jour, la Cour de cassation affirme que la clause d'arbitrage international est “ valable par le seul effet de la volonté des contractant ”[920]. Il est encore trop tôt pour savoir si cette solution constitue un arrêt d'espèce ou si elle exprime désormais la religion de la Cour de cassation. Si tel était malheureusement le cas, elle en serait, pour des raisons que nous avons déjà exposées, profondément discutable.

 

 

Section II

Une Évolution souhaitable

pour la convention d'Élection de for ?

 

 

    300.— Une partie de la doctrine suggère aujourd'hui de faire dépendre les clauses d'élection de for — à l'instar des clauses compromissoires — de règles matérielles de droit international privé. Telle est l'opinion notamment de Mme GAUDEMET-TALLON qui propose l'abandon de la méthode conflictualiste en faveur d'une réglementation matérielle validante[921]. Une telle règle, qui poserait le principe de la validité des clauses attributives de juridiction en matière internationale sans qu'il y ait besoin de rechercher la loi applicable, ne signifierait pas que toute condition de validité soit exclue. Ainsi par exemple, l'exigence d'un consentement non vicié subsisterait : par conséquent la clause serait nulle si elle ne figurait pas de façon apparente dans le contrat et aurait été, de ce fait, ignorée du cocontractant. Mais on éviterait la recherche de la loi applicable et le juge saisi apprécierait directement si pour la clause, le consentement a été vicié ou non[922].

 

    Les raisons invoquées pour justifier l'abandon de la méthode conflictualiste sont multiples. Outre les difficultés liées à la détermination d'un rattachement, c'est l'idée même du recours aux règles de conflit de lois qui est jugé inadaptée. Obliger le juge à rechercher la loi applicable au fond du contrat avant de se prononcer sur sa compétence n'est pas une solution idéale. De plus, si la loi régissant le contrat principal annule ce contrat, il n'est pas forcément opportun d'en déduire la nullité de la clause d'élection de for dans la mesure où les règles de droit international privé sur la compétence et celles visant le fond répondent à des préoccupations différentes si bien que la nullité du contrat ne doit pas rejaillir systématiquement sur la clause. Au surplus, cette indépendance de la clause attributive de juridiction par rapport au contrat principal peut encore se justifier par l'idée que les causes de nullité du contrat principal n'ont souvent aucune pertinence à l'égard de la clause. Ainsi, appliquer à la validité de la clause la loi d'autonomie, et donc généralement la loi du contrat, ne parait pas déboucher automatiquement sur la conclusion que si la loi annule le contrat, elle annule la clause. Dès lors, la rechercher de la loi applicable à la clause peut sembler un peu vaine[923].

 

    301.— D'autres auteurs se sont également prononcés pour la reconnaissance d'une véritable règle matérielle propre à la clause d'élection de for qui s'inspirerait du régime de la clause compromissoire[924]. Ainsi, M. AUDIT estime concevable de procéder directement par voie de règles matérielles plutôt que de rechercher la loi applicable à la clause d'élection de for, ce qui d'après cet auteur susciterait de considérables difficultés[925].

 

    Ce courant doctrinal a été systématisé par Mme BLANCHIN[926] qui a proposé de calquer, avec quelques adaptations, le régime juridique de la clause d'élection de for sur celui de la clause compromissoire. Les motifs de rapprochement suggérés par cet auteur se fondent sur des considérations tant théoriques que pratiques.

 

    302.— Sur un plan théorique[927], Mme BLANCHIN observe tout d'abord une proximité de nature entre ces deux contrats de compétence. L'un comme l'autre présenteraient une double nature juridique[928], contractuelle d'une part, juridictionnelle d'autre part car contenant en germe un mécanisme attributif de compétence. De cette similitude de nature découlent des problèmes similaires dus à l'objectif particulier poursuivi par ces deux types de clauses. Ainsi, la question du lien avec le contrat principal se pose en des termes identiques. De la même manière, la détermination de la loi applicable à l'une comme à l'autre est délicate à cerner du fait de la pluralité des critères de rattachement. Au demeurant, la particularité de ces stipulations contractuelles permet de s'interroger sur l'utilité de les soumettre à un régime qui leur serait propre, ce qui conduit à se demander si le système crée afin de répondre aux besoins de la convention d'arbitrage pourrait être transposé tel quel pour la clause d'élection de for. Pour autant, Mme BLANCHIN n'ignore pas les particularités de la clause attributive de juridiction. Alors que la convention d'arbitrage soustrait le litige à tous les tribunaux étatiques, la clause d'élection de for opère un transfert de compétences entre deux ou plusieurs États au profit de la juridiction élue, ce qui peut être paradoxalement plus durement ressenti par le juge exclu dans la mesure où le pouvoir judiciaire est une manifestation de sa souveraineté. Au surplus, l'aspect procédural est a priori plus marqué pour les clauses d'élection de for car elles participent au fonctionnement du service public de la justice en répartissant les chefs de compétence entre des organes juridictionnels alors que les clauses compromissoires sont avant tout la manifestation de la prérogative individuelle qu'est la liberté d'organiser sa propre justice. Ces objections ne sont toutefois pas jugées dirimantes par Mme BLANCHIN qui observe par ailleurs un rapprochement général entre la justice étatique (qui “ s'arbitralise ” du fait de la collaboration des juridictions étatiques au bon fonctionnement de l'arbitrage) et l'arbitrage (qui tend à se juridictionnaliser en raison notamment de “ l'institutionnalisation ” des organismes d'arbitrage).

 

    303.— Sur un plan pratique[929], Mme BLANCHIN relève que les clauses d'élection de for offrent des possibilités proches des avantages généralement attribués aux conventions d'arbitrage. Elles présentent une même réponse aux exigences de prévisibilité et de sécurité du commerce international (en fixant d'emblée le tribunal éventuellement appelé à connaître du litige ou en décidant de recourir à l'arbitrage, les parties limitent les risques de contestation sur la compétence). Elles répondent alors à un même besoin d'efficacité renforcée dans les relations internationales ce qui justifie, afin d'éviter que la clause d'élection de for puisse être remise en cause à tout moment, l'élaboration pour ces dernières d'une réglementation protectrice inspirée de celle développée dans le cadre de l'arbitrage.

 

    304.— Pour toutes ces raisons, Mme BLANCHIN estime nécessaire la consécration d'un principe d'autonomie de la clause d'élection de for proche du régime existant en faveur de la clause compromissoire. Il s'en suivrait que la clause d'élection de for devrait être indépendante tant à l'égard du contrat principal qu'à l'égard des conflits de lois. L'indépendance à l'égard du contrat principal souhaitée par Mme BLANCHIN s'inspire de la jurisprudence Gosset. La clause d'élection de for serait immunisée contre les vices du contrat et pourrait être régie par une loi autre que celle régissant le contrat[930].

 

    En ce qui concerne l'indépendance à l'égard des conflits de lois[931], Mme BLANCHIN  souhaite l'élaboration d'un système de règles matérielles propres à la clauses d'élection de for. Le but affiché consiste à garantir l'efficacité des clauses d'élection de for par l'adoption de normes validantes. Une réglementation matérielle serait utile dès lors qu'aucun critère de rattachement ne donne pleinement satisfaction. Elle permettrait également au juge de résoudre un conflit de lois avant de se prononcer sur sa propre compétence. L'éviction des conflits de lois constituerait ainsi l'instrument permettant la réalisation des objectifs des clauses d'élection de for. Le risque de l'application d'un droit étranger rigoureux sera écarté et la protection de la clause d'élection de for assuré chaque fois que son efficacité serait contestée dans l'ordre juridique français.                Mme BLANCHIN souhaite toutefois que la validité des clauses d'élection de for soit contrôlée par des limites impératives afin d'éviter qu'elles soient employées abusivement à l'encontre des intérêts de l'État français ou de ceux de la partie la plus faible. Enfin, Mme BLANCHIN suggère de conserver le raisonnement conflictualiste pour combler les lacunes du système matériel. Compte tenu de la lente élaboration des règles matérielles par la jurisprudence, il y aura lieu de traiter les questions non résolues par les tribunaux sous l'angle conflictuel. De surcroît, Mme BLANCHIN estime difficilement réalisable, dans certains domaines, le remplacement des règles de conflit de lois par des règles substantielles. Tel est le cas des questions de pouvoir et de capacité ainsi que des conditions générales de formation des actes juridiques.

 

    305.— En dépit de l'intérêt de ces suggestions, nous avouons ne pas être convaincu par la nécessité de mettre à l'écart la méthode conflictualiste. Notre propos n'est pas de défendre avec acharnement le procédé des conflits de lois. Ce procédé existe avec d'autres — unilatéralisme, lois de police, règle matérielle — et l'on ne devrait pas, selon FRANCESCAKIS, “ hésiter à le sacrifier au profit d'un autre, l'essentiel du droit international privé étant non pas de distribuer on ne sait quelle manne des relations internationales aux droits étatiques internes qui y trouveraient leur compte, mais bien d'aboutir à un élément juste et efficace des relations internationales ”[932]. Si l'on s'accorde toutefois à considérer que “ l'objectif essentiel du droit international privé est la sécurité et non pas la justice ; [qu'] il doit fournir non la réglementation la plus juste ou la mieux adaptée, mais celle dont l'application en l'espèce est la plus conforme aux prévisions des  parties ”[933], alors il nous apparaît évident que le recours aux règles matérielles n'est pas la solution la plus adéquate en matière d'accord d'élection de for.

 

    La raison en est que les règles matérielles de droit international privé sont des règles françaises. L'application des règles matérielles françaises dépendra par conséquent de la saisine des tribunaux français. Elle ne sera donc pas déterminable à l'avance, sauf si le juge français est le juge désigné et à la condition qu'il soit effectivement saisi du litige. En revanche, si les tribunaux français sont saisis alors que la clause désigne un juge étranger, il est incontestable que les prévisions légitimes des parties auront été déjouées. L'éviction totale des règles de conflits de lois se doublera en conséquence d'une insécurité juridique et d'un encouragement au forum shopping. L'accord d'élection de for, en effet, met en présence les ordres juridiques du for élu, du for exclu et du for confronté au jugement rendu en conformité ou en violation de cet accord. Or si l'on se place “ dans le cadre de ces relations inter-étatiques ”, la solution qui voudrait que l'accord d'élection de for soit soumis uniquement à des règles matérielles “ conduirait plutôt à accentuer les différences entre les États ayant à apprécier la clause attributive de juridiction ”[934]. Il apparaît ainsi qu'aucune harmonie des solutions ne peut donc être dégagée si chaque for adopte sa propre réglementation matérielle relativement à l'accord d'élection de for.

 

    306.— L'éviction de la méthode des règles matérielles ne concerne évidement pas la question de l'admissibilité de l'élection de for. Le fait de savoir si, et à quelles conditions, la volonté commune des parties peut constituer un critère de rattachement à un ordre juridictionnel ne peut être soumis qu'à une réglementation matérielle. Cette question, en effet, relève des règles de compétence judiciaire internationale qui, par essence, sont des règles matérielles. En ce sens, le recours à la méthode conflictualiste pour régir la formation et les effets de l'accord de volonté des parties, considérée comme un critère de compétence, ne remet pas en cause le principe selon lequel la compétence internationale directe doit être indépendante du conflit de lois. Ce principe signifie uniquement que le rattachement d'un litige à un ordre juridictionnel ne peut dépendre d'une loi étrangère dans la mesure où seules les règles de compétence internationale d'un État sont à même de décider si l'affaire relève où échappe à la compétence des tribunaux de cet État. Or, une loi étrangère qui invaliderait un accord d'élection de for ne déciderait pas du principe même de la compétence du for élu. Dès lors, la loi applicable à l'accord d'élection de for ne sera pas consultée en ce qui concerne l'admissibilité de cet accord — les dispositions éventuellement prohibitives qu'elle contiendrait à cet égard ne seraient pas ainsi appliquées — mais uniquement sur le fait de savoir si l'accord de volontés a été valablement formé. La crainte qu'un droit étranger déclare l'accord d'élection de for illicite s'en trouve écartée.

 

    Cependant, au regard de l'objectif de sécurité que poursuit le droit international privé, il nous paraît préférable dans une hypothèse envisagée en matière de convention d'arbitrage dans l'arrêt Gosset. de retenir une règle matérielle plutôt que de s'adresser à une règle de conflit de loi. Il est en effet conforme aux prévisions de parties que le juge élu ne s'estime pas incompétent au motif que le litige dont il est saisi se rapporte à la nullité du contrat dans lequel se trouve insérée la clause d'élection de for, dès lors qu'un tel litige est compris dans le champ d'application de cette clause. Cette exception, toutefois, ne devrait s'appliquer que dans le cas où le juge est saisi d'une demande de nullité. Il nous semble qu'il devrait pouvoir être possible d'invoquer les vices affectant le contrat si la nullité de la clause d'élection de for est invoquée par le défendeur[935]. Il faudra alors appliquer la loi applicable à cette nullité.

 

    307.— Ce risque d'atteinte aux prévisions des parties quant au droit applicable n'existe véritablement que si l'on se place sur le terrain du droit commun des conflits de juridictions. Il disparaît en revanche dans le cadre du droit conventionnel européen dès lors que le juge saisi, qu'il soit élu ou exclu, appliquera à l'accord d'élection de for les mêmes conditions de validité prévues à l'article 17 des Conventions de Bruxelles et de Lugano. Ces conditions, cependant, ne concernent que la forme. Ce texte ne résout pas tout et reste notamment muet en ce qui concerne les questions de validité au fond, de capacité ou de pouvoirs. Ces questions devraient par conséquent être résolues par le droit international privé du for saisi du litige[936]. Certes, la CJCE ne s'est jusqu'à présent jamais prononcée sur la loi applicable à l'accord d'élection de for. Elle a pourtant eu recours au procédé conflictualiste pour trancher la question de l'opposabilité aux tiers de la clause stipulée dans un connaissement[937] ce qui permet de penser que les questions non tranchées par l'article 17 doivent être résolues d'après la méthode du conflit de lois.

 

    L'on peut toutefois se demander si désormais, la Cour de Justice ne souhaiterait pas faire dépendre l'entière question de la formation de l'accord d'élection de for de l'article 17 de la Convention de Bruxelles. Déjà, la CJCE a jugé dans l'affaire Elefaten Schuh c/ Jacqmain[938] que les États contractants n'avaient pas la liberté de prescrire d'autres exigences de forme que celles prévues par la Convention. Allant plus loin, l'Avocat général Lenz dans ses conclusions dans l'arrêt Custom made c/ Stawa a soutenu que “ l'article 17 définit de manière exhaustive les exigences en matière d'accord matériel des volontés ainsi que les formes nécessaires pour garantir ces exigences ”[939]. De lege lata, il peut sembler que “ l'exhaustivité attribuée à l'article 17 est un leurre ”[940] dans la mesure où, comme on l'a vu, l'article 17 n'aborde pas l'ensemble des questions relatives à la formation de l'accord d'élection de for. Cependant dans l'arrêt Benincasa c/ Dentalkit, la Cour de Justice affirme qu' “ une clause attributive de juridiction, qui répond à une finalité procédurale, est régie par les dispositions de la Convention, dont l'objectif est la création de règles uniformes de compétence judiciaire internationale. En revanche, les dispositions matérielles du contrat principal, dans lequel est insérée la clause, ainsi que toute contestation concernant la validité de celui-ci sont régies par la lex causæ qui est déterminée par le droit international privé de l'État du for ” (motif n° 25)[941]. L'on peut penser, avec M. Bischoff, que par ce motif, la CJCE entendrait “ abstraire la clause attributive de juridiction de toute sujétion à l'égard de n'importe quel droit national ”[942]. Toutefois, la Cour de Justice n'était en l'occurrence pas directement saisie de cette question de sorte que le dispositif de son arrêt ne l'aborde pas formellement. Il apparaît, dans ces conditions, difficile d'être affirmatif, si ce n'est en pour indiquer que les termes employés par la CJCE ne sont pas éloignés d'une certaine réalité en ce qui concerne la formation de l'accord d'élection de for. Comme nous serons amené à le constater lorsque nous étudierons les conditions de validité de l'accord d'élection de for, la Cour de justice confère à l'article 17 de la Convention de Bruxelles une portée qui s'étend au delà du formalisme dès lors que ce texte doit permettre au “ juge saisi d'examiner si la clause a effectivement fait l'objet d'un consentement entre les parties ”[943]. La distinction entre le fond et la forme devient incertaine. C'est ainsi que l'article 17 sert de support à l'élaboration prétorienne de conditions relatives à la rencontre des volontés.

 

    De lege ferenda, la prolifération de ce mouvement présenterait “ l'intérêt d'uniformiser la situation des États contractants qui, jusqu'à présent, se réfèrent pour la formation de la convention d'élection de for à des règles de conflit de lois différentes ”[944]. Mais si un tel mouvement n'est pas condamnable, ce n'est que dans la mesure où seules les relations intra-communautaires sont concernées. Lorsqu'en revanche la clause désigne un État tiers, la méthode conflictualiste est la seule qui, de notre point de vue, permet de garantir les prévisions des parties.

 

    308.— Certains, pourtant, considèrent que les difficultés qu'il y aurait à déterminer un rattachement adéquat à l'accord d'élection de for justifieraient l'abandon de la méthode conflictualiste. Cette question, assurément, est délicate. Sa résolution ne nous semble pas cependant insurmontable, comme nous allons maintenant nous efforcer de le démontrer.


 

CHAPITRE II

 

LE RECOURS À LA MÉTHODE CONFLICTUALISTE

 

 

 

 

 

 

    309.— La détermination de la loi applicable aux accords d'élection de for soulève des questions théoriques d'une grande complexité. Il s'agit, selon la doctrine la plus autorisée, de “ l'un de ces irritants problèmes de droit international privé qui, à ce jour, n'a pas encore trouvé de solution satisfaisante ”[945]. L'entreprise est assurément délicate au point qu'elle découragea en son temps les négociateurs de la Convention de La Haye sur les accords d'élection de for qui, compte tenu des difficultés soulevées par cette question, préférèrent laisser au droit international privé des États contractants le soin d'y répondre.

 

    Il convient, au vu de cette complexité, d'avancer progressivement dans l'étude de la loi applicable aux accords d'élection de for. Ainsi, l'examen des problèmes de conflit de lois soulevés par ces derniers suppose au préalable d'examiner les méthodes envisageables (Section I). Nous annoncerons ensuite la règle de conflit dont nous préconisons l'adoption (Section II).

 

 

Section I

Les rÈgles de conflit envisageables

 

 

    310.— Parmi les théories élaborées à partir de la méthode conflictualiste classique, on observe une distinction entre celles qui proposent un rattachement unique (§1) et celles qui se fondent sur l'application cumulative de deux lois (§2). Cette différenciation appelle quelques explications. Lorsque nous parlons de règle de conflit à rattachement unique, nous n'entendons pas nécessairement la situation où une seule loi va régir l'élection de for dans son intégralité. Il se peut en effet que plusieurs règles de conflit comportant un rattachement unique s'appliquent à des domaines différents de ce contrat (capacité, fond, forme). Cette situation doit être distinguée de celle où une règle de conflit unique comportant plusieurs rattachements désigne plusieurs lois s'appliquant cumulativement à un même domaine.

 

§1 - Les solutions de conflit fondées sur un rattachement unique

 

    311.— Parmi les solutions de conflit fondées sur un rattachement unique, certaines font référence à la loi nationale des parties (A/), d'autres à la lex fori (B/) ou à la loi d'autonomie (C/).

 

    A/ La loi nationale des parties

 

    312.— La loi nationale des parties pourrait être envisagée comme critère de rattachement si l'on avait de la compétence internationale l'idée d'“ un lien entre le pouvoir national et le sujet de ce pouvoir, c'est-à-dire le national lui même ”[946]. Cette conception n'est pas sans rappeler la règle du “ juge naturel ” de l'ancien droit qui considérait la juridiction “ comme un aspect de l'autorité du souverain sur le sujet ”[947] et dont les articles 14 et 15 du Code civil seraient la traduction[948]. Il y aurait ainsi, comme l'exprime BARTIN, “ un rapport naturel entre la nationalité d'une personne et le pouvoir juridictionnel des tribunaux dont elle relève ”[949]. L'existence de ces privilèges de juridiction fondés sur la nationalité des plaideurs justifierait alors l'application de la loi nationale aux accords d'élection de for. À partir du moment où l'on considère que “ la nationalité entraîne la compétence naturelle des juridictions nationales[950] on sera très naturellement conduit, “ lorsque cette compétence est fixée par les plaideurs eux-mêmes au moyen d'une prorogation volontaire de juridiction, à faire régir cette prorogation par la loi nationale ”[951].

 

    313.— Ce rattachement encourt néanmoins de vives critiques. À supposer tout d'abord qu'il soit adopté, les difficultés de détermination de la loi applicable n'auront pas pour autant disparues si les plaideurs n'ont pas la même nationalité (ou, pour compliquer l'exemple, si l'un d'eux, voire les deux, ont deux nationalités ou sont apatrides). Il faudra à ce moment-là préciser si les lois nationales en question seront appliquées cumulativement, distributivement ou alternativement (application de la loi nationale du demandeur ou du défendeur ?). Aucune des branches de cette alternative ne parait pleinement satisfaisante[952].

 

    Mais surtout, l'idée selon laquelle la compétence internationale serait la manifestation du pouvoir de l'État sur ses sujets, si elle a, de toute évidence exercé une influence sur le droit français, ne correspond plus, comme le montre Mme GAUDEMET-TALLON, à la réalité. Si la compétence constitue bien cette “ relation entre le titulaire d'un pouvoir et le sujet de ce       pouvoir ”[953], ce pouvoir est plutôt perçu comme le pouvoir juridictionnel considéré en soi, in abstracto, que comme le pouvoir étatique exercé à l'égard des nationaux. Aujourd'hui, le droit des conflits de juridictions se trouve pour une grande part détaché de la nationalité des plaideurs. Les articles 14 et 15 du Code civil ne jouent plus actuellement qu'un rôle subsidiaire face à la compétence de principe, qualifiée d'ordinaire (ou de droit commun), constituée par les règles internes de compétence territoriale transposées à l'ordre international. Leur caractère exorbitant ou privilégié en font d'ailleurs les “ dispositions les plus décriées de notre droit international        privé ” [954]. Ils sont du reste exclus en droit conventionnel européen par les Conventions de Bruxelles et de Lugano[955].

 

    De cette évolution du rôle de la nationalité dans la compétence judiciaire internationale, il s'ensuit que le fondement théorique de l'application de la loi nationale aux accords d'élection de for apparaît dénué de toute pertinence. Ce constat nous conduit, avec Mme GAUDEMET-TALLON[956], à repousser ce rattachement.

 

    B/ La lex fori

 

    314.— Plusieurs lege fori peuvent être envisagées. Tout d'abord celle du tribunal saisi (1°), puis celle du juge désigné (2°), et enfin celle du juge exclu (3°).

 

1° La lex fori du tribunal saisi

 

    315.— Pour une partie de la doctrine, tant en France qu'à l'étranger, “ les règles du for s'appliquent immédiatement, et le tribunal ne doit pas avoir à en consulter d'autres lorsqu'il détermine sa compétence ”[957]. Cette application exclusive de la lex fori  est généralement fondée sur le fait que les accords l'élection de for sont, en tout ou en partie, de nature procédurale[958]. Dès lors, si la procédure est soumise à la loi du for, il devrait en être de même pour les accords d'élection de for. Cette justification, on l'a vu, est contestable dans la mesure où la nature procédurale, même partielle, des accords d'élection de for n'est selon nous qu'un leurre[959]. Il s'agit d'un contrat et uniquement d'un contrat, même si sa fonction consiste à mettre en œuvre une règle de compétence.

 

    Mais la raison pour laquelle l'application du droit interne du juge saisi ne doit pas être retenue vient surtout de ce que cette loi ne sera déterminable à l'avance que dans l'hypothèse où le juge saisi sera celui qui a été désigné[960]. Il s'agit en fait de la même critique que celle que nous avons formulée à l'encontre de l'application d'une règle matérielle de droit international privé française, ce qui est logique dans la mesure où il s'agit là également d'une réglementation interne, mais spécifique aux relations internationales. Si par conséquent le juge élu n'est pas le juge saisi, la loi applicable sera déterminée selon le bon vouloir du demandeur, en fonction de la juridiction qu'il aura choisie. Or, l'une des raisons qui guident précisément les plaideurs lorsqu'il décident de conclure une clause d'élection de for est justement d'écarter toute incertitude quant à la détermination de la juridiction compétente. Cet objectif serait trop facilement écarté s'il suffisait, pour que cet accord ne produise aucun effet, que le demandeur porte l'affaire devant une juridiction différente de celle qui a été désignée uniquement parce que la lex fori du juge saisi invaliderait l'élection de for[961]. Par conséquent, étant donné qu'il s'agit d'un domaine où les prévisions des parties sont essentielles, l'éviction de l'application de la lex fori du tribunal saisi s'impose.

 

2° La lex fori du tribunal désigné

 

    316.— La compétence de la loi du tribunal désigné[962] fut, à l'époque contemporaine, discutée dans le cadre de la Conférence de La Haye de droit international privé. On en trouve une première fois la trace dans le cadre de la VIIIe session consacrée à l'élaboration de ce qui allait être la Convention de La Haye du 15 avril 1958 sur la compétence du for contractuel en cas de vente à caractère international d'objets mobiliers corporels. À cette occasion, le Doyen BATIFFOL proposa incidemment ce rattachement lors de la présentation qu'il fit de l'avant-projet de convention sur la compétence générale[963]. Cette proposition ne fut pas retenue. Toutefois, lors de la session suivante, la Conférence de La Haye envisagea d'établir une Convention sur le for contractuel non plus limitée à la vente d'objets mobiliers corporels, mais d'une portée générale. La Commission spéciale et le Comité ad hoc se demandèrent alors si les dispositions concernant les accords d'élection de for ne devaient pas former une convention indépendante. Cette proposition, en dépit des objections qu'elle souleva, fut néanmoins retenue, ce qui explique que la quatrième Commission de la Xe session fut chargée d'élaborer une convention autonome sur les accords d'élection de for. Ce travail devait déboucher sur la Convention du 25 novembre 1965 qui posa des règles de compétence directe et indirecte[964]. Cette convention n'est jamais entrée en vigueur.

 

    L'article 2 de l'avant-projet de convention soumis à l'examen de la quatrième Commission concerne la loi applicable aux accords d'élection de for et reprend la proposition que le Doyen BATIFFOL avait formulée lors de la VIIIe session. Selon ce texte, “ [Pour toutes les questions non réglées par les dispositions de la présente Convention, sauf celles relatives à la capacité des parties, l'accord d'élection de for est régi par la loi interne du tribunal  élu] ” [965]. On relèvera que l'article 2 de l'avant-projet fut mis entre crochets afin de marquer les divergences de point de vue manifestées au sein du Comité au sujet de l'utilité d'une disposition spéciale sur la loi applicable en ce qui concerne la validité des accords d'élection de for. L'avant-projet ne comportait pourtant aucune réglementation complète sur la validité des accords d'élection de for et restait notamment muet sur la question des vices du consentement. Cette mise entre crochets traduit en fait l'hostilité de la majorité des experts à l'égard du rattachement proposé et illustre, d'une manière générale, les difficultés soulevées par l'élaboration d'une règle de conflit propre aux accords d'élection de for. Car d'emblée, les débats auxquels cette règle de conflit de lois donna lieu firent apparaître de profondes divisions au sein des délégations au point que la Commission décida finalement de supprimer cet article 2[966], laissant ainsi au droit international privé des États membres le soin de déterminer la loi applicable aux accords d'élection de for. Les critiques adressées à ce rattachement furent diverses. Selon certaines délégations, la compétence de la loi du tribunal désigné ne saurait être retenue lorsque les parties contestent l'existence même de la clause attributive de juridiction. D'autres objectèrent que ce rattachement ignore la double nature de l'accord d'élection de for, à savoir le fait qu'à côte d'une élection coexiste nécessairement une exclusion. Il fut également fait référence aux difficultés qu'aurait le for exclu à tenir pour valable une clause jugée régulière par le juge élu si son propre droit la considère comme nulle[967].

 

    317.— Ces arguments n'ont rien d'imparables. Sans doute peut-il paraître contradictoire d'appliquer la loi du juge élu à un accord qui sera peut-être annulé. Si l'accord est nul, la loi de l'État dont les juridictions sont désignées peut difficilement avoir vocation à s'appliquer. C'est oublier qu'en tout état de cause, le rattachement retenu est indépendant du fait de savoir si la clause sera considérée comme valable. D'une manière où d'une autre, une loi devra statuer sur l'existence ou l'inexistence de l'accord et sur ce plan là, retenir la compétence de la lex fori du juge élu permet d'appliquer une loi identique quel que soit le juge saisi. Lorsqu'au surplus, il est objecté que ce rattachement ne tient pas compte de la double nature de la clause, c'est oublier qu'il n'y a pas lieu de s'intéresser au juge exclu. Certes, il est possible que la loi du juge exclu invalide une clause pourtant jugée valable par la loi du tribunal élu. Mais cette objection ne saurait être décisive. En effet, la question de la loi applicable ne se pose que pour le contrat mettant en œuvre la règle de compétence déterminée par les dispositions matérielles de la Convention. Il n'est pas exorbitant de vouloir soumettre ce contrat à une loi autre que celle du for exclu s'agissant d'une question concernant, pour l'essentiel, les vices du consentement, dès lors que ses conditions de licéité sont soumises à une loi commune à tous les États contractants, à savoir justement la convention. Le fait que le juge exclu soit saisi n'y change rien. Qu'une loi étrangère juge valable un consentement alors que la loi du juge saisi l'aurait considéré comme nul n'est en rien spécifique aux clauses d'élection de for. La même situation peut se retrouver chaque fois que la loi applicable au contrat est une loi étrangère. Sauf intervention de l'ordre public international ou des lois d'applications nécessaires, un tel cas de figure n'est pas jugé choquant en matière de contrats internationaux et l'on ne voit pas pourquoi il en irait autrement en ce qui concerne les accords d'élection de for.

 

    Nous penserons volontiers, avec le Doyen BATIFFOL, que la loi du for élu est la moins mauvaise. Ce rattachement recueille également les faveurs de l'avocat général SLYNN qui a émis cette opinion à propos de la Convention de Bruxelles[968]. Du moins, serions nous tenté de réserver son application comme pertinente dans l'hypothèse ou le juge saisi n'est pas le juge élu. Dans cette occurrence, la doctrine majoritaire s'accorde à considérer que le juge saisi et exclu doit tenir compte de ce que la clause aurait été déclarée valable ou nulle par la loi du tribunal élu[969]. Lorsqu'en revanche le juge élu est saisi, les parties devraient alors garder la possibilité de choisir la loi régissant leur contrat de compétence[970].

 

3° La lex fori du tribunal exclu

 

    318.— L'application de la lex fori du tribunal exclu s'envisage sans difficulté lorsque le juge saisi n'est pas le juge désigné. Exclu mais néanmoins saisi, le juge devra statuer sur l'admission de son exclusion. Il ne s'agit là, en définitive, que d'une application de la lex fori en tant que loi du juge saisi.

 

    En revanche, subordonner l'efficacité de l'élection de for toute entière à la loi du juge exclu alors même qu'il n'est pas saisi est profondément contestable. Les exemples d'application de cette doctrine sont d'ailleurs rares et se limitent à l'arbitrage. L'application de la loi du tribunal exclu à la clause compromissoire a naguère été suggérée par Josef KOHLER et fut reprise par certains auteurs italiens[971]. Elle fut radicalement condamnée par le Tribunal fédéral suisse qui estima que l'effet positif de la convention d'arbitrage primait sur sa fonction négative et surtout que l'application de la lex fori du juge exclu devenait impraticable si plusieurs tribunaux étaient exclus[972]. Josef KOHLER reconnaissait d'ailleurs qu'au cas où plusieurs tribunaux seraient compétents, il fallait revenir à l'application de la lex fori du tribunal saisi[973].

 

     La condamnation de ce rattachement ne peut être qu'approuvée. On ajoutera qu'en ce qui concerne plus particulièrement les accords d'élection de for, la compétence de la lex fori du juge exclu ne peut constituer une solution satisfaisante dans la mesure où elle revient à faire dépendre la loi applicable à la clause d'élection de for de son effet négatif, l'exclusion, qui n'est qu'une conséquence de ce qui constitue son essence même, à savoir la désignation du juge devant connaître du litige. De plus, l'on voit mal comment un tribunal pourrait se déclarer incompétent sur le fondement exclusif d'une loi étrangère. Qu'il soit élu ou exclu, le tribunal ne devra apprécier la licéité de son élection ou de son exclusion qu'en application de sa propre règle de compétence décidant si la volonté commune des parties peut le désigner ou désigner une juridiction étrangère.

 

    C/ La loi d'autonomie

 

    319.—  L'application de la loi d'autonomie aux accords d'élection de for a pu être envisagée de deux manières. En premier lieu, son applicabilité serait possible en tant que loi applicable au fond en raison du lien unissant le droit substantiel et l'action en justice (1°). Nous verrons que cette explication, qui n'est pas conforme à la notion d'action en justice, n'est pas adoptée par la jurisprudence qui préfère justifier l'applicabilité de la loi d'autonomie en tant que loi applicable au contrat (2°).

 

1° Applicabilité de la loi d'autonomie en tant que loi applicable à l'action en justice

 

    320.— L'application à l'accord d'élection de for de la loi applicable au fond résulterait du lien existant entre le droit et l'action en justice. Selon une acception ancienne, l'action se confondrait avec le droit dont elle assure la sanction, elle constituerait en quelque sorte l'élément d'un droit subjectif dont elle assurerait l'effectivité. Pour reprendre une formule célèbre de DEMOLOMBE, l'action en justice serait “ le droit à l'état de guerre ” [974]. Dès lors, si l'action est perçue comme l'accessoire d'un droit, il serait logique d'appliquer la loi applicable à ce droit, c'est-à-dire la lex causae, à l'accord qui va déterminer le lieu où va se dérouler l'action en justice[975]. Il s'ensuivrait, en matière contractuelle, que la loi applicable à l'accord d'élection de for serait la loi applicable au contrat dont elle constitue l'accessoire.

 

    321.— Mais si naguère, l'action en justice présupposait l'existence d'un droit subjectif avec lequel elle se confondait, ce qui était d'ailleurs critiqué par la doctrine processualiste[976] et internationaliste[977], elle ne constitue plus aujourd'hui qu'une notion autonome désignant le droit de saisir le juge. Seule la nature juridique du droit d'action est sujette à controverse[978]. Dès lors que le postulat de ce rattachement n'est plus conforme au droit positif, rien ne justifie de soumettre à la loi de ce droit l'accord d'élection de for[979]. Au surplus, on pourrait invoquer comme argument au soutien de l'exclusion de ce rattachement le fait que la distinction entre les conflits de lois et les conflits de juridictions serait, en droit international privé, la traduction de la distinction entre le droit et l'action en justice. À partir du moment où l'accord d'élection de for pose une question de conflit de lois uniquement dans le but de résoudre une question de conflit de juridictions, ce conflit de lois devrait être réglé en fonction des données propres aux règles de procédure civile internationale et non en fonction de celles qui amèneraient à choisir telle ou telle loi pour régir le fond du litige[980].

 

    Mais l'action en justice est loin d'appartenir entièrement aux conflits de juridictions et certains de ces aspects, comme la prescription extinctive, sont rattachés au fond dans l'ordre international[981]. En effet, sur le plan de la loi applicable, l'action en justice relève principalement de la loi gouvernant le fond, certains aspects procéduraux relevant de la loi du for[982]. Par ailleurs, les accords d'élection de for intéresseront toujours l'action en justice en ce sens qu'ils auront pour effet de fixer le lieu où cette action sera intentée. Dès lors, il pourrait toujours être possible de voir dans la loi applicable à l'action en justice celle qui devrait être appliquée aux accords d'élection de for.

 

    322.— Néanmoins, il nous semble que cette conséquence ne s'impose pas. À cet égard, HOLLEAUX a relevé que l'accord d'élection de for ne concerne pas l'existence de l'action mais l'exercice de cette action, c'est-à-dire la demande en justice[983]. Or, l'action est distincte de la demande même si cette dernière va, en quelque sorte, la matérialiser. L'élection de for ne fixera donc que le lieu de la demande en justice qui, elle, se trouve soumise à la lex fori [984].

 

    En outre, la justification du rejet de l'application aux accords d'élection de for de la loi applicable à l'action en justice se trouve également dans le fait qu'il s'agit de deux notions fondamentalement différentes. Sur le plan de leur nature juridique d'abord, puisque les accords d'élection de for sont des contrats[985] alors que l'action en justice ne se manifeste qu'à travers des actes de procédure. Sur le plan de leur fonction ensuite, car désigner le juge devant connaître du litige est une chose, le droit d'obtenir de ce juge une décision en est une autre. Et de fait, si ces deux notions ne peuvent être rapprochées, même s'il n'est pas douteux que l'une (l'élection de for) puisse influencer l'autre (l'action), on cerne mal le bien-fondé des raisons qui justifieraient que le rattachement propre à l'action en justice conduirait à la désignation de la loi la plus apte à régir les clauses d'élection de for.

 

2° Applicabilité de la loi d'autonomie en tant que loi applicable au contrat

 

    323.— L'application de la loi d'autonomie aux accords d'élection de for trouve une justification plus solide si l'on se réfère à leur nature juridique. À partir du moment où il est question d'un contrat, il apparaît normal de retenir le critère de rattachement propre aux contrats[986]. La jurisprudence, peu abondante sur la question de la détermination de la loi applicable aux accords d'élection de for, se prononce plutôt en faveur de leur soumission à la loi d'autonomie.

 

    Tel est le cas d'un arrêt de la Chambre des requêtes[987] qui, à notre connaissance, constitue le premier arrêt de la Cour de cassation a avoir pris expressément parti sur la délicate question de la loi applicable aux accords d'élection de for. En l'espèce, un transporteur ferroviaire espagnol était actionné en France suite à des avaries constatées sur les marchandises qu'il devait acheminer. Afin de contester la compétence internationale du juge français, le défendeur se prévalu de la clause insérée dans le contrat de transport qui stipulait que les tribunaux espagnols seraient seuls compétents pour connaître des difficultés auxquelles le transport pourrait donner lieu. La Chambre des requêtes a rejeté le pourvoi formé contre l'arrêt d'appel qui avait jugé cette clause attributive de juridiction irrégulière au motif qu'elle était contraire aux dispositions du droit espagnol applicable au contrat de transport. La Cour de cassation écartait de la sorte l'argumentation du demandeur au pourvoi qui soutenait que l'acceptation de la clause avait suffit pour en faire la loi entre les parties. Par là même, elle indiquait sans hésitation qu'elle envisageait la validité de l'accord d'élection de for sous l'angle des conflits de lois et précisait que la loi applicable doit être déterminée par la règle de conflit contractuelle.

 

    Cette solution fut reprise en des termes très énergiques par un arrêt de la Cour d'appel de Paris dont la netteté de la motivation mérite d'être rapportée : “ au regard du droit international privé français, une convention sur la compétence, incluse dans un contrat, doit, en sa qualité d'accessoire de ce contrat principal, et comme faisant partie intégrante de l'ensemble économique et juridique qu'il constitue, être en principe, quant à ses conditions de fond, d'existence et de validité, régie par la loi du contrat ”[988].

 

    Un arrêt rendu par la Chambre sociale[989], tranche cette question à l'identique. Dans cette affaire un salarié avait saisi, suite à son licenciement, le Conseil de Prud'hommes de Grenoble. Condamné par une décision devenue définitive à lui payer une indemnité de licenciement, l'employeur assigna devant le tribunal de commerce de Grenoble la société étrangère qui l'avait cautionné afin de garantir son obligation à l'égard du salarié. Afin de déterminer si la clause de compétence en faveur des tribunaux de Grenoble, qui visait tous les litiges pouvant surgir à propos ou au sujet du contrat de travail, était présumée s'étendre au cautionnement figurant sur le même instrumentum que le contrat de travail, la Chambre sociale a recherché la loi applicable à ces deux actes. C'est ainsi que la Cour de cassation fut amenée à dire une fois de plus que la clause litigieuse, tout comme le cautionnement en l'espèce, était soumise à la loi applicable à l'obligation principale.

 

    324.— Récemment, enfin, la Cour de cassation a réaffirmé l'applicabilité de la lex contractus à la validité de la clause d'élection de for ainsi que le caractère accessoire de cette stipulation dans l'arrêt Compagnie Alliance et autres c/ Scindia Steam Navigation C° Ltd[990]. En l'espèce, une clause attribuant compétence aux tribunaux indiens figurait dans un connaissement émis à Anvers par une société indienne, transporteur, à l'ordre d'une société belge agissant pour le compte d'une société française. À la suite de la perte des marchandises au cours du voyage, les sociétés d'assurance assignèrent en France le transporteur indien qui leur opposa la clause attribuant compétence aux tribunaux de son pays. Les juges du fond ayant favorablement accueilli l'exception d'incompétence, les assureurs formèrent un pourvoi en cassation. Si l'opposabilité de la clause d'élection de for ne fut pas contestée, les critiques se focalisèrent sur sa validité. Les demandeurs au pourvoi soutenaient que seule la loi française était habilitée à décider si la clause pouvait écarter la compétence des tribunaux français et que, dès lors, la validité de l'acceptation devait être soumise à cette dernière même si le connaissement était soumis à la loi belge. D'autre part, à supposer que la loi belge eût été applicable, les demandeurs au pourvoi reprochaient aux juges du fond de ne pas avoir relevé les éléments établissant concrètement l'acceptation du chargeur au moment de la formation du contrat. Le pourvoi fut rejeté au motif que “ le juge français n'était pas saisi de la licéité de la clause de juridiction mais seulement de l'acceptation de cette clause […] ; qu'à ce titre la loi française n'avait pas, en tant que loi du for, vocation nécessaire ou exclusive à régir la validité, en la forme ou au fond, de la clause … ”.

 

    Il apparaît sans contestation possible que la Cour de cassation a voulu nettement distinguer la licéité de la validité des clauses d'élection de for. On constate néanmoins, s'agissant de la validité, que si l'arrêt exclut l'applicabilité de la lex fori, les termes employés font preuve d'une certaine ambiguïté. Comme le relève Mme GAUDEMET-TALLON en annotant cet arrêt, si la Cour de cassation affirme que la compétence de la lex fori n'est ni nécessaire, ni exclusive, elle ne va pas jusqu'à dire qu'elle l'exclut ; ce qui autorise à se demander dans quels cas celle-ci pourrait s'appliquer. Selon nous, et bien que l'arrêt ne le dise pas, il est possible que la Cour de cassation ait entendu réserver l'application de la lex fori dans l'hypothèse où la lex contractus n'est pas expressément déterminée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisqu'il est indiqué que la loi indienne était stipulée applicable au contrat de transport. Certes, l'arrêt ne décide pas expressément quelle est la loi qui doit régir la validité des conditions de fond. Mais cela vient du fait que la Cour de cassation a classé la question qui lui était posée dans les conditions de forme. Et sur ce plan là, il est intéressant de constater qu'elle va se référer à la loi applicable aux conditions de forme du contrat de transport, en l'occurrence la loi belge, et non à une loi propre à la clause. De toute évidence, la Cour de cassation entend traiter la clause d'élection de for comme n'importe qu'elle stipulation contractuelle. Son caractère accessoire s'en trouve réaffirmé, même si ce n'est pas la loi d'autonomie qui se trouve ici appliquée mais la loi applicable à la forme des contrats.

 

    325.— Ces arrêts appliquent à la clause attributive de juridiction la loi applicable au contrat principal. Sans doute est-il possible d'admettre une loi d'autonomie propre à l'élection de for[991]. D'après certains, cette possibilité se fonderait sur le fait que la clause d'élection de for et le contrat pour le compte duquel elle est stipulée constituent deux actes juridiques indépendants[992]. Nous écarterons cette justification dans la mesure où, comme nous avons déjà eu l'occasion de l'indiquer, la clause d'élection de for est une stipulation accessoire[993]. En réalité, il nous semble plus concluant de rendre compte de cette alternative en la fondant sur la possibilité pour les parties de soumettre leur contrat à plusieurs lois[994].

 

    Cette argumentation est pourtant combattue par Mme KAUFMANN-KOHLER qui, bien que favorable à l'idée d'une loi d'autonomie propre à l'élection de for, considère que le “ dépeçage ” du contrat ne peut en constituer la justification. Selon cet auteur, admettre le dépeçage reviendrait à reconnaître une unité d'instrumentum ce qui serait source d'embarras lorsque la clause d'élection de for est considérée comme indice du droit applicable au contrat principal[995]. En effet, si l'accord d'élection de for est nul, il ne peut constituer un tel indice. Or, cette nullité ne peut être prononcée qu'en application de la loi du contrat principal qui sera justement déterminée à l'aide de l'élection de for. On se trouve donc en présence d'un cercle vicieux. Ce raisonnement n'a pourtant rien d'imparable. Comme le releva naguère avec pertinence HOLLEAUX[996], la fonction de la clause d'élection de for, sur le plan de la détermination de la loi applicable au contrat, serait celle d'un fait localisateur. Pris en ce sens, la volonté localisatrice des parties ne donnerait lieu ni à appréciation de validité, ni à conflit de lois.

 

    326.— À la vérité, toute discussion sur la valeur localisatrice de l'accord d'élection de for a perdu de son intérêt depuis l'entrée en vigueur de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles. Si le nouveau droit international privé des contrats consacre la possibilité pour les parties de choisir la loi applicable à leur contrat (article 3), la Convention adopte, à défaut de choix, un système de localisation objective fondé sur des présomptions assorties de plusieurs exceptions (article 4). Ainsi, selon l'économie générale de l'article 4§1 de la Convention, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits, ce pays étant présumé être, d'après l'article 4§2, celui où la partie qui fournit la prestation caractéristique a sa résidence habituelle au moment de la formation du contrat. Enfin, il est également prévu des présomptions spéciales pour certains contrats particuliers (article 4, §3 et §4). La présence d'une clause d'élection de for n'est donc plus prise en compte comme élément localisateur.

 

    Ce système est cependant écarté “ lorsqu'il résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat présente des liens étroits avec un autre pays ” (article 4§5)[997]. Le juge disposera donc, lorsqu'il estimera peu significatives les présomptions retenues par la Convention, d'une grande liberté d'appréciation quant à la localisation du contrat. Dès lors, rien ne l'empêchera de prendre en considération la présence d'une clause d'élection de for pour déterminer si le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays. À cet égard, il convient de rappeler que si dans le système antérieur à la Convention de Rome, la présence d'une clause d'élection de for constituait un indice de localisation, cet indice présentait un caractère subsidiaire et n'était pas nécessairement décisif à lui seul[998]. On faisait valoir que l'accord des parties était plus facile à obtenir sur un juge que sur une loi et qu'il “ pourrait être abusif de déduire de l'accord sur le premier le choix de la seconde ”[999]. Il devrait en être de même aujourd'hui. Sauf à ruiner le système mis en place par la Convention, la simple présence d'une clause d'élection de for ne devrait pas, à elle seule, permettre d'échapper aux présomptions de l'article 4 si elle n'est pas corroborée par d'autres indices plus puissants.

 

    327.— Si la possibilité pour les clauses d'élection de for de demeurer un indice localisateur semble ténue, on pourrait également se demander si la loi d'autonomie pourrait toujours être utilisée pour déterminer la loi qui leur sera applicable. En effet, la Convention de Rome les exclut expressément de son champ d'application[1000]. Cette limitation du champ d'application de la Convention de Rome est critiquée par une partie de la doctrine qui aurait souhaité que soit réglée une fois pour toute la question de la loi applicable aux clauses attributives de juridiction[1001]. Les négociateurs de cette Convention avaient néanmoins admis la proposition d'étudier les conventions d'élection de for et les conventions d'arbitrage et “ de consacrer les résultats éventuels dans un protocole ”[1002]. À notre connaissance, aucune proposition n'a depuis été formulée.

 

    Si l'exclusion des accord d'élection de for du champ d'application de la Convention de Rome s'explique pour les questions relatives à la licéité qui ne dépendent pas du conflit de lois mais du conflit de juridictions, “ elle paraît en revanche théoriquement moins justifiée pour la dimension contractuelle des conventions de juridictions ”[1003]. En définitive, l'applicabilité de la lex contractus reste, de notre point de vue, envisageable si l'on s'en tient à la dimension accessoire de l'accord d'élection de for. Dans cette perspective, il faudrait appliquer la loi applicable au contrat principal, déterminée par la Convention de Rome, à la clause d'élection de for et non appliquer la Convention de Rome à la clause d'élection de for elle même[1004].

 

§2 - Les solutions de conflit fondées sur l'application cumulative de deux lois

 

    328.— Si le cumul de la lex contractus et de la lex fori a naguère été envisagé par la jurisprudence (A/), une suggestion plus originale, soutenue par Mme GAUDEMET-TALLON dans sa thèse, a proposé le cumul de la loi du tribunal désigné avec la loi du tribunal ou des tribunaux normalement compétents (B/).

   

    A/ Application cumulative de la lex contractus et de la lex fori

 

    329.— Dans l'arrêt du 27 janvier 1955 que nous avons déjà évoqué[1005], la Cour d'appel de Paris, tout en consacrant l'application de la loi d'autonomie aux conditions de fond, d'existence et de validité des accords d'élection de for, précise que ses effets se trouvent “ toutefois soumis également aux dispositions des lois en vigueur tant dans l'État auquel ressortissent les juridictions auxquelles est attribuée compétence, qu'inversement, dans l'État éventuellement différent, dont relèvent celles dont la compétence se trouverait corrélativement exclue ”. Cette formule semble instituer un cumul limité aux effets des accords d'élection de for qui se trouvent ainsi soumis à la lex contractus et aux deux leges fori du tribunal désigné et du tribunal exclu. Selon Mme GAUDEMET-TALLON, une autre interprétation, excluant le cumul des lois, serait possible si l'on considère que l'emploi de l'adverbe “ également ” n'a pas pour objet de relier la lex contractus aux deux leges fori auxquelles se réfère l'arrêt mais d'indiquer que ces deux leges fori s'appliquent “ de façon égale ”[1006]. Il est vrai que cette décision n'est pas sans soulever de sérieuses difficultés d'interprétation. Si le cumul des lois nous semble bien avoir été retenu, l'analyse de l'arrêt laisse perplexe quant à l'application que la Cour d'appel de Paris a entendu faire du principe qu'elle énonce. À lire la motivation de cette décision, il n'était pas utile de rechercher la loi applicable au contrat, dont il est précisé que la localisation aurait conduit à l'application du droit allemand, dans la mesure où le droit français — en l'occurrence celui du juge élu — et le droit allemand — en l'occurrence celui du juge exclu — étaient identiques tant sur la licéité que sur le mode de conclusion et sur les conditions de validité des accords d'élection de for. Il n'y aurait donc pas lieu de cumuler la lex contractus avec les leges fori si les dispositions de ces dernières sont identiques. Il ne s'agirait alors que d'un cumul des lois du juge élu et du juge exclu. Il est néanmoins difficile de savoir si cette conclusion s'imposait étant donné qu'en l'espèce, la loi applicable au contrat et la loi du juge exclu étaient identiques.

 

    La solution de cet arrêt évoque à la théorie que développa M. FRAGISTAS sur la loi applicable aux accords d'élection de for. Si une divergence apparaît en ce que cet auteur est opposé à l'application de la lex contractus, un rapprochement de sa doctrine avec l'arrêt est à observer en ce qui concerne le sort réservé aux effets des accords d'élection de for. Pour M. FRAGISTAS, lorsqu'une clause d'élection de for crée une compétence internationale non prévue par la loi tandis que par ailleurs, elle en exclut une autre prévue par la loi, il faut alors régler séparément ces deux effets, c'est-à-dire soumettre l'élection à la lex fori du juge élu et l'exclusion à la lex fori du juge exclu[1007].

 

    330.— Si cet arrêt de la Cour d'appel de Paris est l'un des rares à avoir pris nettement partie sur la loi applicable aux accords d'élection de for, la solution qu'il propose n'est pas sans susciter la désapprobation. Mme GAUDEMET-TALLON lui reprocha de scinder le conflit de lois entre validité et effets alors que cette question devrait recevoir une réponse unique[1008]. Une autre critique peut lui être adressée : celle d'instituer un cumul des lois bien inutile lorsque le tribunal désigné par les parties est effectivement saisi. À cet égard, nous partageons l'opinion de M. BAUER pour qui il n'est pas nécessaire que les effets de l'accord d'élection de for soient admis par la loi du tribunal exclu[1009]. S'il est saisi, le juge désigné doit seulement se préoccuper de la régularité de son élection. Il n'a pas à anticiper sur les difficultés que pourraient rencontrer les parties au stade de la reconnaissance de sa décision dans un État dont la compétence internationale des juridictions a été exclue par la clause d'élection de for. Et d'ailleurs, on voit mal comment le juge élu et saisi serait qualifié pour déterminer le ou les tribunaux exclus. Sa démarche ne pourra qu'être hasardeuse. La Cour d'appel de Paris n'apporte aucune réponse à cette délicate question. Il est vrai que dans l'affaire qu'elle eu à juger, la détermination du juge exclu était facilitée par l'applicabilité à l'espèce de la Convention franco-sarroise du 20 mai 1953 qui prévoyait, entre autre, la compétence du juge du domicile du défendeur, soit le juge allemand. Mais à considérer qu'aucune convention internationale n'ait été applicable, il y a lieu de se demander comment la Cour d'appel de Paris aurait pu procéder étant donné le caractère unilatéral des règles de conflit de juridictions qui ne s'intéressent qu'à la détermination de la compétence internationale des tribunaux français. Les difficultés liées à la mise en œuvre du système proposé par la Cour d'appel de Paris explique sans doute les raisons pour lesquelles sa solution n'a jamais été reprise par la Cour de cassation en ce qui concerne précisément le cumul. Elles ne furent pourtant pas jugées décisives par le système de conflit original proposé par Mme GAUDEMET-TALLON et dont nous allons maintenant rendre compte.

 

    B/ Application cumulative de la loi du tribunal désigné et de la loi du tribunal ou des tribunaux normalement compétents

 

    331.— Nous avons déjà eu l'occasion d'indiquer que si le juge saisi n'est pas le juge élu, la validité de l'exclusion dépend de la validité de l'élection[1010]. En plus de cette conséquence, Mme GAUDEMET-TALLON considère que la validité de l'élection dépend également de la validité de l'exclusion[1011]. Cette conclusion nous semble contestable dans la mesure où l'exclusion n'est qu'une conséquence de l'élection et, d'une manière plus générale, de la mise en œuvre de toute règle de compétence si bien que l'on ne voit pas la raison pour laquelle la validité de l'élément principal (la désignation d'un tribunal) dépendrait de la validité de l'effet qu'elle engendre (l'exclusion d'autres tribunaux) lorsque le juge saisi est celui qui a été désigné par les parties[1012]. Mme GAUDEMET-TALLON estime cependant que le respect de la compétence du juge “ qui s'est vu dépouillé de sa compétence et que la prorogation intéresse tout autant ”[1013] empêche le juge désigné et effectivement saisi de retenir sa compétence si la loi du juge exclu ne l'y autorise pas. Il en résulte qu'un accord d'élection de for n'est valablement formé et ne peut produire ses effets que s'il existe une réciprocité de validité en ce qui concerne l'élection et l'exclusion. On en arrive alors au résultat suivant pour ce qui est du conflit de lois : la dérogation dépendra de la loi applicable à l'attribution et à la loi du tribunal dont les parties ont exclu la compétence alors que l'attribution dépendra de la loi applicable à la dérogation et de la loi du tribunal désigné par les parties[1014]. On constate alors que la solution apportée au conflit de lois est la même pour les deux fonctions, négative et positive, de l'accord d'élection de for : “ dans les deux cas on appliquera cumulativement et la loi du tribunal désigné et la loi du tribunal dont on a exclu la compétence ”[1015].

 

    332.— À la suite de ce raisonnement, Mme GAUDEMET-TALLON va analyser les différents rattachements envisageables pour finalement retenir la compétence de principe d'une lex fori en raison du caractère processuel des accords d'élection de for. Se pose alors la question de savoir à quelle lex fori il faut se référer. Autrement dit, il convient d'opérer un choix entre la loi du tribunal saisi, la loi du tribunal désigné ou la loi du tribunal dont la compétence est écartée. Ce choix, Mme GAUDEMET-TALLON refusera de le faire ce qui l'amènera à présenter une solution de conflit originale proposant d'appliquer cumulativement la loi du tribunal choisi par les parties et la loi du tribunal normalement compétent[1016].

 

    333.— Mme GAUDEMET-TALLON va ensuite s'employer à justifier son système de conflit. Il nous est tout d'abord indiqué de quelle manière seront déterminés le tribunal ou les tribunaux normalement compétents. En attribuant compétence aux tribunaux d'un État, les parties se sont soustraites à la compétence internationale d'un ou de plusieurs autres États. Une difficulté voit le jour lorsqu'il s'agit de déterminer cet autre État. Car il faut savoir de quel tribunal les parties relevaient et — si plusieurs tribunaux sont compétents — procéder à une délicate recherche d'intention afin de savoir quel est le tribunal auquel elles ont entendu se soustraire. C'est pourquoi, Mme GAUDEMET-TALLON préfère retenir un autre mode de détermination du tribunal “ normalement compétent ” en opérant la transposition des règles de conflit de juridictions de l'État dont le tribunal est désigné par les parties. Ainsi donc, la compétence du juge exclu ne sera pas déterminée en vertu de sa propre loi mais d'après les règles de compétence internationale directe du juge désigné qui auront été bilatéralisées pour l'occasion[1017]. Cette solution s'applique même lorsque plusieurs juridictions sont normalement compétentes, à moins qu'elle ne soit, dans cette hypothèse, impossible à mettre en pratique. Dans ce cas uniquement, on reviendra à l'application exclusive de la loi du tribunal désignée[1018].

 

    334.— Mme GAUDEMET-TALLON indique par ailleurs que seule les lois matérielles de ces tribunaux sont appliquées et non leurs règles de conflits de lois. Cette précision quant au domaine de la loi désignée permettra d'exclure le renvoi et de répondre à une meilleure localisation de la clause attributive de juridiction[1019].

 

    Enfin, Mme GAUDEMET-TALLON précise qu'en dépit du caractère d'application immédiate des règles de procédure, il faudra se placer au moment de la conclusion de l'accord d'élection de for pour déterminer la loi applicable à cet accord[1020], sous réserve toutefois du droit transitoire étranger qu'il y aura lieu de respecter[1021].

 

    335.— Quelques décisions isolées ayant appliqué plusieurs lois à la clause d'élection de for ont semblé faire une application du rattachement proposé par Mme GAUDEMET-TALLON sans toutefois que leur motivation le laisse clairement entendre. La première des décisions que nous avons relevé est un arrêt de la Cour d'appel de Paris rendu en application de la Convention franco-suisse du 15 juin 1869 sur la compétence judiciaire et l'exécution des jugements[1022]. Publiée en abstract, son interprétation est délicate et ne manque pas de surprendre. En l'espèce, un commerçant français avait assigné son cocontractant suisse devant un tribunal de commerce français en se fondant sur une clause attributive de juridiction figurant sur le bon de commande et implicitement acceptée par le défendeur. La Cour va juger que le demandeur devait démontrer qu'“ en droit suisse, statut personnel du défendeur, comme en droit français, cette acceptation implicite suffit ”. On relèvera que si en l'occurrence aucune clause attributive de juridiction n'avait été conclue, le juge du domicile du demandeur, soit le juge suisse, aurait été compétent conformément à la convention[1023]. En imposant que l'acceptation implicite de la clause d'élection de for soit soumise au droit français et au droit suisse, il semble que la Cour d'appel de Paris ait voulu que sa validité soit appréciée tant à l'égard de la loi du juge élu qu'à l'égard de la loi du juge exclu. Mais il se trouve que pour justifier la compétence de la loi suisse, l'arrêt va se référer au statut personnel du défendeur et non à la loi du juge exclu. Cette argumentation ne manque pas  de surprendre. Elle procède d'une extension pour le moins insolite du domaine du statut personnel, qui d'ordinaire ne concerne que l'état et la capacité des personnes ainsi que certaines relations de famille. L'on ne saurait également dire si la loi du statut personnel prise en considération ici est la loi nationale — on serait alors en présence d'une application de la loi nationale à la clause d'élection de for[1024] — ou  la loi du domicile étant donné que le défendeur était de nationalité suisse et est probablement domicilié dans son pays même si l'arrêt ne le précise pas. Le moins que l'on puisse dire est que cette décision soulève plus d'interrogations qu'elle n'apporte de réponse à la question de la loi applicable à la clause d'élection de for. Elle semble en tout cas appliquer cumulativement la loi du juge élu avec une autre loi qui se trouve être celle du juge exclu mais également celle de la nationalité et du domicile du défendeur.

 

    Dans une autre affaire rendue par la Chambre sociale de la Cour de cassation[1025], un pilote avait saisi le Conseil de Prud'hommes de la Seine suite à son licenciement par la société Air Cameroun. Pour faire échec à la compétence internationale de la juridiction française saisie, la Compagnie aérienne invoqua une clause du contrat de travail qui attribuait compétence “ au tribunal compétent le plus proche du lieu de travail ”. S'agissant d'un pilote de ligne, cette désignation était pour le moins imprécise. Les juges du fond et la Section sociale de la Cour de cassation estimèrent néanmoins que le lieu de travail du pilote était le Cameroun, lieu du siège de l'employeur. Pour annuler cette clause d'élection de for, la Cour de cassation se fonda sur l'article 181 du Code du travail d'outre-mer, alors applicable, tout en faisant référence à la loi camerounaise en vigueur. À première vue, cette décision semble appliquer cumulativement la loi du juge désigné (loi camerounaise) et la loi du juge saisi et compétent (loi française) ce qui pourrait s'apparenter à une mise en pratique de la méthode de conflit proposée par Mme GAUDEMET-TALLON. La lecture de l'arrêt laisse cependant perplexe car les juges n'ont pas expressément indiqué qu'ils ont entendu appliquer ces deux lois en tant que loi du juge désigné et loi du juge normalement compétent. Au contraire, les circonstances particulières de cette affaire permettent d'expliquer les raisons de ce cumul sans qu'il y ait lieu d'en déduire plus de conséquences quant à sa portée. En effet le contrat de travail avait été conclu avant l'indépendance du Cameroun alors que sa rupture était intervenue après l'indépendance. De fait, il est probable, pour reprendre l'interprétation de l'annotateur de cette décision, Mme SIMON-DEPITRE, “ que l'appel à la loi en vigueur au Cameroun en 1962 n'a eu pour but que de renforcer la solution tirée des dispositions du Code français du travail d'outre-mer ”[1026].

 

    Plus significative est la dernière affaire tranchée récemment par la Cour d'appel de Paris[1027]. En l'espèce, les juridictions françaises furent saisies d'un litige opposant une société ayant son siège dans l'Île Maurice à une société établie au Liechtenstein avec laquelle elle avait passé une commande. Le bon de commande contenait au verso les conditions générales de vente avec une clause attributive de juridiction qui offrait une option entre les tribunaux de commerce de Vaduz (Liechtenstein) et de Paris. Le demandeur soulevait l'incompétence internationale des juridictions françaises au motif que la clause n'était pas valable au regard de la loi du tribunal désigné, en l'occurrence la loi française. Pour rejeter le contredit, la Cour d'appel de Paris a d'abord pris soin de relever que les règles régissant les clauses d'élection de for sont identiques en droit français et en droit mauricien. Puis, raisonnant au regard du droit français la Cour d'appel de Paris a jugé, à l'issue de son argumentation, que la clause attributive de juridiction était “ valable au regard de la loi française, loi du tribunal saisi, cette clause n'étant pas au surplus contraire au droit mauricien ”. Annotant cette décision, Mme GAUDEMET-TALLON, constate que la Cour d'appel a examiné la clause au regard de la loi française, loi du tribunal désigné par la clause et effectivement saisi, et a vérifié qu'elle n'était pas contraire au droit mauricien, loi du tribunal exclu. Cette analyse de l'arrêt est tout à fait concevable. Le défendeur étant domicilié à l'Île Maurice, il est très probable que les tribunaux mauriciens auraient retenu leur compétence internationale s'ils avaient été saisis du litige et il est indéniable que l'arrêt se réfère au droit mauricien en raison de cette circonstance, même si la Cour d'appel de Paris ne dit pas mot pour mot que la loi mauricienne est la loi du juge exclu.

 

    Nous ne formulerons qu'une seule réserve. Selon nous, il est moins évident de soutenir que la loi du juge exclu se cumule avec la loi du juge désigné, ce qui correspondrait à l'application pure et simple de la règle de conflit suggérée par Mme GAUDEMET-TALLON. En effet, si l'appelant invoquait la compétence de la loi française en tant que loi du juge désigné, la Cour d'appel de Paris a estimé que la compétence de la loi française intervient à titre de loi du tribunal saisi. Dès lors, il peut sembler que la loi française s'applique uniquement en tant que lex fori du juge saisi bien qu'une coïncidence apparaisse dans les faits entre la loi du juge saisi et la loi du juge désigné[1028]. En soi, l'applicabilité de la loi française est tout à fait justifiée puisque la compétence internationale des juridictions françaises ne peut être déterminée que par rapport au système français de conflit de juridictions. Il n'y a pas là matière à conflit de lois. Cependant, l'arrêt ne distingue pas entre la licéité et la validité de la clause d'élection de for. Par ailleurs, sur la question de savoir si les parties avaient bien consenti à la clause, la Cour d'appel de Paris applique la loi française, loi du juge saisi, sans rechercher la loi applicable au contrat. On se trouve donc en présence d'une application exclusive de la loi du juge saisi tant en ce qui concerne les conditions d'admissibilité de la clause que pour ses conditions de validité en tant qu'acte juridique[1029]. Si l'on ne peut être sûr que l'arrêt applique la loi française parce que le juge français est désigné, il apparaît en revanche que son application est fondée sur la lex fori du juge saisi et que la loi du juge exclu est prise en considération.

 

    336.— Bien que séduisante, la règle de conflit préconisée par Mme GAUDEMET-TALLON a fait l'objet de diverses critiques.

 

    Tout d'abord, on retrouve  dans ce système l'inconvénient inhérent à tout cumul de lois consistant à faire prévaloir la loi la plus sévère sur la loi la plus libérale ce qui aura pour conséquence de réduire sensiblement les cas où l'accord d'élection de for pourra produire ses effets[1030]. Sans compter que cet inconvénient s'aggrave ici par la multiplicité fréquente des tribunaux exclus[1031].

 

    Ensuite, comme nous l'avons déjà indiqué, le postulat de ce rattachement part d'une conception contestable consistant à soumettre l'efficacité de l'élection à l'efficacité de l'exclusion[1032]. Il serait pour le moins singulier que le tribunal saisi soit amené à se déclarer incompétent à l'encontre de sa propre loi, parce qu'une loi étrangère invalide la clause d'élection de for qui le désigne[1033].

 

    Enfin, et c'est là l'un des points essentiels de cette règle de conflit, il est pour le moins contestable de bilatéraliser les règles de compétence directe du juge désigné. Cette négation du caractère nécessairement unilatéral des règles de compétence internationale directe a été vivement critiquée par une partie de la doctrine et constitue “ le véritable talon d'Achille de   l'édifice ”[1034]. On voit mal comment elle serait à même d'assurer le respect de la compétence du juge étranger. Comme l'observe avec justesse HOLLEAUX, “ est-ce vraiment respecter les règles de compétence d'un pays que de décider la compétence normale des juges de ce pays d'après les règles d'un autre État ? ”[1035]. Au surplus, cette méthode de détermination de la compétence d'un juge étranger peut s'avérer aléatoire. Estimer qu'un juge n'est pas compétent en vertu de ses propres règles de compétence directe mais d'après celles de l'État du juge désigné constitue ni plus ni moins un pari sur l'avenir, consistant à espérer que le juge “ normalement compétent ” le sera également d'après sa propre loi. Car il se peut fort bien qu'il n'en soit pas ainsi. Cette hypothèse est considérée par l'auteur comme d'école dans la mesure où les fondements de la compétence judiciaire sont à peu près les mêmes dans tous les pays[1036]. Cette affirmation, comme l'a souligné HOLLEAUX, est tout à fait excessive[1037]. Si toutefois elle se réalisait, Mme GAUDEMET-TALLON propose de faire jouer une sorte de renvoi conduisant à appliquer la loi du tribunal considéré comme compétent d'après les règles de compétence du juge désigné. On constate alors à quel point cette fiction est inutile et ne peut qu'ajouter en complexité. Du reste, la règle de conflit adoptée conduirait à un résultat surprenant lorsque le juge saisi n'est pas compétent. Dans ce cas, le juge saisi n'interrogera pas sa lex fori mais déterminera sa compétence en appliquant deux lois étrangères. Or, il est pour le moins inconcevable qu'un juge n'applique pas sa propre loi pour déterminer sa compétence[1038]. Ajoutons que cette dernière hypothèse ne devrait théoriquement pas se produire. En toute logique, si la juridiction saisie n'est pas compétente selon son droit des conflits de juridictions, on voit mal comment elle pourrait connaître du litige en annulant l'élection de for. Aucun des plaideurs n'a donc intérêt à la saisir.

 

    337.— Sans doute serait-on tenté de considérer que le système préconisé par Mme GAUDEMET-TALLON trouverait aujourd'hui une application plus sûr dans le cadre du droit conventionnel étant donné que les Conventions de Bruxelles et de Lugano permettent de connaître les tribunaux des États contractants auxquels les parties ont échappés[1039]. Mais là encore, ces traités instituant des règles matérielles communes aux États contractants, il n'est pas nécessaire de cumuler les lois puisqu'une loi unique s'applique à tous, du moins en ce qui concerne les conditions de licéité et les conditions de forme. Il reste bien les conditions de validités du contrat qui ne sont pas examinées par les conventions mais il ne nous semble pas approprié de cumuler des lois lorsqu'il est par exemple question de savoir si un consentement a véritablement été donné ou s'il n'est pas vicié. Admettre le contraire reviendrait à ôter toute souplesse à une matière qui, plus qu'une autre, se trouve être le domaine de prédilection de la volonté des parties en droit international privé contemporain.

 

    338.— Si les critiques doctrinales formulées à l'encontre du système présenté par Mme GAUDEMET-TALLON nous semblent par conséquent fondées, la théorie proposée par cet auteur présente cependant d'un grand intérêt dans la mesure où elle intègre la possibilité d'interroger la loi du juge désigné si le juge saisi est le juge exclu.

 

    En définitive, le principal grief que nous formerons à l'égard de la suggestion formulée par Mme GAUDEMET-TALLON dans sa thèse est de proposer une règle de conflit unique, s'appliquant aussi bien lorsque le juge saisi est le juge désigné que lorsqu'il ne l'est pas. De notre point de vue, ces deux situations n'appellent pas les mêmes réponses en matière de conflit de lois. Ce n'est que lorsque le juge saisi n'est pas le juge désigné qu'il y a lieu de s'inquiéter du sort qu'aurait réservé à la clause le juge désigné s'il avait été saisi du litige.

 

 

Section II

 La rÈgle de conflit proposÉe

 

 

    339.— Si nous estimons donc nécessaire, à côte d'une règle matérielle décidant de la licéité de principe des accords d'élection de for, de recourir à la méthode conflictualiste, il n'est pas au préalable inutile de préciser la représentation que l'on se fait du rôle de la règle de conflit de lois. On rappellera que la méthode savignienne consiste à régler les conflits de lois en classant les rapports de droit dans des catégories juridiques auxquelles correspondent un ou plusieurs rattachements. Mode de règlement indirect des relations internationales, en ce sens “ qu'au lieu de résoudre directement les questions de droit privé, elle se réfère à cette fin à la loi d'un pays déterminé ”[1040], cette méthode a profondément influencé le droit international privé des pays européens. Elle a, en revanche, fait l'objet de sévères critiques de la part de la doctrine outre-Atlantique qui lui reprochait, en raison de son caractère mécanique et aveugle, d'aboutir à la désignation d'une loi en l'absence de toute considération de résultat. Cette réaction à l'encontre de la règle de conflit de type savignien a engendré une autre méthode, fondée soit sur la doctrine dite “ des intérêts gouvernementaux ”, soit sur celle dite “ de la justice dans chaque décision ”, devant aboutir à la désignation de la proper law. Cette méthode a consisté, globalement, à tenir compte du contenu substantiel des lois susceptibles d'être appliquées. Il fut proposé, avec des variantes, d'accroître le rôle du juge en lui permettant de rechercher la meilleure solution dans chaque cas d'espèce en tenant compte des différents points de contact du litige afin de déterminer la loi la plus appropriée[1041].

 

    Ces critiques doctrinales n'ont pas connu une large audience au sein de la pensée juridique européenne qui est dans l'ensemble restée fidèle à la méthode savignienne. Elles n'en ont pas moins eu pour effet d'engendrer un nouvel intérêt de la doctrine en ce qui concerne la fonction de la règle de conflit[1042]. On rappellera que la doctrine classique attribuait à la règle de conflit bilatérale une fonction de répartition des compétences législatives[1043]. Son rôle était alors uniquement cantonné à répartir les relations privées entre les différents ordres juridiques. Aujourd'hui, la plupart des auteurs analysent cette fonction comme une réponse à un objectif de régulation tendant à réaliser un juste règlement des intérêts privés internationaux[1044]. Ainsi que le souligne Mme MUIR WATT, “ la règle de conflit est conçue par une grande partie de la doctrine contemporaine comme un cadre, une “ recette ” qui, avant de conduire à la loi applicable, permet à l'interprète de faire valoir un certain nombre d'appréciations d'ordre matériel quant à la solution qu'il convient d'apporter à la question litigieuse ”[1045].

 

    340.— Si donc la règle de conflit de lois ne se désintéresse pas de la solution matérielle, l'idée que l'on se fait de sa fonction a nécessairement influé sur le rôle du rattachement qui “ devient un simple instrument placé au service d'une règle de conflit elle-même subordonnée à l'idée que se fait l'ordre juridique d'un juste et efficace règlement des relations internationales ”[1046].

 

    Nous plaçant dans cette perspective, il importe de proposer un rattachement désignant l'ordre juridique avec lequel la clause d'élection de for présente les liens les plus significatifs et ce, afin de permettre une réglementation des plus efficaces de ce rapport de droit. Mais à côte de la représentation que l'on peut avoir de la fonction de la règle de conflit, il convient d'y ajouter la fonction particulière de la convention d'élection de for qui joue le rôle de condition d'application d'une règle de compétence[1047]. Cette règle, avons-nous vu, permet à l'ordre juridictionnel français de retenir sa compétence internationale s'il a été désigné par la volonté commune des parties. Elle permet également aux parties d'échapper à la compétence internationale des juridictions françaises si elles ont désigné un for étranger. La détermination d'une règle de conflit appropriée passe, pour nous, par la prise en considération de ces deux conséquences radicalement opposées. Selon que le juge français saisi est désigné (§1) ou exclu (§2), la règle de conflit de lois ne pourra être la même. Nous serons donc amené à distinguer ces deux hypothèses.

 

§1 - Le juge saisi est le juge désigné

 

    341.— Cette situation correspond à une correcte exécution de la clause d'élection de for. Le juge saisi et désigné doit alors vérifier si les conditions fixées par sa règle de compétence, qui détermine le cadre d'intervention de la volonté des parties, sont correctement exécutées et si le domaine dans lequel intervient cette élection ne tombe pas sous le coup d'une restriction ou d'une prohibition.

 

    À supposer que la clause soit licite, il nous semble inutile d'interroger la loi du ou des tribunaux étatiques qui auraient pu retenir leur compétence internationale si aucune clause d'élection de for n'avait été conclue. Pour nous, l'exclusion n'est qu'une conséquence de la désignation et seule la régularité de cette dernière importe lorsque l'on se place au regard du tribunal désigné. En l'absence d'une répartition internationale des compétences étatiques, il est fréquent que dans un litige international plusieurs fors puissent retenir la compétence de leurs tribunaux. Or à l'exception des cas de litispendance et de connexité, les règles de compétence internationale directe d'un État, du fait de leur caractère unilatéral, n'ont pas à se soucier que les tribunaux d'un autre État aient pu être compétents. Si cette circonstance n'est pas prise en compte lorsque le tribunal est saisi parce que le défendeur est domicilié dans l'ordre juridictionnel du for, on ne voit pas pourquoi il en irait autrement lorsque sa compétence résulte d'un accord des parties. Dans un cas comme dans l'autre, le juge exclu est tout autant dépossédé de sa compétence et le fait que le litige soit soustrait de sa juridiction par la seule initiative du demandeur ou par la volonté commune des parties n'y change rien, et ce d'autant plus que l'accord d'élection de for ne fait que déclencher l'application d'une règle de compétence du for.

 

    342.— Si l'on s'en tient par conséquent à la nature juridique de l'accord d'élection de for, il serait logique, en tant que contrat, qu'il soit soumis à la loi d'autonomie. Toutefois, en lui même, l'accord d'élection de for n'a de sens que s'il se rattache à un rapport juridique dont il constitue l'accessoire. Ces deux aspects nous paraissent devoir être combinés pour caractériser le rattachement qu'il convient de lui attribuer lorsque le juge élu est saisi.

 

    Dans cette perspective, lorsque l'accord d'élection de for constitue l'accessoire d'un contrat, qu'il fait partie de “ l'économie de la convention ”, la loi de ce contrat devrait lui être appliquée. Lorsqu'en revanche l'accord d'élection de for est passé à propos d'un litige en matière extra-contractuelle — hypothèse plus rare mais qui n'est pas inenvisageable —, la loi qui doit lui être appliquée nous paraît être celle qui régit le rapport juridique pour le compte duquel il a été conclu. Tel est, d'ailleurs, le rattachement qui selon nous devrait caractériser le mieux la loi à laquelle l'accord d'élection de for doit être soumis.

 

    Si l'on considère en effet qu'en toute hypothèse la loi applicable à l'accord d'élection de for est la loi du rapport juridique pour le compte duquel il a été conclu, il est dans ce cas possible de justifier l'application de la lex contractus alors même que cet accord d'élection de for est exclu du champ d'application de Convention de Rome[1048].  Ce n'est pas, dans ce cas, le système de la Convention de Rome qui est directement appliqué à la clause, mais la loi du contrat que cette Convention a déterminé.

 

§2 - Le juge saisi n'est pas le juge désigné

 

    343.— À l'exception de l'éventualité où les plaideurs ont entendu rendre caduque la convention d'élection de for en participant à la procédure engagée par l'une d'eux devant une autre juridiction sans que l'autre en soulève l'incompétence, cette hypothèse correspond à une situation que l'on pourrait qualifier de pathologique : en violation de son engagement, le demandeur saisit un tribunal français alors que l'accord des parties s'était porté sur la ou les juridictions d'un ou de plusieurs autres États. Dans ce cas, la vocation de la juridiction française saisie de connaître du litige passe nécessairement par l'appréhension de la validité de la clause désignant un ordre juridictionnel étranger : nos tribunaux seront compétents ou incompétents selon qu'elle sera jugée nulle ou valable. La détermination des modalités permettant de résoudre cette difficulté est d'autant plus cruciale qu'au regard de l'article 92 du nouveau Code de procédure civile, le juge a la faculté de relever d'office son incompétence lorsque l'affaire “ échappe à la connaissance de la juridiction française ”, ce qui s'applique en principe à toutes les hypothèses d'incompétence internationale. Et qui plus est, cette incompétence peut être relevée en cause d'appel et même devant la Cour de cassation.

 

    344.— Le fondement logique de la compétence ou de l'incompétence du juge saisi et non désigné doit être la quasi-certitude que le juge désigné, s'il avait été saisi, se serait déclaré incompétent ou compétent. Le Doyen BATIFFOL et M. LAGARDE nous paraissent aller dans ce sens lorsqu'ils écrivent dans leur traité que les clauses attributives de juridiction “ doivent assurément être valables selon la loi du juge désigné ”[1049]. Si l'on considère, avec ces éminents auteurs, que ce postulat est incontournable, il est alors nécessaire de connaître le sort que le juge désigné aurait réservé à la clause s'il avait été saisi. Afin que cette exigence soit satisfaite, certains ont proposé d'appliquer la loi du tribunal désigné[1050]. Cette proposition, en apparence satisfaisante, nous parait insuffisante. Selon nous, ce ne sont pas les dispositions matérielles de la lex fori du juge désigné qu'il convient de retenir mais bien la loi que ce juge aurait effectivement appliquée s'il avait été saisi. Autrement dit, nous proposons que le juge saisi mais non désigné apprécie la clause d'élection de for selon la loi désignée par la règle de conflit du juge désigné. Mme GAUDEMET-TALLON avait naguère suggéré ce rattachement dans l'hypothèse où le juge français était saisi d'une demande en exequatur d'une décision émanant d'un tribunal étranger dont la compétence résultait d'une clause d'élection de for[1051]. Mais à propos de la compétence internationale directe, on sait que cet auteur avait proposé l'application cumulative de la loi du tribunal dont la compétence est prorogée et de la loi du tribunal normalement compétent[1052]. Notre approche est donc radicalement différente même si comme nous le verrons, l'adoption de ce rattachement n'est pas sans conséquence en ce qui concerne la compétence internationale indirecte.

 

    345.— L'adoption par le juge saisi du système de conflit du juge désigné présente à nos yeux plusieurs avantages.

 

    En premier lieu elle permet, en principe, d'éviter les conflits négatifs et les conflits positifs. En effet, si le juge saisi estime que la clause est nulle alors que le juge désigné considère qu'elle est valable, les deux États vont admettre leur compétence. Si en revanche, le juge saisi estime que la clause est valable alors que le juge désigné considère qu'elle est nulle, aucun État ne s'estimera compétent. En cas de saisine des tribunaux des deux États, le conflit positif est susceptible d'engendrer un conflit entre deux décisions alors que le conflit négatif provoquera un déni de justice. Certes, la jurisprudence admet la compétence des tribunaux français sur le fondement d'un risque de déni de justice, mais elle ne pourra en l'occurrence être retenue qu'à la condition préalable que le for désigné n'ait pas accepté sa compétence. En appliquant le système de conflit du juge désigné, le juge saisi subordonne sa compétence ou son incompétence à l'incompétence ou à la compétence de juge désigné ce qui, en théorie, devrait exclure les risques de conflit négatif et de conflit positif.

 

    Mais surtout, la règle de conflit dont nous préconisons l'adoption constitue un facteur d'harmonie des solutions. Elle tient compte de l'aspect “ fonctionnel ” des clauses d'élection de for en prenant en considération le but qu'elles poursuivent : la mise en œuvre d'une règle de compétence. En ce sens, elle garantit les légitimes prévisions des parties. En passant une clause d'élection de for, il est raisonnable de penser que les parties ont entendu qu'elle soit appréciée au regard des conditions fixées par la loi que le juge désigné aurait appliquée s'il avait été saisi. Si une loi différente, appliquée par un autre juge, invalide la clause, on ne peut y voir qu'une incitation au forum shopping. Dans cette perspective, l'emprunt au système de conflit du juge désigné que nous proposons nous semble être la meilleure solution pour “ empêcher les parties de profiter abusivement de la diversité des ordres juridictionnels”[1053]. Nul doute que s'il était largement adopté, les plaideurs tenteraient moins de se soustraire à la compétence du juge désigné. De fait, l'efficacité des clauses d'élection de for s'en trouverait renforcée.

 

    346.— En ce qui concerne la compétence internationale indirecte, appliquer le système de conflit du juge désigné présente de sérieux avantages, comme l'a montré Mme GAUDEMET-TALLON, au regard des conditions d'efficacité en France des jugements étrangers. On sait que le juge de l'exequatur doit, entre autres, vérifier la compétence de la loi appliquée au fond. Ce contrôle s'effectue en application des règles de conflit de lois françaises. Cette exigence est critiquable car elle conduit à refuser l'exequatur chaque fois que les règles de conflit de lois françaises et étrangères sont différentes et l'on sait que la jurisprudence en a tempéré les inconvénients en appliquant la théorie de l'équivalence selon laquelle l'exequatur  sera accordée si la loi appliquée conduit au même résultat. S'agissant des accords d'élection de for, si l'on part du principe que la règle de conflit utilisée est nécessairement celle du juge désigné, la décision du tribunal étranger, dont la compétence est fondée sur une clause d'élection de for, ne se verra pas refuser l'exequatur car la loi qu'il aura appliqué à la clause aurait été la même si le juge français, bien que non désigné, avait été saisi.

 

    347.— Le rattachement que nous proposons n'est pas sans rappeler le mécanisme du foreign court theory consacré par les juridictions anglaises. D'après cette théorie, le juge auquel sa règle de conflit prescrit d'appliquer la loi d'un État étranger doit statuer exactement comme l'aurait fait le juge de cet État, ce qui le conduit à appliquer le système de conflit de loi de cet État[1054]. La critique la plus fréquemment formulée contre ce système est qu'il ne supporte pas la généralisation : si tous les États l'appliquaient, il deviendrait impraticable.

 

    Cette critique peut être écartée si l'on garde en tête l'idée que le système que nous proposons n'est pas en soi une solution générale de conflit de lois mais un mécanisme correcteur : le système de conflit du juge désigné n'est appliqué que parce que le juge exclu est saisi. Si la loi du juge élu désigne la loi du juge exclu et saisi, ce dernier devra alors appliquer sa propre loi sans tenir compte de sa règle de conflit dont le but est d'assurer que la même loi soit appliquée quel que soit le juge saisi.

 

    On écartera également une autre des critiques adressée au foreign court theory qui est que “ le for prépondérant auquel le juge anglais emprunte son système de conflit de lois est déterminé non par des considérations propres à la compétence juridictionnelle mais par la règle de conflit de lois anglaise ”[1055]. En l'occurrence, ce reproche ne peut être adressé au rattachement que nous proposons. En effet, le système de conflit de lois est bien déterminé par des considérations propres à la compétence juridictionnelle puisqu'il s'agit de celui du juge désigné par un accord d'élection de for.

 

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    348.— Conclusion du Titre I L'éviction de la méthode conflictualiste en matière de convention d'arbitrage ne nous paraît pas être un “ modèle ” pour la convention d'élection de for. Le recours à des règles matérielles de droit international privé relatives à la formation de cette convention s'inscrit dans une démarche de favor arbitrandum fondée sur “ une conception "très souple" de la volonté des parties, allant même jusqu'à présumer celle-ci ”[1056]. Une telle démarche aboutit à des solutions dont la cohérence intrinsèque peut parfois être discutable. De surcroît, le recours à des règles matérielles nous paraît constituer un facteur d'incertitude non négligeable. Ces règles étant des règles françaises, leur application dépendra de la saisine des tribunaux du français. Seules les relations intra-communautaires sont à l'abris de ce reproche dans la mesure où les règles matérielles issues de la Convention de Bruxelles seront applicables quel que soit le juge saisi du litige. Mais le droit conventionnel européen ne s'applique pas lorsque les parties ont désigné le tribunal ou les tribunaux d'un État tiers. Dans ce cas, le recours à la méthode conflictualiste nous paraît être le meilleur moyen de garantir les prévisions des parties. Dans cette perspective, il est proposé de retenir une solution de conflit qui distinguerait selon que le juge élu est ou non saisi par les plaideurs. En cas de saisine du juge élu, la loi applicable à l'accord d'élection de for serait la loi de la relation juridique pour le compte duquel cet accord a été passé. Lorsqu'en revanche le juge saisi n'est pas le juge qui a été désigné par les parties, il est proposé d'appliquer la loi qui aurait été appliquée par ce juge s'il avait été effectivement saisi du litige, autrement dit d'appliquer la loi désignée par le système de conflit du juge élu.

 


 

TITRE II

 

LA VALIDITÉ DE L'ACCORD D'ÉLECTION DE FOR

 

 

 

 

 

 

    349.— La validité de l'accord d'élection de for en tant qu'acte juridique ne devrait en principe être abordée qu'en termes de conflit de lois. Dans cette perspective, le fond serait soumis à la loi d'autonomie, la forme à la règle locus regit actum[1057] et la capacité à la loi personnelle des parties[1058]. Et si l'on retient le critère de rattachement que nous avons proposé, il faudrait appliquer la loi du rapport juridique pour le compte duquel l'accord d'élection de for a été conclu et, si le juge saisi n'est pas le juge désigné, la loi qu'aurait appliqué le juge élu s'il avait été saisi[1059]. Mais l'on a vu qu'au cours de la période contemporaine, les insuffisances, réelles ou supposées, du procédé conflictualiste furent mises en avant afin de justifier la création de règles matérielles[1060]. À coté de la méthode conflictualiste, ces règles matérielles occupent désormais, en matière d'accord d'élection de for, un domaine important dont certains souhaiteraient qu'il soit encore plus étendu[1061].

 

    Les premières des conditions de validité à avoir été concernées par l'émergence de cette réglementation matérielle sont relatives à la forme. Pendant longtemps, le respect d'une forme particulière ne fut pas nécessaire à la validité de l'accord d'élection de for. Les tribunaux n'exigeaient pas que les parties consignent leur volonté par écrit[1062] et considéraient que la lex loci actus devait régir la forme de l'accord d'élection de for[1063]. La doctrine commença pourtant à déceler de timides tentatives jurisprudentielles consistant à subordonner la validité de la clause d'élection de for à la connaissance que doit en avoir eu la partie à laquelle on l'oppose lorsqu'elle est insérée dans un contrat d'adhésion ou un contrat type[1064]. Cette tendance illustrait la nécessité de protéger le consentement des parties contre certaines pratiques consistant à faire figurer des clauses attributives de juridiction dans des factures, des correspondances ou tout autre document contractuel annexe. Enfouie dans un flot de stipulations complexes, parfois illisible et souvent rédigée dans une langue étrangère, la clause d'élection de for risquait alors de passer inaperçue dans la rapidité des transactions et d'engager une partie sans même qu'elle s'en soit rendu compte. Dans ces conditions, s'en remettre à la méthode conflictualiste pour savoir s'il fallait opter pour le consensualisme ou le formalisme était apparu inadapté, le manque de prévisibilité des règles de conflit de lois s'accordant difficilement avec le besoin de mettre en place des exigences formelles minimales. La nécessité d'une réglementation matérielle relative à la forme s'est alors imposée, tant en droit conventionnel européen qu'en droit commun des conflits de juridictions. Mais de ce que le fond — à savoir le consentement des parties — se dissocie difficilement de la forme, qui représente l'expression de ce consentement, il résulte que ce n'est pas seulement la validité en la forme de l'accord d'élection de for que ces règles matérielles abordent, mais aussi la rencontre des volontés. Ce sont d'ailleurs principalement les règles de forme qui permettront d'établir l'existence du consentement. C'est pourquoi il y a lieu d'envisager, de manière globale, l'accord des volontés (Chapitre I).

 

    L'objet de l'accord d'élection de for, c'est-à-dire la désignation, est également soustrait au jeu des conflits de lois. On ne s'en étonnera guère. Seule, en effet, la loi de l'État dont les tribunaux sont saisis a vocation pour admettre ou refuser que la volonté commune des parties puisse rattacher le litige à son ordre juridictionnel. La désignation peut alors sembler relever du domaine de la licéité et non de celui de la validité. En définitive, il n'en est rien car la perspective adoptée diffère. Déterminer s'il est licite pour les parties de choisir le juge compétent est une chose, apprécier la régularité du contenu d'un tel choix en est une autre. L'annulation d'une clause d'élection de for du fait, par exemple, de l'imprécision de sa désignation ne signifie pas que les parties n'ont pas le droit de choisir leur juge. La validité de la désignation échappe cependant à la méthode conflictualiste dans la mesure où elle emporte nécessairement des effets processuels. Il y a lieu, dès lors, de rendre compte dans un second temps des conditions de validité de cette désignation (Chapitre II).

 


 

CHAPITRE I

 

L'ACCORD DE VOLONTÉS

 

 

 

 

 

 

    350. Si le consentement désigne la manifestation de volonté de chacune des parties, l'échange des consentements désigne la rencontre, l'accord de deux volontés qui va donner naissance au contrat[1065]. Sur un plan théorique, ces volontés doivent être distinguées de leur mode d'expression. Il est ainsi traditionnellement enseigné que les règles de forme constituent ce mode d'expression, c'est-à-dire l'extériorisation de la volonté et non la volonté en tant que telle. On a donc pu écrire à ce sujet qu'elles prescrivent “ un comportement matériel et tangible, extérieur à la volonté proprement dite ”[1066].

 

    Mais l'accomplissement d'une forme est plus facile à établir que le consentement des parties. Or si la forme ne remplace pas la volonté mais ne fait que s'y ajouter, si elle ne constitue qu'“ un simple procédé strictement ordonné à la fin qu'il poursuit ”[1067], la finalité du formalisme en matière d'élection de for consiste justement à établir l'existence du consentement des parties. C'est du moins ce qui apparaît sous la plume de la CJCE lorsqu'elle décide que les conditions de forme de l'article 17 de la Convention de Bruxelles “ imposent au juge saisi [...] d'examiner [...] si la clause [...] a effectivement fait l'objet d'un consentement entre les parties, [ce consentement devant] se manifester d'une manière claire et précise, [...] les formes de l'article 17 ayant pour fonction de s'assurer qu'il soit effectivement établi entre les parties ”[1068]. Et sans être aussi explicite, il nous semble que c'est le sens qu'il convient de donner à la formule qu'utilise, en droit commun des conflits de juridictions, la Cour de cassation lorsqu'elle décide “ qu'une clause attributive de juridiction n'est opposable qu'à la partie qui en a eu connaissance et qui l'a acceptée au moment de la formation du contrat ”[1069]. En effet, cette connaissance, sans laquelle il ne peut y avoir d'acceptation, se déduit principalement de la présentation et de l'emplacement de la clause tandis que l'acceptation doit nécessairement s'exprimer. Telle que, la forme permettra d'établir la connaissance de l'acceptant ainsi que l'expression de son agrément.

 

    351. L'utilisation du formalisme en vue d'établir la réalité du consentement des parties rend incertaine la distinction du fond et de la forme, même si la jurisprudence s'efforce encore de dissocier ces deux notions. Dès lors, il convient de s'interroger sur l'utilité de la détermination de la loi applicable à l'existence du consentement. À cet égard, certains ont pu souligner que la mise en œuvre des règles de forme ne dispense pas du recours aux lois étatiques lorsque la réalité du consentement est contestée pour des raisons tenant à la santé mentale ou à la capacité[1070]. Mais, hormis ces hypothèses, rarissimes en pratique et qui nous semblent plutôt relever de la loi qui régit la capacité et non de la loi qui régit le consentement, force est de reconnaître que le respect des prescriptions de forme vide pratiquement la question de l'existence du consentement. Ce n'est en revanche assurément pas le cas des vices du consentement qui sont soumis à la loi applicable à l'accord d'élection de for. L'on aurait tort, cependant, de négliger le rôle des règles de forme dans ce domaine car plus le formalisme sera rigoureux, moins il sera possible d'établir que le consentement est entaché d'erreur ou a été arraché par malice.

 

    352. L'usage du formalisme à des fins substantielles permet d'expliquer la raison pour laquelle l'accord d'élection de for est devenu un acte solennel. Ce caractère solennel ne fait aucun doute en droit commun des conflits de juridictions. Il suffit, pour s'en convaincre, de lire attentivement l'article 48 du nouveau Code de procédure civile pour constater que le respect des prescriptions de forme qu'il édicte est exigé pour que la clause attributive de juridiction produise ses effets[1071]. Il fut, en revanche, moins évident à qualifier en droit conventionnel européen. Il est vrai que l'article 17 de la Convention de Bruxelles n'énonce pas la sanction attachée à l'inobservation des exigences de forme qu'il prescrit. M. JÉNARD a pu ainsi soutenir que la valeur de l'écrit devait dépendre de la lex fori[1072]. Combattue par M. DROZ[1073], cette opinion a été démentie par la CJCE[1074]. Aussi bien, nul ne conteste actuellement que les formes de l'article 17 sont exigées à titre de validité de l'accord d'élection de for.

 

    L'incidence du caractère solennel des règles de forme est loin d'être négligeable en matière probatoire. Sans doute, comme on a pu l'écrire, “ les formes solennelles ont-elles d'autres buts que la preuve, du moins la preuve est-elle un de ces buts : "les formes solennelles ne demeurent pas étrangères, par leur but, à la preuve des actes qui la requièrent" puisque la solennité voulue ad validitatem servira a fortiori à la preuve ”[1075]. Ainsi, l'accomplissement de la prescription de forme imposée par la règle permettra en principe d'établir l'existence de l'accord d'élection de for telle est d'ailleurs la fonction qui lui a été assignée par la Cour de Justice , son contenu et, le plus souvent, d'identifier les parties. Et les règles solennelles étant, tant en droit commun des conflits de juridictions qu'en droit européen, des règles matérielles de droit international privé, la recherche de la loi applicable à la preuve devient théoriquement inutile.

 

    353. L'analyse des règles de forme, et de leur fonction relativement au consentement des parties, doit également tenir compte de l'évolution des modes de conclusion des actes juridiques. Or, ceux-ci tendent à se modifier avec l'émergence des nouvelles technologies de l'information. En effet, la conclusion d'un contrat  par voie télématique sur un réseau international, comme par exemple le réseau Internet, entraîne la dématérialisation de l'acte instrumentaire. Il devient alors inévitable de s'interroger sur la validité de l'accord d'élection de for électronique et ce, notamment, au regard des conditions de forme solennelles auxquelles il est soumis.

 

    Dans ces conditions, il y a lieu d'étudier les règles de forme d'après leur rôle consistant à établir le consentement des parties à l'accord d'élection de for (Section I), puis des effets de l'informatisation des relations contractuelles à leur égard (Section II).

 

 

Section I

Formalisme et consentement des parties

 

 

    354. Les débats qui eurent lieu dans le cadre des Conférences de La Haye chargées de préparer les trois conventions internationales intéressant les accords d'élection de for[1076] illustrent à quel point l'élaboration des règles de forme est problématique. En effet, ces trois conventions ont chacune abordé la forme de l'accord d'élection de for d'une manière différente. Ainsi, la Convention de La Haye du 15 avril 1958 sur la compétence du for contractuel en cas de vente internationale d'objets mobiliers corporels indique, en son article 2, que les parties à un contrat de vente internationale désignent de manière expresse le tribunal ou les tribunaux compétents et que “ lorsque la vente, conclue oralement, comporte la désignation d'un for, cette désignation n'est valable que si elle a été exprimée ou confirmée par une déclaration écrite émanant de l'une des parties ou d'un courtier, sans avoir été contestée ”. La Convention de La Haye du 25 novembre 1965 sur les accords d'élection de for, dans son article 4, alinéa 1er , précise que “ l'accord d'élection de for est valablement formé s'il résulte de l'acceptation par une partie de la proposition écrite de l'autre partie désignant expressément le tribunal ou les tribunaux élus ”. Enfin, la Convention de La Haye du 1er février 1971 sur l'exécution des jugements en matière civile et commerciale exige, dans son article 10, n° 5, une convention écrite ou une convention verbale confirmée par écrit dans un délai raisonnable.

 

    Les difficultés suscitées par l'élaboration des règles de forme peuvent s'énoncer ainsi : comment s'assurer de l'existence de la volonté commune des parties tout en tenant compte des pratiques peu formalistes du commerce international et de la protection de ceux qui concluent occasionnellement des contrats internationaux ? La réponse à cette interrogation, comme l'illustre l'évolution du formalisme, passe inévitablement par une pluralité de règles de forme. En effet, alors que l'exigence d'un écrit a été dans un premier temps imposée par la Convention de Bruxelles et le nouveau Code de procédure civile comme l'unique règle de forme, des formes plus souples tenant compte des usages et des habitudes de la vie des affaires sont apparues ensuite sous l'impulsion de la jurisprudence et, en droit européen, des diverses Conventions d'adhésion.

 

    Mais cette évolution ne traduit pas uniquement un allégement du formalisme. Elle affecte également les conditions de fond. Si l'exigence d'un écrit permet de garantir l'effectivité du consentement (§1), nous verrons que l'émergence de procédés plus souples se traduit par un changement de perspective : le consentement sera présumé effectif si tel usage, telle pratique ou telle habitude a été observé (§2). Ce regain de libéralisme risque alors d'accentuer les abus naguère dénoncés des clauses figurant dans les conditions générales, les factures, les correspondances, etc. et d'engendrer ce qu'une expression imagée des anglo-saxons désigne par the battle of forms, la “ bataille des formulaires ”, lorsque les documents échangés par les parties contiennent des clauses différentes. Il convient alors d'analyser les difficultés soulevées par la présence de clauses contradictoires au regard de l'existence du consentement (§3).

 

§1 - L'effectivité du consentement

 

    355. L'effectivité du consentement se manifeste avant tout au moyen d'un accord d'élection de for exprimé par écrit. Cette forme écrite n'est plus aujourd'hui que l'une des formes auxquelles se trouve subordonnée la validité de l'accord d'élection de for. Pratiquement, son application semble se limiter à tous les cocontractants pour qui la conclusion d'un contrat international reste exceptionnelle. Pour ceux-là, la qualité du consentement doit correspondre à un minimum d'exigences. L'application pure et simple des règles de l'écrit ne couvre donc plus qu'un domaine résiduel[1077]. On aurait tort cependant d'estimer que la forme écrite ne concerne plus les opérateurs du commerce international. Il faut simplement constater que si un accord d'élection de for ne remplit pas les conditions de forme de l'accord écrit, il pourra malgré tout être efficace s'il est conforme aux solennités mieux adaptées à la vie des affaires que sont les habitudes établies par les parties et les usages du commerce international[1078].

 

    La forme écrite est requise, en droit européen, par l'article 17 des Conventions de Bruxelles et de Lugano qui se réfère à une “ convention  écrite ”. En droit interne, elle se déduit de l'article 48 du nouveau Code civil qui, bien que ne mentionnant pas expressément le caractère écrit de la clause attributive de juridiction, précise que si la clause n'a pas été “ spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée ”, elle sera “ réputée non  écrite ”, ce qui implique nécessairement un consentement exprimé par écrit[1079]. À première vue, l'application de ce formalisme au droit commun des conflits de juridictions semble discutable depuis que la Cour de cassation, dans l'arrêt C.S.E.E. c/ Sorelec[1080], a refusé d'étendre l'article 48 du nouveau Code de procédure civile aux relations internationales. Le fait qu'un arrêt rendu ultérieurement à cette non-transposition ait appliqué la règle locus regit actum[1081] renforce cette impression. Mais cette décision est restée isolée. En outre, la formule utilisée par la Cour de cassation dans l'arrêt C.S.E.E. c/ Sorelec pour consacrer la licéité des clauses de for (qui sont licites “ lorsqu'il s'agit d'un litige international [et] lorsque la clause ne fait pas échec à la compétence territoriale impérative d'une juridiction française ”), permet de soutenir que seule la prohibition de ces clauses entre commerçant et non commerçant a été écartée des relations internationales.

 

    356. Afin d'être assurée de la réalité du consentement des deux parties, la Cour de cassation exige que l'accord d'élection de for ait été connu et accepté au moment de la formation du contrat. Issue du droit commun des conflits de juridiction, cette double exigence s'impose également aux clauses d'élection de for régies par la Convention de Bruxelles ce qui, tout bien considéré, ne contredit pas l'esprit de la jurisprudence de la CJCE dont l'objectif est de garantir l'effectivité du consentement. On ajoutera qu'elle tombe sous le sens. “ On ne peut, en effet, accepter que ce que l'on connaît ”[1082]. Ainsi la connaissance (A/) et l'acceptation (B/) de la clause d'élection de for constituent deux épreuves qu'elle devra affronter avec succès pour produire ses effets entre les cocontractants.

 

    A/ La connaissance de l'accord d'élection de for

 

    357. La formation d'un contrat donne souvent lieu à la rédaction, à l'échange et à la remise de divers documents. La présence d'une clause d'élection de for dans l'un de ces documents ne permet pas toujours d'établir que la partie à qui on l'oppose en a eu connaissance. Certes, lorsqu'un cocontractant accepte un contrat, il est censé avoir consenti à toutes les clauses qu'il contient[1083]. Il y a pourtant des stipulations dont on peut douter qu'elles aient été réellement connues, soit parce qu'elles ont été introduites de manière subreptice en raison de leur emplacement sur les documents contractuels, soit encore parce qu'elles sont illisibles. Il apparaît alors nécessaire d'étudier l'incidence de l'emplacement (1°) et de la lisibilité (2°) sur la connaissance de la partie à qui l'accord d'élection de for est “ opposé ”.

 

1° L'emplacement de l'accord d'élection de for

 

    358. L'étendue de la connaissance du contenu du contrat peut, dans certains cas, être incertaine, surtout à l'égard des stipulations accessoires. En raison notamment de la banalisation des contrats types, les clauses relatives aux aspects secondaires du contrat ne font bien souvent l'objet d'aucune discussion, même lorsque le contrat est passé entre deux professionnels. Certes, le fait qu'une clause n'ait pas été négociée ne signifie pas qu'elle n'a pas été connue. Mais l'on sent bien que cette absence de négociation peut rendre cette connaissance équivoque. D'où l'importance, entre autre, de l'emplacement de ces stipulations. Si l'on peut raisonnablement estimer que les clauses d'élection de for, à l'instar des autres clauses accessoires, doivent être supposées connues (et donc acceptées) lorsqu'elles sont situées dans le document juste avant la signature, il y a lieu d'être plus nuancé lorsqu'elles figurent au dos du document signé par les parties (a), sur un document extérieur au contrat (b) ou dans les statuts d'une société (c).

 

 

 

 

    a) La clause d'élection de for figurant au verso du contrat

 

    359. D'une manière générale, l'intégration des clauses situées au verso non paraphé de l'instrumentum  dans le champ contractuel ne va pas de soi. Elle implique, le plus souvent, l'utilisation de certains procédés parmi lesquels figurent en bonne place celui de la clause de référence renvoyant de manière expresse aux stipulations inscrites à l'envers du document signé par les parties.

 

    360. En droit européen, l'exigence d'un renvoi au verso a été affirmée par la CJCE dans le célèbre arrêt Estasi Salotti di Colzani c/ Rüwa Polstereimaschinen Gmbh[1084]. En l'espèce, l'acte instrumentaire avait été établi sur le papier commercial à en-tête de l'une des parties et comportait au verso les conditions générales de vente de celle-ci qui contenaient une clause attributive de compétence, sans que le texte du contrat y fasse expressément référence. Afin d'écarter la clause d'élection de for, la Cour de Luxembourg a jugé “ qu'en elle même, la simple impression, sur le verso d'un contrat établi sur le papier d'affaires de l'une des parties, d'une clause attributive de juridiction dans le cadre des conditions générales de cette partie ne satisfait pas aux exigences de l'article 17, aucune garantie n'étant donnée par ce procédé que l'autre partie a consenti effectivement à la clause dérogatoire au droit commun en matière de compétence judiciaire ; qu'il en est autrement dans le cas où, dans le texte même du contrat signé par les deux parties, un renvoi exprès est fait à des conditions générales comportant une clause attributive de juridiction ”  (motif n° 9).

 

    Ce motif éclaire la manière avec laquelle la CJCE entend utiliser les formes de l'article 17 de la Convention de Bruxelles pour résoudre certaines questions de fond. On ne s'en étonnera guère dans la mesure où, déjà, la lecture du Rapport JÉNARD révélait le souci des auteurs de la Convention de Bruxelles d'éradiquer les clauses d'élection de for susceptibles de passer inaperçues dans les contrats. Cette préoccupation explique les raisons pour lesquelles l'élection de for a été qualifiée de “ convention ”, ce qui suppose un échange de consentement entre les parties, et que, “ pour garantir la sécurité juridique ”, les formes qu'elle doit revêtir ont été expressément prévues par l'article 17[1085]. Cette sécurité juridique implique, à tout le moins, que les règles de forme permettent de garantir la réalité de la volonté commune des parties. Il n'est, dès lors, guère surprenant que la question de la nécessité d'un renvoi au verso n'ait pas été soumise à la loi applicable à la clause d'élection de for. En effet, si la fonction du renvoi est de permettre aux contractants d'avoir conscience de l'existence des stipulations situées au verso de l'acte instrumentaire, l'exigence d'une référence permet de contrôler l'effectivité du consentement des parties à la clause d'élection de for. De cette manière, l'accord d'élection de for situé au verso pourra être considéré comme une “ convention écrite ” au sens de la Convention de Bruxelles.

 

    361. L'exigence d'un renvoi au verso sera par la suite réaffirmée dans l'arrêt Geominne Hout c/ Tilly Russ[1086] et se trouve convenablement appliquée par la jurisprudence interne relative à la Convention de Bruxelles[1087]. Elle s'impose également en droit commun des conflits de juridictions compte tenu des exigences de forme de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile applicable en la matière[1088]. Ce texte, en effet, précise que la clause attributive de juridiction doit être spécifiée dans l'engagement de la partie à qui on l'oppose. Or, en droit commun des contrats, les stipulations inscrites à l'envers de l'instrumentum n'engagent les cocontractants que si figure au recto une référence expresse au verso[1089]. Ce qui est vrai pour les stipulations contractuelles en général devrait théoriquement l'être aussi pour la clause attributive de juridiction en particulier. Aussi bien ne sera-t-on pas surpris que la Cour de cassation ait approuvé une Cour d'appel d'avoir relevé “ qu'une mention très apparente, au recto du connaissement, renvoyait au verso pour l'exposé des conditions du contrat, que la clause attributive de juridiction figurait dans un paragraphe spécial de ces conditions ... ”[1090].

 

    362. Si l'exigence d'un renvoi au verso apparaît ainsi commune au droit européen et au droit commun des conflits de juridictions, elle n'en suscite pas moins les réserves d'une partie de la doctrine. Ainsi pour M. Bischoff, “ il peut paraître pour le moins étrange qu' "une partie appliquant une diligence normale" n'ait pas le moins du monde à se soucier de ce qui se trouve à l'envers du papier qu'elle signe, à moins qu'on ne l'invite spécialement à y regarder de plus près, ce en quoi peut finalement se résumer la position de la [CJCE] [1091]. Cette critique ne manque pas de pertinence, surtout lorsque les parties sont des professionnels avertis. À cet égard, on peut observer l'évolution du droit européen qui permet d'écarter l'exigence d'un renvoi au verso si telle est l'habitude des parties[1092] ou lorsqu'un usage du commerce international les dispense de cette formalité[1093]. Et si le droit commun des conflits de juridictions n'est pas aussi arrêté en la matière, on relève néanmoins que certains arrêts ont pris soin d'insister sur la qualité de professionnel et de contractant habituel d'une partie pour valider la clause d'élection de for figurant au verso malgré l'absence d'un renvoi exprès[1094].

 

    Mais pour les contractants qui ne sont pas des opérateurs réguliers du commerce international, il nous semble utile de maintenir l'exigence d'un renvoi au verso dans la mesure où elle incarne, à sa manière, la notion de bonne foi dans le domaine de la présentation du contrat. En facilitant l'accès des parties aux stipulations contractuelles, elle permet d'“ assurer au cocontractant une présentation "honnête" du document contractuel ”[1095] sans pour autant imposer un formalisme outrancier.

 

    b) La clause d'élection de for figurant sur un document extérieur au contrat

 

    363. D'une manière générale, les stipulations insérées dans un document non signé par les parties inspirent un certain scepticisme, surtout en matière de contrat d'adhésion. Leur utilisation n'en est pas moins courante en pratique. Il est ainsi fréquent en matière de contrats internationaux que la clause d'élection de for ne soit pas directement insérée dans le corps même du contrat mais figure dans un document extérieur contenant des conditions générales d'affaire, dans un contrat précédent ou dans un contrat type.

 

    Pour faire partie intégrante du champ contractuel, la jurisprudence exige en droit commun des contrats que l'instrumentum se réfère de manière claire et précise au document extérieur au contrat signé dans lequel la clause est incluse[1096], cette référence ayant pour objet “ de prouver que le contractant a pris connaissance de ces documents, et qu'en apposant sa signature sur l’instrumentum faisant renvoi à ces documents, il les a acceptés ” [1097].

 

    364. En droit conventionnel européen, la question de la clause d'élection de for par référence fut abordée dans l'affaire Estasi Salotti di Colzani c/ Rüwa Polstereimaschinen Gmbh[1098] qui concernait également la clause d'élection de for figurant au verso de l'instrumentum. Répondant, en l'occurrence, à la seconde question qui lui avait été posée par le Bundesgerichtshof, la CJCE a jugé “ qu'il est en principe satisfait à l'exigence de forme écrite posée par l'article 17, alinéa 1, lorsque, dans le texte de leur contrat, les parties se sont référées à une offre qui, à son tour, renvoyait de manière expresse à des conditions générales comportant une clause attributive de juridiction ; que cette appréciation ne vaut cependant que pour le cas d'un renvoi explicite, susceptible d'être contrôlé par une partie appliquant une diligence normale et s'il est établi que les conditions générales comportant la clause attributive de juridiction ont été effectivement communiquées à l'autre partie contractante avec l'offre à laquelle il est  renvoyé ; que, par contre, l'exigence de forme écrite posée par l'article 17 ne serait pas remplie dans le cas de renvois indirects ou implicites à des correspondances antérieures, aucune certitude n'étant donnée que la clause attributive de juridiction a effectivement fait l'objet d'un consentement proprement dit ” (motif n° 12).

 

    365. Ainsi énoncé, le régime de la clause d'élection de for par référence est strictement élaboré. On constate, de prime abord, que le renvoi à un document distinct doit nécessairement être exprès et ce afin d'établir que la clause d'élection de for était connue de la partie qui a signé l'instrumentum. Ce caractère exprès ne vaut que pour le document en l'occurrence des conditions générales de vente qui comporte la clause. Il n'apparaît pas à la lecture de l'arrêt que la référence doit, en outre, indiquer l'existence de la clause d'élection de for.

 

    On constate, ensuite, que la CJCE insiste sur l'effectivité de la remise du document annexe à l'autre partie. Selon les termes même de l'arrêt, ce document doit être remis avec l'offre à laquelle il est renvoyé ce qui laisse clairement entendre qu'il doit avoir été communiqué avant la conclusion du contrat et, au plus tard, au moment de la signature[1099]. La clause d'élection de for figurant dans un document remis postérieurement à la conclusion du contrat, telles les factures[1100], ou dans un document non remis[1101], ne peut être opposée à l'autre partie.

 

    366. Mais si la nécessité d'une remise est exigée, les modalités permettant de la justifier ne sont pas envisagées. En pratique toutefois, il n'est pas rare que la clause de référence précise qu'une partie “ déclare avoir reçu un exemplaire des conditions générales du contrat ”. La clause de référence se trouve alors associée à ce qui paraît être une stipulation sur la preuve dont les termes employés écartent le plus souvent toute possibilité de discussion : à partir du moment où il est constaté qu'un document est connu, toute preuve contraire semble a priori impossible à rapporter. Tout dépendra, en définitive, du régime applicable à cette stipulation. De lege ferenda, il ne semble pouvoir être élaboré à partir de l'article 17 de la Convention de Bruxelles dans la mesure où la clause sur la preuve ne constitue pas la clause d'élection de for par référence mais, uniquement, un moyen comme un autre d'établir la remise d'un document annexe. Il faudrait alors recourir à la méthode conflictualiste. Sur ce plan, si l'on considère que la remise d'un document constitue un fait juridique, l'admissibilité de la clause sur la preuve et sa force probante doivent relever de la loi du for[1102]. Et si la lex fori consacre la liberté de la preuve en matière de fait juridique, ce qui sera généralement le cas, rien n'empêche les parties de fixer conventionnellement le mode de preuve qu'elles vont utiliser ainsi que sa force probante. Mais, d'un autre côté, il semble possible d'affirmer que la connaissance du contenu du contrat par une partie, que permet de réaliser la clause indiquant qu'un document extérieur a été reçu, constitue l'un des éléments rendant vraisemblable l'existence de l'acte. Le contrat, en effet, n'est formé que si son contenu a été connu et accepté. La preuve de la connaissance de l'acte ne semble alors pouvoir être dissociée de la preuve de l'acte lui même. C'est donc dans la catégorie de la preuve des actes juridiques qu'il y aurait lieu de se situer. En la matière, on rappellera que l'admissibilité des modes de preuve est rattachée alternativement soit à la loi du for, soit à la loi étrangère du lieu de l'acte[1103]. Enfin, un autre point de vue, auquel nous adhérons, consisterait à penser que cette question devrait être régie par la loi applicable à la clause d'élection de for puisqu'il s'agit précisément d'appréhender la validité d'un procédé permettant d'intégrer la clause dans le contrat.

 

    À notre connaissance, la jurisprudence rendue en droit international privé n'a jamais eu à connaître d'une clause par laquelle une partie déclare avoir reçu un exemplaire d'un document extérieur au contrat qu'elle a signé. S'agissant en revanche du droit interne français, la jurisprudence considère qu'une telle clause est licite, la Cour de cassation ayant même précisé qu'elle n'était pas abusive dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs[1104]. Toutefois, celui qui entend échapper à l'application d'une des clauses figurant dans un document annexe peut tenter de rapporter la preuve qu'elle n'a pas été effectivement portée à sa connaissance, par exemple en démontrant que la clause litigieuse était illisible ou dissimulée[1105]. La preuve contraire ne paraît alors concerner que la connaissance du document et non le fait qu'il n'ait pas été effectivement reçu. En ce sens, la présomption de remise d'un document annexe instaurée par la clause de renvoi paraît irréfragable, même s'il reste toujours possible de contester la connaissance du contenu d'un tel document.

 

    367. La CJCE évoque, par ailleurs, la situation où l'acte instrumentaire renvoie expressément à un document qui, lui même, se réfère à un autre document, par exemple des conditions générales. Une succession de renvois peut de cette façon être imaginée. En indiquant que le renvoi doit pouvoir être contrôlé par une partie appliquant une diligence normale, la CJCE n'exclut pas cette possibilité mais suggère que chacun des renvois doit être aussi exprès que celui inscrit sur le document contractuel principal[1106]. Ce faisant, la Cour de Justice fait de la référence un élément permettant de déterminer la portée de la clause d'élection de for. Il est fréquent, en pratique, que les parties concluent une succession de contrats étroitement liés entre eux, voire dépendants les uns des autres. La question se pose alors de savoir si la clause d'élection de for insérée dans un de ces contrats s'applique également aux autres[1107]. S'il s'agit de contrats distincts, la Cour de cassation vérifie si le litige est relatif au contrat dans lequel elle a été stipulée. Si le litige concerne un autre contrat, la clause d'élection de for sera écartée et ce, même si tous les contrats ne sont pas sans liens entre eux[1108], à moins que le contrat litigieux comporte une référence au contrat dans lequel la clause est insérée[1109].

 

    La référence apparaît ainsi comme la condition sine qua non de l'incorporation de la clause dans le champ contractuel. D'où l'intérêt qu'il y a lieu de porter aux modes de référence. À cet égard, on relèvera que la Cour de Luxembourg écarte très clairement toute possibilité de renvoi implicite. L'hypothèse de rapports commerciaux pouvant tenir lieu de référence indirecte doit, dans ces conditions, être exclue[1110]. Il convient toutefois d'observer qu'à partir du moment où il est désormais tenu compte des habitudes établies entre les parties et des usages du commerce international[1111], la portée de cette restriction peut s'en trouver sensiblement diminuée.

 

    368. En droit interne, la doctrine s'était inquiétée des clauses attributives de juridiction figurant dans des documents annexes dès avant le nouveau Code de procédure civile[1112]. Il est vrai que pendant longtemps, la jurisprudence dominante estimait que le fait d'avoir reçu une facture[1113] ou un document commercial[1114] contenant une clause attributive de juridiction sans élever de protestation impliquait une acceptation tacite du destinataire. Bien souvent, les Cours et Tribunaux se fondaient sur les relations d'affaires entre les parties afin de justifier le fait que la partie laquelle on opposait la clause ne pouvait soutenir qu'elle l'ignorait et qu'elle ne l'avait pas acceptée. Les auteurs dénonçaient pourtant le fait qu'en pratique, cette argumentation permettait en quelque sorte à une partie d'imposer unilatéralement et après coup une clause attributive de juridiction à son cocontractant[1115].

 

    Aussi bien, la notion d'acceptation tacite fut-elle abandonnée par la Cour de cassation[1116] qui, dans le dernier état de sa jurisprudence, exigeait que la connaissance de la clause attributive de juridiction ait lieu avant la conclusion du contrat[1117]. Cette exigence, toutefois, n'empêchait pas de faire figurer une clause attributive de juridiction dans un document annexe. Elle ne concernait que le moment où ce document devait avoir été remis à la partie à qui la clause était opposée. De surcroît, la jurisprudence ne statuait pas sur la nécessité d'une référence au document contenant la clause. Le point de savoir si la clause avait bien été connue au moment de la formation du contrat était considéré comme une question de fait relevant du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond. Au surplus, cette évolution ne semblait pas concerner le droit commun des conflits de juridictions, la jurisprudence rendue en la matière admettant facilement qu'en cas de relations d'affaires suivies entre les parties, la clause d'élection de for insérée dans un document annexe au contrat avait été tacitement acceptée[1118].

 

    369. L'état de la jurisprudence avant l'entrée en vigueur du nouveau Code de procédure civile sera conforté par la rédaction de l'article 48 du même Code. En effet, l'exigence que la clause attributive de juridiction figure “ dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée ” s'applique difficilement avec un document remis postérieurement à la formation du contrat[1119], telle une facture[1120] qui, somme toute, ne constitue qu'un moment de l'exécution du contrat et non une étape de sa formation. Peut-on pour autant admettre qu'un document annexe remis avant la conclusion du contrat tienne lieu d'engagement au sens de l'article 48 du nouveau Code civil ? Si certains l'on exclu[1121], la jurisprudence l'a admis sous certaines conditions.

 

     Dans un premier temps, la Cour de cassation admit qu'une Cour d'appel ait pu écarter une clause attributive de juridiction figurant “ sur des imprimés distincts et non signés portant conditions générales de vente ”[1122]. On relèvera que la clause est rejetée parce qu'elle n'a pas été expressément acceptée et non parce qu'elle figure sur un document annexe[1123]. Par la suite, la Cour de cassation a nettement affirmé qu'une clause attributive de juridiction insérée dans un document extérieur au contrat figure dans l'engagement de la partie à laquelle elle est opposée. Ces arrêts ayant été rendus à propos de questions relatives aux conflits de juridictions, ils permettent de rendre compte de l'état du droit commun en la matière.

 

    370. Dans un arrêt rendu le 30 janvier 1990 par la Chambre commerciale, l'acheteur, une société saoudienne, avait fait parvenir au vendeur, une société italienne, un document confirmant une commande transmise par télex, ce document spécifiant que la commande était passée aux conditions générales qui étaient annexées et qui comportaient une clause attributive de compétence au tribunal de Paris. Après réception, le vendeur renvoya ce document à l'acheteur avec, en première page, la mention signée qu'elle l'acceptait sans réserves. Dès lors, selon la Cour de cassation, il en résultait que la clause d'élection de for “ figurait bien dans l'engagement [du vendeur] et que [celui-ci] avait expressément consenti à cette stipulation, peu importait, dès lors, que cet accord fût postérieur à l'exécution partielle du contrat ”[1124]. De prime abord, cet arrêt peut surprendre dans la mesure où il admet qu'une clause d'élection de for ait pu être conclue après la conclusion du contrat. La solution, en l'espèce, est sans doute justifiée par le fait qu'elle ait été expressément acceptée et ce sans réserves. Aussi conviendrait-il d'opérer une distinction entre la clause imposée unilatéralement par une partie à son cocontractant par la remise postérieure d'un document et d'autres situations telle la perfection d'un contrat se formant par étape et la conclusion d'une convention modificative dans lesquelles l'accord d'élection de for devrait pouvoir être conclu après la formation du contrat du moment que son acceptation est certaine. Cet aspect mis de côté, sur lequel l'on reviendra[1125], il y a lieu de relever que l'arrêt admet qu'une clause d'élection de for puisse figurer dans un document annexe dès lors que le document signé y renvoie.

 

    371. Par la suite, la Cour de cassation a semble-t-il admis un temps l'idée d'un renvoi tacite fondé sur des relations d'affaires habituelles entre les parties[1126]. En l'espèce, des incidents de paiement étaient survenus entre une société camerounaise qui s'approvisionnait auprès d'une société française. Afin d'y mettre un terme, une convention créant six lettres de change fut conclue. Les effets créés et acceptés par cette convention étant restés impayés, la société française assigna en paiement la société camerounaise devant le tribunal de commerce de Corbeil en se prévalant d'une clause attributive de juridiction insérée dans ses conditions générales de vente. La Cour d'appel, bien que constatant que cette clause attributive de juridiction ne figurait pas expressément dans la convention litigieuse, a écarté l'exception d'incompétence en considérant que cette clause “ se déduisait implicitement des rapports commerciaux unissant les parties ”. Le pourvoi reprochait à la Cour d'appel d'avoir violé l'article 48 du nouveau Code de procédure civile et l'on pouvait penser que la cassation était assurée en l'absence de renvoi au document contenant la clause d'élection de for. Mais tel ne fut pas le cas. La Chambre commerciale a en effet rejeté le pourvoi au motif que la Cour d'appel avait souverainement apprécié que la convention litigieuse “ se rattachait directement aux conditions générales de ventes applicables depuis le début des relations commerciales [des parties], devenues habituelles entre elles et tacitement acceptées pour les litiges pouvant les opposer ”. On observe que la Cour de cassation ne dit rien à propos de la nature du lien unissant la convention litigieuse aux conditions générales contenant la clause d'élection de for. L'arrêt parle de rattachement sans en indiquer la nature. Bien que la motivation de cette décision ne soit pas d'une grande netteté, il est sans doute possible d'estimer que les relations d'affaires suivies entre les parties ont en l'occurrence tenu lieu de rattachement implicite au document dans lequel figure la clause.

 

    372. Une telle interprétation sera cependant vigoureusement combattue par la première Chambre civile de la Cour de cassation dans l'arrêt Verdol c/ GIES[1127]. En l'espèce une société française, la société Verdol, et une société égyptienne, la société GIES, avaient conclu un contrat de représentation commerciale régi par la loi française et contenant une clause attributive de juridiction au tribunal de commerce de Lyon. Les documents commerciaux de la société Verdol contenaient également la même clause. Par la suite, la société Verdol expédia en Égypte une machine qui fut commandée par la société GIES en vue de son utilisation par une filiale commune qui devait être créée dans le cadre d'un projet d'association. Ce projet ayant été abandonné par les parties, la société française décida de vendre la machine à un tiers, selon les propositions de la société GIES, plutôt que de se la faire réexpédier. L'acheteur n'ayant pas versé la partie du prix qui devait être payée immédiatement, la société Verdol assigna en paiement la société GIES devant les juridictions françaises qui se déclarèrent incompétentes au motif que la vente litigieuse n'entrait pas dans le champ d'application du contrat de représentation commercial contenant une clause attributive de juridiction. Devant la Cour de cassation, le demandeur au pourvoi soutenait, tout d'abord, que la machine litigieuse avait été vendue en application du contrat de représentation commerciale et, ensuite, reprochait à la Cour d'appel d'avoir, au mépris des usages internationaux, déclaré inopposable la clause attributive de juridiction stipulée dans les documents commerciaux de la société Verdol et ce, malgré l'existence de relations d'affaires suivies avec la société GIES. Ce pourvoi sera rejeté par la Cour de cassation. Estimant que la question du rattachement de la vente litigieuse au contrat de représentation commerciale relève du pouvoir souverain des juges du fond, la première Chambre civile a jugé que “ la connaissance éventuelle par l'une des parties, à l'occasion d'opérations antérieures, des conditions générales de l'autre partie contenant une clause attributive de juridiction ou la connaissance de l'existence d'une telle clause dans des documents étrangers à l'opération litigieuse ne suffit pas, même en cas de relations d'affaires suivies, à lui rendre opposable cette clause si le contrat n'y fait pas référence, directement ou indirectement ”.

 

    373. C'est, à notre connaissance, la première fois que la Cour de cassation manifeste expressément l'exigence d'une référence directe ou indirecte au document contenant la clause[1128]. Certes, l'idée qu'un renvoi soit nécessaire pour rendre opposable une stipulation insérée dans un document annexe n'est pas nouvelle. En revanche, ce qui est nouveau, du moins en matière d'accord d'élection de for, c'est que cette idée soit exprimée sous la forme d'un principe général. Ce principe, en l'occurrence, formule l'exigence d'une référence ainsi que les conditions auxquelles elle doit répondre pour que l'accord d'élection de for soit intégré dans le champ contractuel. Ce faisant, la référence n'est plus abordée comme une question de pur fait mais comme une condition à part entière de l'opposabilité de la clause d'élection de for. On quitte alors le domaine du fait pour accéder à celui du droit. À cet égard, on ne manquera pas de relever que la solution est proclamée sans allusion aucune à une règle de conflit de lois. Aussi, peut-on y voir sans aucun doute, l'énoncé d'une règle matérielle de droit international privé relative à la clause d'élection de for par référence. L'analyse de cette règle invite à formuler plusieurs observations.

 

    374. L'on constate tout d'abord que la Cour de cassation entend contrôler avec rigueur la réalité de la connaissance. Cette rigueur se manifeste premièrement en direction de la connaissance de la clause elle-même puisqu'une connaissance qui ne serait qu'éventuelle est fermement écartée. Elle se manifeste également à l'égard de l'étendue du consentement à la clause d'élection de for puisqu'une connaissance de l'existence de la clause dans des documents étrangers à l'opération litigieuse est insuffisante à la rendre opposable. On observe ainsi qu'à l'instar de ce qui a déjà été jugé à propos de l'application de la Convention de Bruxelles[1129], la Cour de cassation estime que lorsque plusieurs contrats ont été passés entre les mêmes parties, la clause d'élection de for ne s'applique pas au litige relatif au contrat qui ne la stipule pas à moins qu'il y fasse référence directement ou indirectement.

 

    L'on constate, ensuite, que la Cour de cassation définit les modalités de la référence au document annexe dans lequel est insérée la clause d'élection de for, étant précisé que cette référence peut être directe ou indirecte et, surtout, que l'existence de relations d'affaires suivies entre les parties ne peut tenir lieu de renvoi implicite. Cette dernière précision nous renseigne sur la notion de “ référence directe ou indirecte ”. Si la Cour de cassation n'indique pas ce qu'elle entend par ces termes, on estime généralement qu'une clause de renvoi indiquant que le document annexe auquel il est fait référence comporte une clause d'élection de for constitue une   “ référence directe ”, alors qu'une clause qui n'opère qu'un renvoi global sans plus de précision constitue une “ référence indirecte ”.

 

    375. Enfin, il y a lieu d'observer que de manière implicite, cet arrêt écarte toute possibilité d'une clause d'élection de for insérée dans un document remis après la formation du contrat[1130]. Cette opinion peut se fonder sur le fait que la Cour de cassation insiste sur la concrétude de la connaissance. Dans cette perspective, une référence à un document extérieur ne saurait tenir lieu d'acceptation anticipée au contenu d'un document qui serait remis ultérieurement, l'autre partie ne pouvant en avoir connaissance au moment où elle s'engage. En ce sens, l'exigence d'une référence n'est que la traduction d'une autre exigence formulée de manière constante par la Cour de cassation et selon laquelle la clause d'élection de for doit avoir été connue et acceptée avant la formation du contrat[1131].

 

    L'arrêt permet cependant de se référer à un document qui n'aurait pas été remis lors du contrat passé par les parties dès lors que ce document a été communiqué lors d'une opération antérieure, comme par exemple un contrat précédent ou dans les conditions générales ayant régi ce contrat auquel il serait fait référence. En revanche, l'hypothèse de la clause figurant dans un document non remis et qu'il serait nécessaire d'aller consulter pour en prendre connaissance n'est pas évoquée. Dans une telle occurrence, il nous semble qu'une référence ne devrait pas permettre d'incorporer dans le contrat la clause insérée dans un tel document[1132], même si la jurisprudence confère parfois une valeur contractuelle au document non remis lorsque les parties sont des professionnels et que l'accès au document est aisé[1133]. En effet, l'esprit qui semble animer la jurisprudence est celui d'une connaissance effective et non celui d'une connaissance qui ne serait qu'éventuelle. Or, la possibilité de prendre connaissance d'un document ne constitue pas une certitude de connaissance. Pour cette raison, associée à celle que la connaissance et l'acceptation de la clause d'élection de for doivent avoir lieu avant la formation du contrat, la clause figurant dans un document non remis nous parait devoir être écartée.

 

     376. La solution de l'arrêt Verdol c/ GIES semble assez proche de la règle matérielle dégagée par la Cour de cassation en matière de clause compromissoire par référence[1134] dans l'affaire Bommar Oil c/ ETAP. Au départ, cette affaire concernait l'application de la Convention de New York du 10 juin 1958 relative à la reconnaissance et à l'exécution des sentences arbitrales étrangères, et plus particulièrement son article II, §2 qui exige “ une clause compromissoire insérée dans un contrat ou un compromis, signée par les parties ou contenue dans un échange de lettres ou de télégrammes ”. Si ce texte ne concerne pas spécifiquement la clause compromissoire par référence, il n'empêche pas qu'une telle clause puisse figurer dans un document annexe dès lors que la signature n'est pas obligatoire et que d'autres techniques sont acceptées comme l'échange de lettres ou de télégrammes. En revanche, il laisse entière la question de savoir si la clause de renvoi doit spécialement mentionner l'existence de la clause compromissoire ou si une référence globale est suffisante. Cette controverse a été au cœur de l'affaire Bommar Oil c/ ETAP à propos de laquelle la première Chambre civile sera amenée à intervenir à deux reprises.

 

    377. Dans un premier arrêt, la Cour de cassation a estimé que l'article II de la Convention de New York de 1958 exige “ que l'existence de cette clause [i.e. compromissoire] soit mentionnée dans la convention principale, sauf s'il existe entre les parties des relations d'affaires qui leur assurent une parfaite connaissance des stipulations écrites régissant couramment leurs rapports commerciaux ”[1135]. L'exigence d'une référence spécifique, même allégée en cas de relations d'affaires, fut majoritairement considérée en doctrine comme une menace pour l'arbitrage international. Il est vrai que la solution dégagée par la Cour de cassation s'avérait plus sévère que celle prévue en matière d'arbitrage interne par l'article 1443, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile. Ce texte relatif à la clause compromissoire par référence n'impose aucun renvoi spécial. Ce décalage entre l'arbitrage interne et l'arbitrage international apparaissait d'autant plus surprenant que l'arbitrage constitue l'un des modes usuels de règlement des litiges dans les opérations de commerce international.

 

    Aussi bien, la Cour de renvoi ne s'étant pas inclinée, un second pourvoi fut formé ce qui permit à la Cour de cassation de modifier les conditions qu'elle avait énoncées dans son premier arrêt. Elle affirma en effet, sans se référer à la Convention de New York, qu'“ en matière d'arbitrage international, la clause compromissoire par référence écrite à un document qui la contient, par exemple des conditions générales ou un contrat type, est valable, à défaut de mention dans la convention principale, lorsque la partie à laquelle la clause est opposée, a eu connaissance de la teneur de ce document au moment de la conclusion du contrat, et qu'elle a, fût-ce par son silence, accepté l'incorporation du document au contrat ”[1136]. Ce motif a été analysé par les auteurs comme étant la formulation d'une règle matérielle du droit international de l'arbitrage relativement à la clause compromissoire par référence. Il est vrai, d'une part, que la Cour de cassation, comme nous l'avons indiqué, ne désigne plus la Convention de New York et, d'autre part, qu'elle ne consulte aucune règle de conflit de lois ni aucune loi étatique. Cette opinion est du reste renforcée par l'arrêt Dalico[1137] rendu la même année et qui au nom du principe d'autonomie exclut la méthode conflictuelle du régime de l'accord compromissoire. Quant au contenu de cette règle matérielle, on constate en premier lieu que la Cour de cassation abandonne l'exigence d'une référence spéciale à la clause compromissoire. Désormais, une référence générale est suffisante. La clause compromissoire par référence doit ensuite être écrite précise la première Chambre civile. À ce sujet, les termes de la décision ne permettent pas de dire si l'exigence de l'écrit vise la clause de référence ou la clause compromissoire. Il est probable, en définitive, qu'elle concerne à la fois l'une et l'autre[1138]. Enfin, l'arrêt insiste sur le fait que la teneur du document annexe contenant la clause compromissoire doit avoir été connue par la partie à qui on l'oppose au moment de la conclusion du contrat. Cela implique, par conséquent, que le document ait été remis antérieurement à l'échange des consentements.

 

    378. En ce qu'ils insistent sur la nécessité de la connaissance au moment de la formation du contrat de la clause par la partie à laquelle elle est opposée et qu'ils n'imposent pas une référence spécifique, la solution des arrêts Verdol c/ GIES et Bommar Oil II se rapprochent. Il subsiste, néanmoins, une incertitude en ce qui concerne la possibilité de se référer aux relations d'affaires entre les parties. En effet, si cette possibilité est mentionnée dans l'arrêt Bommar Oil I, la Cour de cassation ne l'évoque plus dans l'arrêt Bommar Oil II. Il faudrait alors en conclure qu'elle a été purement et simplement abandonnée. Mme Kessedjian estime, à ce sujet, qu'il n'en est rien pour la raison que la première Chambre civile aurait seulement jugé inutile de viser en l'espèce les relations d'affaires entre les parties à partir du moment où elle savait que ces dernières n'avaient jamais contracté ensemble avant de conclure le contrat litigieux[1139]. Cet argument est toutefois discutable. En effet, dès le premier arrêt rendu dans cette affaire, la Cour de cassation n'ignorait pas que les parties n'avaient jamais été en relation d'affaires. Cela ne l'a pas empêché de prendre en compte ce critère pour tempérer le principe qu'elle avait, à l'époque, formulé. Si elle ne le reprend plus dans l'arrêt Bommar Oil II, c'est très certainement parce qu'elle ne souhaite plus qu'il puisse être utilisé.

 

    379. Si la règle matérielle formulée par l'arrêt Verdol c/ GIES  est proche de celle dégagée à propos de la clause compromissoire par référence, il y a lieu également de relever qu'elle s'inspire a priori du droit conventionnel européen. En effet, la rigueur affichée par la Cour de cassation fait songer au souci manifesté par la CJCE de s'assurer que la clause d'élection de for a effectivement fait l'objet d'un consentement entre les parties, l'utilisation des conditions de forme ayant pour fonction de s'assurer qu'il est bel et bien établi entre les parties[1140]. De plus, en écartant toute possibilité de renvoi implicite en cas de rapports d'affaires réguliers, la solution se rapproche certainement de celle de l'arrêt Estasi Salotti di Colzani[1141].

 

    Mais l'on sait que le droit européen tient également compte des habitudes établies entre les parties et des usages du commerce international[1142]. Assurément, l'arrêt Verdol c/ GIES est plus sévère que les solutions issues des Conventions de Bruxelles et de Lugano, du moins si l'on estime que le formalisme doit être apprécié avec souplesse lorsque les parties sont des opérateurs réguliers du commerce international. De ce point de vue, il aurait été opportun de prendre en considération l'ancienneté des relations d'affaires en estimant qu'elles tenaient lieu de référence indirecte à la clause d'élection de for. Une évolution jurisprudentielle apparaît alors souhaitable. Il ne s'agirait pas, dans cette perspective, d'écarter la nécessité d'une référence mais de tenir compte des contractants rompus à la pratique des affaires pour assouplir cette exigence et ce d'autant plus que, ne l'oublions pas, l'on se trouve dans la situation où la clause d'élection de for figure dans un document annexe au contrat ou dans un contrat précédemment conclu entre les mêmes parties, autrement dit dans des documents déjà en possession des parties au moment où elles s'engagent.

 

    c) La clause d'élection de for figurant dans les statuts d'une société

 

    380. Il n'est pas rare, lorsqu'une société intervient dans les relations internationales, que ses statuts, entendus comme “ l'ensemble des dispositions constitutives d'un être moral ”[1143], comportent une clause compromissoire[1144] ou une clause d'élection de for qui généralement désignera le tribunal du lieu du siège social afin d'éviter toute dispersion du contentieux pouvant les opposer à leurs associés.

 

    381. En droit commun des conflits de juridictions, l'efficacité de la clause d'élection de for insérée dans les statuts d'une société est rarement abordée en jurisprudence. D'une manière générale, la Cour de cassation admet assez facilement que les associés français d'une société étrangère sont liés par une clause des statuts désignant la compétence d'une juridiction étrangère et, partant, ont renoncé au bénéfice des articles 14 et 15 du Code civil[1145].

 

    Seulement, la plupart des arrêts cités sont déjà anciens et à notre connaissance, aucune décision n'a été publiée depuis l'entrée en vigueur du nouveau Code de procédure civile. Aucun changement ne devrait pourtant en résulter. Certes, en droit interne, les clauses attributives de juridictions incluses dans les statuts d'une société ne semblent envisageables que si tous les associés sont commerçants. En effet, l'article 48 du nouveau Code de procédure civile exige que toutes les parties aient contracté en qualité de commerçant ce qui laisse penser que si un seul associé n'a pas cette qualité, la clause devra être annulée[1146]. Mais l'on sait que la prohibition des clauses conclues entre commerçants et non-commerçants n'a pas été étendue à l'ordre international[1147]. Il apparaît ainsi que les clauses d'élection de for figurant dans les statuts d'une société sont tout à fait licites. Encore faut-il, pour être efficace, que la clause d'élection de for insérée dans les statuts d'une société figure dans l'engagement de la partie à laquelle elle est opposée. Pour ce faire, il convient de déterminer si les statuts relèvent où non de la catégorie des contrats, ce qui revient à poser la question de la nature juridique de la société.

 

    382. En droit interne, le débat sur la qualification de la société est ancien[1148]. Suivant la tradition romaniste, le Code civil a défini originairement la société comme un contrat. Mais peu à peu, cette manière d'envisager la société est apparue en décalage avec l'envahissement des lois impératives réglementant leur constitution et leur fonctionnement. Certes, la volonté est toujours une condition nécessaire de la formation de la société, mais elle ne joue plus qu'un rôle réduit dans la rédaction des statuts qui, le plus souvent, se présentent comme des modèles fixés impérativement par la loi. Au surplus, il peut apparaître difficile de soutenir que la société est un contrat alors que depuis la loi du 24 juillet 1966, ce n'est pas l'échange des consentements mais une formalité administrative, l'immatriculation, qui lui donne naissance. Par ailleurs, ce n'est pas l'unanimité des associés, mais seulement une majorité d'entre eux, qui est exigée pour pouvoir modifier les statuts alors le mutuus dissensus exige la volonté commune de tous les contractants[1149]. Aussi bien une partie de la doctrine contemporaine considère-t-elle la société comme une institution, notion définie comme “ un ensemble de règles qui organisent de façon impérative et durable un groupement de personnes autour d'un but déterminé ”[1150]. Cette conception a été, d'une certaine manière, consacrée par le législateur depuis que l'article 1832 du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 11 juillet 1985, indique que la société est instituée par deux ou plusieurs personnes et, dans certains cas, par la volonté d'une personne. Il est vrai que seule la théorie de l'institution pouvait permettre de rendre compte de la société unipersonnelle. Cependant, les auteurs, dans leur ensemble, s'accordent à estimer que la conception institutionnelle, en raison notamment de son imprécision, ne suffit pas à qualifier la société. Et de fait, le législateur n'exclut pas la conception contractuelle, l'article 1832 du Code civil précisant par ailleurs que les personnes qui instituent la société conviennent d'un contrat.

 

    Dans ces conditions, il peut sembler vain de dégager une conception moniste de la société. Sans doute comme on a pu le relever que compte tenu des divers modèles de sociétés,    “ selon les cas, c'est l'esprit contractuel ou l'esprit institutionnel qui l'emporte ”[1151]. Dès lors, si la société n'est ni tout à fait un contrat, ni tout à fait une institution, elle constitue “ une entité au sein de laquelle coexistent des règles contractuelles et des règles de type institutionnel ”[1152]. Rien n'empêche alors de considérer que la conception contractuelle de la société doit s'appliquer relativement à l'accord d'élection de for figurant dans les statuts à partir du moment où un tel accord revêt précisément la nature d'un contrat[1153].

 

    383. Toutefois, même en admettant que les statuts constituent l'engagement de la partie à qui est opposée la clause d'élection de for qui s'y trouve insérée, toute difficulté ne sera pas pour autant écartée. Encore faudrait-il, en effet, que cette partie ait eu connaissance de la clause et, partant, des statuts. Sur ce plan, il serait pour le moins excessif de considérer que tout associé est présumé connaître les statuts de sa société. On relèvera, tout d'abord, que l'accès à ces statuts n'est pas toujours facile et ce, surtout lorsque la société est étrangère. Sans doute les associés qui participent activement à la vie de la société peuvent-ils être considérés comme ayant connaissance des statuts. Mais tous les associés ne participent pas activement à la vie sociale. On songe aux épargnants modestes qui placent leurs économies en actions comme c'est de plus en plus fréquent[1154].

 

    Selon une jurisprudence déjà ancienne, l'adhésion à une société étrangère dont les statuts contiennent une clause attributive de juridiction au profit des tribunaux étrangers n'entraîne pas à elle seule et, dans tous les cas, déchéance du droit d'invoquer les articles 14 et 15 du Code civil, s'il n'est pas prouvé, en même temps, que l'intéressé l'a connue et formellement acceptée[1155]. À titre d'exemple, la renonciation sera effective lorsque la volonté du renonçant se sera clairement exprimée et que la clause attributive de juridiction a été publiée et reproduite, soit dans les prospectus et autres documents publicitaires, soit dans les mentions figurant sur les titres[1156]. Il n'est pas sûr cependant que de tels principes seront maintenus par la Cour de cassation qui, sous l'influence du droit européen, pourrait être tentée de s'inspirer de la position libérale récemment adopté par la CJCE.

 

    384. En effet, dans l'affaire Powell Duffryn c/ Wolfgang Petereit, la Cour de Justice a jugé que les statuts d'une société dans lesquels se trouvait insérée une clause d'élection de for pouvaient être considérés comme une convention écrite au sens de l'article 17 de la Convention de Bruxelles[1157]. En l'espèce, la société de droit anglais Powell Duffryn avait, en 1979, souscrit des actions nominatives de la société de droit allemand IBH-Holding à l'occasion d'une augmentation de capital. En 1980, elle participa à une Assemblée générale de cette dernière au cours de laquelle les actionnaires adoptèrent une modification des statuts, notamment en y insérant une clause selon laquelle “ l'actionnaire, en souscrivant ou en reprenant des actions ou des certificats provisoires, se soumet à la juridiction dont relève ordinairement la société, pour tous les différends l'opposant à la société ou à ses organes ”. En 1981 et 1982, la société Powell Duffryn souscrivait de nouvelles actions émises par la société IBH-Holding lors de nouvelles augmentations de capital et toucha des dividendes. Mais en 1983, la société IBH-Holding fut mise en faillite et son syndic, M. Petereit, assigna la société Powell Duffryn devant le Landgericht de Mayence en paiement des sommes dont elle aurait été redevable en vertu des augmentations de capital, ainsi qu'en remboursement de dividendes qu'elle aurait indûment perçus. Estimant que la clause d'élection de for contenue dans les statuts ne pouvait lui être opposée, la société assignée souleva l'incompétence de la juridiction saisie en première instance. Cette exception ayant été rejetée, la société Powell Duffryn saisit en appel l'Oberlandesgericht de Coblence qui, estimant que le litige soulevait une question d'interprétation de l'article 17 de la Convention de Bruxelles, décida de surseoir à statuer et de saisir de CJCE. À cette occasion, il fut notamment demandé à la Cour si une clause du type de celle qui figure dans les statuts de la société IBH-Holding constitue une convention attributive de juridiction au sens de l'article 17 et, dans l'hypothèse où il en serait ainsi, s'il est alors satisfait à la condition de forme écrite exigée par ce texte.

 

    Pour pouvoir qualifier la disposition statutaire de convention au sens de l'article 17 de la Convention de Bruxelles, la CJCE devait, au préalable, estimer que les statuts d'une société constituent un contrat. Constatant que la nature juridique des statuts n'est pas toujours la même au sein des ordres juridiques des États contractants[1158] certains retenant la qualification contractuelle, institutionnelle, normative ou sui generis il est apparu nécessaire à la Cour de Justice, compte tenu des objectifs et de l'économie générale de la Convention de Bruxelles, de ne pas interpréter la notion de “ convention attributive de juridiction ” comme un simple renvoi au droit interne de l'un ou de l'autre des États concernés mais de considérer cette notion comme étant autonome (motifs nos 7 à 14). Une telle démarche est désormais devenue habituelle pour la CJCE qui, de manière quasi-systématique, consacre une définition autonome des concepts utilisés par la Convention de Bruxelles. C'est d'ailleurs en se référant à la manière avec laquelle elle avait interprété la notion de “ matière contractuelle ” au sens de l'article 5°1 de la Convention que la Cour a, en l'occurrence, retenu la qualification de contrat. En effet la CJCE avait jugé dans l'arrêt Peters c/ ZNAV que les obligations imposées à une personne en sa qualité de membre d'une association devaient être considérées comme des obligations contractuelles au motif que l'adhésion à une association créait entre ses membres des liens étroits du même type que ceux qui s'établissent entre les parties à un contrat[1159]. Aussi bien la CJCE a-t-elle estimé, par analogie, que les liens existant entre les actionnaires d'une société sont comparables à ceux qui existent entre les parties à un contrat ; et qu'ainsi “ pour l'application de la Convention de Bruxelles, les statuts de la société doivent être considérés comme un contrat régissant à la fois les rapports entre les actionnaires et les rapports entre ceux-ci et la société qu'ils créent ” (motif n° 16) ce dont il résulte “ qu'une clause attributive de juridiction figurant dans les statuts d'une société anonyme constitue une convention au sens de l'article 17 de la Convention de Bruxelles liant tous les actionnaires ” (motif n° 17). La Cour précise, par ailleurs, qu'il importe peu que l'actionnaire se soit opposé à l'adoption de la clause d'élection de for ou qu'il soit devenu actionnaire après l'adoption de cette clause car en devenant et en demeurant actionnaire d'une société, l'actionnaire donne son consentement pour se soumettre à l'ensemble des décisions figurant dans les statuts et aux décisions adoptées par les organes de la société, même si certaines de ces dispositions ou décisions ne rencontrent pas son accord (motifs nos 18 et 19).

 

    385. Mais après avoir admis que la clause d'élection de for statutaire constitue un contrat, il reste, dans un second temps, à examiner si elle est conforme à la condition de forme écrite posée par l'article 17 de la Convention de Bruxelles. Sur ce plan, la Cour commence par relever que les statuts de société revêtent une forme écrite dans les ordres juridiques de tous les États contractants. L'on peut toutefois s'interroger sur le caractère suffisant de cette constatation dans la mesure où, comme le rappelle d'ailleurs la CJCE en citant son arrêt Estasi Salotti di Colzani c/ Rüwa Polstereimaschinen Gmbh[1160], les formes de l'article 17 ont pour fonction de s'assurer que le consentement des parties soit effectivement établi. La Cour a pourtant estimé que la situation des actionnaires par rapport aux statuts de la société est différente de l'hypothèse de l'arrêt précité qui concernait une partie à un contrat de vente par rapport à des conditions générales. Selon la CJCE, “ indépendamment du mode d'acquisition des actions, toute personne acquérant la qualité d'actionnaire d'une société sait, ou doit savoir, qu'elle est liée par les statuts de cette société ou par les amendements qui sont apportés par les organes de la société ” (motif n° 27) ; ce dont il résulte qu'en présence d'une clause d'élection de for statutaire, “ tout actionnaire est censé avoir connaissance de cette clause et consentir effectivement à l'attribution de juridiction qu'elle prévoit, dès lors que les statuts de la société sont déposés en un lieu auquel l'actionnaire peut avoir accès, tel que le siège de la société, où figurent dans un registre public ” (motif n° 28).

 

    386. La solution adoptée par la CJCE peut surprendre. N'est-il pas quelque peu contradictoire de soutenir que tout associé est censé avoir connaissance de la clause d'élection de for statutaire et y consentir effectivement au motif qu'il peut les consulter. Malgré l'emploi de l'adverbe “ effectivement ”, on ne peut s'empêche de penser, avec Mme Gaudemet-Tallon, que la Cour s'écarte de ce qui fût sa préoccupation première, à savoir s'assurer de la réalité du consentement de chaque partie à la clause d'élection de for[1161]. Un tel résultat est d'ailleurs atteint au prix d'une certaine ambiguïté, relevée par cet auteur, consistant, dans un premier temps, à rapprocher les statuts d'un contrat pour, dans un second temps, les en écarter en déduisant que le simple fait que l'actionnaire puisse prendre connaissance de l'écrit qui renferme les statuts satisfait à la condition de forme de l'article 17[1162]. Il est certes évident qu'à partir du moment où ce texte emploie les mots “ convention attributive de juridiction ”, la CJCE était obligée de qualifier la clause d'élection de for statutaire de contrat. Mais il peut sembler plutôt embarrassant que la Cour de Luxembourg prenne soin de retenir la qualification contractuelle pour appliquer un régime proche de l'institution, sauf à s'en tenir à l'explication qu'en donne M. Bischoff. Selon cet auteur, l'arrêt Powell Duffryn c/ Wolfgang Petereit tenterait de pallier le fait que la Convention de Bruxelles ne comporte aucune règle de compétence particulière pour les litiges opposant la société à ses membres[1163]. D'ordinaire, en effet, la clause d'élection de for statutaire désigne les juridictions du siège social. Or, comme l'a souligné M. Bischoff, la compétence du tribunal du siège social est particulièrement bienvenue pour permettre de concentrer les litiges ayant le plus souvent la même cause et le même objet ou pour soumettre l'affaire à la juridiction la mieux à même de connaître et de mettre en œuvre les règles applicables en la matière[1164].

 

    387. La décision de la CJCE n'en demeure pas moins critiquable dans la mesure où elle ne fait aucune distinction entre les actionnaires. Or, si certains d'entre eux participent activement à la vie de la société, d'autres ne sont que de simples épargnants dont la situation se rapproche bien plus de celle d'un consommateur que de celle d'un opérateur économique[1165]. Estimant toutefois qu'il serait difficile de distinguer entre ces deux catégories d'actionnaire, Mme Gaudemet-Tallon suggère que soit adoptée pour tous les actionnaires la solution suivante : “ la clause attributive de juridiction contenue dans les statuts ne serait opposable à l'actionnaire que si la preuve était rapportée par la société demanderesse qu'il en a eu véritablement connaissance. Si cette preuve est faite, alors la clause doit lier l'actionnaire. Peu importe qu'il ait voté pour ou contre la clause. Car même s'il a voté contre, il sait que dans une société les décisions prises par la majorité s'impose à la minorité. S'il veut se soustraire à l'emprise de la clause, il devra quitter la société ”[1166].

 

    Si cette proposition était retenue, il s'ensuivrait que la clause d'élection de for ne s'imposerait plus à tous les associés. Faudrait-il pour autant craindre une multiplication désastreuse des fors compétents ? De manière convaincante, Mme Gaudemet-Tallon estime qu'il n'en serait rien. En effet, comme cet auteur l'a exposé, si la société est défenderesse, elle devra être assignée au lieu de son siège social. Et si elle est demanderesse, le risque d'éclatement du contentieux ne sera sans doute pas si redoutable. Soit la société assigne un actionnaire “ actif ” et il sera facile d'établir qu'il a eu connaissance de la clause d'élection de for statutaire ; soit il s'agit d'un “ actionnaire de base ” et l'utilisation des règles de compétence de la Convention permettront d'éviter la dispersion des fors. Ainsi, l'utilisation de l'article 5-1° (applicable lorsque l'obligation doit s'exécuter au siège de la société, c'est-à-dire quand les actionnaires devront de l'argent à la société), de l'article 6-1° (qui permet d'assigner tous les défendeurs devant le tribunal du domicile de l'un d'eux si une même action est intentée contre eux) et, s'il s'agit d'actions différentes, de l'article 22 (sur la connexité) devrait permettre d'assurer un regroupement satisfaisant des actions[1167].

 

    388. Parce qu'elle insiste sur l'effectivité de la connaissance de la clause d'élection de for statutaire, la position défendue par Mme Gaudemet-Tallon présente un intérêt non négligeable. Si une partie devient associée d'une société dont les statuts comportent déjà une clause d'élection de for, n'est-il pas exact d'affirmer qu'elle n'y a consenti que si la connaissance qu'elle a de ces statuts est réelle au moment où elle s'engage ? Mais si les statuts ne comportent pas à l'origine une clause d'élection de for, cette solution se détourne de la nature contractuelle de la clause d'élection de for. Elle en constitue même la négation puisque seul importe le fait que la clause d'élection de for ait été réellement connue, l'acceptation n'étant plus en l'occurrence prise en compte. Ce faisant, elle rend possible qu'une clause d'élection de for puisse être imposée par une majorité à une minorité hostile à la modification statutaire introduisant cette clause dans les statuts.

 

    La clause d'élection de for statutaire nécessite certainement une approche spécifique impliquant d'appréhender la nature juridique des statuts dans leur acception contractuelle. Faut-il pour autant remettre en question ce qui est de l'essence même de l'élection de for, à savoir qu'elle procède nécessairement de la volonté commune des parties ? De notre point de vue, la clause d'élection de for statutaire ne devrait s'appliquer qu'aux associés qui l'ont réellement connue et concrètement acceptée. La spécificité de son objet devrait pouvoir justifier qu'elle puisse échapper au droit commun des clauses statutaires. Rappelons que dans certains cas exceptionnels, une décision prise à la majorité ne peut s'imposer à la minorité. Ainsi en est-il du changement de nationalité d'une société qui requiert l'unanimité des associés (article 31 de la Loi du 24 juillet 1966). S'agissant de clause d'élection de for, il ne s'agirait pas d'exiger l'unanimité des associés pour qu'elle puisse être inscrite dans les statuts mais simplement de dire qu'une telle clause n'engagera que les associés qui ont voté pour ainsi que ceux qui sont devenus associés après qu'elle ait été adoptée par l'assemblée générale.

 

2° La lisibilité de l'accord d'élection de for

 

    389. La lisibilité de l'élection de for ne se réduit pas à la seule présentation de la stipulation qui la renferme. À côté de la lisibilité matérielle qui concerne principalement le graphisme de la clause, il y a lieu d'évoquer la lisibilité intellectuelle qui a trait à sa compréhension. Cette dernière suppose certainement que la clause soit intelligible, c'est-à-dire claire et non équivoque, ce qui soulève une question d'interprétation dont le régime devrait en principe être déterminé par la loi applicable à l'accord d'élection de for. Mais elle suppose avant tout que la clause soit compréhensible, c'est-à-dire, pour l'essentiel, qu'elle soit exprimée dans une langue que les parties comprennent.

 

    Distinguer entre la lisibilité matérielle et la lisibilité intellectuelle suggère une approche spécifique de chacune d'entre elle. Mme Gaudemet-Tallon en a fourni une illustration éclatante dans une affaire où un contrat avait été conclu entre une société française et une société italienne et à propos de laquelle était en cause le graphisme de la clause et le fait qu'elle soit écrite en italien. Si la clause fut en l'occurrence jugée valide, cet auteur suggéra dans son commentaire “ l'hypothèse d'une clause au graphisme parfait ... mais en caractères japonais ou chinois. Faudrait-il décider alors que la clause est “ lisible ” et que l'emploi d'une langue étrangère n'est pas un motif pour priver la clause d'effet ? ”[1168]. Il convient dans ces conditions, outre l'étude de la présentation de la clause d'élection de for (a), de prendre en compte la langue dans laquelle la clause a été formulée (b).

 

    a) La présentation de l'accord d'élection de for

 

    390. En matière contractuelle, la jurisprudence estime en principe qu'une partie ne peut avoir consenti à une stipulation contractuelle si elle était matériellement illisible[1169]. Il arrivait ainsi que les tribunaux privent d'efficacité la clause attributive de juridiction si elle figurait en caractères peu apparents dans le contrat[1170]. Il ne s'agissait pas en l'occurrence d'une condition de validité de la clause mais simplement de l'application du droit commun des contrats relativement à la présentation des stipulations contractuelles[1171]. Depuis lors, l'article 48 du nouveau Code de procédure civile a fait de la clause attributive de juridiction un acte solennel et a renforcé son formalisme puisque la clause doit désormais figurer en des termes “ très apparents ”. Le renforcement de ce formalisme n'est pas propre à la clause attributive de juridiction : lorsqu'une stipulation est exorbitante du droit commun, le législateur[1172] et la jurisprudence[1173] ont peu à peu imposé que “ la forme même dans laquelle la clause est rédigée doit avoir attiré l'attention du  contractant ”[1174].

 

    391. La jurisprudence publiée relative à l'article 48 du nouveau Code de procédure civile apprécie strictement la condition de forme prescrite par ce texte. La lisibilité et la clarté de la clause sont ainsi rigoureusement examinées. À titre d'exemple, on peut citer l'arrêt rendu le 20 février 1980[1175] par la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation qui a annulé une clause figurant dans un texte comportant “ un grand nombre de lignes écrites en petits caractères avec des renvois ”. L'arrêt ajoute, de surcroît, qu’“ une lecture rapide de la clause pouvait porter à confusion sur son sens ”. Dans une autre espèce, la Chambre commerciale[1176] a annulé une clause “ imprimée en caractères grisâtres et peu lisibles ”. Une autre décision, rendue par la même Chambre, a annulé la clause “ imprimée verticalement sur le bord de gauche et en petits caractères ”[1177].

 

    Dans les espèces rapportées ci-dessus, la Cour de cassation se trouvait chaque fois en présence de clauses attributives de juridiction moins lisibles que les autres clauses du contrat. La question pouvait alors se poser de savoir si, pour que le caractère très apparent soit valablement reconnu, il était suffisant qu'elle soit rédigée en des caractères identiques aux autres stipulations contractuelles. À cet égard, les auteurs estiment qu'une “ clause attributive "très apparente" est celle qui "saute aux yeux" ”[1178]. Pour M. Normand, si cela n'impose pas une clause rédigée avec “ des caractères différents de ceux des autres stipulations ”, il importe cependant qu'elle “ soit détaché[e] des autres [clauses] et assez lisible pour ne pas échapper à une lecture rapide ”[1179]. D'une manière générale, la jurisprudence tranche dans le sens de la doctrine dominante et considère que pour être “ spécifiée de façon très apparente ”, la clause attributive de juridiction doit non seulement être rédigée avec des caractères typographiques particulièrement visibles, mais aussi se distinguer des autres clauses du contrat afin d'attirer l'attention du lecteur[1180].

 

    392. Ces conditions de forme s'appliquent-elles aux clauses attributives de compétence en droit commun des conflits de juridictions ? La question mérite d'autant plus d'être posée car si, dans un premier temps, la jurisprudence a estimé que la clause d'élection de for devait satisfaire aux exigences de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile[1181], elle s'est depuis prononcée contre l'extension de ce texte aux relations internationales dans l'arrêt Sorelec c/ C.S.E.E.[1182]. Mais à partir du moment où cet arrêt ne s'est placé que sur le seul le terrain de l'admissibilité des clauses attributives de juridiction en matière internationale, sa portée s'en trouve logiquement limitée à la seule exclusion de la prohibition de ces clauses entre commerçants et non-commerçants. Il faut alors en conclure que les conditions de forme de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile sont applicables aux litiges internationaux.

 

    393. À première vue, la jurisprudence publiée ne semble pas unifiée sur ce point. D'un côté, bon nombre de décisions appliquent le formalisme de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile avec, toutefois, quelques variantes : alors que certains arrêts apprécient strictement le graphisme des clauses[1183], d'autres assouplissent cette exigence en tenant compte de la qualité de professionnel des parties[1184], ou en se référant aux usages. À cet égard, l'arrêt rendu par la deuxième Chambre civile le 5 février 1986 nous semble particulièrement significatif. En l'espèce, la Cour de cassation a approuvé une Cour d'appel d'avoir relevé “ qu'une mention très apparente, au recto du connaissement, renvoyait au verso pour l'exposé des conditions du contrat, que la clause attributive de compétence figurait dans un paragraphe spécial de ces conditions, séparé du précédent et du suivant par un double interligne et que le document se présentait de façon traditionnelle et conforme aux usages avec l'indication en gros caractères, en tête du connaissement, du siège social, à Liverpool, du transporteur dont la responsabilité était recherchée ; qu'en l'état de ces constatations, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la Cour d'appel, justifiant légalement sa décision, a estimé, hors toute dénaturation, que la clause litigieuse était spécifiée de façon très apparente, conformément aux exigences de la loi et que, pour des professionnels au courant des règles du commerce maritime, elle permettait de déterminer aisément la juridiction anglaise territorialement compétente ”[1185]. Autrement dit, si la clause doit présenter un caractère très apparent, le contexte international de l'élection de for n'est pas pour autant ignoré, la qualité de professionnel des parties ainsi que les usages du commerce maritime étant en l'occurrence pris en compte afin d'apprécier le caractère très apparent.

 

    D'un autre côté, certaines décisions laissent penser que l'article 48 du nouveau Code de procédure civile n'est pas applicable. La Cour de cassation a ainsi jugé, dans une affaire où le demandeur au pourvoi reprochait à la Cour d'appel de ne pas avoir recherché si la clause d'élection de for était conforme à l'article 48 du nouveau Code de procédure civile, que “ les clauses incluses dans les connaissements litigieux étaient conformes aux usages des transports maritimes internationaux ”[1186]. Un arrêt de la Cour d'appel de Paris a même été jusqu'à affirmer que “ l'article 48 du nouveau Code de procédure civile ne saurait trouver application dans le cas d'une clause attributive de juridiction à un tribunal étranger ”[1187]. Mais l'on constate, cependant, que tout en se référant aux usages, l'apparence de la clause est toujours contrôlée.

 

    394. En définitive, le tableau apparaît bien moins contrasté qu'il n'y paraît si l'on considère que ce n'est pas l'article 48 du nouveau Code de procédure civile qui est appliqué, mais une règle matérielle de droit international privé qui s'en inspire[1188]. Lorsqu'en effet, une règle interne de compétence territoriale est transposée à l'ordre international, elle devient une règle matérielle spécifique aux relations internationales, cette transposition pouvant d'ailleurs donner lieu à adaptation. En l'occurrence, l'adaptation du formalisme de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile s'effectue par étape afin, semble-t-il, de tenir compte de la pratique des opérateurs du commerce international. C'est pourquoi, il apparaît difficile de distinguer la jurisprudence qui applique l'article 48 du nouveau Code de procédure civile en tenant compte des usages du commerce international de celle qui met à l'écart ce texte tout en examinant, au regard de ces mêmes usages, si la clause est suffisamment apparente. Aussi bien peut-on considérer que la jurisprudence s'est ralliée à l'opinion de M. Mayer selon laquelle il faudrait maintenir l'exigence d'une clause “ spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée ” tout en l'adaptant dans le sens de la souplesse pour tenir compte des usages du commerce international[1189].

 

    Cette souplesse d'appréciation implique qu'une même clause pourra être considérée comme suffisamment lisible pour les opérateurs réguliers du commerce international et ne pas l'être pour ceux qui ne recourent qu'occasionnellement aux contrats internationaux. Les premiers sont rompus à la pratique des affaires et n'ont pas besoin que leur attention soit spécifiquement attirée par une stipulation usuelle, fusse-t-elle dérogatoire au droit commun. Pour autant, cela ne devrait pas signifier qu'il puisse être possible de libeller une clause dépourvue de clarté par exemple en l'imprimant avec des caractères plus petits que le reste du texte afin qu'elle passe inaperçue dans le but de surprendre l'autre partie. De ce point de vue, une clause d'élection de for ne devrait être considérée comme lisible que si n'importe qu'elle autre clause rédigée dans les mêmes caractères est jugée suffisamment apparente pour être connue et acceptée. En revanche, l'attention de ceux qui concluent rarement des contrats internationaux doit être particulièrement attirée par la clause d'élection de for ; pour ceux-là, l'exigence d'une clause spécifiée de façon “ très apparente ” doit être appréciée de la même manière qu'en droit interne.

 

    395. En droit conventionnel européen, l'article 17 des Conventions de Bruxelles et de Lugano ne comporte aucune indication relative à la lisibilité de la clause d'élection de for. Jusqu'à présent, la CJCE ne s'est pas encore directement prononcée sur ce point, du moins en ce qui concerne la “ convention attributive de juridiction passée par écrit ”. S'agissant de la “ forme admise par les usages du commerce international ”, la Cour de Justice a récemment indiqué que le juge national devait se référer aux usages commerciaux dans la branche du commerce international considéré pour déterminer notamment si la présentation matérielle de la clause attributive de juridiction est conforme aux formes admises par ces usages[1190]. En définitive, la question de la présentation de la clause d'élection de for ne peut être réglée par le droit interne des États contractants et ce, quelle que soit la forme de l'article 17 qui est appliquée. Dans une autre affaire, la Cour de Justice a eu l'occasion d'indiquer que les États contractants n'ont pas “ la liberté de prescrire d'autres exigences de forme que celles prévues par la Convention ”[1191]. De plus, la CJCE considère que le consentement établi entre les parties, dont les formes de l'article 17 ont pour fonction de s'assurer qu'il soit effectif, doit se “ manifester d'une manière claire et précise ”[1192]. Or, si l'on estime que la forme est l'extériorisation de la volonté, cette clarté et cette précision dans l'expression du consentement suggère, s'agissant de la forme écrite, l'exigence d'une clause d'élection de for suffisamment lisible.

 

    L'on ne s'étonnera donc pas que la jurisprudence interne rendue en application de la Convention de Bruxelles exige que les clauses attributives de juridiction apparaissent clairement dans les documents contractuels[1193]. La Chambre commerciale de la Cour de cassation a ainsi jugé qu'“ ayant constaté que la clause litigieuse figurait en caractères illisibles, la Cour d'appel en a déduit à juste titre, par ce seul motif, [...], qu'elle ne satisfait pas aux conditions exigées par l'article 17 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 ”[1194]. En l'espèce, il n'y avait pas de partie faible. Mais si tel avait été le cas, il nous semble qu'un consentement clair et précis aurait impliqué des caractères très apparents afin que leur attention puisse être attirée. Toutefois, à l'instar de ce que nous avons indiqué à propos du droit commun des conflits de juridictions, la lisibilité d'une clause d'élection de for doit être appréciée avec souplesse si les parties sont des opérateurs du commerce international. La première Chambre civile a ainsi validé une clause d'élection de for imprimée en caractères minuscules aux motifs que les parties étaient en relation d'affaires depuis plusieurs années et que celle qui contestait la validité de cette clause avait reçu plusieurs centaines de documents contractuels la reproduisant dans les mêmes conditions[1195]. Une telle appréciation est certainement plus simple à mettre en œuvre dans le cadre de la Convention de Bruxelles dès lors que l'article 17 comporte d'autres formes prenant en compte les habitudes établies entre les parties et les usages du commerce international[1196].

 

    b) La clause rédigée dans une langue étrangère

 

    396. On ne doute plus aujourd'hui que la langue soit un objet de droit[1197]. En droit français, la Loi du 4 août 1994[1198], dite “ Loi Toubon ” qui, reprend et complète, tout en l'abrogeant, la Loi du 31 décembre 1975 impose dans certains cas l'usage de la langue française. Cette Loi “ est d'ordre public. Elle s'applique aux contrats conclus postérieurement à son entrée en  vigueur ” (article 20), ce qui revient, selon l'expression d'un auteur, “ à reconnaître l'existence d'un ordre public linguistique ”[1199]. La question peut alors se poser de savoir dans quelle mesure cette impérativité interne ne connaîtrait pas un prolongement en droit international privé.

 

    On songe plus particulièrement à la notion de loi de police. Une telle qualification pourrait se fonder sur l'idée que la langue est associée au concept de nation, ce qui lierait la défense de la langue française à la souveraineté de la France[1200], ou sur un fondement plus contemporain qui reposerait sur l'idée de la défense de la culture française dont la langue serait la principale expression[1201]. De fait, certains auteurs ont considéré que la Loi du 31 décembre 1975 était une loi d'application immédiate venant concurrencer le jeu des conflits de lois[1202], cette qualification étant confirmée implicitement par la Loi du 4 août 1994[1203]. Il apparaît pourtant, en droit positif, que la rédaction d'une clause d'élection de for dans une langue étrangère n'est en rien prohibée[1204]. Ce principe est clairement exprimé en droit conventionnel européen, mais aussi en droit international privé commun où la jurisprudence a affirmé que la liberté de choix de la langue dans laquelle sont rédigés les contrats internationaux, laissant manifestement entendre que l'obligation d'utiliser la langue française ne constitue pas, sauf exception, une loi de police.

 

    397. En droit conventionnel européen, cette règle a été affirmée dans l'arrêt Société Elefanten Schuh GmbH c/ Jacqmain[1205]. En l'espèce, dans un litige qui opposait un représentant de commerce belge à son employeur, une société allemande, était contestée la validité de la clause d'élection de for rédigée en allemand au motif que la loi belge, et plus précisément l'article 10 du Décret du 19 juillet 1973 “ réglant l'emploi des langues dans les relations sociales entre les employeurs et les employés ”, prévoyait la nullité de tout acte ou document non rédigé en néerlandais. Dans la question préjudicielle posée par la Cour de cassation de Belgique à la CJCE, il était demandé s'il était contraire à l'article 17 de la Convention de Bruxelles de décider qu'une clause d'élection de for est nulle lorsque l'écrit qui la contient n'est pas établi dans la langue qui est prescrite sous peine de nullité par la législation d'un État contractant. Très fermement, la Cour de Justice a répondu que “ les États contractants n'ont [...] pas la liberté de prescrire d'autres exigences de forme que celles prévues par la Convention ” (motif n° 26) et   qu'“ appliqué au domaine de la langue à utiliser dans la convention attributive de compétence, ce régime implique qu'une législation d'un État contractant ne saurait faire obstacle à la validité d'une telle convention au seul motif que la langue utilisée n'est pas celle prescrite par cette législation ” (motif n° 27). Cette position très ferme fut correctement appliquée par la jurisprudence interne rendue en application de la Convention de Bruxelles, la Cour de cassation ayant jugé “ erroné mais surabondant ” le motif tiré de l'emploi d'une langue étrangère dans la rédaction d'une clause d'élection de for[1206].

 

    S'agissant du droit international privé commun, la jurisprudence a récemment précisé la portée de l'obligation légale d'utiliser la langue française dans une affaire où la validité de la clause d'une police d'assurance attribuant compétence aux tribunaux anglais était contestée sous différents points de vue et notamment parce qu'elle était rédigée en anglais. Rejetant cet argument, la Chambre commerciale a énoncé le principe général selon lequel “ dans les contrats internationaux de droit privé, les parties choisissent librement la langue dans laquelle elles rédigent leurs accords ”[1207]. Il apparaît ainsi évident que la Loi du 4 août 1994 n'est pas une loi de police. Outre les termes de l'arrêt, cette opinion peut se fonder sur les propos tenus par le Conseiller rapporteur qui précise que “ s'agissant des dispositions de portée générale, les différents textes qui rendent obligatoire l'emploi de la langue française Loi du 31 décembre 1975 citée par le moyen ou Loi du 4 août 1994 depuis ne trouvent pas à s'appliquer à de purs contrats de droit privé, spécialement lorsque ceux-ci revêtent un caractère international ”[1208]. Mais l'exclusion de cette qualification ne concerne que les textes de portée générale, la Cour de cassation précisant que les dispositions particulières imposant l'emploi de la langue française dans les contrats d'assurance constituent une loi de police. Il devrait en être de même en matière de contrat de travail[1209]. Il serait également opportun qu'il en soit ainsi en matière de contrats passés avec les consommateurs, du moins lorsqu'il s'agit d'un consommateur “ passif ” qui a été sollicité en France par un professionnel étranger. Si aucun texte spécifique n'impose l'usage de la langue française dans cette matière, il serait souhaitable que la Loi du 4 août 1994 soit d'application immédiate uniquement dans ce domaine, même si ses termes englobent tous les contrats.

 

    398. Cependant, si l'utilisation d'une langue étrangère ne constitue pas en soi une condition de validité de la clause d'élection de for, rien n'interdit de penser qu'elle pourrait avoir pour conséquence d'écarter la clause dans certains cas. S'agissant du droit européen, on peut observer que l'arrêt Société Elefanten Schuh GmbH c/ Jacqmain n'a abordé la question de la langue que sous l'angle de la forme. Or, l'emploi d'une langue n'est pas sans relation avec les conditions de fond dans la mesure où elle a trait à la compréhension de ce qui est exprimé. Aussi bien, la doctrine la plus autorisée estime-t-elle que “ si une partie prouvait que la langue utilisée était incompréhensible pour elle, la validité de la clause serait remise en cause, motif pris de l'absence de consentement ”[1210], étant précisé que dans ce cas “ le juge n'aura prescrit aucune exigence de forme supplémentaire ; il se sera borné à mettre correctement en œuvre la règle de l'article 17 : une volonté manifestée par écrit est une volonté et elle n'est efficace quel qu'en soit le mode de manifestation que si son auteur connaît ou peut effectivement connaître le sens des mots qu'il signe ”[1211]. Il devrait en être de même en droit commun des conflits de juridictions où, de la même manière, l'utilisation d'une langue étrangère peut parfois mettre en doute la réalité du consentement.

 

    399. Pendant un temps, la jurisprudence semblait indifférente au fait de savoir si un contractant avait réellement compris la langue dans laquelle était libellée la clause d'élection de for. À titre d'exemple, l'on peut citer un arrêt de la Cour de cassation qui a approuvé une Cour d'appel d'avoir retenu qu'une partie était supposée avoir connu le sens d'une clause d'élection de for rédigée dans une langue étrangère au motif que “ s'agissant en l'espèce, d'une affaire importante "il est évident, parce que c'était d'une prudence élémentaire, qu'elle en avait demandé la traduction à une personne qualifiée" ”[1212]. Il fut même jugé qu'en ayant pris l'initiative de passer un contrat international, il appartenait à une partie de se faire traduire la correspondance de son cocontractant dans l'hypothèse où elle n'aurait pas suffisamment compris sa langue[1213]. Une telle position était pour le moins excessive. La rapidité des transactions s'accorde mal avec la nécessité de faire traduire la correspondance commerciale échangée entre les parties, surtout lorsque les conditions générales, qui figurent le plus souvent dans des documents préimprimés, ne sont pas rédigées dans la même langue que les parties ont utilisée pour fixer les conditions essentielles du contrat.

 

    Mais depuis quelques années, l'on peut observer une certaine tendance des juges du fond à décider que la clause d'élection de for rédigée dans une langue étrangère n'a pas recueilli le consentement des parties dès lors que le français est la seule langue à être utilisée dans leurs rapports juridiques. Il en a été jugé ainsi lorsque la clause d'élection de for figure en allemand sur des papiers et factures par ailleurs libellés en français[1214] et lorsque les conditions générales qui contenaient une clause d'élection de for étaient rédigées en allemand alors que le contrat, en l'occurrence le bon de commande, était rédigé en français[1215]. Il en est de même lorsque la langue du contrat est étrangère et que la clause est libellée en français. Ainsi, une clause d'élection de for rédigée en français n'engage pas un acheteur anglais dès lors qu'elle figure dans un document libellé en anglais comme toute les correspondances échangées entre les parties[1216].

 

    400. Une place doit sans doute être réservée aux habitudes établies entre les parties et aux usages du commerce international. De fait, la Cour de cassation estime en droit européen que l'existence de relations d'affaires courantes entre les parties ne permet pas d'invoquer utilement le fait que la clause d'élection de for soit rédigée dans une langue étrangère[1217]. Lorsque les parties sont en relation d'affaires et qu'un “ énième ” contrat est conclu dans les mêmes conditions que les précédents sur un plan linguistique, la partie qui reçoit ces documents sans avoir jamais émis la moindre objection devrait être censée y avoir consenti[1218]. Il n'est pas sûr, toutefois, qu'une telle solution soit pareillement adoptée en droit commun des conflits de juridictions : à partir du moment où les relations d'affaires suivies ne peuvent tenir lieu de référence implicite lorsque la clause d'élection de for est insérée dans un document extérieur au contrat[1219], il est possible qu'elles ne peuvent permettre de présumer que la langue dans laquelle la clause est rédigée est supposée être connue des parties.

 

    Les usages du commerce international peuvent également être utilisés en matière linguistique. La Cour d'appel de Paris a ainsi estimé, dans une affaire rendue en droit commun des conflits de juridictions - mais il en aurait été de même en droit européen - que “ l'usage de la langue anglaise est coutumier en matière de contrats internationaux ”[1220]. Sans être inexacte, cette affirmation “ ne saurait évidemment justifier que la clause soit déclarée efficace dans toute espèce de contrat international ”[1221]. Mieux vaudrait alors se référer aux usages relatifs à certaines branches d'activités bien précises[1222], comme par exemple les usages en matière de transport maritime, etc., plutôt que de se référer aux usages en général, notion dont les contours sont imprécis.

 

    B/ L'acceptation de l'accord d'élection de for

 

    401.— En matière d'acceptation —  entendue comme le “ consentement d'une personne à une offre (de contrat) qui lui a été faite ”[1223]  la jurisprudence exige que la clause d'élection de for ait été connue et acceptée au moment de la formation du contrat[1224]. Partant, une distinction doit être opérée entre l'acceptation en tant que telle (1°) et l'époque de cette acceptation (2°).

 

1° Les modalités de l'acceptation

 

    402.— L'analyse de l'acceptation ne peut se limiter aux caractères qu'elle présente. Dans la majorité des cas, l'accord d'élection de for constitue la stipulation accessoire d'un contrat. Or, lorsqu'une partie exprime son intention d'accepter un contrat, l'ampleur exacte de son consentement peut parfois prêter à discussion. Il convient, dans ces conditions, de distinguer les modes d'expression de l'acceptation (a) de l'étendue de cette acceptation (b).

 

    a) Les modes d'expression de l'acceptation

 

    403.— Il est traditionnellement enseigné que l'extériorisation de la volonté de l'acceptant peut, à l'instar de l'offre, être expresse ou tacite. Dans cette optique, l'acceptation expresse désigne tout acte spécialement accompli par le destinataire de l'offre en vue de faire connaître son consentement au pollicitant. Il peut s'agir d'une signature, mode exprès de l'acceptation par excellence lorsqu'elle est apposée sur l'instrumentum, mais aussi d'un écrit, tel par exemple un télégramme de confirmation[1225], d'une parole ou d'un geste. L'acceptation tacite désigne quant à elle tout acte dont on peut raisonnablement induire la volonté de contracter, telle que l'exécution du contrat par le destinataire de l'offre. Enfin, le silence gardé par le destinataire de l'offre ne vaut pas en principe acceptation, sauf exceptions prévues par la loi, ou en cas de relations d'affaires antérieures, en cas d'usages ou si l'offre a été faite dans le seul intérêt de son destinataire.

 

    En principe, l'extériorisation de l'acceptation de l'accord d'élection de for devrait pouvoir s'exprimer par n'importe lequel de ces moyens. Certes, la validité de la clause d'élection de for est soumise à certaines exigences de forme. Mais ni l'article 17 de la Convention de Bruxelles (et de Lugano), ni l'article 48 du nouveau Code de procédure civile ne comportent d'indication sur la manière avec laquelle le consentement doit se manifester. Il devrait alors en résulter l'absence de toute particularité en ce qui concerne le mode d'expression du consentement du destinataire de l'offre, sauf à indiquer que les procédés utilisés devraient être admis par la loi applicable à l'accord d'élection de for. L'analyse du droit positif incite néanmoins à la nuance, surtout en ce qui concerne le droit européen et, en matière de droit commun des conflits de juridictions, le droit maritime.

 

    404.— En effet, dans l'arrêt Estasi Salotti di Colzani c/ Rüwa Polstereimaschinen Gmbh[1226] la CJCE n'a envisagé l'hypothèse d'un consentement effectif à l'accord d'élection de for que dans le cas d'un contrat signé par les deux parties. Par la suite, l'arrêt Geominne Hout c/ Tilly Russ[1227] a précisé que ce consentement peut être exprimé dans l'acte instrumentaire ou dans un écrit séparé. Mais, en tout état de cause, seul un consentement extériorisé par écrit peut constituer l'acceptation d'une “ convention écrite ” au sens de l'article 17 de la Convention de Bruxelles. Les autres modes d'acceptation expresse, telle par exemple la confirmation verbale d'un document écrit, et a fortiori l'acceptation tacite, sont à proscrire, du moins en ce qui concerne cette exigence de forme. Car il reste toutefois possible de les réintroduire en partie par le biais des autres conditions de forme de l'article 17 issues des modifications apportées par les Conventions de Luxembourg et de San Sebastian[1228]. De ce point de vue, il n'est pas impensable d'envisager, par exemple, que le silence puisse valoir acceptation d'un document écrit comportant une clause d'élection de for si l'on se situe dans le cadre de relations d'affaires habituelles ou s'il existe un usage du commerce international qui l'admet. On regrettera néanmoins que l'interprétation stricte de la notion de “ convention attributive de juridiction conclue par écrit ” adoptée par la CJCE écarte toute acceptation qui ne soit pas formulée par écrit. La liberté dans l'expression de l'acceptation est un principe souvent consacré dans le droit international  matériel. On songe notamment à la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises (article 18) ainsi qu'aux principes élaborés par UNIDROIT relativement aux contrats du commerce international (article 2.6)[1229]. Il nous semble qu'il aurait été concevable de concilier l'exigence d'un consentement effectif avec une acceptation expresse qui ne soit pas écrite, voire avec une acceptation tacite, dès lors qu'il est établi que le destinataire de l'offre a réellement eu connaissance de l'accord d'élection de for. En ce cas, si la connaissance est certaine et dépourvue de réserves, l'acceptation devrait pouvoir être présumée lorsque, par exemple, le destinataire de l'offre exécute le contrat.

 

    405.— En droit commun des conflits de juridictions, aucune forme d'acceptation expresse ne semble a priori devoir être écartée. Quant à l'acceptation tacite, il n'apparaît pas qu'elle soit exclue par l'article 48 du nouveau Code de procédure civile selon M. Perrot. Pour cet auteur, “ il serait peut être excessif d'en déduire que désormais le silence ne peut jamais être retenu comme valant acceptation ; mais il ne peut l'être, relativement aux clauses attributives de compétence, que dans la stricte mesure où l'engagement principal lui-même peut être considéré comme accepté de cette manière. Ce qui revient à dire que la clause attributive de compétence échappe, de ce point de vue, à tout régime spécifique ”[1230]. L'acceptation tacite ne devrait donc pouvoir être admise que si le contrat pour le compte duquel la clause d'élection de for a été stipulée peut être considéré comme tacitement accepté. À première vue, il y aurait lieu d'interroger la loi applicable au contrat pour connaître les modes d'expression de la volonté susceptibles d'être retenus. En définitive, la question nous paraît plutôt devoir être tranchée par la loi applicable à l'accord d'élection de for. Cela ne change rien si, comme nous le préconisons, la lex contractus est appliquée lorsque le juge français saisi est le juge désigné[1231]. Lorsqu'en revanche, le juge saisi n'est pas le juge désigné, il serait discutable d'appliquer une lex contractus qui admettrait que le contrat puisse être formé tacitement alors que le juge désigné, s'il avait été saisi[1232], aurait appliqué une loi différente n'admettant pas l'acceptation tacite relativement à l'accord d'élection de for, l'obligeant ainsi à se déclarer incompétent ce qui engendrerait un conflit négatif de compétence.

 

    406.— L'efficacité reconnue aux modes d'expression du consentement autres que la signature demeure incertaine en matière de transport maritime. En effet pendant longtemps, la jurisprudence jugeait que la clause attributive de juridiction figurant dans un connaissement[1233] qui n'avait pas été signé par le chargeur n'engageait pas ce dernier[1234]. Cette position se fondait alors sur les conditions de validité du connaissement issues de l'ancien article 282 du Code du commerce et, plus tard, par l'article 37 du Décret du 31 décembre 1966, qui imposait cette formalité de signature. Pourtant, l'application du droit français n'était, en l'occurrence, aucunement justifiée par la mise en œuvre d'une règle de conflit de lois. Jamais il n'était fait application de la règle locus regit actum qui aurait permis aux contrats passés à l'étranger d'être le plus souvent soumis à la loi du lieu où ils ont été conclus. Or, parce que la plupart des droits étrangers n'exigeaient pas la signature du chargeur, l'éviction de la méthode conflictuelle avait pour résultat fâcheux de rendre inefficace la plupart des accords d'élection de for. Aussi bien, à défaut d'une évolution dans le sens de l'application des règles de conflit de lois, la suppression en droit interne de l'exigence de la signature du chargeur par le Décret du 12 novembre 1987 pouvait laisser penser que la clause d'élection de for insérée dans un connaissement non signé allait être abordée sous de meilleurs auspices[1235].

 

    407.— Mais force est de constater qu'il n'en fut pratiquement rien dans la mesure où, si la signature du chargeur ne constitue plus une condition de validité du connaissement, elle demeure toujours primordiale en tant que mode de preuve de l'acceptation. De fait, la Chambre commerciale de la Cour de cassation continue d'écarter la clause d'élection de for lorsque le connaissement n'a pas été signé[1236]. Il est certes affirmé que la signature n'est pas le moyen de preuve exclusif de l'acceptation[1237]. Néanmoins, s'il fut parfois jugé que l'acception se déduisait de la présence de mentions portées sur le connaissement selon les indications du chargeur[1238] ou du fait que le chargeur a lui-même porté les spécifications sur le connaissement[1239], rares sont les cas où l'acception tacite a été admise. En effet, non seulement il n'est pas sûr que le chargeur ait eu connaissance de l'existence du connaissement, et donc de la clause d'élection de for qu'il contient au moment de la formation du contrat[1240], mais de surcroît l'on observe que l'évolution des pratiques tend à rendre plus difficile l'accueil du consentement tacite du chargeur. Si les connaissements de lignes régulières étaient couramment remplis par les chargeurs il y a quelques années encore, ce qui suffisait à établir l'acceptation tacite de ceux-ci, cette pratique tend aujourd'hui à s'estomper, les connaissements étant de nos jours le plus souvent établis par les représentants locaux des transporteurs, agents maritimes et consignataires des navires, pour des raisons inhérentes au traitement informatique des données du transport[1241].

 

    C'est dans ce contexte qu'a été rendu un arrêt de la première Chambre civile qui s'est placé sur le terrain du conflit de lois en estimant que la signature du chargeur constituait une question de forme et relevait par conséquent de la règle locus regit actum[1242]. Cette analyse en termes de conflit de lois apparaît sans doute la mieux fondée juridiquement, même si l'on peut discuter du point de savoir si, à travers la signature, il s'agit plutôt de déterminer si la chargeur a ou non consenti à la clause d'élection de for, ce qui devrait entraîner la qualification de règle de fond[1243]. Elle reste pourtant minoritaire. Dans l'ensemble, les juges apprécient directement, c'est-à-dire en fonction du droit interne, la preuve de l'acceptation. Et si, dans cette perspective, la jurisprudence concède que “ la validité [i.e du connaissement] n'est pas affectée par l'absence de signature du chargeur ”[1244], l'acception de la clause d'élection de for découle le plus souvent de la signature du connaissement par le chargeur[1245].

 

    408.— Encore faut-il ne pas se méprendre sur le sens de cette signature. La situation se contraste singulièrement si l'on évoque la portée de la signature du chargeur lorsqu'elle est apposée au verso du connaissement, à l'endroit où se trouvent imprimées les conditions générales dans lesquelles figure la clause d'élection de for. A priori, une telle affirmation a de quoi surprendre : si la face du document où se trouve la clause a été signée, son acceptation apparaît encore plus évidente. Il se peut pourtant que la signature porte une autre signification. En effet, le connaissement n'est pas seulement l'instrumentum du contrat de transport maritime, il constitue également un titre négociable. Les marchandises transportées peuvent ainsi être vendues avant leur arrivée au port, par simple endossement. C'est pourquoi, lorsque le connaissement est à ordre, la signature du chargeur au verso peut être interprétée comme un endossement, par hypothèse postérieur à l'embarquement des marchandises, et non comme l'acceptation de la clause d'élection de for au moment de la formation du contrat de transport[1246]. Mais cette position ne fait pas l'unanimité en jurisprudence, certaines décisions ayant été rendues en sens contraire[1247] ce qui rend le droit positif encore plus difficile à appréhender.

 

    409.— Ainsi, s'agissant de l'acceptation de la clause d'élection de for contenue dans un connaissement, l'analyse de la jurisprudence laisse apparaître que si un large pouvoir d'appréciation est laissé aux juges du fond, “ les hésitations de ceux-ci sont patentes ”[1248] et ce, même lorsque les règles de formes libérales de la Convention de Bruxelles sont applicables. L'on peut alors s'interroger sur le point de savoir si à travers l'examen du consentement du chargeur, ce n'est pas un autre objectif qui serait poursuivi par les Cours et Tribunaux. Plus concrètement, l'appréciation de l'acceptation du chargeur ne serait-elle pas un moyen de lutter contre les dérives auxquelles peuvent parfois conduire les clauses d'élection de for dans les connaissements ? L'une des particularités du connaissement est d'être un contrat d'adhésion, même lorsqu'il est conclu entre deux professionnels. Les termes des conditions générales du transporteur ne sont pas discutées, si bien que la clause d'élection de for est le plus souvent imposée au chargeur. Lorsqu'une telle clause désigne un for éloigné, voire “ exotique ”, dont la partialité des tribunaux peut parfois être suspectée, elle présente un caractère dissuasif certain à l'égard du chargeur même s'il est un professionnel.

 

    La question n'est pas alors de savoir si la clause a été ou non acceptée mais plutôt de déterminer dans quelle mesure elle peut être écartée lorsqu'elle s'avère particulièrement incommode pour l'une des parties. L'équilibre est difficile à établir. Si d'un côté, le transporteur a intérêt à éviter toute dispersion du contentieux, la clause d'élection de for qu'il impose dans ses connaissements ne doit pas non plus avoir pour conséquence de décourager tout recours du chargeur à son égard. La difficulté ne concerne pas seulement le domaine du transport maritime. La solution passe alors par une analyse très fine des effets de l'accord d'élection de for. Cela implique qu'il soit possible d'examiner la manière avec laquelle la clause porte atteinte à l'accès concret à la justice de l'une des parties plutôt que de l'organiser. Cet examen sera conduit lorsque nous procéderons à l'analyse des effets de l'accord d'élection de for[1249]. Mais d'ores et déjà, il nous semble essentiel de retenir l'idée de pouvoir les remettre en cause lorsque leur utilisation est source d'abus, même dans les relations entre professionnels.

 

    b) L'étendue de l'acceptation

 

    410.— L'acceptation présente normalement un caractère général : le consentement exprimé par le pollicitant vaut pour toutes les stipulations du contrat. Il n'est donc pas exigé que la clause d'élection de for fasse l'objet d'une acceptation distincte de celle du contrat. Affirmé en droit interne[1250], ce principe s'applique également en droit commun des conflits de juridictions et en droit européen.

 

    Il y a lieu, toutefois, de préciser que le caractère général de l'acceptation dépend de ce que les parties ont réellement connu ainsi que des présomptions en ce domaine. S'agissant plus précisément de la clause d'élection de for par référence, c'est la clause de renvoi qui va permettre, non seulement de présumer la connaissance de la clause d'élection de for située au verso ou dans un document annexe[1251], mais également son acceptation : c'est parce que le destinataire de l'offre a exprimé son consentement au contrat dans lequel est insérée la clause de référence que les stipulations auxquelles elle renvoie seront considérées comme ayant été acceptées. En d'autres termes, accepter le contrat revient à accepter la référence et accepter la référence revient à accepter la clause d'élection de for.

 

    411.— En principe, le fait que le consentement ait été exprimé expressément ou tacitement ne devrait rien changer au caractère global de l'acceptation. Il peut néanmoins en être autrement lorsque le consentement de la clause d'élection de for est apprécié plus strictement que celui du contrat. Tel est précisément le cas lorsque l'élection de for est qualifiée de “ convention écrite ” au sens de l'article 17 de la Convention de Bruxelles. Dans la mesure où la CJCE exige une acceptation écrite de la “ convention écrite ”[1252], l'acceptation du contrat ne pourra être globale si elle intervient de manière tacite : le contrat pourra certes être considéré comme étant accepté mais pas la clause d'élection de for.

 

    412.— Ce n'est donc qu'en droit commun des conflits de juridictions et, en droit européen, lorsque les autres formes de l'article 17 sont applicables[1253] que, nonobstant la manière avec laquelle le destinataire de l'offre a exprimé son consentement, l'acceptation du contrat implique normalement l'acceptation de la clause d'élection de for. Il en est a fortiori de même en ce qui concerne la clause d'élection de for par référence : si le contrat qui contient la référence a été accepté de manière tacite, voire par silence quand cela est possible, la clause d'élection de for insérée au verso ou dans un document annexe doit être présumée acceptée dès lors qu'elle a été connue. C'est, nous semble-t-il, ce qui a été admis en matière de clause compromissoire et l'on ne voit pas pourquoi il en irait autrement pour la clause d'élection de for. Rappelons que dans l'arrêt Bommar Oil II, la Cour de cassation a admis la validité de la clause compromissoire par référence “ lorsque la partie à laquelle la clause est opposée, a eu connaissance de la teneur de ce document au moment de la conclusion du contrat, et qu'elle a, fût-ce par son silence, accepté l'incorporation du document au contrat ”[1254]. À première vue, cette formulation apparaît plutôt maladroite car elle peut laisser entendre que la clause de référence nécessite une acceptation distincte du reste du contrat et que cette acceptation peut résulter du silence de la partie à qui la clause est opposée[1255]. Si tel était le cas, l'autonomie de la clause compromissoire “ serait ici poussée à l'extrême et irait jusqu'à desservir la clause d'arbitrage ”[1256]. C'est pourquoi la mention de silence, loin d'induire un consentement propre à la clause compromissoire par référence, apparaît plutôt superfétatoire[1257]. En définitive, la motivation utilisée nous semble indiquer que l'acceptation du contrat qui comporte la clause de référence peut résulter du silence, ce qui laisse entendre que le consentement peut également être tacite et bien évidemment exprès[1258].

 

    413.— Dans un cas pourtant, il est exigé que la clause d'élection de for fasse l'objet d'une acceptation distincte de celle du contrat. Cette hypothèse concerne les personnes domiciliées au Luxembourg qui, par la grâce d'un protocole annexé à la Convention de Bruxelles, bénéficient d'une condition de forme plus rigoureuse selon laquelle la clause d'élection de for doit avoir été                            “ expressément et spécialement acceptée ”. Cela signifie que la clause doit être contenue dans “ une disposition qui lui est particulièrement et exclusivement consacrée ” et qu'elle doit être “ spécialement signée par la partie domiciliée au Luxembourg ”[1259]. La seule signature du contrat étant en soi insuffisante, il faudra que le défendeur domicilié au Luxembourg appose une signature supplémentaire en marge de la clause d'élection de for[1260]. Ce régime particulier, justifié par le fait que de nombreux contrats passés avec des personnes domiciliées au Luxembourg sont des contrats internationaux[1261] risque de desservir les luxembourgeois dans les relations internationales[1262]. Il est pourtant toujours maintenu et ce malgré les Conventions d'adhésion de 1978 et de 1989 qui ont sensiblement assoupli les exigences de forme de l'article 17 de la Convention de Bruxelles.

 

 

 

 

2° L'époque de l'acceptation

 

    414.— Selon la jurisprudence, la clause d'élection de for doit avoir été connue et acceptée au moment de la formation du contrat. Cette exigence a pour but d'empêcher qu'une partie puisse obliger son cocontractant en insérant une clause attributive de juridiction dans un document remis après la formation du contrat. On sait que dans une telle situation, il était naguère admis qu'en cas d'absence de protestation de sa part, le destinataire était supposé avoir tacitement accepté la clause[1263]. Désormais, l'incorporation de la clause d'élection de for dans le champ contractuel suppose que l'acceptation soit intervenue au moment même de la conclusion du contrat. La jurisprudence est fournie, surtout en matière maritime où la Cour de cassation écarte la clause d'élection de for qui figure dans un connaissement remis après la formation du contrat[1264].

 

    Est-ce à dire qu'un accord d'élection de for ne peut jamais être conclu après la formation du contrat ? Cette question mérite d'autant plus d'être posée qu'il n'est pas rare, en pratique, que le contenu contractuel soit élaboré par touches successives. Ainsi, lorsque l'offre et l'acceptation portent sur tous ses éléments essentiels, il est traditionnellement enseigné que le contrat est déjà formé[1265] et que des accords portant sur des points secondaires peuvent intervenir pour compléter celui qui est d'ores et déjà acquis[1266]. On peut d'ailleurs constater que la jurisprudence n'écarte pas systématiquement les clauses d'élection de for intervenues après la formation du contrat. Tel est la position exprimée par la Chambre commerciale dans un arrêt du 30 janvier 1990[1267]. En l'espèce, la clause d'élection de for figurait dans des conditions générales qui étaient annexées au document de confirmation d'une commande passée par télex. Après l'avoir reçu, le vendeur renvoya ce document à l'acheteur avec, en première page, la mention signée qu'il l'acceptait sans réserve. Compte tenu de ces circonstances, la Cour de cassation a estimé que la clause d'élection de for figurait bien dans l'engagement du vendeur et que celui-ci “ avait expressément consenti à cette stipulation, peu importait, dès lors, que cet accord fût postérieur à l'exécution partielle du contrat ”. De prime abord, cet arrêt peut sembler en contradiction avec l'affirmation proclamée par la jurisprudence dominante selon laquelle l'acceptation ne peut intervenir qu'au moment de la formation du contrat. À l'analyse, cette décision peut tout à fait se concilier avec la volonté exprimée par cette jurisprudence de mettre fin à l'abus consistant pour une partie à imposer à une autre partie une clause attributive de juridiction “ unilatéralement et après coup ”, selon l'expression de MM. Solus et Perrot[1268]. Seul, en effet, un consentement exprès peut valider la clause qui aurait été connue et acceptée après la conclusion du contrat. L'efficacité de l'acceptation postérieure au contrat dépend ainsi de la manière avec laquelle elle s'est exprimée. En ce qu'elle permet d'éviter qu'une partie soit engagée sans l'avoir voulu tout en maintenant une certaine souplesse, cette solution apparaît pour le moins raisonnable.

 

    415.— En droit européen conventionnel, l'article 17 n'indique pas à quel moment l'accord d'élection de for doit être conclu et, à notre connaissance, la CJCE n'a encore jamais directement abordé cette question. Pour autant, il ne semble pas qu'il soit contraire à l'esprit de la Convention de Bruxelles que la connaissance et l'acceptation puissent intervenir après la formation du contrat. Déjà, la conclusion d'un accord d'élection de for après la naissance du différend, donc par hypothèse après que le contrat objet du litige ait été formé, est expressément visée en matière de contrats passés avec les consommateurs, en matière d'assurance et en matière de contrat de travail. Cette possibilité a certes été conçue afin de protéger la partie faible. Mais le fait pour la CJCE d'exiger que la “ convention attributive de juridiction conclue par écrit ” ne puisse être acceptée que par écrit[1269] constitue également un procédé destiné à protéger le consentement. Il en est de même lorsque la Cour de Justice estime que la renonciation aux règles de compétence de la Convention de Bruxelles ne se présume pas[1270]. Dans ces conditions, une acceptation survenant postérieurement à la conclusion du contrat ne pourra être qu'expresse et écrite[1271]. Une partie ne pourra donc imposer unilatéralement un accord d'élection de for postérieur à son cocontractant.

 

 

 

 

§2 - Le consentement présumé effectif

 

    416.— Si en matière de convention d'élection de for le formalisme permet d'établir le consentement des parties, alors la libéralisation des règles de forme traduit une modification de la fonction assumée par la forme. En effet, tandis que l'écrit avait pour but de garantir un consentement effectif, l'apparition de nouvelles formes moins contraignantes ne permet plus de garantir la réalité de la volonté des contractants bien qu'elles soient sensées en constituer l'extériorisation. Car moins la forme est stricte et plus le risque qu'une partie soit liée par une clause sans qu'elle s'en aperçoive est important. L'existence d'un accord de volontés ne pourra alors être que présumée.

 

    L'évolution du formalisme dans le sens de la souplesse provient de ce que la forme écrite de la convention d'élection de for, prévue à l'article 17 de la Convention de Bruxelles et par l'article 48 du nouveau Code de procédure civile, aurait été perçue comme trop contraignante par les milieux d'affaires internationaux. Aussi, afin de faciliter les transactions, de nouvelles formes plus souples sont-elles apparues nécessaires. À côté de l'écrit, la forme de l'accord d'élection de for peut dorénavant être appréciée à l'aune des pratiques, usages et habitudes de la vie des affaires. Cette évolution s'est opérée de deux manières. Avant même que la Convention de Bruxelles ne soit modifiée, la CJCE interprétera la deuxième forme de l'article 17, la “ convention verbale confirmée par écrit ”, en tenant compte de l'existence de “ rapports commerciaux courants ” entre les parties. Puis, dans le prolongement de cette jurisprudence, la “ forme conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles ” sera ajoutée à l'article 17 par la Convention de Lugano et par la Convention d'adhésion de San Sebastian (A/). Mais c'est surtout la Convention d'adhésion de Luxembourg qui a modifié la philosophie de l'article 17 en introduisant la “ forme conforme aux usages du commerce international ”. Désormais, cette référence aux usages tient lieu de règle de forme en droit européen conventionnel et constitue parfois un critère d'appréciation de la validité de la convention d'élection de for en droit commun des conflits de juridictions (B/).

 

 

 

 

 

 

    A/ De la “ convention verbale confirmée par écrit ” à la “ forme conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles ”

 

    417.— La formulation d'un accord d'élection de for conclu verbalement et confirmé par écrit ne concerne que les Conventions de Bruxelles et de Lugano. Cette forme particulière d'expression du consentement présente une physionomie originale. En effet, si l'accord verbal confirmé par écrit ne constitue pas une convention passée par écrit dans la mesure où l'accord de volontés initial est verbal, cet accord verbal ne peut produire ses effets sans une confirmation écrite. L'écrit constitue donc un procédé destiné à parfaire l'accord d'élection de for. Bien qu'ayant été conçue pour être d'un usage plus simple que la forme écrite stricto sensu, cette condition de forme va susciter certaines difficultés d'interprétation dont la plupart étaient prévisibles avant même que fut signée la Convention de Bruxelles.

 

    418.— D'un côté, la notion de “ convention verbale confirmée par écrit ” fait songer à la pratique allemande de la “ lettre de confirmation de commande ”. Selon une règle coutumière maintes fois consacrée par la jurisprudence allemande, lorsqu'un contrat a été conclu oralement et que l'une des parties confirme par écrit la conclusion et le contenu de ce contrat, le destinataire doit manifester immédiatement son désaccord s'il désapprouve les termes de cette confirmation. À défaut de protestation, son silence sera considéré comme une acceptation tacite. Afin, toutefois, que ce silence puisse valoir acceptation, certaines conditions doivent être réunies. Il faut que les deux parties en présence soient commerçantes, à tout le moins participent à la vie des affaires, que la lettre de confirmation ait été précédée de pourparlers, qu'elle ait été rédigée et adressée à l'autre partie et, enfin, que le contenu de cette lettre n'excède pas ce qui est généralement prévu pour de pareilles lettres.

 

    L'acceptation tacite de la lettre de confirmation permet “ d'éviter toutes controverses sur le point de savoir si le contrat a bien été conclu et à quelles conditions ”[1272]. En effet, si la lettre de confirmation doit avoir été précédée de négociations contractuelles, “ les juges ne vérifient pas si ces négociations ont débouché sur un contrat. Tout l'intérêt de la règle coutumière est d'échapper à ce problème délicat ”[1273]. De plus, selon une application de la théorie dite du “ silence éloquent ”, “ la jurisprudence étend cette fiction de consentement à tous les termes de la lettre de confirmation et donc à la clause de renvoi aux conditions générales ”[1274]. Si l'on devait retenir cette interprétation en ce qui concerne l'article 17, il ne serait pas nécessaire de vérifier si le contrat verbal a expressément mentionné l'élection de for. Seul importerait le silence du destinataire après réception de la lettre de confirmation.

 

    419.— Mais une telle interprétation se trouve démentie par la provenance de la notion de        “ convention verbale confirmée par écrit ”. En effet, cette règle de forme a pour origine la Convention de La Haye du 15 avril 1958 sur la compétence du for contractuel en cas de vente internationale d'objets mobiliers corporels et la Convention de La Haye du 1er février 1971 sur la reconnaissance et l'exécution des jugements en matière civile et commerciale. Or si l'on interprète l'article 17 à la lumière des travaux de la Conférence de La Haye, il apparaît que pour qu'il y ait accord verbal confirmé par écrit, il faut dans un premier temps que les parties conviennent verbalement d'une élection de for et, dans un second temps, qu'un écrit émanant de l'une d'elles se réfère, d'une part, à l'accord verbal qui est intervenu et, d'autre part, que cet écrit confirme l'accord verbal dont elles sont convenues verbalement[1275].

 

    On remarque que le fait d'exiger que l'accord verbal concerne spécifiquement l'élection de for limite sensiblement la portée de cette règle de forme. Dans la pratique, un contrat qui se forme verbalement porte uniquement sur les conditions particulières. Les conditions générales sont rarement abordées et encore moins une stipulation particulière de ces conditions. À cela s'ajoute les difficultés de preuve de l'existence de cet accord verbal spécifique si l'on considère, avec M. Jénard, que “ le juge ne pourrait nécessairement déduire d'un écrit, émanant de la partie qui s'en prévaut, l'existence de l'accord  verbal ”[1276]. À partir du moment où la confirmation écrite ne peut, en elle-même, permettre de présumer l'existence d'un accord exprimé verbalement, le juge devra alors avoir recours à des circonstances de fait ce qui pose notamment la question de savoir quelle sera l'incidence de l'absence de protestation de la partie à laquelle la clause est opposée[1277].

 

    420.— La jurisprudence de la CJCE a tenté de concilier ces deux interprétations possibles de la notion de “ convention verbale confirmée par écrit ”. Cette règle de forme sera pour la première fois interprétée par la Cour de Justice dans l'arrêt Galerie Segoura c/ Rahim Bonakdarian[1278]. En l'espèce, un contrat de vente avait été conclu verbalement, puis confirmé par un écrit intitulé “ confirmation de vente et facture ” qui émanait du vendeur et au verso duquel figurait, parmi les conditions générales de vente, une clause d'élection de for. La CJCE a tout d'abord affirmé que l'accord verbal doit spécialement porter sur l'élection de for. Il sera même précisé qu'une acceptation verbale portant sur les conditions générales d'une partie dans lesquelles figure une clause d'élection de for ne constitue pas une “ convention verbale ” au sens de l'article 17. Le domaine de cette règle de forme se trouve ainsi strictement encadré[1279].

 

    La CJCE a ensuite estimé “ qu'il n'est pas satisfait aux exigences de forme posées par l'article 17, alinéa 1, dans le cas d'un contrat conclu verbalement, que si la confirmation écrite du vendeur a donné lieu à une acceptation écrite de l'acheteur ” (motif n° 12). Sur ce point, la position de la Cour de Justice fut diversement appréciée en doctrine. Selon M. Mezger, le fait que la CJCE indique que l'article 17 est d'interprétation stricte et qu'elle confère à ce texte la fonction d'assurer que le consentement soit effectivement établi permet de soutenir que “ la confirmation écrite donnée par la partie à laquelle on oppose la clause d'attribution de juridiction est toujours requise ”[1280]. Si tel était le cas, M. Bischoff estime qu'“ il n'y a plus place pour une convention verbale ” car demander une acception écrite de la “ confirmation écrite ” revient en définitive à exiger une “ convention écrite ”[1281]. Aussi, afin d'atténuer la portée de cette décision, cet auteur a suggéré une interprétation limitée au strict cas d'espèce. Selon cette interprétation, la rigueur de la CJCE s'expliquerait par le fait qu'en l'espèce l'accord verbal portait globalement sur les conditions générales de vente et non pas spécifiquement sur la clause, moyennant quoi l'acceptation écrite de la confirmation écrite était nécessaire pour que l'élection de for puisse produire ses effets.

 

    421.— L'exigence de l'acceptation écrite de la confirmation écrite sera par la suite abandonnée par la CJCE. Dans un premier temps, la Cour de Luxembourg a indiqué dans l'arrêt Geominne Hout c/ Tilly Russ que si la clause attributive de juridiction a fait l'objet d'une convention verbale antérieure entre les parties portant expressément sur cette clause, le connaissement signé par le transporteur — soit en l'occurrence par la partie qui se prévaut de l'élection de for — doit être considéré comme la confirmation écrite[1282]. Enfin, il sera précisé dans l'arrêt Berghoefer c/ ASA que “ la lettre de l'article 17 n'exige pas [...] que la confirmation écrite d'une convention verbale émane de la partie à l'égard de laquelle celle-ci doit produire ses effets ”[1283].

 

    Affirmer que la confirmation écrite peut émaner de l'une quelconque des parties permet sans aucune doute de préserver l'utilité de cette règle de forme. Pour autant, on ne saurait négliger qu'il est sans doute bien peu fréquent en pratique qu'un accord verbal porte spécialement sur l'élection de for. C'est pourquoi afin d'éviter que la “ convention verbale confirmée par écrit ” soit privée de tout effet utile, cet obstacle va être écarté de deux manières.

 

    422.— D'un côté, dès l'arrêt Galerie Segoura c/ Rahim Bonakdarian, la CJCE a envisagé la possibilité d'écarter l'exigence d'un accord verbal portant spécialement sur l'élection de for dans l'hypothèse où les parties entretiennent des relations d'affaires. Selon la Cour, “ le fait pour l'acheteur de ne pas élever d'objections contre une confirmation émanée unilatéralement de l'autre partie ne vaut pas acceptation en ce qui concerne la clause attributive de juridiction, sauf si l'accord verbal se situe dans le cadre de rapports commerciaux courants entre parties, établis sur la base des conditions générales de l'une d'entre elles, comportant une clause attributive de juridiction ” (motif n° 12)[1284]. Cette position sera reprise dans l'arrêt Geominne Hout c/ Tilly Russ dans lequel la Cour de justice a dit pour droit qu'“ une clause attributive de juridiction figurant dans les conditions imprimées sur un connaissement satisfait aux conditions posées à l'article 17 de la Convention [...] si le connaissement se situe dans le cadre de rapports commerciaux courants entre les parties, dans la mesure où il est ainsi établi que ces rapports sont régis par des conditions générales comportant ladite clause ” (motif n° 19).

 

    On se doit de constater que si l'arrêt Geominne Hout c/ Tilly Russ reprend en partie le motif de l'arrêt Galerie Segoura c/ Rahim Bonakdarian, le contexte dans lequel il s'est prononcé diffère sensiblement. En effet, dans l'arrêt Galerie Segoura c/ Rahim Bonakdarian, la Cour de Justice exigeait que la confirmation écrite fasse l'objet d'une acceptation, cette acceptation devant être en principe écrite mais pouvant se déduire du silence du destinataire en cas de relations d'affaires courantes entre les parties. Or, dans l'arrêt Geominne Hout c/ Tilly Russ, la CJCE a abandonné l'exigence d'une acceptation écrite de la confirmation écrite. De plus, elle ne fait plus référence à un accord verbal lorsqu'elle évoque la réserve des rapports commerciaux courants. L'arrêt indique à cet égard que la clause sera efficace “ même en l'absence d'une convention verbale antérieure portant sur ladite clause ” (motif n° 18). Il suffit donc pour que la clause d'élection de for produise ses effets que le contrat, en l'occurrence un connaissement, dans lequel la clause se trouve insérée se situe dans le cadre de rapports commerciaux courants entre les parties et que ces rapports soient régis par des conditions générales comportant une telle clause. On assiste alors à un changement complet de perspective. Le silence du destinataire n'apparaît plus comme l'acceptation de la confirmation écrite d'un accord verbal portant spécifiquement sur l'élection de for mais plutôt comme l'acceptation du document écrit comportant la clause, à la condition évidemment qu'il existe des rapports commerciaux courants entre les parties. Encore faut-il que le destinataire ait véritablement gardé le silence. Le seul fait qu'il existe entre les parties des rapports commerciaux courants ne permet pas d'appliquer la clause ... si le destinataire a clairement manifesté sa volonté de ne pas contracter aux conditions générales de son cocontractant[1285].

 

    423.— Il reste à déterminer la notion de “ rapports commerciaux courants ” que la CJCE n'a pas encore eu l'occasion de définir. À ce sujet, M. Audit estime que “ ce n'est pas l'exécution successive d'un contrat unique qui peut constituer des rapports commerciaux courants [...] mais une succession de contrats, dont il faudra sans doute au demeurant qu'ils se rattachent à la même convention-cadre ”[1286]. Si l'idée selon laquelle des rapports commerciaux courants ne peuvent être constitués par l'exécution d'un seul contrat, fut-il à exécution successive doit être approuvée, il y a lieu en revanche d'être plus mesuré sur la nécessité que la succession de contrats passés entre les parties soit régi par une convention-cadre. À partir du moment où tous les contrats successifs comportent les mêmes conditions générales avec la même clause d'élection de for, ces conditions générales peuvent être considérées comme régissant les rapports commerciaux des cocontractants alors même qu'ils n'ont conclu aucun contrat-cadre.

 

    424.— On relèvera qu'en exigeant que les rapports commerciaux courants soient régis par des conditions générales comportant la clause d'élection de for, la CJCE impose que la clause figure dans deux documents au moins : le contrat litigieux, d'une part, et les conditions générales régissant les rapports commerciaux courants, d'autre part. Selon nous, il serait cependant tout à fait admissible que la clause d'élection de for ne figure pas matériellement dans l'instrumentum du contrat litigieux si ce contrat renvoie à des conditions générales déjà remises à l'autre partie lors de la conclusion d'un autre contrat qu'elles ont passé ensemble. Dans ce cas, la clause peut être considérée comme étant intégrée dans le contrat litigieux.

 

    L'exigence d'une clause d'élection de for figurant simultanément dans le contrat et dans les conditions générales qui régissent les rapports commerciaux courants des parties apparaît somme toute raisonnable. En effet, en l'absence de convention verbale portant sur la clause d'élection de for, le document qui contient la clause peut être analysé soit comme une offre de contrat qui sera acceptée tacitement par le destinataire ou par son silence, soit comme la confirmation écrite d'un contrat verbal dont l'objet se limite aux conditions particulières, la clause étant alors imposée unilatéralement par une partie après la formation du contrat. Or, dans un cas comme dans l'autre, l'existence de rapports commerciaux courants permet d'écarter la qualification de “ convention attributive de juridiction écrite ” dont l'acceptation ne peut être qu'écrite[1287]. On ne peut admettre dans ces conditions que le consentement du destinataire résulte de son silence que si la clause n'est pas inhabituelle entre les parties. Cette précaution permet d'éviter, autant que faire ce peut, que sous couvert du silence destinataire, une clause d'élection de for qu'il n'a pas voulu ne lui soit imposée.

 

    425.— L'autre façon de résoudre la difficulté suscitée par la nécessité de démontrer qu'un accord verbal a spécialement porté sur l'élection de for sera formulée dans l'arrêt Berghœfer c/ ASA[1288]. En l'espèce, la Cour a dit pour droit que “ s'il est effectivement établi que l'attribution de juridiction a fait l'objet d'une convention verbale portant expressément sur ce point et si la confirmation de la convention verbale émanant de l'une des parties a été reçue par l'autre, laquelle n'a formulé aucune objection en temps utile, [l'] interprétation littérale de l'article 17 [qui n'exige pas une acceptation écrite de la confirmation écrite] est en outre, ainsi que la Cour l'a déjà jugé dans un autre contexte (cf. arrêt du 19 juin 1994, préc.), conforme à la fonction de cet article consistant précisément à assurer que le consentement entre les parties est établi. Il serait alors contraire à la bonne foi, pour la partie qui s'est abstenue de formuler des objections, de contester l'application de la convention verbale ” (motif n° 15, souligné par nous). L'analyse de ce motif suscite de nombreuses interrogations et ce d'autant plus qu'il n'y avait pas dans cette affaire de rapports commerciaux courants entre les parties.

 

    426.— Une première approche consisterait à penser que cet arrêt remet en cause l'économie de la “ convention verbale confirmée par écrit ”. Ainsi pour M. Bischoff, les termes employés par la CJCE sont critiquables car ils laissent penser que l'absence de protestation présenterait un effet consolidateur puisqu'elle empêcherait de contester l'application de la convention verbale. Selon cet auteur, on voit mal comment le silence du destinataire de la confirmation pourrait permettre l'application d'une élection de for qui porterait atteinte à une compétence exclusive de l'article 16 alors que ni une “ convention écrite ” au sens de l'article 17, ni le comportement procédural des parties (article 18) ne peuvent produire cet effet[1289]. Une hypothèse rarissime pourrait toutefois être envisagée, celle où l'existence de l'accord d'élection de for est établie alors qu'un doute subsiste sur son contenu exact. Dans ce cas, le destinataire resté silencieux ne pourrait prétendre que le tribunal dont les parties sont convenues n'est pas celui qui est indiqué dans la confirmation[1290].

 

    L'arrêt est également critiquable en ce que l'incidence de l'objection soulevée par le destinataire n'est pas abordée par la Cour. Est-ce à dire que l'élection de for devrait être écartée si la partie qui reçoit la confirmation écrite émet une objection ? Une telle interprétation est vigoureusement exclue par M. Bischoff qui estime que “ la confirmation est confortative d'une convention préexistante, et non pas créatrice d'une convention nouvelle ”. Dans ces conditions, la convention orale confirmée par écrit doit produire ses effets dès lors que la confirmation a atteint son destinataire, indépendamment des réactions de ce dernier. Admettre le contraire risquerait de faire subir une atteinte irrémédiable au principe de bonne foi invoqué par la Cour puisqu'il suffirait que le destinataire de mauvaise foi élève une quelconque objection pour écarter l'élection de for[1291].

 

    427.— L'analyse de M. Bischoff procède d'une interprétation rigoureuse de la notion de “ convention verbale confirmée par écrit ”. Il tombe sous le sens que si l'accord verbal doit porter expressément sur l'élection de for, l'absence de protestation du destinataire après réception ne devrait a priori avoir aucune incidence. Il n'en demeure pas moins qu'à partir du moment où la CJCE utilise la notion “ d'absence d'objections du destinataire ”, il convient d'en préciser la signification. À ce sujet, Mme Gaudemet-Tallon estime qu'en précisant que la partie qui a reçu la confirmation ne doit pas avoir formulé d'objections en temps utile, “ la Cour s'assure ainsi du consentement des deux parties, même si pour l'une d'entre elles le consentement se déduit de son silence ”[1292]. Cette remarque nous paraît toutefois devoir être précisée. À première vue, elle laisse penser que la CJCE a dégagé une règle s'inspirant de la pratique allemande de la “ lettre de confirmation ”[1293]. On sait que l'intérêt de cette pratique consiste justement à éviter toute discussion sur le point de savoir si un contrat a bien été conclu[1294]. Or, la Cour continue d'exiger que l'élection de for ait fait l'objet d'un accord verbal spécifique. On pourrait alors penser que si le consentement du destinataire se déduit de son silence, c'est qu'il doit être réitéré après la réception de la confirmation. Dans ce cas, la CJCE n'aurait pas abandonnée l'exigence d'une acceptation du destinataire de la confirmation écrite. Elle ne ferait que préciser que cette acceptation peut se déduire du silence du destinataire[1295].

 

    428.— Une autre approche consisterait à se placer sur le terrain probatoire. En effet, si une convention verbale doit spécialement porter sur l'élection de for, la preuve de l'échange des consentements sera en pratique quasiment impossible à établir. À moins évidemment de considérer que l'absence d'objections du destinataire permette de présumer qu'un accord verbal a spécifiquement porté sur l'élection de for. Dans cette perspective, le silence ne vaudrait pas acceptation mais permettrait simplement de prouver un consentement qui aurait déjà été donné. Un tel raisonnement semble pouvoir se déduire des termes de l'arrêt. Lorsque la CJCE affirme qu'une partie qui s'est abstenue de formuler des objections est de mauvaise foi lorsqu'elle conteste l'application de la convention verbale, c'est parce qu'il a été au préalable établi effectivement que l'élection de for a fait l'objet d'une convention verbale portant expressément sur ce point. L'atteinte au principe de bonne foi ne repose donc pas uniquement sur le fait que la partie qui conteste la clause d'élection de for n'a formulé aucune objection lors de la réception de la confirmation écrite. Elle provient surtout de ce que cette partie revient sur son engagement. Or, comme la Cour de Justice réaffirme qu'un accord verbal spécifique doit exister avant la confirmation écrite, la mention de l'absence d'objections du destinataire après réception de cette confirmation ne peut être comprise que comme la preuve par présomption de cet accord verbal spécifique.

 

    Raisonner en termes de preuve présente l'avantage de maintenir une notion de “ convention verbale confirmée par écrit ” qui soit cohérente au regard de la portée qu'aurait la formulation d'une objection. En effet, si l'on estime que le consentement du destinataire doit être exprimé ou réitéré après la “ confirmation écrite ”, la formulation d'objections écarte définitivement l'élection de for. En revanche, si l'on privilégie l'approche probatoire, le fait pour le destinataire de protester après réception de la confirmation écrite ne devrait pas empêcher d'établir par d'autres moyens (témoignages, etc.) l'existence de la convention verbale antérieure[1296], même si le succès d'une telle entreprise reste sans doute très théorique.

 

    429.— Au demeurant, on se doit de signaler la manière pour la moins singulière avec laquelle la Cour de justice a appliqué la jurisprudence Berghœfer c/ ASA dans l'arrêt Iveco Fiat c/ Van Hool[1297]. En l'espèce, un contrat à durée déterminée contenant une clause d'élection de for avait continué à être exécuté après son terme alors même que les modalités écrites prévoyant sa reconduction n'avaient pas été appliquées. Pour la CJCE, si la loi applicable au contrat admet la tacite reconduction du contrat, les parties continuent d'être liées par la clause. Lorsqu'en revanche ce n'est pas le cas, la Cour de Justice décide d'appliquer à la convention écrite expirée le régime de la “ convention verbale ”. Selon la CJCE, si la lex contractus considère que le contrat initial n'a pas pu faire l'objet d'une prorogation tacite, la clause d'élection de for contenue dans le contrat originaire pourra être efficace si elle fait l'objet d'une confirmation écrite par l'une ou l'autre des parties, sans que le destinataire de la confirmation s'y oppose.

 

    Cette solution a été diversement appréciée en doctrine. Certains ont émis des critiques à l'égard de l'application de la loi du contrat[1298]. À cet égard, on a pu relever une certaine incertitude en ce qui concerne l'étendue de la tacite reconduction lorsqu'elle est admise par le droit étatique applicable. Ainsi en droit français la jurisprudence considère-t-elle que la tacite reconduction n'entraîne pas la prorogation du contrat primitif mais donne naissance à un nouveau contrat qui, généralement, ne reprend que les stipulations particulières de l'accord originel[1299]. Par ailleurs, l'interprétation de l'article 17 dans l'hypothèse où ce texte est jugé applicable par la Cour de Justice n'en a pas moins été critiquée. L'exigence d'une confirmation écrite de l'accord écrit serait trop contraignante. Aussi bien a-t-il été proposé d'élargir la jurisprudence Galerie Segoura c/ Rahim Bonakdarian en considérant que l'exigence de la confirmation écrite serait satisfaite dans le premier écrit, c'est-à-dire dans le contrat venu à expiration[1300].

 

    Le raisonnement que la CJCE a retenu dans l'arrêt Iveco Fiat c/ Van Hool ne manque pas d'étonner. N'est-il pas, pour le moins, surprenant de rechercher dans un premier temps la loi applicable au contrat pour, dans le cas où elle ne donnerait pas satisfaction, l'écarter en se fondant sur les conditions de l'article 17 de la Convention de Bruxelles ? Car de deux choses l'une : soit l'on estime que la question de savoir si la clause d'élection de for a été tacitement reconduite relève de l'article 17, auquel cas il ne devrait pas être nécessaire de rechercher la loi applicable au contrat[1301], soit l'on estime que cette question relève de la lex contractus, auquel cas l'article 17 ne devrait pas être appliqué. Dans cette optique, si l'on considère que la clause d'élection de for est avant tout une stipulation accessoire, il ne paraît pas cohérent d'admettre que la clause a été reconduite de manière tacite si le contrat initial dans lequel elle est stipulée n'est pas, selon la loi qui lui est applicable, lui-même tacitement prorogé.

 

    430.— La lecture que la CJCE fait de la notion de “ convention verbale confirmée par écrit ” oscille entre une conception inspirée de la règle coutumière allemande de la “ lettre de confirmation de commande ”[1302], lorsque l'exigence d'un accord verbal spécifique est écartée quand les parties ont des “ rapports commerciaux courants ”, et une conception inspirée des travaux de la Conférence de La Haye, lorsque l'exigence d'un accord verbal spécifique est maintenue[1303]. En interprétant avec souplesse cette condition de forme lorsque les parties entretiennent des “ rapports commerciaux courants ”, la Cour de Justice ajoute à la lettre de l'article 17 une distinction qu'il ne connaît pas. Ce faisant, l'effet utile de cette règle de forme s'en trouve préservé dans la mesure où le contenu d'un contrat qui se forme verbalement ne comprend pour ainsi dire jamais en pratique les conditions générales et a fortiori la clause d'élection de for.

 

    Cette interprétation met en évidence le fait qu'avant même l'entrée en vigueur des Conventions d'adhésion de 1978 et de 1989 qui modifieront l'article 17, les formes prévues dans la première version de la Convention de Bruxelles n'étaient pas adaptées aux pratiques peu formalistes des milieux d'affaires internationaux. La prise en considération de ces pratiques par la CJCE auraient d'ailleurs inspiré les futures modifications que l'article 17 a pu connaître. Ainsi, on a pu estimer qu'en ajoutant aux autres formes prévues dans la version initiale de la Convention de Bruxelles “ la forme conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles ”, la Convention de Lugano et la Convention d'adhésion de San Sebastian se seraient inspirées de la notion de “ rapports commerciaux courants ” issue de la jurisprudence Galerie Segoura c/ Rahim Bonakdarian et Geominne Hout c/ Tilly Russ[1304]. Il a cependant été observé que cette nouvelle règle de forme ne reprend pas la formulation des arrêts de la CJCE mais s'inspire plutôt celle de l'article 9§1 de la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises qui énonce que “ les parties sont liées par les usages auxquels elles ont consentis et par les habitudes qui se sont établies entre elles ”[1305]. En définitive, ces deux propositions ne sont pas inconciliables. Il est possible, d'une part, de considérer que la jurisprudence de la CJCE a incité les rédacteurs des Conventions de Lugano et de San Sebastian à élaborer une règle de forme tenant compte des relations d'affaires existantes entre les parties sans, d'autre part, que cela implique que la nouvelle règle de forme reprenne mot pour mot la formulation adoptée par la Cour de Justice.

 

    431.— La “ forme conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles ” présente une structure originale. En l'occurrence, le droit n'entend pas imposer aux cocontractants le mode d'extériorisation auquel doit se conformer la clause d'élection de for pour être valable puisque la pratique suivie par les parties est incorporée dans le présupposé de la règle de forme applicable à l'accord. On se trouve alors en présence d'un subtil alliage de formalisme et de consensualisme : la validité de la clause d'élection de for demeure soumise à une forme, mais ce sont les parties qui façonnent cette forme par les habitudes qu'elles ont établies entre elles.

 

    On remarquera que le domaine de cette règle de forme apparaît plus large que les “ rapports commerciaux courants ” qui, en principe, ne s'adressent qu'aux opérateurs du commerce international. À partir du moment où la nature des relations à l'occasion desquelles se sont constituées les habitudes établies entre les parties ne sont pas précisées, les personnes qui recourent occasionnellement aux contrats internationaux pourraient être concernées par cette règle de forme. L'hypothèse est sans doute d'école dans les relations entre particuliers. Elle l'est nettement moins dans les relations entre les consommateurs et les professionnels. Les consommateurs sont certes protégés par l'article 15 des Conventions de Bruxelles de Lugano et ne peuvent en principe se voir imposer une clause d'élection de for qui les désavantage. Cependant, le champ de cette protection est limité par la conception restrictive de la notion de consommateur qui est retenue par la CJCE[1306] et surtout par le fait que ne sont compris dans cette protection que certains contrats passés à certaines conditions particulières[1307]. L'on peut craindre alors que cette règle de forme soit appliquée à un contrat passé entre une partie faible et une partie forte. Un exemple permet de s'en convaincre. Soit une personne domiciliée en Belgique qui passe chaque année ses vacances en France et qui loue à cette occasion un voilier à une société française. Si le contrat de location comporte une clause attribuant compétence au tribunal de Nice et qu'il n'a pas été précédée dans l'État du domicile du consommateur d'une proposition spécialement faite ou d'une publicité, la clause ne pourra pas être écartée par les règles protectrices des consommateurs de la Convention de Bruxelles. D'autre part, si le contrat a été signé au recto et qu'aucune clause ne renvoie au verso de l'instrumentum où figure la clause d'élection de for, cette clause ne sera pas considérée comme une “ convention attributive de juridiction écrite ” valable au regard de l'article 17. Mais si le vacancier recourt aux services du même loueur depuis de nombreuses années, grande sera la tentation pour ce dernier de soutenir que des habitudes ont été établies entre les parties en ce qui concerne la forme de la clause d'élection de for[1308]. On ne peut alors qu'espérer que l'interprétation qui sera retenue par la CJCE lorsqu'elle devra se prononcer sur cette règle de forme ne reviendra pas à assimiler dans cette hypothèse les habitudes que les parties ont établies entre elles aux habitudes que l'une d'entre elle impose à l'autre.

 

    432.— Au demeurant, la “ forme conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles ” sera sans doute plus délicate à appliquer que la “ convention verbale confirmée par écrit ”, telle qu'elle est interprétée par la CJCE lorsque existent des “ rapports commerciaux courants ”. Ces deux formes ne donnent pas lieu aux mêmes difficultés en matière de preuve. Autant l'existence de “ rapports commerciaux courants ” ne parait pas difficile à rapporter[1309], autant la preuve d'une habitude risque d'être plus délicate à établir[1310]. Il peut y avoir autant d'habitudes qu'il y a de cocontractants, ce qui laisse la place à une multitude de formes différentes. Il est probable que si la clause ne répond pas aux conditions de la “ convention écrite ”, la “ forme conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles ” ne sera utilisée que lorsque aucun usage ne pourra valider cette clause.

 

    433.—  En définitive, si la “ forme conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles ” constitue le prolongement de la référence aux “ rapports commerciaux courants ”, c'est parce que l'une et l'autre expriment un principe de validité en la forme de la clause d'élection de for lorsque des parties concluent régulièrement des contrats dans les mêmes conditions. L'expression d'un tel principe permet de valider la clause qui, examinée en dehors du contexte des relations d'affaires ou des habitudes, aurait été déclarée nulle. Un arrêt récent de la Cour de cassation illustre ce propos. Bien que rendue à propos des “ rapports commerciaux courants ”, la solution de cet arrêt aurait été la même si la “ forme conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles ” avait été appliquée. En l'espèce, l'arrêt de la Cour d'appel qui avait annulé la clause imprimée en caractères minuscules et rédigée en allemand fut cassé au motif que les parties étaient en relations d'affaires et que celle qui s'opposait à l'application de la clause avait reçu, sans protester, plusieurs centaines de documents contractuels reproduisant cette clause dans les même conditions[1311]. Ainsi qu'a pu l'écrire M. Huet, “ l'existence de telles relations a pour effet de valider non seulement une clause qui ne répond pas à l'une des autres conditions de forme prévues par l'article 17, mais aussi une clause dont la présentation graphique ou linguistique pourrait, à l'occasion d'un contrat isolé, faire douter qu'elle ait été connue et acceptée par la partie à qui elle est opposée ”[1312].

 

    Cette remarque nous invite à formuler deux séries d'observations. Tout d'abord, elle laisse entendre que la connaissance et l'acceptation de la clause d'élection de for doit s'apprécier différemment selon qu'elle figure dans un contrat occasionnel où dans une succession de contrats passés entre les mêmes parties. Sans doute peut-on soutenir à cet égard que dans la plupart des cas, une partie qui est régulièrement en relations d'affaires avec un partenaire étranger connaît les conditions auxquelles elle contracte. En tant que professionnel du commerce international, elle est en principe à même de déceler les “ pièges ” d'un contrat et de mesurer la portée d'une clause d'élection de for. C'est pourquoi, si l'on peut douter que la clause ait été réellement connue et acceptée à l'occasion d'une opération isolée, il est en revanche possible de considérer que les relations antérieurement constituées entre les cocontractants ont permis à la partie qui conteste la clause d'en avoir pris connaissance et de l'avoir tacitement acceptée[1313]. D'un autre côté, il est possible également de soutenir que ce n'est pas la réitération d'une clause dont on peut douter qu'elle ait été réellement connue et acceptée qui permettra de garantir l'existence d'un accord de volontés. Dès lors, si pour des raisons d'opportunité la règle de forme intègre les “ rapports commerciaux courants ” ou les “ habitudes établies entre les parties ” dans son présupposé, le but qu'elle poursuit ne peut plus être l'affirmation de l'effectivité du consentement. Dans ces conditions, la volonté du destinataire de la clause d'élection de for ne pourra être que présumée et ce dernier aura intérêt à la plus grande vigilance s'il ne souhaite pas être engagé à son insu.

 

    On se doit, ensuite, d'examiner quel sera le sort réservé aux clauses d'élection de for irrégulièrement formées et qui seraient insérées dans les premiers contrats passés entre les parties, avant que ne s'établissent les habitudes ou des rapports commerciaux courants. À supposer qu'un litige intervienne à propos de l'un de ces contrats, l'on pourrait considérer que si en principe la nullité doit s'apprécier au moment de la formation du contrat, ces clauses devraient être annulées. Le juge devrait alors préciser à partir de quand les habitudes ou les relations d'affaires se sont établies afin de déterminer le moment où la clause est devenue valable entre les parties. Un autre point de vue, certainement plus conforme au libéralisme qui caractérise les modifications apportées à l'article 17 de la Convention de Bruxelles, consisterait à penser que l'établissement des habitudes où rapports commerciaux courants devrait engendrer la confirmation de la nullité de la clause.

 

    434.— Enfin, on relèvera que si la notion de “ convention verbale confirmée par écrit ” est propre au droit conventionnel européen, il est arrivé en droit commun des conflits de juridictions que la jurisprudence fasse référence aux relations d'affaires des parties pour valider la clause qui figurait dans un document extérieur au contrat ou qui était formulée dans une langue étrangère[1314]. Mais depuis l'entrée en vigueur du nouveau Code de procédure civile, la Cour de cassation a affirmé que même en cas de relations d'affaires suivies, la clause d'élection de for insérée dans un document étranger à l'opération litigieuse est inefficace si le contrat n'y fait pas référence directement ou indirectement[1315]. Ce sont davantage les usages du commerce international, dont nous allons rendre compte, qui permettent d'assouplir les exigences de forme inspirées de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile.

 

    B/ Les usages du commerce international

 

    435.—  La Convention relative à l'adhésion du Danemark, de l'Irlande et du Royaume-Uni à la Convention de Bruxelles, suite à l'entrée de ces États dans les Communautés européennes, fut l'occasion d'une réécriture des conditions de forme de l'article 17. Selon les auteurs de cette nouvelle Convention signée à Luxembourg le 9 octobre 1978, la rigueur avec laquelle la CJCE avait interprété les conditions de forme de l'article 17 ne répondait “ ni aux usages ni aux exigences de la pratique du commerce international ”[1316]. La Cour de Justice avait pourtant fait preuve d'un grand libéralisme lorsque la clause d'élection de for s'inscrivait dans le cadre de relations d'affaires courantes. En définitive, ces critiques s'adressaient surtout à la nécessité d'une clause exprès de renvoi si la clause d'élection de for était située au verso ou dans un autre document et à l'exigence de l'acceptation écrite de la confirmation écrite de l'accord verbal[1317]. C'est pourquoi, à la demande du Royaume-Uni, la Convention de Luxembourg a ajouté aux autres conditions de forme “ la convention attributive de juridiction conclue dans le commerce international, en une forme admise par les usages dans ce domaine et que les parties connaissent ou sont censées connaître ”.

 

    Toutefois, lors de la négociation de la Convention “ parallèle ” à la Convention de Bruxelles qui fut conclue à Lugano entre les États de la C.E.E. et de l'A.E.L.E., cette modification de l'article 17 fut jugée trop incertaine par les États de l'A.E.L.E. Ces derniers ont craint que le texte modifié permette de considérer une clause d'élection de for comme acceptée du simple fait qu'aucune objection n'aurait été formulée contre une clause contenue dans un document imposé unilatéralement par une partie[1318]. En guise de compromis, une formulation s'inspirant de l'article 9§2 de la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises fut adoptée. Selon l'article 17, c) de la Convention de Lugano, la convention attributive de juridiction est conclue “ dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties avaient connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée ”. Cette formulation fut reprise à l'identique par la Convention de San Sebastian du 26 mai 1989[1319], relative à l'adhésion de l'Espagne et du Portugal, qui, rappelons-le, constitue actuellement la dernière version de la Convention de Bruxelles.

 

    436.— La forme “ conforme à un usage dans le commerce international ” n'est pas sans liens avec la forme “ conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles ” et avec l'hypothèse des “ rapports commerciaux courants ” dégagée par la jurisprudence Galerie Segoura c/ Rahim Bonakdarian[1320]. Bien souvent, les habitudes des parties ne sont que l'application de certains usages tandis que les usages du commerce international émanent généralement de pratiques contractuelles qui vont peu à peu s'étendre à toute une profession ou à une branche de commerce déterminée. De fait, il se pourra que la validité de la clause d'élection de for puisse être fondée sur ces différentes règles de forme[1321]. Il ne faudrait pas pour autant considérer que la référence aux usages présente un domaine limité. C'est plutôt le constat inverse qu'il y aurait lieu de dresser. En effet, cette nouvelle règle de forme conduit dans le commerce international à l'accueil d'un “ nombre indéterminé de formes ”[1322]. Elle a pu être interprétée comme une concession aux législations qui, dans certaines conditions, assimilent le silence au consentement, telle la jurisprudence allemande relative à la lettre de confirmation[1323]. Le risque qu'une clause joue alors qu'un contractant n'y a pas réellement consenti se trouve ainsi créé[1324].

 

    De telles craintes ont pu être confortées par les premières décisions ayant appliqué le nouveau texte de l'article 17 de la Convention de Bruxelles. Certaines d'entre elles, en effet, ont pu valider une clause d'élection de for en se contentant d'indiquer que sa forme était conforme aux usages du commerce international, sans que la teneur exacte de ces usages ne soit abordée[1325]. À juste titre, une telle attitude laissait craindre, comme l'a souligné M. Huet, que la référence aux usages du commerce international ne devienne “ une clause de style permettant de valider n'importe quelle clause d'élection de for ”[1326]. Fort heureusement, d'autres décisions ont été plus respectueuses des conditions d'applications de cette nouvelle règle de forme. Le plus souvent, la clause d'élection de for a été annulée au motif que la preuve de l'usage n'avait pas été rapportée. Il a ainsi été jugé que “ doit être écartée l'application de la clause attributive de compétence stipulée sur une facture dès lors qu'il n'est pas justifié que cette pratique soit conforme aux usages du commerce international ”[1327]. Parfois, c'est la méconnaissance de l'usage qui a justifié la nullité de la clause[1328]. Rares cependant ont été les décisions ayant validé une clause d'élection de for en ayant appliqué correctement cette nouvelle version de l'article 17. Si l'on a pu parfois constater une motivation prenant soin de relever l'existence d'un usage du commerce international, cette référence aux usages est souvent apparue insuffisante. Ainsi pour la Cour d'appel de Colmar, “ la mention d'une clause attributive de juridiction dans les conditions générales de vente figurant au verso des contrats constitue un usage général dans le commerce international ”[1329]. Mais à partir du moment où la Convention de San Sebastian était applicable en l'espèce, la Cour d'appel aurait dû constater que “ dans une branche commerciale considérée ”, les parties à des “ contrats du même type ” observent “ régulièrement ” un usage “ largement connu ” selon lequel une clause de juridiction contenue dans les conditions générales imprimées au verso du contrat est considérée comme acceptée dès lors que le contrat lui-même est signé par les deux parties[1330].

 

    437.— Dans ce contexte, l'intervention de la CJCE était très attendue. En à peine deux ans, la Cour de Justice a été amenée à statuer à deux reprises sur la notion de “ forme admise par les usages du commerce international ”. Dans une première affaire Mainschiffahrts-Genossenschaft Eg c/ Les Gravières Rhénanes[1331], la clause d'élection de for était contenue dans une lettre de confirmation faisant suite à un contrat conclu verbalement ainsi que dans des factures qui avaient été payées. En l'occurrence, aucun de ces documents n'avait été contesté par le destinataire. De plus, comme il n'y avait pas d'accord verbal spécifique sur la clause et que les parties n'étaient pas en relations d'affaires courantes, la validité de la clause ne pouvait se fonder que sur la nouvelle version de l'article 17. Dans l'affaire Transporti Castelletti Spedizioni Internazionali SpA c/ Hugo Trumpy SpA[1332], la clause d'élection de for était insérée, sans mise en valeur particulière, au verso d'un connaissement préimprimé en langue anglaise, dont seul le recto était signé. Il y a lieu d'indiquer que si la Cour a livré son interprétation des conditions d'application du nouvel article 17 lors de la première affaire, elle a, dans le second arrêt, confirmé cette interprétation tout en la précisant sur certains points. Aussi bien convient-il d'analyser de concert ces deux décisions. On relèvera que dans ces deux affaires, la CJCE s'est prononcée en se fondant sur la Convention de Luxembourg, qui était seule applicable, tout en s'inspirant des modifications de l'article 17 résultant de la Convention de San Sebastian.

 

    438.— La première question qui a été tranchée par la CJCE concerne avant toute chose la rencontre des volontés. En principe, la clause d'élection de for dont la forme est “ conforme à un usage dans le commerce international ” doit toujours être le fruit d'un véritable échange des consentements. Le rapport Schlosser précisait à ce sujet que l'existence d'un accord de volontés doit toujours être établie, la référence aux usages du commerce international n'engendrant qu'un assouplissement des exigences de forme[1333]. Toutefois, cette déclaration de principe ne peut faire abstraction de la manière avec laquelle l'échange des consentements devra être appréhendé. Or, reprenant une formule qui lui est désormais familière, la Cour de Justice réaffirme que l'article 17 de la Convention de Bruxelles impose au juge saisi l'obligation d'examiner si la clause a fait effectivement l'objet d'un consentement entre les parties, étant précisé que ce consentement doit se manifester d'une manière claire et précise, les formes de l'article 17 ayant pour fonction de s'assurer qu'il soit effectivement établi entre les parties[1334]. Dès lors, précise la Cour, l'assouplissement du formalisme introduit par la Convention de Luxembourg — reprit depuis par la Convention de San Sebastian — “ ne signifie pourtant pas qu'un accord de volontés entre les parties sur une clause de prorogation de compétence ne devrait pas nécessairement exister, la réalité du consentement des intéressés étant toujours l'un des objectifs de cette disposition. En effet, il convient de protéger la partie contractante la plus faible en évitant que des clauses attributives de juridiction, insérées dans un contrat par une seule partie, ne passent inaperçues ” (motif n° 17)[1335].

 

    439.— À première vue, ce motif ne peut que rassurer ceux qui craignaient que l'assouplissement des conditions de formes rende obligatoire une clause d'élection de for à l'égard d'une partie qui n'y aurait pas réellement consenti. Mais à partir du moment où les formes de l'article 17 ont pour fonction de s'assurer qu'un consentement est effectivement établi entre les parties, il faudrait en conclure que la conformité de la clause à une forme “ conforme à un usage du commerce international ” suffit à fournir la preuve de l'accord des volontés. On peut alors se demander dans quelle mesure “ la réalité du consentement ” peut toujours constituer “ l'un des objectifs ” de l'article 17 dès lors qu'“ en pratique, rares sont sans doute les formes ayant cours dans les divers secteurs du commerce international qui ont la vertu de garantir la liberté et la sincérité, voire seulement la réalité d'un consentement exprès et spécial à la prorogation de for ”[1336]. On ne s'étonnera donc pas que la CJCE ait estimé, dans deux motifs d'une grande importance, que “ considérer, toutefois, que l'assouplissement ainsi intervenu concerne uniquement les conditions de forme de l'article 17, par la simple suppression de la nécessité d'une forme écrite du consentement, reviendrait à méconnaître les exigences de non-formalisme, de simplicité et de rapidité dans le commerce international et à priver cette disposition d'une grande partie de son effet utile ” (motif n° 18) et que “ l'accord des parties contractantes sur une clause attributive de juridiction est présumé établi lorsqu'il existe à cet égard des usages commerciaux dans la branche considérée du commerce international, usages que ces mêmes parties connaissent ou sont censées connaître ” (motif n° 19).

 

    De tels propos peuvent apparaître en contradiction avec ceux que la Cour avaient préalablement tenus. Tout d'abord parce qu'un consentement présumé établi n'est pas un consentement effectif. Ensuite parce que si le consentement n'est que présumé, on peut se demander de quelle manière il sera possible d'éviter que la clause d'élection de for insérée dans un contrat par une seule partie ne passe inaperçue. Mais à partir du moment où les exigences de forme servent à établir l'existence du consentement, il s'ensuit, comme on l'avait déjà pressenti[1337], que l'assouplissement des conditions de forme ne peut que se répercuter sur les conditions de fonds. Pour reprendre les propos de l'Avocat général Tesauro, “ la réalité du consentement, initialement indispensable et assurée uniquement par la forme écrite ou par la confirmation écrite d'un accord verbal, dans le commerce international cède désormais le pas à la présomption d'un consentement effectif ”[1338]. Une telle évolution, ainsi que cela a pu être relevé, bouleverse l'économie de l'article 17[1339]. La priorité, désormais, n'est plus donnée à la concrétude du consentement mais à l'efficacité de l'accord d'élection de for.

 

    440.— Encore faut-il que les conditions de cette nouvelle règle de forme soient constituées. La première de ces conditions concerne la notion de “ formes admises ” à propos de laquelle l'arrêt du 16 mars 1999 a indiqué qu'elle devait être appréciée “ exclusivement au regard des usages commerciaux de la branche considérée du commerce international, sans tenir compte des exigences particulières que pourraient prévoir des dispositions nationales ” (motif n° 39). Il y a là un rappel du principe selon lequel les exigences de forme autres que celles prévues par l'article 17 de la Convention de Bruxelles n'ont pas à être appliquées[1340].

 

    Il apparaît également, comme la lecture de l'article 17 pouvait le laisser entendre, que la notion de “ forme admise ” est indissociable de la notion “ d'usage du commerce international ”. Or, si la notion “ d'usage du commerce international ” ne concerne que la forme de la clause d'élection de for, de nombreux auteurs ont estimé que la preuve d'un tel usage était difficile à rapporter car l'“ on voit mal quel usage incontestable du commerce international pourrait bien définir les formes dans lesquelles les clauses d'élection de for doivent être exprimées ”[1341]. Il est vrai, comme l'a indiqué M. Kohler, qu'à partir du moment où la forme de la clause d'élection de for est généralement régie, dans les droits nationaux, par des dispositions d'ordre public tel l'article 48 du nouveau Code de procédure civile en droit français , il est douteux que des usages du commerce aient pu commencer à se développer ; dès lors, “ la portée du renvoi aux usages du commerce international est donc extrêmement réduite ”[1342].

 

    441.— Un tel obstacle peut tout d'abord être surmonté en déplaçant la discussion de la forme vers le fond. En effet, autant il peut être difficile d'établir l'existence d'usages du commerce international qui ne concernent que la forme de la clause d'élection de for, autant il n'est pas insurmontable de prouver l'existence d'usages relatifs à la formation des contrats internationaux. Si l'on estime que la clause d'élection de for a recueilli le consentement, même présumé, des parties selon les usages du commerce international, on pourrait être conduit à estimer qu'elle est valable en la forme[1343]. De fait, quand il est indiqué que l'accord des parties contractantes sur une clause attributive de juridiction est présumé établi lorsqu'il existe à cet égard des usages commerciaux dans la branche considérée du commerce international, la Cour de Justice se réfère à des usages qui intéressent l'accord de volontés et non à des usages qui ne concernent que la forme de la clause d'élection de for[1344]. La formule utilisée dans l'arrêt du 16 mars 1999 est encore plus précise puisqu'il est indiqué que le consentement des parties à la clause d'élection de for est présumé exister “ lorsque leur comportement correspond à un usage ”. En définitive, les usages ayant trait à l'accord de volontés comportent pour la plupart des éléments relatifs à la forme. Le plus souvent, il sera malaisé de dissocier la volonté du mode d'expression de cette volonté dès lors que l'usage correspond à une manière d'agir dont la signification sera interprétée comme un consentement. Ainsi, le silence gardé en réponse à une lettre de confirmation peut être analysé comme un consentement à l'égard des stipulations qu'elle renferme, ce qui concerne le fond, et comme une manière d'exprimer ce consentement, ce qui concerne la forme[1345]. À partir du moment où les usages ne séparent pas, ou peu, le fond de la forme, la Cour de Justice peut être amenée à ne pas opérer de distinction.

 

    Au demeurant, si des réserves peuvent être formulées au sujet de l'existence d'usages spécifiques à la forme de la clause d'élection de for, il n'est pas sûr qu'il en soit de même à l'égard de la forme des contrats dans certains secteurs déterminés du commerce international. On songe notamment aux contrats types représentés par des modèles préimprimés élaborés par des organismes professionnels ou des institutions internationales. La présentation de ces contrats stéréotypés, dans lesquels une clause d'élection de for peut figurer, permet probablement d'établir un usage relatif à la présentation de certains contrats internationaux conclus dans une branche d'activité précise. Il ne s'agit donc pas de rechercher si l'usage a pour objet la forme de la clause d'élection de for. Il s'agit de savoir si l'usage peut être appliqué à la forme de la clause d'élection de for. C'est ce qui pourrait être retenu de l'arrêt du 16 mars 1999 lorsqu'il est indiqué que le juge national doit “ se référer aux usages commerciaux dans la branche considérée du commerce international pour déterminer si, dans l'affaire dont il est saisi, la présentation matérielle de la clause attributive de juridiction, en ce compris la langue dans laquelle elle est rédigée, et son insertion dans un formulaire préétabli non signé par la partie étrangère à son établissement sont conformes aux formes admises par ces usages ” (motif n° 36). Si, par exemple, il est démontré que l'emploi de la langue anglaise constitue un usage dans une branche précise du commerce international, parce que telle est précisément la langue utilisée dans le contrat type auquel les parties se sont référées, la clause d'élection de for rédigée en anglais devra être considérée comme conforme aux formes admises par ces usages.

 

    442.— En ce qui concerne la mise en œuvre de cette règle de forme, la CJCE considère qu'il appartient au juge national de vérifier si le contrat entre dans le cadre du commerce international, puis de dire s'il y a ou non un usage du commerce international et si les parties étaient ou non censées connaître cet usage. À première vue, cette position peut sembler en rupture avec la manière dont les autres règles de forme de l'article 17 avait été interprétées. En effet, la Cour de Justice ne précise pas si les clauses d'élection de for litigieuses étaient conclues dans une “ forme conforme à un usage du commerce international ” alors que, s'agissant par exemple de la “ convention attributive de juridiction passée par écrit ”, elle avait précisé qu'une référence au verso était nécessaire[1346]. Une certaine continuité peut toutefois être constatée dans la mesure où, si l'existence de l'usage n'est pas appréciée par la Cour de Justice, elle estime cependant qu'il lui appartient d'indiquer les éléments objectifs et nécessaires à l'appréciation de laquelle doit se livrer le juge national. Une distinction doit ainsi être opérée entre la définition de l'usage, qui procède d'une interprétation autonome, et la constatation de cet usage par le juge d'un État contractant.

 

    443.— Afin tout d'abord de déterminer si le contrat en question entre dans le cadre du commerce international, la CJCE constate “ qu'un contrat conclu dans un domaine tel que celui de la navigation sur le Rhin entre deux sociétés établies dans deux États contractants différents relève du commerce international ” (motif n° 22). De prime abord, on observe que ce motif se limite à caractériser l'internationalité du contrat. Bien qu'en l'espèce, les deux protagonistes avaient la qualité de commerçant, la Cour de Justice n'a pas indiqué si le contrat international devait avoir été conclu entre deux commerçants[1347]. La question se pose alors de savoir si la “ forme conforme à un usage dans le commerce international ” est susceptible d'être appliquée à un contrat qui ne serait commercial que pour l'une des parties. Pour certains auteurs, seuls les opérateurs du commerce international sont concernés par cet assouplissement  des règles de forme[1348]. Il est probable que la Cour de Justice sera amenée à fixer les critères de la commercialité. À cette occasion, il serait souhaitable, comme à son habitude du reste, qu'elle adopte une conception autonome de la notion de commerçant. Certains ordres juridiques, en effet, ignorent la distinction du droit civil et du droit commercial[1349]. Sans trop s'avancer, il est permis de penser que les parties faibles protégées par la Convention de Bruxelles — on songe particulièrement au consommateur et au travailleur — seront exclues du champ d'application de la “ forme conforme à un usage dans le commerce international ”. On voit mal comment un consommateur ou un non professionnel pourrait connaître, et encore moins être censé connaître, un usage du commerce international.

 

    Puisque la Cour de Justice n'a fait que constater le caractère international du contrat, il serait tentant de voir dans sa démarche l'émergence d'une notion autonome d'internationalité. À cet égard, en constatant que les parties étaient établies dans des États différents, la CJCE a paru retenir un critère “ juridique ” d'internationalité. Mais en constatant que le contrat était conclu dans le domaine de la navigation sur le Rhin, elle a semblé également retenir une définition “ économique ” du contrat international. En effet même si cela n'est pas expressément mentionné, il n'est pas douteux qu'un tel contrat produirait un mouvement de flux et de reflux au-dessus des frontières, ou mettrait en jeu les intérêts du commerce international. Il n'apparaît pas, en définitive, qu'une approche soit privilégiée au détriment d'une autre. La Cour de Justice donne l'impression de procéder à une analyse globale de la situation, l'internationalité du contrat étant caractérisée en fonction de l'économie générale du contrat[1350].

 

    444.— En ce qui concerne l'usage en tant que tel, la CJCE indique en premier lieu que “ l'existence d'un usage ne doit pas être déterminée par référence à une loi d'un État contractant ” (motif n° 23). De tels propos ne manquent pas de laisser planer sur la question de l'existence des usages “ l'ombre de la lex mercatoria et toutes les discussions et incertitudes qu'elle peut susciter ”[1351]. À ce sujet, MM. Gothot et Holleaux ont pu écrire que la “ forme conforme à un usage dans le commerce international ” se présente “ comme un renvoi à ce que peut contenir une “ lex mercatoria ” sur la forme des clauses de juridiction dans les transactions commerciales internationales ”[1352]. Cette remarque pourrait être interprétée comme un argument supplémentaire en faveur de la reconnaissance de la lex mercatoria comme ordre juridique “ transnational ”. Le fait que l'article 17 issu des Conventions de Lugano et de San Sebastian soit inspiré de l'article 9§2 de la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises[1353] pourrait renforcer cette impression. La CVIM, en effet, a pu être présentée par une partie de la doctrine comme le témoin privilégié de la reconnaissance de la juridicité des pratiques et usages[1354]. Il apparaît cependant que la comparaison ne saurait être poussée plus loin dès lors que dans le système de la CVIM, les dispositions de la Convention présentent un caractère supplétif par rapport aux usages. Or, la Convention de Bruxelles n'a nullement affirmé que l'application de l'article 17 était résiduelle vis-à-vis des usages. En l'occurrence, la force obligatoire de l'usage auquel doit se conformer la clause d'élection de for vient de ce qu'il constitue le présupposé de la règle de forme énoncée par l'article 17. Dès lors, si l'on estime que “ lorsqu'un usage est consacré par la loi ou la jurisprudence, il importe peut de savoir s'il a valeur coutumière, puisque celle-ci n'apporte rien à son caractère obligatoire ”[1355], la référence à la lex mercatoria apparaît superfétatoire. En tout état de cause, la notion de “ forme conforme à un usage dans le commerce international ” ne confirme, ni ne condamne, l'hypothèse de l'éventuelle juridicité de la lex mercatoria.

 

    À partir du moment où la Cour de Justice se place dans la perspective d'une interprétation autonome de la notion d'usage, l'exclusion de la lex fori ou la lex causæ dans la détermination de l'existence de cet usage s'avère pleinement justifiée. Il reste que l'on peut se demander si le juge tiendra compte d'un usage admis dans certains États, mais non dans l'État du for ; ou dans certains États mais pas dans ceux qui ont un lien avec le litige[1356]. En fait, si l'existence d'un usage ne se déduit pas de la loi d'un État contractant, le juge n'a pas à justifier cette existence en référence à une loi étatique. L'arrêt du 16 mars 1999 rappelle ainsi qu'“ il n'est pas nécessaire qu'un tel comportement [constitutif d'un usage] soit établi dans des pays déterminés, ni en particulier, dans tous les États contractants ” (motif n° 30). En revanche, pour ce qui est de l'appréciation des circonstances de fait permettant d'établir l'existence de l'usage, il peut être intéressant pour le juge de prendre en considération les ordres juridiques concernés par la clause d'élection de for pour savoir si, oui ou non, ils admettent l'usage en question[1357]. Encore faut-il s'entendre sur le sens de cette démarche. En effet, si l'admission d'usage par un ordre juridique peut être utilisée comme un indice permettant d'en établir l'existence, cette existence ne dépend pas de la consécration de l'usage par un ordre juridique. Un usage pourra donc être considéré comme établi alors même que l'ordre juridique du for, comme d'ailleurs tout autre ordre juridique, ne l'admettrait pas.

 

    445.— La validité de la clause d'élection de for ne peut reposer sur n'importe quel usage. L'existence de l'usage, en effet, “ doit être constatée non pas par rapport au commerce international en général, mais dans la branche commerciale dans laquelle les parties contractantes exercent leur activité ” (motif n° 23). Cette précision s'inspire de la Convention de San Sebastian, selon laquelle l'usage doit être largement connu et régulièrement observé dans le commerce international par des parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée, alors que la Cour de Justice ne devait interpréter que la Convention de Luxembourg. Cette précision était souhaitée en doctrine[1358]. La notion d'usage du commerce international ne peut être invoquée comme une “ clause de style ”[1359] qui permettrait de valider n'importe quelle clause d'élection de for. Aussi bien était-il souhaité que l'abandon de l'exigence d'un consentement effectif s'accompagne d'une définition de la notion d'usage qui soit aussi étroite que possible[1360]. De fait, la “ forme conforme à un usage dans le commerce international ” ne parait concerner pour l'essentiel que les domaines où les opérateurs du commerce international se sont organisés aux sein d'organismes professionnels ayant élaboré des contrats types[1361]. L'article 17 semble avoir été surtout réécrit pour ceux-là. En témoigne l'auteur du rapport sur la Convention de Luxembourg qui justifie l'assouplissement du formalisme au motif que “ le commerce international ne saurait se passer de conditions types comportant des clauses attributives de juridiction ”[1362].

 

    446.— Pour la Cour de Justice, “ il y a usage du commerce international lorsque, notamment, un certain comportement est généralement et régulièrement suivi par les opérateurs dans cette branche lors de la conclusion de contrats d'un certain type ” (motif n° 23). Cette définition autonome de la notion d'usage du commerce international rappelle une conception restrictive entendue comme “ des pratiques habituellement suivies dans une branche donnée du commerce ”[1363]. Une acception beaucoup plus large qui inclurait en plus de la pratique contractuelle, “ les véritables règles de droit dégagées de l'observation du droit comparé ou d'autres sources internationales ”[1364] ne paraît pas pouvoir être pris en compte par le juge pour établir l'existence d'un usage.

 

    L'usage est classiquement défini par la Cour de Justice comme un “ certain comportement ”. Ce comportement se présente comme une pratique répétée dans un certain domaine du commerce international. En principe, ce n'est pas la clause en tant que telle qui devrait être l'objet de cette pratique mais le processus de formation de cette clause. Il a pu être relevé, à juste titre, que “ ce n'est pas la clause litigieuse qui doit être conforme à l'usage mais la forme dans laquelle elle a été conclue ”[1365]. Le fait par exemple qu'il soit d'usage d'insérer une clause d'élection de for dans les connaissements ne devrait pas suffire à la valider si la forme de la clause n'est pas elle-même conforme à un usage. Si toutefois une clause est habituelle dans la pratique contractuelle, l'usage qui pourrait se constituer en ce qui concerne son caractère usuel est susceptible d'intéresser son efficacité intrinsèque.

 

    L'arrêt du 16 mars 1999 mentionne certaines circonstances qui, si elles ne sauraient être requises pour établir l'existence d'un usage, peuvent être utilisées pour faciliter cette preuve. Cela peut être le fait, pour une pratique, d'être généralement et régulièrement observée par les opérateurs des pays occupant une position prépondérante dans la branche du commerce international en cause. Il peut s'agir également de la publicité qui pourrait être donnée auprès d'associations ou d'organismes spécialisés aux formulaires préimprimés dans lesquels figure une clause attributive de juridiction. Cet arrêt précise également que “ la contestation devant les tribunaux d'un comportement constitutif d'un usage ne suffit pas pour lui faire perdre sa qualité d'usage ” (motif n° 30). Cette interprétation de l'article 17 semble indiquer qu'à partir du moment où l'usage est établi, une partie ne peut le récuser pour lui dénier sa qualité d'usage. L'admission d'un comportement au rang d'usage ne dépend donc pas de sa reconnaissance ou de sa contestation par les parties.

 

    447.— Les parties, d'après l'article 17, doivent connaître ou être censées connaître l'usage du commerce international. Selon la Cour de Justice, la connaissance “ effective ou présumée ” de l'usage est établie lorsque, “ notamment, elles avaient auparavant noué des rapports commerciaux entre elles avec d'autres parties opérant dans le secteur considéré ou lorsque, dans celui-ci, un certain comportement est suffisamment connu, du fait qu'il est généralement et régulièrement suivi lors de la conclusion d'un certain type de contrats, pour pouvoir être considéré comme une pratique consolidée ” (motif n° 24). Ces indications s'inscrivent fort logiquement dans le prolongement de la notion d'usage dégagée par la Cour de justice, la connaissance réelle ou supposée de l'usage devant toujours être recherchée dans la branche du commerce international où les parties exercent leur activité. Se confirme l'impression que l'assouplissement des formes de l'article 17 trouvera son terrain de prédilection dans les secteurs du commerce international plus ou moins institutionnalisés. L'on sent bien que la preuve de la connaissance réelle, mais surtout supposée, sera plus facile à rapporter lorsque des contrats types ont été élaborés dans une branche commerciale donnée. Au demeurant, si l'on considère que les conditions types qui comportent des clauses attributives de juridiction “ ne sont généralement pas imposées unilatéralement par un des opérateurs du marché, mais négociées par les représentants des différents opérateurs ”[1366], il est probable que l'usage sera la plupart du temps connu par les parties. Mais que l'usage puisse n'être que “ censé ” connu rend possible l'application d'un usage qui ne soit pas connu par la partie à laquelle on l'oppose. Inévitablement, la qualité du consentement à la clause d'élection de for s'en trouve affectée ; on ne peut à la fois soutenir que la forme permet d'établir un accord de volontés qui soit effectif si l'on admet que, en même temps, l'usage auquel elle doit se conformer peut ne pas être réellement connu des parties.

 

    448.— L'interprétation par la CJCE de la “ forme conforme à un usage dans le commerce international ” a été diversement appréciée en doctrine. D'un côté, on a pu observer que les directives énoncées par la Cour de Justice se montrent relativement contraignantes et ce, très certainement pour inviter le juge national à s'assurer que la clause d'élection de for a fait l'objet d'un consentement, fût-il tacite ou présumé[1367]. D'un autre côte, on a pu estimer que les indications fournies par la Cour de Justice restent assez vagues, de sorte qu'il sera à peu près impossible de prévoir à l'avance la réponse du juge national, réponse qui peut varier sensiblement selon qu'il s'attache davantage à la recherche du consentement ou à la souplesse nécessaire en matière de commerce international. L'on peut craindre alors que le plaideur qui prendra l'initiative du procès  agisse, selon ses intérêts, devant un for dont il sait que le juge aura telle ou telle conception, large ou étroite, de la “ forme conforme à un usage dans le commerce international ”[1368]. L'introduction de cette nouvelle règle de forme serait alors synonyme d'insécurité juridique pour les entreprises, alors qu'elle a été spécialement instituée pour les besoins du commerce international, et risquerait de favoriser un forum shopping, ce qui n'est pas le moindre des paradoxes étant donné que les clauses d'élection de for ont précisément pour objet d'éliminer les incertitudes relatives à la détermination de la juridiction internationalement compétente.

 

    Manifestement, l'assouplissement du formalisme traduit un recul de l'exigence du consentement à la clause qui devient présumé, cette présomption de consentement pouvant elle-même reposer sur une présomption de connaissance de l'usage. Certes, la Cour de Justice contrôle la définition des éléments permettant d'apprécier la notion “ d'usage dans le commerce international ” ainsi que la connaissance, réelle ou supposée, de cet usage. Mais cela ne peut que renforcer la force obligatoire de la clause d'élection de for. Ainsi que M. Ancel l'avait pressenti avant que la CJCE ne se soit prononcée, l'accumulation de précisions dans le texte de l'article 17 “ renforce surtout le caractère obligatoire dudit usage et retire toute possibilité pour la partie qui est surprise par la prorogation à laquelle elle n'a pas consentie, de s'abriter derrière son ignorance ou sa défaillance ”[1369]. Certes, la mise en œuvre de la “ forme conforme à un usage dans le commerce international ” devient affaire d'appréciation concrète par le juge national, ce qui peut donner lieu, ça et là, à des approches divergentes. Mais la plus grande insécurité ne réside-t-elle pas dans le fait qu'une clause d'élection de for puisse produire ses effets sans avoir été véritablement acceptée ? Si l'usage ne concerne qu'un milieu professionnel donné, il est très probable qu'il n'aura pas été méconnu par les acteurs de cette profession. Pour autant, il n'y a là aucune garantie que la clause ait été réellement connue par les parties au contrat et, partant, qu'un consentement ait pu être échangé en ce qui la concerne. De surcroît, en indiquant qu'il convient de protéger la partie contractante la plus faible en évitant que des clauses attributives de juridiction, insérées dans un contrat par une seule partie, ne passent inaperçues, la CJCE reconnaît qu'il existe au sein même de la catégorie des opérateurs du commerce international des parties qui se trouvent dans une situation de dépendance par rapport à leur cocontractant. Cette dépendance ne vient pas forcément d'un déséquilibre de puissance économique. Elle peut provenir de la position dominante de certains opérateurs au sein d'un secteur déterminé. Si l'on considère qu'un assouplissement des formes serait nécessaire pour faciliter les transactions, il serait tout aussi nécessaire que le caractère raisonnable de la clause d'élection de for puisse être, sous certaines conditions, apprécié par le juge. Cette idée sera approfondie à l'occasion de l'analyse des effets de l'accord d'élection de for[1370]. Mais l'on peut d'ores et déjà regretter que la CJCE n'ait pas souhaité se placer dans cette perspective.

 

    449.— Si la Convention de Bruxelles tient compte des usages du commerce international, il en est parfois de même en droit commun des conflits de juridictions. Selon une suggestion de M. MAYER, le formalisme de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile devrait être adapté dans le sens de la souplesse afin de tenir compte des usages du commerce international[1371]. De fait, l'on peut parfois constater que la jurisprudence en tient compte. La question est plutôt de savoir au nom de quoi ces usages sont appliqués. Parfois, l'usage se dévoile comme un instrument servant à interpréter l'article 48 du nouveau Code de procédure civile[1372] alors que dans d'autres cas, il paraît être appliqué directement par la jurisprudence, sans qu'aucun texte ne soit mentionné[1373]. En définitive, cette opposition peut être surmontée si l'on garde à l'esprit l'idée que ce ne sont pas les conditions de forme de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile qui sont appliquées mais une règle matérielle de droit international privé qui s'en inspire[1374]. Seul importe, au fond, de préciser les circonstances dans lesquelles il sera possible de se référer ou non aux usages du commerce international.

 

    450.— Jusqu'à présent, les usages du commerce international n'ont été utilisés que pour assouplir les exigences relatives à la présentation de la clause d'élection de for[1375] ainsi que pour valider la clause stipulée dans une langue étrangère[1376]. Mais cette référence aux usages n'a pas entraîné un bouleversement dans le processus de formation de l'accord d'élection de for. L'on peut ainsi observer la rigueur avec laquelle la Cour de cassation apprécie strictement la connaissance et l'acceptation de la clause d'élection de for par référence et ce même lorsque les parties sont en relations d'affaires courantes. L'application des usages au stade de l'accord des volonté parait néanmoins envisageable si la loi applicable à l'accord d'élection de for y fait référence, lorsque par exemple, à l'instar du droit français, cette loi admet que le silence puisse valoir acceptation s'il existe des usages commerciaux en ce sens.

 

    Si toutefois le champ d'intervention des usages est plus restreint, l'on doit par ailleurs constater que la jurisprudence se réfère le plus souvent aux usages du commerce international en général et non aux usages relatifs à certaines branches d'activité bien précises[1377]. Cette démarche contraste avec la manière avec laquelle la CJCE appréhende la notion d'usage. Elle peut néanmoins s'expliquer par le fait que la référence aux usages n'est pas dictée par un texte mais constitue une création prétorienne, par essence évolutive. On ne saurait toutefois admettre que la notion d'usage du commerce international permette de justifier n'importe quelle clause d'élection de for. Aussi bien, les directives d'interprétation données par la Cour de Justice au sujet de la “ forme conforme à un usage du commerce international ” devraient, en droit commun des conflits de juridictions, suggérer à la jurisprudence une approche de la notion d'usage qui soit limitée à un secteur d'activité[1378].

 

§3 - Le consentement à l'accord d'élection de for en cas de clauses contradictoires

 

    451.— La formation du contrat donne souvent lieu à l'envoi entre les parties de divers documents (bon de commande, bon de livraison, lettre de confirmation, etc.) dans lesquels se trouvent reproduites leurs propres conditions générales. Ces conditions générales étant la plupart du temps préimprimées, il n'est pas rare que leur contenu diverge sur certains points et notamment à propos des clauses relatives au différend. La réalité du consentement à l'élection de for peut, dans ces conditions donner lieu à discussion lorsque les documents échangés par les cocontractants contiennent soit des clauses d'élection de for différentes (A/), soit une clause d'élection de for d'un côté et une clause d'arbitrage de l'autre (B/).

 

    A/ Le conflit entre deux clauses d'élection de for

 

    452.— La manière de dénouer ce qu'une expression imagée des anglo-saxons nomme the battle of forms — la bataille des formulaires — est généralement envisagée de deux manières. La première consiste en ce qu'une autre expression anglaise désigne par the last shot theory. Selon cette théorie, un document qui comporte des clauses en contradiction avec celles contenues dans un document précédent prend la qualification de contre-offre, et ainsi de suite. Dès lors, c'est le document qui a été remis en dernier qui l'emporte puisque c'est le seul à avoir pu être accepté. De cette façon triomphe celui “ qui a tiré le dernier ”[1379]. La seconde issue consiste à juger que les clauses contradictoires n'ont pas pu être acceptées en raison de leur caractère inconciliable. À bien des égards, ce mode de résolution apparaît plus satisfaisant que la théorie du “ dernier mot ” qui a pu être qualifiée de “ procédé passablement primitif ”[1380] car il oblige les parties à échanger sans fins leurs conditions générales si elles ne veulent pas que s'appliquent celles de leurs cocontractants.

 

    En règle générale, la jurisprudence française adopte le principe de la neutralisation des clauses contraires[1381]. La Cour de cassation estime ainsi que deux clauses attributives de juridiction inconciliables s'annulent, la juridiction territorialement compétente étant alors déterminée par les règles de compétence du droit commun[1382]. Mais encore faut-il, pour qu'il y ait une réelle incompatibilité entre les clauses, qu'elles soient toutes les deux entrées dans le champ contractuel. Il se peut, en effet, que seule l'une d'elles corresponde le mieux à l'intention des parties, par exemple lorsqu'elle est insérée dans un document signé par les deux contractants alors que l'autre clause figure dans un document qui émane unilatéralement de l'un d'entre eux[1383]. De plus, si l'une des clauses est déclarée nulle, la seconde qui est valable doit pouvoir s'imposer. Tel est le cas par exemple si l'une des clauses figure au verso du bon de commande alors que le recto ne comporte aucun renvoi[1384] ou si elle est écrite avec des caractères peu apparents[1385].

 

    453.— En droit international privé, le sort des clauses d'élection de for inconciliables devrait être régie par la loi applicable au contrat, du moins en ce que son application est commandée par la loi applicable à l'accord d'élection de for : du moment que l'existence du consentement est concernée, seules les règles régissant la formation du contrat devraient être appliquées pour déterminer si les volontés se sont bien rencontrées. Mais la jurisprudence ne raisonne pas en termes de conflits de lois. Conformément au droit interne, la Cour de cassation écarte en matière de conflits de juridictions les clauses contradictoires[1386]. Il faudrait alors considérer que la question des clauses d'élection de for inconciliables est soumise à une règle matérielle de droit international privé et non à la lex contractus.

 

    Idéalement, il serait pourtant souhaitable que le conflit entre deux clauses d'élection de for soit résolu de la même manière quel que soit le juge saisi. Si l'on part du principe que le juge saisi sera l'un des juges désignés par l'une ou l'autre de ces clauses — en pratique le demandeur saisira vraisemblablement le juge désigné par la clause figurant dans ses propres conditions générales —, un tel résultat ne sera atteint — hormis les cas où la Convention de Vienne est applicable[1387] dans les deux fors désignés par les clauses en conflits — que lorsque les clauses désignent le tribunal ou les tribunaux de deux États ayant adhéré à la Convention de Bruxelles, et à la condition que l'une des parties soit domiciliée dans un État contractant. En dehors de ces hypothèses, la méthode utilisée pour résoudre un conflit de clauses d'élection de for risque fort de diverger selon la juridiction saisie du litige. En effet, si chaque État applique sa lex fori — ou une règle matérielle de droit international privé, ce qui revient au même —, des solutions divergentes risquent d'être appliquées. Une telle diversité ne profitera qu'au demandeur si le juge saisi applique systématiquement sa propre loi. Dès lors que les droits matériels divergent, la solution la plus appropriée consiste à appliquer la loi qui régit l'existence du contrat.

 

    Il n'échappera pas que s'en remettre à cette loi revient, dans certains cas, à appliquer le système du Last shot rule que nous déplorons. En effet, si la loi applicable au contrat retient la théorie du “ dernier mot ”, le juge ne pourra, au stade de l'appréciation de sa propre compétence, estimer que les clauses d'élection de for contradictoires se neutralisent. Mais à l'inverse, il ne pourra appliquer la clause contenue dans le document remis en dernier si la lex contractus estime que les stipulations inconciliables ne doivent pas être appliquées. Et quand bien même le système du Last shot rule serait appliqué, ce n'est pas parce qu'un ordre juridique différent du nôtre retient une solution qui ne nous satisfait pas que nous devons nécessairement en écarter l'application, à moins, évidement, que la loi étrangère ne soit contraire à notre conception de l'ordre public international, ce qui en l'occurrence n'est manifestement pas le cas. Du reste, si ce mode de règlement des conflits de conditions générales s'applique pour toutes les autres stipulations contractuelles, on ne voit pas ce qui justifierait qu'il n'en soit pas autrement pour la clause d'élection de for. Certes, le régime juridique de la clause d'élection de for bénéficie d'une certaine spécificité. Mais cette spécificité ne va pas, sauf exception, jusqu'à imposer une déclaration de volonté différente de celle du contrat dans lequel elle s'insère. À partir du moment où le même consentement vaut pour toutes les stipulations contractuelles, l'appréciation de l'existence de ce consentement devrait être soumise à la même loi en cas de conflits de conditions générales. Or, si la loi applicable au contrat retient la théorie du Last shot rule, ce sont bien les stipulations situées dans le document remis en dernier (clause de responsabilité, clause pénale, etc.) qui seront appliquées. Dans ces conditions, l'on peut se demander pourquoi il devrait en être autrement pour la clause d'élection de for qui par essence constitue un engagement accessoire[1388].

 

    454.— On relèvera au demeurant que c'est le droit régissant le contrat qui devra être appliqué pour résoudre le conflit entre deux clauses d'élection de for  lorsque le contrat est soumis à la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises. Cette Convention, rappelons-le, ne procède pas à l'unification des règles de conflit de lois mais traite directement du fond du droit en unifiant les règles relatives à la vente. S'agissant de la formation de la vente, elle dispose dans ses articles 18 et 19§1 que l'acceptation doit être pure et simple, c'est-à-dire dépourvue d'additions, de limitations ou autres modifications, auquel cas elle sera analysée comme un rejet de l'offre et constituera une contre-proposition. Toutefois, ce principe est tempéré par l'article 19§2 qui admet que la réponse faite à l'offre vaut acceptation dès lors que les modifications qu'elle apporte “ n'altère pas substantiellement les termes de l'offre ”.  Mais l'article 19§3 qui énumère les éléments altérant substantiellement les termes de l'offre limite sensiblement ce tempérament puisque sont visés “ des éléments complémentaires ou différents relatifs notamment [...] au règlement des différends ”. Autrement dit, si la réponse du destinataire de l'offre comporte une clause d'élection de for différente de celle qui figure dans la pollicitation, le contrat de vente n'est pas formé et la réponse constitue une contre-offre. C'est donc la théorie du Last shot rule qui est appliquée lorsque cette convention est applicable[1389], du moins si l'on considère que le destinataire de la contre-offre l'a acceptée en exécutant sa prestation sans formuler d'objection. L'article 18§3 considère en effet qu'en vertu de l'offre (ou de la contre-offre), des habitudes qui se sont établies entre les parties ou des usages, le destinataire de l'offre (ou de la contre-offre) peut indiquer qu'il acquiesce en exécutant le contrat. Cependant, si le résultat concret auquel conduit l'application de la Convention de Vienne est regrettable, les raisons qui justifient son intervention nous apparaissent fondées. Si la Convention de Vienne s'applique à la clause d'élection de for, c'est manifestement parce qu'elle est perçue comme une stipulation de premier ordre. C'est pourquoi les auteurs de ce Traité ont estimé que les difficultés suscitées par les contradictions entre certaines stipulations importantes, telles les clauses relatives au différend, mais également celles qui concernent le prix, l'étendue de la responsabilité, etc., devaient être abordées par les règles relatives à la formation de la vente.

 

    455.— Lorsqu'en revanche, la clause d'élection de for est régie par la Convention de Bruxelles, les difficultés suscitées par le conflit de deux clauses d'élection de for peuvent certainement être résolues par l'article 17 tel qu'il a été interprété par la CJCE. Rappelons que la Cour de Luxembourg estime qu'en subordonnant la validité d'une clause d'élection de for à l'existence d'une convention, ce texte oblige le juge à examiner si la clause a fait effectivement l'objet d'un consentement entre les parties ; ce consentement devant se manifester de manière claire et précise, les formes de l'article 17 ayant pour fonction de permettre au juge de s'assurer de son effectivité[1390]. Il apparaît ainsi qu'au moyen des conditions de forme, sont élaborées des règles de fond relatives à l'accord des volontés. Dès lors, si à notre connaissance la CJCE n'a jamais été saisie d'une question préjudicielle concernant les conflits de clauses d'élection de for, les principes dégagés par sa jurisprudence permettent certainement de répondre dans le sens d'une neutralisation des clauses contradictoires. Un consentement ne peut se manifester de manière claire et précise, et donc être effectif, si des clauses d'élection de for contradictoires sont entrées à parts égales dans le champ contractuel. Il ne peut donc y avoir dans ce cas de “ convention attributive de juridiction conclue par écrit ” au sens de l'article 17 de la Convention de Bruxelles. La jurisprudence de la Cour de cassation rendue en application de la Convention de Bruxelles tranche dans ce sens[1391].

 

    Il ne peut non plus y avoir de “ convention attributive de juridiction conclue verbalement avec confirmation écrite ” dans la mesure où si l'envoi d'une offre comportant une clause d'élection de for peut être assimilée à une confirmation écrite, le fait pour son destinataire de renvoyer un document comportant une clause d'élection de for différente peut certainement être assimilé à une objection[1392]. La Cour de Justice ne s'est certes pas prononcée sur la portée d'une telle objection mais l'on peut toutefois estimer que la présence de clauses contradictoires rend pour le moins équivoque l'existence entre les parties d'un accord verbal portant spécialement sur l'élection de for. Il semble également difficile d'admettre que l'échange entre les cocontractants de documents comportant des clauses d'élection de for différentes puisse révéler l'existence d'une      “ convention attributive de juridiction conclue dans une forme conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles ”[1393]. Les seules habitudes que l'on peut constater concernent plutôt la remise, lors de chaque opération, de documents comportant des clauses contradictoires. On voit mal alors comment l'une de ces clauses se serait imposée plus qu'une autre et, partant, serait devenue habituelle entre les parties. Seule peut-être la “ forme conforme à un usage du commerce international ” pourrait tenir en échec le principe de la neutralisation des clauses contradictoires, à condition toutefois d'établir l'existence d'un tel usage largement connu et régulièrement observé par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée[1394].

 

    456.— Il reste à préciser si les règles de fond dégagées à partir de l'article 17, où susceptibles de l'être, présentent un caractère exclusif. Jusqu'à présent, la CJCE ne s'est prononcée qu'à l'égard des règles de forme. À cette occasion, elle a indiqué que les États ne peuvent prescrire d'autres exigences de formes que celles prévues par l'article 17[1395]. Logiquement, il devrait en être de même en matière d'échange des consentements[1396]. Les exigences relatives à la rencontre des volontés issues de l'articles 17 seraient dépourvues d'effet utile si elles pouvaient être contournées par des règles du droit national. En principe donc, cette question ne devrait pas être régie par la loi interne du juge saisi ou par la loi applicable au contrat.

 

    457.— Dans l'hypothèse pourtant où la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises est applicable, la jurisprudence considère que la Convention de Bruxelles doit être mise à l'écart[1397]. Ce recours aux règles matérielles régissant la vente pour résoudre le conflit entre deux clauses d'élection de for a pu être perçue comme une “ menace pour l'application uniforme de l'article 17 de la Convention de Bruxelles ”[1398]. Il n'est pas sûr cependant que l'application de la CVIM entraînerait un résultat différent de celui qu'aurait entraîné l'application des règles de la Convention de Bruxelles. Telle est du moins l'opinion de M. Huet[1399] qui estime qu'en dehors du cas où la clause d'élection de for a simplement fait l'objet d'un accord verbal, il n'y a généralement pas d'écart entre les règles de la Convention de Bruxelles et de la Convention de Vienne à condition de ne pas s'en tenir à la lettre des articles 18 et 19 de la CVIM, c'est-à-dire si l'on prend en considération les “ dispositions générales ” de la Convention de Vienne relatives aux usages des parties (article 9§1) et aux usages du commerce international (article 9§2)[1400]. Encore faut-il cependant que soit démontrée l'existence d'une habitude ou d'un usage. À défaut, on risque de voir surgir un conflit entre la Convention de Bruxelles et la Convention de Vienne. Si l'on estime en effet que l'article 17 régit l'accord de volontés, son domaine entre alors en concurrence avec la Convention de Vienne lorsque cette dernière est applicable.

 

    458.— À cet égard, on relèvera qu'en prévision d'un conflit éventuel de Conventions, les Traités comportent souvent une “ déclaration de compatibilité ” dont l'objet est de préciser dans quelle mesure il peut se concilier avec tel autre Traité. C'est précisément le cas de la Convention de Bruxelles qui organise, dans son article 57, ses relations avec les autres Conventions internationales[1401]. Selon ce texte, la Convention de Bruxelles “ n'affecte pas les Conventions auxquelles les États contractants sont ou seront parties et qui, dans des matières particulières, règlent la compétence judiciaire, la reconnaissance ou l'exécution des décisions ”. Si cette disposition témoigne d'une ouverture incontestable vers les autres Conventions internationales, elle ne nous semble pas pouvoir résoudre le conflit entre la Convention de Bruxelles et la Convention de Vienne. En effet, s'il n'est pas douteux que la Convention de Vienne intervient dans une “ matière particulière ” — en l'occurrence la vente internationale de marchandises —, force est de reconnaître qu'elle ne comporte aucune disposition relative à la compétence judiciaire. Ce n'est que de manière incidente que les règles relatives à la formation de la vente s'appliquent aux éléments de la réponse du destinataire de l'offre relatifs, entre autres, au “ règlement des différends ”, expression qui englobe la clause d'élection de for, mais aussi la clause d'arbitrage, de médiation préalable, etc. Aucune des dispositions de la Convention de Vienne n'entend régir directement les conditions de fond ou de forme de la clause d'élection de for[1402].

 

    459.— Dès lors que l'article 57 de la Convention de Bruxelles ne peut s'appliquer, le conflit de Conventions internationales doit être résolu selon les principes du droit international public[1403]. Lorsque le conflit de Conventions internationales ne peut être résolu par une clause de compatibilité, plusieurs solutions peuvent être envisagées. Une première solution consisterait à retenir le principe dit de “ l'efficacité maximum ” qui consiste à appliquer celle des conventions “ qui paraît servir le mieux l'intérêt inspirant l'une et  l'autre : favoriser le créancier d'aliments, le mineur, la reconnaissance internationale d'une décision ... ”[1404]. Mais un tel principe ne semble pouvoir être appliqué en l'occurrence dans la mesure où il requiert  “ une communauté d'objectifs entre les instruments concurrents, qui se laissera difficilement constater ici où ils réalisent des politiques juridiques opposées ”[1405].

 

    Il peut être également envisagé de s'inspirer de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des Traités dont l'article 30§3 précise que “ lorsque toutes les parties au Traité antérieur sont également parties au Traité postérieur, sans que le Traité antérieur ait pris fin ou que son application ait été suspendue en vertu de l'article 59, le Traité antérieur ne s'applique que dans la mesure où ses dispositions sont compatibles avec celles du Traité postérieur ”. La France a certes voté contre ce Traité[1406], mais les solutions qu'il dégage inspirent le droit positif. De surcroît, le conflit entre la Convention de Bruxelles et la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises sera très certainement tranché par la CJCE qui s'inspirera sans doute des solutions majoritairement adoptées par les États. Dès lors, si l'on fait application du principe lex posterior derogat priori, la Convention de Bruxelles l'emporterait certainement sur la CVIM. En effet, si la CVIM est entrée en vigueur en France le 1er janvier 1988, la dernière Convention d'adhésion à la Convention de Bruxelles — qui constitue un Traité à part entière —, la Convention de San Sebastian du 26 mai 1989, est entrée en vigueur à partir du 1er février 1991. D'autre part, compte tenu de l'élargissement de l'Union européenne, les futures Conventions d'adhésion à la Convention de Bruxelles seront postérieures à la CVIM. L'on pourrait certes rétorquer que la jurisprudence de la CJCE qui utilise l'article 17 comme un moyen de contrôler l'existence de l'accord de volontés est antérieur à l'entrée en vigueur de la CVIM. Mais cette interprétation se trouve en quelque sorte incorporée dans les Conventions d'adhésion. D'aucuns estiment pourtant que la primauté accordée au Traité postérieur n'est pas la solution la plus appropriée lorsqu'il s'agit de trancher entre des instruments multilatéraux car “ la chronologie des mises en vigueur selon les conventions et selon les pays est trop contingente pour offrir un critère rationnel de solution ”[1407]. Ce à quoi il convient d'ajouter que la primauté du Traité le plus récent n'est en principe envisagée qu'à l'égard des Traités successifs portant sur la même matière[1408], ce qui n'est pas le cas des Conventions de Bruxelles et de Vienne.

 

    Une autre solution consisterait alors à appliquer l'adage specialia generalibus dérogent. Dans cette perspective, il convient au préalable de déterminer laquelle des deux Conventions en conflit présente un caractère spécial par rapport à l'autre. A priori, la CVIM peut apparaître comme celle qui présente le caractère le plus spécial puisqu'elle ne concerne que la vente internationale de marchandises et n'aborde la clause d'élection de for qu'à l'occasion d'un conflit entre les documents échangés par les parties alors que la Convention de Bruxelles s'applique en matière civile et commerciale et régit la licéité, la forme et certaines conditions de fond de l'accord d'élection de for. Mais d'un autre point de vue, la Convention de Bruxelles peut apparaître comme la moins générale des deux Conventions dans la mesure où elle ne réglemente qu'une stipulation bien précise alors que la CVIM s'applique au contrat de vente de marchandises dans son ensemble. Au surplus, la CVIM concerne la clause d'élection de for uniquement en ce qu'elle vise les clauses relatives au “ règlement des différends ”. Cette expression présente un caractère plus global dans la mesure où, comme nous l'avons déjà indiqué, elle englobe aussi la clause d'arbitrage, de médiation préalable, etc. Tout bien considéré, la Convention de Bruxelles se révèle comme le Traité le plus spécial et doit donc primer sur la CVIM[1409]. La position adoptée par la Cour de cassation apparaît dès lors juridiquement contestable, du moins en droit conventionnel européen[1410].

 

    B/ Le conflit entre la clause d'élection de for et la clause d'arbitrage

 

    460.— Les documents échangés entre les parties peuvent également contenir une clause d'élection de for et une clause compromissoire[1411]. Si à première vue ces deux stipulations peuvent difficilement cohabiter, leur coexistence a pu toutefois être organisée par les parties. Les contractants peuvent ainsi avoir décidé que la clause d'élection de for présenterait un caractère subsidiaire, lorsqu'il a été convenu que le recours à la juridiction étatique n'interviendrait que dans l'hypothèse où le tribunal arbitral ne pourrait pas statuer, ou un caractère subséquent, lorsqu'il a été prévu de soumettre le différend d'abord à des arbitres puis à des juridictions étatiques[1412]. Les parties peuvent également avoir convenu d'une répartition en décidant que telle question sera soumise à des arbitres tandis que telle autre relèvera des juridictions étatiques[1413]. Mais lorsqu'il n'est pas sûr que les parties aient souhaité concilier la clause d'élection de for et la clause compromissoire, ces deux stipulations devraient être qualifiées de contradictoire. Force pourtant est de constater les divergences de la jurisprudence.

 

    461.— Certaines décisions se livrent à une recherche d'intention afin de déterminer laquelle de ces stipulations a véritablement recueilli le consentement de tous les cocontractants. Il a ainsi été jugé, dans une affaire où la clause compromissoire figurait dans les conditions spéciales du contrat et la clause d'élection de for dans les conditions générales, que la clause d'arbitrage devait prévaloir dès lors que les parties avaient expressément stipulé que les conditions spéciales dérogeaient aux conditions générales[1414]. Dans le même sens, il a été décidé que la clause d'élection de for figurant dans une facture adressée postérieurement à la conclusion du contrat ne pouvait prévaloir sur la clause compromissoire insérée dans les conditions générales d'un contrat-type d'une branche professionnelle et auquel se réfère l'instrumentum signé par les parties[1415].

 

    Mais s'il est constaté qu'aucune de ces clauses n'a reçu le consentement des parties, le droit commun devrait alors s'appliquer. C'est, semble-t-il, ce qu'un arrêt de la première Chambre civile rendu le 20 février 1996[1416] pourrait laisser entendre[1417]. En l'espèce une société belge avait établi deux conditions générales de ventes, les unes spécifiques aux ventes internes comportaient une clause attributive de juridiction, les autres propres aux ventes internationales comportaient une clause compromissoire. Si ces deux conditions générales avaient été remises à l'acheteur, les juges du fond relevèrent d'une part, que l'offre de contrat ne comportait pas de référence générale ou globale à l'une ou à l'autre de ces conditions mais ne s'y référait que pour la livraison et la garantie, et d'autre part, que les accusés de réception de la commande ne visaient que les conditions réservées aux ventes internes. Dans ces conditions, la Cour de cassation a approuvé la Cour d'appel d'avoir déduit de ces références contradictoires et incertaines l'absence d'acceptation de la clause compromissoire.

 

    462.— Pourtant, dans la majorité des cas, la jurisprudence s'efforce de faire prévaloir la clause compromissoire sur la clause d'élection de for. Selon les décisions publiées, cette faveur dont semble jouir l'arbitrage est fondée, soit sur une recherche de l'intention des parties dans un sens toujours favorable à la clause compromissoire, soit sur l'idée que la clause compromissoire prime sur la clause d'élection de for.

 

    463.— L'affaire Dalico[1418] nous paraît illustrer parfaitement la tendance d'une certaine jurisprudence à interpréter les documents contractuels en faveur de la clause d'arbitrage. En l'espèce, la difficulté venait de ce que le contrat était composé de divers documents. En effet, au contrat proprement dit s'ajoutait d'une part des conditions-type et d'autre part les documents d'appel d'offre. Or les conditions-type, qui étaient signées par les parties, contenaient une clause d'élection de for désignant la compétence des tribunaux libyens, tandis que les documents de l'appel d'offre auxquels renvoyait l'instrumentum contenaient une clause compromissoire. De plus, les conditions-type comportaient elles-mêmes une annexe non signée dont l'une des clauses se rapportait “ aux conditions de l'arbitrage telles que définies dans les documents d'appel d'offre ”. Procédant à une analyse de tous ces documents, la Cour d'appel de Paris a estimé que “ la référence ainsi faite par l'annexe aux conditions-type à un document incontestablement contractuel [i.e. le document d'appel d'offre] fait apparaître que cette “ annexe ” est intervenue, en ce qui concerne le règlement des litiges, pour mettre en harmonie les diverses stipulations du contrat en modifiant les conditions-type qui prévoyaient une attribution de compétence aux tribunaux libyens pour y substituer la clause d'arbitrage stipulée à l'origine dans les documents d'appel d'offres ”. L'interprétation à laquelle s'est livrée l'arrêt nous apparaît critiquable. Que la Cour d'appel de Paris estime que la référence a pour effet d'intégrer le document contenant la clause compromissoire dans le champ contractuel est une chose, qu'elle en déduise la volonté des parties d'y substituer la clause d'élection de for en est une autre. De deux choses l'une en effet, soit l'on estime qu'en raison de leur caractère inconciliable les deux clauses n'ont pu être acceptées, soit l'on considère que l'une de ces clauses a pu être acceptée au détriment de l'autre et dans ce cas, il nous aurait semblé plus logique de considérer comme cela est communément admis qu'“ un document contractuel signé démontre davantage une acceptation qu'un document non signé ”[1419]. Au lieu de cela, l'arrêt fait prévaloir la clause compromissoire située dans un document non signé sur la clause d'élection de for située dans un document signé, ce qui nous paraît significatif d'un a priori favorable à l'arbitrage.

 

    Dans d'autres cas, la jurisprudence “ découvre ”, sous couvert d'interprétation, que les parties auraient entendu conférer un caractère subsidiaire à la clause d'élection de for. Un arrêt rendu en matière interne illustre parfaitement cette tendance[1420]. En l'espèce, la clause compromissoire était stipulée dans un contrat-cadre alors que la clause attributive de juridiction était stipulée dans les contrats d'application. Analysant la portée respective de ces deux stipulations, la Cour d'appel de Paris a estimé que les litiges dont les parties avaient voulu attribuer le règlement à l'arbitrage incluaient les difficultés d'exécution des contrats d'exécution ce dont il découlait que la clause attributive de juridiction n'avait été stipulée qu'à titre subsidiaire, pour le cas où le tribunal arbitral ne pourrait statuer. Annotant cet arrêt, M. Aynès a pu qualifier cet argument de “ pirouette ”. De notre point de vue, si l'on peut admettre que la clause compromissoire stipulée dans un contrat-cadre puisse concerner les contrats d'application lorsqu'elle le prévoit ou lorsqu'ils y font référence, il nous semble que la présence d'une clause attributive de juridiction dans ces derniers doit s'interpréter comme la volonté d'écarter la clause compromissoire.

 

    464.— Il découle de ce que l'arbitrage a pour fondement la volonté commune des parties que la jurisprudence devrait s'efforcer de rechercher ce que ces dernières ont réellement souhaité plutôt que d'être mue par le désir de “ sauver l'arbitrage ” lorsqu'une clause compromissoire entre en conflit avec une clause d'élection de for. On déplorera donc que ce qui peut quelquefois ressembler à un “ forçage ” de la volonté ne soit pas sanctionné par la Cour de cassation qui se retranche parfois trop facilement derrière le pouvoir souverain des juge du fond. Un arrêt rendu le 26 novembre 1997 par la deuxième Chambre civile est de ce point de vue significatif[1421]. En l'espèce, un acte de cession de fond de commerce comportait d'une part une clause compromissoire et d'autre part une clause attributive de juridiction. La Cour de cassation a estimé  qu'“ en décidant du caractère subsidiaire de la clause attributive de compétence territoriale, [la Cour d'appel] n'a fait qu'user de son pouvoir souverain d'appréciation de la commune volonté des parties ”. Comme l'a relevé avec pertinence un auteur, “ la dénaturation n'était pourtant pas loin ... ”[1422].

 

    465.— Parfois, la jurisprudence prend appui sur la différence de nature qui existe entre la clause attributive de juridiction et la clause compromissoire pour justifier la prééminence de la seconde sur la première. De ce point de vue, le caractère subsidiaire de la clause d'élection de for par rapport à la clause d'arbitrage ne résulterait pas de l'intention des parties mais de la nature juridique respective de ces deux stipulations. C'est ainsi que selon un arrêt de la Cour d'appel de Paris, “ la portée de la clause compromissoire comme expression de la volonté des parties est beaucoup plus large que celle d'une clause attributive de compétence, en ce qu'elle a pour effet de donner aux parties le pouvoir de juger, excluant par là-même l'intervention des juridictions étatiques de l'État, alors que la clause attributive de compétence ne fait que désigner la juridiction territorialement compétente pour trancher le litige ”[1423]. En d'autres termes, c'est parce que la clause compromissoire exprime un choix fondamental sur le mode de règlement des différends et qu'elle constitue une véritable convention d'investiture qu'elle doit l'emporter sur la clause attributive de juridiction dont le but se limite à désigner la juridiction territorialement compétente pour connaître d'un différend[1424]. Dans cette perspective, on ne peut parler de concurrence entre la clause compromissoire et la clause attributive de juridiction dès lors que l'une prime sur l'autre.

 

    La pertinence d'une telle analyse nous apparaît fort discutable. S'il n'est pas contestable que ces deux stipulations présentent une différence de nature, on ne voit pas en quoi cette différence impliquerait l'effacement de l'une par rapport à l'autre. En effet, si la clause compromissoire se prononce directement sur le choix d'une justice, la clause d'élection de for peut être interprétée comme exprimant de façon indirecte le refus de soustraire le litige aux juridictions étatiques. À sa manière, elle peut être perçue comme un procédé destiné à raffermir la compétence des juges de l'État dont elle désigne la compétence. Une telle affirmation prend d'autant plus de relief si l'on estime que l'arbitrage est devenu le mode banal de règlement des conflits dans le commerce international. Dans cette optique, indiquer que l'on souhaite soumettre son différend à telle juridiction étatique est le signe ... que l'on ne souhaite pas qu'il soit soumis à des arbitres. La clause d'élection de for et la clause compromissoire apparaissent ainsi comme des stipulations inconciliables. Vouloir placer l'une sous la dépendance de l'autre revient à ignorer qu'en désignant un ordre juridictionnel, la clause d'élection de for conforte la compétence des tribunaux étatiques.

 

    466.— Il reste à déterminer la méthode de règlement qui sera applicable en cas de conflit entre une clause d'élection de for et une clause compromissoire. À cet égard, il y lieu de rappeler que l'arbitrage commercial international est pratiquement régi par des règles matérielles de droit international privé[1425]. En outre, l'on a vu qu'en présence de deux clauses d'élection de for inconciliables, la jurisprudence ne raisonne pas en terme de conflit de lois[1426]. Dans ces conditions, il devrait logiquement pouvoir être soutenu qu'en présence de documents échangés entre les parties comportant, d'une part, une clause compromissoires et, d'autre part, une clause d'élection de for, aucune de ces stipulation n'a pu être acceptée : on ne peut, en effet, d'un côté soustraire le litige des juridictions étatiques en le soumettant à des arbitres et d'un autre côté affermir la compétence des tribunaux étatiques en désignant l'ordre juridictionnel compétent. De notre point de vue, seul le droit régissant le contrat serait le mieux indiqué pour trancher cette question. Tel sera déjà le cas lorsque le litige entrera dans le champ d'application de la Convention de Vienne dont l'article 19§3 vise les clauses relatives au différend, ce qui englobe tout aussi bien la clause d'élection de for que la clause d'arbitrage[1427]. Dans les autres cas, il nous semble que seule la lex contractus devrait déterminer l'étendue de ce qui est réputé avoir été accepté par les parties[1428].

 

    467.— Outre la méthode de règlement qui sera mise en œuvre, la manière avec laquelle le conflit entre la clause d'élection de for et la clause compromissoire sera appréhendé peut dépendre du point de savoir qui du juge étatique ou de l'arbitre en sera saisi. Cette interrogation est loin d'être anodine. D'une manière générale, il a pu être observé par les commentateurs des sentences CCI que les décisions d'incompétence des arbitres sont rares[1429].

 

    À cet égard, l'on rappellera qu'en vertu du principe Compétence-Compétence, les arbitres peuvent statuer sur leur propre compétence de sorte qu'un tribunal arbitral pourra se prononcer sur l'existence de la clause compromissoire lorsqu'elle entre en conflit avec une clause d'élection de for. Un tel principe est aujourd'hui reconnu par les principales conventions internationales et par la plupart des législations modernes sur l'arbitrage[1430]. Son fondement n'est pas, selon la doctrine dominante, la convention d'arbitrage elle même — ce qui engendrerait un cercle vicieux puisqu'un arbitre pourrait se prononcer sur sa propre compétence alors qu'il annulerait la convention d'arbitrage — mais le droit de l'État du siège de l'arbitrage, et plus généralement du droit des États susceptibles de reconnaître une sentence rendue par des arbitres sur leur propre compétence[1431].

 

    468.— Il y a lieu toutefois de préciser si les juridictions étatiques ont l'obligation de ne pas se prononcer sur la compétence des arbitres avant que ceux-ci n'aient eu l'occasion de le faire. La réponse affirmative s'impose a priori dans la mesure où le droit français accueille cette règle de priorité que l'on désigne comme l'effet négatif du principe Compétence-Compétence, bien qu'elle ne constitue pas la solution dominante en droit comparé. Dans ce cas, c'est seulement “ le tribunal arbitral, sous le contrôle du juge étatique, [qui] doit dégager l'intention des parties ” lorsqu'une clause compromissoire entre en conflit avec une clause d'élection de for[1432]. Pour une partie de la doctrine, l'effet négatif du principe Compétence-Compétence se justifierait par le souci de lutter contre les manœuvres dilatoires. Il serait en conséquence nécessaire d'empêcher qu'une partie puisse exploiter devant le juge étatique le contentieux de l'existence, de la validité et de la portée de la convention d'arbitrage à la seule fin de perturber le déroulement de l'arbitrage[1433]. Du reste, cet effet négatif répondrait à la préoccupation du législateur français de simplifier les voies de recours contre les sentences arbitrales et de concentrer le contentieux des recours devant la Cour d'appel du lieu où les sentences ont été rendues. Sans l'effet négatif, dit-on, cet effort serait partiellement ruiné dès lors que le juge qui aurait été compétent en l'absence de convention d'arbitrage pourrait être saisi par la partie qui estime que la convention d'arbitrage est inefficace. Dès lors, la centralisation du contentieux de l'existence et de la validité de la convention d'arbitrage devant certaines juridictions s'en trouverait remise en cause[1434]. En droit interne, l'effet négatif du principe n'a pas de valeur absolue. Selon la distinction opérée par l'article 1458 du nouveau Code de procédure civile[1435], il ne s'applique que lorsque le tribunal arbitral est déjà saisi car le risque de manœuvres dilatoires apparaît alors manifeste. En revanche, l'incompétence des juridictions étatiques est écartée lorsque le tribunal arbitral n'est pas encore saisi.

 

    469.— À bien des égards, ce point de vue nous apparaît contestable. Il est certes assurément opportun de ne pas obliger un plaideur à commencer une procédure d'arbitrage dès lors qu'il souhaite contester la compétence des arbitres. Mais pour autant, le juge étatique ne devrait pas être dépossédé de la possibilité de statuer lorsque l'existence de la clause compromissoire se trouve précisément contestée par la présence d'une clause d'élection de for qui, on l'a vu, exprime de manière plus radicale le refus de l'arbitrage. En effet, lorsque le contrat ne comporte qu'une clause d'arbitrage, il s'agit uniquement de savoir si les parties ont réellement souhaité que leur litige soit soumis à des arbitres. Lorsqu'en revanche, la clause compromissoire est en conflit avec la clause d'élection de for, la question va au-delà d'une difficulté liée à l'existence de deux stipulations contradictoires. En elle même, cette situation cristallise une opposition entre la justice arbitrale et la justice étatique. Pour ces raisons, il semble raisonnable que le juge étatique puisse être en mesure de statuer sur sa propre compétence. Dans cette perspective, le risque qu'une telle saisine puisse constituer une manœuvre dilatoire pourrait être écarté en s'inspirant d'une suggestion de M. Mayer qui a judicieusement proposé de ne pas conférer un caractère suspensif à une éventuelle procédure étatique lorsque l'arbitre est déjà saisi du litige[1436].

 

    470.— Une difficulté peut néanmoins surgir lorsque la clause d'élection de for relève de la Convention de Bruxelles (et de Lugano), ce qui est le cas de la plupart de celles qui désignent l'ordre juridictionnel français. En effet, l'arbitrage étant exclu du domaine matériel de la Convention (article 1er , alinéa 2, 4°), la question de savoir si le juge qui tient sa compétence de la Convention de Bruxelles est toujours compétent pour apprécier l'existence, la validité ou la portée d'une convention d'arbitrage, peut se poser. La CJCE a déjà exprimé sa position sur ce point dans l'affaire Marc Rich and co c/ Sociétà Italiana Impianti[1437], mais seulement sous un angle particulier. En l'espèce, une société suisse avait entamé une procédure d'arbitrage à Londres contre une société italienne qui contestait l'existence même de la clause compromissoire et saisissait au fond un tribunal italien. La société italienne refusant de nommer un arbitre, la société suisse saisit la Hight Court of Justice pour qu'elle procède à cette nomination. Mais en appel devant la Court of Appeal, la société italienne soutenait que l'instance, qui tendait à titre principal à la nomination d'un arbitre et, incidemment, à ce qu'il soit statué sur l'existence de la clause d'arbitrage, entrait dans le champ d'application de la Convention de Bruxelles, de sorte que seules les juridictions italiennes étaient compétentes. L'arbitrage ne faisant pas parti du domaine de la Convention, il pouvait sembler évident que l'argumentation de la société allait être rejetée. La Court of Appeal choisit toutefois d'interroger la CJCE à ce sujet. Comme on pouvait s'y attendre, la Cour de Justice a répondu qu'un litige ayant pour objet la désignation d'un arbitre est exclu du domaine de la Convention, même si ce litige soulève au préalable la question de l'existence ou de la validité d'une convention d'arbitrage. Cette solution est conforme à la lettre de la Convention. On peut cependant constater que l'appréciation de la clause compromissoire se trouve exclue au motif que la demande principale relève du droit de l'arbitrage. Il en est certainement de même lorsque le litige se limite à la contestation de la convention d'arbitrage[1438]. Il s'agit bien, dans ce cas, d'un litige relatif à un arbitrage. En revanche, la question est plus discutée lorsque l'efficacité de la clause d'arbitrage est contestée alors que l'objet principal du litige, par exemple une action en exécution d'un contrat, relève du domaine de la Convention de Bruxelles.

 

    471.— Sur ce point précis, la doctrine est divisée. D'un côté, certains estiment que les matières exclues du domaine de la Convention de Bruxelles échappent à cette exclusion lorsqu'elles sont soumises incidemment au juge à titre préjudiciel ou préalable[1439]. Appliquée à la clause compromissoire, cette analyse revient à affirmer qu'“ il convient de considérer comme relevant de la Convention le contrôle incident de la validité de l'accord d'arbitrage demandé par une partie en vue de contester la compétence internationale de la juridiction devant laquelle elle est attraite en application de la Convention ”[1440].

 

    D'autres, en revanche, considèrent que le juge saisi à titre principal d'une question relevant du champ d'application de la Convention de Bruxelles ne peut statuer sur une question incidente qui en serait exclue que si sa lex fori le permet[1441]. Dans cette hypothèse, toutefois, si les règles de procédure civile internationale du for l'autorisent à trancher à titre incident une question exclue du domaine de la Convention, le jugement une fois prononcé bénéficiera du régime de reconnaissance et d'exécution de la Convention[1442]. Si l'on doit en conséquence se référer à la lex fori, les juridictions françaises pourront conformément à l'article 1458 du nouveau Code de procédure civile statuer sur l'existence de la clause compromissoire lorsque le tribunal arbitral n'est pas encore saisi[1443].

 

    Mais pour d'autres auteurs, si la convention d'arbitrage existe prima facie, la Convention de Bruxelles serait inapplicable tant que les arbitres ne se sont pas prononcés sur l'existence ou la validité de cette convention[1444]. Cette opinion ne semble pas distinguer selon que le tribunal arbitral ait ou non déjà été constitué. De fait, l'incompétence des juges étatiques provient uniquement de ce qu'il y a au moins une apparence de convention d'arbitrage. Cette position est alors plus sévère que celle qui est ordinairement retenue par le droit français.

 

    472.— Tout bien considéré, l'opposition en terme de question incidente et de question principale s'avère délicate à manier en ce qui concerne l'arbitrage. Il n'est pas sûr, au demeurant, qu'elle soit exacte. En effet, à la différence des autres matières exclues du champ d'application de la Convention de Bruxelles, l'exclusion de l'arbitrage porte non seulement sur le fond mais également sur la compétence du juge relativement à la question principale dont il est saisi[1445]. Ainsi, lorsque l'état d'époux divorcé est discuté à propos d'une vente, le juge reste compétent sur le fondement de la Convention de Bruxelles au sujet de cette vente. Tel n'est pas le cas, en revanche, si une convention d'arbitrage a été stipulée dans le contrat. C'est pourquoi, il peut sembler judicieux de soutenir qu'il n'y a pas d'un côté une question principale et de l'autre une question incidente, mais un seul litige à propos duquel la compétence des juridictions étatiques s'oppose à celle des arbitres. Dans ce cas, “ la question de l'efficacité de la convention d'arbitrage elle-même n'est qu'un élément de l'appréciation de sa compétence par le juge saisi au principal ”[1446]. L'application de la Convention de Bruxelles apparaît ainsi justifiée lorsqu'est soulevée une clause d'arbitrage à propos du litige pour lequel est saisi le juge[1447].

 

    Par ailleurs, l'idée selon laquelle la clause d'élection de for exprime à sa manière le refus de l'arbitrage renforce d'autant la compétence du juge étatique. Dans ces conditions, la compétence du juge pour statuer sur la convention d'arbitrage ne doit pas résulter de sa lex fori mais de la Convention de Bruxelles. La mise en œuvre du droit conventionnel européen pour apprécier l'existence de la clause d'élection de for suppose en effet que soit examinée la clause compromissoire à laquelle elle s'oppose. Dans cette perspective, il ne s'agit pas d'appliquer les conditions de fond et de forme de l'article 17 à la clause d'arbitrage, mais d'indiquer dans quelle mesure la clause d'élection de for a pu réellement faire l'objet d'une acceptation[1448]. Et si l'on se réfère aux principes dégagés par la CJCE à partir de ce texte, il peut sembler raisonnable de soutenir que le conflit entre une clause d'élection de for et une clause d'arbitrage devrait se résoudre dans le sens d'une neutralisation de ces deux stipulations. Une clause d'élection de for n'a pu être concrètement acceptée si elle est contredite par une clause compromissoire. Ajoutons enfin, que la possibilité pour le juge de statuer sur sa propre compétence devrait pouvoir intervenir quand bien même le tribunal arbitral serait déjà saisi.

 

 

Section II

L'informatisation des relations contractuelles

et l'Échange des consentements

 

 

    473.— Il est devenu banal de relever aujourd'hui la prolifération des transactions “ assistées par ordinateur ”[1449]. Ce phénomène, qui s'est amplifié depuis plus d'une décennie, repose principalement sur la télématique qui, par l'association de l'informatique et des télécommunications, permet au sein d'un réseau[1450] la transmission d'informations d'un ordinateur à un autre. Il est possible, par ce biais, d'engager des pourparlers, de contracter, mais également d'exécuter des obligations.

 

    Avec l'émergence de ce phénomène est apparue l'expression “ commerce électronique ” qui est délicate à cerner. À s'en tenir à un inventaire des techniques employées, elle désigne “ les échanges de données électroniques basées sur des technologies utilisant des moyens télématiques comme l'EDI, le courrier électronique transmis avec ou sans recours à l'Internet, les bases de données partageables, les transferts électroniques de fonds, les télécopies sécurisées, le télex, les formulaires électroniques et les codes à barres ”[1451]. Cette définition, cependant, est trop large dans la mesure où elle permet d'inclure tant les activités commerciales que les activités culturelles et sociales[1452]. Aussi bien, une définition qui ne considérerait que l'action de l'entreprise appréhenderait le commerce électronique comme “ l'ensemble des échanges électroniques liés aux activités commerciales ”[1453] ou comme “ le fait, pour une entreprise d'utiliser l'informatique, associée aux réseaux de télécommunication, pour interagir avec son environnement ”[1454]. Mais en se référant à la notion d'activité commerciale ou d'activité de l'entreprise, ces définitions donnent au mot “ commerce ” un domaine plus vaste que le droit commercial. Appréhendé ainsi, “ le commerce électronique englobe les diverses communications de l'entreprise : avec ses fournisseurs, clients (entreprises et consommateurs), partenaires commerciaux (sous-traitants et distributeurs), filiales, ainsi qu'avec les administrations et les banques ”[1455]. On aura compris qu'en étendant la notion de commercialité, il s'agit d'englober dans le commerce électronique les fonctions les plus diverses de l'entreprise[1456]. L'on peut, dès lors, rendre compte sous une même expression de l'utilisation des nouvelles technologies de l'information dans la vie des affaires. Certains estiment pourtant qu'il faudrait délimiter plus strictement ce qu'il faut entendre par “ commerce électronique ” stricto sensu[1457]. Ce point de vue, à nos yeux, est le plus pertinent dans la mesure où la signification juridique du terme “ commerce ” ne nous semble pas être spécifique en matière électronique. Au surplus, une définition élargie fondée sur la notion d'activité commerciale ne permettrait pas d'aborder l'ensemble des contrats électroniques et notamment ceux qui sont passés entre les particuliers. Or, ce n'est pas la nature de l'activité qui est déterminante mais le fait que l'informatique soit utilisée pour conclure un contrat. Mieux vaut alors parler de contrat électronique ou d'informatisation des relations contractuelles, même si la plupart des contrats passés sur les réseaux de télécommunications réalisent, au moins pour l'une des parties, une opération commerciale.

 

    474.— On relèvera à cet égard que jusqu'à encore très récemment, l'informatisation des relations contractuelles était limitée aux échanges réalisés entre professionnels, particulièrement dans la gestion de leurs commandes et de leurs stocks. Il en est ainsi notamment des Échanges de Données Informatisées[1458] au moyen desquels les professionnels, par le truchement de systèmes informatiques indépendants, échangent entre ordinateurs des données informatisées afin, par exemple, de permettre à un client de se réapprovisionner auprès de ses fournisseurs[1459]. L'EDI représente encore aujourd'hui l'essentiel des transactions effectuées par ordinateur. Mais grâce au développement de l'Internet, ces dernières sont appelées à connaître un accès beaucoup plus large et ce à l'échelle mondiale. Constitué sur un plan mondial d'un ensemble de réseaux informatiques interconnectés entre eux, le réseau Internet est souvent qualifié de “ réseau des réseaux ”[1460]. Par l'Internet, les relations contractuelles informatisées ne sont plus réservées à un cercle fermé de marchands professionnels mais interpellent directement les consommateurs de tous les États du monde, dès lors qu'ils sont équipés d'un matériel informatique leur permettant d'y être connectés. Les répercussions d'un tel phénomène sont loin d'être négligeables. D'ores et déjà, des pans entiers de l'activité économique sont concernés par ces mutations technologiques. Il est vrai que le développement spectaculaire des nouvelles technologies de l'information bénéficie d'une économie mondialisée qui, elle-même, se trouve stimulée par l'émergence de cette “ société de l'information ”. Les transactions via les réseaux électroniques mondiaux vont très certainement connaître une ampleur rapide dans les années à venir[1461]. L'intérêt croissant des États[1462] et des marchands[1463] pour les réseaux internationaux de télécommunication, et notamment l'Internet, renforce ce point de vue.

 

    475.— L'essor des relations contractuelles informatisées, notamment via l'Internet, suscitent, sur un plan juridique, de multiples interrogations. Certaines relèvent du droit des contrats. Il s'agit principalement de la sécurité des transactions, de l'échange des consentements, de la validité, de la forme et de la preuve des contrats passés par le truchement des réseaux. Mais ces questions, à la vérité, ne sont pas nouvelles. Elles se sont déjà posées en droit interne, s'agissant de l'EDI, du Minitel, des télécopieurs, ou à l'occasion de l'utilisation des cartes bancaires. Du reste, ces contrats constituent des contrats à distance dont les modalités sont, pour certains d'entre eux, soumises à une réglementation spécifique. Il en est ainsi de la protection des consommateurs en matière de vente à distance (articles L. 121-16 et suivants du Code de la consommation). D'autres questions relèvent du droit international privé dans la mesure où le développement de l'Internet présente une dimension internationale[1464]. Ce réseau étant transfrontières, l'offre de contracter qu'il véhiculera le sera également. Le contrat ainsi conclu sera très souvent un contrat international et, de ce fait, soumis au droit commun ou spécial des contrats internationaux en matière de conflit de lois[1465]. Ce n'est donc pas de “ vide juridique ” qu'il s'agit mais plutôt du fait de savoir si les règles applicables sont adaptées aux contrats électroniques[1466].

 

    Cette interrogation est particulièrement cruciale en matière de compétence judiciaire internationale dans la mesure où la technologie employée permet à tout moment d'entrer en contact avec des personnes provenant de n'importe quel État du monde. Le risque de devoir saisir autant de tribunaux nationaux différents se mesure alors à l'aune de cette diversité qui est gigantesque[1467]. Du reste, la dématérialisation des opérations effectuées au moyen de l'informatique rend difficile la mise en œuvre des règles de compétence internationale. Tout d'abord, parce que le domicile des parties qui communiquent sur Internet n'est pas toujours facile à déterminer. Ensuite, parce qu'il n'est guère aisé de fixer le lieu d'exécution d'une obligation exécutée “ en ligne ” au moyen du multimédia[1468], comme la consultation d'une banque de données ou l'achat d'un logiciel transmis directement d'un ordinateur à un autre. Des raisons évidentes de prévisibilité incitent dans ces conditions les parties à organiser à l'avance le traitement judiciaire de leurs différends éventuels. Déjà, la Chambre de commerce de Paris préconise l'insertion d'une clause d'arbitrage[1469] ou d'une clause attributive de juridiction[1470] dans les contrats de commerce électronique. D'une manière générale, les clauses relatives à la compétence vont très certainement devenir de style dans les contrats électroniques internationaux.

 

    476.— À première vue, la licéité des accords d'élection de for électroniques ne devrait pas se poser en des termes différents. Et s'agissant de leur validité en tant qu'acte juridique, de tels accords paraissent soulever les mêmes difficultés que n'importe quel autre contrat électronique. Ce constat doit être nuancé. En effet, si un système non formaliste peut s'accommoder d'un contrat formé à distance, et ce quel que soit le moyen utilisé (télématique, téléphone, télécopie, télex, etc.), il en va différemment lorsque certains contrats ou certaines stipulations contractuelles échappent au consensualisme et ce, surtout, lorsque les règles de forme auxquelles ils sont soumis n'ont à l'évidence pas été élaborées pour les contrats électroniques. Or les accords d'élection de for constituent précisément des actes solennels, les règles de forme permettant en l'occurrence d'établir, dans une certaine mesure, l'échange des consentements. Il convient alors de se demander si ces règles sont adaptées aux accords d'élection de for conclus par voie électronique (§1). Par ailleurs, en permettant aux volontés d'être exprimées à distance grâce à la numérisation de l'information, la technologie utilisée suscite certaines interrogations, notamment en termes de fiabilité et de sécurité. L'efficacité des consentements échangés par voie     électronique (§2) dépendra en grande partie de la manière avec laquelle ils seront appréhendés.

 

§1 - Formalisme et accord d'élection de for électronique

 

    477.— Analyser le caractère approprié ou non des règles de forme en matière d'accord d'élection de for électronique revient à s'interroger sur la notion d'écrit, soit parce que certaines règles de forme exigent un écrit, soit, pour celles qui s'affranchissent de cette exigence, parce qu'un écrit est le plus souvent nécessaire pour rapporter la preuve de l'existence de l'accord d'élection de for. De ce point de vue, si une acception traditionnelle de l'écrit semble exclure le support informatique (A/), l'évolution récente de la notion d'écrit tend à remettre en cause cette assertion (B/).

 

 

 

    A/ L'acception traditionnelle de la notion d'écrit

 

    478.— Dans un sens commun, l'écrit représente tout ce qui est “ exprimé par l'écriture, par des textes ”[1471], l'écriture étant, elle, entendue comme la “ représentation de la parole et de la pensée par des signes ”[1472]. Sur un plan juridique, l'écrit désigne, au sens large, “ tout document rédigé ”[1473] et, au sens strict, “ l'acte juridique rédigé par écrit et signé, soit par les seuls intéressés [...], soit par un officier public [...], que l'écrit soit établi ad probationem ou ad solemnitatem [1474]. Les accords d'élection de for étant des actes juridiques, c'est à ce titre que nous envisagerons l'écrit. Dans cette perspective, comme l'acte juridique consiste en la manifestation de la volonté d'une personne ou de plusieurs, l'écrit en tant qu'acte juridique désigne alors la matérialisation de la volonté par l'écriture. Cette matérialisation ne pouvant se réaliser qu'au moyen d'un support, l'écrit va se trouver en quelque sorte assimilé à ce support. Ainsi en matière contractuelle, l'écrit est traditionnellement associé au support papier de sorte qu'un contrat passé sans papier est considéré comme un contrat sans écrit.

 

    Il faudrait alors en conclure qu'en entraînant la disparition du papier en tant que support sur lequel est établi le contrat, les contrats électroniques ne sont pas passés par écrit. Dès lors, les règles de droit qui exigent un écrit, à des fins probatoires ou à des fins solennelles, ne peuvent leur être appliquées. Et si, comme l'affirment certains, le consentement échangé par l'intermédiaire d'une machine “ porte nécessairement sur des contrats dépourvus de formalisme juridique ”[1475], le débat ne doit se focaliser que sur les règles de preuve et les moyens permettant de les contourner. C'est là tout le sens de la jurisprudence en droit interne qui autorise les conventions sur la preuve[1476].

 

    479.— Si l'écrit implique le papier, les clauses d'élection de for figurant dans un “ document informatique ” ne peuvent alors être considérées comme des clauses écrites. Ce constat est loin d'être anodin si l'on considère que le développement de l'Internet va très certainement déboucher sur une prolifération des contrats internationaux de consommation. Il s'ensuivra que les clauses d'élection de for passées entre les consommateurs et les professionnels seront systématiquement écartées du seul fait qu'elles ne figurent pas dans un document papier. Or si ces clauses sont strictement encadrées du point de vue de leur admissibilité, elles ne sont pas totalement prohibées. Qu'une règle de forme parvienne à ce résultat peut paraître fâcheux. Une clause d'élection de for passée avec une partie faible ne devrait être interdite qu'en raison de son contenu. Si ce contenu ne nuit pas à la protection du consommateur et qu'il est avéré que ce dernier en a eu connaissance et l'a accepté, elle ne devrait pouvoir être écartée au seul motif qu'elle n'est apparue que sur un écran d'ordinateur.

 

    Lorsqu'en revanche, l'écrit n'est pas exigé comme condition de validité de l'accord d'élection de for, il semble possible de soutenir que la clause électronique peut être conforme aux solennités mieux adaptées à la vie des affaires que sont les habitudes établies par les parties et les usages du commerce international[1477]. Encore faut-il établir la teneur de ces habitudes et de ces usages. On relèvera, sur ce plan, que de tels usages paraissent actuellement se constituer[1478] dans la mesure où l'informatisation des documents contractuels semble constituer une nécessité pour certains opérateurs du commerce international. On a ainsi souligné qu'en matière de transport maritime, le coût des documents contractuels et de leur traitement représente de 7 à 10 % de la valeur de la marchandise[1479]. L'informatisation de ces documents sera synonyme de réduction de coût et d'accélération du traitement des données. À la longue, le connaissement électronique va très certainement proliférer au dépend du connaissement établi sur support papier[1480].

 

    480.— L'assimilation de l'écrit au papier revient à admettre ou à exclure les accords d'élection de for selon la qualité des parties. Seuls les contrats électroniques conclus entre professionnels pourront contenir une clause d'élection de for. Cette division se rapproche de l'analyse que l'on peut faire des règles de preuve en droit interne. De ce que la preuve est libre en matière commerciale, les contrats électroniques sont possibles ce qui n'est pas le cas en matière d'acte mixte, lorsque le contrat porte sur une somme ou une valeur de plus de 5000 francs et lorsqu'aucune convention sur la preuve n'a été passée.

 

    L'exigence de l'écrit est alors perçue comme un obstacle au développement des contrats électroniques. Des voies s'élèvent pour réclamer sa suppression. Certains ont ainsi proposé de relever le seuil de l'article 1341 du Code civil dans une plage comprise 10000 et 50000 francs[1481]. Transposé aux accords d'élection de for, ce raisonnement postulerait que l'on supprime l'exigence de l'écrit afin de ne pas entraver l'informatisation des relations contractuelles. On a ainsi pu écrire, à propos de la Convention de Bruxelles, que “ l'article 17, qui impose qu'une clause attributive de juridiction soit reproduite dans un contrat écrit [...], apparaît comme une restriction majeure aux relations contractuelles sur Internet ”[1482]. Cette manière de raisonner peut paraître discutable tant l'assimilation de l'écrit au papier, comme nous allons le voir, n'est en rien obligatoire.

 

    B/ Vers une redéfinition de la notion d'écrit

 

    481.— Si comme a pu l'écrire un auteur, “ l'évolution des contrats ne découle pas seulement de l'affinement de notions juridiques où du développement notable des contrats spéciaux ; elle résulte au moins indirectement de l'apparition de nouvelles techniques ou appareils ”[1483], alors le développement de l'informatique dans la pratique contractuelle invite à repenser la perception traditionnelle de la notion d'écrit. Cette évolution devrait être facilitée par le fait que, sauf dispositions particulières[1484], la notion d'écrit ne se réfère à un aucun support particulier. En effet, les textes qui font référence à un “ écrit ” ou à un “ acte ” ne disent rien sur le support de cet écrit ou de cet acte. C'est le cas, en droit interne, de l'article 1322 du Code civil. C'est également le cas, s'agissant des accords d'élection de for, de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile et de l'article 17 des Conventions de Bruxelles et de Lugano. Dans ces conditions, rien ne devrait empêcher le détachement de la notion d'écrit du support papier, si ce n'est l'idée qu'une partie de la pensée juridique se fait de cette notion. Ainsi que l'a relevé un auteur, “ où réside l'exigence de l'écrit sur support papier sinon dans l'inconscient juridique collectif ? ”[1485].

 

    482.— De fait, l'évolution du droit contemporain tend moins à vouloir supprimer l'écrit qu'à en élargir la notion. Ce sont plutôt les moyens permettant de parvenir à une redéfinition de l'écrit qui sont discutés. Pour certains, une évolution législative est absolument nécessaire pour parvenir à adapter la notion d'écrit aux nouvelles technologies de l'information[1486]. D'autres estiment qu'en raison du flou des textes actuels, aucun obstacle majeur ne se dresse au fait qu'un message de données informatisées puisse être assimilé à un écrit[1487]. Jusqu'à encore très récemment, l'empirisme qui caractérisait le droit positif faisait prévaloir la prudence, sans pour autant que soient exclues des possibilités d'évolutions futures[1488]. Mais depuis peu, une étape cruciale a été franchie par la Chambre commerciale de la Cour de cassation.

   

    Dans une affaire concernant une cession de créance professionnelle, il a été jugé que “ l'écrit constituant, aux termes de l'article 6 de la loi du 2 janvier 1981, l'acte d'acceptation de la cession ou de nantissement d'une créance professionnelle, peut être établi et conservé sur tout support, y compris par télécopies, dès lors que son intégrité et l'imputabilité de son contenu à l'auteur désigné ont été vérifiées, ou ne sont pas contestées ”[1489]. Bien que rendu à propos de la télécopie, cet arrêt indique clairement que l'écrit peut être recueilli sur n'importe quel support. Il peut, dès lors, s'agir d'un support électronique, numérique ou autre[1490]. Un contrat électronique peut donc être considéré comme un contrat écrit si son intégrité et l'imputabilité de son contenu à l'auteur désigné ont été vérifiées, ou ne sont pas contestées.

 

    En accueillant, sous certaines conditions, une conception de l'écrit innovante, cette décision rappelle avec audace que la jurisprudence est une source de droit. On pourrait certes ajouter que “ répondre à l'exigence d'un écrit ne signifie pas pour autant répondre aux exigences de tous les écrits ”[1491]. Qu'un message de données puisse être assimilé à un écrit ne signifie pas qu'il puisse être assimilé ipso facto à un acte sous seing privé. D'autres notions, comme la notion d'original[1492] et surtout de signature[1493], doivent être appréhendées en considération des nouvelles technologies de l'information. En ce sens, “ si le droit actuel offre des marges de souplesse compte tenu notamment d'évolutions jurisprudentielles, une adaptation du Code civil reste nécessaire pour répondre aux besoins des acteurs d'Internet ”[1494]. Sans doute la jurisprudence, en poursuivant son œuvre créatrice, ou le législateur procéderont-ils à ces adaptations. Mais en ce qui concerne les accords d'élection de for électronique, du moins en droit commun des conflits de juridictions, il nous semble d'ores et déjà possible de soutenir qu'ils constituent des écrits s'ils répondent aux conditions d'imputabilité et d'intégrité dégagées par la Cour de cassation.

 

    483.— L'arrêt de la Chambre commerciale est d'autant plus remarquable que l'acceptation d'une cession de créance professionnelle constitue un acte solennel. Or par le passé, la jurisprudence avait abordé avec plus de sévérité l'exigence d'un écrit lorsqu'elle constituait une condition de validité que lorsqu'elle constituait un mode de preuve[1495]. Certains auteurs estiment pourtant qu'en l'occurrence, la Cour de cassation s'est uniquement placée sur le terrain probatoire[1496]. Pour glisser d'une question de forme à une question de préconstitution de la preuve, la Chambre commerciale aurait utilisé le flottement terminologique du pourvoi, qui évoquait une question de preuve, pour se déplacer insensiblement sur ce terrain-là. Ainsi le fait d'indiquer que l'acte est “ établi ” et “ constate ” suggérerait un raisonnement uniquement situé sur le terrain probatoire[1497]. Pour autant, la Cour de cassation n'aurait pas affecté la nature de l'exigence de l'écrit en transformant une règle de forme en une règle de preuve. Elle ne créerait qu'une distorsion au sein du même texte dans la mesure où elle ferait coexister une règle de forme et une règle de preuve alors que l'on pouvait penser que seul le formalisme ad validitatem était consacré par celui-ci[1498].

 

    En ce qu'elle limite la portée de cet arrêt aux seules règles de preuve, cette analyse nous paraît discutable. D'une manière générale, lorsqu'un écrit est exigé comme condition de validité d'un acte juridique, il permet également d'établir la teneur de cet acte. L'accomplissement de cette formalité fait que le contrat est réputé exister et permet par la même occasion d'en rapporter la preuve. En d'autres termes, soit l'acte a été établi par écrit et dans ce cas, le contrat est valablement constitué et par la même occasion la preuve de son existence est rapportée, soit l'acte n'est pas établi par écrit et il est dans ce cas nul quand bien même il serait possible de prouver son existence par d'autres moyens. On ne peut alors soutenir l'idée d'une coexistence entre une règle de forme ad validitatem et une règle de preuve. Il n'y a pas deux règles mais nécessairement une seule règle de forme, solennelle, dont l'application constitue le moyen de prouver le contenu de l'acte et ce, même si elle n'a pas été instituée à des fins probatoires. Si l'écrit en tant que condition de validité remplit deux fonctions, il n'est, dès lors, pas illogique que la terminologie employée par la Cour de cassation emprunte à la fois aux règles de forme et aux règles de preuve. Il nous semble en conséquence que la Cour de cassation ne distingue plus entre l'écrit exigé à titre de solennité et l'écrit exigé à titre de preuve[1499]. Il est alors possible de réaffirmer que rien ne s'oppose à ce qu'une clause d'élection de for électronique soit considérée comme une clause écrite, que l'écrit soit exigé au titre de sa validité intrinsèque ou à titre de preuve.

 

    484.— L'assimilation des nouveaux documents produits par l'évolution des technologies modernes aux écrits traditionnels est pourtant jugée “ décevante ” et finalement “ peu opportune ” par une partie de la doctrine, au motif qu'elle refléterait “ une crainte ressentie par l'homme à l'égard de la nouveauté ”[1500]. Le but de cette assimilation serait de “ favoriser la confiance dans une nouvelle technologie, en soulignant la parenté qu'elle peut avoir avec les techniques dont l'usage est déjà familier [...], elle favorise l'idée que, pour être acceptée, la nouvelle technologie doit nécessairement imiter celle existante ”[1501]. C'est pourquoi, “ l'introduction d'une nouvelle technique devrait, raisonnablement, résulter de la seule considération des réponses qu'elle est susceptible d'apporter aux besoins concrets, dûment identifiés, exprimés par la réalité de la vie juridique ”[1502].

 

    Ces observations, à nos yeux, sont discutables. La redéfinition du concept d'écrit ne procède pas uniquement de l'évolution d'une notion juridique sous l'effet du progrès technique. Elle provient également de ce que, si “ l'informatique, c'est l'immatériel [1503], elle ne fait pas disparaître l'écrit. En effet, l'écrit est toujours utilisé mais se présente désormais sous une forme immatérielle ce qui rend nécessaire l'utilisation d'un ordinateur pour que le contenu d'un texte puisse être accessible. Il s'agit sans nul doute d'un écrit puisque le texte qui apparaît sur l'écran de l'ordinateur constitue bel et bien cet alliage de signes représentant la parole et la pensée qui le caractérise. Et il s'agit bien d'un écrit “ immatériel ”, car si l'ordinateur est bien un meuble corporel, il ne constitue pas les “ pages ” dont il permet l'apparition sur le moniteur. Le “ document informatique ” est donc bien un “ écrit immatériel ” et ce même s'il est édité sur du papier par l'imprimante auquel est relié l'ordinateur, la version papier de ce document n'étant qu'une copie. Dans ces conditions, la reconnaissance du concept d'écrit immatériel par le droit ne doit pas être perçue comme le signe d'un élan conservateur mais comme l'expression d'une réalité concrète.

 

    485.— Toutefois, il serait vain de s'efforcer de dissocier l'écrit du support papier si une notion distincte, celle d'original, y demeure soumise. Et sans doute la notion d'original est-elle également traditionnellement liée à un document papier émanant de son auteur. Ce à quoi l'on pourrait rétorquer que nulle part dans la définition de l'original n'apparaît l'exigence d'un support papier. En effet, dans un sens commun, l'original est ce “ qui émane directement de l'auteur, est à l'origine et la source première des reproductions ”[1504]. Et dans son acception juridique, l'original, qui n'est pas défini par le Code civil, est appréhendé comme un “ écrit dressé, en un ou plusieurs exemplaires, afin de constater un acte juridique, signé par les parties à l'acte (ou leur représentant), à la différence d'une copie ”[1505]. Ce n'est donc pas le droit qui empêcherait de dissocier l'original du support papier mais, là encore, les mentalités qui seraient réticentes à cette dissociation. Toutefois, l'appréhension de la notion d'original ne se limite pas à l'analyse de son support. Car l'original doit également se définir en opposition avec la notion de copie entendue comme la “ reproduction littérale d'un original ”[1506]. Cette différenciation est révélatrice des qualités que l'on prête à l'original : à la différence de la copie, l'original est sensé garantir aux parties l'intégrité du document et réduire les risques d'altération. Toutefois cette différenciation s'atténue proportionnellement à la fiabilité des copies susceptibles d'être reproduites devant le juge. Tel est le sens, en droit interne, de l'article 1348, alinéa 2, du Code civil qui permet la présentation par une partie d'une copie fidèle et durable à la place de l'original qui n'a pas été conservé.

 

    Si un document informatique, dont nous savons qu'il constitue un écrit, peut émaner directement de la ou des parties qui l'a dressé et, en tant que tel, constater un acte juridique, il doit alors être considéré comme un original écrit. Pourtant, la notion même d'original est discutée en matière informatique. Selon certains auteurs, “ l'informatique ne différencie pas l'original de la copie ”[1507]. En définitive, il nous semble que si l'original existe bel et bien, il est par essence immatériel et “ consomptible ” de sorte qu'il ne peut être concrètement présenté devant un tribunal[1508]. L'enregistrement d'une disquette, d'un CD Rom[1509] ou tout autre support, et son impression par le biais de l'imprimante ne sont que des copies. Or si la reproduction de l'original est modifiable, la copie ne présente aucune valeur.

 

    486.— Tel est, en définitive, le principal obstacle à la recevabilité des documents informatiques. Il ne présente rien d'insurmontable dans la mesure où des réponses techniques permettent déjà actuellement d'assurer l'intégrité et la fidélité des messages de données transmis sur un réseau international de communication. Il existe, par exemple, des supports qui ne peuvent être modifiés. C'est le cas du CR-Rom qui, une fois gravé, ne peut être modifié, ce qui permet de garantir, au même titre que le support papier, le caractère ineffaçable et inaltérable de l'information enregistrée[1510]. Le courrier électronique sur Internet présente pareillement de sérieuses garanties. Lorsqu'un tel courrier parvient directement à son correspondant, celui-ci est dans l'impossibilité matérielle de le modifier mais peut y répondre de la même manière[1511].

 

    Il est également envisageable de recourir à un tiers indépendant qui sera tenu de garder la trace des transactions effectuées sur les réseaux et d'en délivrer une copie certifiée aux tribunaux[1512]. De même, l'utilisation de la cryptologie[1513] permet d'assurer l'intégrité d'un message de données en permettant de vérifier que son contenu n'a pas été modifié entre l'émission et la réception. L'intégrité du document électronique se trouve alors protégée de manière aussi satisfaisante que le support papier.

 

    487.— L'évolution dont nous venons de rendre compte concerne le droit français qui, actuellement, est en passe de connaître une évolution décisive. En effet, un projet de loi[1514] déposé récemment par le Gouvernement au Sénat réalisera, s'il est adopté, une modification majeure du Code civil en admettant au rang des preuves littérales l'écrit et la signature électronique.

 

    Si l'on adopte une démarche comparatiste, on s'aperçoit que la notion d'écrit est très diversement appréciée. Ainsi pour les droits grec, espagnol et danois, l'écrit implique en principe le papier[1515]. Il est de même de la jurisprudence belge qui, contrairement à l'esprit du Code civil, refuse la qualification d'écrit aux enregistrements et aux sorties d'ordinateur[1516]. En revanche, les droits irlandais, hollandais, portugais, allemand et québécois admettent qu'un écrit puisse se trouver sur un autre support que le papier[1517]. D'après le Code de procédure allemand, le terme écrit recouvre toutes “ les formes d'expression directement lisibles ”[1518]. En droit québécois un document sur support informatique peut établir le contenu de l'acte, ce document pouvant toutefois être contredit par tous moyens[1519]. On relèvera, enfin, que dans le système juridique anglo-américain, l'évolution de la loi, de la jurisprudence et une interprétation souple de la notion d'écrit ont permis d'assouplir les règles de preuve[1520].

 

    488.— Sur un plan international, on assiste actuellement à évolution notable dans l'appréciation de la notion d'écrit. Déjà, si la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises a écarté toute exigence de l'écrit pour la formation du contrat de vente, elle a précisé, s'agissant des moyens de communication pouvant être utilisés par les parties, que “ le terme écrit doit s'entendre également des communications adressées par télégramme ou par télex ”[1521]. Depuis lors, les avancées les plus significatives ont été réalisées par les travaux de la Commission des Nations-Unies pour le Droit du Commerce International. Rappelons, qu'entre autre, la CNUDCI élabore des Lois-types dont le but n'est pas de donner naissance à une Convention internationale mais de parvenir à une harmonisation du droit applicable, en servant de modèle aux législateurs nationaux[1522]. Si cet instrument juridique ne présente qu'une valeur indicative, il n'en exprime pas moins une certaine ambition unificatrice. L'existence même des Lois-types constitue incontestablement une source d'inspiration pour le législateur et pour le juge. Elles peuvent également être à l'origine de pratiques et d'usages. Ainsi la plus célèbre de ces  “ lois modèles ”, la Loi-type du 21 juin 1985 sur l'arbitrage commercial international, a connu un succès notable[1523]. Cette Loi-type indique d'ailleurs, dans son article 7, que “ la convention d'arbitrage doit se présenter sous forme écrite. Une convention est sous cette forme écrite si elle est consignée dans un document signé par les parties ou dans un échange de lettres, de communications télex, de télégrammes ou tout autre moyen de télécommunications qui en atteste l'existence ”[1524]. Ce texte, bien que limité dans son champ d'application à l'arbitrage international intervenant uniquement dans le domaine commercial, renferme une acception suffisamment souple de la notion d'écrit pour y englober les messages de données informatisées[1525].

 

    489.— Plus récemment, la CNUDCI, lors de sa 21e session des 28 mai et 14 juin 1996, a élaboré une “ Loi-type sur le commerce électronique ”[1526].  L'objectif de ce texte est d'écarter les obstacles que l'exigence de l'écrit, au sens d'un document papier, ou de la signature pourrait constituer pour le développement des moyens de communication modernes dans le commerce électronique. Pour ce faire, la CNUDCI a procédé à une relecture des concepts élaborés dans l'univers papier selon une approche fondée sur “ l'équivalent fonctionnel ”. Cette approche repose sur une analyse des objectifs et des fonctions de l'exigence traditionnelle des documents papiers et vise à déterminer comment ces objectifs et ces fonctions pourraient être assurés au moyen des techniques informatiques[1527]. Dans cette perspective, l'objectif n'est pas de soutenir qu'un message informatisé doit être considéré comme un document papier ni, d'ailleurs, de définir un équivalent informatisé à toutes les formes de document papier. La démarche de la CNUDCI consiste à définir les fonctions essentielles des supports papiers en vue de déterminer les critères qui, s'ils sont satisfaits par des messages de données, permettraient à ces messages informatisés de bénéficier du même degré de reconnaissance juridique que le document papier correspondant remplissant les mêmes fonctions[1528].

 

    C'est ainsi que l'article 6-1 de la Loi-type envisage que, “ lorsque la loi exige qu'une information soit sous forme écrite, un message de données satisfait à cette exigence si l'information qu'il contient est accessible pour être consultée ultérieurement ”. On relèvera que ce texte ne dit pas que les messages de données doivent, dans tous les cas, remplir toutes les fonctions concevables de l'écrit. Mais, plutôt que d'envisager les fonctions spécifiques de l'écrit, par exemple sa fonction probatoire ou sa fonction de solennité, ce texte s'attache à la notion fondamentale d'une information pouvant être reproduite et lue. En l'occurrence, le mot “ accessible ” utilisé par l'article 6-1 implique qu'une information se présentant sous la forme de données informatisées doit être lisible et interprétable et que le logiciel qui pourrait être nécessaire pour assurer la lisibilité de pareille information doit être préservé[1529]. Le mot “ consultée ” vise non seulement la consultation par l'homme, mais également le traitement par ordinateur[1530]. Quant à l'expression “ être consultée ultérieurement ”, le Guide pour l'incorporation de la Loi type précise qu'il a été préféré à la notion de “ durabilité ” ou à celle d'“ inaltérabilité ”, qui auraient constitué des normes trop strictes, et à des notions comme la “ lisibilité ” ou l'“ intelligibilité ”, qui auraient représenté des critères trop subjectifs[1531].

 

    S'agissant de la notion d'“ original ”, la Loi-type va efforcer d'éliminer les principaux obstacles représentés par l'exigence de la présentation d'originaux. Dans cette vue, l'article 8, intitulé “ original ” dispose : “ 1) Lorsque la loi exige qu'une information soit présentée ou conservée sous sa forme originale, un message de données satisfait à cette exigence : a) S'il existe une garantie fiable quant à l'intégrité de l'information à compter du moment où elle est créée pour la première fois sous sa forme définitive en tant que message de données ou   autre ; [...] 3) [...]a) L'intégrité de l'information s'apprécie en déterminant si celle-ci est restée complète et n'a pas été altérée, exception faite de l'ajout de tout endossement et de toute modification intervenant dans le cours normal de la communication, de la conservation et de l'exposition ; et b) Le niveau de fiabilité requis s'apprécie au regard de l'objet pour lequel l'information a été créée et à la lumière de toutes les circonstances y relatives ”. Selon le Guide pour l'incorporation de la Loi-type, l'article 8 devrait être considéré comme définissant la condition de forme minimale acceptable à laquelle un message de données doit satisfaire pour pouvoir être considéré comme l'équivalent fonctionnel d'un original[1532]. C'est ainsi que fort logiquement, l'accent est porté sur l'intégrité de l'information pour caractériser le caractère original du document électronique. À cet effet, l'article 8 énumère les critères à prendre en considération pour apprécier l'intégrité en se référant à l'enregistrement systématique de l'information, à l'assurance que l'information a été enregistrée sans lacune et à la protection des données contre toute altération[1533]. La notion d'original est ainsi liée à une méthode d'authentification, la Loi-type mettant l'accent sur la méthode d'authentification à suivre pour satisfaire à l'exigence d'un document original.

 

    490.— En ce qui concerne le droit européen, on rappellera que l'article 17 de la Convention de Bruxelles ne donne aucune définition de l'écrit et que la CJCE n'a jamais été amenée à se prononcer sur cette question. Rien n'empêcherait dans ces conditions la Cour de Luxembourg de reconnaître la valeur juridique de l'écrit électronique. On rappellera qu'en matière de recours préjudiciel en interprétation, la CJCE privilégie traditionnellement l'élaboration de concepts autonomes plutôt que de renvoyer aux droits internes des États contractants. Et compte tenu de la diversité avec laquelle la notion d'écrit est actuellement appréhendée par les différentes législations européennes, il est probable qu'elle préférera s'engager dans cette direction.

 

    Mais qu'une notion autonome d'écrit puisse émerger ne garantit pas pour autant la consécration du concept d'écrit immatériel. D'un côté, en effet, la Cour est soucieuse de garantir “ l'effet utile ” de la Convention tout en assurant la “ protection juridique ” des personnes établies dans l'Union européenne, ce qui implique une interprétation soucieuse de la protection des parties faibles[1534]. L'exigence d'une clause d'élection de for écrite ne concernant pour l'essentiel que les contrats passés avec une partie faible, la CJCE pourrait être tentée de juger que l'écrit doit être recueilli sur un support matériel, notamment sur un document papier. D'un autre côté, si l'on interprète cette fois la Convention de Bruxelles en considération de son lien avec le droit communautaire[1535], force est de reconnaître que l'essor du commerce électronique constitue le prolongement de l'idéologie du marché unique qui repose sur la liberté de circulation des services, des capitaux et des biens dans l'Union européenne. À ce sujet, la Commission européenne n'a pas manqué d'insister sur la nécessité d'une adaptation des législations nationales dans le sens d'une reconnaissance de la valeur juridique du document électronique signé. Elle estime que “ l'utilisation de la forme écrite remplit plusieurs fonctions, par exemple de mise en garde, de preuve d'authenticité. Les documents fournis avec une signature électronique peuvent également remplir ces fonctions, à conditions que les signatures numériques soient sûres et fiables ”[1536]. Il existe d'ailleurs un projet de Directive européenne sur la signature électronique. Ce projet insiste notamment sur les conditions permettant à une signature électronique d'être considérée comme fiable et invite les États membres à lui reconnaître des effets juridiques équivalents à ceux produits par les signatures manuscrites[1537]. Sans être liée par la position de la Commission européenne et par ce projet de Directive, la CJCE ne peut être indifférente à la nécessité de reconnaître, sous certaines conditions, la validité d'un message électronique.

 

    491.— Tout bien considéré, l'alternative selon laquelle il faudrait supprimer l'exigence de l'écrit, sous couvert de son inadaptation aux nouvelles technologies de l'information, ou la maintenir, au risque d'entraver le développement de l'informatisation des relations contractuelles et notamment du commerce électronique, nous semble devoir être surmontée par la reconnaissance de la valeur juridique de l'écrit électronique. Cette évolution, déjà entreprise par la jurisprudence française et par la CNUDCI, doit être approuvée à condition de bien définir ce qu'elle renferme. En effet, si l'on estime que l'écrit électronique constitue un écrit au sens juridique, les règles de droit exigeant un écrit vont pouvoir en conserver la maîtrise. En d'autres termes, maintenir l'exigence de l'écrit permet de contrôler les conditions d'efficacité de l'écrit électronique. Ce contrôle constitue la pierre angulaire de cette reconnaissance dans la mesure où, que l'écrit ait été établi sur un support papier ou sur un support informatique, les raisons pour lesquelles l'exigence de l'écrit a été instituée demeurent. Elles se fondent sur l'idée que l'écrit offre une plus grande sécurité. Dès lors, l'écrit doit présenter des garanties minimales quel que soit son support. Un contrat électronique ne pourra donc être considéré comme un contrat écrit qu'à la condition de présenter des garanties analogues à celles des contrats établis sur support papier.

 

    À cet égard, on relèvera que l'exigence d'intégrité constitue la condition minimale pour que les documents informatiques soient perçus de la même manière que les documents papiers. Le fait que la Cour de cassation et la Loi-type de la CNUDCI se réfèrent à cette exigence est le signe de son caractère incontournable. Certes, l'intégrité de l'information est abordée par la Loi-type à propos de la notion d'original alors que la Cour suprême ne se réfère qu'à la notion d'écrit. Au surplus, la Cour de cassation n'indique pas la méthode à suivre pour satisfaire à l'exigence d'intégrité. Mais elle n'était pas, faut-il le préciser, saisie de cette question. Si, cependant, l'approche est différente, elle n'en illustre pas moins la volonté d'adapter l'exigence de l'écrit aux mutations technologiques. De ce point de vue, sans doute peut-on soutenir que les obstacles susceptibles d'empêcher la recevabilité de l'écrit informatique semblent davantage provenir des mentalités que des règles juridiques, à condition toutefois que les technologies employées présentent un certain degré de fiabilité ce qui, présentement, est déjà le cas.

 

§2 - L'efficacité de l'accord d'élection de for électronique

 

    492.— De toutes les conditions relatives à l'efficacité des accords d'élection de for, celles qui sont susceptibles de soulever le plus de difficultés en matière électronique concernent principalement l'échange des consentements. Rappelons, à cet égard, que l'accord d'élection de for ne pourra produire ses effets que s'il a été connu et accepté par les parties, la preuve de cette connaissance et de cette acceptation étant déduite des manifestations extérieures du consentement qui, en l'occurrence, sont déterminées par des formes imposées à peine de nullité. Ce sont, en d'autres termes, les formes solennelles qui seront utilisées pour rapporter la preuve de l'existence de l'accord d'élection de for[1538].

 

    La conformité de la clause électronique à ces exigences de forme devrait alors suffire à rapporter la preuve de son existence et, partant, d'un accord de volontés la concernant. On sent bien, pourtant, que la dématérialisation de l'acte instrumentaire perturbe ce syllogisme. En effet, que la règle de forme exige ou non un écrit, que le document émane ou non de l'une des parties, c'est en pratique une clause figurant sur un support papier qui est présentée au tribunal saisi. Or en matière électronique, le caractère immatériel de l'instrumentum empêche toute production concrète devant un juge, sauf à admettre la recevabilité des enregistrements informatiques de l'une ou de l'autre des parties. Aussi bien, les formes validantes ne pourront être utilisées pour établir la connaissance et l'acceptation qu'à la condition d'intégrer un formalisme électronique permettant d'offrir à la clause électronique les mêmes garanties que la clause sur support papier. Comme a pu l'écrire un auteur, “ la connaissance et l'acceptation devront toujours être établies, [ce] qui est susceptible de changer, ce sont les modalités de prise de connaissance et l'acceptation ainsi que les présomptions en ce domaine ”[1539].

 

    L'émergence d'un tel formalisme est d'autant plus indispensable que le développement de l'informatisation des relations contractuelles est tributaire de la confiance que les parties contractantes accorderont aux réseaux de télécommunications et notamment au réseau Internet. Cette confiance repose avant tout sur les garanties que la technologie employée fournira en matière de sécurité. Or “ par nature, la sécurité constitue le point faible des réseaux ouverts ”[1540] étant donné que l'on ne peut être sûr “ que les transactions ne seront pas interceptées et détournées, de même que l'on n'a pas la preuve de l'authentification de l'expéditeur ”[1541]. L'efficacité des contrats électroniques suppose alors une réponse, en termes juridiques et techniques, destinée à garantir l'identité et le consentement des parties d'une part, le contenu et la réception du contrat d'autre part. Dans cette perspective, seule l'utilisation de techniques spécifiques, et la reconnaissance de ces techniques par le droit, est à même de convaincre qu'une partie a eu connaissance et a accepté la clause d'élection de for. Cependant, la mise en place d'un formalisme électronique ne doit pas se heurter à l'évolution très rapide des techniques. À cet égard, seule une réglementation technologiquement neutre pourra prendre en compte toutes les évolutions futures. Partant, le droit ne doit pas viser spécifiquement telle ou telle technique, ou alors de manière non exhaustive. Une telle démarche est actuellement suivie par la CNUDCI qui souhaite que la Loi-type sur le commerce électronique puisse englober les progrès techniques éventuels[1542]. Il serait raisonnable qu'elle inspire le législateur et le juge, tant sur un plan national[1543] que sur un plan européen.

 

    À notre connaissance, aucune décision publiée n'a encore statué sur l'efficacité d'un accord d'élection de for électronique. La mise en œuvre de  techniques spécifiques destinées à en établir sa connaissance et son acceptation ne devrait pas susciter de difficultés particulières lorsque la prescription de forme définit avec souplesse les modes d'extériorisation de la volonté. Tel est la cas lorsque l'accord d'élection de for doit être conforme, soit aux habitudes que les parties ont établies entre elles[1544], soit à un usage du commerce international[1545]. L'efficacité de l'accord d'élection de for électronique sera alors tributaire de son caractère usuel chez les opérateurs du commerce international. En revanche, il est probable que la jurisprudence se montrera plus exigeante lorsque l'expression de la volonté doit être écrite, ou confirmée par écrit. Mais que la règle de forme vise une pratique habituellement suivie ou exige un écrit, la connaissance (A/) et de l'acceptation (B/) de l'accord d'élection de for électronique devront, d'une manière ou d'une autre, toujours être établies.

 

    A/ La connaissance de l'accord d'élection de for électronique

 

    493.— Si la signature d'un contrat permet de présumer que les stipulations qu'il renferme ont été connues, la preuve de la connaissance de ces stipulations ne devrait pas être dissociée de celle de leur acceptation. Le débat devrait alors se focaliser sur la question de la reconnaissance de la signature électronique[1546]. Ce à quoi l'on pourrait répliquer qu'un contrat peut parfaitement avoir été accepté sans avoir été signé par les parties et que, du reste, la présomption de connaissance qui résulte de la signature n'a rien d'irréfragable[1547] dans la mesure où l'acceptation ne peut porter que sur ce qui a été effectivement porté à la connaissance de l'acceptant. Aussi est-il justifié d'aborder la question de la connaissance de l'accord d'élection de for électronique séparément de celle de son acceptation.

 

    494.— Il reste à établir de quelle manière une clause d'élection de for électronique, qui constitue un message de données informatisées, peut être portée à la connaissance de son destinataire. S'il est évident que l'on ne peut envisager de remise matérielle à propos d'un document informatique, c'est donc la teneur du message de données représentant la clause et sa réception par l'acceptant qu'il faudra prouver. Pour être précis, il sera nécessaire d'identifier l'expéditeur, d'établir le contenu de l'accord, sa transmission, par l'intermédiaire d'un réseau international de communication, et le fait que le destinataire en a pris effectivement connaissance. La pratique fournit déjà un certain nombre de mesures concrètes permettant d'établir qu'une partie qui contracte sur le réseau Internet a eu connaissance (et a accepté) les conditions générales de l'autre partie. “ Ces mesures consistent habituellement en une manœuvre technique contraignant l'utilisateur à “ cliquer ” expressément sur une déclaration qui a pour objet d'attirer son attention sur les conditions contractuelles. En “ cliquant ”, l'utilisateur indique sa volonté d'accepter le contenu de ces conditions en ce compris la clause attributive de compétence, les conditions pouvant être consultées directement sur le réseau et imprimées pour information ”[1548]. Mais l'efficacité juridique de telles mesures va dépendre de la manière avec laquelle elles seront appréhendées par le régime de preuve que va appliquer le juge saisi du litige. Dès lors, il y a lieu de rechercher la loi applicable à l'admissibilité et à la force probante des modes de preuve puisqu'il s'agit de déterminer les moyens employés pour faire la preuve de la connaissance de l'acte. Cette loi déterminera si la preuve est libre ou si un régime de preuve légale doit être appliqué.

 

    Au préalable, il convient de préciser la catégorie juridique dans laquelle la connaissance de l'accord d'élection de for doit être intégrée. D'un côté, l'on pourrait soutenir que la preuve de la connaissance d'un contrat se distingue de la preuve du contrat. La connaissance d'un acte juridique constituerait ainsi un fait juridique et, dans ce cas, la loi applicable à l'admissibilité des modes de preuve et à la force probante sera la loi du for[1549]. Mais d'un autre côté, il semble  plus convainquant d'affirmer que la connaissance du contrat par une partie constitue l'un des éléments rendant vraisemblable l'existence de l'acte. En d'autres termes, elle s'intègre dans l'objet de la preuve du contrat de telle sorte que la preuve de la connaissance de l'acte ne peut être dissociée de la preuve de l'acte lui même. C'est donc bien dans la catégorie des actes juridiques qu'il y a lieu de se situer. En la matière, on rappellera que l'admissibilité des modes de preuve est rattachée alternativement soit à la loi du for, soit à la loi étrangère du lieu de l'acte[1550]. Et pour ce qui est de la loi applicable à la force probante du message de données informatisées, il semblerait logique qu'elle ne soit pas dissociée de la loi applicable à l'administration de la preuve, comme cela est souvent admis en ce qui concerne la préconstitution de l'écrit.

 

    495.— Si la preuve peut être administrée librement, ce qui est le cas en droit français en matière commerciale et pour les actes mixtes dont le montant est inférieur à 5000 francs, la force probante du document informatique sera laissée à la discrétion du juge. Il est probable que la banalisation de l'informatisation des relations contractuelles, tant dans le monde des affaires que dans la vie courante, amènera le juge à admettre plus facilement la recevabilité des enregistrements électroniques. Toutefois, si ces enregistrements sont l'œuvre de l'une des parties et qu'ils sont contestés par l'autre contractant, le juge risque d'éprouver les plus grandes difficultés pour se forger son intime conviction. En ce sens, le fait que la preuve soit libre ne signifie pas nécessairement qu'elle soit plus facile à rapporter.

 

 Aussi bien, serait-on tenté de contourner les difficultés liées à la dématérialisation du contrat en ayant recours à une convention préalable, sur support papier, dont l'objet consisterait à aménager l'admissibilité et la force probante des messages électroniques. L'avantage de ces conventions est qu'elles peuvent être passées même si la preuve ne peut être rapportée librement. On constate, en effet, tant en droit français[1551] qu'en droit comparé[1552], du moins en Europe, que le droit de la preuve est principalement d'intérêt privé de sorte que les conventions sur la preuve sont en principe licites. À titre d'exemple, on relèvera qu'elles sont fréquemment insérées dans les “ contrats d'interchange ” par lesquels les professionnels organisent leurs Échanges de Données Informatisées.

 

    Il nous semble, pourtant, que l'incidence pratique des conventions sur la preuve doit être relativisée. Tout d'abord, parce que les contrats d'interchange contiennent le plus souvent une clause d'élection de for ou une clause compromissoire[1553]. La question de l'efficacité d'une clause électronique n'a plus lieu d'être discutée puisqu'elle figure déjà sur support papier.

 

    Ensuite, parce qu'en dehors du cadre particulier des EDI, il sera rare de voir stipuler dans un document papier les conditions générales régissant les contrats électroniques lorsque les parties ne nouent pas des relations d'affaire suivies et qu'elles communiquent en réseaux ouverts. Un tel formalisme, synonyme de lourdeur et de coût, restreint considérablement l'intérêt des contrats passés via les réseaux internationaux de communication. Et à supposer toutefois qu'une convention sur la preuve ait été passée, le procédé n'est pas sans reproche dans la mesure où l'enregistrement électronique des données est, le plus souvent, laissé à la discrétion de l'une des parties ce qui place l'autre en état de devoir subir l'utilisation de ce moyen de preuve sans être en mesure d'en apprécier la fiabilité[1554].

 

    Enfin et surtout, parce que la solution ne peut venir d'une clause sur les modes de preuve qui serait insérée dans un contrat passé directement sur les réseaux ouverts. Une telle clause ne peut à la foi indiquer que les enregistrements informatiques feront foi de leur contenu alors qu'elle constitue elle-même un message de données dont la force probante peut être contestée.

 

    Il apparaît, au final, que les Conventions sur la preuve ne sont pas la panacée. Parce que généralement, elles interdisent de démontrer le caractère erroné des enregistrements informatiques ou en imposent à l'un des cocontractant la charge de la preuve de cette inexactitude, “ elles ne font guère que dissimuler la difficulté sans la résoudre ”[1555].

 

    496.— On serait alors tenté de s'inspirer de ce qui se fait déjà en matière de télex dont l'utilisation offre une sécurité non négligeable. En effet, lorsqu'un télex est envoyé de l'émetteur vers le récepteur sur un réseau spécialisé, le central de commutation intervient pour identifier les correspondants, s'assurer de la disponibilité de l'appareil destinataire et dater la transaction ; ce central conservant une trace de l'échange du message pendant une durée d'un an[1556]. Ainsi, “ une fonction d'intermédiaire ou de tiers certificateur (un peu comme l'accusé-réception du courrier postal), se trouve assurée dans la communication, ce qui donne une grande sécurité et permet de disposer d'éléments de preuve au cas de contestation ”[1557].

 

    Si l'on adapte ce mécanisme aux transmissions de données informatisées, le recours à un tiers certificateur, éventuellement associé à la cryptologie[1558], permettrait d'archiver les messages passant par lui, les parties pouvant ainsi, en cas de difficulté, se ménager la preuve de leur identification et du contenu de l'acte[1559]. De cette manière, “ un formalisme électronique se trouve établi, qui est susceptible d'apporter aux interlocuteurs une sécurité certaine ”[1560]. La mise en place de ce “ cyber-huissier ” permettra du même coup de répondre aux exigences posées par la Cour de cassation en ce qui concerne l'efficacité de l'écrit. Si un tiers indépendant des parties conserve une trace de la transaction, il devient possible de vérifier l'intégrité de l'écrit et l'intégrité de son contenu à l'auteur désigné[1561].

 

    On relèvera que si l'intervention d'un tiers certificateur est le plus souvent envisagée dans le cadre de la “ signature électronique ”[1562], où il permet d'authentifier les parties, son rôle peut également se concevoir en l'absence de signature. Il en est ainsi, notamment, en matière d'acceptation tacite. Lorsque, par exemple, l'acceptant exécute une offre de contrat, contentant une clause d'élection de for, qui lui a été transmise par l'intermédiaire d'un réseau international de communication, il n'est pas difficile d'interpréter son comportement comme l'expression de son acceptation. La question est plutôt de savoir si le message de données constituant la clause d'élection de for électronique a bien été connu par le destinataire de l'offre. Par ailleurs, si un contrat électronique a été signé par les parties, il se peut que la clause d'élection de for figure dans un document annexe non signé auquel il est fait référence. Le recours à un tiers certificateur permettra de démontrer l'existence du texte incorporé par référence et, partant, sa connaissance par l'autre partie[1563].

 

    497.— Le recours à un tiers certificateur indépendant des parties présente d'indéniables garanties pratiques. Il n'en demeure pas moins que l'efficacité juridique de ce procédé sera appréciée à l'aune de la loi applicable à l'admissibilité des modes de preuve et à leur force probante. Compte tenu de l'internationalisation des moyens de communication électronique et des difficultés qui pourraient naître du recours à des tiers certificateurs de différents pays par les parties, il serait souhaitable qu'un principe de reconnaissance mutuel des services de certification soit mis en place sur un plan européen et international. Si une harmonisation est concevable dans le cadre de l'Union européenne, sans doute faudra-t-il, comme a pu le recommander le Conseil d'État, que des accords internationaux déterminent “ à quelles conditions spécifiques les certificats émis par des autorités de certification extra-européennes pourront être retenus comme équivalent à ceux émis par des autorités établies dans l'Union européenne ”[1564].

 

    B/ L'acceptation de l'accord d'élection de for électronique

 

    498.— Appréhender l'acceptation d'un contrat électronique revient à étudier dans quelle mesure il peut être donné effet au consentement de l'acceptant exprimé sur un réseau international de télécommunication. Cette question, pour l'essentiel, concerne l'acceptation expresse. Lorsqu'en effet, l'acceptation est tacite, le comportement laissant induire la volonté de contracter qui la caractérise se manifeste la plupart du temps en dehors de l'utilisation d'un réseau télématique. Tel est le cas, notamment, chaque fois que le destinataire de l'offre exécute spontanément le contrat qui lui a été proposé, par exemple en expédiant les marchandises commandées, etc.

 

    L'acceptation expresse, qui “ résulte d'un acte qui a été spécialement accompli par le destinataire de l'offre, en vue de porter son accord à la connaissance de l'auteur de l'offre ”[1565], peut s'extérioriser de différentes manières[1566]. Mais le plus souvent, elle se traduit par une signature. D'où la question de savoir si la notion de signature, traditionnellement liée au support papier, peut être envisagée en matière électronique.

 

    499.— Classiquement, la signature est définie comme un signe graphique manuscrit qui est propre à une personne. Une signature électronique, le plus souvent élaborée à l'aide d'un procédé de codage, ne devrait pas alors être considérée comme une véritable signature. Il existe, pourtant, d'autres mécanismes, susceptibles également d'être qualifiés de “ signature électronique ”, qui mettent en œuvre des techniques permettant au signataire de signer de sa main. Ainsi, l'utilisation d'un dispositif biométrique permet à une personne d'apposer sa signature manuscrite, à l'aide d'un stylo spécial, soit sur l'écran de son ordinateur, soit sur un bloc numérique[1567]. Ce procédé permet également, lorsqu'un exemplaire de la signature a été mis en mémoire dans l'ordinateur, d'authentifier son auteur. Mais de tels mécanismes sont actuellement peu répandus. C'est pourquoi, la jurisprudence et la doctrine n'envisagent la signature électronique que lorsqu'elle est fondée sur l'utilisation d'un code confidentiel.

 

    En droit interne, la validité de la signature électronique a été admise par la Cour de cassation dans le cadre bien précis de l'utilisation des cartes bancaires. À cet effet, la Cour suprême a pris soin de relever que le contrat passé entre la banque et le porteur de la carte contenait une clause déterminant le procédé de preuve de l'ordre de paiement qui était licite “ pour les droits dont les parties ont la libre disposition ”[1568]. C'est donc parce qu'il existe une convention sur la preuve ou, à défaut, lorsque la preuve peut être rapportée par tous moyens[1569], que la valeur probante de ce procédé a été retenue. Dans ces conditions, il serait manifestement péremptoire de soutenir que la pleine efficacité de la signature électronique a été consacrée. Rien, pour autant, ne s'y oppose sur un plan théorique, notamment parce que la loi ne définit pas la notion de signature, de même qu'elle ne définit pas d'ailleurs les notions d'écrit et d'original. Pour ce faire, encore faudrait-il s'assurer que les procédés issus des technologies de l'information sont aptes à remplir les fonctions communément reconnues à la signature. Ainsi, “ la conception formaliste de la signature ne doit subsister que si la forme manuscrite est la seule forme susceptible de remplir de façon satisfaisante les fonctions de la signature ”[1570]. Si tel n'est pas le cas, la porte est ouverte à l'admission d'autres techniques que le signe manuscrit.

 

    500.— La doctrine et la jurisprudence s'accordent à reconnaître que la signature remplit deux fonctions : elle permet d'identifier le signataire et de rapporter sa volonté d'approuver le contenu d'un document. L'étude de ces fonctions révèle que le procédé manuscrit n'est pas le seul à pouvoir les assumer.

 

    S'agissant de la fonction d'identification, il apparaît que la signature manuscrite n'est pas le seul moyen permettant de rattacher une personne à son identifiant, en l'occurrence un signe[1571]. Lorsqu'un code confidentiel est utilisé dans une transaction assistée par ordinateur, ce code permet de la même manière d'identifier son auteur. On a certes pu objecter que ce mécanisme ne permet pas d'identifier physiquement le titulaire de ce code. Le destinataire de la signature numérique n'a pas la certitude que c'est véritablement son expéditeur qui se trouve derrière son ordinateur contrairement au fait de signer un document papier[1572]. Mais le signe manuscrit ne garantit pas toujours de façon certaine l'identité de la personne. Il “ ne réalise pas un contrôle de l'identité de son auteur, il le rend simplement possible ”[1573]. De fait, aucune différence de nature n'oppose le signe manuscrit et l'utilisation d'un code confidentiel[1574].

 

    La fonction de validation, ou de manifestation de la volonté du signataire, s'exprime dans le fait que celui qui signe un document manifeste son consentement aux clauses qui ont été portées à sa connaissance et qu'il est censé connaître. Pareille fonction se trouve sans aucun doute réalisée par les procédés électroniques de signature. Si, comme on a pu l'écrire, “ le signe manuscrit établit l'approbation des dispositions signées, c'est seulement qu'il est l'instrument consacré et la trace d'un acte de communication personnel et volontaire dans ce sens. D'un point de vue fonctionnel, les procédés télématiques de communication ne réalisent pas autre chose ”[1575]. En “ apposant ” son code confidentiel à la suite d'un document électronique, l'acceptant accompli un acte positif de reconnaissance de ce message et, partant, le valide. Ainsi, “ l'ordre de validation électronique opère, comme la signature manuscrite, la transmutation du document préparatoire en document définitif ”[1576].

 

    On le voit, “ les fonctions de la signature n'impose aucunement qu'elle soit exclusivement manuscrite ”[1577]. Certes, la jurisprudence ne s'est jusqu'à présent prononcée que dans le cadre d'une convention sur la preuve. Pour certains, la validation des procédés électroniques de signature ne peut venir que d'un contrat et, partant, se trouve à la fois subordonnée à la licéité des conventions sur la preuve et à la force obligatoire du contrat[1578]. Mais même en l'absence de contrat, la reconnaissance de la pleine efficacité de la signature électronique nous parait devoir être consacrée. Le fait que la Cour de cassation ait indiqué que l'écrit peut, à certaines conditions, être établit sur tout support incite à le penser. À quoi bon consacrer une conception innovante de l'écrit si elle ne permet pas l'utilisation d'un procédé électronique de signature aux fins de validation de l'acte[1579] ?

 

    501.— Cependant, un obstacle lié à la spécificité du document électronique pourrait se dresser. Par nature immatériel, ce document ne permet pas d'obtenir l'équivalent de la fixité du signe manuscrit inscrit sur support papier De surcroît, le signataire est tributaire d'un système informatique dont il n'a pas le contrôle et dont il ne peut vérifier s'il transmet correctement sa pensée[1580]. Cet obstacle est davantage lié à la technique qu'au droit. Des techniques permettant d'assurer l'intégrité et la fidélité d'un message de données existent déjà[1581]. On estime actuellement que la fonction d'identification des personnes est possible en faisant appel à la cryptologie et son authentification par l'entremise d'un tiers qui remplit le rôle d'autorité de certification[1582].

 

    L'intervention d'un tiers de confiance a déjà été évoquée[1583]. S'agissant de la cryptologie, il est d'ores et déjà possible d'y recourir dans le cadre d'une procédure électronique de signature depuis sa libéralisation consacrée par les mesures d'application de la loi du 26 juillet 1996[1584]. Rappelons que selon la nouvelle réglementation française, la liberté d'utilisation de la cryptologie est limitée à tout ce qui n'a pas pour objet de rendre opaque le contenu d'un texte. Ainsi, lorsque l'information est transmise en clair, par exemple sur un réseau comme Internet, la cryptologie peut être librement utilisée pour garantir que le message est bien authentique ou pour signer ce message. Il est par conséquent possible de protéger des mots de passe, des codes d'identification personnel, etc.

 

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*   *

 

    502.— Conclusion du Chapitre I Dans sa version initiale, l'article 17 de la Convention de Bruxelles apparaissait comme un compromis. Si d'un côté était consacrée la possibilité pour les parties de choisir leur juge et ce afin essentiellement de satisfaire le monde des affaires, c'était en contrepartie à la condition que quelques précautions soient prises “ en faveur des plus faibles qui pourraient être, à l'occasion de la signature d'un contrat d'adhésion ou de l'envoi d'une facture, victimes de clauses attributives de juridiction réellement inattendues d'eux ou par trop défavorables à leurs intérêts ”[1585]. Pour ce faire, la “ prorogation de compétence ” de l'article 17 fut qualifiée de “ convention ” et soumise à un formalisme minimum afin d'éviter qu'une clause d'élection de for puisse être imposée par une partie.

 

    La référence aux relations d'affaires courantes, aux usages du commerce international et aux habitudes établies entre les parties bouleverse cet équilibre originel. Cette évolution permet certainement de faciliter la conclusion des contrats internationaux et ce d'autant plus qu'elle ne s'adresse qu'aux opérateurs du commerce international. Sans doute mérite-t-elle pour cela d'être approuvée. D'un autre côté, il s'avère que moins la concrétude du consentement sera établie et plus la mise en œuvre de la clause d'élection de for sera susceptible d'être contestée. L'on pourrait certes objecter que l'assouplissement du formalisme concerne essentiellement les professionnels dont on est en droit d'attendre une certaine vigilance dans leur pratique contractuelle. Il n'en demeure pas moins que l'assouplissement du formalisme traduit une atténuation certaine de l'exigence d'un consentement véritable. Cette évolution, issue de la jurisprudence de la CJCE et des diverses modifications de l'article 17 au gré des Conventions d'adhésion à la Convention de Bruxelles, affecte également dans une certaine mesure le droit commun des conflits de juridictions.

 

    En permettant de considérer que tel ou tel comportement constitue une acceptation tacite, tel notamment l'absence de réaction et le silence d'une des parties après remise par l'autre partie d'un document dans lequel se trouve insérée une clause d'élection de for, telle évolution facilite l'insertion unilatérale par un contractant d'une clause à laquelle l'autre partie est supposée avoir donné son consentement. En réaction, la clause d'élection de risque de constituer un moyen de défense. Son but risque alors de ne plus être uniquement de désigner positivement un tribunal ou un ordre juridictionnel mais, négativement, de paralyser une éventuelle clause d'élection de for insérée dans les conditions générales de l'autre partie. La libéralisation des règles de forme risque alors d'être paralysée par la “ bataille des formulaires ”. Convient-il dans ces conditions de prêcher le retour à des formes plus strictes ? Certes non si l'on considère que l'exigence d'un écrit devant faire l'objet d'une acceptation expresse est excessive en matière de commerce international. À condition toutefois qu'il soit permis d'apprécier si la clause d'élection de for présente un caractère appropriée pour les deux parties.

 

    Il reste que cet assouplissement des conditions de formation permettra certainement de faciliter la validité des conventions d'élection de for électroniques insérées dans les contrats conclus “ en ligne ” sur les réseaux internationaux de télécommunication. Avec, en effet, la banalisation d'Internet, l'informatisation des relations contractuelles est en passe d'envahir la vie quotidienne. Dans la plupart des cas, l'efficacité de la convention d'élection de for électronique suppose la reconnaissance juridique de l'écrit et de la signature électronique. Telle est la direction dans laquelle se dirige aujourd'hui le droit français. Il est permis de penser qu'il en sera également ainsi sur le plan européen.


 

CHAPITRE II

 

LA DÉSIGNATION

 

 

 

 

 

    503.— La désignation constitue l'objet de l'accord d'élection de for qui peut se représenter, à juste titre croyons-nous, “ non pas comme un choix entre les compétences actuelles et connues, mais comme l'exercice d'un droit subjectif dont les titulaires ont la libre disposition et qu'il leur est donc loisible de soumettre au jeu de la négociation contractuelle ”[1586]. En tant qu'objet, cette désignation soulève deux séries d'interrogations. La première se rapporte au caractère déterminé ou déterminable du tribunal désigné par les parties (Section I). La seconde à trait à la question de savoir si l'existence d'un lien entre le litige et le for élu constitue une condition de validité de l'accord d'élection de for (Section II).

 

 

Section I

La dÉtermination de la juridiction compÉtente

 

 

    504.— Selon les termes employés, la désignation à laquelle les parties ont procédé peut être plus ou moins précise. La clause d'élection de for peut en effet suivant les cas désigner un tribunal spécialement compétent (§1), ce qui constitue en soi l'expression la plus absolue de la volonté des parties, ou les tribunaux d'un ordre juridictionnel (§2).

 

 

 

 

§1 - La désignation du tribunal spécialement compétent

 

    505.— La possibilité pour les parties de désigner le tribunal spécialement appelé à connaître du litige est expressément prévue en droit européen conventionnel par l'article 17 des Conventions de Bruxelles et de Lugano et semble tout à fait admise en droit commun des conflits de juridictions. Seulement, parce ce qu'une telle clause est susceptible d'affecter la répartition du litige entre les différentes juridictions d'un ordre juridictionnel, les règles de compétence interne du for élu, qu'elles soient territoriales ou d'attribution, pourraient être amenées à apprécier la validité d'un tel choix. S'agissant plus particulièrement de la compétence territoriale, cette interrogation surgira lorsque les parties auront désigné un tribunal différent de celui auquel aurait conduit le droit interne. L'application de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile pourrait alors être envisagée si ce tribunal est situé en France, ce qui risquerait, dans un tel cas, de remettre en cause le principe de licéité de l'accord d'élection de for.

 

    Afin d'échapper à cette difficulté, des conditions permettant d'écarter ou de maintenir l'application de ce texte ont été proposées par M. Mayer. Selon la théorie proposée par ce dernier, l'article 48 du nouveau Code de procédure civile serait écarté au profit du principe de licéité lorsque la clause attributive de juridiction modifie la compétence internationale à titre essentiel et seulement par accessoire la compétence interne. En revanche, si la clause modifie à titre principal la compétence territoriale interne, elle relève de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile même si l'on est dans une matière internationale[1587]. Cette proposition a été fidèlement reprise par la Cour de cassation. L'arrêt C.S.E.E. c/ Sorelec précise, en effet, que       “ doivent être exclues de la prohibition [de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile] les clauses qui ne modifient la compétence territoriale interne qu'en conséquence d'une modification de la compétence internationale ”. Elle n'en demeure pas moins discutable en son principe.

 

    506.— Tout d'abord, ainsi qu'une partie importante de la doctrine a pu le montrer, cette position revient à admettre la licéité de la clause d'élection de for lorsque les parties désignent une juridiction étrangère tout en la restreignant lorsque leur choix se porte sur une juridiction française différente de celle(s) désignée(s) par les règles internes de compétence territoriale[1588]. Or, à supposer par exemple que le tribunal de Paris soit compétent pour connaître du différend concernant un contrat international, on ne voit pas en opportunité ce qui justifierait que le choix du tribunal de Marseille soit plus rigoureusement apprécié que le choix du tribunal de New York.

 

    Au surplus, la notion de “ modification de la compétence internationale ” paraît bien délicate à appréhender. De prime abord, l'on peut douter qu'une telle modification soit réalisée lorsque l'ordre juridictionnel français est également désigné par les règles ordinaires de compétence internationale. À moins d'estimer que le terme “ modification ” concerne également les caractères de la compétence ce qui permettrait de considérer comme modifiée la compétence internationale des juridictions françaises lorsque, de concurrente elle devient, par l'effet du choix des parties, exclusive[1589].

 

    507. — Il n'en demeure pas moins que raisonner à partir des clauses d'élection de for “ qui ne modifient la compétence territoriale interne qu'en conséquence d'une modification de la compétence internationale ” procède d'une perception contestable de la compétence internationale des juridictions françaises. Cette vision s'inscrit dans le prolongement de la distinction entre la compétence générale et la compétence spéciale qui fut naguère dégagée par Bartin dans le but d'assimiler la compétence internationale à la compétence d'attribution[1590]. Cette assimilation est aujourd'hui rejetée par la majorité de la doctrine contemporaine et par la jurisprudence. La distinction entre la compétence générale et la compétence spéciale continue néanmoins d'être utilisée pour rendre compte de la compétence internationale. Ainsi, certains auteurs estiment que la “ compétence directe ” des juridictions françaises se décompose toujours en deux phases distinctes, une première consistant à vérifier si le litige relève de l'ordre juridictionnel français et une seconde consistant à désigner lequel des tribunaux français doit être effectivement saisi[1591]. Il est alors logique de soutenir que la clause qui désigne spécialement le tribunal compétent met en jeu une règle de compétence internationale proprement dite, qui permet aux parties de choisir l'ordre juridictionnel français, et une règle de compétence territoriale interne relative aux conditions de validité de la clause attributive de juridiction. Il devient dans ces conditions souhaitable de limiter l'application de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile si l'on souhaite que le principe de licéité de l'accord d'élection de for ait encore un sens.

 

    D'aucuns contestent pourtant que la distinction entre la compétence générale et la compétence spéciale corresponde systématiquement à la distinction entre la compétence internationale et la compétence territoriale interne lorsqu'un critère identique fonde à la fois la compétence interne et la compétence internationale[1592]. Tel est précisément le cas des règles ordinaires de compétence internationale qui se déterminent par la transposition des règles de compétence territoriale interne aux relations internationales. Ces dernières en effet utilisent des critères tels que le domicile, la résidence, la situation d'une chose, le lieu de la commission d'un délit, etc., dont la vocation première est de désigner un tribunal spécialement compétent. Il est dans ces conditions difficile de justifier que la règle qui, par exemple, désigne les tribunaux de l'ordre juridictionnel du domicile du défendeur doit être séparée de la règle qui désigne le tribunal du domicile du défendeur. Sauf à considérer que l'application des règles de compétence territoriale interne permette de désigner un tribunal différent, ce qui en théorie n'est pas possible puisque les mêmes critères de compétence sont utilisés pour fonder la compétence du juge tant sur un plan interne que sur un plan international[1593]. Dès lors, la distinction entre la compétence générale et la compétence spéciale n'est utile qu'aux règles de compétence internationale qui ne se réfèrent pas à un lieu déterminé du territoire de l'ordre juridictionnel qu'elle désigne. Tel est le cas de la nationalité qui constitue le critère de rattachement des articles 14 et 15 du Code civile. Il en est de même lorsqu'une clause désigne les tribunaux d'un État sans autres précisions. Ces hypothèses mises à part, il est concevable de reconnaître qu'une règle de compétence internationale puisse être une règle de compétence spéciale, c'est-à-dire une règle qui détermine en même temps l'ordre juridictionnel compétent et le tribunal de cet ordre juridictionnel qui doit connaître de l'affaire.

 

    508.— Il est dans ces conditions inutile de raisonner à partir de la circonstance que la clause       “ modifie la compétence territoriale interne ” ou “ modifie la compétence internationale ” et, partant, de s'interroger sur la nécessité d'écarter l'article 48 du nouveau Code de procédure civile. Dans cette perspective, il devient alors possible de soutenir que la clause d'élection de for qui désigne le tribunal compétent met en œuvre une règle de compétence internationale spéciale. L'accord d'élection de for, croyons-nous, n'est pas une convention qui crée, modifie ou conforte la compétence d'une juridiction. La juridiction choisie est compétente en vertu d'une règle de compétence dont le présupposé est constitué par la volonté commune des parties. En ce sens, cette volonté permet de rattacher le litige à un ordre juridictionnel ou à un tribunal spécial de cet ordre juridictionnel au même titre que le domicile du défendeur ou le lieu d'exécution du contrat. À partir du moment où il est admis qu'un accord de volontés constitue, en soi, un critère de compétence, il est alors totalement indifférent que la juridiction choisie soit ou ne soit pas déjà compétente au regard des autres chefs de compétence.  On se réjouira donc de constater que le critère fondé sur la “ modification de la compétence internationale ” n'ait pas été repris par la jurisprudence postérieure à l'arrêt C.S.E.E. c/ Sorelec ce qui laisse augurer son abandon par les tribunaux[1594].

 

    509.— En droit conventionnel européen, une proposition comparable à celle de M. MAYER a été suggérée par certains auteurs pour que soit délimité le champ d'application respectif de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile et de l'article 17 de la Convention de Bruxelles. Ainsi M. DROZ a-t-il estimé que le caractère international de l'élection de for ne pouvait être constaté qu'à la double condition que la clause désigne le tribunal ou les tribunaux d'un État contractant et déroge à la compétence d'un tribunal situé sur un autre État contractant[1595]. Pour HOLLEAUX, si l'article 17 de la Convention de Bruxelles paraît applicable à la clause substituant au juge d'un État contractant le juge du même État spécialement désigné par la Convention, l'article 48 du nouveau Code de procédure civile est sûrement dans son domaine quand les parties ont désigné une juridiction française à la place d'une autre, également française, alors que les règles de compétence de la Convention ne permettent pas au demandeur d'agir ailleurs qu'en France[1596]. Cette opinion fut systématisée par M. HUET qui proposa de formuler ainsi les hypothèses d'intervention de l'article 17 de la Convention de Bruxelles. D'après cet auteur, si une clause attributive de juridiction désigne un tribunal différent de celui désigné par une règle de compétence spéciale de la Convention de Bruxelles (cf. les articles 5, 6, 9 et 10), l'article 17 doit s'appliquer. En revanche, si cette clause attributive de juridiction désigne le tribunal auquel la Convention de Bruxelles attribue une compétence générale (cf. les articles 2, 11, 14 et 16) et qu'elle ne donne pas en même temps au demandeur la possibilité d'opter pour les tribunaux ou un tribunal d'un État contractant, le droit interne, soit l'article 48 du nouveau Code de procédure civile si ce tribunal est français, devra s'appliquer[1597].

 

    510.— Ainsi, lorsque tous les chefs de compétence de la Convention de Bruxelles sont concentrés dans un seul État contractant, la clause attributive de juridiction désignant un tribunal qui n'est pas spécialement compétent selon les règles de compétence de la Convention est régie par droit interne de cet État. Cette idée est des plus discutable comme peut l'illustrer l'exemple suivant. Soit un contrat passé entre une partie domiciliée à Bruxelles et une autre domiciliée à Marseille devant être exécuté à Lille et contenant une clause désignant le tribunal de Paris. Si la partie domiciliée à Bruxelles saisi le tribunal de Paris, la clause attributive de juridiction relèvera de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile. En effet, le défendeur étant domicilié à Marseille (compétence du for du défendeur, article 2 de la Convention de Bruxelles) alors que l'obligation qui sert de base à la demande est exécutée à Lille, les règles de compétence de la Convention ne permettent pas au demandeur d'agir ailleurs qu'en France. En revanche, si la partie domiciliée à Marseille décide d'intenter une action contre son cocontractant domicilié en Belgique, la même clause sera cette fois soumise à l'article 17 de la Convention puisqu'une règle de compétence de la Convention, soit en l'occurrence l'article 2, désigne les tribunaux d'un autre État contractant et que la clause d'élection de for désigne un tribunal différent de celui auquel une règle de compétence spéciale de la Convention de Bruxelles, en l'occurrence l'article 5-1°, attribue compétence.

 

    511.— L'examen de la validité d'une clause attributive de juridiction s'appréciera donc en fonction du droit interne ou de la Convention de Bruxelles selon le lieu du domicile du défendeur. Que ce dernier soit domicilié dans un État où les autres chefs de compétence de la Convention se trouvent réunis et l'article 17 sera inapplicable. Cette conséquence, qui nous semble solliciter le texte de l'article 17 de la Convention de Bruxelles, s'avère contraire aux objectifs de prévisibilité, de sécurité et d'efficacité de la Convention de Bruxelles. Elle est de plus particulièrement malvenue dans la mesure où elle aboutit à répartir le régime juridique applicable à une clause d'élection de for en fonction de la position procédurale de la partie qui prendra l'initiative du procès. De surcroît, à l'instar de ce que nous avons déjà évoqué à propos du droit commun des conflits de juridictions, la clause qui désigne le tribunal d'un État contractant met en œuvre une règle de compétence spéciale et non une règle de compétence générale. Il n'est donc pas exact de dire que la clause “ déroge ” à une règle interne de compétence territoriale et par conséquent doit être régie par le droit interne de cet État, et ce, même lorsque tous les chefs de compétence internationale sont concentrés dans le for élu, car il n'est pas nécessaire de faire appel aux règles de compétence territoriale interne pour déterminer le tribunal spécialement compétent.

 

    512.— Il apparaît ainsi que les règles de compétence territoriale interne du for élu ne devraient pas apprécier la validité de la clause qui désigne un tribunal spécial de ce for. En définitive, la question est plutôt de savoir si le litige présente un caractère international. Si l'on estime que c'est le cas, il y a lieu d'en tirer toutes les conséquences en ce qui concerne la réglementation applicable à la clause d'élection de for. Le débat ne doit alors concerner que les éléments d'appréciation de cette internationalité, ce qui n'est pas sans susciter certaines difficultés lorsque tous les principaux éléments du litige sont situés dans l'État dont l'un des tribunaux est désigné par la clause[1598].

 

    513.— Si les règles internes de compétence territoriale paraissent devoir être écartées, il ne semble pas, en revanche, qu'il doive en être ainsi des règles internes de compétence d'attribution. Ces dernières, en effet, intéressent plus directement le bon fonctionnement du service public de la justice de l'État dont relève le tribunal désigné par la clause d'élection de for. De ce fait, leur application à la clause qui désigne le tribunal qui, au sein d'un ordre juridictionnel, devra connaître de l'affaire doit être envisagée et ce que les parties aient ou non indiqué le tribunal spécialement compétent au regard de la compétence d'attribution.

 

    En effet, il se peut que la clause d'élection de for ne désigne que le tribunal ou les tribunaux d'une ville d'un État sans que la compétence d'attribution ne soit précisée. Appliquer, dans un tel cas, les règles internes de compétence d'attribution s'avère nécessaire pour déterminer la compétence ratione materiae de tribunal désigné par la clause d'élection de for. Il est pourtant arrivé à la jurisprudence d'invalider ce type de clauses au motif que la juridiction compétente n'avait pas été clairement désignée[1599]. Cette solution a été à fort justement critiquée comme étant manifestement trop rigoureuse lorsque, précisément, le droit interne de l'État étranger permet de déterminer le tribunal doté de la compétence d'attribution[1600]. Aussi se félicitera-t-on que d'autres juridictions aient validé de telles clauses lorsque le droit interne du for élu permet aisément d'identifier la nature de la juridiction compétente[1601].

 

    514.— Il se peut, en revanche, que la clause d'élection de for désigne le tribunal spécialement compétent au regard de la compétence d'attribution. Or, le plus souvent, les règles internes de compétence ratione materiae présentent un caractère d'ordre public. Si l'on estime que l'ordre public en matière de compétence judiciaire internationale doit être déterminé à partir de considérations propres aux relations internationales[1602], il faudrait alors rechercher si les raisons qui fondent l'impérativité des règles internes de compétence d'attribution se retrouvent dans l'ordre international[1603]. S'agissant du droit français, on rappellera que les accords relatifs à la compétence d'attribution, bien que n'étant interdits expressément par aucun texte, demeurent exceptionnels[1604]. Il est ainsi totalement illicite de modifier l'ordre[1605] ou le degré[1606] des juridictions. Seules les règles se rapportant à la nature des juridictions peuvent, dans de rares hypothèses, faire l'objet d'un accord sur la compétence. Encore faut-il, pour ce faire, que la juridiction élue et la juridiction exclue aient un domaine de compétence concurrent et, surtout, que la compétence de la juridiction évincée ne soit pas d'ordre public. À cet égard, il résulte de l'analyse des règles de répartition des litiges suivant leur nature (civile, commerciale, prud'homale, sociale) que si une juridiction d'exception ne peut être saisie à la place d'une autre juridiction d'exception, seul le point de savoir si une juridiction de droit commun peut être désignée au lieu d'une juridiction d'exception, ou inversement, si une juridiction d'exception peut être désignée au lieu d'une juridiction de droit commun, peut être discuté. On écartera la possibilité que l'article 41 du nouveau Code de procédure civile attribue aux plaideurs de saisir une juridiction normalement incompétente en raison “ du montant de la demande ”, car elle ne peut être mise en œuvre qu' “ une fois le litige né ” ce qui, par définition, exclu toute clause antérieure au litige. Il ne reste alors que la possibilité de désigner le Tribunal de grande instance à la place du Tribunal de commerce, sauf lorsque ce dernier est exclusivement compétent, comme par exemple en matière de redressement et de liquidation judiciaire d'un commerçant[1607]. L'hypothèse inverse, en revanche, demeure controversée. Si pendant un temps, la jurisprudence a admis la validité de la clause attribuant compétence au Tribunal de commerce, cette possibilité est aujourd'hui fortement contestée depuis que la Cour de cassation considère que la clause attributive de compétence au Tribunal de commerce est inopposable au défendeur est non commerçant[1608]. L'on peut du reste estimer que si le demandeur est le non commerçant, la clause pourrait être considérée comme abusive[1609]. C'est, cependant, surtout en matière d'acte mixte que la licéité des accords d'élection de for portant sur la compétence matérielle est discutée sur un plan international.

 

    515.— D'aucuns, en effet, considèrent que si les règles relatives à l'ordre ou au degré des juridictions devraient être considérées comme étant d'ordre public sur un plan international, il serait en revanche permis d'hésiter s'agissant des règles attribuant compétence aux juridictions d'exception et notamment à propos de la règle d'origine prétorienne selon laquelle la clause attributive de compétence au Tribunal de commerce est inopposable au défendeur non commerçant[1610]. L'on a pu ainsi mettre en avant les difficultés d'application de la règle dégagée par la Cour de cassation dans la mesure où la notion de commerçant est ignorée de nombreuses législations étrangères.

 

    L'argument selon lequel il serait difficile de déclarer inopposable au défendeur non commerçant une clause attributive de compétence au tribunal de commerce lorsque le litige revêtira un caractère international peut être facilement combattu. Une chose, en effet, est d'appliquer les critères de commercialité du droit français pour écarter la clause qui désigne une juridiction étrangère, une autre en est d'appliquer ces mêmes critères pour fonder la compétence d'un tribunal de commerce français désigné par les parties. De fait, on peut relever que la Cour de cassation ne s'est prononcée que dans l'hypothèse ou la clause désignait un tribunal de commerce français. Il est peu probable que sa solution aurait été la même dans l'hypothèse inverse. Lorsque le juge d'un État apprécie la validité d'une clause désignant un tribunal étranger en appliquant ses propres règles de compétence d'attribution, il s'immisce nécessairement dans le fonctionnement de la justice étrangère. Seule la loi du juge élu peut déterminer la validité de la désignation spéciale au regard de la compétence matérielle.  La solution adoptée par la Cour de cassation est selon toute vraisemblance limitée au cas où la clause désigne une juridiction consulaire française.

 

    516.— Plus fondamentalement, il n'est pas sûr que les raisons qui justifient l'impérativité des règles internes de compétence d'attribution puissent être différentes sur un plan international. Sauf à considérer dans ce cas que la compétence d'attribution puisse être spécifique, ce qui justifierait son adaptation pour tenir compte du caractère international de la situation. À cet égard, l'objectif de protection de la partie faible qui anime certaines règles de compétence d'attribution n'est, croyons-nous, certainement pas différent en matière internationale[1611]. Il serait d'ailleurs sans doute accentué par l'extranéité de la situation. Du reste et surtout, la nature même du litige ne change pas que l'on soit en matière interne ou en matière internationale. C'est d'ailleurs précisément parce qu'aucune spécificité n'est reconnue aux règles internes de compétence d'attribution qu'elles s'appliquent sans distinguer que le litige soit interne ou international. Le caractère d'ordre public qui, dans la plupart des cas, leur est reconnu devrait alors s'appliquer sans qu'il soit procédé à aucune distinction. On ajoutera que ce n'est que si une règle de compétence internationale est déterminée à partir d'une règle de compétence interne qu'il y a lieu de s'interroger sur l'opportunité d'étendre ou non dans l'ordre internationale l'impérativité dont elle est affublée dans les relations internes. Or à partir du moment où la répartition des litiges selon leur matière ne peut en aucune manière permettre de déterminer l'ordre juridictionnel compétent, ni même un tribunal spécial au sein de cet ordre juridictionnel, il ne peut à proprement parler être question de “ transposer ” les règles de compétence d'attribution aux relations internationales. En définitive, la détermination de la compétence d'attribution est une question interne à l'ordre juridictionnel dont le tribunal est désigné par la clause d'élection de for, et ce même si le litige présente un caractère international. Partant, les accords relatifs à la compétence d'attribution ne doivent pas être appréciés différemment selon que le litige est interne ou international.

 

    517.— Un argument d'opportunité pourrait être invoqué pour que soit justifiée la possibilité d'insérer dans un acte mixte une clause d'élection de for en faveur du Tribunal de commerce. Partant du constat que les Tribunaux de commerce subissent la concurrence accrue de l'arbitrage[1612], ne pourrait-on pas soutenir que, si en matière d'arbitrage international, une clause compromissoire insérée dans un acte mixe est licite[1613], il devrait en être de même à l'égard des juridictions consulaires ? Deux explications peuvent toutefois être avancées pour écarter le rapprochement de régime juridique que suggère cette interrogation. On pourrait tout d'abord relever que l'arbitrage garantit en principe une plus grande égalité entre les parties dans la mesure où la désignation du tribunal arbitral résulte directement ou indirectement de la volonté commune des parties  alors que les magistrats consulaires sont élus par leurs pairs dont seul le plaideur commerçant fait partie[1614]. Du reste, il est suffisamment critiquable que la jurisprudence admette la validité de la convention d'arbitrage lorsque le litige oppose un professionnel à un non commerçant qui soit un consommateur pour que cette solution soit étendue à une juridiction étatique d'essence corporatiste dont l'objet est de trancher les litiges du commerce. Au demeurant, la clause attributive de compétence au Tribunal de commerce ne peut, sans déformation, être comparée à une convention d'arbitrage pour la raison que la compétence arbitrale ne peut être qualifiée de compétence d'attribution. La convention d'arbitrage en effet provoque l'incompétence de l'ensemble des tribunaux étatiques, et cela quelle que soit la matière[1615]. Ce n'est pas en terme de compétence ratione materiae qu'il faut raisonner mais à partir du concept d'arbitrabilité du litige.

 

    518.— Si l'on estime que la clause attributive de compétence à un Tribunal de commerce est inopposable à un défendeur non commerçant — et probablement abusive lorsque le demandeur est commerçant[1616] — , la question se pose alors de savoir si la nullité de la clause en ce qui concerne la compétence d'attribution interne doit rejaillir sur la compétence internationale toute entière. Compte-tenu de l'importance des considérations territoriales en matière internationale, qui priment certainement sur des considérations liées à la nature du litige, il serait préférable que la clause ne soit pas entièrement anéantie[1617]. L'on pourrait ainsi s'inspirer, de la jurisprudence qui, en droit interne, juge que la clause attributive de juridiction, nulle en ce qu'elle vise la compétence territoriale, conserve son effet relativement à la compétence d'attribution. Dans cette perspective, il y aurait lieu de considérer que la clause d'élection de for, nulle en qui concerne la compétence d'attribution interne, conserve son effet relativement à la compétence internationale.

 

    519.— Une clause désignant spécialement le tribunal internationalement compétent ne pourrait a priori être considérée comme étant imprécise. Ce grief a pourtant pu être formulé à l'égard des clauses qui n'indiquent pas la ville étrangère où est situé le tribunal élu, mais qui fixent un rattachement permettant de déterminer le tribunal spécialement compétent, par exemple lorsqu'il est précisé que le tribunal compétent est celui du domicile du transporteur, du vendeur, etc.[1618] L'annulation d'une telle clause ne devrait intervenir que si le critère qu'elle prend en compte (domicile, siège social, port d'attache d'un navire, etc.) n'est pas facilement déterminable[1619]. Lorsqu'en revanche il peut être découvert aisément, certaines décisions ont validé une clause de ce type[1620]. La jurisprudence paraît relativement incertaine. Le fait qu'elle soit principalement rendue par les juges du fond et ce en matière maritime, explique peut être la rigueur de certaines décisions, la validité des clauses d'élection de for insérées dans les connaissements étant généralement strictement appréciée. De notre point de vue, les clauses qui procèdent à ce genre de désignation ne devraient être valables que si le contrat permet intrinsèquement de déterminer le rattachement inscrit dans l'élection de for, par exemple le domicile ou le siège social d'une partie. Si des recherches approfondies sont nécessaires, le for élu ne peut être présumé connu lors de la formation du contrat et, partant, la clause ne peut être considérée comme ayant véritablement fait l'objet d'un accord de volontés.

 

§2 - La désignation d'un ordre juridictionnel

 

    520.— Pendant longtemps, la clause d'élection de for qui ne procédait qu'à la désignation globale d'un ordre juridictionnel était annulée par la jurisprudence en raison de son manque de précision[1621]. Cette position était majoritairement critiquée en doctrine. On fit remarquer que la possibilité de limiter l'accord d'élection de for à la seule compétence générale des tribunaux d'un État était reconnue par l'article 1er de la Convention de La Haye du 25 novembre 1965 sur les accords d'élection de for (non entrée en vigueur) et surtout par l'article 17 de la Convention de Bruxelles. Une telle désignation devrait être admise lorsque le tribunal spécialement compétent peut être déterminé par le droit interne de l'ordre juridictionnel désigné par la clause[1622]. Il faudra néanmoins attendre l'arrêt C.S.E.E. c/ Sorelec pour que la Cour de cassation décide que “ la désignation globale des juridictions d'un État dans une clause de prorogation de compétence est licite, du moins si le droit interne de cet État permet de déterminer le tribunal spécialement compétent ”[1623].

 

    521.— Si, désormais la clause qui désigne les tribunaux d'un État est licite et ce tant en droit commun des conflits de juridictions qu'en droit européen conventionnel, la détermination du tribunal spécialement compétent par le droit du for élu suscite à son tour certaines interrogations. Il se peut en effet qu'aucune règle de compétence territoriale interne ne permette de déterminer un tribunal en particulier. L'alternative, dans ce cas, consiste soit à refuser de donner effet à la clause[1624], soit à considérer que le respect de la volonté des parties oblige malgré tout le for élu à retenir sa compétence, cette dernière proposition étant prônée par la majorité de la doctrine[1625]. Il reste dans ce cas à indiquer de quelle manière sera désigné le tribunal qui devra connaître du litige. Pour certains auteurs, l'on pourrait s'inspirer de la solution dégagée par la jurisprudence lorsque l'article 14 du Code civil fonde la compétence internationale des juridictions françaises, moyennant quoi le demandeur devra choisir la juridiction compétente en prenant garde de ne pas porter atteinte à la bonne administration de la justice[1626]. D'autres ont proposé d'appliquer l'article 42, alinéa 3, du nouveau Code de procédure civile selon lequel “ si le défendeur n'a ni domicile ni résidence connus, le demandeur peut saisir la juridiction du lieu où il demeure ou celle de son choix s'il demeure à l'étranger ”[1627]. Dans un arrêt récent, la Cour de cassation a cassé pour manque de base légale la clause qui désignait globalement les tribunaux français au motif que la Cour d'appel, qui s'était contentée d'indiquer qu'il était constant que l'application des règles internes de droit français permettait de déterminer le tribunal spécialement compétent, n'avait pas précisé en quoi le droit interne français aurait permis cette détermination[1628]. La Cour de cassation ne s'est donc pas encore prononcée sur l'un ou l'autre de ces principes de désignation. Cette tâche incombera à la Cour de renvoi. L'on peut espérer qu'elle ne se fondera pas uniquement sur l'article 42, alinéa 3, du nouveau Code de procédure civile, cette suggestion paraissant ne formuler aucune limite au choix discrétionnaire de demandeur, et qu'en tout état de cause elle se reconnaisse le pouvoir de modérer ce choix s'il devait être exercé de manière à porter préjudice au défendeur[1629].

 

    522.— À partir du moment où le droit interne de l'État dont les tribunaux sont désignés doit permettre de déterminer le tribunal qui devra connaître de l'affaire, la clause d'élection ne devrait plus être considérée comme étant intrinsèquement imprécise. La Cour d'appel de Rouen, après avoir repris le principe énoncé par l'arrêt C.S.E.E. c/ Sorelec, a pourtant invalidé la clause qui désignait des juridictions d'un État à structure fédérale, en l'occurrence l'Argentine, au motif que la juridiction compétente n'était pas désignée de façon suffisamment précise[1630]. Cette motivation n'emporte guère la conviction, le fait qu'un État soit fédéral ne signifiant nullement que le droit de cet État ne permette pas de désigner la juridiction compétente[1631]. Cet arrêt apparaît plutôt comme le signe d'une certaine résistance chez les juges du fond qui ont du mal à accepter la validité d'une clause attribuant compétence aux tribunaux étrangers[1632]. Elle ne recueille aucun écho auprès de la Cour de cassation.

 

    Il se peut, en revanche, que la formulation de la clause d'élection de for ne permette pas de déterminer de manière précise l'État dont les juridictions sont désignées. Il en est ainsi, par exemple, de la clause qui désigne les tribunaux de l'État où le transporteur a son principal établissement alors que le connaissement ne mentionne pas ce lieu ou ne permet pas de le déterminer.  Une telle clause devrait être invalidée[1633]. Si le fait pour le demandeur d'interroger la loi de l'État dont les tribunaux sont désignés afin de déterminer le tribunal spécialement compétent ne constitue pas un obstacle à la mise en œuvre de la clause, c'est à la condition, croyons-nous, que le nom de cet État soit connu au moment de la formation du contrat. L'identification de cet État ne devrait alors provenir que d'éléments intrinsèques au contrat lui-même.

 

    523.— Lorsque la clause d'élection de for désigne les juridictions d'un État étranger, M. Audit estime qu'il appartient à celui qui saisit les tribunaux français en dépit de la clause de prouver que le droit interne de l'État concerné ne permet pas de désigner le tribunal spécialement compétent ; cet auteur estimant même que “ l'on pourrait presque exiger de lui qu'il se soit heurté à une déclaration d'incompétence générale à l'étranger ”[1634]. Sans aller jusque-là, la jurisprudence actuelle tend à écarter les obstacles susceptibles d'empêcher les juridictions françaises de se dessaisir facilement du litige lorsqu'une clause d'élection de for désigne globalement un ordre juridictionnel étranger. Cette tendance est particulièrement nette en matière de déclinatoire de compétence.

 

    En effet, pour se conformer à l'article 75 du nouveau Code de procédure civile, le défendeur qui décline la compétence du tribunal saisi doit, à peine d'irrecevabilité, faire connaître dans tous les cas, devant quelle juridiction il demande que l'affaire soit portée. L'opportunité de transposer ces exigences dans l'ordre international peut être discutée dès lors que, d'après l'article 96 du nouveau Code de procédure civile, le juge qui soulève d'office son incompétence internationale n'est pas tenu de désigner la juridiction étrangère compétente, mais doit seulement “ renvoyer les parties à mieux se pourvoir ”. Pour la première Chambre civile, cependant, l'exception d'incompétence internationale soulevée par une partie devait renfermer “ des précisions suffisamment claires pour que la désignation de la juridiction soit certaine ”[1635]. La Chambre sociale a même été jusqu'à imposer à l'auteur du déclinatoire de compétence de “ désigner la juridiction qu'il estime compétente et préciser la nature et le lieu de la juridiction revendiquée ”[1636]. De telles conditions imposent à la formulation du déclinatoire de compétence, des exigences dont la clause d'élection de for est dispensée. Elles s'avèrent manifestement trop contraignantes pour le demandeur à l'exception d'incompétence qui se trouve obligé de se renseigner sur l'organisation judiciaire d'un État étranger, et ce d'autant plus qu'il n'entend aucunement prendre l'initiative d'un procès[1637]. Or l'objectif poursuivi par l'exception d'incompétence en matière internationale “ ne peut jamais être que la seule déssaisine des tribunaux français ”[1638]. Du reste, à partir du moment où la licéité de la clause qui désigne globalement un ordre juridictionnel étranger est reconnue, il paraît logique que la mise en œuvre de l'exception d'incompétence internationale des juridictions françaises se limite à la désignation générale des tribunaux d'un État. Aussi bien peut-on être satisfait de ce que la Cour de cassation estime désormais, lorsque l'incompétence internationale d'une juridiction françaises est soulevée au motif qu'une clause d'élection de for désigne les tribunaux d'un État étranger, que la “ recevabilité de l'exception n'est pas subordonnée à l'indication, dans le déclinatoire, de la juridiction étrangère devant être précisément saisie ni de celle des règles étrangères permettant sa désignation ”[1639]. Serait ainsi recevable l'exception d'incompétence qui se borne à reproduire les termes de la clause d'élection de for. L'efficacité de la clause ne s'en trouve que renforcée.

 

 

Section II

La dÉsignation d'un for neutre

 

 

    524.— L'absence de lien entre le litige et le tribunal ou les tribunaux désignés et le litige est une solution que l'on peut certainement estimer comme acquise en droit commun des conflits de juridictions. Un premier arrêt de la Chambre commerciale avait paru l'admettre, mais avec une certaine équivoque puisque la Cour de cassation n'avait pas directement répondu au moyen qui reprochait à la Cour d'appel d'avoir admis que la clause conclue entre des cocontractants français et allemand désigne un tribunal suisse[1640]. On constate cependant que l'arrêt C.S.E.E. c/ Sorelec[1641], en se limitant à exiger que le litige présente un caractère international, semble bien considérer que l'existence d'un lien sérieux entre le litige et le for élu n'est pas requise[1642]. Tel est au demeurant la position adoptée par les juges du fond[1643]. Enfin s'agissant du droit européen conventionnel, l'article 17 des Conventions de Bruxelles et de Lugano n'interdit aucunement le choix d'une juridiction n'ayant aucun lien avec le litige, cette interprétation littérale ayant par ailleurs été consacrée par la CJCE[1644].

 

    Cette solution est également largement reçue en droit comparé[1645]. On relèvera cependant que l'article 15 de la Convention de La Haye du 25 novembre 1965 sur les accords d'élection de for (non entrée en vigueur) indique que les États contractants peuvent “ se réserver de ne pas reconnaître les accords d'élection de for si le litige n'a aucun rattachement avec le tribunal élu ou si, compte tenu des circonstances, il y aurait un grave inconvénient à ce que la clause soit jugée par le tribunal élu ”. Cette formule n'est que la traduction de la théorie anglo-américaine du forum non conveniens selon laquelle un juge normalement compétent peut refuser de statuer s'il estime qu'un autre tribunal est plus approprié. La désignation d'un tribunal n'ayant aucun lien avec le litige risque alors d'être compromise si le for élu est un pays de Common Law. On remarquera néanmoins que la Cour suprême des États-Unis a admis la possibilité de désigner un for neutre dans l'arrêt The Bermen et Al. c/ Zapata Off-Shore Co[1646], sauf s'il est démontré que l'exécution de la clause serait déraisonnable ou injuste.

 

    Dans certains droits étrangers, l'absence de proximité avec un tribunal est utilisée négativement pour justifier l'incompétence du for exclu. Ainsi le fait que les tribunaux allemands n'aient pas de liens sérieux avec le litige constitue un argument permettant de valider la clause désignant un tribunal ou des tribunaux étrangers[1647]. Il a été suggéré que cette solution pourrait servir à mesurer l'étendue de la notion de compétence impérative des juridictions françaises[1648]. Cette opinion peut se prévaloir de l'arrêt Allard[1649] qui a admis la licéité de la clause d'élection de for en faveur des tribunaux colombiens alors que le contrat de travail avait été conclu en France entre un salarié français et une société colombienne pour être exécuté en Colombie. On sait que la doctrine avait suggéré de moduler l'impérativité de l'article R. 517-1 du Code du travail lorsque la compétence des tribunaux français repose sur des rattachements objectivement faibles[1650]. Mais cette solution n'a pas été reprise par la Cour de cassation et tout semble indiqué que l'arrêt Allard n'a été qu'une décision d'espèce[1651]. Il n'est pas sûr, en l'état du droit positif, qu'une compétence impérative française puisse être écartée par une clause d'élection de for au motif que le rattachement du litige à la sphère juridique du for serait de faible intensité. 

 

    525.— Dans l'ensemble, le fait que l'existence d'un lien entre le for élu et le litige ne constitue pas une condition de validité de la clause d'élection de for est plutôt favorablement accueilli en doctrine. L'on estime, en effet, que l'appréciation d'un lien sérieux entre le juge élu et le litige serait pour le moins délicate. Tantôt, le caractère sérieux du lien sera manifeste, tantôt, elle suscitera des controverses[1652]. Au demeurant, le refus de choisir un tribunal ne présentant aucun lien avec le litige apparaît paradoxal à partir du moment où les parties peuvent recourir à l'arbitrage. Or, dans ce domaine, les parties peuvent en principe choisir librement tant les arbitres que le lieu du siège du tribunal arbitral, et ce sans qu'il soit exigé qu'un lien unisse ce lieu avec l'affaire[1653]. La possibilité de désigner un tribunal sans lien avec le litige constitue d'ailleurs une alternative à l'arbitrage. Dénier cette possibilité aux parties ne leur laisserait d'autre voie que de celle de l'arbitrage[1654]. Car en matière de commerce international notamment, le choix d'un for neutre est assurément perçu comme une nécessité. La désignation d'un État n'ayant aucun rapport avec le litige permet d'écarter toute suspicion de partialité qu'une partie pourrait, à tord ou à raison, nourrir envers les juridictions de l'État de son cocontractant[1655]. L'argument de la neutralité est également évoqué en matière de compétence législative où les parties peuvent choisir la loi d'un pays tiers plutôt que celle du pays de l'un des cocontractants. Et au-delà de ces raisons psychologiques, il peut être utile de désigner un tribunal spécialisé dans un certains domaine, comme par exemple les juridictions anglaises en matière maritime[1656].

 

    526.— La doctrine est cependant loin d'être unanime[1657]. À l'encontre du choix d'un for sans lien avec l'affaire, il a parfois été invoqué le risque pour les tribunaux d'un État d'être encombrés. L'argument paraît marginal[1658]. Plus juste est l'idée selon laquelle la désignation d'un tribunal ne présentant aucun lien avec le litige serait l'expression d'un trop grand libéralisme[1659]. De fait, plus l'éloignement géographique du for élu sera important et plus les parties seront découragées d'engager une action en justice. Aussi a-t-il été proposé d'apprécier la validité de la clause désignant un for sans lien avec le litige à l'aune de la notion “ d'intérêt légitime ”. Dans cette perspective, le caractère illégitime de l'intérêt qu'ont les parties de désigner tel tribunal permettra d'annuler la clause[1660].

 

    Cette notion apparaît bien vague. Sans doute peut-elle être rapprochée de l'idée de fraude qui est parfois évoquée par la jurisprudence comme limitant la possibilité de recourir à une clause désignant un tribunal sans lien avec le litige, mais dans des affaires ou la clause a été validée[1661]. On ne sait donc pas en quoi consisterait cette fraude. Il nous semble que la clause d'élection de for stipulée dans l'intérêt exclusif de l'une des parties qui oblige à dessein l'autre contractant à saisir un tribunal très éloigné pourrait être perçue comme un procédé frauduleux destiné à faire en sorte que celui à qui la clause est imposée ne puisse agir en justice.  La preuve d'une telle fraude ne paraît pas évidente à rapporter. Aussi bien même si la clause n'a pas été insérée par l'une des parties dans le but de rendre particulièrement incommode la saisine du juge élu par son contractant, il nous semble qu'elle devrait tout de même être annulée si elle aboutit à un tel résultat. Car seul importe, en définitive, qu'une partie ne soit pas empêchée de saisir la justice[1662].

 

 

    527.— Conclusion du Chapitre II. Si la désignation du tribunal spécialement compétent correspond à la mise en œuvre d'une règle de compétence internationale spéciale, la désignation globale des tribunaux d'un ordre juridictionnel correspond à la mise en œuvre d'une règle de compétence internationale générale. Dans un cas comme dans l'autre, la possibilité de désigner un for neutre est admise en droit commun des conflits de juridictions et en droit conventionnel européen, bien qu'elle puisse se heurter dans certains ordres juridiques à la théorie du forum non conveniens. Sans aller jusqu'à préconiser l'adoption d'un mécanisme identique en droit français, il serait néanmoins souhaitable de pouvoir écarter la clause désignant un for neutre lorsqu'elle aurait pour conséquence de rendre particulièrement incommode la saisine du for élu par l'une des parties.

 

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    528.— Conclusion de la Deuxième Partie. Préfaçant, en 1965, la thèse de Mme Gaudemet-Tallon consacrée à la “ prorogation volontaire de juridiction en droit international privé ”, le Doyen Batiffol écrivait que “ le procédé du conflit de lois est, et restera sans doute, la méthode principale et la plus générale de solution des problèmes du droit international privé, mais il s'articule inéluctablement avec les règles "matérielles", donnant des solutions directes aux problèmes, au lieu de désigner seulement une loi à appliquer ”[1663]. Les propos tenus à l'époque par cet éminent auteur sont malheureusement contredits par l'évolution postérieure du droit positif. En effet, ce n'est pas en terme d' “ articulation ” qu'il convient d'observer les rapports entre la méthode conflictualiste et le procédé des règles matérielles de droit international privé, mais en terme d' “ éviction ”. Le procédé des règles de conflit de lois se trouve de plus en plus écarté, au point de n'occuper qu'une place limitée. Favorisée par le droit conventionnel européen, cette évolution ne paraît souhaitable que si la même règle matérielle est appliquée quel que soit le juge saisi du litige. Lorsque tel n'est pas le cas, c'est-à-dire en droit commun des conflits de juridictions, la méthode savignienne ne devrait pas être exclue car elle permet de garantir une meilleure prévisibilité des solutions.

 

    L'analyse des règles matérielles relatives à la formation de la convention d'élection de for révèle un assouplissement des conditions de validité de cette convention. Issu du droit conventionnel européen, ce mouvement — qui n'est pas sans influencer le droit commun des conflits de juridictions — traduit un recul de l'exigence d'un véritable consentement à l'élection de for qu'il convient de déplorer.

 

 


   

 

 

 

 

 

TROISIÈME PARTIE

 

 

LES EFFETS DE L'ÉLECTION DE FOR

 

 

 

 


   

    529.— Selon la conception que nous avons retenue, l'élection de for implique un contrat par lequel les parties s'obligent à saisir le juge qu'elles ont désigné et une règle de compétence faisant de la volonté commune des parties un critère de rattachement à un ordre juridictionnel[1664]. Les effets de l'accord d'élection de for peuvent alors se décliner de deux manières. En tant que contrat, cet accord engage les parties en les obligeant à saisir le juge qu'elles ont désigné. Mais en tant que chef de compétence, ce contrat a pour effet de mettre en œuvre la règle qui fonde la compétence de la juridiction désignée. Sans doute la mise en œuvre de cette règle de compétence constitue-t-elle la raison d'être de la rencontre des volontés, l'opération que les parties ont entendu réaliser : à quoi bon en effet s'obliger à saisir un juge en particulier si ce juge ne peut à ce titre retenir sa compétence ? Et sans doute, également, la force obligatoire de l'accord d'élection de for dépend-elle en grande partie de la question de savoir dans quelle mesure le juge saisi est obligé de retenir ou d'écarter sa compétence : à quoi bon en effet s'obliger à saisir un juge en particulier si ce juge peut discrétionnairement décider de ne pas retenir sa compétence ? C'est pourquoi, envisagée dans son ensemble, l'analyse de la portée de l'élection de for se rapporte davantage à son effet juridictionnel — selon lequel le juge élu est compétent et le juge exclu est incompétent — qu'à l'effet du contrat entre les parties qui, somme toute, appelle assez peu de commentaires. Sinon pour rappeler que les cocontractants sont obligés de saisir le juge élu et que la violation de l'accord par l'un d'eux devrait entraîner sa condamnation à payer des dommages et intérêts[1665]. Les relations entre l'élection de for et les tiers s'avèrent en revanche beaucoup plus fécondes. Il n'est pas rare, en effet, qu'un litige mette en cause plusieurs plaideurs dont certains seulement ont conclu entre eux un accord d'élection de for, ou qu'une partie à un tel accord veuille s'en prévaloir auprès d'un tiers lorsque le différend qui les oppose concerne un contrat dans lequel il a été stipulé. Aussi bien, après avoir analysé l'effet juridictionnel de l'élection de for (Chapitre I) sera-t-il question de l'élection de for et des tiers (Chapitre II).

 

 

 

 

 

CHAPITRE I

 

L'EFFET JURIDICTIONNEL

 

 

 

 

 

    530.— Si l'élection de for a pour effet de conférer au juge élu une compétence en principe exclusive, cette compétence ne s'étend qu'au domaine que les parties ont entendu attribuer à leur accord de volontés. Le juge saisi d'un litige entrant dans le champ d'application d'un accord d'élection de for licite et valable ne peut donc écarter sa compétence au motif qu'il jugerait sa saisine inopportune. L'assouplissement considérable des conditions de validité de l'accord d'élection de for, associé au fait qu'il constitue le plus souvent un contrat d'adhésion et ce même entre professionnels, incite toutefois à s'interroger sur l'éventualité d'un contrôle de ses effets processuels, en permettant au juge saisi de ne pas en tenir compte lorsqu'un tel accord s'avère particulièrement incommode pour l'une des parties. Dès lors, après avoir abordé l'étude de l'exclusivité de la compétence du juge élu (Section I) ainsi que l'étendue de cette compétence (Section II), l'on se demandera dans quelle mesure il pourrait être envisagé d'en contrôler les conséquences processuelles (Section III).

 

 

    Section I

La compÉtence exclusive du juge Élu

 

 

    531.— Affirmée par la doctrine et par la jurisprudence en droit commun des conflits de juridictions[1666], l'exclusivité de la compétence fondée sur la volonté commune des parties résulte en droit conventionnel européen de l'article 17 des Conventions de Bruxelles et de Lugano qui précise que le tribunal élu est seul compétent[1667]. La justification de cette exclusivité résulterait de ce qu'elle se présente “ comme l'effet, sur le plan de la compétence, du principe d'autonomie, principe du droit international privé matériel — dont la loi d'autonomie est l'effet sur le plan des conflits de lois ”[1668]. C'est donc parce qu'elle procède d'un accord de volontés que la compétence du juge élu doit être considérée comme exclusive, “ le respect des prévisions des parties, spécialement lorsqu'elle sont fondées sur un accord librement consenti, est en effet un impératif     fondamental ”[1669].

 

    Située à la croisée de la compétence directe et de la compétence indirecte, la notion de compétence exclusive se laisse difficilement appréhender. Envisagée dans son acception traditionnelle, c'est-à-dire en matière de compétence indirecte, elle signifie que toute décision étrangère est considérée comme ayant été rendue par une juridiction incompétente, et ne peut donc être reconnue en France, lorsque la compétence des juridictions françaises est fondée sur une clause d'élection de for. Mais la qualification de compétence exclusive peut également être accordée à une règle de compétence internationale directe afin que lui soit affectée une force supérieure aux autres[1670]. L'exclusivité de la compétence fondée sur la volonté commune des parties permet ainsi de justifier le caractère obligatoire de l'élection de for pour le juge élu. Aussi bien conviendra-t-il d'appréhender la compétence exclusive du juge élu tant en matière de compétence directe (§1), qu'en matière de compétence indirecte (§2).

 

§1 - L'exclusivité en matière de compétence directe

 

    532.— L'exclusivité attribuée à la compétence directe du juge élu confère à l'élection de for un caractère obligatoire pour le juge saisi. Ainsi, lorsque le tribunal saisi est le tribunal désigné par les parties, l'élection de for oblige ce juge élu à statuer. Cette solution tombe sous le sens tant l'inverse, par l'insécurité juridique qu'elle engendrerait, réduirait à peu de chose l'utilité pratique des accords d'élection de for : si la principale justification du principe de licéité se trouve dans l'affirmation que la clause d'élection de for permet d'écarter les incertitudes relatives à la détermination de la compétence juridictionnelle, ce n'est pas pour que la compétence de la juridiction désignée soit laissée à la discrétion du juge élu. Telle est précisément la raison pour laquelle la théorie du forum non conveniens issue du droit anglo-américain constitue une menace pour les accords d'élection de for. On relèvera néanmoins que cette solution mit un certain temps à s'imposer en droit positif. En effet, au XIXe siècle la jurisprudence admettait que si des étrangers pouvaient dans certains cas désigner les tribunaux français, cette désignation n'emportait pas pour le juge saisi l'obligation de statuer, ce dernier pouvant à son gré accepter ou refuser de trancher le litige[1671]. Vivement critiquée en doctrine, cette jurisprudence fut abandonnée lorsque la Cour de cassation mit un terme, dans l'arrêt Patiño rendu en 1948, au principe d'incompétence des tribunaux français pour connaître des procès entre étrangers[1672]. Depuis lors, la positivité du caractère obligatoire de l'élection de for à l'égard du juge élu n'est guère contestée[1673].

 

    533.— Lorsqu'en revanche le juge saisi n'est pas le juge désigné par les parties, la question peut se poser de savoir s'il peut ou s'il doit se déclarer incompétent. Avant le nouveau Code de procédure civile la jurisprudence semblait se prononcer en faveur de l'obligation pour le juge saisi de soulever d'office son incompétence[1674]. Mais depuis l'article 92 du nouveau Code de procédure civile, la déclaration d'incompétence du tribunal est rendue facultative “ lorsque l'affaire échappe à la connaissance de la juridiction française ”. Bien que ce texte ne laisse place à aucune exception, un esprit de coopération internationale devrait conduire le juge français à se déclarer incompétent dès lors que l'accord d'élection de for qui désigne une juridiction étrangère est licite et valable. En effet, la désignation d'une juridiction étrangère implique la négation de toute compétence émanant des tribunaux des autres États. Encore faudrait-il, pour ce faire, que la compétence fondée sur la volonté des parties soit considérée comme étant exclusive par le droit du juge étranger désigné. Afin de décider du caractère exclusif de la compétence de la juridiction étrangère, il a pourtant été suggéré d'interroger la loi applicable à l'accord d'élection de for[1675]. Cette solution reviendrait à appliquer dans certains cas une loi autre que celle du juge élu afin de déterminer l'exclusivité de sa compétence. Or, si l'on considère que la loi de l'État dont les tribunaux sont élus est la seule qui ait vocation à admettre ou à refuser le principe même de la compétence de ses organes juridictionnels[1676], c'est également la loi de cet État qui devrait préciser si cette compétence est ou non exclusive[1677].

 

    La solution nous paraît différente en droit conventionnel européen dans la mesure où le caractère exclusif de la compétence fondée sur la volonté des parties s'impose à tous les États contractants, qu'ils soient exclus ou élus, dès lors que l'accord d'élection de for désigne le tribunal ou les tribunaux d'un État contractant et que l'une des parties au moins est domiciliée dans le territoire d'un État contractant. Il n'est pas sûr, dans ces conditions, que la Convention de Bruxelles permette au juge d'appliquer une disposition de son droit interne qui ne l'obligerait pas à se déclarer incompétent lorsque le tribunal d'un autre État contractant se voit attribuer par l'article 17 une compétence exclusive.

 

    Toutefois lorsqu'aucune des parties n'est domiciliée sur le territoire d'un État contractant tandis que la clause désigne le tribunal ou les tribunaux d'un État contractant, l'article 17, alinéa 2, indique, dans le cas où le tribunal d'un autre État contractant aurait été saisi au mépris de la clause, que ce tribunal doit surseoir à statuer tant que le juge élu n'a pas décliné sa compétence[1678]. Cette obligation ne s'impose au juge saisi qu'à la condition que la clause soit conforme aux prescriptions de forme de l'article 17[1679]. Ce texte a pu être interprété comme traduisant “ l'absence d'exclusivité du tribunal choisi ”[1680], ce qui peut sembler excessif. Certes, le juge saisi ne se déclare pas d'emblée incompétent puisqu'il doit surseoir à statuer. Mais il va de soi que si le juge élu s'estime compétent, les tribunaux des autres États contractants ne peuvent retenir leur compétence. En ce sens, la compétence du juge élu apparaît bien comme étant exclusive, même si cette exclusivité ne produit ses effets qu'après que le tribunal élu ait statué sur sa propre compétence.

 

    534.—  Il est également possible de considérer, toujours dans l'hypothèse où le juge saisi n'est pas le juge désigné par les parties, qu'une “ prorogation tacite ” ait résulté du “ comportement procédural ” adopté par le défendeur. Il en est ainsi selon l'article 18 des Conventions de Bruxelles et de Lugano lorsque le demandeur saisit un tribunal incompétent et que le défendeur comparait sans en contester la compétence. Dans ce cas, précise le texte, “ le juge est compétent ”. L'article 92 du nouveau Code de procédure civile ne peut donc être appliqué puisque la juridiction française saisi au mépris de la clause d'élection de for est devenue compétente[1681]. Il reste que cette solution ne vaut que si l'article 18 des Conventions de Bruxelles et de Lugano est applicable. Ce texte ne se référant à aucune condition de domicile, la comparution du défendeur devant le juge d'un territoire contractant serait suffisante pour entraîner son application[1682]. Si cette interprétation était retenue, le juge français ne pourrait jamais soulever d'office son incompétence lorsque la prorogation tacite intervient dans le domaine matériel de la Convention de Bruxelles. Mais à partir du moment où l'article 18 ne déroge pas expressément à l'article 4 — qui fait du domicile du défendeur sur le territoire d'un État contractant une condition d'application de la Convention de Bruxelles—, il est permis de penser que la comparution du défendeur ne vaudra “ prorogation tacite ” que s'il est domicilié sur le territoire d'un État contractant[1683].

 

    Sans doute l'hésitation demeure-t-elle permise tant que la CJCE ne s'est pas encore prononcée. De notre point de vue, il ne serait pas souhaitable que la possibilité pour le juge de soulever d'office son incompétence puisse dépendre de la position procédurale de la partie domiciliée sur le territoire d'un État contractant. Si l'on peut, à certaines conditions, considérer que “ le comportement procédural ” du défendeur entraîne une “ prorogation tacite ”, alors le juge ne devrait jamais pouvoir être en mesure de soulever d'office son incompétence. Admettre le contraire reviendrait à laisser au juge la possibilité de ne pas statuer s'il ne lui paraît pas souhaitable de se prononcer dans le litige. Or, si le juge ne peut accepter ou refuser de trancher le litige selon son bon vouloir lorsqu'il est désigné par un accord exprès, il devrait en être de même lorsque sa compétence est fondée sur un accord tacite. D'aucuns pourraient répliquer que la compétence issue d'une “ prorogation tacite ” peut paraître “ fragile ” à bien des égards, justifiant ainsi que le juge puisse en apprécier le bien-fondé. Mais si le défendeur comparaît sans contester la compétence du juge élu, n'est-ce pas la marque que le choix de juridiction saisie par le demandeur ne lui est pas apparu comme déraisonnable ou incommode ? Tel n'est assurément pas le cas lorsque le défendeur ne comparaît pas. Dans une telle hypothèse, le juge devrait être obligé, et non simplement avoir la faculté, de se déclarer incompétent.

 

    535.— On relèvera enfin l'incidence du caractère exclusif que revêt la compétence du juge désigné relativement à la mise en œuvre de l'exception de litispendance internationale. Rappelons qu'une situation de litispendance internationale suppose que le juge français ait été saisi en second d'une instance entre les mêmes parties, ayant le même objet et la même cause que celle engagée devant le juge étranger. Longtemps refusée par la jurisprudence, l'admission de l'exception de litispendance internationale a été consacrée en droit commun des conflits de juridictions par la Cour de cassation en 1974, sauf lorsque “ la décision à intervenir n'est pas susceptible d'être reconnue en France ”[1684]. Cette limitation ne concerne pas le droit conventionnel européen qui n'exige comme condition d'existence d'une situation de litispendance qu'une identité de partie, de cause et d'objet. Toutefois, la mise en œuvre de cette exception a évolué en fonction des versions successives de la Convention de Bruxelles. Alors qu'il était prévu, dans la version initiale de ce Traité, que le juge saisi en second devait se dessaisir en faveur du juge saisi en premier, la nouvelle rédaction de l'article 21 issue de la Convention de San Sebastian (reprenant celui la Convention de Lugano) prévoit que le juge saisi en second doit surseoir à statuer tant que la compétence du juge saisi en premier n'est pas établie. Ce n'est que si le juge saisi en premier s'estime compétent que le juge saisi en second doit se dessaisir.

 

    En matière d'accord d'élection de for, la question de la litispendance doit être envisagée dans deux hypothèses[1685]. Tout d'abord, lorsque le juge français élu est saisi en second alors qu'une juridiction étrangère saisie en premier a retenu sa compétence internationale en dépit de l'existence de la clause d'élection de for. Si l'on se place sur le terrain du droit commun des conflits de juridictions, il apparaît que l'exception de litispendance ne saurait être accueillie : la compétence du juge élu étant exclusive, aucune décision étrangère n'est susceptible d'être reconnue. La solution ne diffère pas en droit conventionnel européen, même si le raisonnement pour y parvenir diffère dès lors qu'il n'est pas tenu compte de la possibilité de reconnaissance de la décision étrangère à intervenir : en principe, la juridiction saisie en second devrait surseoir à statuer et attendre que le juge saisi en premier se prononce sur sa compétence. Cela suppose toutefois que la compétence du premier juge soit établie. Or, cette compétence ne peut être établie puisque la juridiction saisie en second se voit attribuer une compétence exclusive en raison de l'élection de for[1686]. À partir du moment où les deux juridictions saisies du même litige ne sont pas toutes deux compétentes, aucune situation de litispendance n'a pu se constituer.

 

    Mais il se peut également que le juge français soit saisi en second alors que la juridiction étrangère saisie préalablement du litige a été désignée par l'accord d'élection de for. Si le juge français doit, dans une telle occurrence, se dessaisir de l'affaire, il ne nous semble pas que cela puisse se faire sur le fondement de l'exception de litispendance internationale. En effet, la recevabilité de l'exception de litispendance suppose que les deux juridictions soient compétentes d'après leurs règles nationales de compétence internationale directe[1687]. Or, si l'on reconnaît à la juridiction étrangère élue une compétence exclusive, la juridiction française exclue doit prononcer son incompétence. On ne se trouve donc pas en présence de deux juridictions compétentes mais d'une seule qui ne peut être que celle qui est située dans le for élu. Un raisonnement identique peut être soutenu en droit conventionnel européen. Dès lors que la juridiction saisie en premier est exclusivement compétente, celle qui est saisie en second ne peut être compétente[1688].

 

    536.— L'exclusivité de la compétence fondée sur la volonté des parties ne présente cependant pas un caractère absolu lorsque la clause d'élection de for n'a été stipulée qu'en faveur de l'une des parties. Dans ce cas en effet, la compétence du juge élu devient concurrente pour la partie qui bénéficie de la clause, mais demeure exclusive pour la partie qui n'en bénéficie pas. La partie bénéficiaire peut alors saisir n'importe quelle autre juridiction internationalement compétente tandis que son cocontractant n'a d'autre choix que de saisir le juge élu. Admise en droit commun des conflits de juridictions[1689], cette possibilité est expressément prévue à l'article 17, alinéa 5, de la Convention de Bruxelles (et à l'article 17-4 de la Convention de Lugano).

 

    La qualification de la clause d'élection de for stipulée au profit d'une seule partie n'est pas toujours facile à réaliser. Si, à notre connaissance, il n'existe aucune jurisprudence statuant sur ce point en droit commun des conflits de juridictions, cette question a en revanche déjà été évoquée par la CJCE[1690]. Selon la Cour de Justice, la qualification d'une telle stipulation doit être déterminée à partir de la commune intention des parties au moment de la conclusion du contrat. Pour ce faire, il faut  “ que la volonté commune d'avantager l'une des parties ressorte clairement, soit des termes de la clause, soit de l'ensemble des indices relevés dans le contrat ou des circonstances qui ont entouré la conclusion de celui-ci ” (motif n° 14). Le fait par exemple que la clause désigne le tribunal du domicile de l'une des parties “ ne suffit pas, en soi, eu égard à la multiplicité des motifs qui ont pu inspirer une telle stipulation, pour emporter la conclusion que la volonté commune a été d'avantager cette partie ” (motif n° 16) . Le contraire eut privé très souvent d'effet l'article 17 compte tenu du fait qu'il est fréquent qu'une clause désigne le tribunal du domicile de l'une des parties[1691]. D'autres éléments doivent donc venir corroborer cet indice. Il a ainsi été jugé que la clause désignant le tribunal du domicile d'une partie doit être considérée comme étant stipulée dans son intérêt exclusif dès lors qu'en l'absence de clause, les règles normales de compétence auraient été particulièrement favorables à son cocontractant[1692]. Sans doute cette recherche d'intention, qui relève du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond[1693], demeure-t-elle inévitable dès lors qu'est admis le caractère implicite de ce que la clause d'élection de for a été stipulée seule partie. Le moins que l'on puisse dire est qu'elle constitue un facteur d'insécurité juridique. C'est pourquoi il serait préférable de n'autoriser que la clause d'élection de for qui indique de manière expresse qu'elle est convenue en faveur d'une seule partie[1694].

 

§2 - L'exclusivité en matière de compétence indirecte

 

    537.— Un jugement étranger peut être rendu en accord ou au mépris d'une clause d'élection de for selon que la compétence directe du tribunal qui l'a rendu se fonde sur la volonté commune des parties ou n'en tient pas compte pour diverses raisons.  Dans un cas comme dans l'autre, le juge saisi au stade de la reconnaissance et de l'exécution d'une telle décision devra tenir compte de ce que la compétence du juge étranger s'appuie ou, au contraire, ignore la volonté commune des parties. Avant d'aborder l'étendue de ce contrôle, il y a lieu au préalable de rappeler dans leurs grandes lignes les conditions d'efficacité des jugements étrangers.

 

    En droit commun des conflits de juridictions, les principes applicables en matière d'efficacité des jugements étrangers ont été dégagés par les arrêts Munzer[1695] et Simitch[1696]. Sans entrer dans les détails de leur élaboration, on indiquera que ces conditions prétoriennes sont aujourd'hui au nombre de quatre, même si leur importance est variable[1697]. La première de ces conditions concerne la compétence du tribunal étranger. Elle se trouve remplie “ toutes les fois que la règle française de solution des conflits de juridictions n'attribue pas compétence exclusive aux tribunaux français ” et seulement si “ le litige se rattache d'une manière caractérisée au pays dont le juge a été saisi ”[1698]. La deuxième condition a trait au contrôle de la loi appliquée qui doit en principe s'effectuer d'après les règles françaises de conflit de lois. Critiquée en doctrine, la rigueur de cette solution est tempérée par la théorie de l'équivalence selon laquelle l'exequatur doit être accordée même si les règles de conflit françaises et étrangères diffèrent, dès lors que les lois étatiques qu'elles ont désignées aboutissent au même résultat. La troisième condition concerne l'ordre public international, envisagé tant dans sa dimension procédurale que dans sa dimension substantielle ; la quatrième condition étant l'absence de fraude (à la loi ou au jugement).

 

    Ces conditions sont en revanche considérablement assouplies en droit conventionnel européen[1699], applicable à toute décision rendue par une juridiction d'un État membre dès lors qu'elle entre dans les matières couvertes par la Convention, et ce même si la compétence directe du juge ayant rendu la décision se fonde sur le droit commun. Ainsi, la compétence du juge étranger n'est pas vérifiée sauf en cas de violation d'une règle de compétence exclusive de l'article 16 ou d'une règle relative à la compétence en matière d'assurance et de contrats passés avec les consommateurs. La compétence de la loi appliquée au fond n'est pas non plus contrôlée, sauf en matière d'état et de capacité des personnes, de régimes matrimoniaux, de testaments et de successions (article 27-4°). Concrètement, un jugement étranger sera écarté s'il est inconciliable avec un précèdent jugement (article  27-3° et 27-5°), si son contenu est contraire à l'ordre public (article 27-1°) ou si l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent n'a pas été signifié ou notifié au défendeur défaillant régulièrement et en temps utile, pour qu'il puisse se défendre (article 27-2°).

 

    538.— Dans ces conditions, l'examen auquel sera soumis la clause d'élection de for au stade de la reconnaissance de la décision étrangère, rendue en conformité ou en violation de cette clause, dépendra en grande partie de la manière avec laquelle la compétence fondée sur la volonté des parties sera appréhendée. Selon en effet que l'on insiste davantage sur l'aspect processuel ou sur l'aspect contractuel, la clause d'élection de for relèvera plutôt de la condition relative à la compétence du juge étranger ou de la condition relative au contrôle de la loi applicable. En ayant naguère envisagé cette question sous l'angle de la loi applicable à la clause d'élection de for en matière de compétence indirecte, Mme Gaudemet-Tallon se plaçait dans la perspective du contrôle du droit applicable[1700]. La compétence du juge étranger n'était certes pas ignorée puisqu'il était suggéré de l'apprécier selon la loi du juge requis. Mais cette suggestion avait pour but de renforcer l'opinion selon laquelle il serait “ préférable en matière de compétence internationale indirecte de soumettre la prorogation de juridiction à la loi désignée par la règle de conflit du tribunal étranger auquel cette prorogation a attribué compétence ”[1701]. On relèvera cependant que cette position fut soutenue alors que les arrêts Munzer et Simitch n'avaient pas encore été rendus, soit à une époque où la détermination de la règle de compétence indirecte était incertaine et controversée.

 

    Dans une thèse récente, Mme Coipel-Cordonnier se prononce en faveur de la prépondérance du rattachement juridictionnel[1702]. Estimant qu'au stade de la reconnaissance d'une décision, c'est l'effet juridictionnel, reconnu ou bafoué, de la convention de compétence qui se trouve au premier plan, cet auteur en déduit que l'examen de celle-ci “ s'inscrit essentiellement dans le cadre de la compétence de l'instance d'origine ”[1703]. Il s'ensuit que ce qui concerne l'admissibilité de l'accord d'élection de for doit être soumis aux principes inspirant la détermination des règles de compétence indirecte. La loi du for saisi “ devrait alors développer, pour l'hypothèse de la reconnaissance d'une décision, des règles d'admissibilité des conventions de juridiction plus souples que celles utilisées par le juge saisi au stade de l'appréciation de sa propre compétence ”[1704]. Dans cette perspective, “ la lex fori n'imposerait aux conventions de juridiction que les conditions d'admissibilité les plus importantes […]. En revanche, la loi du for saisi renoncerait à contrôler les autres aspects de l'admissibilité des conventions de juridiction, c'est-à-dire qu'à leurs propos, dans l'intérêt de l'efficacité de la décision, elle s'en remettrait à l'appréciation de l'instance d'origine [1705]. L'objectif ainsi affiché est de limiter autant que possible les griefs susceptibles d'être opposés au jugement étranger relativement à la clause d'élection de for, tout en maintenant un contrôle sur les conditions de licéité les plus essentielles. Cet objectif justifierait également, s'agissant de la formation de l'accord d'élection de for, “ un régime plus souple que celui normalement réservé aux questions de fond soulevées lors de la   reconnaissance ”[1706]. Et l'auteur de considérer que le désir de favoriser la reconnaissance d'une décision étrangère peut déboucher en matière de formation sur “ l'exclusion de tout contrôle du juge requis, celui-ci faisant confiance à l'appréciation de l'instance d'origine sur ce point ”[1707].

 

    539.— Les propositions de Mme Coipel-Cordonnier ne sont pas dénuées d'intérêt. On relèvera cependant que selon la démarche suivie par l'auteur — qui consiste à mettre l'accent sur les ressemblances entre les conventions d'arbitrage et d'élection de for — ces propositions concernent tout aussi bien la reconnaissance des jugements étrangers que la reconnaissance des sentences arbitrales. Au moment, néanmoins, de confronter ces suggestions à la réalité, seule la convention d'arbitrage est envisagée par l'auteur[1708]. Cette démarche pourrait laisser penser que la reconnaissance par le juge étatique d'une décision étrangère qui tient compte ou qui ignore un accord d'élection de for soulève les mêmes questions que la reconnaissance par le juge étatique d'une sentence arbitrale ou d'une décision étrangère rendue au mépris d'une sentence arbitrale. Tel ne nous semble pourtant pas être toujours le cas. Au stade de la reconnaissance, la convention d'élection de for soulève des difficultés qui lui sont spécifiques, ne serait ce qu'en raison du fait que la décision étrangère a pu méconnaître une clause désignant les tribunaux de l'État requis. Cela ne remet évidement pas en cause l'idée qu'en matière de reconnaissance, la convention d'élection de for intéresse principalement la compétence du juge ayant rendu la décision étrangère, sans pour autant, comme nous le verrons, que le contrôle de la loi appliquée soit définitivement écarté. Mais l'appréciation de la compétence de la juridiction étrangère ne se fera pas nécessairement de la même façon selon que les parties ont entendu exclure la compétence des juridictions étatiques au profit d'une juridiction arbitrale ou, au contraire, désigner laquelle des juridictions étatiques devra être saisie de leur litige. Dans cette perspective, l'on distinguera selon que la clause a désigné les tribunaux de l'État qui a rendu la décision, les tribunaux de l'État requis ou les tribunaux d'un autre État et ce tant en droit conventionnel européen qu'en droit commun des conflits de juridictions.

 

    540.— En droit conventionnel européen, le fait qu'une décision étrangère ait été rendue au mépris d'une clause d'élection de for ne constitue pas en principe un motif de non reconnaissance. En effet, le contrôle par le juge requis de la compétence du juge d'origine n'existe pas dans le cadre des Conventions de Bruxelles et de Lugano. Toutefois, à titre exceptionnel, le juge de l'État requis peut être amené à contrôler la compétence du juge de l'État d'origine lorsque la décision est rendue après l'entrée en vigueur, entre ces deux États de la Convention de Bruxelles alors que l'action a été intentée avant cette date[1709]. Limitée au droit transitoire, cette exception n'atteint que faiblement le principe de l'absence de contrôle de la compétence du juge de l'État d'origine.

 

    541.— Le droit commun des conflits de juridictions se montre en revanche beaucoup plus restrictif dans une telle situation. À partir du moment où la compétence fondée sur la volonté des parties présente un caractère exclusif, aucun tribunal étranger ne peut être compétent. De fait, si la clause d'élection de for désigne les juridictions françaises, le juge français requis devra considérer que le juge étranger était incompétent. Il devrait également en être de même si la clause désigne une juridiction étrangère autre que celle de l'État d'origine[1710]. Cette solution ne devrait cependant pas être appliquée si le défendeur a comparu devant le juge d'origine sans avoir soulevé son incompétence. L'on peut considérer dans ce cas qu'il y a eu accord tacite pour proroger la compétence du for saisi au détriment de la juridiction désignée par l'accord d'élection de for[1711]. Si tel n'est pas le cas, la décision d'origine ne devrait pas être considérée comme ayant été rendue par une juridiction incompétente. Il reste que la compétence du juge français (ou d'une autre juridiction étrangère) ne peut se fonder sur un accord d'élection de for licite et valable. En effet, si le juge d'origine n'a pu retenir sa compétence sans avoir dû au préalable annuler l'accord d'élection de for, il est possible que le juge français désigné par la clause l'aurait également annulé et, partant, se serait estimé incompétent, s'il avait été saisi en premier. Il apparaît en conséquence nécessaire de subordonner la reconnaissance du caractère exclusif de la compétence fondée sur la volonté des parties à l'examen par le juge requis de l'efficacité de l'accord d'élection de for. Cette appréciation, du reste, constitue le seul moyen de “ sauver ” la décision étrangère s'il s'avère que les motifs d'annulation de l'accord d'élection de for sont fondés.

 

    542.— Si l'on considère que la validité et la licéité doivent être dissociées, alors la validité de l'accord d'élection de for en tant qu'acte juridique ne nous paraît pas pouvoir être appréciée au titre de la compétence du juge étranger. Cette question, en effet, intéresse les conflits de lois et devrait par conséquent être soumise à la condition d'efficacité du jugement étranger relative au contrôle de la loi appliquée par le juge d'origine. Cette condition ne peut en revanche s'appliquer à la licéité de l'accord d'élection de for qui concerne au premier chef les conflits de juridictions. Il faudrait alors se placer sur le terrain de la compétence du juge étranger.

 

    À cet égard, on relèvera que l'arrêt Simitch ne permet pas d'appliquer les conditions d'admissibilité prescrites par la règle de compétence étrangère du juge ayant rendu la décision, fût-elle impérative. En effet, cet arrêt condamne la doctrine selon laquelle la compétence indirecte du juge étranger doit être contrôlée d'après les règles de compétence directe du pays d'origine de la décision. L'arrêt Simitch n'autorise pas non plus l'application des conditions d'admissibilité prescrites par la loi française. Cette solution revient en effet à “ bilatéraliser ” les critères français de la compétence directe fondée sur la volonté des parties pour apprécier la compétence du juge étranger. Or, la bilatéralisation des règles de compétence directe est condamnée par la Cour de cassation. Si l'on considère dès lors que les questions de compétence directe et indirecte sont indépendantes, seules les règles de compétence indirecte sont à même de dégager les critères devant être pris en compte pour apprécier les conditions d'admissibilité de l'accord d'élection de for. Dans cette perspective, l'annulation de la clause d'élection de for par le juge du pays d'origine de la décision serait appréciée du seul point de vue de la reconnaissance ou de l'efficacité de cette décision en France. Il s'agirait dans ces conditions de “ ne repousser que les décisions prononcées à partir de compétences inadmissibles ”[1712]. À titre d'illustration, l'on pourrait ainsi considérer comme acceptable la compétence du juge étranger dès lors que la saisine des juridictions françaises désignées par l'accord d'élection de for aurait porté atteinte à l'accès effectif à la justice d'une partie faible. Si, à l'inverse, la compétence étrangère ne profite qu'à une partie forte, l'on pourrait estimer qu'elle n'est pas admissible.

 

    543.— La reconnaissance par le juge français d'une décision étrangère rendue cette fois sur le fondement d'une clause d'élection de for ne devrait pas susciter de difficultés particulières. L'on rappellera qu'en droit commun des conflits de juridictions, la règle de compétence indirecte dégagée par l'arrêt Simitch postule que le litige se rattache d'une manière caractérisée au pays dont le juge a été saisi. Ce lien caractérisant le rattachement du litige “ est en l'occurrence établi et évalué au moyen de la méthode du groupement des points de contact ou du cumul des      indices ”[1713]. L'on pourrait alors se demander si la volonté commune des parties constitue en soi un indice suffisant pour fonder la compétence du juge élu ou si elle ne devrait pas être corroborée pas d'autres indices. À cet égard, s'il est généralement admis que la portée des indices pris en considération s'apprécie en fonction de la nature et de l'objet du contentieux. Il est donc tout à fait possible qu'un seul d'entre eux puisse être jugé particulièrement significatif eu égard à la matière litigieuse[1714]. De ce point de vue, la volonté commune des parties constitue à n'en point douter un indice suffisant dès lors notamment qu'il est admis que les parties ont la possibilité de choisir un for neutre.

 

    Encore faut-il que l'accord d'élection de for ne porte pas atteinte à une compétence exclusive des juridictions françaises, étant précisé que cette compétence exclusive à laquelle la clause déroge doit également être impérative sur le plan de la compétence directe. Rappelons en effet que les articles 14 et 15 du Code civil confèrent aux tribunaux français une compétence exclusive d'intérêt privé. Les parties ont la possibilité d'y renoncer, notamment au moyen d'une clause d'élection de for ou une clause d'arbitrage. Il reste alors à déterminer dans quelle mesure un critère de compétence jugé impératif sur le plan de la compétence directe, est également jugé exclusif sur le plan de la compétence indirecte[1715]. Sans doute les raisons pour lesquelles une compétence est jugée impérative peuvent elles également justifier qu'elle soit considérée comme exclusive. Mais il est désormais acquis que ces deux aspects ne sont pas nécessairement liés depuis que l'arrêt Simitch a jugé qu'en matière de divorce, l'article 1070 du nouveau Code de procédure civile, bien qu'impératif, ne donne pas une compétence exclusive aux juridictions françaises[1716]. Si le caractère exclusif des règles de compétence considérées comme impératives est indécis, il nous semble cependant qu'il devrait être admis lorsque l'impérativité de la compétence est destinée à protéger une partie faible. C'est nous semble-t-il le seul moyen d'assurer efficacement cette protection. Un jugement l'a admis en matière de contrat de travail[1717] et il serait opportun que la jurisprudence l'affirme sans ambages pour toutes les autres parties faibles, notamment les consommateurs. Cette exclusivité de la compétence devrait toutefois s'effacer si la partie faible a pris elle-même l'initiative de l'action intentée à l'étranger. Cette dernière ne devrait pouvoir remettre en cause la compétence du juge étranger alors qu'elle était demanderesse à l'instance[1718].

 

    544.— En droit conventionnel européen, la reconnaissance d'une décision étrangère rendue sur le fondement d'une clause d'élection de for ne suscite pas non plus de difficultés particulières. On relèvera cependant que si le juge requis n'a pas à contrôler la compétence de la juridiction étrangère, il est cependant tenu de vérifier que les règles de compétence en matière d'assurance, de contrats passés avec les consommateurs, ainsi que les règles de compétence exclusive prévues à l'article 16, ont été correctement appliquées par le juge d'origine. Il s'ensuit que la décision étrangère, dont la compétence est fondée sur une clause d'élection de for qui méconnaît ces compétences exclusives, ne sera pas reconnue. Si l'on peut se réjouir de voir ainsi respectées les règles de compétence protectrices de l'assuré et du consommateur[1719], on déplorera en revanche que les règles protectrices des travailleurs n'apparaissent pas dans cette énumération. La raison en est vraisemblablement qu'elles ne figuraient pas dans la première version de la Convention de Bruxelles et qu'elles ont depuis été rajoutées par la Convention de San Sebastian aux articles 5-1° et 17 au lieu qu'une section spéciale leur soit consacrée. Pour autant, rien ne justifie qu'une décision étrangère fondée sur une clause d'élection de for passée avec un travailleur soit reconnue alors qu'elle ne l'aurait pas été si la clause avait été passée avec un consommateur ou avec un assuré.

 

 

Section II

L'Étendue de la compÉtence du juge Élu

 

 

    545.— Si la compétence du juge désigné par la volonté, réelle ou supposée, des parties ne concerne que les litiges qui entrent dans le champ d'application de l'accord d'élection de for, la détermination de ce champ d'application s'avère parfois délicate, tant en ce qui concerne la matière (§1) que l'objet (§2) du litige.

 

§1 - Le domaine de l'élection de for eu égard à la matière du litige

 

    546.— Un exemple tiré d'un arrêt de la Cour de cassation permet d'illustrer dans quelle mesure la qualification du litige n'est pas sans lien avec la détermination du champ d'application de l'accord d'élection de for. En l'espèce, une société française exploitant des fonds de commerce d'habillement reprochait à son fournisseur italien — avec lequel elle avait antérieurement conclu des contrats de fournitures comportant une clause désignant les juridictions italiennes — son refus de lui vendre certains articles. S'appuyant sur la clause d'élection de for, le défendeur souleva l'incompétence internationale des juridictions françaises. Cette exception fut rejetée par la Cour d'appel, approuvée par la Chambre commerciale, au motif que le refus de vente “ constitue un fait de nature à engager la responsabilité délictuelle des auteurs du refus de vente            allégué ”[1720]. C'est dire qu'en l'occurrence la Cour de cassation considère que le domaine de la clause d'élection de for ne peut concerner que les relations contractuelles des parties. Il est certes possible de conclure un accord d'élection de for pour un litige de nature extra-contractuelle. Mais l'hypothèse d'un accord d'élection de for passé exclusivement en vue d'une action en responsabilité délictuelle est pratiquement d'école. Le plus souvent, en effet, l'accord d'élection de for n'est que l'accessoire d'un contrat. La compétence du juge élu ne devrait alors en principe se limiter aux seules actions qualifiées de contractuelles. L'on sera cependant amené à constater que la qualification contractuelle de l'action engagée, pour importante qu'elle soit, n'est peut être pas aussi décisive que l'on voudrait bien le croire de prime abord.

 

    547.— La question de savoir si la matière du litige est contractuelle peut parfois s'avérer problématique. Il se peut tout d'abord que les ordres juridiques concernés par le litige n'aient pas tous la même conception du contrat. Pour s'en tenir à l'exemple précité, si le droit français qualifie le refus de vente de délit civil, d'autres droits peuvent retenir une solution divergente, tel le droit allemand qui considère que la faute commise dans le cadre de pourparlers (culpa in contrahendo) engage la responsabilité précontractuelle de son auteur, distincte de la responsabilité délictuelle[1721]. Il se peut également qu'un droit national se montre hésitant. Les bégaiements de la Cour de cassation concernant l'indemnisation des accidents de quai — aujourd'hui retournée dans le giron de la responsabilité délictuelle[1722] alors qu'elle était naguère fondée sur le manquement à une obligation contractuelle de sécurité de moyens — sont là pour nous le rappeler. Au demeurant, l'émergence en droit positif de responsabilités qui dépassent la distinction des responsabilités contractuelle et délictuelle — tel le régime d'indemnisation en matière d'accident de la circulation ou la responsabilité du fait des produits défectueux — constitue un facteur de complexité non négligeable[1723]. Du reste, les hésitations que les notions de partie et de tiers suscitent parfois ne peuvent que compliquer la détermination de ce qui relève du contrat.

 

    548.— La qualification s'effectuant lege fori[1724], le juge français saisi du litige, qu'il soit exclu ou élu, devra appliquer la conception du contrat retenue par le droit français pour décider si le litige est bien de nature contractuelle. Cette méthode est cependant écartée en droit conventionnel européen, la CJCE s'étant prononcée en faveur d'une interprétation autonome de la notion de matière contractuelle[1725]. Bien que cette jurisprudence ait été rendue à propos de l'interprétation de l'article 5-1°, il est permis de penser que la notion de contrat retenue à cette occasion sera la même pour l'article 17, ainsi que pour les autres textes de la Convention de Bruxelles faisant référence au contrat, telles les dispositions relatives à l'assurance et aux contrats conclus avec les consommateurs.

 

    La démarche de la Cour de Justice semble ainsi s’inspirer des thèses universalistes de Rabel[1726]. D’après cet auteur, en effet, le droit des conflits doit disposer de concepts autonomes et universels formés à partir du droit comparé. Cette thèse, si elle supprime les conflits de qualifications, fut jugée utopiste en raison notamment des difficultés qu’éprouveraient les juges nationaux à posséder suffisamment d’éléments de droit comparé et en raison des risques de subjectivisme et d’arbitraire des juges chargés d’élaborer ces concepts autonomes[1727]. Le fait que dorénavant une juridiction supranationale composée de juges issus de systèmes juridiques différents dégage ces concepts autonomes prive en grande partie ces critiques de leur pertinence.

 

    549.— Bien que la Cour de Justice ait adopté une notion communautaire de la matière contractuelle, elle n'a pas, semble-t-il, donné de définition générale du contrat. Cette démarche a généralement été approuvée par la doctrine[1728], même si “ le corollaire inévitable est un risque d'incertitude dans de nombreux cas ”[1729]. Aussi la jurisprudence doit-elle, au gré des espèces, définir les contours de cette notion, ce qui est somme toute inévitable à partir du moment où le parti pris consiste à ne pas se référer aux droits nationaux des États contractants. L'on pourrait toutefois se demander si la formule utilisée dans l'arrêt du 17 juin 1992[1730], selon laquelle la notion de matière contractuelle “ ne peut être comprise comme visant une situation dans laquelle il n'existe aucun engagement librement assumé d'une partie envers une autre ”[1731], ne constituerait pas une définition du contrat. D'aucuns n'y ont vu qu'une indication “ susceptible d'être utilisée dans d'autres affaires ”[1732]. Le fait pourtant que la jurisprudence se réfère à cette formule pour déterminer si le litige concerne ou non la matière contractuelle[1733] laisse penser qu'il y a là au moins un critère du contrat.

 

    550.— Si l'on met de côté les questions relatives aux notions de parties et de tiers qui seront ultérieurement évoquées[1734], la CJCE n'a été amenée à affirmer l'autonomie de la notion de matière contractuelle que dans deux hypothèses. La première de ces hypothèses concerne la nature juridique de l'association, question controversée s'il en est puisque certains droits étatiques considèrent qu'elle relève du contrat, d'autres de l'institution, voire hésitent entre ces      qualifications. La Cour de Justice — après avoir relevé les similitudes entre les liens unissant l'association à ses adhérants et ceux qui unissent les parties à un contrat — a considéré dans l'arrêt Peters c/ ZNAV que “ les obligations ayant pour objet le versement d'une somme d'argent et trouvant leur fondement dans le lien d'affiliation existant entre une association et ses adhérants doivent être regardées comme relevant de la matière contractuelle au sens de l'article 5-1° de la Convention ” (motif n° 15)[1735]. Sont ainsi comprises dans la matière contractuelle non seulement les obligations qui découlent des statuts mais également les obligations qui découlent d'une décision d'un organe de l'association. Cette solution a depuis été étendue à une demande en paiement des charges de copropriété d'un immeuble[1736] et surtout aux relations entre une société et ses associés[1737].

 

    Par la suite, dans l'arrêt Arcado c/ Haviland[1738], la CJCE a considéré que relève de la matière contractuelle une demande en paiement de commissions dues en vertu d'un contrat d'agence commerciale, dans la mesure où elle “ a pour fondement même ce contrat ” — ce qui laisse penser que toute demande en paiement qui a pour fondement un contrat relève de la matière contractuelle —, ainsi qu' “ une demande de versement d'une indemnité compensatoire pour rupture abusive de ce même contrat, étant donné que cette indemnité trouve sa base dans le non respect d'une obligation contractuelle ”. La motivation de cette décision s'avère plus explicite que la première, la Cour de Justice s'étant tout d'abord référée au droit dérivé en invoquant une directive communautaire relative “ à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants ” qui consacre la nature contractuelle du droit de préavis de l'agent commercial[1739] et surtout à l'article 10 de la Convention de Rome “ qui vient confirmer la nature contractuelle d'une action judiciaire comme celle en cause en ce qu'il englobe dans le domaine de la loi applicable au contrat les conséquences de l'inexécution totale ou partielle des obligations qu'il engendre et par conséquent la responsabilité contractuelle de la partie à laquelle l'inexécution est imputable ”. Sans doute est-il alors permis de considérer que les questions expressément visées par l'article 10 de la Convention de Rome relèvent de la matière contractuelle[1740].

 

    551.— S'agissant, enfin, de la délimitation du domaine du contrat et du délit, la Cour de Justice, après avoir affirmé l'autonomie de la notion de matière délictuelle ou quasi-délictuelle au sens de l'article 5-3°, a considéré que “ la notion de "matière délictuelle ou quasi-délictuelle" comprend toute demande qui vise à mettre en jeu la responsabilité d'un défendeur, et qui ne se rattache pas à la "matière contractuelle" au sens de l'article 5, paragraphe 1 ” (motif n° 17)[1741]. Cette position a pu être critiquée au motif que la CJCE n'ayant pas donné de définition générale de la matière contractuelle, une démarche analogue aurait semblé plus logique pour définir la matière délictuelle ou quasi-délictuelle[1742]. Ce grief perd toutefois quelque peu de son intensité depuis que la Cour de Justice considère que l'on ne se trouve pas en matière contractuelle lorsqu'il n'existe aucun “ engagement librement assumé d'une partie envers une autre ”. Ce critère, à partir du moment où toute demande mettant en jeu la responsabilité du défendeur est considérée comme délictuelle parce qu'elle n'est pas contractuelle, doit également s'appliquer à la détermination de la matière délictuelle ou quasi-délictuelle.

 

    L'on pourrait alors se demander dans quelle mesure la nature contractuelle conférée en droit interne par la jurisprudence à certaines obligations exprimant un devoir de prudence, de diligence et de loyauté pourrait toujours être qualifiée ainsi au regard de l'article 5-1° de la Convention de Bruxelles. Cette observation concerne principalement les obligations de sécurité, de conseil et de renseignement que la jurisprudence n’a pas hésité à “ découvrir ” dans certains contrats alors qu'elles n’y étaient pas stipulées[1743]. Ce “ forçage du contrat ”, tantôt fondé sur l'interprétation quelque peu “ divinatoire ” de la volonté des parties, tantôt sur l’article 1135 du Code civil qui lie au contrat “ toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa   nature ”, paraît difficilement compatible avec l'idée d'un engagement librement assumé d'une partie envers une autre. À supposer que de telles obligations ne relèvent pas de la matière contractuelle au sens de l'article 5-1° de la Convention de Bruxelles, un plaideur devrait alors saisir le for délictuel de l'action en réparation du dommage corporel lui ayant été causé par une chose dont la propriété lui a été attribuée par un contrat et le for contractuel pour l'action en garantie des vices cachés relative à cette même chose.

 

    Ce risque de dispersion du contentieux est d'autant plus sérieux que la CJCE n'a pas suivi les conclusions de l'avocat général qui proposait qu'en cas de coexistence d'obligations contractuelles et délictuelles dans un même litige, le juge saisi sur le fondement de l'article 5-1° puisse connaître de l'ensemble de l'affaire[1744]. La Cour de Justice estime en effet “ qu'un tribunal compétent au titre de l'article 5-3° pour connaître de l'élément d'une demande reposant sur un fondement délictuel n'est pas compétent pour connaître des autres éléments de la même demande reposant sur des fondements non délictuels ” (motif n° 19). L'on a pu avec raison souligner qu'il y a là “ un risque d'éclatement des compétences pour une même affaire ”[1745] que la CJCE estime néanmoins possible d'éviter en agissant pour le tout devant le for du défendeur ou en utilisant l'exception de connexité[1746].

 

    552.— Faut-il alors en conclure que la clause d'élection de for ne pourrait pas s'appliquer à une demande considérée comme étrangère à la matière contractuelle bien qu'en relation avec le contrat dans lequel elle se trouve stipulée ? L'affirmative, de notre point de vue, ne s'impose aucunement. En effet, si la qualification contractuelle de l'action constitue le préalable nécessaire à l'application d'une règle de compétence en rapport avec le contrat — tels les articles 5-1° de la Convention de Bruxelles et 46, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile —, l'on peut douter qu'il en soit toujours ainsi à l'égard de la règle de compétence qui fait de la volonté commune des parties un critère de rattachement à un ordre juridictionnel. Une telle règle intéresse un domaine plus vaste que la matière contractuelle. Elle a vocation à s'appliquer chaque fois que l'accord des parties ne heurte pas une compétence judiciaire internationale impérative. De fait, l'intervention de la volonté des parties n'est pas cantonnée à une catégorie bien précise. La compétence du juge désigné par une clause d'élection de for n'est donc pas nécessairement limitée aux seuls litiges qualifiés de contractuels. Et si rien n'empêche de considérer que le champ d'application de la clause d'élection de for déborde le champ d'application du contrat pour le compte duquel elle a été stipulée, on ne voit pas ce qui empêcherait les contractants d'englober dans le domaine de la clause des litiges qui, bien que n'étant pas qualifiés de contractuels, seraient en relation avec le contrat dans lequel elle est insérée. L'on songe par exemple au cas d'une demande de dommages et intérêts consécutive à l'annulation d'un contrat pour dol qui, en droit interne tout du moins, relève de la responsabilité délictuelle. De même pourrait-on envisager dans certaines circonstances l'application de la clause d'élection de for en matière de quasi-contrat lorsque le fait ayant donné naissance à l'obligation est en liaison avec le contrat contenant une clause d'élection de for, par exemple en cas de restitution de l'indu faisant suite à l'annulation d'un contrat[1747]. En d'autres termes, la clause d'élection de for ne doit pas seulement pouvoir s'appliquer aux litiges mettant en cause les obligations du contrat. Elle doit pouvoir également s'appliquer aux litiges mettant en cause la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle d'un cocontractant si ces litiges sont en relation avec le contrat dans lequel elle est stipulée.

 

    La discussion se déplace alors du terrain de la qualification de la matière du litige sur celui du contenu de l'accord d'élection de for. Il reste que l'on peut se poser la question de savoir quelle position adopter lorsque les parties n'auront pas précisé que leur accord d'élection de for s'applique aux actions en responsabilité consécutives à une annulation, à une demande en réparation d'un préjudice corporel, etc. L'on pourrait arguer du caractère accessoire de l'accord d'élection de for pour soutenir que dans le silence des parties, la compétence du juge élu est strictement limitée aux litiges qualifiés de contractuels. Mais une telle interprétation s'accorde difficilement avec l'idée selon laquelle la raison d'être des accords d'élection de for consiste justement à écarter toute incertitude quant à la détermination de la juridiction internationalement compétente. Or cette incertitude renaîtrait de plus belle si certaines demandes en relation avec le contrat, bien que qualifiées d'extra-contractuelles, se trouvent exclues du champ d'application de la clause d'élection de for. L'on peut alors raisonnablement présumer qu'en concluant un accord d'élection de for, l'attente légitime des parties n'a pas été que le règlement de leur litige soit éparpillé entre les tribunaux de différents États, mais, au contraire, ont été de soumettre les différends qui seraient en relation avec le contrat au seul tribunal qu'elles ont conventionnellement désigné.

 

§2 - Le domaine de l'élection de for eu égard à l'objet du litige

 

    553.— L'objet du litige, en matière d'accord d'élection de for, est circonscrit aux différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé (A/) et se trouve défini par le contenu que les parties ont donné à leur accord (B/).

 

 

 

 

 

    A/ Un litige circonscrit aux différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé

 

    554.— Limiter la portée de l'accord d'élection de for aux différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé consiste à empêcher qu'une partie impose à une autre une clause englobant toutes leurs relations à venir. Pour reprendre les termes de la Cour de Justice dans l'arrêt Powell Duffryn plc. c/ Wolfgang Pereit, cette exigence “ a pour objectif d'éviter qu'une partie soit surprise par l'attribution, à un for déterminé, de l'ensemble des différends qui surgiraient dans les rapports qu'elle entretient avec son cocontractant, et qui trouveraient leur origine dans des rapports autres que celui à l'occasion duquel l'attribution de juridiction a été convenue ” (motif n° 31)[1748]. Le but ainsi poursuivi est de protéger “ le justiciable contre lui-même en condamnant les prorogations dont il ne mesurerait pas l'ampleur ”[1749] et, surtout, la partie faible, même professionnelle, contre la partie forte qui voudrait lui imposer, pour tous leurs litiges, la compétence d'une juridiction donnée.

 

    Initialement inscrite dans la Convention de La Haye du 26 novembre 1965 sur les accords d'élection de for (article 1er, alinéa 1) et dans la Convention de La Haye du 1er février 1971 sur l'exécution des jugements en matière civile et commerciale — qui ne sont jamais entrées en vigueur —, cette exigence est aujourd'hui formellement mentionnée à l'article 17 des Conventions de Bruxelles et de Lugano[1750] et nous paraît sous-entendue en droit commun des conflits de juridictions. Cette opinion peut se fonder sur l'arrêt Verdol c/ G.I.E.S. à propos duquel il a été jugé que la clause d'élection de for insérée dans un contrat de représentation commerciale ne pouvait être appliquée à un contrat passé en marge de celui-ci et qui ne faisait pas référence directement ou indirectement à la clause[1751]. Se trouve ainsi exprimée l'idée selon laquelle la clause d'élection de for applicable aux relations contractuelles habituelles des parties ne peut ipso facto intéresser, de manière globale, à tous leurs contrats.

 

    555.— L'exigence d'un rapport de droit déterminé trouve particulièrement à s'appliquer à propos des contrats-cadres qui organisent les modalités de conclusion et le contenu de multiples contrats d’application à venir[1752]. La jurisprudence estime ainsi que la clause d'élection de for insérée dans les contrats passés en application d'un contrat-cadre ne peut être étendue aux litiges relatifs à ce contrat-cadre[1753]. Est-ce à dire, à l'inverse, que le contrat-cadre ne pourrait pas contenir une clause d'élection de for qui s'appliquerait non seulement aux litiges susceptibles de naître à propos de son exécution, mais également aux contrats d'application ? À ce sujet, la doctrine estime que la clause d'élection de for pourrait se référer à un rapport de droit futur si au moment de sa conclusion, la nature de ce rapport est suffisamment identifiable avant sa naissance. Dans cette perspective, “ si le même fournisseur approvisionne régulièrement le détaillant en une certaine marchandise, on peut admettre que l'accord puisse viser toutes les ventes successives ”[1754]. À notre connaissance la jurisprudence ne s'est pas encore prononcée, ce qui n'empêche pas de considérer ce point de vue comme étant raisonnable dès lors que les termes mêmes de la clause d'élection de for indiquent sans équivoque qu'elle s'applique aux contrats d'application.

 

    Cette exigence trouve également à s'appliquer dans les rapports entre une société et ses actionnaires. À cet égard, la Cour de Justice considère que la clause d'élection de for figurant dans les statuts d'une société et portant sur les différends nés ou à naître à l'occasion des rapports entre la société et ses actionnaires en tant tel est bien relative à “ un rapport de droit déterminé ”[1755]. Cette jurisprudence est certainement transposable à tous les groupements (association, etc.) dont les statuts comportent une clause d'élection de for.

 

    556.— D'une manière générale, la condition d'un rapport de droit déterminé est rigoureusement appliquée par la Cour de cassation lorsque deux parties ont conclu deux contrats distincts dont un seul contient une clause d'élection de for. Dans une affaire où avaient été conclus entre les mêmes parties un contrat d'agent commercial comportant une clause d'élection de for et un contrat de consultation et d'assistance commerciale qui n'en contenait pas, la Chambre commerciale a censuré l'arrêt de la Cour d'appel qui avait retenu que ces deux contrats, quoique distincts, devaient être tenus pour indivisibles et donc soumis au for élu, au motif que “ le contrat sur lequel les demandes étaient fondées était distinct de celui qui contenait une clause attributive de compétence et n'en comportait lui-même aucune ”[1756].

 

    Cette solution a été diversement appréciée par les auteurs. Mme Gaudemet-Tallon a ainsi estimé qu'à supposer qu'il y ait bien en l'occurrence deux contrats distincts, “ le fait que le second ait pour fondement le premier aurait dû conduire à reconnaître l'indivisibilité entre les deux et à en déduire que la prorogation de juridiction contenue dans le premier s'appliquait au litige portant sur le second ”[1757]. Cette opinion est combattue par M. Huet qui estime notamment que l'on ne saurait étendre contre la volonté des parties une clause d'élection de for à un contrat qui ne la stipule pas[1758]. Cette controverse doctrinale semble avoir un certain écho chez les juges du fond. Dans une affaire où un fournisseur avait contracté deux contrats avec deux sociétés différentes mais représentées par les mêmes personnes physiques et dont un seul contenait une clause d'élection de for, un arrêt récent de Cour d'appel de Paris a écarté l'application de la clause “ sous réserve toutefois du caractère indivisible du litige ”[1759].

 

    557.— L'analyse comparée de ces deux décisions mérite que l'on revienne sur la distinction entre l'indivisibilité du contrat et l'indivisibilité du litige. S'il y a en effet indivisibilité entre deux contrats, la clause d'élection de for insérée dans l'un d'eux devrait s'appliquer à l'autre dans la mesure où l'un et l'autre ne peuvent être séparés. Or, dans l'affaire jugée par la Chambre commerciale, les juges du fond avaient considéré que les contrats devaient être tenus pour indivisibles. À partir du moment où d'ordinaire les juges du fond disposent d'un pouvoir souverain pour apprécier si deux contrats forment un tout indivisible[1760] — et qu'en l'occurrence la Cour de cassation ne l'a pas, sous couvert de dénaturation, formellement dénié — il aurait été logique que la clause d'élection de for s'applique aux deux contrats.

 

    Il reste que si l'indivisibilité conventionnelle peut être expresse, elle peut également être tacite dès lors que la volonté des parties est certaine. L'on peut sur ce dernier point déplorer les réticences de la jurisprudence à considérer qu'il en est ainsi lorsque les mêmes parties concluent deux contrats dont l'un est le prolongement de l'autre. La Cour d'appel de Paris a ainsi jugé à propos de deux contrats successifs dont le second modifiait le premier que “ l'absence de référence du second à la clause attributive de juridiction insérée dans le premier [faisait] naître un doute sérieux sur l'intention commune des parties de maintenir ou non dans leur rapport l'application de cette clause ”[1761]. Pourtant, les modifications que la seconde convention apportait à la première n'affectaient en rien la clause d'élection de for[1762]. L'exigence d'une référence, si elle se comprend lorsque les contrats passés entre les mêmes parties n'ont rien en commun, ne paraissait pas s'imposer en l'espèce. Aussi peut-on se réjouir de constater que dans une affaire analogue, mais rendue en matière d'arbitrage, la Cour de cassation a censuré la Cour d'appel, qui avait refusé d'appliquer au contrat conclu en second la clause compromissoire stipulée dans le premier, au motif que le second contrat trouvait son origine dans l'inobservation du premier “ dont il était le complément de sorte qu'il entrait dans le champ de la clause d'arbitrage stipulée dans celui-ci ”[1763].

 

    S'il s'agit en revanche de deux contrats distincts, la clause d'élection de for ne devrait pas être étendue aux litiges relatifs au contrat dans lequel elle n'est pas stipulée. À moins que ce litige présente un caractère indivisible avec l'autre, l'indivisibilité étant entendue comme                        “ l'impossibilité d'exécuter simultanément les deux décisions qui interviendraient si les deux demandes n'étaient pas instruites et jugées par la même juridiction ”[1764]. Si l'on estime que pour ces raisons, le litige doit être concentré entre les mains d'un seul juge, il serait alors plus utile de faire prévaloir la juridiction désignée par la volonté commune des parties, certes pour l'un seulement des contrats, sur celle qui serait désignée par un autre critère de compétence. Les prévisions des parties seraient, de cette manière, davantage préservées.

 

    558.— L'exigence d'un rapport de droit déterminé suppose certainement le respect par les parties d'un certain formalisme. M. Droz l'avait déjà perçu, lui qui indiquait dans sa thèse que       “ sur le plan pratique, la disposition aura pour effet d'obliger à mentionner dans l'accord écrit ou dans la confirmation le type de rapport de droit visé par l'accord ”[1765]. Est-ce à dire que la clause devra toujours expressément mentionner le rapport de droit auquel elle s'applique ? L'on peut en effet se demander si  les “ relations d'affaires ” ou les “ usages du commerce international ”[1766], qui ont modifié la physionomie des formes de l'article 17, n'influeraient pas également sur la notion de rapport de droit. Déjà M. Droz, dont la thèse ne portait que sur la première version de la Convention de Bruxelles, avait pressenti que “ les usages commerciaux en vigueur dans chacun des États membres sauront adapter cette disposition à la physionomie du marché ”[1767]. L'on pourrait certes rétorquer que selon l'article 17 modifié par les Conventions d'adhésion, les habitudes des parties et les usages ne concernent que la forme de la clause et non sa portée. L'objection n'est, à la vérité, guère convaincante. Si des habitudes ou des usages permettent déjà de présumer que la clause a fait l'objet d'un consentement, ces mêmes habitudes et ces mêmes usages ne seront pas sans incidence sur la notion de  “ rapport de droit déterminé ”. Un usage qui établirait que les parties ont consenti à la clause d'élection de for insérée dans le contrat-cadre parce qu'elles ont conclu les ventes prévues par ce contrat-cadre, permettra sans doute de considérer que ces ventes successives sont comprises dans le  “ rapport de droit déterminé ” de la clause en question. Encore faudra-t-il, évidemment, établir l'existence de l'usage en question[1768].

 

    B/ Le contenu de l'accord d'élection de for

 

    559.— La détermination du contenu de l'accord d'élection de for soulève avant tout une question d'interprétation de la volonté commune des parties quant aux litiges pour lesquels un tel accord a été convenu. De ce point de vue, l'interprétation de la clause devrait, comme n'importe quelle stipulation contractuelle, être soumise à la loi choisie par les parties[1769]. Tout au plus pourrait-on suivre Mme Toubiana lorsqu'elle distingue l'interprétation du contrat, soumise à la lex contractus[1770], à l'interprétation des termes du contrat qui est en principe une question de fait que rien n'impose de rattacher à la loi du contrat. Dans cette perspective, le juge pourrait, par exemple, interpréter les termes du contrat en fonction du système juridique du pays de la langue employée, où encore selon les usages du monde des affaires[1771].

 

    Force pourtant est de reconnaître que le procédé conflictualiste ne paraît pas avoir pas les faveurs de la jurisprudence. Ainsi la Cour de Justice a-t-elle jugé dans l'arrêt Powell Duffryn plc. c/ Wolfgang Pereit que “ l'interprétation de la clause attributive de juridiction invoquée devant le juge national, afin de déterminer les différends qui relèvent de son champ d'application, incombe à ce dernier ” (motif n° 37)[1772], sans préciser si celui-ci doit se référer à la lex contractus. Cette solution paraît également s'appliquer en droit commun des conflits de juridictions. Cette impression peut se fonder sur le célèbre arrêt C.S.E.E. c/ Sorelec où la Cour de cassation a écarté le grief de dénaturation invoqué par le pourvoi au motif que “ pour déterminer la portée exacte de la clause attributive de compétence, la juridiction d'appel a recherché, par une analyse de l'ensemble des conventions, qu'elle avait été la commune intention des parties à cet égard ”[1773]. On constate en effet que la première chambre civile se réfère à la méthode d'interprétation du droit français — qui consiste selon l'article 1156 du Code civil à rechercher la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes — sans faire aucunement allusion à la loi applicable au contrat.

 

    Si comme nous le pensons, l'exclusion de la méthode conflictualiste est avérée, il faudrait alors s'en remettre à la loi du juge saisi, qu'il soit exclu ou élu. Les méthodes d'interprétation pouvant être différentes selon les systèmes juridiques, il pourrait s'ensuivre de fâcheuses divergences quant à la détermination du contenu de l'accord d'élection de for. S'agissant toutefois du droit conventionnel européen, les directives d'interprétation qui paraissent se dégager de la jurisprudence de la CJCE atténuent sensiblement cet inconvénient. La Cour de Justice a en effet jugé dans une autre affaire que le juge national devait prendre en considération “ les termes et le sens de la clause attributive de juridiction ”[1774], ce qui laisse penser qu'une méthode autonome d'interprétation de la clause d'élection de for est en train de s'élaborer.

 

    560.— La détermination du contenu de l'accord d'élection de for ne soulève en principe guère de difficultés lorsque les parties ont pris soin de préciser les litiges visés par un tel accord, à condition toutefois que la clause ne soit pas imprécise, équivoque ou ambiguë auquel cas son application sera écartée[1775]. L'on constate à ce sujet que la clause d'élection de for est interprétée strictement par la jurisprudence qui, d'une manière générale, se montre soucieuse du caractère limitatif de la clause et refuse d'étendre son application à des litiges qu'elle n'a pas mentionnés[1776]. Ainsi la clause d'élection de for relative aux litiges se rapportant à l'interprétation ou l'exécution d'un contrat ne concerne pas une demande en nullité du contrat[1777]. De même, une clause d'élection de for insérée dans les statuts d'une société et qui vise les contestations entre actionnaires “ au sujet ou à raison des affaires sociales ” est inapplicable aux litiges relatifs à la validité d'une remise d'actions[1778]. Enfin la clause d'élection de for insérée dans un contrat de travail international et qui se limite aux litiges nés sur le territoire étranger ne s'applique pas au litige né de la prolongation de l'absence du salarié à l'occasion d'un congé pris sur le territoire français[1779].

 

    561.— Une difficulté surgit lorsqu'une demande qui n'est pas nommément mentionnée dans le champ d'application de la clause est portée devant le juge élu par voie reconventionnelle. L'on songe par exemple à l'exception de nullité invoquée par le défendeur poursuivi pour inexécution du contrat alors que la clause d'élection de for ne vise que les litiges relatifs à l'exécution du contrat. Dans un tel cas, la question peut se poser de savoir si, en dépit des termes de la clause, les parties n'auraient pas souhaité que les demandes reconventionnelles puissent être soumises au juge élu[1780]. Si cette opinion peut se fonder sur le fait qu'il y aurait tout intérêt à ce qu'un seul tribunal soit saisi de l'ensemble du litige, elle contredit le principe selon lequel la clause d'élection de for doit être interprétée strictement.

 

    Aussi, une autre solution pourrait consister à appliquer la règle de compétence dérivée selon laquelle le juge saisi de la demande principale est compétent pour statuer sur une demande reconventionnelle. Une telle règle figure à l'article 70 du nouveau Code de procédure civile, qui déclare que de telles demandes ne sont recevables “ que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ” et à l'article 6-3° de la Convention de Bruxelles selon lequel le tribunal saisi de la demande originaire est compétent pour connaître “ d'une demande reconventionnelle qui dérive du contrat ou du fait sur lequel est fondée la demande originaire ”. Il importerait peu dans ces conditions que la demande reconventionnelle entre dans le champ d'application de la clause d'élection de for car ce n'est pas la volonté des parties qui fonde la compétence du juge saisi pour connaître de cette demande mais, précisément, la règle de compétence dérivée. Seulement, en principe, les clauses d'élection de for évincent les règles de compétence dérivée[1781] de sorte que si les termes d'une clause donnent à penser qu'elle ne s'applique pas à un litige en particulier, le défendeur ne saurait normalement présenter devant le juge élu une demande reconventionnelle y relevant.

 

    562.— La Cour de Justice a tenté de concilier ces deux approches dans l'arrêt Meeth c/ Glacetal[1782] où elle s'est prononcée en faveur d'une solution tenant compte à la fois de la volonté des contractants et de la nécessité de concentrer les litiges devant le même juge. Cette décision est cependant délicate à interpréter dans la mesure où il s'agissait d'une clause d'élection de for réciproque qui prévoyait que les litiges éventuels seraient plaidés devant les juridictions de l'État du domicile du défendeur. En l'espèce, alors que le vendeur avait saisi, conformément à la clause, le tribunal du domicile de l'acheteur d'une action en paiement, ce dernier répliqua par une demande reconventionnelle en dommages et intérêts et en compensation du prix de vente réclamé par le vendeur. Afin de savoir si la clause d'élection de for réciproque imposait à l'acheteur de saisir à son tour le juge du domicile du vendeur pour qu'il puisse être statué sur sa demande en compensation, où s'il pouvait malgré tout présenter cette demande reconventionnellement, la CJCE va se référer à la “ double finalité ” de l'article 17. D'un côté, la Cour de Justice considère que le juge doit tenir compte “ des exigences du respect de l'autonomie qui inspire l'article 17 ”. Pour ce faire, elle invite le juge national à prendre en considération “ les termes et le sens de la clause attributive de juridiction ”. Il s'agit donc en l'occurrence d'interpréter la volonté des contractants. Mais d'un autre côté, la CJCE affirme qu'il y a lieu de tenir compte également “ des besoins de l'économie de la procédure qui sont à la base de l'ensemble de la convention dans laquelle cet article est inséré ”. Il s'ensuit que l'article 17 ne saurait être interprété comme excluant “ la possibilité pour le juge saisi d'un litige en vertu d'une telle clause, de prendre en considération une compensation connexe au rapport de droit litigieux ”.

 

    563.— L'interprétation de cette décision s'avère délicate dans la mesure où la Cour n'indique pas lequel de ces deux critères doit prévaloir sur l'autre. La référence à la notion de compensation connexe ne facilite pas non plus la tâche de l'interprète. Outre que la notion de connexité est délicate à appréhender, son utilisation rend incertaine la place des “ besoins de l'économie de la    procédure ”. Si en effet les créances ne sont pas connexes, le juge élu n'est de toute façon pas compétent pour connaître de la compensation car elle a trait à un autre “ rapport de droit déterminé ”[1783]. Et si ces créances sont connexes, la notion “ d'économie de la procédure ” ne présente aucun intérêt puisque le juge peut “ prendre en considération une compensation connexe au rapport de droit litigieux ” s'il estime cette prise en considération compatible avec “ les termes et le sens ” de la clause[1784]. Le rôle de la volonté des parties étant déterminant il a été proposé “ que “ les besoins de l'économie de la procédure ” priment parfois la volonté individuelle ”[1785]. Pour ce faire, la doctrine, s'inspirant des conclusions de l'avocat général, a suggéré de distinguer selon la nature de la compensation. S'il s'agit d'une compensation légale, la demande en compensation se présente comme une véritable défense au fond. Le souci d'économie de la procédure doit alors l'emporter sur la volonté des parties et ce d'autant plus que les droits de la défense sont en cause. Mais en présence d'une demande de compensation judiciaire, qui constitue une demande reconventionnelle et non une demande au fond, le juge doit rechercher qu'elle a été l'intention des parties[1786].

 

    L'intention des parties ne serait donc prédominante que dans l'hypothèse d'une véritable demande reconventionnelle, alors que les considérations d'économie de la procédure l'emporteraient lorsqu'un moyen de défense est invoqué. Appliquée à notre hypothèse de départ, celle du défendeur qui invoque l'exception de nullité alors que la clause ne vise que les litiges relatifs à l'exécution du contrat, cette suggestion permettrait au juge élu de se prononcer sur la validité du contrat dans la mesure où la nullité invoquée par voie d'exception constitue un moyen de défense et non une demande reconventionnelle.

 

    564.— Lorsqu'en revanche les parties n'ont visé aucun litige en particulier, l'accord d'élection de for lacunaire doit être complété par le juge selon, comme nous l'avons précédemment évoqué, les règles d'interprétation du for. La clause d'élection de for étant le plus souvent l'accessoire d'un contrat, la compétence du juge élu devrait s'exercer à l'égard de tous les litiges relatifs au contrat dans lequel elle est stipulée[1787]. L'on devrait à cet égard considérer qu'un litige ayant pour objet l'annulation de ce contrat entre dans le champ d'application de la clause. Si les juges du fond semblent parfois hostiles à cette solution[1788], la Cour de cassation l'a admis à propos de la question de savoir si l'on est dans cette hypothèse en matière contractuelle au sens de l'article  5-1° de la Convention de Bruxelles[1789]. La position particulière occupée par la clause d'élection de for au sein d'un contrat, en ce qu'elle a trait au règlement des différends, justifie à elle seule que la compétence du juge élu s'applique à une demande en nullité du contrat, sauf bien sûr si les parties ont expressément écarté cette hypothèse. Admettre le contraire limiterait sensiblement l'intérêt pratique des accords d'élection de for.

 

    565.— L'on pourrait également s'interroger sur la compétence du juge élu en matière de mesures provisoires lorsque la clause d'élection de for est muette sur ce point. Si en effet la licéité des clauses couvrant des mesures provisoires est possible dans certains cas[1790], encore faut-il que le champ d'application de la clause englobe le contentieux du provisoire. Au nom du                “ principe du respect de l'unité judiciaire du contentieux du provisoire et du principal ”, une partie de la doctrine estime que, sauf disposition contraire, le juge français désigné pour statuer au principal devrait aussi être compétent pour trancher le provisoire lorsque la clause ne précise pas le type de litiges qu'elle vise[1791]. Telle semble avoir été la position de la Cour de cassation dans l'arrêt C.S.E.E. c/ Sorelec[1792]. Alors en effet que la clause indiquait sans autre précision que            “ toutes contestations seront soumises à la juridiction des tribunaux [libyens] , la Cour de cassation a approuvé la Cour d'appel d'avoir retenu que les parties étaient convenues de soumettre aux juridictions libyennes toute demande, même celle relevant des attributions du juge des référés. Cette position devrait également s'appliquer en droit conventionnel européen dès lors qu'il doit être tenu compte non seulement des termes, mais également du sens de la clause.

 

 

    Section III

Vers un contrôle des effets

de l'accord d'Élection de for

 

 

    566.— L'importance occupée par la clause d'élection de for au sein d'un contrat, en raison des conséquences processuelles qu'elle entraîne, devrait conduire a être particulièrement soucieux de la volonté des parties d'y adhérer. L'on a pu pourtant constater que tant en droit commun des conflits de juridictions qu'en droit conventionnel européen, la tendance est à un assouplissement des conditions de validité relatives à l'échange des consentements[1793]. Si ce libéralisme, qui se manifeste par l'émergence de règles de forme se référant aux habitudes des parties et aux usages du commerce international, apparaît adapté à la vie des affaires, l'affadissement de l'effectivité du consentement qui en résulte peut conduire à des abus. Se profile alors le risque de la clause d'élection de for qui procurerait un avantage injustifié à l'une des parties et que l'autre cocontractant n'aurait pas été en mesure de refuser. Ce risque abus peut a priori surprendre dans la mesure où les clauses d'élection de for sont limitées, et parfois exclues, lorsqu'elles sont passées entre une partie faible — consommateur[1794], assuré[1795], travailleur[1796] — et une partie forte. Ce serait toutefois oublier un peu vite que si un professionnel est en principe à même de défendre ses intérêts, il n'est pas nécessairement en mesure de se protéger efficacement contre un autre professionnel en situation de supériorité.

 

    Il se peut, tout d'abord, qu'un professionnel, en raison par exemple de la petite taille de son entreprise, n'ait pas la pratique des contrats internationaux et soit placé dans le même état d'ignorance qu'un consommateur. Il se peut, ensuite, que le professionnel soit contractuellement placé dans une situation de dépendance économique par rapport à un autre professionnel. Tel est le cas lorsqu'il a pour unique ou principal partenaire un contractant beaucoup plus puissant que lui[1797]. Ainsi certains contrats du secteur de la production (sous-traitance) et de la distribution (concession, franchise) instaurent des situations inégalitaires au profit de celui qui détient le pouvoir économique. Il en est également ainsi des personnes dont la situation économique se rapproche de celle d'un salarié. En effet, la recherche d'une plus grande souplesse de gestion des ressources humaines laisse apparaître dans certains secteurs les prémisses d'une nouvelle organisation du travail fondée sur le partenariat et la pluriactivité. Dans cette perspective, les entreprises auraient de plus en plus recours à des entrepreneurs individuels qui par définition ne bénéficient pas des garanties issues de l'existence d'un contrat de travail alors qu'ils se trouvent dans les faits engagés dans une relation de dépendance.

 

    L'on doit du reste constater qu'au-delà de ces hypothèses, bon nombre de contrats passés entre les professionnels sont des contrats d'adhésion. La raison en est probablement que le contrat d'adhésion est adapté à certains besoins de la vie économique[1798]. La rapidité des transactions, le nombre et la répétition de certains contrats impliquent en effet le plus souvent la rédaction de contrats rédigés à l'avance et imposés par un professionnel à son partenaire. Le professionnel qui rédige unilatéralement ses propres conditions générales peut alors être tenté d'abuser de cette situation pour y faire figurer des clauses stipulées à son seul avantage.

 

    567.— De fait, la question des clauses abusives entre professionnels connaît un regain d'intérêt en doctrine[1799]. De lege lata, leur éradication ne semble pas passer par une définition extensive de la notion de consommateur[1800], mais par une relecture, avec une perspective nouvelle, de certaines exigences issues du droit commun. L'on songe par exemple à la notion de cause dont le renouveau paraît illustré par l'arrêt Chronopost [1801].

 

    Elle passe aussi par l'exigence d'un équilibre minimum dont la sanction tient compte de l'application concrète de la clause supposée être la source du déséquilibre. L'on songe à la démarche suivie par la Cour de cassation en matière d'indétermination du prix[1802]. Estimant que la détermination du prix n'est plus une condition de validité du contrat-cadre, l'Assemblée plénière a affirmé la licéité des clauses de fixation unilatérale du prix tout en déclarant que l'abus dans la fixation du prix peut entraîner la résiliation du contrat-cadre et donner lieu à indemnisation. Pour certains auteurs, l'Assemblée plénière se livrerait à une nouvelle approche de la réalité contractuelle en reconnaissant ouvertement la possible inégalité structurelle du contrat qui justifierait la protection de la partie dépendante[1803]. Le vécu social et économique l'emporterait ainsi sur l'idéal égalitaire issu du dogme de l'autonomie de la volonté. Le contrat d'adhésion serait de cette façon perçu, dans certains cas du moins, comme un contrat de nature particulière.

 

    568.— De lege ferenda, cette démarche qui consiste à déplacer la question du terrain de la validité vers celui des effets, pourrait suggérer une mutation du régime des clauses d'élection de for. Dans cette perspective, il ne s'agirait pas de renouer avec plus de formalisme, ce qui serait perçu comme une entrave à la passation des contrats internationaux, mais de permettre à un professionnel placé dans un état de dépendance ou d'infériorité par rapport à son cocontractant de paralyser l'efficacité d'une clause d'élection de for licite et valable s'il est démontré qu'elle aboutit à le priver de son droit d'accès à la justice. La violation de ce droit, présentée dans l'arrêt Zapata de la Cour suprême des États-Unis[1804] comme le moyen d'écarter la clause d'élection de for, n'est somme toute que la traduction processuelle de la notion d'abus.

 

 Cette approche concrète des effets de la clause d'élection de for semble déjà connaître un certain écho chez les juges du fond. Analysant la jurisprudence rendue en matière maritime, Mme Rémond-Gouilloud affirme que ce qui préoccupe en réalité les tribunaux est le risque que la clause d'élection de for oblige une partie à “ aller plaider trop loin, en un for où la sécurité juridique est incertaine ou notoirement défavorable à ses intérêts ”[1805]. Et l'auteur de constater que dans certaines décisions ayant annulé une clause d'élection de for, “ sous couvert d'une appréciation du consentement du chargeur, [la clause] se trouve alors en réalité écartée en raison de ses effets ”[1806]. Si cette démarche traduit un certain pragmatisme de la jurisprudence, elle n'en demeure pas moins juridiquement critiquable en ce qu'elle s'appuie sur des arguments, tels l'existence du consentement ou le non respect du formalisme, qui n'ont rien à voir avec le contrôle auquel il est procédé. Aussi bien pourrait-on envisager un autre fondement juridique qui, concrètement, mais strictement, ne prendrait en compte que les effets choquants de la clause d'élection de for afin d'en écarter l'application.

 

    569.— Ce fondement juridique pourrait parfaitement avoir pour assise le droit fondamental d'accès effectif à la justice consacré par la CEDH à partir de l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme dont nous estimons envisageable l'applicabilité aux accords d'élection de for[1807]. Nous avions à ce sujet proposé de distinguer les parties pour lesquelles un procès engagé à l'étranger constitue un inconvénient normal et les autres plaideurs en nous fondant sur le critère de l'égalité des armes[1808]. Notre démonstration s'adressait alors essentiellement à celles qui se trouvent structurellement dans une situation de faiblesse, tels les consommateurs ou les travailleurs, afin que puisse être suggérée une modification de leur régime s'il se révèle insuffisamment protecteur. Une telle argumentation peut certainement être transposée dans les relations entre professionnels lorsqu'il apparaît que l'une des parties ne se trouve pas en mesure de discuter les termes de son contrat.

 

    Cependant le respect du droit d'accès à la justice ne doit pas déboucher sur  l'obligation d'écarter systématiquement les clauses d'élection de for dès lors qu'elles sont conclues entre un professionnel faible et un professionnel fort. L'obligation de garantir l'accès effectif à la justice nous paraît suffisamment respectée si le juge saisi a juridiquement la possibilité d'écarter la clause lorsqu'il est avéré que son application concrète porte atteinte à ce droit fondamental. En ce sens, l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme pourrait entraîner l'obligation pour les États de mettre en place un mécanisme de contrôle a posteriori des effets de la clause d'élection de for. Il appartiendra dans ce cas à la partie qui l'invoque de démontrer concrètement dans quelle mesure le fait d'être obligé, en raison de l'accord d'élection de for, d'introduire une instance à l'étranger constitue pour elle un inconvénient anormal.

 

    570.— Le reproche essentiel que l'on pourrait formuler quant à l'opportunité de mettre en place un tel mécanisme serait d'engendrer une trop grande incertitude dans le régime des clauses d'élection de for. Comment en effet admettre qu'une clause licite et valable puisse néanmoins être écartée ? Il ne faudrait pas cependant perdre de vue que la validité conférée à la clause vient essentiellement de l'assouplissement considérable de ses conditions de formation, notamment de forme, de sorte que la volonté commune des parties peut sembler moins réelle qu'il n'y parait. La compétence du juge élu, et corrélativement l'incompétence du juge exclu, ne devrait en principe se fonder que sur la volonté réelle de toutes les parties contractantes de souscrire à l'élection de for. À cet égard, le fait que le contentieux relatif aux clauses d'élection soit si abondant n'est pas uniquement dû à des plaideurs de mauvaise foi revenant sur leur parole donnée — l'explication est trop simple pour être convaincante —, mais traduit également le manque d'adhésion à la clause de la part de la partie à qui elle est “ opposée ”.

 

    Ces considérations suffisent à justifier la mise en place d'un contrôle concret des effets juridictionnels de la clause d'élection de for par le juge saisi. Il ne s'ensuit pas pour autant que la clause devra être écartée au motif qu'elle a été imposée par l'une des parties et que l'autre ne l'a pas véritablement acceptée, ou n'avait d'autres choix. Il s'agit en l'occurrence uniquement de savoir si cette clause est constitutive d'un abus de la part de celui qui l'impose, en ce sens qu'elle représente un inconvénient exorbitant pour l'autre partie. Si tel n'est pas le cas, il se pourra qu'une clause soit appliquée dans des hypothèses où, bien que considérée comme étant valable, l'on aurait pu douter de la réalité du consentement. Du reste la notion d'atteinte effective à l'accès à la justice doit être strictement appréhendée par les tribunaux. Cette démarche ne doit bien évidement pas signifier que la violation du droit d'accès est avérée toutes les fois que le juge saisi aurait pu être compétent en l'absence de toute clause. Il s'agit de déterminer si la saisine des tribunaux de l'État dont les juridictions sont désignées constitue un réel handicap au point que si le juge saisi n'écartait pas la clause, l'accès à la justice du demandeur ne serait qu'illusoire tant cette clause est dissuasive.

 

    En définitive, l'incertitude nous paraît davantage venir de la mise en œuvre du contrôle des effets juridictionnels de la clause d'élection de for que de l'existence même d'un tel contrôle. L'on pourrait craindre en effet que le juge, à travers l'examen des conséquences de l'élection de for, s'arroge le droit d'apprécier l'opportunité de sa propre compétence. L'on songe à cet égard à la doctrine anglo-américaine du forum non conveniens “ permettant à un tribunal normalement compétent de se dessaisir s'il s'estime non convenient et qu'un autre tribunal lui apparaît more convenient [1809]. Cette crainte peut être dissipée si, à la différence de la doctrine du forum non conveniens, le juge ne peut de sa propre initiative se saisir de cette question. Et de fait, à partir du moment où le contrôle des effets de la clause se justifie par la protection du droit d'accès à la justice, le juge saisi ne devrait pouvoir examiner ce point que si l'atteinte à ce droit est revendiqué par la partie qui s'en estime victime.

 

    571.— L'on pourrait néanmoins douter, à la lumière d'un arrêt récent, que la Cour de cassation souhaite s'engager dans un contrôle des effets de la clause d'élection de for. Dans un litige relatif à un contrat de distribution contenant une clause élisant les juridictions de Singapour, la première Chambre civile a estimé qu'il ne saurait être reproché à une Cour d'appel de ne pas avoir répondu aux conclusions qui invoquaient “ la nullité de la clause en ce que, impérative pour distributeur et facultative pour le concédant, elle consacrerait une rupture d'égalité des contractants ”  dès lors “ qu'en constatant la licéité de la clause attributive de compétence, la Cour n'a pas à répondre à des conclusions inopérantes se référant à une notion de rupture de “ l'égalité entre les parties au contrat ” ”[1810].  

 

    Il nous semble pourtant que la portée de cette décision ne doit pas être exagérée. Certes, la notion de “ rupture d'égalité ” utilisée par le demandeur au pourvoi signifie bien en l'occurrence que la clause était stipulée au seul bénéfice du concédant. Seulement, ce n'est pas le fait que la clause avantage l'une des parties qui doit être sanctionnée, mais le fait que cet avantage soit pour l'autre partie insurmontable. De ce point de vue, la Cour de cassation n'a pas dit qu'il importait peu que les juridictions étrangères désignées par la clause d'élection de for soient d'un accès peu commode pour le demandeur, au point que son droit d'accès à la justice s'en trouverait affecté. Elle a simplement rappelé qu'une clause d'élection de for stipulée en faveur de l'une des parties est licite, ce qui n'est pas contestable[1811]. À partir du moment où la Cour de cassation n'a pas été interrogée sur la compatibilité de la clause d'élection de for avec le droit d'accès à la justice de l'une des parties, il serait hasardeux d'en conclure que tout contrôle des effets juridictionnels est inenvisageable. Si tel était néanmoins le cas, il faudrait alors constater que la position de la Cour de cassation contredit le droit fondamental d'accès à la justice consacré par l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme.


 

CHAPITRE II

 

L'ACCORD D'ÉLECTION DE FOR ET LES TIERS

 

 

 

 

 

    572.— L'étude des effets de l'accord de volontés devrait logiquement trouver sa place après l'étude de l'effet juridictionnel de l'élection de for. Dans cette perspective, il serait banal d'aborder dans un premier temps les effets que cet accord produit entre les parties, puis dans un second temps ses effets à l'égard des tiers. Telle ne sera pourtant pas la démarche qui sera suivie dans la mesure où les effets de l'accord d'élection de for entre les parties appellent assez peu de remarques. Dire en effet que les parties sont liées par les obligations issues de l'accord des volontés et, partant, qu'elles sont obligées de saisir le juge élu ne présente guère d'originalité. Il en est de même que d'affirmer que, comme toute obligation contractuelle non exécutée, la violation de l'accord par l'un des cocontractants doit entraîner sa condamnation à payer des dommages et intérêts. Toutefois, cette condamnation ne résout pas l'obligation de saisir le juge élu qui, en tout état de cause, demeure compétent. L'on peut de surcroît constater que la question de la force obligatoire de l'accord d'élection de for n'est, à notre connaissance, pratiquement jamais évoquée en jurisprudence et en doctrine, témoignant ainsi probablement du peu d'intérêt, tant pratique que théorique, qu'elle présente.

 

    Tel n'est pas le cas, en revanche, lorsque le litige met en cause plusieurs plaideurs dont certains sont liés entre eux par un accord d'élection de for, ou lorsqu'une partie à un tel accord s'en prévaut auprès d'un tiers quand le différend qui les oppose concerne un contrat dans lequel il a été stipulé. C'est pourquoi l'on sera amené à distinguer entre l'élection de for et les tiers à l'instance, mais éventuellement parties l'accord (Section I), et l'élection de for et les tiers au   contrat (Section II).

 

 

 

Section I

L'Élection de for et les tiers À l'instance

 

 

    573.— Certaines règles de compétence permettent à une juridiction saisie de connaître, à l'initiative d'une partie, d'une autre demande qui en principe ne relève pas de sa compétence. On parle à leur sujet de compétence dérivée dont la principale justification consiste à assurer l'économie de la procédure et de permettre une bonne administration de la justice. Ces règles de compétence sont prévues par l'article 6 des Conventions de Bruxelles et de Lugano et sont issues en droit commun des conflits de juridictions de certains textes du nouveau Code de procédure civile étendus pour l'occasion à l'ordre international. Ces compétences internationales dérivées permettent notamment au demandeur de choisir, en cas de pluralité de défendeurs, le tribunal du domicile de l'un d'eux ou d'attraire devant la juridiction saisie de la demande originaire les personnes appelées en garantie ou en intervention.

 

    574.— Les rapports entre ces règles de compétences dérivées et les accords d'élection de for soulèvent deux questions[1812]. La première consiste à s'interroger sur le point de savoir si les compétences dérivées peuvent étendre aux tiers à la clause d'élection de for la compétence du juge élu. Si la réponse est assurément négative s'agissant de la compétence à l'égard des codéfendeurs, puisque le tribunal saisi doit nécessairement être celui du domicile d'un des défendeurs[1813], il n'en est rien en revanche en cas de demande en garantie ou en intervention dans la mesure où la compétence du tribunal saisi de la demande originaire, devant qui sont concentrées les demandes, peut parfaitement résulter d'un accord d'élection de for[1814].

 

    Toute autre est la question de savoir si une clause d'élection de for peut être tenue en échec par une règle de compétence dérivée. L'hypothèse concerne par exemple le cas du demandeur qui est lié par une clause d'élection de for avec l'un des codéfendeurs ou avec la personne appelée en garantie. Cette question ne soulève pas à proprement parler un problème d'opposabilité de la clause au tiers puisque ces derniers ne seront pas obligés de plaider devant le juge élu. Cependant, “ dans la mesure où la prorogation va, dans une instance mettant un tiers en jeu, se heurter aux règles normales de compétence qui devraient régir cette instance, on peut parler d'opposabilité de la prorogation aux tiers ”[1815].

 

    En définitive, il convient de distinguer ici le tiers à la clause du tiers à l'instance, même si l'on a pu à juste titre observer à ce sujet que “ les théories du procès et du contrat se rapprochent, ne serait-ce que par les difficultés nouvelles qu'elles rencontrent l'une comme l'autre, notamment pour dénouer les notions de parties et de tiers ”[1816]. En l'occurrence il s'agit de déterminer si, par exemple, la partie à la clause d'élection de for va demeurer tiers à l'instance engagée devant le juge saisi de la demande originaire. Il ne fait pas de doute en effet que si l'appelé en garantie est partie à une clause d'élection de for passée avec le demandeur, il est bien un tiers à l'instance engagée par ce dernier contre le défendeur. Il faudra alors déterminer si, initialement étranger à cette instance, il sera susceptible d'en devenir parties alors même que la clause désigne pour ce litige un autre juge. En ce qui concerne cette fois la compétence du juge du domicile de l'une des parties en cas de pluralité de défendeurs, la question sera de savoir si un autre défendeur, qui a conclu avec le demandeur une clause d'élection de for désignant un autre juge, pourra, en dépit de cette clause, devenir partie à l'instance. S'agissant de ces hypothèses, et d'autres, le principe est qu'en matière internationale les accords d'élection de for l'emportent sur les règles de compétence dérivée (§1). Mais comme bon nombre de principes, cette prévalence comporte certaines limites (§2).

 

§1 - Les accords d'élection de for l'emportent sur les règles de compétence dérivée

 

    575.— En droit conventionnel européen, le principe selon lequel la compétence fondée sur la volonté des parties l'emporte sur les compétences dérivées résulte de la lettre même de l'article 17 qui ne précise pas que “ la convention attributive de juridiction ” est sans effet si elle déroge aux compétences de l'article 6. Cette interprétation, conforme aux souhaits des rédacteurs de la Convention de Bruxelles[1817], a été à maintes reprises consacrée par la Cour de Justice qui considère que “ l'effet de la prorogation de compétence […] est d'exclure tant la compétence déterminée par le principe général consacré par l'article 2 que les compétences spéciales des articles 5 et 6 de la Convention ”[1818]. Il s'ensuit qu'en droit européen conventionnel “ le respect de la volonté des parties l'emporte sur les objectifs de concentration des compétences et d'économie de procédure ” [1819]. Dès lors, la clause d'élection de for l'emportera sur la compétence en cas de pluralité de défendeurs (article  6-1°), sur la compétence en cas de demande en garantie ou en intervention forcée (article 6-2°), sur la compétence en matière de demande reconventionnelle (article 6-3°)[1820] et sur la compétence de l'État où l'immeuble est situé en cas de jonction d'une action en matière contractuelle à une action en matière de droits réels immobiliers (article 6-4°). Cette dernière règle de compétence dérivée, issue de la Convention de Lugano et introduite dans la Convention de Bruxelles par la Convention de San Sebastian, n'existait pas lorsque la CJCE a affirmé que l'article 17 excluait les compétences de l'article 6. Pour autant, la doctrine estime que rien ne justifie que la règle de compétence de l'article 6-4° soit traitée différemment des autres règles de compétence dérivée. Il est probable, de ce point de vue, que le tribunal du lieu de la situation de l'immeuble ne pourra connaître de l'action contractuelle si le contrat comporte une clause désignant la compétence d'un autre for[1821].

 

    576.— La primauté, en droit commun des conflits de juridictions, de la clause d'élection de for sur les compétences dérivées, qui elle est aujourd'hui affirmée en jurisprudence, résulte, en revanche, d'une évolution tumultueuse du droit positif. Ce principe a d'abord été énoncé à l'égard de la compétence du tribunal du domicile de l'un des défendeurs en cas de pluralité de défendeurs[1822]. Sous l'empire de l'article 59, alinéa 4, du Code de procédure civile, la jurisprudence est restée longtemps incertaine, certaines décisions faisant prévaloir la clause sur la compétence dérivée alors que d'autres estimèrent que la clause ne faisait pas échec à cette compétence motif pris qu'elle était conforme à une bonne administration de la justice[1823]. Puis la jurisprudence fit prévaloir la clause désignant un tribunal étranger sur la compétence des juridictions françaises en cas de pluralité de défendeurs, position qui s'est maintenue sous l'empire de l'article 42, alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile[1824].

 

    577.— Avant le nouveau Code de procédure civile, la jurisprudence, dans son dernier état, estimait que la compétence du tribunal saisi de la demande originaire en cas d'appel en garantie ou d'intervention forcée s'effaçait lorsque le demandeur et le tiers avaient conclu une clause d'élection de for désignant un autre tribunal[1825]. Mais une disposition du nouveau Code de procédure civile allait raviver le débat. En effet, selon  l'article 333 de ce Code, le tiers mis en cause ne peut décliner la compétence territoriale de la juridiction saisie de la demande originaire    “ même en invoquant une clause attributive de compétence ”. En dépit du principe prétorien selon lequel les règles de compétence internationale sont issues des règles de compétence territoriale interne, les auteurs, dans leur majorité, estimèrent que la transposition de l'article 333 du Nouveau Code de procédure civile “ conduirait ici à sacrifier, de façon sans doute inopportune, les clauses de compétence dans l'ordre international ”[1826].

 

    Consciente de cette difficulté, la Cour de cassation s'est dans un premier temps prononcée contre l'applicabilité de ce texte aux clauses compromissoires au motif que “ l'obligation de procéder devant la juridiction saisie de la demande originaire ne s'impose au tiers mis en cause que si la contestation ne porte que sur la compétence territoriale ”[1827]. Puis, de manière beaucoup plus explicite, la Chambre commerciale a décidé que l'article 333 du nouveau Code de procédure civile, “ en ce qu'il ne permet pas au tiers mis en cause de décliner la compétence de la juridiction saisie de la demande originaire en invoquant une clause attributive de juridiction, n'est pas applicable aux relations  internationales ”[1828]. En s'écartant ainsi du principe d'extension des règles de compétence territoriale interne aux litiges internationaux, comme cela arrive quand la jurisprudence l'estime opportun, la Cour de cassation considère que le respect des prévisions des parties doit en matière internationale parfois l'emporter sur l'objectif d'économie de procédure et de bonne administration de la justice que poursuivent les compétences dérivées.

 

    578.— Mais si, tant en droit commun des conflits de juridictions qu'en droit conventionnel européen, la clause d'élection de for l'emporte sur les compétences dérivées, c'est à la condition, d'une part, qu'elle soit valable[1829] et, d'autre part, que les parties se soient prononcées en ce sens. Or la recherche de la volonté des parties peut s'avérer hasardeuse si la clause ne précise pas qu'elle s'applique en cas de pluralité de défendeurs et d'appel en garantie. Dans bien des cas en effet, la clause d'élection de for sera rédigée en des termes généraux, rendant ainsi nécessaire une recherche d'intention[1830].

 

    Deux positions peuvent alors être adoptées. La première consiste à analyser le silence des parties comme le signe que la clause d'élection de for n'exclut pas le jeu des compétences dérivées. Un autre point de vue consiste à penser, comme l'écrivent MM. Gothot et Holleaux, que “ les parties n'ont pas voulu consacrer une solution déraisonnable ”[1831]. Dans cette perspective, il paraît excessif d'exiger que la clause spécifie expressément qu'elle exclut l'application des compétences dérivées. Aussi bien devrait-on présumer que, sauf preuve contraire de la volonté des parties, la clause rédigée en des termes généraux couvre les demandes en garantie incidente et prévaut sur la compétence du for du codéfendeur. Approuvée majoritairement par la doctrine[1832], cette solution est aujourd'hui consacrée par la Cour de cassation[1833].

 

    À ce sujet, pourtant, MM. Gothot et Holleaux considèrent qu' “ il serait néanmoins concevable de présumer, le cas échéant, que les parties ne désireraient pas dissocier un procès indivisible ”[1834]. En d'autres termes, la clause d'élection de for imprécise présumerait non seulement la volonté des parties d'exclure les compétences dérivées, mais également la volonté de ces mêmes parties de rétablir l'application de ces compétences dérivées lorsque le litige présente un caractère indivisible. Cette suggestion n'est pas retenue par le droit positif. La Cour de cassation ne demande pas au juge du fond de rechercher si les parties avaient souhaité écarter la clause en cas d'indivisibilité mais lui demande uniquement de rechercher si elles ont eu l'intention d'écarter les compétences dérivées. Sans doute la clause d'élection de for peut-elle être écartée en cas d'indivisibilité du litige. Seulement la concentration des litiges en cas d'indivisibilité ne vient pas alors de la volonté présumée des parties mais résulte d'une prorogation légale de compétence dont les contours vont être maintenant abordés.

 

§2 - Les limites à la prévalence des accords d'élection de for

 

    579.— Sous l'empire de l'ancien Code de procédure civile, la jurisprudence écartait la clause d'élection de for en cas d'indivisibilité entre l'instance principale et l'autre action, qu'il s'agisse de l'action contre le codéfendeur[1835] ou de l'action en garantie[1836]. Cette jurisprudence s'est maintenue depuis le nouveau Code de procédure civile, du moins lorsque la clause d'élection de for entre en conflit avec la compétence du for du codéfendeur[1837]. S'agissant en effet de la compétence de la juridiction saisie de la demande originaire en matière d'appel en garantie, le fait que l'arrêt de la Cour de cassation qui a refusé de transposer l'article 333 du nouveau Code de procédure civile aux relations internationales[1838] ait gardé le silence sur la réserve de l'indivisibilité pourrait laisser augurer son abandon[1839]. Mais l'on pourrait tout aussi bien considérer que le silence de l'arrêt sur cette question vient de ce que le demandeur ne s'est pas prévalu de l'indivisibilité. Il est possible du reste de constater que depuis cet arrêt, la Cour de cassation utilise encore la notion d'indivisibilité pour priver d'effet la clause d'élection de for en cas de pluralité de défendeurs[1840]. Or, on ne voit pas pourquoi l'indivisibilité jouerait pour une compétence dérivée et ne jouerait pas pour une autre. De fait, il est probable que la réserve d'indivisibilité continue à s'appliquer en droit commun des conflits de juridictions.

 

    En revanche, le droit conventionnel européen ne paraît pas connaître une telle limite. En effet, ni l'article 6 des Conventions de Bruxelles et de Lugano, ni la Cour de Justice ne font référence à la notion d'indivisibilité pour restreindre la primauté de la clause d'élection de for sur les compétences dérivées. Pourtant, la Cour de cassation utilise l'indivisibilité du litige pour faire prévaloir la compétence du for du codéfendeur résultant de l'article 6-1° de la Convention de Bruxelles sur la clause d'élection de for[1841]. Cette solution, contraire à la lettre et à l'esprit de la Convention de Bruxelles, apparaît pour le moins contestable.

 

    580.— L'utilisation de la notion d'indivisibilité est aujourd'hui des plus discutée en doctrine. Mme Gaudemet-Tallon remarque à ce sujet que “ l'appréciation de l'indivisibilité est trop incertaine pour que, dans l'ordre international, on l'autorise à venir perturber les prévisions légitimes des parties qui ont convenu d'une attribution de compétence ”[1842]. Pourtant, quoi qu'il en soit de ces inconvénients, il se peut que des liens très étroits unissent l'action principale et l'action en garantie ou l'action contre le codéfendeur. Certains remèdes peuvent néanmoins être utilisés pour éviter le risque de contrariété de décisions. Ainsi, comme l'avait naguère suggéré    M. Droz, l'utilisation du mécanisme de la connexité “ permettra d'éviter les contradictions les plus flagrantes ”[1843]. Le recours à la connexité implique certes au préalable que deux actions soient intentées devant deux juridictions différentes, ce qui avait précisément pour but d'éviter les compétences dérivées. Il nous paraît toutefois assurer un meilleur équilibre entre le respect des prévisions des parties, essentiel en matière internationale, et la nécessité de concentrer le contentieux dans certains cas.

 

 

Section II

L'Élection de for et les tiers au contrat

 

 

    581.— Une partie peut-elle se prévaloir d'une clause d'élection de for envers une personne qui n'a pas été partie au contrat dans lequel elle a été stipulée ? À première vue, cette interrogation en soulève une autre qui a trait à la définition des notions de parties et de tiers. S'agissant à cet égard du droit français, l'article 1165 du Code civil énonce le principe selon lequel les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes et qu'elles ne nuisent ni ne profitent aux tiers[1844]. La généralité de cette formule laisse penser que le contrat ne produit aucun effet à l'égard des personnes qui ne l'ont pas conclu. Les parties ne seraient donc que les personnes qui ont conclu le contrat, personnellement ou en étant représentées, et les tiers toutes les autres, c'est-à-dire toute “ personne n'ayant été ni partie ni représentée à un contrat ”[1845]. Pourtant, entre les tiers qui n'ont aucun lien juridique avec les parties — on parle à leur sujet de “ tiers absolus ” (pénitus extranei) — et les parties au sens strict se trouvent des personnes intermédiaires qui, bien que n'ayant pas participé à la conclusion du contrat, pourront être concernées, voire liées, par des obligations nées du contrat. Ainsi certaines de ces personnes acquièrent la qualité de partie après la formation du contrat, tel l'ayant cause à titre universel qui, sauf pour les contrats intuitu pesonae, prend la suite d'une des parties en cas de disparition de cette dernière, ou le cessionnaire d'un contrat. D'autres, comme l'ayant cause à titre particulier, qui est celui à qui son auteur a transmis un droit ou un bien, pourront dans certaines circonstances invoquer ou se voir appliquer des contrats que leur auteur a pu conclure précédemment. La position des créanciers chirographaires doit également être mentionnée car s'ils ne deviennent pas personnellement créancier ou débiteur des obligations nées du contrat, ils peuvent s'immiscer dans le contrat en réclamant à l'autre partie l'exécution de ses obligations (action oblique) ou en agissant afin de rendre à leur égard inopposable le contrat s'il a été conclu par leur débiteur en fraude du “ droit de gage général ” dont ils disposent sur le patrimoine de ce dernier. Il est possible enfin qu'un tiers, qui bénéficie d'une stipulation pour autrui, devienne créancier d'un contrat sans en avoir été partie.

 

    La qualité de tiers apparaît ainsi non seulement susceptible de se modifier, mais, de surcroît, hétérogène et, parfois, ambiguë. Il s'ensuit que la qualification de “ tiers ” ne déclenche pas l'application d'un régime juridique spécifique[1846]. Le renouvellement de la distinction entre les parties et les tiers suggéré ces dernières années par un courant doctrinal, et le vif débat qu'il a suscité[1847], ne modifie pas fondamentalement ce constat. Élargir ou restreindre l'une ou l'autre de ces catégories ne change rien au fait que la clause d'élection de for ne s'applique à l'origine qu'aux personnes qui ont conclu le contrat. Il semble dès lors plus utile d'analyser les mécanismes permettant la transmission de la clause d'élection de for à une personne qui n'a pas participé à la formation du contrat dans lequel elle est stipulée, plutôt que de savoir si cette personne à la qualité de partie ou de tiers. Cette analyse étant menée en matière internationale, il s'avère nécessaire d'aborder la question de la loi applicable à la transmission de la clause d'élection de for (§1) avant celle du régime juridique de cette transmission (§2).

 

§1 - La loi applicable à la transmission de la clause d'élection de for

 

    582.— Jusqu'à ces dernières années, la question de la loi applicable à la transmission de la clause d'élection de for était rarement évoquée, l'attention de la doctrine s'étant surtout portée sur la loi applicable à la transmission de la clause compromissoire. Qu'il s'agisse de la clause d'arbitrage ne devrait cependant pas avoir d'incidence sur le raisonnement si l'on estime qu'une solution de conflit unique peut en matière de transmission être dégagée tant à l'égard de la clause d'élection de for qu'à l'égard de la clause compromissoire. Il devrait ainsi être possible d'analyser de concert les solutions suggérées pour l'une comme pour l'autre.

 

    Selon Goldman, la détermination de la loi applicable à la transmission de la clause compromissoire imposait de distinguer selon que le contrat a fait l'objet d'une transmission légale ou conventionnelle. Cet auteur préconisait, en cas de transmission conventionnelle, d'appliquer cumulativement la loi applicable à la clause compromissoire et la loi régissant le contrat principal[1848]. Cette proposition a depuis été abandonnée par M. Gaillard qui estime que“ les rapports entre la partie au contrat originaire qui reste présente dans la nouvelle relation créée et son nouveau partenaire sont régis par la loi gouvernant le contrat initial ”[1849]. S'agissant en revanche des cas de transmission légale, ces auteurs considèrent qu'il y a lieu d'appliquer conformément à la jurisprudence “ la loi de l'institution pour le fonctionnement de laquelle celle-ci a été créée ”[1850].

 

    De son côté, Mme Coipel-Cordonnier considère que la loi applicable à la clause de compétence ne devrait pas être appliquée à sa transmissibilité étant donné que la question intéresse uniquement cette clause dans ses rapports avec le contrat principal. Dès lors, “ seule la loi qui s'applique à la transmission du rapport de droit principal — c'est-à-dire la loi de ce rapport originaire dans le cas d'une transmission contractuelle ou, pour une transmission légale, la loi de l'institution en cause — devrait décider de la transmissibilité de la convention d'arbitrage ou de la convention d'élection de for qui s'y rapporte ”[1851]. L'auteur, cependant, adapte cette solution aux cas où le cessionnaire du contrat comprenant la convention de juridiction possède une qualité qui lui interdit normalement de conclure la clause. Mme Coipel-Cordonnier évoque l'hypothèse de la transmission d'un contrat comportant une clause compromissoire à une personne morale de droit public, mais l'on pourrait aussi envisager l'hypothèse d'une clause de compétence transmise à un consommateur ou un salarié. Il est proposé dans un tel cas de figure d'appliquer distributivement la loi du contrat principal, pour savoir si elle décide si la clause est transmissible et, le cas échéant, l'application de la lex fori, loi normalement applicable en matière d'admissibilité, pour savoir si l'effet juridictionnel de la clause peut être admis dans l'ordre juridique où elle est invoquée[1852]. Pourront ainsi être écartées les clauses qui auraient été déclarées illicites si elles avaient été conclues entre la partie originaire et la personne auprès de qui la transmission de la clause est invoquée.

 

    Enfin, selon un autre courant doctrinal, la transmissibilité de la clause d'élection de for ne devrait pas être déterminée par le procédé conflictualiste. Ainsi après avoir souhaité qu'à l'instar de la clause compromissoire, la clause d'élection de for soit considérée comme autonome tant au regard du contrat que de la loi interne, M. Leborgne propose que cette clause puisse étendre ses effets à un “ tiers ”, au sens du droit français des contrats, par l'effet d'“ une règle matérielle affirmant, en matière internationale et sur le fondement de l'appartenance de la clause attributive de juridiction à l'économie du contrat, la transmission de la clause figurant dans la convention à toute personne substitut de la partie contractante originaire, qu'il s'agisse d'un cessionnaire, d'un subrogé… ou d'un sous-acquéreur agissant en responsabilité contractuelle ”[1853].

 

    583. — Force est de reconnaître que la jurisprudence ne procède généralement pas à la recherche d'une loi applicable pour déterminer la transmissibilité de la clause d'élection de for, du moins en droit commun des conflits de juridictions[1854]. Cette attitude indique sans doute implicitement que la Cour de cassation entend résoudre cette question par la méthode des règles matérielles de droit international privé. Ainsi dans l'arrêt Siaci c/ Zim Israël Navigation Cie, la première Chambre civile, après avoir énoncé que “ l'insertion d'une clause attributive de compétence dans un contrat international fait partie de l'économie de la convention et emporte renonciation à tout privilège de juridiction ”, considère que “ cette clause s'impose aussi bien à l'égard de l'ancien titulaire du droit qu'à l'assureur français subrogé et doit produire ses effets ”[1855]. Mais, rendue en matière de subrogation légale, cette solution ne paraît pas applicable à toutes les hypothèses de transmission de la clause d'élection de for. C'est du moins ce que semble révéler l'analyse de la jurisprudence rendue en matière maritime. La Cour de cassation considère en effet que la clause d'élection de for insérée dans un connaissement n'est opposable au destinataire que si elle a été portée à sa connaissance et si elle a fait l'objet d'une acceptation spéciale[1856]. Ce principe, exprimé sans qu'il soit procédé à la recherche du droit applicable à la transmission du connaissement au destinataire, est vraisemblablement formulé par une règle matérielle. Il semble donc bien que si la Cour de cassation ne recourt pas au procédé conflictualiste, elle n'a pas pour autant dégagé une règle matérielle énonçant un principe général applicable à tous les cas de transmission de la clause d'élection de for mais d'une pluralité de règles[1857], dont toutes n'ont d'ailleurs pas été encore formulées compte tenu de la multiplicité des hypothèses de transmissibilité.

 

    584.— Une telle divergence de solutions dégage “ une impression d'hétérogénéité ”[1858] qui n'est pas de prime abord évidente à justifier. Elle n'est peut être pas dénuée d'une certaine cohérence si l'on s'inspire de l'analyse que M. Courbe fait du droit positif. L'auteur y constate avec raison que la clause de compétence ne lie que les ayants cause auxquels les obligations ont été transmises par l'effet de la volonté ou en vertu de la loi[1859]. M. Courbe estime toutefois que l'acceptation de la clause doit aussi être établie en matière de subrogation légale. Prenant appui sur le fait que l'arrêt Siaci c/ Zim Israël Navigation Cie a jugé la clause opposable parce qu'elle “ fait partie de l'économie de la convention ”, l'auteur en déduit qu'un fondement contractuel a été assigné à la clause de compétence et que, logiquement, l'acceptation de la clause par l'ayant cause doit être établie[1860]. Sur ce dernier point, il nous semble que dire de la clause qu'elle “ fait partie de l'économie de la convention ” doit être interprété comme l'affirmation de son caractère accessoire. Or à partir du moment où la subrogation légale joue sans que le subrogeant et le subrogé aient à échanger leur consentement, l'on peut admettre que la clause soit transmise au subrogé, en tant qu'accessoire de la créance, par le seul effet de la loi.

 

    Aussi bien pourrait-on de notre point de vue dégager de l'analyse du droit positif les deux principes suivants : lorsque la transmission a lieu par l'effet de la loi, le consentement à la clause d'élection de for n'est pas exigé alors qu'en cas de transmission conventionnelle, l'acceptation de la clause par celui à qui on l'oppose doit être établie, étant précisé que l'acceptation de la transmission de la clause sera présumée être comprise dans le consentement donné par le cessionnaire à la transmission, sauf dans certains domaines comme en matière maritime ou une acceptation spéciale est exigée. Cette approche fondée sur la source de la transmission permet de donner aux règles matérielles divergentes qui ont pu être dégagées une impression de cohérence. Ce n'est pas dire pour autant que la mise à l'écart de procédé conflictualiste nous semble justifiée. Que dire en effet d'une règle matérielle qui étendrait un peu trop facilement la transmissibilité de la clause d'élection de for alors que la lex causae se prononcerait contre son opposabilité. Il y a tout lieu de penser, à l'instar de Mme Coipel-Cordonnier[1861], que le droit qui détermine le régime de la transmissibilité du contrat dans lequel se trouve insérée la clause est le plus approprié pour indiquer si la clause est ou non transmissible avec le contrat.

 

    585.— Telle est sans doute la raison pour laquelle le droit conventionnel européen se réfère toujours, du moins en partie, à la méthode conflictualiste. À propos en effet de la question controversée de l'opposabilité de la clause d'élection de for au destinataire du connaissement, la Cour de Justice a dit pour droit dans l'arrêt Geominne Hout c/ Tilly Russ qu' “ en ce qui concerne le rapport entre le transporteur et le tiers porteur, il est satisfait aux conditions posées à l'article 17 de la Convention dès lors que la clause attributive de compétence a été reconnue valide entre le chargeur et le transporteur, et qu'en vertu du droit national applicable, le tiers porteur, en acquérant le connaissement, a succédé au chargeur dans ses droits et obligations ”[1862]. Si le renvoi effectué par la CJCE au droit national applicable est en l'occurrence approuvé par la doctrine[1863], l'on remarquera que ce droit national n'est pas consulté pour savoir si la clause est transmissible avec le connaissement mais uniquement pour savoir si le connaissement est transmissible[1864]. La Cour dégage ainsi une règle matérielle selon laquelle la clause n'est transmissible que si le contrat qui la contient l'est également. Mais elle laisse au droit national applicable le soin de se prononcer sur cette transmissibilité. À supposer par conséquent que ce droit indique que le contrat est transmissible mais que la clause d'élection de for ne l'est pas, ou ne l'est qu'à certaines conditions supplémentaires, la clause sera quand même opposée au destinataire. L'arrêt constitue néanmoins un progrès dans la mesure où il serait illogique d'admettre la transmissibilité d'une clause si le contrat dans lequel elle est stipulée n'a pu être transmis.

 

    L'on doit cependant noter que la Cour de Justice n'a pas toujours eu recours à la méthode conflictualiste pour se prononcer sur l'opposabilité de la clause d'élection de for aux tiers. Il a ainsi été jugé, dans l'hypothèse où les parties à la clause d'élection de for sont convenues d'une stipulation pour autrui “ dans le cadre d'un contrat d'assurance, [qu'] une clause attributive de juridiction stipulée en faveur de l'assuré, tiers, par rapport au contrat et personne distincte du preneur d'assurance, doit être considérée comme valide au sens de l'article 17 de la Convention s'il a été satisfait à la condition de forme écrite prévue par cet article, dans les rapports entre l'assureur et le preneur d'assurance et si le consentement de l'assureur s'est manifesté d'une manière claire et précise à cet égard ” (motif n° 20)[1865]. En fixant elle-même les conditions d'opposabilité de la clause d'élection de for au bénéficiaire d'une stipulation pour autrui alors qu'elle recourt au droit national applicable pour déterminer si le connaissement est transmissible au destinataire, la Cour de Justice peut sembler hésitante sur la méthode à suivre. Cette hésitation, en définitive, est moins réelle qu'il n'y paraît. En effet, les règles spéciales de la Convention de Bruxelles relatives à la compétence en matière de contrat d'assurance prévoient que l'assuré tiers au contrat peut bénéficier d'une clause d'élection de for[1866].  On peut donc estimer que cette question relève du domaine de la Convention de Bruxelles ce qui justifie l'exclusion du procédé conflictualiste. Du reste comme l'a indiqué la CJCE dans l'arrêt Geominne Hout c/ Tilly Russ rendu après celui-ci, la question posée en l'occurrence est différente puisqu'il s'agit de savoir si l'assuré bénéficiaire de la stipulation pour autrui, et considéré comme étant la personne économiquement la plus faible, peut invoquer à son profit une clause d'élection de for. Le recours à la loi nationale applicable pour déterminer si le contrat est transmissible à un tiers ne s'impose donc que si ce tiers peut se voir imposer la clause d'élection de for et non en bénéficier.

 

§2 - La transmission de la clause d'élection de for

 

    586.— Si la jurisprudence, du moins en droit commun des conflits de juridictions, paraît avoir écarté la méthode conflictualiste, elle n'a pas pour autant posé un principe général de transmission de la clause d'élection de for[1867]. Les hypothèses de transmission de la clause à une personne qui n'a pas participé à la formation du contrat dans lequel elle est stipulée devront par conséquent être définies au cas par cas. Cet inconvénient peut toutefois être contourné en s'inspirant des solutions rendues à propos de la clause compromissoire[1868] — domaine où la jurisprudence est plus fournie — et du droit interne dont on peut supposer qu'il constitue l'une des sources d'inspiration de la jurisprudence lorsqu'elle élabore une règle matérielle de droit international privé.

 

    Au préalable, il convient de rappeler que la justification théorique de la transmissibilité de la clause d'élection de for ne peut provenir que de l'affirmation de son caractère accessoire. Des doutes ont pu être émis à ce sujet, plus particulièrement à propos de la clause compromissoire dont on a pu se demander si l'autonomie qui la caractérise ne constituerait pas un obstacle à sa transmissibilité[1869]. Comment en effet considérer que la clause compromissoire — mais aussi la clause d'élection de for — constitue une stipulation accessoire si, au nom du principe d'autonomie, elle n'est pas atteinte par la nullité qui affecte le contrat dans lequel elle est insérée ? Mais ce qui paraît de prime abord paradoxal peut tout à fait s'expliquer si l'on admet que le domaine du principe d'autonomie — auquel M. Mayer préfère à juste titre celui de “ séparabilité ” qui est moins équivoque[1870] — se limite à la question des effets de la nullité du contrat sur la clause de compétence[1871]. C'est justement parce qu'elle constitue une stipulation accessoire que l'on peut justifier qu'elle ne soit pas atteinte par la nullité de l'obligation principale. Et c'est toujours parce qu'elle constitue une stipulation accessoire qu'elle accompagne la transmission du contrat dans lequel elle est stipulée. Aussi bien, peut-on constater, d'ailleurs, que la jurisprudence ne se prononce sur la question de la transmission de la clause de compétence — qu'il s'agisse d'une clause compromissoire ou d'une clause d'élection de for — que lorsque le contrat dans lequel elle se trouve insérée est transmis à son tour.

 

    Il reste que la transmission de la clause d'élection de for, conséquence de son caractère accessoire, peut se heurter à la volonté des parties au contrat initial. Ces dernières peuvent en effet avoir expressément indiqué que la clause ne sera pas transmissible. En outre, cette transmissibilité s'avère impossible si la clause de compétence a été conclue intuitu personæ[1872]. L'hypothèse qu'une telle clause ait été conclue en considération de la personne du cocontractant s'avère néanmoins pour le moins insolite. Cette situation se retrouvera peut être davantage en matière de clause compromissoire dans la mesure où le choix de l'arbitrage, en ce qu'il exprime la volonté de recourir à un mode de justice privé, engage plus que le choix d'une juridiction étatique[1873]. Il n'en demeure pas moins que la preuve de cet intuitus personæ sera extrêmement difficile à rapporter. Car ce n'est pas le contrat qui doit avoir été conclu en considération de la personne, auquel cas il ne serait pas transmissible, mais la clause de compétence en particulier. Tout bien considéré, ce cas de figure apparaît pour le moins marginal. Dès lors, si la volonté des parties ne doit pas faire obstacle à la transmission de la clause, il apparaît raisonnable de présumer, à défaut d'indications contraires, que les cocontractants initiaux ont accepté qu'elle puisse être transmise[1874].

 

    587.— En matière de transmission de l'obligation par l'effet de la loi, la jurisprudence, à notre connaissance, ne s'est jusqu'à présent prononcée qu'à propos de la subrogation légale. Il s'agit de l'affaire Siaci c/ Zim Israël Navigation Cie que nous avons déjà évoquée et à propos de laquelle la Cour de cassation a déduit de la transmission de la clause d'élection de for à l'assureur français subrogé qu'elle emportait renonciation au privilège de juridiction l'article 14 du Code civil[1875]. L'incohérence de cette proposition a pu être soulignée lorsque la partie initiale est de nationalité étrangère. Ne disposant pas du privilège de juridiction, elle ne peut vouloir y renoncer au moyen d'une clause d'élection de for[1876]. Mais si en l'occurrence la clause n'est pas à l'origine un moyen d'écarter l'article 14 du Code civil, elle n'en exprime pas moins la volonté des parties initiales de soumettre leur différend à une juridiction déterminée. Il importe peu par conséquent que le subrogé ait été français et ait voulu renoncer à l'article 14 du Code civil. Le mécanisme de la subrogation légale fait que de toute façon, “ l'assureur français est lié par la stipulation relative à la compétence ”[1877]. Partant, cette solution devrait permettre de considérer qu'à l'inverse, la clause désignant les juridictions françaises est opposable à un étranger subrogé dans les droits d'un français.

 

    L'hypothèse de la subrogation légale est sans doute la plus fréquente des hypothèses de transmission légale. Si à notre connaissance, la jurisprudence publiée ne s'est pas encore prononcée sur la transmissibilité à cause de mort d'une clause d'élection de for, il est généralement admis que cette clause se transmet aux héritiers en cas de transmission successorale, universelle ou à titre universel, ab intestat ou testamentaire[1878]. Il reste que dans la plupart des cas, l'héritier ne connaît pas l'existence de la clause d'élection de for. En effet si en droit français l'héritier doit accepter la succession, “ l'héritier acceptant sera lié aussi bien par un contrat qu'il a effectivement connu que par un autre, qu'il aura ignoré ”[1879]. La question peut alors se poser de savoir si la transmission de la clause ne devrait pas être subordonnée à une acceptation spéciale de l'héritier. La jurisprudence rendue en matière de subrogation légale n'exigeant pas l'acceptation par le subrogé de la clause d'élection de for[1880], il est raisonnable de penser qu'il en est de même pour l'héritier.

 

    Ce qui, enfin, est applicable à la transmission du patrimoine d'une personne physique est transposable à la transmission du patrimoine d'une personne morale vers une autre personne morale, notamment en matière de fusion ou d'absorption d'une société par une autre. Il a ainsi été jugé qu' “ au regard du droit français, l'absorption d'une société par une autre entraîne la transmission contractuelle de la clause compromissoire stipulée par la société absorbée de sorte que cette clause est opposable à la société absorbante ”[1881]. Rien logiquement ne justifie qu'une solution différente s'applique à la clause d'élection de for.

 

    588.— Rares également sont les hypothèses de transmissibilité de la clause d'élection de for consécutive au transfert conventionnel de l'obligation dont la jurisprudence a pu connaître. Cette situation nous amène à raisonner par analogie. Ainsi rien a priori ne justifie que ce qui a pu être jugé à propos de la subrogation légale ne s'applique pas à la subrogation conventionnelle. Et ce qui a pu être jugé en matière de subrogation devrait aussi pouvoir s'appliquer en matière de cession de créance. La doctrine assimile d'ailleurs généralement la subrogation à la cession de créance au sujet de la transmission de la clause d'élection de for, considérée comme “ un élément de l'économie générale du contrat ”[1882]. Et de fait, s'il est vrai que le cessionnaire ne devient pas partie au contrat initial conclu entre le cédé et le cédant, il n'en n'est pas moins vrai que le transfert des droits du cédant au cessionnaire s'étend aux accessoires de la créance parmi lesquels figurent les clauses de compétence. La transmission des clauses compromissoires par cession de créance est déjà admise en jurisprudence[1883] et l'on ne voit pas pourquoi une solution différente s'imposerait à propos de la clause d'élection de for. Une solution similaire devrait être adoptée en matière de cession de contrat dès lors qu'il est admis que la clause compromissoire est opposable au cessionnaire[1884]. Dans le même ordre d'idée, la jurisprudence rendue en matière de groupe de sociétés et qui, dans certains cas, étend la force obligatoire de la clause compromissoire conclue par une société du groupe à d'autres sociétés appartenant au même groupe (société-mère ou autre filiale) pourrait être appliquée à la clause d'élection de for[1885].

 

    589.— La transmissibilité de la clause d'élection de for ne doit pas seulement être examinée dans les hypothèses où un tiers succède dans les droits d'une partie contractante ou lui est substitué. Il se peut en effet qu'une personne qui n'a pas participé à la formation du contrat dans lequel la clause d'élection de for est stipulée soit victime de l'inexécution ou de la mauvaise exécution de ce contrat. Si dans une telle occurrence l'action en responsabilité susceptible d'être engagée contre le débiteur défaillant est de nature contractuelle, alors l'opposabilité de la clause de compétence à cette personne devra être envisagée. Pareille situation se rencontre surtout en matière de contrat de transport, notamment dans le domaine maritime, et en matière de groupe de contrats, hypothèses dont nous allons maintenant rendre compte.

 

    590.— En matière de transport maritime, la transmission de la clause d'élection de for au destinataire, qui par hypothèse n'intervient pas à la formation du connaissement dans lequel elle est stipulée, est subordonnée à une acceptation spéciale de la clause par ce dernier. Alors, en effet, qu'il était traditionnellement admis que le destinataire était lié par la clause d'élection de for[1886], la jurisprudence de la Cour de cassation estime désormais qu' “ une clause attributive de compétence n'est opposable au destinataire que s'il l'a expressément acceptée ”[1887]. Il est cependant notable de constater que si la clause n'engage pas le destinataire faute d'une acceptation spéciale de sa part, ce dernier dispose toujours contre le transporteur d'une action en responsabilité contractuelle[1888]. Cette situation incite à s'interroger sur la place occupée par le destinataire dans le contrat de transport.

 

    591.— Force est de constater, à cet égard, que la position du destinataire est délicate à appréhender[1889]. Comme il n'a pas été initialement partie au contrat, il devrait en principe être considéré comme un tiers. Il est pourtant directement intéressé par le contrat de transport. À ce titre, il dispose d'un droit direct contre le transporteur. Cette situation a pu être expliquée par l'idée que le destinataire bénéficie du contrat de transport par l'effet d'une stipulation pour autrui faite en sa faveur par l'expéditeur. Mais si cette solution a été retenue un temps par la jurisprudence[1890], elle ne permet pas de justifier l'opposabilité de la clause au destinataire. Traditionnellement, en effet, la stipulation pour autrui ne peut faire naître qu'un droit au profit du tiers bénéficiaire. S'il est admis qu'elle puisse s'accompagner d'une obligation à la charge du tiers, c'est à la condition qu'il y ait consenti. La qualification de stipulation pour autrui ne peut, dès lors, que conforter l'idée qu'une acceptation de la clause d'élection de for par le destinataire est nécessaire.

 

    On peut toutefois considérer que le destinataire n'est pas un tiers mais est bel et bien partie au contrat de transport de marchandises qui serait un contrat à trois personnes[1891] ce qui a pour conséquence de le lier à toutes les clauses de ce contrat, y compris la clause d'élection de for. Admise par la jurisprudence en matière de transport terrestre[1892], cette qualification a étéconsacrée par l'article 101 du Code du commerce modifié par la Loi du 6 février 1998 — dite “ Loi Gayssot ” — qui, toujours en matière de transport terrestre, précise que le destinataire est partie au contrat de transport[1893].

 

    Mais, dans la mesure où le consentement du destinataire n'a pas été sollicité au moment de la formation du contrat et où, bien souvent, il ne sera connu qu'en cours d'exécution, voire au seul instant de la livraison (lorsque la marchandise change de propriétaire en cours de transport), il est difficile de le considérer comme étant partie au contrat dès sa formation. Sans doute “ les principes traditionnels du droit civil (force obligatoire du contrat, effet relatif) se trouvent ici pris en défaut ”[1894]. Il est dès lors plus juste de considérer que le destinataire va être intégré “ au processus contractuel ”[1895] en cours d'exécution du contrat, dès l'instant qu'il reçoit le connaissement ou qu'il prend livraison de la marchandise.

 

    Pour autant, l'utilisation par la Cour de cassation du terme “ opposabilité ”, ajoutée à l'exigence d'un consentement spécial à la clause d'élection de for, laisse penser que le destinataire reste tiers au contrat. La Cour de cassation redonnerait alors une seconde jeunesse à l'idée de stipulation pour autrui. Il est toutefois permis de penser que le destinataire passe de la qualité de tiers, au moment de la formation du contrat, à celle de partie, au moment où il y adhère, en se fondant sur l'idée que la stipulation pour autrui ne porte par sur une ou plusieurs des obligations du contrat de transport, mais “ qu'elle porte sur un contrat futur à la formation duquel ne manque qu'une volonté ”[1896]. Dans cette perspective, le destinataire adhérerait à “ l'offre de contracter que le transporteur-promettant s'est engagé vis à vis de l'expéditeur-stipulant à lui   faire ”[1897]. Cette analyse, d'après M. Tosi, “ a l'avantage de rendre compte tout à la fois du caractère tripartite du contrat de transport, du caractère successif de sa formation et de la dualité des liens qu'il fait naître ”[1898].

 

    592.— Comment dans ces conditions expliquer que le destinataire doive accepter expressément la clause d'élection de for ? L'acceptation du connaissement devrait en principe suffire à lui rendre “ opposable ” toutes les clauses qu'il contient et notamment celles qui concernent la compétence judiciaire. C'est oublier que “ consentir à un contrat et en accepter toutes les clauses sont deux choses différentes ”[1899]. Certaines clauses, en raison de leur caractère dérogatoire ou exorbitant, font l'objet d'un régime plus strict, ce qui est précisément le cas de la clause attributive de juridiction en droit interne, avec l'article 48 du nouveau Code de procédure civile. Mais ces restrictions, justement, ne concernent que le droit interne. D'une manière générale, les règles de compétence internationale, surtout en droit conventionnel européen, mais également en droit commun des conflits de juridictions, se caractérisent par une tendance à un assouplissement des conditions de formation des accords d'élection de for. Exiger un consentement spécial entrave la circulation de la clause, déjoue les prévisions des parties et réduit à peu de chose l'intérêt qu'il peut y avoir de déterminer conventionnellement le juge qui devra connaître du litige[1900].

 

    Loin de nous, pourtant, l'idée de vouloir supprimer l'exigence du consentement du destinataire. Ce dernier ne peut adhérer au connaissement sans que sa volonté se soit exprimée en ce sens, même s'il s'agit d'adhérer à un contrat dont la teneur a été déterminée par les parties initiales. En revanche, il devrait être possible de se référer aux habitudes des parties ou aux usages du commerce international pour admettre que l'acceptation du bénéficiaire puisse être implicite[1901]. Rien ne justifie que les professionnels du transport maritime international soient traités différemment des autres professionnels du commerce international.

 

    593.— En ce d'autant plus que le droit conventionnel européen aborde avec un certain pragmatisme la transmission de la clause d'élection de for au destinataire. Comme nous avons pu le constater, la Cour de Justice considère que la clause d'élection de fort se transmet au destinataire si, d'après la loi nationale applicable, ce dernier en acquérant le connaissement a succédé au chargeur dans ses droits et obligations. Aucune exigence de consentement spécial n'est donc formulée. Aucune exigence de consentement spécial ne peut du reste être appliquée dans la mesure où la loi nationale est uniquement interrogée sur la question de savoir si le connaissement est transmissible et non sur d'éventuelles conditions supplémentaires relatives à l'acceptation de la clause d'élection de for par le destinataire. Force pourtant est de constater que la jurisprudence française refuse la plupart du temps de tenir compte du principe dégagé par la Cour de Justice. Non seulement le détour par la règle de conflit de lois est ignoré[1902], mais la Cour de cassation exige, comme en droit commun, que le destinataire ait accepté la clause d'élection de for[1903].

 

    Il est toutefois permis de se demander si le principe même d'une transmission de la clause d'élection de for au destinataire n'aurait pas été indirectement remis en question par la Cour de Justice. Saisie d'une question préjudicielle relative à la nature de l'action du destinataire d'une marchandise contre le transporteur, la CJCE a indiqué que cette action n'est pas une action de nature contractuelle au sens de l'article 5-1° de la Convention de Bruxelles, et qu'elle relève par conséquent de la matière délictuelle au sens de l'article 5-3° de cette Convention[1904]. Certes, il n'était pas question en l'occurrence de la transmissibilité de la clause d'élection de for au destinataire. Mais la Cour de Justice peut-elle toujours renvoyer à la loi nationale applicable pour déterminer si, en acquérant le connaissement, le destinataire a succédé au chargeur dans ses droits et obligations, après avoir dit que le connaissement ne se transmet pas au destinataire puisque l'action qu'il exerce est de nature délictuelle ? Sans doute serait-il raisonnable de considérer que la CJCE n'a pas souhaité ôter tout intérêt aux clauses d'élection de for insérées dans les connaissements. Ce qui en effet a pu être décidé à propos de la délimitation du champ d'application de la compétence contractuelle ne concerne pas ipso facto le domaine de la compétence fondée sur l'article 17 de la Convention : un accord d'élection de for peut tout à fait intervenir en matière délictuelle. Mais si un accord d'élection de for peut intervenir dans cette matière, il n'en constitue pas moins toujours un contrat, c'est-à-dire, pour reprendre la terminologie de la CJCE, un “ engagement librement assumé d'une partie envers une autre ”. Il faudrait alors considérer qu'il y a un “ engagement librement assumé ” du destinataire envers le transporteur uniquement à l'égard de la clause d'élection de for et non à l'égard du connaissement dans lequel elle est inséré, ce qui est pour le moins artificiel. L'on pourrait également considérer que la qualification de l'action du destinataire contre le transporteur ne concerne que la compétence judiciaire. Rien sur le fond, c'est-à-dire au stade du conflit de lois, n'empêche de considérer qu'elle ne demeure pas de nature contractuelle. Partant, il devrait toujours être possible de recourir à la loi nationale applicable pour savoir si les droits et obligations des parties se transmettent au destinataire. Pour autant, il n'est pas sûr qu'au regard du conflit de lois, la Cour de Justice adoptera — lorsque les protocoles lui permettant d'interpréter la Convention de Rome seront entrées en vigueur — une définition de la matière contractuelle qui sera différente de celle qu'elle retient pour la Convention de Bruxelles. Tout bien considéré, il serait assurément opportun de demander à la Cour de Justice si la solution de l'arrêt Geominne Hout c/ Tilly Russ demeure applicable.

 

    594.— La transmissibilité de la clause d'élection de for doit également être envisagée lorsque la clause figure dans un contrat qui, lui même, s'intègre dans un groupe de contrats. Dégagée par la doctrine[1905], la notion de groupe de contrats est issue de l'observation de la réalité. Il est en effet fréquent, comme cela a pu être constaté, “ que la réalisation d'une opération complexe impose de recourir à plusieurs agents, chacun exécutant une fraction de la tâche. De même, les seuls impératifs de la circulation des biens aboutissent, parfois, à la conclusion d'une suite de    contrats ”[1906].  Une distinction est ainsi opérée au sein des groupes de contrats entre d'un côté les chaînes de contrats, qui portent en tout ou en partie sur le même objet, et les ensembles contractuels, composés de contrats concourant à la même opération économique. Cette notion, très large, englobe tout aussi bien des contrats passés entre parties différentes que des contrats passés entre mêmes parties. S'agissant plus particulièrement des contrats passés entre parties différentes, la question qui se pose est de savoir si la clause d'élection de for pourra être transmise d'un “ contractant extrême ” à un autre, à savoir entre des personnes qui font partie du même groupe de contrats mais qui n'ont pas échangé ensemble leur consentement.

 

    À cet égard, force est de reconnaître que la transmissibilité de la clause d'élection de for au sein d'un groupe de contrats ne paraît pas promise à un grand avenir. Il est vrai que d'une manière générale, l'action en responsabilité contractuelle dans les groupes de contrats ne paraît pas non plus promise à un grand avenir en droit international privé. Cette évolution s'inscrit probablement dans le prolongement du reflux de la notion de groupe de contrats en droit interne, même si, comme nous le verrons, la position adoptée par la Cour de cassation en ce domaine n'est pas aussi radicale que celle qui a été adoptée en droit conventionnel européen.

 

    595.— En droit interne, la position de la jurisprudence, ponctuée de divergences au sein de la Cour de cassation, paraît actuellement arrêtée depuis l'intervention, à deux reprises, de l'Assemblée plénière. Alors que la jurisprudence admettait la possibilité pour les participants à une chaîne de contrats d'agir en responsabilité délictuelle en l'absence d'un rapport contractuel direct, la première Chambre civile décida à partir de 1979 de substituer une action de nature contractuelle à cette action délictuelle, d'abord au sein des chaînes homogènes de contrats translatifs de propriété , formées de la succession de contrats vente[1907], puis dans les chaînes de contrats translatifs hétérogènes, formées de la succession d'un contrat de vente et d'un contrat d'entreprise[1908]. Mais de son côté, la troisième Chambre civile réaffirma la nature délictuelle d'une telle action[1909]. Afin de mettre un terme à cette divergence, l'Assemblée plénière, lors de sa première intervention, se prononça en faveur la première Chambre civile[1910]. Selon sa position, le maître de l'ouvrage, comme le sous-acquéreur, jouit de tous les droits et actions attachés à la chose appartenant à son auteur d'où il suit qu'il dispose d'une action contractuelle directe, fondée en l'espèce sur la non-conformité de la chose livrée. L'action contre le vendeur originaire est donc considérée comme l'accessoire de la chose qui se transmet aux ayants cause successifs.

 

    L'intervention de l'Assemblée plénière n'apaisera pourtant pas les divergences au sein de la Cour de cassation. Tandis que la troisième Chambre civile continuait de se référer à la responsabilité délictuelle, la première Chambre civile décida d'étendre l'action directe “ nécessairement contractuelle ” à tous les contrats, sans que la transmission d'une chose ait été nécessaire[1911]. Utilisant pour la première fois l'expression “ groupe de contrats ”, la première Chambre civile consacra l'action contractuelle de la victime d'un dommage ayant un lien avec le contrat initial, aussi tenu soit-il[1912]. Mais cette “ contractualisation ” de l'action en responsabilité dans les groupes de contrats fut rejetée par l'Assemblée plénière dans l'arrêt Besse[1913]. Une nouvelle fois saisie du conflit opposant la première Chambre civile à la troisième Chambre civile, elle jugea, sous le visa de l'article 1165 du Code civil, que “ le sous-traitant n'est pas contractuellement lié au maître de l'ouvrage ”. Toutefois, la portée de la condamnation de la nature contractuelle de l'action n'atteint pas les groupes de contrats translatifs de propriété. Depuis lors en effet, tant la première Chambre civile[1914] que la troisième Chambre civile[1915] ont confirmé la qualification contractuelle de l'action du sous-acquéreur ou du maître de l'ouvrage contre le vendeur originaire. L'état actuel du droit positif, résultant de la combinaison des deux arrêts de l'assemblée plénière, peut donc se résumer ainsi : “ la nature de l'action en responsabilité des tiers victimes contre le débiteur défaillant est dualiste. Elle est contractuelle au sein des groupes translatifs et délictuelle dans les autres groupes ”[1916].

 

    596.— La transmission de la clause de compétence au sein du groupe de contrats ne pourra donc être envisagée qu'à propos des chaînes translatives de propriété. La justification n'en serait pas seulement la nature contractuelle de l'action engagée par le sous-acquéreur ou le maître de l'ouvrage contre le vendeur originaire, mais le fondement même de cette action qui réside dans la théorie de l'accessoire. L'action contractuelle directe, en effet, n'est pas propre à celui qui l'exerce. Elle lui a été transmise par son auteur. “ C'est donc par référence à l'action née de la première vente qu'il faut apprécier la situation du tiers contractant, ayant cause demandeur ”[1917]. Partant, les stipulations contenues dans le contrat originaire lui sont opposables. Il en a été jugé ainsi à propos de la clause attributive de juridiction[1918], mais également à propos des clauses relatives à la responsabilité[1919].

 

    597.— Transmissible en droit interne dans les chaînes translatives de propriété, la clause d'élection de for devrait l'être également en droit international privé, du moins en droit commun des conflits de juridictions. Certes à notre connaissance, la jurisprudence n'a encore jamais statué sur cette question. Mais rien ne justifierait a priori que soit appliquée une solution différente de celle qui est consacrée en droit interne. Le caractère accessoire de la clause attributive de juridiction concerne tout aussi bien les contrats internes que les contrats internationaux. Partant, la transmissibilité de cette clause par voie accessoire devrait être possible dans les relations internationales.

 

    Si une partie de la doctrine se montre favorable à la transmissibilité de la clause attributive de juridiction[1920], il est toutefois permis de contester le bien-fondé de cette proposition. On relèvera tout d'abord que certains auteurs jugent discutable l'opposabilité des stipulations du contrat originaire au sous-acquéreur ou au maître de l'ouvrage en droit interne[1921]. À supposer du reste que l'on estime justifiée la transmissibilité de la clause attributive de juridiction dans les relations internes, il n'est pas sûr qu'il en soit de même dans les relations internationales. Plaider à Paris, Lille ou Bordeaux n'est pas la même chose que plaider à Paris, Londres ou New York.

 

    Cette opinion peut également se fonder sur le fait “ qu'une clause attributive de juridiction n'est opposable qu'à la partie qui en a eu connaissance et qui l'a acceptée au moment de la formation du contrat ”[1922]. Or étant donné que le sous-acquéreur ou le maître de l'ouvrage n'a pas connu, et encore moins accepté la clause d'élection de for, elle ne devrait pouvoir lui être opposée. Certains auteurs estiment pourtant qu'à partir du moment où le titulaire de l'action directe exerce les droits d'une personne qui a eu connaissance de la clause et l'a accepté, il faudrait admettre   qu' “ il en est fictivement de même pour le sous-acquéreur en raison de la transmission de la clause ”[1923]. Cette fiction nous apparaît pour le mois discutable. À trop vouloir en effet justifier la transmissibilité de la clause aux ayants cause, n'en vient-on pas à dire une chose et son contraire ? Rappelons en effet que la transmission de l'action directe contractuelle n'a jamais eu pour fondement la transmission du consentement de l'auteur à l'ayant cause. Cette action est transmise parce qu'elle constitue l'accessoire de la chose, non pas parce que le sous-acquéreur est censé avoir consenti au contrat originaire.

 

    L'on peut enfin observer que la Cour de cassation  a jugé que la clause compromissoire stipulée dans le contrat originaire est inopposable au sous-acquéreur “ faute de transmission directe ”[1924]. Appréciant cette solution, MM. Malaurie et Aynès ont relevé que la clause d'arbitrage “ n'est pas nécessaire à l'équilibre contractuel et n'a pas tant pour objet le contrat lui-même, que les litiges que son exécution pourrait faire surgir. Par conséquent, pour être lié par la clause compromissoire, il ne suffit pas d'être substitué à l'une des parties dans les droits et obligations issus du contrat, il faut avoir accepté de renoncer à porter le litige devant le juge étatique ”[1925]. Cette solution doit-elle être limitée à la clause compromissoire ? On ne voit pas au nom de quoi, si ce n'est en se fondant sur le principe d'autonomie qui signifierait alors que la convention d'arbitrage constitue un contrat à part. Mais comment dans ces conditions expliquer que la clause compromissoire puisse être transmise au cessionnaire en cas de cession de créance ou de cession de contrat[1926] ? Il est assurément plus exact de voir dans la clause attributive de compétence une stipulation qui, elle aussi, “ concerne moins l'équilibre du contrat que les litiges que son exécution peut susciter ”[1927].

 

    598.— Ces raisons incitent à penser qu'en droit commun des conflits de juridictions, les clauses relatives à la compétence internationale ne sont pas transmissibles dans les groupes de contrats. Il en est probablement de même en droit conventionnel européen. Cette opinion peut se fonder sur le rejet de la notion même de groupe de contrats par la Cour de Justice dans l'arrêt Jakob Handt et Cie c/ TMCS. Rappelant que la notion de “ matière contractuelle ” au sens de l'article 5-1° de la Convention de Bruxelles doit être interprétée de manière autonome, et après avoir estimé que cette notion “ ne saurait être comprise comme visant une situation dans laquelle il n'existe aucun engagement librement assumé d'une partie envers une autre ” (motif n° 15), la CJCE a dit pour droit que “ s’agissant de l’action que le sous-acquéreur d’une marchandise achetée auprès d’un acheteur intermédiaire engage contre le fabricant en vue d’obtenir réparation de préjudice résultant de la non-conformité de la chose, il importe de constater qu’il n’existe aucun lien contractuel entre le sous-acquéreur et le fabricant, celui-ci n’ayant assumé aucune obligation de nature contractuelle envers le sous-acquéreur ” (attendu n° 16)[1928]. Cette position, on le voit, intervient dans l'un des seuls domaines — celui des chaînes de ventes — où il est admis en droit français que l'action directe du créancier contre son sous-débiteur est de nature contractuelle. Certes la solution adoptée par la CJCE ne concerne  que la compétence judiciaire de sorte qu'il n'est pas inenvisageable que sur le fond, l'action soit toujours qualifiée de contractuelle. La Cour de Justice n'en a pas moins constaté, après avoir adopté une démarche comparatiste, à quel point la position droit français est isolée au sein des États contractants. Et si pour l'instant le droit interne français n'en a pas été modifié[1929], la solution européenne n'est pas en revanche sans incidence sur la transmissibilité de la clause d'élection de for dans les groupes de contrats.

 

    Déjà, un commentateur de l'arrêt Jakob Handt et Cie c/ TMCS avait perçu qu'il n'était guère évident que la clause d'élection de for s'impose au sous-acquéreur étant donné que pour l'article 17 de la Convention de Bruxelles, une telle clause n'est efficace que “ si les parties […] sont convenues d'un tribunal […] ”[1930]. Et de fait, “ n'est-il pas difficile d'admettre que le sous-acquéreur et le fabricant, qui ne sont pas unis par un rapport contractuel direct, sont convenus du tribunal désigné dans la clause figurant au contrat liant le fabricant et le premier              intermédiaire ? ”[1931]. Depuis un arrêt de la Chambre commerciale, rendu sous le visa des articles 5-1° et 5-3° de la Convention de Bruxelles et après s'être référé à l'arrêt Jakob Handt et Cie c/ TMCS, a cassé l'arrêt de la Cour d'appel qui avait déclaré que la clause d'élection de for contenue dans le contrat de vente originaire était opposable au sous-acquéreur[1932]. Certains auteurs considèrent cependant qu'il n'est pas sûr que la transmissibilité de la clause d'élection de for relève du champ d'application de la Convention de Bruxelles. Prenant appui sur l'arrêt Geominne Hout c/ Tilly Russ, il est suggéré de soumettre cette question au droit national applicable[1933]. Mais en affirmant que l'action du sous-acquéreur contre le fabricant n'est pas de nature contractuelle, la Cour de Justice n'aurait-elle pas voulu détacher complètement cette action du contrat de vente originaire, y compris de la clause d'élection de for qui s'y trouve[1934] ? Il serait pour le moins paradoxal de s'en remettre dans ces conditions à la loi nationale applicable pour déterminer si le contrat qui contient la clause d'élection de for est transmissible.

 

    599.— Il n'est pas certain, du reste, que le recours au conflit de lois conduise dans la plupart des cas à la transmission de la clause d'élection de for. La détermination de la loi applicable à l'action directe du créancier contre le sous-débiteur partie au contrat originaire, dans le cadre d'une chaîne internationale de contrats, divise en effet la doctrine. Il a ainsi été proposé de distinguer entre recevabilité de l'action, qui relèverait de la loi du contrat principal, et l'étendue de la dette de réparation, qui dépendrait de la loi du sous-contrat[1935]. D'autres considèrent que pour naître à la vie, la chaîne internationale de contrats doit subir l'épreuve de toute les lois gouvernant les contrats censés la composer d'où il suit que “ l'existence de la chaîne internationale de contrats relève de l'application cumulative des lois régissant les contrats au gré desquels la chose a été transmise, flanquée de ses accessoires ”[1936]. Ce n'est qu'une fois admise l'existence de la chaîne qu'il faudrait appliquer la loi du contrat initial[1937]. Enfin selon une autre opinion, la loi applicable à l'action directe en responsabilité doit être régie par la loi du contrat originaire[1938].

 

    En jurisprudence, l'application du principe de qualification lege fori conduit à envisager la loi applicable à l'action directe entre le sous-acquéreur et le vendeur originaire comme s'il existait entre eux des rapports de nature contractuelle. Ainsi la Convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes à caractère international d'objets mobiliers corporels est-elle appliquée à ces rapports[1939] et ce en dépit du champ d'application de cette Convention qui précise, en son article 5e), qu'elle ne détermine pas la loi applicable “ aux effets de la vente à l'égard de toute personne autre que les parties ”. Mais la position relativement isolée du droit français fait que bien souvent, la loi étrangère désignée par la règle de conflit niera l'existence d'une action contractuelle entre le sous-acquéreur et le vendeur originaire. Il a pu être suggéré d'appliquer dans un tel cas les règles de la responsabilité contractuelle de la loi régissant le contrat originaire[1940] ou la loi du lieu de situation du dommage[1941]. Mais, quoi qu'il en soit, force alors est de reconnaître que la clause d'élection de for ne pourra être transmise dès lors que les droits attachés au contrat initial ne le sont pas également.

 

    Il en sera de même lorsque la loi que désigne la règle de conflit est celle d'un État contractant de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente international de marchandises. Comme l'a récemment indiqué la Cour de Cassation, le droit uniforme de la vente internationale de marchandise est inapplicable dans les relations entre le vendeur initial et le sous-acquéreur[1942]. Étant donné l'essor de la Convention de Vienne, ratifiée à ce jour par une cinquantaine d'États, le contrat originaire sera le plus souvent régi par le nouveau droit uniforme de la vente internationale[1943]. De fait, l'action du sous-acquéreur contre le vendeur originaire ne sera pratiquement jamais qualifiée de contractuelle.

 

    600.— Que l'on se fonde sur la jurisprudence Jacob Handt ou sur le droit national applicable, la transmissibilité de la clause d'élection de for dans les chaînes de contrats internationaux apparaît  plus qu'illusoire. Et sans doute en est-il de même en droit commun des conflits de juridictions dès lors que la Cour de cassation considère que la clause compromissoire n'est pas transmissible. Doit-on pour autant s'en réjouir ? Évoquant les enjeux de cette problématique Mme Gaudemet-Tallon releva à juste titre que “ si l'on admet l'opposabilité de la prorogation de compétence à l'ayant cause, ce dernier risque d'être très gêné par une clause dont il était parfaitement en droit d'ignorer l'existence. Si, au contraire, la clause lui est déclarée inopposable, c'est le contractant originaire qui va se trouver dépouillé du droit d'être traduit devant l'organe juridictionnel qu'il avait pris soin de choisir régulièrement ”[1944]. Entre ces deux inconvénients, il convient de retenir la solution qui paraît la moins inopportune.

 

    De ce point de vue, plusieurs raisons incitent à ne pas approuver la transmissibilité de la clause d'élection de for dans un groupe de contrats. Admettre le contraire revient à consacrer “ au bénéfice de certains contractants, une sorte d'hypertrophie de la fonction prévisionnelle du contrat qui méconnaît purement et simplement les prévisions légitimes des autres parties du        groupe ”[1945]. La prévisibilité du demandeur compte tout autant, si ce n'est plus, que la prévisibilité des parties originaires, notamment du vendeur. Or, le plus souvent, en effet, le demandeur ignore l'existence de la clause d'élection de for et risque de saisir un tribunal qui n'a pas été désigné par les parties originaires. Si la transmissibilité de la clause est admise, le juge saisi devra se déclarer incompétent. Cette situation, synonyme de lenteur et de coûts, peut s'avérer fâcheuse pour le demandeur, notamment si, en raison de la perte de temps qu'elle occasionne une prescription pourra lui être opposée lorsque l'affaire sera soumise au juge élu. La situation est évidemment différente en ce qui concerne le destinataire du connaissement. La question qui se pose à son égard n'est pas de savoir s'il a eu connaissance de la clause d'élection de for, puisqu'un exemplaire du connaissement où figure cette clause lui a été remis, mais s'il l'a acceptée. S'agissant en revanche du sous-acquéreur, l'application de la clause d'élection de for stipulée dans le contrat de vente originaire à l'occasion de l'action qu'il engage contre le fabricant revient à exiger de lui le respect d'une stipulation … dont il ignore l'existence.

 

    Cela ne signifie pas pour autant que toute idée d'action directe de nature contractuelle doit être condamnée. Il est tout à fait raisonnable de penser que celui dont le dommage a pour origine l'inexécution ou la mauvaise exécution d'un contrat puisse mettre en jeu la responsabilité contractuelle du débiteur. Mais si cette circonstance doit permettre de déterminer le régime applicable à cette action, elle ne devrait pas nécessairement impliquer l'opposabilité au demandeur de la clause d'élection de for qui figure dans le contrat, voire même des autres clauses, telles les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité. Dans ce cas, en effet, l'action en responsabilité contractuelle n'est pas fondée sur l'idée d'une transmission du contrat, et des clauses qu'il contient, aux ayants cause successifs, mais sur le fait que le dommage résulte d'un manquement contractuel[1946].

 

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*   *

 

    601.— Conclusion de la Troisième Partie . La règle mise en œuvre par la volonté commune des parties confère au juge élu une compétence en principe exclusive.  Ce dernier a  ainsi l'obligation de trancher le litige. De même, le juge exclu devrait, en principe, se déclarer incompétent. Obligatoire en droit conventionnel européen, la déclaration d'incompétence du juge exclu parait facultative en droit commun des conflits de juridictions. Aussi bien, il serait souhaitable que dans un esprit de coopération internationale, le juge français ne puisse pas discrétionnairement écarter la compétence internationale de ses tribunaux chaque fois que l'accord d'élection de for qui désigne une juridiction étrangère est licite et valable.

 

    L'étendue de la compétence du juge élu est en principe fixée par les parties qui déterminent les litiges qui entrent dans le champ d'application de l'élection de for. Cependant, l'élection de for ne doit concerner que les différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé. Il nous paraît cependant souhaitable d'écarter cette limite lorsqu'entre les mêmes parties ont été conclus deux contrats indivisibles — dont un seul comporte une clause d'élection de for —, ou lorsque le litige opposant ces mêmes parties présente un caractère indivisible. En outre, il apparaît que la règle de compétence mise en œuvre par la volonté commune des parties présente un domaine plus large que la matière contractuelle. Elle s'applique, d'une manière générale, chaque fois qu'elle ne heurte pas une règle de compétence judiciaire impérative. Aussi, lorsque la clause d'élection de for est insérée dans un contrat, les parties devraient pouvoir étendre la compétence du juge élu aux actions de nature extra-contractuelle qui sont en relation avec le contrat pour le compte duquel la clause a été conclue.

 

    Les conséquences de l'effet juridictionnel de l'élection de for devraient pouvoir être prise en compte afin d'en écarter l'application lorsque la saisine du juge élu s'avère particulièrement incommode pour l'une des parties. L'appréciation de la portée procédurale de la convention d'élection de for permettrait de rétablir l'équilibre dans les contrats d'adhésion passés entre professionnels. Un tel mécanisme n'est cependant envisageable que de manière limitée. Il suppose pour le juge un examen au cas par cas, ce qui implique que la partie qui souhaite que la convention d'élection de for soit écartée démontre que le fait d'être obligé d'engager une action à l'étranger représente pour elle un inconvénient anormal.

 

    À l'égard des tiers, enfin, la compétence du juge élu l'emporte sur les compétences dérivées, sauf semble-t-il en cas d'indivisibilité du litige. Mais si, en principe, un tiers ne peut contraindre une partie à la convention d'élection de for de plaider devant le juge qui n'a pas été désigné, il est en revanche possible qu'un tiers soit contraint de saisir le juge élu. Tel est le cas lorsque le rapport de droit pour le compte duquel la convention d'élection de for a été conclue est transmis, par convention ou par l'effet de la loi, à une personne qui n'a pas été partie à sa formation. La transmissibilité de la convention d'élection de for ne devrait être admise que si la partie à qui on l'oppose a pu être à même de la connaître. C'est pourquoi, doit être condamnée la jurisprudence qui subordonne l'opposabilité de la clause d'élection de for au destinataire d'un connaissement à une acceptation spéciale de la clause par ce dernier. En revanche, nous paraît justifiée l'idée de l'intransmissibilité de la clause d'élection de for au sein d'un groupe de contrats, étant donné que le dernier contractant de cette chaîne en ignore jusqu'à l'existence.

 


 

 

CONCLUSION GÉNÉRALE

 

 

 

 

 

 

    602.— Nous voici au terme de notre étude. Celle-ci nous a permis de mettre en évidence le rôle de la volonté commune des parties en matière de compétence judiciaire internationale. Selon la conception que nous avons retenue en abordant la notion “ d'élection de for ”, l'accord des parties sur la compétence nous paraît constituer un critère de rattachement à un ordre juridictionnel. Cette manière de voir permet de justifier la distinction entre le principe d'admissibilité — à savoir la règle de compétence qui fixe le cadre dans lequel les parties peuvent choisir leur juge, c'est-à-dire “ élire leur for ”— et la mise en œuvre de ce principe par un accord de volontés.

 

    603.— D'une manière générale, la possibilité pour les parties de choisir leur juge est plus largement admise dans les relations internationales de droit privé que dans les relations internes. L'absence de système de répartition des litiges au plan international justifie, entre autres raisons, qu'une large place soit laissée à la volonté commune des parties quant à la détermination de la compétence judiciaire.

 

    Selon la configuration du litige, l'admissibilité de l'élection de for empruntera son régime soit à la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 — ou à la Convention de Lugano du 16 septembre 1988 —, soit au droit commun des conflits de juridictions. Ainsi, le droit conventionnel européen doit être appliqué quand l'une des parties au moins est domiciliée sur le territoire d'un État contractant et si leur accord désigne le tribunal ou les tribunaux d'un État contractant. Si tel n'est pas le cas, l'élection de for sera appréciée à l'aune du droit commun des conflits de juridictions. Dans un cas comme dans l'autre, la faculté laissée aux parties de choisir leur juge est largement entendue. Si le nouveau Code de procédure civile a pu laisser craindre une restriction de l'élection de for, la jurisprudence a fort heureusement dissipé toute incertitude à ce sujet.

 

    Il nous a pourtant semblé qu'au lieu d'être fondé sur les critères du domicile et de la désignation du tribunal ou des tribunaux d'un État contractant, le régime d'admissibilité de la Convention de Bruxelles devrait gouverner l'élection de for désignant les juridictions d'État non contractant chaque fois que les tribunaux des États contractants auraient pu fonder leur compétence internationale sur les règles du droit conventionnel européen. Ce faisant, l'admissibilité de l'élection de for en faveur d'un État tiers serait fondée sur un corps de règles commun à tous les États contractants, et non sur le droit international privé de l'un de ces États. Replacer dans l'économie générale du droit conventionnel européen, cette suggestion permettrait d'améliorer la perception que peuvent avoir les États tiers de la Convention de Bruxelles. Le droit conventionnel européen serait ainsi perçu comme un instrument de coopération internationale.

 

    604.— Lorsqu'elle n'est pas le fruit d'un accord librement négocié, la convention d'élection de for peut aboutir à imposer à l'une des parties l'obligation de saisir un for qui la désavantage. Tel est le cas, notamment, lorsque la convention d'élection de for se trouve insérée dans un contrat passé entre une partie réputée forte et une partie réputée faible (consommateur, assuré, travailleur). Le principe d'admissibilité doit alors être limité, voire écarté, afin de rétablir l'équilibre entre les parties. À cet égard, pourtant, le contraste entre le droit conventionnel européen et le droit commun des conflits de juridictions est saisissant. Modifié par les Conventions d'adhésion à la Convention de Bruxelles des nouveaux États ayant intégré les Communautés européenne, le droit conventionnel européen présente une protection nettement plus satisfaisante que le droit commun des conflits de juridictions. En effet, l'absence de transposition de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile laisse sans protection le consommateur, tandis que la jurisprudence rendue en matière de contrat de travail ne permet pas de définir nettement les contours de la protection du salarié contre les conventions d'élection de for. Il est, toutefois, permis d'envisager  la transposition aux relations internationales du droit interne des clauses abusives — qui selon nous constitue un élément de l'ordre public en matière de compétence judiciaire interne — afin que puissent être écartées les clauses d'élection de for conclues au seul bénéfice du professionnel.

 

    D'une façon générale, les lacunes de la protection de la partie faible devraient pouvoir être comblées en se fondant sur la notion d'accès à la justice qui, d'ailleurs, constitue la raison d'être de cette protection en matière de compétence judiciaire internationale. En effet, l'accès à la justice constitue aujourd'hui un droit dont l'effectivité a été consacrée par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. L'effectivité de ce droit commande de compléter les règles de compétence impératives lorsqu'elles s'avèrent insuffisamment protectrices, voire même d'en créer de nouvelles lorsqu'aucune protection n'est mise en place alors qu'elle apparaît nécessaire.

 

    605.— La mise en œuvre de l'élection de for implique un accord de volontés des parties qui, en tant qu'acte juridique, devrait théoriquement emprunter son régime à la loi que désigne le droit des conflits de lois. On ne peut, cependant que constater le recul de la règle de conflit de lois au profit de la règle matérielle de droit international privé. Ce phénomène s'observe, tout d'abord, en droit conventionnel européen. Dans ce cadre là, l'éviction de la méthode conflictualiste n'est pas, en soi, critiquable dès lors que le juge saisi d'un État contractant, qu'il soit ou non le juge élu, est tenu d'appliquer une réglementation commune à tous les États contractants. Tel n'est pas le cas, en revanche, lorsque la convention d'élection de for relève du droit commun des conflits de juridictions. Les règles matérielles du for étant des règles internes dont la particularité est d'être spécifiques aux relations internationales, leur application n'est prévisible que si le for élu est effectivement saisi. Il nous est donc apparu que seul le recours à la méthode conflictualiste permet de garantir au mieux les prévisions des parties. La recherche d'un rattachement pertinent nous a amené à distinguer selon que le juge élu est ou non effectivement saisi du litige. Dans la première hypothèse, la loi applicable à l'accord d'élection de for devrait être la loi de la relation juridique pour le compte duquel cet accord a été passé. Si, en revanche, le juge élu n'est pas le juge saisi, la loi qui devrait être appliquée par le juge saisi devrait être déterminée par le système de conflit du juge élu. De cette façon, la loi applicable sera la même quel que soit le juge saisi du litige.

 

    606.— Il reste que la formation de la convention d'élection de for est pour l'essentiel régie par des règles matérielles. L'analyse de ces règles permet de constater un assouplissement des conditions de formation de cette convention. Selon la jurisprudence de la Cour de Justice, les règles de forme de la Convention de Bruxelles doivent permettre de garantir la réalité du consentement des parties. Cependant, l'apparition de nouvelles formes faisant référence aux        “ habitudes des parties ” et “  aux usages du commerce international ” conduit à altérer l'exigence d'un consentement véritable au profit d'une présomption de consentement. Sans doute,  cette évolution s'adresse-t-elle principalement aux parties ayant l'expérience des contrats internationaux. Elle n'en aboutit pas moins à favoriser l'insertion par l'une d'elles d'une clause d'élection de for à laquelle l'autre n'aurait pas vraiment consenti.

 

    Si un renforcement du formalisme ne paraît pas adapté en matière de commerce international, il serait alors souhaitable d'apprécier concrètement les conséquences de l'effet juridictionnel de la convention d'élection de for si elle s'avère particulièrement incommode pour l'un des plaideurs. La mise en place d'un contrôle a posteriori devrait permettre d'écarter les conventions d'élection de for qui, bien que passées entre professionnels, aboutissent concrètement à priver l'un d'entre eux de son droit d'accès à la justice. À la différence toutefois de ce qui a été proposé pour la protection de la partie faible, l'atteinte au droit d'accès n'est pas déduite du déséquilibre existant entre les contractants, mais doit être démontrée par celui qui souhaite que soit écartée la convention d'élection de for.

 

    607.— Une fois mis en œuvre, le principe d'admissibilité a pour corollaire l'exclusivité de la compétence du juge désigné par la volonté des parties. Aucun autre juge ne peut, en principe, retenir sa compétence sauf si les parties en ont décidé autrement. Leur volonté commune permet aussi de déterminer l'étendue de cette compétence. Si la compétence du juge élu ne doit concerner qu'un rapport de droit déterminé, les parties déterminent dans ce cadre-là les types de litiges qui entrent dans le champ d'application de la convention d'élection de for.

 

    D'une façon générale, le caractère accessoire de la convention d'élection de for explique qu'elle soit transmise avec le rapport de droit pour le compte duquel elle a été conclue. Cette transmission, par l'effet de la loi ou par la convention, ne devrait être possible que lorsque la partie à qui la clause d'élection de for est opposée a pu en avoir connaissance. On ne peut exiger d'un plaideur qu'il saisisse le juge élu alors même qu'il ne dispose d'aucun moyen pour connaître l'existence de la convention qui désigne ce juge. C'est pourquoi il nous est, entre autres, apparu opportun d'écarter toute possibilité de transmission de la clause d'élection de for dans une chaîne internationale de contrats et ce quand bien même l'action dont disposerait le contractant “ extrême ” serait de nature contractuelle.


 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

 

I - OUVRAGES GÉNÉRAUX

 

 

       ANCEL (B) et LEQUETTE (Y) :

Grands arrêts de la jurisprudence française de droit international privé, 3e  éd., Dalloz, 1998

       AUDIT (B) :

Droit international privé, 2e éd., Économica, 1997

       BARTIN (É) :

Principes de droit international privé selon la loi et la jurisprudence française, 3 vol., Paris, t. 1, 1930 ; t. 2, 1932 et t. 3, 1935.

       BATTIFOL (H) et LAGARDE (P) :

Droit international privé, L.G.D.J., t. 1, 8e  éd., 1993, et t. 2, 7e éd.,1983.

       Béhar-Touchais (M) et Virassamy (G) :

Traité de droit des contrats, Les contrats de distributions, L.G.D.J., 1999

       BÉNABENT (A) :

Droit civil, Les obligations, 6e éd., Montchrestien, 1997

Droit civil, Les contrats spéciaux, 3e éd., Montchrestien, 1997

       Boisséson (M de) :

Le droit français de l'arbitrage interne et international, GLN Joly, 1990

       BONNET (R) et CATALA (N) :

Droit social européen, Litec, 1991.

       CADIET (L) :

Droit judiciaire privé, 2e éd., Litec, 1998

       CALAIS-AULOY (J) et Steinmetz (Fr.) :

Droit de la consommation, 4e éd., Dalloz, 1996

       CARBONNIER (J) :

Droit civil, t. 1, Introduction, 25e éd., P.U.F., Coll. Thémis, 1997

Droit civil, t. 4, Les obligations, 21e éd., P.U.F., Coll. Thémis, 1998

       CARTOU (L) :

L'Union européenne, Dalloz, 1994

       COLLART DUTILLEUL (F) et DELEBECQUE (Ph.) :

Contrats civils et commerciaux, 4e éd., Dalloz, 1998

       Couchez (G), Langlade (J.- P.) et Lebeau (D) :

Procédure civile, Dalloz, 1998,                       

       CROZE (H) et MOREL (Ch.) :

Procédure civile, P.U.F., Coll. droit fondamental, 1988

       DERRUPÉ (J) :

Droit international privé, 13e éd., Mémento Dalloz, 1999

       Flour (J) et Aubert (J.- L.) :

Les obligations, 1, L'acte juridique, 8e éd., Armand Collin, 1998

Les obligations, 2, Le fait juridique, 8e éd., Armand Collin, 1999

       Flour (J), Aubert (J.- L.), Flour (Y) et Savaux (É) :

Les obligations, 3, Le rapport d'obligation, 1999

       Fouchard (Ph), E. Gaillard (E) et Goldman (†) (B) :

Traité de l'arbitrage international, Litec, 1996

       GAVALDA (C) et PARLÉANI (G) :

Droit des affaires de l'Union européenne, 2e éd., Litec, 1998

       GEOUFFRE DE LA PRADELLE (G. DE) :

Essai d'introduction au droit français, t. 1, Les normes, Erasme, 1990

       GHESTIN (J), GOUBEAUX (G) et Fabre-Magnan (M) :

Traité de droit civil, Introduction générale, L.G.D.J., 1994

 

       GHESTIN (J) :

Traité de droit civil, Les obligations, Le contrat : formation,  L.G.D.J., 2e éd., 1993

       GHESTIN (J), BILLIAU (M) et Jamin (Ch.) :

Traité de droit civil, Les obligations, Les effets du contrat, L.G.D.J., 2e éd., 1994

       GOLDMAN (B), LYON-CAEN (A) et VOGEL (L) :

Droit commercial européen, 5e éd., Dalloz, 1994

       GROSS (B) et BIHR (Ph.) :

Contrats, t. 1, Ventes civiles et commerciales, Baux d'habitation, baux commerciaux, P.U.F., Coll.  Thémis, 1993

       Héron (J) :

Droit judiciaire privé, Montchrestien, 1991

       HOLLEAUX (D), FOYER (J) et DE GEOUFFRE DE LA PRADELLE (G) :

Droit international privé, Masson, 1987

       JACQUET (J.- M.) :

Le contrat international, Coll. Connaisssance du droit, 2e éd., Dalloz, 1998

       JACQUET (J.- M.) et DELEBECQUE (Ph.) :

Droit du commerce international, Coll. Cours Dalloz, série droit privé, Dalloz, 1997

     LOUSSOUARN (Y) et BOUREL (P) :

Droit international privé, 6e éd., Dalloz, 1999

       LOUSSOUARN (Y) et BREDIN (J.- D.) :

Droit du commerce international, Sirey, 1969

       LYON-CAEN (G) et LYON-CAEN (A) :

Droit social international et européen, 8e éd., Dalloz, 1993

       MALAURIE (Ph) et AYNÈS (L) :

Droit civil, t. 6, Les obligations, 10e éd., Cujas, 1999

       MALAURIE (Ph) et AYNÈS (L) et Gauthier (P.- Y.) :

Droit civil, t. 7, Les contrats spéciaux, 13e  éd., Cujas, 1999

       MAYER (P) :

Droit international privé, 6e éd., Montchrestien, 1998

       MOUSSERON (P), RAYNARD (J), FABRE (R) et PIERRE (J.- L.) :

Droit du commerce international, Droit international de l'entreprise, Litec, 1997

       Nguyen Quoc Dinh (†), Daillier (P) et Pellet (A) :

Droit international public, 6e éd., L.G.D.J., 1998

       Putman (E) :

Contentieux économique, P.U.F., Coll.  Thémis, 1998

       Rémond-Gouilloud (M) :

Droit maritime, 2e éd., Pédone, 1993

Le contrat de transport, Coll. connaissance du droit, Dalloz, 1993

       Ripert (G) :

Traité de droit maritime, t. 2, 4e éd., Rousseau, 1952

       Rodière (R) et DU Pontavice (E) :

Droit maritime, 12e éd., Dalloz, 1997

       SCHARIPA (J), LE TALLEC (J) et BLAISE (B) :

Droit européen des affaires, 4e éd., P.U.F. Coll. Thémis, 1994

       SOLUS (H) et PERROT (R) :

Droit judiciaire privé, t. 1, Introduction, Notions fondamentales, Organisation judiciaire, Sirey, 1961

Droit judiciaire privé, t. 2, La compétence, Sirey, 1973

Droit judiciaire privé, t. 3, Procédure de première instance, Sirey, 1991

       STARCK (B), ROLAND (H) et BOYER (L) :

Introduction au droit, 4e éd., Litec 1996

Obligations, t. 1, Responsabilité délictuelle, 5e éd., Litec 1996

Obligations, t. 2, Contrat, 6e éd., Litec 1998

       SUDRE (Fr.) :

Droit international et européen des droits de l'homme, Coll. Doit fondamental, 3e éd., P.U.F. 1997

       TERRÉ (Fr.) :

Introduction générale au droit,  Dalloz, 1991

       Terré (Fr.), Simler (Ph.) et Lequette (Y) :

Les obligations, 7e éd., Dalloz, 1999

       Vialard (A) :

Droit maritime, P.U.F., coll. droit fondamental, 1997

       VINCENT (J) et GUINCHARD (S) :

Procédure civile, 25e éd., Dalloz, 1999

       VINEY (G) et Jourdain (P) :

Traité de droit civil, Les obligations, Les conditions de la responsabilité,  2e éd., L.G.D.J., 1998

       VINEY (G) :

Traité de droit civil, Les obligations, La responsabilité : effets,  L.G.D.J., 1988

       VIZIOZ (H) :

Études de procédure, éd. Brière, Bordeaux, 1956

 

 

II - OUVRAGES COLLECTIFS

 

 

Actes et Documents de la Xe session de la Conférence de La Haye, t. 4, “ For contractuel ”, 1965.

Les clauses abusives entre professionnels, sous la direct. de Ch. Jamin et D. Mazeaud, coll. Études juridiques, 3, Économica, 1998.

Les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité en Europe, Actes du Colloque des 13 et 14 décembre 1990, sous la direction de J. GHESTIN, Coll. Droit des affaires, L.G.D.J., 1991.

Compétence judiciaire et exécution des jugements en Europe, Actes du colloque sur l'interprétation de la Convention de Bruxelles par la Cour de justice européenne dans la perspective de l'espace judiciaire européen, Luxembourg, les 11 et 12 mars 1991, Butterworths, 1993.

Le commerce électronique, une nouvelle donne pour les consommateurs, les entreprises, les citoyens et les pouvoirs publics, sous la direct. de F. Lorentz, Études, Les Éditions de Bercy, Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, Paris, 1998.

Le contrat, in Droit n° 12, P.U.F., 1990.

Le contrat aujourd'hui : comparaison franco-anglaise, sous la direction de D. TALLON et D. HARRIS, Bibl. dr. priv., t. 196, L.G.D.J., 1987.

La Convention européenne des droits de l'homme, Commentaire article par article, sous la dir. de L. E. PETTITI, E. DECAUX et P. H. IMBERT, Économica,1995.

La détermination du prix : nouveaux enjeux un an après les arrêts de l'assemblée plénière, coll. Thèmes et Commentaires, Dalloz, 1997 ou RTD com. 1997, p. 1.

Le droit contemporain des contrats, Économica, 1987.

Le droit privé européen, sous la direct. de P. de Vareilles-Sommières, coll. Études juridiques,1, Économica, 1998.

— La protection de la partie faible dans les rapports contractuels. Comparaisons franco-belges, sous la direction de M. FONTAINE et J. GHESTIN, Bibl. dr. priv., t. 261, L.G.D.J., 1996.

Les effets du contrat à l'égard des tiers, comparaison  franco-belge, sous la direction de M. FONTAINE et J. GHESTIN, Bibl. dr. priv., t. 227, L.G.D.J., 1992.

Études offertes à Pierre Bellet, Litec, 1991.

L'évolution contemporaine du Droit des Contrats, Journée René Savatier, P.U.F., 1985.

L'internationalisation du droit, Mélanges offerts en l'honneur de Yvon LOUSSOUARN, Dalloz, 1994.

Internet, les enjeux pour la France, sous la direct. de D. Kaplan, AFTEL, Édition A Jour, 1995.

Internet, aspects juridiques, Mémento-Guide Alain Bensoussan, Hermès, 1993.

Internet et les réseaux numériques, Conseil d'État, Section du rapport et des études, La documentation française, 1998.

Mélanges dédiés à Dominique Holleaux, Litec, 1990.

Nouveaux juges, nouveaux pouvoirs ? Mélanges en l'honneur de Roger Perrot, Dalloz, 1996

­— Les principes du droit européen du contrat, L'exécution, l'inexécution et ses suites, La documentation Française, 1997.

La protection des consommateurs, Trav. Ass. H. Capitant, t. XXIV, Dalloz,  1973.

La qualification, in Droit n° 18, P.U.F., 1993.

Sur les notions du contrat, Arch. phil. dr., t. 13, 1968.

 

 

 

 

 

 

 

III - OUVRAGES SPÉCIAUX, THÈSES ET MONOGRAPHIES

 

 

       ALEXANDRE (D) :

Le pouvoir du juge de l'exequatur, Bibl. dr. priv., t. 107, L.G.D.J., 1970.

— v° Convention de Bruxelles (Généralités) (Compétence), in Encyclopédie Dalloz de Droit Communautaire, 1994.

       AUDIT (B) :

La vente internationale de marchandises, Convention des Nations-Unies du 11 avril 1980, Coll. Droit des affaires, L.G.D.J., 1990.

       AynÈs (L) :

— La cession de contrat et les opérations à trois personnes, Économica, 1984.

       BACACHE-GIBEILI (M) :

Relativité des conventions et groupes de contrats, Bibl. dr. priv, t. 268, L.G.D.J., 1996.

       BARTIN (É) :

Études sur les effets internationaux des jugements, L.G.D.J., 1907.

       BATIFFOL (H) :

Aspects philosophiques du droit international privé, Coll. "Philosophie du droit", Dalloz, 1956.

Choix d'articles rassemblés par ses amis, L.G.D.J., 1976.

       BAUER (H) :

Compétence judiciaire internationale des tribunaux civils français et allemands, Bibl. dr. inter. priv., vol. 5, Dalloz, 1965.

       Ben Abderrahmane (D) :

— Le droit allemand des conditions générales des contrats dans les ventes commerciales franco-allemandes, Bibl. dr. priv., t. 186, 1985.

       BERAUDO (J.-P. ) :

Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, Juris-Classeur Europe :

     .Fasc. 3010, Compétence, Compétences exclusives, Compétences à raison de la matière, Prorogation volontaire de compétence, 1999.

     .Fasc. 3020, Compétence, Règles ordinaires de compétence, 1989.

     .Fasc. 3030, Compétence, Règles de procédure ayant une incidence sur la compétence, 1990.

       Berlioz (G) :

Le contrat d'adhésion, Bibl. dr. priv., t. 132, 2e éd., L.G.D.J., 1979.

       BLANCHIN (C) :

L'autonomie de la clause compromissoire : un modèle pour la clause attributive de juridiction ?, Trav. Panthéon-Assas (Paris II), L.G.D.J., 1995.

       Boulanger (F) :

Tourisme et loisirs dans le droit privé européen, Économica, 1996.

       Bout (R), Bruschi (M), Pietro (C) et Cas (†) (G) :

Lamy Droit économique, 2000.

       CADIET (L) :

Clauses relatives aux litiges, Juris-Classeur Contrats Distribution, Fasc. 190, 1998.

       Chanteloup (H) :

Les quasi-contrats en droit international privé, Bibl. dr. priv., t. 304, L.G.D.J., 1998.   

       Cohen (D) :

Arbitrage et société, Bibl. dr. priv., t. 229, 1993.     

       COHEN-JONATHAN (G) :

Vis Convention européenne des droits de l'homme et procédure civile, in Répertoire de procédure civile Dalloz, , 1993.

       COIPEL-CORDONNIER (N) :

Les conventions d'arbitrage et d'élection de for en droit international privé, Bibl. dr. priv., t. 314, L.G.D.J., 1999.

       COVILLE (C) :

  La clause attributive de juridiction dans le monde des affaires, thèse 3e cycle, Rouen, 1980.

       COURSIER (Ph.) :

Le conflit de lois en matière de contrat de travail. Étude en droit international privé français, Bibl. dr. priv., t. 230, L.G.D.J., 1993.

       DAURIAC (I) :

  La signature, thèse Paris II, 1997.

 

       DIAB (N.- A.) :

Le tribunal internationalement compétent en droit libanais et français, Bibli. dr. priv, t. 226, L.G.D.J., 1993.

       Deby-Gérard (Fr.) :

Le rôle de la règle de conflit de lois dans le règlement des rapports internationaux, Bibl. dr. inter. priv., vol. 16, 1973.

       DELAPORTE (V) :

Recherches sur les formes des actes juridiques en droit international privé, thèse Paris I, 1974.

       Delor (L) :

La prorogation de juridiction en matière civile, thèse Paris, 1911.

       DROZ (G. A. L.) :

Compétence judiciaire et effets des jugements dans le marché commun (Étude de le Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968), Bibl. dr. inter. priv., vol.  13, Dalloz, 1972.

Pratique de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, Manuel Dalloz de droit usuel, 1973.

       Fauvarque-Cosson (B) :

Libre disponibilité des droits et conflits de lois, Bibl. dr. priv., t. 272, L.G.D.J.,1996.

       FERRY (Cl) :

La validité des contrats en droit international privé France/U.S.A., Bibl. dr. priv, t. 206, L.G.D.J., 1989.

       FLOUR (Y) :

L'effet du contrat à l'égard des tiers en droit international privé, thèse Paris II, 1977.

       FLATTET (G) :

— Juris-Classeur Droit International, Fasc. 590B.

       FRANCESCAKIS (Ph.) :

La théorie du renvoi et les conflits de système en droit international privé, Sirey, 1958.

       GAUDEMET-TALLON (H) :

La prorogation volontaire de juridiction en droit international privé, Bibl. dr. inter. priv., vol. 4, Dalloz, 1965.

Les Conventions de Bruxelles et de Lugano, Compétence internationale, reconnaissance et exécutions des jugements en Europe, Coll. Droit des affaires, 2e éd., L.G.D.J., 1995.

Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, Juris-Classeur Europe, Fasc. 3200, 1996.

v° Compétence civile et commerciale, in Encyclopédie Dalloz Droit International, 1998.

       Gautier (P) :

  De la clause attributive de juridiction insérée dans les connaissements, thèse Montpellier, 1905.

       GOTHOT (P) et HOLLEAUX (D) :

 La Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968. Compétence judiciaire et effets des jugements dans la CEE, Coll. Exporter, Jupiter, 1985.

       GOUBEAUX (G) :

 La règle de l'accessoire en droit privé, Bibl. dr. priv., t. 93, L.G.D.J., 1969.

       Goutal (J.- L.) :

Essai sur le principe de l'effet relatif du contrat, Bibl. dr. priv., t. 171, L.G.D.J., 1981.

       HAMMJE (P) :

La contribution des principes généraux du droit à la formation du droit international privé, thèse Paris I, 1994.

       HEUZÉ (V) : La réglementation française des contrats internationaux (Étude critique des méthodes), GLN JOLY, 1990.

— Conflits de juridictions et contrats internationaux, Dictionnaire Joly Pratique des contrats internationaux, Livre IX (1989, mise à jour 1993).

— La vente internationale de marchandises, Droit uniforme, GLN JOLY, 1992.

       Hirschmann (R) :

Les clauses attributives de compétence territoriale, thèse Paris, 1937.

       HOLLEAUX (D) :

Compétence du juge étranger et reconnaissance des jugements, Bibl. dr. inter. priv., vol. 9, Dalloz, 1970.

       HUET (A) :

Les conflits de lois en matière de preuve, Bibl. dr. inter. priv., vol. 6, Dalloz, 1965.

Compétence des tribunaux français à l'égard des litiges internationaux, Juris-Classeur Droit international :

     .Fasc. 581-10, Généralités, 1995.

     .Fasc. 581-20, Compétence internationale ordinaire, 1995.

     .Fasc. 581-21, Compétence internationale ordinaire, Règles de compétence purement internationale, 1995.

Compétence  “ privilégiée ” des tribunaux français ou compétence fondée sur la nationalité française de l'une des parties, Juris-Classeur Droit international :

     .Fasc. 581-30, Code civil, articles 14 et 15, Bénéficiaires, 1995.

     .Fasc. 581-31, Code civil, articles 14 et 15, Domaine, Tribunal spécialement compétent, 1995.

     .Fasc. 581-32, Code civil, articles 14 et 15, Renonciation, Non-applicabilité d'office, 1995.

Compétence des tribunaux français à l'égard des litiges internationaux, Règles communes à la compétence internationale ordinaire et à la compétence privilégiée des tribunaux français, Clauses attributives de juridiction, Fasc. 581-41,1995.

— v°Convention de Bruxelles (Reconnaissance et exécution des jugements), in Encyclopédie Dalloz de Droit Communautaire, 1994.

       HUET (J) :

Responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle, Essai de délimitation des deux ordres de responsabilité, thèse Paris II, 1978.

       Huet (J) et Maisl (H) :

Droit de l'informatique et des Télécommunications, Litec, 1989.

       JACQUET (J.-M) :

 Principe d'autonomie et loi applicable au contrat,  Économica, 1983.

       KASSIS (A) :

Le nouveau droit européen des contrats internationaux, L.G.D.J., 1993.

       KAUFMANN-KOHLER (G) :

La clause d'élection de for dans les contrats internationaux, Juristische Fakultät der Universität, Basel, Helbing & Lichtenhahm, 1980.

       LA PRADELLE (G. de) :

Les conflits de lois en matière de nullité, Bibl. dr. inter. privé, vol. 8, Dalloz, 1967.

       LABARTHE (F) :

La notion de document contractuel, Bibl. dr. priv, t. 241, L.G.D.J., 1994.

       Lebas (G) :

De la prorogation de juridiction en matière civile, thèse Paris, 1904.

       LEBORGNE (F) :

L'action dans les groupes de contrats (Étude de droit interne et de droit international privé), thèse Rennes I, 1995.

       LECLERC (F) :

La protection de la partie faible dans les contrats internationaux (étude de conflits de lois), Bruylant, 1995.

       Lequelle (Y) :

Protection familiale et protection étatique des incapables, Bibl. dr. inter. priv., vol. 20, 1976

       LI (X.-Y) :

La transmission et l'extension de la clause compromissoire dans l'arbitrage international, thèse Dijon, 1993.

       Loquin (É) :

Arbitrage, Juris-Classeur Procédure civile, Fasc. 1030.

       Loussouran (Y) et Trochu (M) :

— Conflits de juridictions en matière de société, J-Cl. Droit international, Fasc. 564-D, 1987.

       Mayer (D) :

Les rapports de la compétence judiciaire et de la compétence législative dans le droit international privé de la famille, thèse Paris, 1972.

       MAYER (P) :

La distinction entre règles et décisions et le droit international privé, Bibl. dr. inter. priv., vol. 18, Dalloz, 1973.

       MERCADAL (B) :

Droit des affaires, Mémento Francis Lefebvre, 1999.

       MUIR WATT (H) :

La fonction de la règle de conflit de lois, thèse Paris II, 1985

Répertoire procédure civile Dalloz, vis Droit international et procédure civile, 1995.

       MULLER (Y) :

Le contrat judiciaire en droit privé, thèse Paris I, 1995

Répertoire procédure civile Dalloz, vis Contrat Judiciaire, 1995.

       Neret (J) :

  Le sous-contrat, Bibl. dr. priv., t. 163, L.G.D.J., 1979.

       NIBOYET-HOEGY (M.- L.) :

L'action en justice dans les rapports internationaux de droit privé, Éconmica, 1986.

Contrats internationaux, Juris-Classeur Droit international :

     .Fasc. 552-10, Introduction, Généralités, Sources, Historique,1998.

     .Fasc. 552-20, Détermination du droit applicable, Le principe d'autonomie (sa signification), 1998.

     .Fasc. 552-30, Détermination du droit applicable, Le principe d'autonomie (sa portée), 1995.

     .Fasc. 552-40, Détermination du droit applicable, Principes concurrents du principe d'autonomie, 1998.

       Osman (F) :

Les principes généraux de la lex mercatoria, Bibl. dr. priv., t. 224, L.G.D.J., 1992.

       PARK (W. W.) :

International Forum Selection, Kluwer Law International, 1995.

       PATAUT (É) :

Principe de souveraineté et conflits de juridictions (Études de droit international privé), Bibl. dr. priv, t. 298, L.G.D.J., 1999.

       Pédamon (M) :

Le contrat en droit allemand, Coll. Droit des affaires, L.G.D.J., 1993

       POCHON (G) :

Clauses attributives de juridiction et convention sur la compétence,  thèse Paris, 1958.

       Pommier ( J.- C.) :

Principe d'autonomie et loi du contrat en droit international privé conventionnel, Economica, 1992.  

       RANOUIL (V) :

­— L'autonomie de la volonté (Naissance et évolution d'un concept, P.U.F., 1980.

       ROUHETTE (G) :

— Contribution à l'étude critique de la notion de contrat, thèse Paris, 1965.

       SANTA-CROCE (M) :

Contrats internationaux, Juris-Classeur Droit international :

     .Fasc. 552-50, Théorie générale, Domaine de la loi du contrat, Introduction, Existence du contrat , 1998.

     .Fasc. 552-60, Domaine de la loi du contrat, Validité du contrat ou d'une clause du contrat, 1998.

     .Fasc. 552-70, Domaine de la loi du contrat, Interprétation du contrat, Exécution en nature des obligations, 1998.

     .Fasc. 552-80, Domaine de la loi du contrat, Exécution du contrat par équivalent, Extinction des obligations, Prescription et délais, 1998.

       SCHMIDT-SZALEWSKI (J) :

Conditions générales des contrats et contrats-types, Juris-Classeur Contrats Distribution, Fasc. 60, 1990.

       SIMLER (Ph.) :

 La nullité partielle des actes juridiques, Bibl. dr. priv., t. 101, L.G.D.J., 1969.

       SINAY-CYTERMANN (A) :

L'ordre public en matière de compétence judiciaire internationale, thèse Strasbourg III, 1980.

       TEYSSIÉ (B) :

Les groupes de contrats, Bibl. dr. priv., t. 139, L.G.D.J., 1975.

       TOUBIANA (A) :

Le domaine de la loi du contrat en droit international privé (contrats internationaux et dirigisme étatique), Bibl. dr.  inter. priv., vol. 14, Dalloz, 1972.

       Théry (Ph.) :

Pouvoir juridictionnel et compétence (Étude de droit international privé),  thèse Paris II, 1981.

       VALLAT-SIBLINI (A) :

L'emploi international, recherche sur la mobilité des salariés en droit international privé,  thèse 3e cycle, Paris X, 1985.

       VELU (J) et ERGEC (R) :

La Convention européenne des droits de l'homme, Bruylant, Bruxelles, 1990.

       VIGNAL (Th.) :

La part de la volonté dans les règles de conflit de lois hors les contrats,  thèse Paris II, 1993.

       Virassamy (G) :

Les contrats de dépendances, Essai sur les activités professionelles exercées dans une dépendance économique, Bibl. dr. priv., t. 190, 1986.

       Vivant (M) et alii :

Les transactions internationales assistées par ordinateur, Bibl. dr. entrepr., Litec. 1987.

  Lamy Droit de l'informatique et des réseaux, 1999.

       WESER (M) :

Convention communautaire sur la compétence judiciaire et l'exécution des décisions, Bruxelles, Centre Interuniversitraire de Droit Comparé, Paris, Pédone, 1975.

       WITZ (Cl.) :

Droit privé allemand, 1, Actes juridiques, droits subjectifs, Litec, 1992.

 

 

IV - ARTICLES, RAPPORTS ET CHRONIQUES

 

 

       Almeida Cruz (M. de), Desantes Real (M) et P. Jénard (P) :

— Rapport sur la Convention relative à l'adhésion du Royaume d'espagne et de la République portugaise, JOCE, n° C 189, 28 juillet 1990.

       Ammar (D) :

— Preuve et vraisemblance. Contribution à l'étude de la preuve technologique, RTD civ. 1993, p. 499.

       ANCEL (B) :

La clause attributive de juridiction selon l'article 17 de la Convention de Bruxelles, Rivista di diritto internazionale privato e processuale 1991, p. 263.

       ANCEL (J.- P.) :

L'actualité de l'autonomie de la clause compromissoire, Trav. com. fr. DIP 1991-1992/1992-1993, p. 75.

       AUBERT (J.- L.) :

À propos d’une distinction renouvelée des parties et des tiers, RTD civ. 1993, p. 263.

       AUDIT (B) :

— Le caractère fonctionnel de la règle de conflit, Rec. cours La Haye 1984, t. 186, p. 262.

— Les conflits de juridictions en matière de droit du travail, JCP E 1986, suppl. n° 4, p. 33.

Qualification et droit international privé, Droits, n°18, La qualification, 1993, p. 55.

— L'arbitre, le juge et la Convention de Bruxelles, in L'internationalisation du droit, Mélanges en l'honneur de Yvon Loussouarn, Dalloz, 1994, p. 15.

       Aynès (L) :

— Cession de contrat : nouvelles précisions sur le rôle du cédé, D. 1998, Chron. p.25.

       BANDRAC (M) :

L'action en justice, droit fondamental, in Nouveaux juges, nouveaux pouvoirs ? Mélanges en l'honneur de Roger Perrot, Dalloz, 1996, p. 1.

       BATIFFOL (H) :

— Le respect des droits acquis, Cours IHEI, 1968-1969.

— La pluralité des méthodes en droit international privé, Rec. cours La Haye 1973, t. 139, p. 79.

— Contribution de la juridiction internationale au droit international privé, in Mélanges offerts à Charles Rousseau, Pédone, 1974, p. 17.

       BELLET (P) :

— L'élaboration d'une Convention sur la reconnaissance des jugements dans le cadre du Marché Commun, JDI 1965, p. 833.

       BÉRAUD (J.- M.) :

— Les recours juridictionnels dans les rapports de travail internationaux, Dr. soc. 1987, p. 517.

       Béraudo (J.- L.) :

— Les principes d'Unidroit relatifs au droit du commerce international, JCP 1995, I, n° 3842.

— L'application internationale des nouvelles dispositions du Code civil sur la responsabilité du fait des produits défectueux, JCP 1999, I, n° 140.

       Berthel (J.- P.) :

— Le débat sur la nature de la société, in Droit et vie des affaires, Études à la mémoire d'Alain Sayag, Litec, 1997, p. 131.                    

       Bigot (J) :

— L'internationalisation du droit des assurances, in L'internationalisation du droit, Mélanges en l'honneur de Yvon Loussouarn, Dalloz, 1994, p. 57.

       Blanc (G) :

— Clause compromissoire et clause attributive de juridiction dans un même contrat ou dans un même ensemble contractuel, De la concurrence à la subsidiarité de la compétence des tribunaux étatiques,  JCP E 1997, I, n° 707.                   Boucobza (X) :

— La clause compromissoire par référence en matière d'arbitrage international, Rev. arb.1998, p. 495.

       Brunet (A) et Ghozi (A) :

— La jurisprudence de l'Assemblée plénière sur la détermination du prix du point de vue de la théorie du contrat, D. 1998, Chron. p.1.

       Buhagiar (T) :

— De la juridiction compétente pour connaître d'un litige entre un salarié français et son employeur étranger en application de la Convention franco-suisse du 15 juin 1869, Gaz. Pal. 1969, Doct. p. 140.

       CALAIS-AULOY (J) :

— Les cinq réformes qui rendraient le crédit moins dangereux pour les consommateurs, D. 1975, Chron. p. 19.

— Proposition pour un Code de la Consommation, La documentation française, Coll. des rapports officiels, avril 1990.

— La Communauté européenne et les consommateurs, in Mélanges offerts à André Colomer, Litec, 1993, p. 119.

       Caprioli (É) et Sorieul (R) :

— Le commerce international électronique : vers l'émergence de règles juridiques transnationales, JDI 1997, p. 324.

       Caprioli (É) :

— Preuve et signature dans le commerce électronique, Dr. et Patrimoine 1997, n° 55, p. 56.

— Sécurité et confiance dans le commerce électronique - Signature numérique et autorité de certification, JCP 1998, I, n° 123.

       Champaud (C) :

— Le contrat de société existe-t-il encore ? in Le droit contemporain des contrats (sous la direct. De L. Cadiet), Économica, 1986, p. 125.

       Chapelle (A) :

— L'arbitrage et les tiers. Le droit des personnes morales : rapport général, Rev. arb. 1988, p. 475.

       Cohen (Dany) :

— La Convention européenne des droits de l’homme et le droit international privé français, Rev. crit. DIP 1989, p. 451.

       Cohen (Daniel) :

— Arbitrage et groupes de contrats, Rev. arb. 1997, p. 471.

       COUCHEZ (G) :

— Les nouveaux textes de la procédure civile et la compétence internationale, Trav. com. fr. DIP 1977-1979, p. 113.

       COURBE (P) :

— Privilège de juridiction et transmission de la clause de compétence, in Mélanges offerts à André Colomer, Litec, 1993, p. 143.

       CORNU (G) :

— La protection du consommateur et l'exécution du contrat en droit français, in La protection des consommateurs, Trav. Ass. H. Capitant, t. 24, Dalloz, 1973, p. 391.

       COTTEREAU (V) :

— La clause réputée non écrite, JCP 1993, I, n° 3691.

       CURTI-GIALDINO (A) :

— La volonté des parties en droit international privé Rec. Cours La Haye 1972, t. 137, p. 743.

       Delmas-Marty (M) :

— Réinventer le droit commun, D. 1995, Chron. p. 1.

     DELAGRANGE (O) :

— La compétence judiciaire en matière de contrat international (commentaire des art. 17 et 5°1 de la Convention de Bruxelles), Gaz. Pal. 1982, 2, Doct., p. 559.

       DELAUME (G.- R.) :

— Clauses d'élection de for et clauses compromissoires : évolution et gestation d'un nouveau droit américain, JDI  1982, p. 486.

       Delaporte (V) :

— La loi relative à l'emploi de la langue française, Rev. crit. DIP 1976, p. 447.

       DEZALAY (Y) :

— Des Justices du marché au marché international de la Justice, Justices 1995, n° 1, p. 121.

       DELEBECQUE (Ph.) :

— La transmission de la clause compromissoire, Rev. arb. 1991, p. 19.

— Le destinataire de la marchandise : tiers ou partie au contrat de transport ?, D. aff. 1995, p. 189.

— Que reste-t-il du principe de validité des clauses de responsabilité, D. aff. 1997, p. 235.

  Amélioration des conditions d'exercice de la profession de transporteur, D. aff. 1998, p. 870.

       DENNEMARK (S) :

— Quelle est la loi selon laquelle on tranche la question de la validité d'un accord sur la compétence international, in Mélanges offerts à R. D. Kollewijn et J. Offerhaus, De conflictu legem, Leyde, 1962, p. 118.

       DÉPREZ (J) :

— Relation internationale de travail et compétence juridictionnelle : jurisprudence française et communautaire, Rev. jurispr. soc. 1989, p. 539.

  Relation internationale de travail et compétence juridictionnelle dans les derniers développements de la jurisprudence, Rev. jurispr. soc. 1991, p. 618.

 

 

       DIAMOND (A. L.) :

— Clauses attributivesde juridiction, in Compétence judiciaire et exécution des jugements en Europe, Butterworths, 1993, p. 145.

       DROZ (G. A. L.) :

— Entrée en vigueur de la Convention de Bruxelles concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, Rev. crit. DIP 1973, p. 21.

— Réflexions pour une réforme des articles 14 et 15 du Code civil français, Rev. crit. DIP 1975, p. 1.

— Entrée en vigueur de la Convention de Bruxelles révisée sur la compétence judiciaire et l'exécution des jugements, Rev. crit. DIP 1987, p. 251.

— La Convention de Lugano parallèle à la Convention de Bruxelles concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, Rev. crit. DIP 1989, p.1.

— La Convention de San Sebastian alignant la Convention de Bruxelles sur la Convention de Lugano, Rev. crit. DIP 1990, p. 1.

— Regards sur le droit international privé contemporain, Rec. cours La Haye 1991, t. 229, p. 9.

       Dubuisson (É) :

— La personne virtuelle : proposition pour définir l'être juridique de l'individu dans un échange télématique, Dr. informatique et télécoms 1993/3, p. 8.                 

       Dupuis-Touboul (F) :

— Commerce électronique : comment en apporter la preuve, Rev. dr. aff. int. 1998, p. 329.

       EISENMAN (Ch.) :

— Sur la compétence, D. 1948, Chron. p. 49.

       Evrigenis (D) et Kerameus (K. D.) :

— Rapport relatif à l'adhésion de la République héllénique à la Convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, JOCE, n° C 298, 24 novembre 1986.

       Fadlallah (I) :

— Clauses d'arbitrage et groupes de sociétés, Trav. comité fr. DIP 1984-1985, p. 105.

       Ferrand (F) :

— Quelques aspects de l'application des Conventions de Bruxelles et de Lugano par divers États signataires, Justices 1997, n° 7, p.1.

       FLATET (G) :

— Un traité centenaire : la Convention franco-suisse du 15 juin 1869 sur la compétence et l'exécution des jugements, Rev. crit. DIP 1969, p. 577.

       FLAUSS (J.- P.) :

— L'application de la Convention européenne des droits de l'homme aux procédures arbitrales, Gaz. Pal. 1986, 2, Doctr. p. 407.

— La Convention européenne des droits de l'homme : une nouvelle interlocutrice pour le juriste d'affaire, Rev. jurispr. dr. aff. 1995, p. 524.

       FOYER (J) :

— Entrée en vigueur de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, JDI 1991, p. 601.

— Le contrat d'electio juris à la lumière de la Convention de Rome du 19 juin 1980, in Mélanges offerts en l'honneurs de Yvon Loussouarn, Dalloz, 1994, p. 169.

       FOUCHARD (Ph.) :

— La spéficité de l'arbitrage international, Rev. arb. 1981, p. 449.

       FRAGISTAS (N) :

— La compétence  internationale en droit privé, Rec. Cours La Haye 1961, t. 104, p. 159.

       FRANCESCAKIS (Ph.) :

Quelques précisions sur les "lois d'application immédiates" et leurs rapports avec les règles de conflits de lois, Rev. crit. DIP 1966, p. 1.

       FRISON-ROCHE (M.- A.) :

— Rapport de synthèse, in L'échange des consentements, RJ com., n° spéc. nov. 1995, p. 150.

— Principes et intendance dans l'accès au droit et l'accès à la justice, JCP 1997, I, n° 4051.

       Gaillard (E) :

— La distinction des principes généraux du droit et des usages du commerce international, in Études offertes à Pierre Bellet, Litec, 1991, p. 203.                            

       GANNAGE (P) :

— Les limites à l'application de la loi du for dans le droit international privé contemporain, in Mélanges offerts à Albert Chavanne, Litec, 1990, p. 3.

— La pénétration de l'autonomie de la volonté dans le droit international privé de la famille, Rev. crit. DIP 1992, p. 425.

       GAUDEMET-TALLON (H) :

— La compétence internationale à l'épreuve du nouveau Code de procédure civile : aménagement ou bouleversement ? , Rev. crit. DIP 1977, p. 1.

— Réflexions comparatives sur certaines tendances nouvelles en matière de compétence internationale des juges et des arbitres, in Mélanges dédiés à Gabriel Marty, 1978, p. 531.

— Compte rendu de l'ouvrage de G. Kaufmann-Kohler, “ La clause d'élection de for dans les contrats internationaux ”, JDI  1981, p. 440.

— La litispendance internationale dans la jurisprudence française, in Mélanges dédiées à Dominique Holleaux, Litec, 1990, p. 119.

— Le “ forum non conveniens ”, une menace pour la Convention de Bruxelles ? (À propos de trois arrêts anglais récents), Rev. crit. DIP 1991, p. 491.

— La désunion du couple en droit international privé, Rec. cours La  Haye 1991, t. 1, p. 60

— Les clauses attributives de juridiction dans la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, in Compétence judiciaire et exécution des jugements en Europe, Butterworths, 1993, p. 133.

       Gautrais (V), Lefevbre (G) et Benyekhlef (K) :

— Droit du commerce électronique et normes applicables : l'émergence de la lex electronica, Rev. dr. aff. int. 1997, p. 547.

       GEOUFFRE DE LA PRADELLE (G. DE) :

La fonction des juridictions de l'ordre international, JDI 1998, p. 389.

       GHESTIN (J) :

La notion de contrat, D. 1990, Chron. p. 147.

— La distinction entre les parties et les tiers, JCP 1992, I, n° 3628.

— Nouvelles propositions pour un renouvellement de la distinction des parties et des tiers, RTD civ. 1994, p. 777.

       GOLDMAN (B) :

— Règles de conflit, règles d'application immédiate et règles matérielles dans l'arbitrage international, Trav. comité fr. DIP 1966-1969, p. 119.

— Un traité fédérateur : la Convention entre les États membres de la C.E.E. sur la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, RTD eur. 1971, p. 8.

       GOTHOT (P) et HOLLEAUX (D) :

— La Convention entre les États membres de la C.E.E. sur la compétence judiciaire et l'exécution des décisions, JDI  1971, p. 747.

       Goutal (J.- L.) :

— L'arbitrage et les tiers, I, Le droit des contrats, Rev. arb. 1988, p. 439.

       GRIGNON (Ph.) :

L'obligation de ne pas agir en justice, in Mélanges Christian Mouly, t. 2, Litec, 1998, p. 115.                                     GUELFUCCI-THIBIERGE (C) :

De l'élargissement de la notion de partie au contrat... à l'élargissement de la portée du principe de l'effet relatif, RTD civ. 1994,  p. 275.

       Guéguen (J.- M.) :

— Le renouveau de la cause en tant qu'instrument de justice contractuelle, D. 1999, Chron. p. 352.

       HAMMJE (P) :

Droit fondamentaux et ordre public, Rev. crit. DIP 1997, p. 1.

       HERBOTS (D) et KREMLIS (G) :

La Convention parallèle concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, Cah. dr. europ. 1990, p. 3.

       HÉRON (J) :

Réflexion sur l'acte juridique et le contrat à partir du droit judiciaire privé, in Droit 1988, L'acte juridique, p. 85.

       HERZOG (P) :

  La théorie du forum non conveniens : un aperçu, Rev. crit. DIP 1976, p. 1.

       HeuzÉ (V) :

— La loi applicable aux actions directes dans les groupes de contrats : l'exemple de la sous-traitance internationale, Rev. crit. DIP 1996, p. 243.

       Hoedel (Ch) :

  Le commerce de service sur Internet : publicité, protection des consommateurs et informations à caractère personnel, Rev. dr. aff. int. 1998, p. 285.

 

 

       HOLLEAUX (D) :

La Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 sur la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale : cinq années d'application en France, JDI 1978, p. 520.

       Howland (R. I. L.) :

— L'avenir du connaissement et les connaissements électroniques, Ann. dr. marit. et aérosp. 1995, p. 201.

       HUDAULT (J) :

Sens et portée de la compétence du juge naturelle dans l'ancien droit, Rev. crit. DIP 1972, p. 27 et 249.

       HUET (A) :

Le nouveau Code de procédure civile du 5 décembre 1975 et la compétence internationale des tribunaux français, JDI 1976, p. 342.

— La compétence judiciaire internationale en matière contractuelle, Trav. com. fr. DIP 1981, p. 17.

— La place de l'article 5 dans l'économie de la Convention. La compétence contractuelle, in Compétence judiciaire et exécution des jugements en Europe, Butterworths, 1993.

       HUET (J) :

— Aspect juridique de l'EDI, Échange de Données Informatisées (Electronic Data Interchange), D. 1991, Chron. p. 181.

Les hauts et les bas de la protection contre les clauses abusives (à propos de la loi du 18 janvier 1992 renforçant la protection des consommateurs), JCP 1992, I, 3562.

— La directive du 5 avril 1993 relative aux clauses abusives, JCP 1993, Act. n° 26

— Pour le contrôle des clauses abusives par la juge judiciaire, D. 1993, Chron. p. 331.

— Propos amers sur la directive du 5 avril 1993 relative aux clauses abusives, JCP E 1994, I, 309.

— Le consentement échangé avec la machine, in L'échange des consentements, RJ com., n° spéc. nov. 1995, p. 124.

— Le commerce électronique, in AFTEL, Le Droit du multimédia, De la télématique à Internet, Édition du téléphone, 1996, p. 211.

— Aspects juridiques du commerce électronique : approche internationale, Petites affiches 1998, n° 27.

       Jamin (Ch.) et Billiau (M) :

— Cession conventionnelle du contrat : la portée du consentement du cédé, D. 1998, p. Chron. p. 145.

       JAMIN (Ch.) :

Une restauration de l'effet relatif, D. 1991, Chron. p. 257.

       JARROSSON (Ch.) :

— L'arbitrage et la Convention européenne des droits de l'homme, Rev. arb. 1989, p. 573.

       JODLOWSKI (J) :

— Les conventions relatives à la prorogation et à la dérogation à la compétence internationale en matière civile, Rec. Cours La Haye 1974, t. 143, p. 475.

       JOURDAIN (P) :

— La nature de la responsabilité civile dans les chaînes de contrats après l'arrêt de l'Assemblée plénière du 12 juillet 1991, D. 1992, Chron. p. 149.

       JUENGER (F. K.) :

— La Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 et la courtoisie internationale, Réflexions d'un américain, Rev. crit. DIP 1983, p. 37.

       Jénard (P) :

— Rapport sur la Convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (signée à Bruxelles le 27 septembre 1968), JOCE n° C 282, 5 mars 1979.

       Jénard (P) et Möller (G) :

— Rapport sur la Convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale faite à Lugano le 16 septembre 1988, JOCE, n° C 189, 28 juillet 1990.

       Juglart (M. de) :

— La clause attributive de compétence dans le transport maritime, JCP 1955, I, n° 1242.

       KELSEN (H) :

  La théorie juridique de la convention, Arch. phil. dr. 1940, p. 33. 1991, p. 159.

       Kahn (Ph) :

— Droit commercial économique, interne et international, Rapport français, in Le rôle de la pratique dans la formation du droit, Travaux de l'Association Henri Capitant, t. 34, 1983, Économica, p. 237.

       KLEIN (F.- E.) :

Du caractère autonome de la clause compromissoire notamment en matière d'arbitrage international, Rev. crit. DIP 1961, p. 499.

       KOHLER (Ch.) :

Rigueur et souplesse en droit international privé : les formes prescrites pour une convention attributive de juridiction “ dans le commerce international ” par l'article 17 de la Convention de Bruxelles dans sa nouvelle rédaction, in Droit international et droit communautaire, Actes du colloque, Paris, 5 et 6 avril 1990, Fondation Calouste Gulbenkian, Centre culturel Portugais, Paris, 1991, p. 159.

       KRINGS (E) :

Réflexions au sujet de la prorogation de compétence territoriale et du for contractuel, Rev. de dr. int. et de dr. comp. 1978, p. 78.

       KULLMANN (J) :

Remarques sur les clauses réputées non écrites, D. 1993, Chron. p. 59.

       LAGARDE (P) :

— La Convention de La Haye du 25 novembre 1965 sur les accords d'élection de for, Trav. com. fr. DIP 1965, p. 151.

— Approche critique de la lex mercatoria, in Le droit des relations économiques internationales, Études offertes à Berthold Goldman, Litec, 1983, p. 125.

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— Le nouveau droit international privé des contrats après l'entrée en vigueur de la Convention de Rome du 19 juin 1980, Rev. crit. DIP 1991, p. 287.

— Les locations de vacances dans les conventions européennes de droit international privé, in Études offertes à Pierres Bellet, Litec, 1991, p. 281.

— Commentaire des articles de P. Schlosser, "Jurisdiction in international Litigation. The Issue of Human Rights in Relation to National Law and the Brussels Convention", in Rivista di diritto internazionale, vol. LXXIV, 1991, p. 5-34 et "Einschränkung des Vermögensgerichtsstandes", in Praxis des internationalen Privat- und Verfahrensrecht (IPRax), 1992, P. 140-143, Rev. crit. DIP 1992, p. 627.

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— La valeur probatoire des documents informatiques dans les pays de la C.E.E., Rev. int. dr. comp. 1992, p. 641.

       Lando (o) :

— La mission de la Cour et le système de la Convention de Bruxelles, in Compétence judiciaire et exécution des jugements en Europe, Butterworths, 1993, p. 25.

       Laville (P) :

— Ordre public transnational (ou réellement international) et l'arbitrage international, Rev. arb. 1986, p. 429.                                               LARROUMET (Ch.) :

— L'effet relatif des contrats et la négation de l'existence d'une action en responsabilité nécessairement contractuelle dans les ensembles contractuels, JCP 1991, I, n° 3531.

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— Compte rendu de l'ouvrage de G. Kaufmann-Kohler, "La clause d'élection de for dans les contrats internationaux", Rev. crit. DIP 1981, p. 825.

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       Leveneur (L) :

— Ombres et lumières sur les actions directes dans les chaînes de contrats, Contrats, conc. cons. 1993, n° 5, p. 1.

       Libchaber (R) :

— La société, contrat spécial, in Prospectives du droit économique, Dialogues avec Michel Jeantin, Dalloz, 1999, p. 281.                    

       LOMBLOIS (C) :

— La protection juridique du consommateur en droit international privé français, in La protection des consommateurs, Trav. Ass. H. Capitant, t. 24, Dalloz, 1973, p. 441.

       LOUSSOUARN (Y) :

— Cours général de droit international privé, Rec. cours La Haye 1973, t. 139, p. 275.

       Lucas de Leyssac (Cl.) :

  Le droit fondamental de la preuve, l'informatique et la télématique, Petites affiches 1996, n° 65.

       MALAURIE (Ph.) :

— Le droit français et la diversité des langues : JDI 1965, p. 565.

— La protection du consommateur en droit international privé, Rapport général in La protection des consommateurs, Trav. Ass. H. Capitant, t. 24, Dalloz, 1973, p. 391.

       MALINVAUD (Ph.) :

  La protection des consommateurs, D. 1981, Chron. p. 49.

 

       Martin (D. R.) :

— La stipulation de contrat pour autrui, D. 1994, Chron. p. 145.

       MATSCHER (F) :

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VI - INDEX CHRONOLOGIQUE DES JUGEMENTS ET ARRÊTS

 

 

1818

     Cass. req., 14 avril 1818 : S. 1819, 1, p. 193.

 

1827

     Cass. req., 15 novembre 1827 : S. 1828, 1, p. 124.

 

1843

     Cass. civ., 10 juin 1843 : S. 1843, 1, p. 562.

 

1849

     CA Caen, 14 janvier 1849 : D.P. 1851, 1, p. 115 ; S. 1852, 2, p. 225.

 

1855

     Cass. req., 26 juin 1855 : D.P. 1856, 1, p. 9.

 

1860

     Cass. civ., 21 novembre 1860 : D.P. 1861, 1, p. 166.

 

1864

     Cass. req., 19 décembre 1864 : D.P. 1868, 1, p. 425 ; S. 1865, 1, note Labbé.

 

1865

     CA Paris, 11 janvier 1865 : D.P. 1865, 2, p. 188.

 

1869

     Cass. civ., 24 août 1869 : D.P. 1869, 1, p. 500.

 

1879

     Cass. civ., 18 août 1879 : D.P. 1880, 1, p. 85.

 

1888

     Cass. civ., 29 février 1888 : D.P. 1888, 1, p. 483 ; Gaz. Pal. 1888, 1, p. 470.

 

1889

     Cass. civ., 13 mars 1889 : Gaz. Pal. 1889, 1, p. 581.             

     CA Alger, 7 décembre 1889 : D.P. 1890, 2, p. 188.

 

1896

     Cass. req., 1er décembre 1896 : S. 1900, 1, p. 135.

 

1897

     Cass. req., 12 avril 1897 : S. 1900, 1, p. 356.

 

1899

     CA Bourges, 19 janvier 1899 : D. 1902, 2, p. 57, note É. Bartin.

 

1904

     Cass. req., 21 juin 1904 : D. 1906, p. 395.

 

1905

     CA Douai, 2 décembre 1905 : JDI 1907, p. 355.

 

1910

     Cass. civ., 5 décembre 1910 : Grands arrêts jurispr. fr. DIP n° 11.

 

1912

     Cass. civ., 13 mai 1912 : S. 1912, 1, p. 321.

 

1922

     Cass. req., 28 mars 1922 : S. 1924, 1, p. 356.

 

1923

     Cass. civ., 22 janvier 1923 : S. 1924, 1, p. 73, note J.- P. Niboyet.

 

1924

     Cass. req., 8 janvier 1924 : JDI 1924, p. 974.

 

1925

     CA Agen, 2 janvier 1925 : RTD civ. 1925, p. 644, obs. R. Japiot.

 

1927

     Cass. civ.,  17 mai 1927 : D.P. 1928, 1, p. 25, concl. Matter, note H. Capitant.

 

1928

     Cass. req.,  19 juin 1928 : JDI 1929, p. 336.

 

1930

     Cass. civ., 19 février 1930 : S. 1933, 1, p. 41, note J.- P. Niboyet.

 

1931

     Cass. civ., 27 janvier 1931 : S. 1933, 1, p. 41, note J.- P. Niboyet.

 

1934

     Cass. civ., 14 février 1934 : D.P. 1934, 1, p. 78 ; S. 1934, 1, p. 297, note Mestre.

 

1938

     Cass. civ.,  29 avril 1939 : D. P. 1939, 1, p. 93, note J. CARBONNIER.

 

1949

     CA Paris, 29 juin 1949 : D. 1949, p. 595 ; JDI 1950, p. 212, obs. B. Goldman.

     CA Colmar, 9 novembre 1949 : Rev. crit. DIP 1950, p. 65, note H. Motulsky.

 

1948

     Cass. civ., 21 juin 1948 : JCP 1948, II, n° 4422, note P. Lerebourg-Pigeonnière ; S. 1949, 1, p. 121, note J.- P. Niboyet ; Rev. crit. DIP 1949, p. 57, note Ph. Francescakis.

 

1950

     Cass. 1re civ., 21 juin 1950 : D. 1951, p. 749, note Hamel ; S. 1952, 1, p. 1, note J.- P. Niboyet ; JCP 1950, II, n° 5812, note J.- Ph. Lévy ; Rev. crit. DIP 1950, p. 609, note H. Batiffol ; Grands arrêts jurispr. fr. DIP n° 23.

 

1952

     CA Paris, 26 avril 1952 : Rev. crit. DIP 1952, p. 331, note Ph. Francescakis.

 

1953

     Cass. 1re civ., 6 octobre 1953 : S. 1954, 1, p. 149, note J. Robert ; RTD civ. 1954, p. 142, obs. P. Hébraud.

 

1955

     CA Paris, 27 janvier 1955 : Rev. crit. DIP 1955, p. 331, note H. MOTULSKY.

 

 

1956

     Cass. com., 4 janvier 1986 : Bull. civ. III, n° 5.

 

1957

     Cass. 1re civ., 13 novembre 1957 : Rev. crit. DIP 1958, p. 735, note Y. L. ; JDI 1959, p. 828, obs. Sialelli.

 

1958

     Cass. com., 4 novembre 1958 : D. 1959, p. 361, note Ph. Malaurie ; Rev. crit. DIP 1959, p. 117, note Rabinovitch ; JDI 1960, p. 440, note Shapira.

     CA Paris, 25 juin 1958 : D. 1958, Somm. p. 140.

 

1959

     Cass. 1re civ., 6 juillet 1959 : Rev. crit. DIP 1959, p. 708, note H. Batiffol ; Grands arrêts jurispr.  fr. DIP n° 36.

     Cass. 1re civ., 19 octobre 1959 : D. 1960, p. 37, note G. Holleaux ; Rev. crit. DIP 1960, p. 215, note Y. L.

 

1960

     Cass. soc., 16 décembre 1960 : D. 1961, p. 172 ; JCP 1961, II, n° 11977, obs. R. L.

     Cass. 1re civ., 21 décembre 1960 : D. 1961, p. 417.

 

1961

     TGI Seine, 28 février 1961 : Rev. crit. DIP 1961, p. 572, note Y. Loussouarn.        

     Cass. com., 1er mars 1961 : Bull. civ. III, n° 113.

 

1962

     Cass. 1er civ., 30 octobre 1962 : Rev. crit. DIP 1963, p. 387, note Ph. Francescakis ; D. 1963, p. 109, note G. Holleaux ; Grands arrêts jurispr. fr. DIP n° 37.

 

1963

     CA Bourges, 4 février 1963 : D. 1963, p. 239 ; RTD com. 1963, p. 229, obs. M. Boitard.        

     Cass. 1er civ., 7 mai 1963 : JCP 1963, II, n° 13405, note B. Goldman ; JDI 1964, p. 82, note J.- D. Bredin ; Rev. crit. DIP 1963, p. 615, note H. Motulsky ; D. 1963, p. 545, note J. Robert.

 

1964

     Cass. 1re civ., 7 janvier 1964 : Rev. crit. DIP 1964, p. 344, note H. Batiffol ; JDI 1964, p. 302, note B. Goldman ; JCP 1964, II, n° 13590, note M. Ancel ; Grands arrêts jurispr. fr. DIP n° 41.        

     Cass. 1re civ., 14 avril 1964 : D. 1964, p. 637, note J. Robert ; JDI 1965, p. 645, note B. Goldman ; Rev. crit. DIP 1966, p. 68, note H. Batiffol.

     Cass. com., 29 octobre 1964 : Gaz. Pal. 1965, 1, p. 45.

 

1965

     CA Paris, 21 janvier 1965 : JCP 1965, II, n° 14173, concl. Souleau.

     CA Paris, 25 janvier 1965 : Rev. crit. DIP 1966, p. 469, note M. Simon-Depitre.

     CA Paris, 19 mars 1965 : Rev. crit. DIP 1967, p. 85, note P. Lagarde.

     Cass. com., 20 juillet 1965 : D. 1965, p. 581.

 

1966

     Cass. 1re civ., 21 mars 1966 : D. 1966, p. 429, note Ph. Malaurie ; JDI 1967, p. 380, note J.- D. Bredin ; Rev. crit. DIP 1966, p. 670, note A. Ponsard.    

     CA Paris, 21 mars 1966 : JCP 1966, IV, p. 126.    

     Cass. 1re civ., 2 mai 1966 : D. 1966, p. 575, note J. Robert ; JDI 1966, p. 648, note P. Level ; Rev. crit. DIP 1967, p. 553, note B. Goldman ; Grands arrêts jurispr. fr. DIP n° 45.

     Cass. com., 12 mai 1966 : Bull. civ. III, n° 248.

     Cass. 2e civ., 13 mai 1966 : Rev. crit. DIP 1967, p. 335, note E. Mezger.       

     Cass. 2e civ., 15 juin 1966 : D. 1967, p. 84.             

     TGI Paris, 5 octobre 1966 : JDI 1969, p. 388, note J. Bigot.

 

1967

     CA Paris, 2 juin 1967 : Gaz. Pal. 1967, 2, p. 237.

     CA Paris, 20 juin 1967 : D. 1968, Somm. p. 60.     

     Cass. soc., 18 et 19 octobre 1967 : JCP 1967, II, n° 15293, note G. Lyon-Caen ; Rev. crit. DIP 1968, p. 490, note H. Gaudemet-Tallon ; JDI 1968, p. 343, note M. Simon-Depitre.

     TGI Vesoul, 15 octobre 1968 : Gaz. Pal. 1968, 2, p. 366, note P. Papis.          

     Cass. com., 16 octobre 1967 : Bull. civ. III, n° 321.

 

1968

     Cass. 1re civ., 9 janvier 1968 : JDI 1968, p. 717, note M. Simon Depitre ; JCP 1968, II, n° 15451, note G. Lyon-Caen ; Rev. crit. DIP 1968, p. 490, note H. Gaudemet-Tallon.

     Cass. com., 27 avril 1968 : Bull. civ. IV, n° 137 ; JDI 1969, p. 932, obs. Ph. Kahn.

     TGI Paris, 20 mai 1968 : Gaz. Pal. 1968, 2, p. 135.

     Cass. 1re civ.,11 octobre 1968 : Rev. crit. DIP 1968, p. 105, note J. Foyer.

 

1969

     Cass. com., 3 novembre 1969 : Bull. civ.  III,n° 320.

     TGI Paris, 20 novembre 1969 : D. 1970, p. 1999.

 

1970

     Cass. 1re civ., 17 mars 1970 : JDI 1970, p. 923, note G. de la Pradelle ; Rev. crit. DIP 1970, p. 688, 1re espèce, note P. Lagarde.          

     CA Paris, 19 juin 1970 : Rev. crit. DIP 1971, p. 692, note P. Level ; JDI 1971, p. 833, note B. Oppetit ; JCP 1971, II, n° 16927, note B. Goldman ; Rev. arb. 1972, p. 67, note Ph. Fouchard ; RTD com. 1971, p. 69, obs. Boitard et p. 295, obs. Y. Loussouarn.

     CA Aix-en-Provence, 24 juin 1970 : Dr. marit. fr. 1970, p. 679, note A. C.

 

1971

     CA Paris, 11 avril 1971 : JDI 1974, p. 620.

     Cass. 1re civ, 11 mai 1971 : JDI 1972, p. 62, note B. Oppetit ; Rev. crit. DIP 1971, p. 124, note E. Mezger ; D. 1972, p. 37, note D. Alexandre.

     CEDH, 16 juillet 1971 : Série A, n° 13.

     Cass. com., 19 juillet 1971 : Bull. civ. IV, n° 211.

     Cass. soc., 6 octobre 1971 : JDI 1972, p. 741, obs. Ribettes-Tillhet.

 

1972

     Cass. com., 7 février 1972 : Bull. civ. IV, n° 48.    

     Cour suprême des États-Unis, 12 juin 1972 : 407 U.S. 1 (1972) ; Rev. crit. DIP 1973, p. 530, note H. et D. Tallon.

     CA Aix-en-Provence, 15 juin 1972 : D. 1972, p. 756, note P. Rodière ; Rev. crit. DIP 1973, p. 350, note H. Gaudemet-Tallon.              

     Cass. 1re civ., 4 juillet 1972 : JDI 1972, p. 843, note B. Oppetit ; RTD com. 1974, p. 419, obs. Y. Loussouarn ; Rev. crit. DIP 1974, p. 82, note P. Level ; Rev. arb. 1974, p. 89, Ph. Fouchard.

 

1973

     Cass. 1re civ., 6 février 1973 : Bull. civ. I, n° 47.   

     Cass. soc., 23 mai 1973 : Rev. crit. DIP 1974, p. 354, note P. Lagarde.       

     Cass. 1re civ., 5 décembre 1973 : D. 1974, p. 398, note H. Solus et R. Perrot ; RTD com. 1974, p. 248, n° 2, obs. M. Boitard et J.- Cl. Dubarry.

 

1974

     CA Paris, 19 janvier et 9 mai 1974 : Rev. crit. DIP 1975, p. 96, note H. Gaudemet-Tallon.

     CA Aix-en-Provence, 10 mai 1974 : Rev. crit. DIP 1974, p. 548, note G. A.-L. DROZ ; JDI 1975, p. 82, note D. HOLLEAUX.

     Cass. 1re civ., 14 mai 1974 : Bull. civ. I, n° 143.    

     TGI Paris, 7 et 19 juin 1974 : Rev. crit. DIP 1974, p. 696, note P. LAGARDE.

     Cass. ch. mixte, 28 juin 1974 : JCP 1974, II, n° 17881, note G. Lyon-Caen ; Rev. crit. DIP 1975, p. 110, note P. L. ; JDI 1975, p. 82, note D. Holleaux ; Dr. soc. 1975, p. 458, note H. J. Lucas.

     CA Lyon, 9 octobre 1974 : D. 1974. Somm. p. 37.

     Cass. 1re civ., 26 novembre 1974 : Rev. crit. DIP 1975, p. 491, note D. Holleaux ; JDI 1975,   p. 108, note A. Ponsard ; Grands arrêts jurispr. fr. DIP n° 54.

     Cass. 1re civ., 3 décembre 1974 : Bull. civ. I, n° 321.

 

 

1975

     CEDH, 21 février 1975 : Série A, vol. 18.               

     TI Angers, 4 novembre 1975 : D. 1976, p. 202, note G. A.-L. DROZ.

     CA Paris, 13 décembre 1975 : JCP 1977, p. 107, note É. Loquin ; Rev. crit. DIP 1976, p. 507, note B. Oppetit ; Rev. arb. 1977, p. 147, note Ph. Fouchard.

     Cons. de Prud'h. de Vannes, 19 décembre 1975 : D. 1976, p. 202, note G. A.-L. DROZ.

 

1976

     Cass. com., 14 janvier 1976 : JDI 1977, p. 495, note A. Lyon-Caen.

     Cass. com., 19 janvier 1976 : Rev. crit. DIP 1976, p. 503, note H. Batiffol ; JDI 1977, p. 651, note A. Lyon-Caen.

     Cass. com., 8 avril 1976 : Bull. civ. IV, n° 110.      

     Comm. EDH, déc. du 13 mai 1976, req. n° 6200/73 : Digest of Strasbourg case-law relating to the Europeen Convention on Humain rights, Conseil de l'Europe, Cologne, 1984 (6 vol.), vol. 2, p. 269.             

     Cass. com., 14 juin 1976 : D. 1976, IR p. 258.        

     Cass. 2e civ., 9 novembre 1976 : Gaz. Pal. 1977, 2, p. 147, note J. Viatte.    

     CJCE, 14 décembre 1976 (affaire 24/76 et 25/76) : Rec. 1976, p. 1831 et 1976, concl. F. CARPOTORI ; Rev. crit. DIP 1977, p. 576 note E. MEZGER ; JDI 1977, p. 734, note J.-M. BISCHOFF ; D. 1977, IR p. 349, obs. B. AUDIT ; Gaz. Pal. 1977, 1, pp. 101 et 190, concl. CARPOTORI.

 

1977

     Cass. 1re civ., 11 juillet 1977 : D. 1978, IR p. 98, obs. B. AUDIT.

     Cass. com., 11 juillet 1977 : Bull. civ. IV, n° 197.

 

1978

     Cass. 1re civ., 11 janvier 1978 : Bull. civ. II, n° 382 ; Gaz. Pal. 1978, 1, p. 273, obs. J. Viatte ; RTD civ. 1978, p. 921, obs. J. Normand.

     Cass. 1re civ., 24 janvier 1978 : JCP 1978, II, n° 18821, concl. Gulphe ; Rev. crit. DIP 1978, p. 689, note V. Delaporte.

     CJCE, 21 Juin 1978 : Rev. crit. DIP 1979, p. 119, note E. MEZGER ; JCP 1979, II, 19051, note F.-Ch. JEANTET ; RTD com. 1979, p. 170, obs. Y. LOUSSOUARN et P. BOUREL.

     CEDH, 28 juin 1978 : Série A, n° 27.

     CJCE, 9 novembre 1978 : Rec. 1978, p. 2133, concl. F. CARPOTORI ; Rev. crit. DIP 1981, p. 136, note H. GAUDEMET-TALLON ; JDI 1979, p. 663, note A. HUET.

     Cass. com., 16 octobre 1978 : Bull. civ. IV, n° 229 ; RTD civ. 1979, p. 676, obs. R. Perrot.

     Cass. 1re civ., 18 octobre 1988 : Rev. crit. DIP 1989, p. 537, note P. Lagarde.

     Cass. 1re civ., 12 décembre 1978 : Bull. civ. I, n° 382.

     Cass. com., 19 décembre 1978 : Rev. crit. DIP 1979, p. 61, note A. Huet ; JDI 1979, p. 366, note H. Gaudemet-Tallon ; D. 1979, IR p. 341, obs. B. Audit.

 

1979

     Cass. soc., 10 janvier 1979 : Rev. crit. DIP 1979, p. 453, note P. LAGARDE.

     Cass. 1re civ., 23 janvier 1979 : JDI 1980, p. 373, note I. FADLALLAH ; RTD eur. 1979, p. 180, note P. GULPHE.

     Cass. Belgique, 2 février 1979 : JDI 1984, p. 399.

     CA Lyon, 28 février 1979 : JDI 1980, p. 104, obs. Ph. Kahn ; D. 1980, IR p. 330, obs. B. Audit.

     CJCE, 27 mars 1979 : Rec. 1979, p. 1055, concl. WARNER ; D. 1979 IR p. 457, obs. B. Audit ;   JDI 1979, p. 681, obs. A. HUET ; Rev. crit. DIP 1980, p. 621, note G. A. L. Droz.

     CA Lyon, 28 mars 1979 : JCP 1981, II, n° 19519, note D. Holleaux.

     CA Paris, 25 avril 1979 : JDI 1980, p. 352, note D. Holleaux.     

     CEDH, 13 juin 1979 : Série A, vol. 31.

     Cass. soc., 20 juin 1979 : JDI 1979, p. 852, note A. Lyon-Caen.

     CEDH, 9 octobre 1979 : Série A, vol. 32.

     Cass. 1re civ., 9 octobre 1979 : Bull. civ. I, n° 241 ; RTD civ. 1980, p. 354, obs. G. Durry.         

     Cass. ass. plén., 14 octobre 1979 : Rev. crit. DIP 1978, p. 166, note H. Batiffol ; JDI 1978, p. 305, note G. Lyon-Caen ; D. 1978, p. 417, note P. Lagarde.

     Cass. 1re civ., 6 novembre 1979 : Rev. crit. DIP 1980, p. 588, note G. Couchez ; JDI 1980, p. 95, rapp. A. Ponsard ; Grands arrêts jurispr. fr. DIP  n° 59.

     CJCE, 13 novembre 1979 : Rec. 1979, p. 3423, concl. F. CARPOTORI ; JDI 1980, p. 429, obs. A. HUET ; D. 1980, p. 544, note J. MESTRE.

 

1980

     CA Paris, 25 janvier 1980 : Bull. avoués 1980, p. 24 ; RTD civ. 1980, p. 804, obs. J. Normand.

     CJCE, 17 janvier 1980 : Rec. 1980, p. 89, concl. F. CARPOTORI  ; Rev. crit. DIP 1980, p. 387, note E. MEZGER ; JDI 1980, p. 435, obs. A. HUET.

     CJCE, 6 mai 1980 : Rec. 1980, p. 1517, rapp. Reischl ; JDI 1980, p. 934, note A. Huet ; Rev. crit. DIP 1981, p. 339, note P. Lagarde.

     CJCE, 21 mai 1980 : Rec. 1980, p. 1553, concl. MAYNAS ; Rev. crit. DIP 1980, p. 801, note E. MEZGER ; JDI 1980, p. 939, obs. A. HUET ; D. 1981 IR p. 158, obs. B. Audit.

     Cass. 2e civ., 20 février 1980 : Gaz. Pal. 1980, 2, p. 495, note J. Dupichot ; RTD civ. 1980, p. 609, obs. J. Normand.

     Cass. 3e civ., 4 juin 1980 : Gaz. Pal. 1980, 2, p. 767, note J. Dupichot.

     Cass. soc., 4 juin 1980 : Bull. civ. V, n° 486 ; JDI 1980, p. 896, obs. J. Tillhet-Pretnar ; D. 1981, IR p. 158, obs. B. Audit.

     Cass. 1re civ., 7 octobre 1980 : JCP 1980, II, n° 19480, concl. Gulphe ; Rev. crit. DIP 1981, p. 313, note J. Mestre.

 

1981

     Cass. 1re civ., 13 janvier 1981 : Rev. crit. DIP 1981, p. 331, note H. GAUDEMET-TALLON ; JDI 1981, p. 360, obs. A. HUET.

     Cass. 1re civ., 1er avril 1981 : JDI 1981, p. 813, note D. Alexandre ; D. 1982, IR p. 69, obs. B. Audit.

     Trib. com. Paris, 26 mai 1981 : Dr. marit. fr. 1982, p. 105.

     CJCE, 24 juin 1981 : Rec. 1981, p. 1671, concl. G. SLYNN ; JDI 1981, p. 903, obs. A. HUET ; Rev. crit. DIP 1982, p. 143, note H. GAUDEMET-TALLON.

     Cass. soc., 26 juin 1981 : Bull. civ. V, n° 326.

     Cass. com., 20 juillet 1981 : Bull. civ. IV, n° 324 ; RTD com. 1981, obs. J.- Cl. Dubarry et A. Bénabent.

     CA Paris, 20 octobre 1981 : JDI 1984, p. 404, obs. D. Holleaux. 

     CJCE, 22 octobre 1981 : Rec. 1981, p. 2431, concl. F. CARPOTORI ; Rev. crit. DIP 1982, p. 152, note H. GAUDEMET-TALLON ; JDI 1982, p. 432, obs. A. HUET.

     Cass. 1re civ., 30 novembre 1981 : Bull. civ. IV, n° 415 ; D. 1982, IR p. 156, obs. P. Julien.

     CA Poitier, 6 décembre 1981 : Gaz. Pal. 1982, 1, Somm. p. 378 ; JCP 1982, IV, p. 362.

 

1982

     CJCE, 4 mars 1982 : Rec. 1982 p. 825, concl. Reischl ; Rev. crit. DIP 1982, p. 570, note H. Gaudemet-Tallon ; JDI 1982, p. 473, obs. A. Huet.

     Cass.1re civ., 10 mars 1982 : Bull. civ. I, n° 106.   

     CA Toulouse, 26 octobre 1982 : JDI 1984, p. 603, note H. Synvet.

     Cass. 2e civ., 17 mai 1982 : Bull. civ. II, n° 76 ; Gaz. Pal. 1982, 2, panor. p. 282, obs. J. Dupichot ; RTD com. 1982, obs. A. Bénabent et J. Cl. Dubarry.

     CA Paris, 24 juin 1982 : JDI 1984, p. 404, obs. D. Holleaux.

     Cass. 1re civ., 12 juillet 1982 : Rev. crit. DIP 1983, p. 659, note P. Lagarde ; JDI 1983, p. 405, obs. D. Holleaux ; D. 1983, IR p. 145, obs. B. Audit ; JCP 1973, II, n° 20015, note P. Bourel ; RTD com. 1983, p. 549, obs. A. Bénabent et J. Cl. Dubarry.

     Cass. com., 8 novembre 1982 : Rev. arb. 1983, p. 177, note J. Rubellin-Devichi ; JDI 1984,   p. 151, note J. Buhart.

     Cass. 1re civ., 17 novembre 1982 : Bull. civ. I, n° 332.

     Chambre des Lords, 25 novembre 1982 : cité in Dr. marit. fr. 1993, p. 726.

     T. com. Paris, 8 décembre 1982 : Gaz. Pal. 1983, 1, Somm. p. 142.

 

1983

     Cass. 1re civ., 23 janvier 1983 : Rev. crit. DIP 1983, p. 516, note H. Gaudemet-Tallon.     

     Cass. com., 14 février 1983 : Bull. civ. IV, n° 57.

     Cass. com., 27 février 1983 : D. 1984, IR p. 191.

     Cass. com., 28 février 1983 : Dr. marit. fr. 1983, p. 720, note R. Achard.    

     CA Paris, 1er mars 1983 : Dr. marit. fr. 1983, p. 550.

    CJCE, 22 mars 1983 : Rec. 1983, p. 987, concl. Mancini ; Rev. crit. DIP 1983, p. 663, note H. Gaudemet-Tallon ; JDI 1983, p. 834, obs. A. Huet.

     CA Paris, 27 avril 1983 : JCP 1986, II, n° 20542, note P. Courbe ; Rev. gén. ass. terr. 1986, p. 43, note J. Bigot.

     Cass. com., 30 mai 1983 : Gaz. Pal. 1985, 1, p. 53, note P. Y. Nicolas.

     Cass. 1re civ., 31 mai 1983 : Bull. civ. I, n° 159.

     Cass. 1re civ., 31 mai 1983 : Bull. civ. I, n° 160.

     Cass. soc., 2 juin et 20 octobre 1983 : JDI 1984, p. 337, note P. Rodière ; (2e espèce) Rev. crit. DIP 1985, p. 99, note H. Gaudemet-Tallon.

     Cass. com., 14 juin 1983 : Bull. civ. IV, n° 170.

     CA Paris, 22 juin 1983 : Gaz. Pal. 1984, 1, Somm. p. 27.

     CJCE, 14 juillet 1983 : Rec. 1983, p. 2503, concl. MANCINI ; JDI 1983, p. 843, obs. A. HUET ; Rev. crit. DIP 1984, p. 146, note H. GAUDEMET-TALLON.

     CA Rouen, 14 octobre 1983 : Dr. marit. fr. 1984, p. 381, note J. C. Buhler.

     Cass. com., 18 octobre 1983 : Gaz. Pal. 1984, Panor. p. 164.

     CA Paris, 21 octobre 1983 : Rev. arb. 1984, p. 98, note A. Chapelle.

     Cass. com., 3 novembre 1983 : Dr. marit. fr. 1984, p. 283, note R. Achard ; D. 1984, IR p. 214, obs. B. Mercadal.       

     CJCE, 15 novembre 1983 : Rec. 1983, p. 3663, concl. S. ROZÈS ; Rev. crit. DIP 1984, p. 361, note G. BONET.

     Cass. com., 16 novembre 1983 : Bull. civ. IV, n° 313 ; Gaz. Pal. 1984, 1, Somm. p. 72, obs. S. Guinchard.

     Cass. com., 7 décembre 1983 : Rev. crit. DIP 1984, p. 658, note H. G.-T.

     Comm. EDH, Avis du 12 décembre 1993 : Ann. fr. dr. inter. 1985, p. 427 obs. J.- P. Jacqué et G. Cohen-Jonathan.

 

1984

     CA Bordeaux, 26 janvier 1984 : Rev. gén. ass. terr. 1984, p. 378.

     Cass. com., 28 février 1984 : Bull. civ. IV, n° 81.

     Cass. 1re civ., 26 mai 1984 : D. 1985, p. 213, note A. Bénabent ; JCP 1985, II, n° 20387, note Ph. Malinvaud ; RTD civ. 1985, p. 588, obs. J. Huet.

     Cass. 3e civ., 19 juin 1984 : D. 1985, p. 213, note A. Bénabent ; JCP 1985, II, n° 20387, note Ph. Malinvaud ; RTD civ. 1985, p. 588, obs. J. Huet.

     CJCE, 19 juin 1984 : Rec. 1984, p. 2417, concl. G. SLYNN ; Rev. crit. DIP 1985, p. 391, note H. GAUDEMET-TALLON ; JDI 1985, p. 159, obs. J.-M. BISCHOFF ; Dr. marit. fr. 1985, p. 89 et 1986, p. 83, obs. P. BONASSIE ; Cah. dr. europ. 1985, p. 426, note EKELMANS.

     CA Rouen, 5 juillet 1984 : Dr. marit. fr. 1985, p. 557.

     Cass. com., 20 novembre 1984 : JCP 1987, II, n° 20832, note A. Blaisse.

 

1985

     CJCE, 15 janvier 1985 : Rec. 1985, p. 99, concl. G. Slynn ; Rev. crit. DIP 1986, p. 135, note G. A. L. Droz ; JDI 1986, p. 439, obs. A. Huet.

     Cass. 1re civ., 6 février 1985 : Rev. crit. DIP 1985, p. 369 et chron. Ph. Francescakis, p. 243 ;  JDI 1985, p. 490, obs. A. Huet ; D. 1985, p. 469, note J. Massip et IR p. 497, obs. B. Audit ; Grands arrêts jurispr. fr. DIP n° 67.

     CJCE, 7 mars 1985 : Rec. 1985. 787, concl. G. SLYNN ; Rev. crit. DIP 1985, p. 687, note H. GAUDEMET-TALLON ; Gaz. Pal. 1985, 2, Somm. p. 211, obs. MAURO ; JDI 1986, p. 458, obs. A. HUET.

     CA Paris, 16 avril 1985 : Gaz. Pal. 1986, 1, Somm. p. 46.

     TGI Paris, 10 mai 1985 : Rev. crit. DIP 1987, p. 415, note J. Bigot.

     CEDH, 25 mai 1985 : Série A, vol. 93.

     Cass. com., 4 juin 1985 : Dr. marit. fr. 1986, p. 106, note R. A.

     Cass. com., 4 juin 1985 : Rev. arb. 1987, p. 139, note J.- L. Goutal.

     Cass. soc., 8 juillet 1985 : Rev. crit. DIP 1986, p. 113, note H. GAUDEMET-TALLON.

     CJCE, 4 juillet 1985 : Rec. 1985, p. 2267, concl. C. O. LENZ ; Rev. crit. DIP 1986, p. 142, note E. MEZGER ; JDI 1986, p. 449, obs. A. HUET.

     CJCE, 11 juillet 1985 : Rec. 1985, p. 2699, concl. G. SLYNN ; Rev. crit. DIP 1986, p. 339, note H. GAUDEMET-TALLON ; JDI 1986, p. 453, obs. A. HUET.

     CEDH, 23 octobre 1985 : Série A, vol. 97.

     Cass. com., 29 octobre 1985 : Bull. civ. IV, n° 254.

     Cass. soc., 6 novembre 1985 : Rev. crit. DIP 1986, p. 501, note P. Lagarde.

     Cass. 1re civ., 19 novembre 1985 : Rev. crit. DIP 1986, p. 712, note Y. Lequette ; JDI 1986, p. 719, note A. Huet ; D. 1986, p. 362, note J. Prévault et IR p. 268, obs. B. Audit ; JCP 1987, II, n° 20810, note P. Courbe ; Grands arrêts jurispr. fr. DIP n° 68.

     Cass. 1re civ., 3 décembre 1985 : D. 1986, IR p. 267, obs. B. Audit.

     Cass. 1re civ., 17 décembre 1985 : Rev. crit. DIP 1986, p. 537, note H. GAUDEMET-TALLON ; D. 1986, IR p. 265, obs. B. Audit ; Grands arrêts jurispr. fr. DIP n° 69.

 

1986

     TGI Paris, 7 février 1986 (référé) : Rev. crit. DIP 1986, p. 547, note H. Gaudemet-Tallon.

     Cass. 2e civ., 5 février 1986 : Bull. civ. I, n° 8.

     Cass. ass. plén., 7 février 1986 : D. 1986, p. 293, note A. Bénabent ; JCP 1986, II, n° 20616, note Ph. Malinvaud ; Gaz. Pal. 1986, 2, p. 543, note J.- M. Berly ; RTD civ. 1986, p. 364, obs. J. Huet et p. 685, obs. Ph. Rémy.

     Cass. 1re civ., 18 février 1986 : Bull. civ. I, n° 33.

     TGI Dunkerque, 19 février 1986 : JDI 1988, p. 713, note Ph. KHAN.

     CA Versailles, 16 mars 1986 : D. 1986, IR p. 348.

     Cass. soc., 19 mars 1986 : JCP E 1986, I, n° 15690, obs. B. Teyssié ; D. 1987, p. 359, note G. Légier ; Rev. crit. DIP 1987, p. 554, note Y. Lequette ; RTD civ. 1988, p. 330, obs. J. Mestre.             

     CJCE, 24 juin 1986 : Rec. 1986, p. 1951, concl. M. DARMON ; Gaz. Pal. 1986, I, p. 578, note MAURO ; Rev. crit. DIP 1987, p. 140, note H. GAUDEMET-TALLON ; JDI 1987, p. 474, obs. A. HUET.

     Cass. 1re civ. 27 juin 1986  : D. 1986, IR p. 393, obs. J.- L. Aubert.

     CEDH, 8 juillet 1986 : Série A, vol. 102. 

     CJCE, 11 novembre 1986 : Rec. 1986, p. 3337, concl. DA CRUZ VILACA ; Rev. crit. DIP 1987, p. 472, note H. GAUDEMET-TALLON ; JDI 1987, p. 472, obs. J.-M. BISCHOFF ; Gaz. Pal. 1987, II, Somm. p. 82, obs. MAURO.

     Cass. 1re civ. 18 novembre 1986 : Rev. crit. DIP 1987, p. 773, note H. Muir Watt.

     Cass. 1re civ. 25 novembre 1986 : Rev. crit. DIP 1987, p. 396, note H. GAUDEMET-TALLON ; Dr. marit. fr. 1987, p. 706, note P. Y. Nicolas ; RTD civ. 1987, p. 547, obs. J. Mestre.

 

1987

     CA Paris, 20 janvier 1987 : Rev. arb. 1987, p. 482, note C. Kessedjian ; JDI 1987, p. 934, note É. Loquin.

     Cass. com., 10 mars 1987 : JCP 1987, IV, p. 175.

     Cass. 1re civ., 28 avril 1987 : D. 1987, Somm. p. 455, obs. J.-L. AUBERT ; D. 1988, p. 1, note  Ph. DELEBECQUE ; JCP 1987, II, 20893, note G. PAISANT ; RTD civ. 1989., obs. J. MESTRE.

     Cass. com., 10 mars 1987 : JCP 1987, IV, p. 175.

     CA Paris, 11 mars 1987 : D. 1987, IR p. 91.

     CA Paris, 27 mars 1987 : JDI 1988, p. 140, note A. Huet.

     CA Montpellier, 9 avril1987 : JCP 1988, II, n° 20984, note B. Boizard ; RTD civ. 1988, p. 758, obs. J. Mestre ; RTD com. 1988, p. 269, obs. M. Cabrillac et B. Teyssié.

     Cass. 1re civ., 16 juin 1987 : Rev. crit. DIP 1988, p. 78, note H. Gaudemet-Tallon ; JDI 1988,   p. 1041, note A. Lyon-Caen ; D. 1988, Somm. p. 314, obs. A. Lyon-Caen et p. 341, obs. B. Audit.

     Cass. 1re civ., 16 juillet 1987 : Bull. civ. V, n° 516 ; D. 1988, Somm. p. 314, obs. A. Lyon-Caen.

     Cass. soc., 8 octobre 1987 : Bull. civ. V, n° 552 ; D. 1988, Somm. p. 314, obs. A. Lyon-Caen et p. 341, obs. B. Audit.

     CEDH, 30 novembre 1987 : Série A, n° 127.

     CA Paris, 18 décembre 1987 : D. 1988, Somm. p. 343, obs. B. Audit.

 

1988

     Cass. soc., 14 janvier 1988 : JDI 1989, p. 91, obs. A. Huet.

     CA Paris, 28 janvier 1988 : JDI 1989, p. 1021, note É. Loquin.

     CJCE, 8 mars 1988 : Rec. 1988, p. 1539, concl. G. Slynn ; Rev. crit. DIP 1988, p. 610, note H. Gaudemet-Tallon ; JDI 1989, p. 453, note A. Huet ; D. 1988, Somm. p. 344 obs. B. Audit.

     Cass. 1re civ., 8 mars 1988 : JDI 1988, p. 1041, note A. Lyon-Caen ; D. 1988, Somm. p. 314, obs. A. Lyon-Caen.

     Cass. 1re civ., 8 mars 1988 : JCP 988, II, n° 21070, note P. Jourdain ; RTD civ. 1988, p. 551, obs. Ph. Rémy ; p. 741, obs. J. Mestre et p. 760, obs. P. Jourdain.

     Cass. 1re civ., 15 mars 1988 : Rev. arb. 1990, p. 115, note L. Idot.

     Cass. 1re civ., 3 mai 1988 : D. 1990, p. 61, note J. Karila de Van.

     CA Paris, 8 juin 1988 : D. 1988, IR p. 203.

     Cass. 1re civ., 21 juin 1988 : D. 1989, p. 5, note Ch. Larroumet ; JCP 1988, II, n° 21125, note P. Jourdain ; JCP E 1988, II, n° 15294, note Ph. Delebecque ; RTD civ. 1988, p. 760, obs. P. Jourdain.

     CA Paris, 27 juin 1988 : D. 1988, Somm. p. 342, obs. B. Audit.

     CJCE, 27 septembre 1988 : Rec. 1988, p. 5565, concl. M. Darmon ; Rev. crit. DIP 1989, p. 112, note H. Gaudemet-Tallon ; JDI 1989, p. 457, note A. Huet ; D. 1989, Somm. p. 254, obs. B. Audit.

     Cass. com., 4 octobre 1988 : Bull. civ. IV, n° 258. 

     CA Paris, 30 novembre 1988 : Rev. arb. 1989, p. 691, note Y.- P. Tschanz ; Dr. marit. fr. 1990, p. 598, note R. Achard.

     CA Paris, 30 novembre 1988 : D. 1989, Somm. p. 253, obs. B. Audit ; JDI 1990, p. 153, obs. A. Huet.

     CA Paris, 30 novembre 1988 : Rev. arb. 1989, p. 153, note P. Y. Tchanz.

     Cass. 1re civ., 6 décembre 1988 : JDI 1990, p. 134, note M.- L. Niboyet-Hoegy.

     CA Paris, 14 décembre 1988 : D. 1989, IR p. 52 ; JDI 1990, p. 153, obs. A. Huet.

 

1989

     Cass. com., 3 janvier 1989 : Dr. marit. fr. 1990, p. 154, obs. P. Bonassie.    

     Cass. com., 3 janvier 1989 : Rev. gén. procéd. 1999, p. 129, obs. M.- Cl. Rivier.

     Cass. com., 10 janvier 1989 : Bull. civ. IV, n° 20.

     Cass. 2e civ., 11 janvier 1989 : Bull. civ. II, n° 11 ; D. 1989, Somm. p. 181, obs. P. Julien ; RTD civ. 1989, p. 619, obs. R. Perrot.

     CA Paris, 14 février 1989 : Rev. arb. 1989, p. 691, note Y.- P. Tschanz ; Dr. marit. fr. 1990, p. 598, note R. Achard.

     Cass. soc., 1er mars 1989 : Bull. civ. V, n° 156 ; Dr. soc. 1989, p. 739, chron. A. Jeammaud, p. 729 ; Rev. jurispr. soc. 1989, p. 547, chron. J. Déprez, p. 539.

     Cass. 1re civ., 7 mars 1989 : D. 1991, p. 1, note Ph. Malaurie.

     CA Paris, 25 avril 1989 : D. 1989, Somm. p. 255, obs. B. Audit.

     Cass. 1re civ., 7 juin 1989 : Rev. arb. 1992 p. 61, note Y. Derrains.

     CA Chambéry, 13 juin 1989 : JDI 1991, p. 149, note A. Huet.

     Cass. 1re civ., 11 octobre 1989 : Rev. arb. 1990, p. 134, note C. Kessedjian ; JDI 1990, p. 633, note É. Loquin.

     Cass. 1re civ., 18 octobre 1989 : Bull. civ. I, n° 321 ; JDI 1991, p. 155, obs. A. Huet.

     Cass. 1re civ., 8 novembre 1989 : D. 1990, p. 369, note C. Gavalda ; Somm. p. 327, obs. J. Huet ; D. 1991, Somm. p. 39, obs. M. Vasseur ; JCP 1990, II, n° 21576, note G. Virassamy ; RTD civ. 1990, p. 80, obs. J. Mestre ; RTD com. 1990, p. 79, obs. M. Cabrillac et B. Teyssié.

     CA Paris, 28 novembre 1989 : Rev. arb. 1990, p. 675, note P. Mayer ; RTD com. 1990, p. 596, obs. É. Loquin.

     Cass. 1re civ., 6 décembre 1989 : D. 1990, p. 289, note J. Ghestin ; JCP 1990, II, n° 21534, note Ph. Delebecque.

     Cass. com., 12 décembre 1989 : Rev. crit. DIP 1990, p. 358, note H. Gaudemet-Tallon ; JDI 1991, p. 158, obs. A. Huet.

     CA Paris, 20 décembre 1989 : D. 1990, IR p. 29.

 

1990

     Cass. 1re civ., 10 janvier 1990 : Bull. civ. I, n° 2.  

     CA Paris, 11 janvier 1990 : JDI 1991, p. 141, note B. Audit ; Rev. arb. 1992, p. 25, note D. Cohen ; RTD com. 1990, p. 596, obs. É. Loquin.          

     Cass. com., 30 janvier 1990 : Bull. civ. IV, n° 26 ; RTD com. 1990, p. 453, obs. B. Bouloc.      

     Cass. 1re civ., 31 janvier 1990 : D. 1990, p. 461, note J.- P. Rémery.              

     CA Paris, 7 février 1990 : Dr. marit. fr. 1990, p. 611, note R. Achard.

     CA Paris, 8 mars 1990 : Rev. arb. 1990, p. 675, note P. Mayer.

     CEDH, 24 avril 1990 : Série A, n° 176-A.

     CEDH, 24 avril 1990 : Série A, n° 176-B.

     CA Aix-en-Provence, 29 avril 1990 : Dr. marit. fr. 1991, p. 105, obs. P. Bonassie.

     Cass. 1re civ., 10 juillet 1990 : Rev. crit. DIP 1991, p. 757.

     Cass. 1re civ., 10 juillet 1990 : Rev. arb. 1990, p. 851, note J. H. Moitry et C. Vergne ; JDI 1992, p. 168, note É. Loquin.

     Cass. 1re  civ., 9 octobre 1990 : Rev. crit. DIP 1991, p. 135, note H. Gaudemet-Tallon.

     CA Paris, 10 octobre 1990 : Rev. crit. DIP 1991, p. 605, note H. Gaudemet-Tallon.

     Cass. 1re civ., 23 octobre 1990 : Bull. civ. I, n° 219.

     Cass. 1re civ., 6 novembre 1990 : Bull. civ. I, n° 230.

     Cass. 1re civ., 6 novembre 1990 : Rev. arb. 1991, p. 19.

     CA Versailles, 8 novembre 1990 : JCP 1991, II, n° 21672, note A. Martin-Serf.

     Cass. 1re civ., 4 décembre 1990 : Rev. crit. DIP 1991, p. 558, note M.- L. Niboyet-Hoegy ; JDI 1991, p. 371, note D. Bureau ; Grands arrêts jurispr. fr. DIP n° 73.

     Cass. 1re civ., 4 décembre 1990 : Rev. crit. DIP 1991, p. 613, note H. Gaudemet- Tallon ; JDI 1992, p. 198, obs. A. Huet.

     Cass. 1re civ., 18 décembre 1990 : JCP 1992, II, n° 21824, note D. Ammar.

 

1991

     Cass. 1re civ., 15 janvier 1991 : Rev. crit. DIP 1993, p. 46, note H. Muir Watt.

     CA Versailles, 23 janvier 1991 : Rev. arb. 1991, p. 291, note C. Kessedjian.

     Cass. soc., 30 janvier 1991 : Bull. civ. V, n° 41 ; Rev. jurispr. soc. 1991, p. 625, chron. J. Déprez, p. 618 ; Petites affiches 1993, n° 13, p. 12, note J.- G. Mahinga.

     CA Paris, 30 janvier 1991 : D. 1993, Somm. p. 380, obs. J.- M. Mousseron et J. Schmidt.

     CA Versailles, 6 février 1991 : Rev. crit. DIP 1991, p. 745, note P. Lagarde ; JDI 1992, p. 125, note J. Foyer ; D. 1992, p. 174, note J. D. Mondolini ; JCP 1992, II, n° 21972, note F. Osman.

     Cass. soc., 21 février 1991 : Rev. jurispr. soc. 1991, p. 618, chron. J. Déprez.

     Cass. com., 5 mars 1991 : Bull. civ. IV, n° 96.

     Cass. com., 19 mars 1991 : Bull. civ. I, n° 115.

     CA Paris, 26 mars 1991 : Rev. arb. 1991, p. 456, note H. Gaudemet-Tallon.

     CA Rouen, 25 avril 1991 : Dr. marit. fr. 1993, p. 419.

     Cass. 1re civ., 14 mai 1991 : D. 1991, p. 449, note J. Ghestin, JCP 1991, II, n° 21763, note G. Paisant ; RTD civ. 1991, p. 526, obs. J. Mestre ; Contrats, conc. cons. juillet 1991, comm. 116, obs. L. Leveneur.

     CA Paris, 22 mai 1991 : D. 1992, Somm. p. 164, obs. B. Audit.

     CA Paris, 14 juin 1991 : Dr. marit. fr. 1992, p. 212.

     Cass. com., 9 juillet 1991 : JCP 1991, IV, p. 356 ; Dr. marit. fr. 1992, p. 655.

     Cass. com., 9 juillet 1991 : Bull. civ. IV, n° 256 ; RTD civ. 1992, p. 389, obs. J. Mestre.

     TGI Paris, 10 juillet 1991 : Rev. crit. DIP 1993, p. 54, note H. Gaudemet-Tallon.

     Cass. ass. plén., 12 juillet 1991 : D. 1991, Juris. p. 549, note J. Ghestin et Somm. p. 321, n° 11, obs. J.- L. Aubert ; D. 1992, Somm. p. 119, n° 19, obs. A. Bénabent ; JCP 1992, II, n° 21743, note G. Viney.

     CJCE, 25 juillet 1991 : Rec. I, p. 3865, concl. M. Darmon ; Rev. arb. 1991, p. 677, note B. Hascher ; JDI 1992, p. 488, obs. A. Huet ; Rev. crit. DIP 1993, p. 310, note P. Mayer.

     Cass. 1re civ., 22 octobre 1991 : Rev. crit. DIP 1992, p. 113, note B. Oppetit ; JDI 1992, p. 177, note B. Goldman ; Rev. arb. 1992, p. 457, note P. Lagarde.

     Cass. 1re civ., 30 octobre 1991 : Contrats, conc. cons. 1992, n° 25, obs. L. Leveneur ; JCP 1992, I, n° 3570, obs. Ch. Jamin.

     CA Paris, 14 novembre 1991 : D. 1992, IR p. 57.

     CA Paris, 29 novembre 1991 : Rev. arb. 1993, p. 617, note L. Aynès.

     Cass. 1re civ., 3 décembre 1991 : Rev. crit. DIP 1992, p. 340, note H. G-T.

     Cass. 1re civ., 3 décembre 1991 : Contrats, conc. cons. 1992, n° 57, obs. G. Raymond.

     CA Paris, 17 décembre 1991 : Rev. arb. 1993, p. 281, note H. Synvet.

 

1992

     Cass. soc., 7 janvier 1992 : Bull. civ. V, n° 7.

     Cass. soc., 22 janvier 1992 : Rev. crit. DIP 1992, p. 511, note H. Muir Watt.

     CA Aix-en-Provence, 22 janvier 1992 : D. 1993, p. 26, note B. Beignier.

     CJCE, 26 février 1992 : Rec. 1992, I, p. 1111, concl. M.. DARMON ; D. 1992, p. 454, note F. Osman ; JDI 1992, p. 505, obs. A. HUET ; Rev. crit. DIP 1993, p. 78, note G. A. L. Droz.

     Cass. 1re civ., 3 mars 1992 : JDI 1993, p. 140, note B. Audit ; Rev. arb. 1993, p. 273, note P. Mayer ; RTD com. 1993, p. 647, obs. É. Loquin.       

     CJCE, 10 mars 1992 : Rec. 1992, I, p. 1745, concl. G. TESAURO ; Rev. crit. DIP 1992, p. 528, note H. GAUDEMET-TALLON ; JDI 1993, p. 474, obs. A. HUET.

     CA Rouen, 12 mars 1992 : Dr. marit. fr. 1993, p 407.

     CEDH, 25 mars 1992 : Série A, n° 232-C.

     Cass. soc., 2 avril 1992 : Bull. civ. V, n° 297.

     Cass. 1re civ., 14 avril 1992 : Contrats, conc. cons. 1992, n° 15, obs. L. Leveneur.   

     Cass. soc., 22 avril 1992 : D. 1992, IR p. 169 ; JCP 1992, IV, n° 1864.

     Cass. com., 12 mai 1992 : Bull. civ. IV, n° 179 ; JDI 1993, 2e esp., p. 155, obs. A. Huet ; D. 1993, Somm. p. 348, obs. B. Audit.

     CA Paris, 6 mai 1992 : Rev. arb. 1993, p. 624, note L. Aynès.

     Cass. 3e civ., 26 mai 1992 : Gaz. Pal. 1992, 2, p. 427, note D. Mazeaud ; JCP 1992, I, n° 3625, obs. G. Viney.

     Cass. com., 26 mai 1992 : Rev. crit. DIP 1992, p. 703, note H. Gaudemet-Tallon ; Dr. marit. fr. 1993, p. 152, obs. P. Bonassies ; JCP E 1993, II, n° 396, note J. Vallasan.

     CA Paris, 26 mai 1992 : Rev. arb. 1993, p. 631, note L. Aynès.       

     CJCE, 12 juin 1992 : JCP 1992, II, n° 21927, note Ch. Larroumet ; JCP E 1992, II, n° 363, note P. Jourdain ; JCP 1993, I, ° 3664, obs. G. Viney ; Rev. crit. DIP 1992, p. 726, note H. Gaudemet-Tallon ; JDI 1993, p. 469, obs. J.- M. Bischoff ; RTD eur. 1992, p. 709, note P. de Vareilles-Sommières ; RTD civ. 1993, p. 131, obs. P. Jourdain ; D. 1993, Somm. p. 214, obs. J. Kullmann.

     Cass. 1re civ., 30 juin 1992 : D. 1994, p. 194, note Ph. Guez ; JCP E 1993, I, n° 234, n° 31, obs. Ph. Coursier.

     Cass. com., 7 juillet 1992 : Dr. marit. fr. 1993, p. 328, obs. Y. Tassel.

     Cass. 1re civ., 20 octobre 1992 : JCP 1993, II, 22007, note G. PAISANT.

     CA Rouen, 21 octobre 1992 : Dr. marit. fr. 1993, p. 480.

     CA Rouen, 21 octobre 1992 : Dr. marit. fr. 1993, p. 397, note Y. Tassel.

     CA Aix-en-Provence, 2 décembre 1992 : Dr. marit. fr. 1994, p. 170, obs. P. Bonassie.

     CEDH, 16 décembre 1992 : Série A, vol. 253-B ; D. 1993, p. 561, note F. Benoit-Rohmer.

     CA Rennes, 23 décembre 1992 : Dr. marit. fr. 1993, p. 298, note Y. Tassel.

 

1993

     Cass. 1re civ., 6 janvier 1993 : JCP 1993, II, 22007, note G. PAISANT.

     CJCE, 19 janvier 1993 : Rec. 1993, I, p. 139, concl. M. Darmon ; Rev. crit. DIP 1993, p. 320, note H. Gaudemet-Tallon, JDI 1993, p. 46, obs. A. Huet.

     CA Rouen, 28 janvier 1993 : Dr. marit. fr. 1993, p. 403, obs. Y. T. ; Rev. crit. DIP 1993, p. 307, note H. G.- T.

     CA Paris, 10 février 1993 : JCP 1995, II, n° 22438, note Ph Guez.

     CA Versailles, 19 février 1993 : D. 1994, Somm. p. 9, obs. Ph. Delebecque.

     CA Paris, 11 mars 1993 : Rev. arb. 1994, p. 735, note D. Cohen.   

     Cass. com., 30 mars 1993 : Rev. crit. DIP 1993, p. 680, note H. Gaudemet-Tallon ; Dr. marit. fr. 1993, p. 294, note Y. Tassel ; JCP 1993, I, n° 3723, n° 7, obs. L. Cadiet et II, n° 22182, note Ph. Guez.

     CA Versailles, 9 avril 1993 : Rev. crit. DIP 1995, p. 80, note G. Couchez.

     Cass. 1re civ., 26 mai 1993 : D. 1993, p. 568, note G. Paisant , JCP 1993, II, n° 22158, note É. Bazin.

     CA Aix-en-Provence, 22 juin 1993 : Bull. transp. 1994, p. 23.

     Cass. 1re civ., 23 juin 1993 : Contrats, conc. cons. 1993, n° 190, obs. L. Leveneur.

     CA Paris, 25 juin 1993 : D. 1993, IR p. 218.

     CA Limoges, 23 septembre 1993 : JCP 1994, IV, n° 864.    

     Cass. com., 12 octobre 1993 : Dr. marit. fr. 1994, p. 628, note M. Ndende.

     CA Aix-en-Provence, 23 octobre 1993 :  Dr. marit. fr. 1994, p. 764.

     CA Aix-en-Provence, 28 octobre 1993 : Dr. marit. fr. 1994, p. 170, obs. P. Bonassie.

     Cass. 1re civ., 9 novembre 1993 : Rev. arb. 1994, p. 108, note C. Kessedjian ; JDI 1994, p. 690, note É. Loquin.

     Cass. com., 9 novembre 1993 : Dr. marit. fr. 1994, p. 116, note A. Le Bayon.

     Cass.  civ., 24 novembre 1993 : Contrats, conc., cons. mars 1994. Chron. 3, par L. LEVENEUR ; Defrénois 1994, p.  818, obs. D. MAZEAUD ; D. 1994, Somm. p. 236, obs. G. PAISANT.

     CA Colmar, 6 décembre 1993 : JDI 1995, p. 152, obs. A. Huet.

     Cass. 1re civ., 20 décembre 1993 : Bull. civ. I, n° 374.

     Cass. 1re civ., 20 décembre 1993 : Rev. arb. 1994, p. 116, note H. Gaudemet-Tallon ; JDI 1994, p. 432, note E. Gaillard ; Rev. crit. DIP 1994, p. 663, note P. Mayer ; RTD com. 1994, p. 254, obs. É. Loquin et J.- Cl. Dubarry.

 

1994

     Cass. 1re civ., 6 janvier 1994 : JCP 1994, II, n° 22237, note G. Paisant , D. 1994, Somm. p. 209, obs. Ph. Delebecque.

     Cass. 1re civ., 23 février 1994 : JDI 1995, p. 154, obs. A. Huet.

     CA Paris, 5 avril 1994 : Rev. crit. DIP 1995, p. 573, note C. Kessedjian.    

     Cass. 1re civ.,10 mai 1994 : Contrats, conc., cons. 1994, Comm. n° 155, note L. LEVENEUR ; D. 1995, Somm. p. 89, obs. D. Mazeaud.

     Cass.1re civ., 1er juin 1994 : Rev. crit. DIP 1995, p. 103, note J. Déprez.

     CA Versailles, 2 juin 1994 : Bull. info DGCCRF 1995, n° 6, p. 19.

     CJCE, 15 septembre 1994 :  Rec. I, p. 4275, concl. M. Darmon ; Rev. crit. DIP 1995, p. 754, note R. Libchaber ; JDI 1995, p. 476, obs. J.- M. Bischoff.

     Cass. 1re civ., 5 octobre 1994 : Bull. civ. I, n° 265.

     Cass. com., 18 octobre 1994 : Dr. marit. fr. 1995, p. 280 ; JCP 1995, I, n° 3854, n° 1, obs. G. Viney.         

     Cass. com., 18 octobre 1994 : Dr. marit. fr. 1995, p. 289, obs. Y. T.

     Cass. com., 18 octobre 1994 : JDI 1995, p. 143, obs. A. Huet ; Rev. crit. DIP 1995, p. 719, note A. Sinay-Cytermann.

     CA Paris, 26 octobre 1994 : D. 1995, IR p. 23.

     Cass. com., 15 novembre 1994 : Dr. marit. fr. 1995, p. 357, note Y. Tassel.

     Cass. com., 29 novembre 1994 (2 arrêts) : Dr. marit. fr. 1995, p. 197, obs. P. Bonassies et p. 218, obs. Y. Tassel.

     CA Paris, 7 décembre 1994 : RTD com. 1995, p. 401, obs. J.- Cl. Dubarry et É. Loquin.

     Cass. 1re civ., 7 décembre 1994 : D. 1995, Somm. p. 318, obs. J.- P. Pizzio ; RTD com. 1995, p. 401, obs. É. Loquin et J. Cl. Dubarry ; Justices 1996, n° 3, p. 435, obs. M.- Cl. Rivier.

 

1995

     Cass. com., 10 janvier et 4 avril 1995 : Rev. crit. DIP 1995, p. 610, note H. Gaudemet- Tallon ; JDI 1996, p. 141, obs. A. Huet.

     Cass. 1re civ., 17 janvier 1995 : JCP 1995, II, n° 22340, note H. Muir Watt ; Rev. crit. DIP 1996, p. 133, note Y. Lequette.

     Cass. 1re civ., 24 janvier 1995 : D. 1995, p. 327, note G. Paisant et Somm. p. 229, obs. Ph. Delebecque et p. 310, obs. P. Pizzio ; JCP 1995, I, n° 3893, n° 28, obs. G. Viney ; Contrats, conc., cons. 1995, Comm. n° 84, note L. LEVENEUR.

     Cass. com., 24 janvier 1995 : Bull. transp. 1995, p. 89 ; Dr. marit. fr. 1996, p. 263, obs. P. Bonassies.

     Cass. 1re civ.,31 janvier 1995 : Bull. civ. I, n° 56.

     Cass. 1re civ., 31 janvier1995 : Rev. crit. DIP 1995, p. 569, note J. Déprez.

     Cass. 1re civ., 31 janvier1995 : D. 1995, p. 471, note P. Courbe.

     Cass. 1re civ., 14 février 1995 : D. 1995, p. 340, note S. Piedelièvre ; JCP 1995, II, n° 22402, note Y. Chartier.

     Cass. 1re civ., 21 février 1995 : Contrats, conc., cons. 1995, Comm. n° 84, note L. LEVENEUR ; JCP 1995, II, n° 22502, note G. Paisant.

     Cass. 1re civ., 28 mars 1995 : Bull. civ. I, n° 140 ; RTD civ. 1997, p. 121, obs. J. Mestre.

     Cass. com., 4 mai 1995 : JCP E 1997, I, n° 617, n° 7, obs. J. M. Mousseron.

     CA Paris, 17 mai 1995 : JDI 1996, p. 110, note É. Loquin.

     CA Paris, 31 mai 1995 : Bull. transp. 1996, p. 79.

     Cass. 1re civ., 7 juin 1995 : Contrats, conc. cons. 1995, n° 159, obs. L. Leveneur ; D. 1996, p. 395, note D. Mazeaud.

     CA Versailles, 28 septembre 1995 : Bull. transp. 1996, p. 79.

     Cass. 1re civ., 10 octobre 1995 : JCP 1996, II, n° 22742, note L. C. Henry ; D. 1996, Somm. p. 171, obs. B. Audit ; Rev. crit. DIP 1996, p. 332, note H. Heuzé.

     CA Rouen, 16 novembre 1995 : Dr. marit. fr. 1997, p. 164.

     Cass. ass. plén., 1er décembre 1995 (4 arrêts) : JCP 1995, II, n° 22565, concl. M. Joel, note J. Ghestin ; D. 1986, p. 17, note L. Aynès ; Petites affiches 1995, n° 155, note D. Bureau et N. Molfessis ; RTD civ. 1996, p. 153, obs. J. Mestre.   

     CA Paris, 1er décembre 1995 : Rev. arb. 1996, p. 456, note J.- M. Talau.    

     CA Toulouse, 6 décembre 1995 : D. 1996, IR p. 87 ; RJDA 1996, n° 840.

     CA Paris, 13 décembre 1995 : JCP 1997, II, n° 22772, note P. de Vareilles Sommières.

 

1996

     Cass. 1re civ., 3 janvier 1996 : D. 1996, p. 228, note G. Paisant et Somm. p. 325, obs. D. Mazeaud ; JCP 1996, I, n° 3929, obs. F. Labarthe et II, n° 22654, note L. Leveneur ; RTD civ. 1996, p. 609, obs. J. Mestre.

     Cass. 1re civ., 9 janvier 1996 : Rev. crit. DIP 1996, p. 731, note H. G.- T. ; JDI 1997, p. 173, note A. Huet.

     Cass. com., 16 janvier 1996 : Dr. marit. fr. 1996, p. 393, obs. P. Bonassies ; Procédures 1996, Comm. n° 88, obs. H. Croze.

     Cass. 1re civ., 30 janvier 1996 : D. 1996, p. 228, note G. Paisant et Somm. p. 325, obs. D. Mazeaud ; JCP 1996, I, n° 3929, obs. F. Labarthe et II, n° 22654, note L. Leveneur ; RTD civ. 1996, p. 609, obs. J. Mestre.

     CA Rouen, 13 février 1996 : Dr. marit. fr. 1997, p. 802, obs. Y. Tassel.

     Cass. 1re  civ., 20 février 1996 : Bull. civ. I, n° 86 ; RTD civ. 1996, p. 119, obs. J. Mestre.

     Cass. 1re civ., 27 février 1996 : Contrats, conc. cons. 1996, n° 94, note L. Leveneur ; Defrénois 1996, p. 742, obs. J.- L. Aubert ; RTD civ. 1997, p. 119, obs. J. Mestre.

     Cass. com., 27 février 1996 : Rev. crit. DIP 1996, p. 732, note H. G.- T.

     CA Paris, 12 mars 1996 : D. 1996, IR p. 106.

     Cass. com., 9 avril 1996 : D. 1997, p. 77, note E. Tichadou ; RTD civ. 1997, p. 121, obs. J. Mestre.

     Cass. 1re civ., 10 avril 1996 : JCP 1996, II, n° 22694, note G. Paisant et H. Claret ; Contrats, conc. cons. 1996, n° 113, note L. Leveneur ; RTD civ. 1997, p. 120, obs. J. Mestre.

     Cass. 1re civ., 16 avril 1996 : RTD civ. 1996, p. 717, obs. R. Perrot ; Rev. crit. DIP 1997, p. 716, note P. de Vareilles-Sommières ; Justices 1997, n° 8, p. 175, obs. H. Muir Watt.

     Cass. 1re civ., 11 juin 1996 : Rev. crit. DIP 1997, p. 65, note P. Lagarde ; JDI 1996, p. 941, 2e espèce, note D. Bureau.

     Cass. com., 15 octobre 1996 : Dr. marit. fr. 1997, p. 705, obs. P. Y. Nicolas.

     Cass. com., 22 octobre 1996 : D. 1997, p. 121, note A. Sériaux et Somm. p. 175, obs. Ph. Delebecque ; Defrénois 1997, p. 333, obs. D. Mazeaud ; JCP 1997, I, n° 4002, obs. Fabre-Magnan et n° 4025, obs. G. Viney, II, n° 22881, note D. Cohen.

     CA Grenoble, 23 octobre 1993 : Rev. crit. DIP 1997, p. 762, note A. Sinay-Cytermann ; JDI 1998, p. 125, obs. A. Huet.

     Cass. 1re civ., 5 novembre 1996 : Contrats, conc., cons. 1997, Comm. n°23, note L. LEVENEUR.

 

1997

     C. cass. italienne, Sect. réunies : 21 janvier 1997 : Dr. marit. fr. 1998, obs. R. Achard, p. 339 et 517.

     Cass. 1re civ., 11 février 1997 : Bull. civ. I, n° 47 ; Grands arrêts jurispr. fr. DIP n° 60.

     CJCE, 20 février 1997 : Rec. I, p. 913, concl. G. Tesauro ; Rev. crit. DIP 1997, p. 663, note H. Gaudemet-Tallon ; JDI 1997, p. 625, obs. A. Huet ; Europe 1997, n° 1997, n° 130, obs. L. Idot.

     Cass. 1re civ., 11 mars 1997 : D. 1997, p. 400, note M.- L. Niboyet.

     Cass. com., 11 mars 1997 : Rev. crit. DIP 1997, p. 537, rapp. J.- P. Rémery, p. 543, note H. G.- T. ; Defrénois 1997, n° 147, p. 1348, obs. Ph. Delebecque ; JDI 1998, p. 139, obs. A. Huet.

     Cass. 1re civ., 6 mai 1997 : Rev. crit. DIP 1997, p. 514, note B. Fauvarque-Cosson ; JDI 1997, p. 804, note D. Bureau ; Grands arrêts jurispr. DIP n° 78.

     Cass. com., 6 mai 1997 (2 arrêts) : D. 1997, p. 588, note M. Billiau et Ch. Jamin.

     Cass. 1re civ., 21 mai 1997 : Contrats, conc., cons. 1997, Comm. n° 143, note L. LEVENEUR ; Rev. crit. DIP 1998, p. 87, note V. Heuzé ; Rev. gén. procéd. 1998, p. 156, obs. M.- Cl. Rivier.

     Cass. com., 27 mai 1997 : Dr. marit. fr. 1997, p. 723, obs. P. Nicolas.

     Cass. 1re civ., 10 juin 1997 : JCP 1997, I, n° 4064-8, obs. L. Cadiet ; D. 1998, p. 2, note F. Labarthe et F. Jaukt-Seseke.      

     CJCE, 3 juillet 1997 : Rec. I, p. 3767, concl. DÁMASO RUIZ-JARABO COLOMBER ; JDI 1998, p. 581, obs. J.- M. Bischoff.

     CA Rouen, 14 octobre 1997 : Dr. marit. fr. 1998, p. 479, note R. Achard.

     CA Paris, 15 octobre 1997 : D. 1997, IR p. 240.

     Cass. com., 25 novembre 1997 : Rev. crit. DIP 1998, p. 98, rapp. J.- P. Rémery.

     Cass. 2e civ., 26 novembre 1997 : Rev. arb. 1997, p. 545.

     Cass. com., 2 décembre 1997 : D. 1998, p. 192, note D. R. Martin ; JCP E 1998, p. 178, note T. Bonneau ; JCP 1998, II,n° 10097, note L. Grynbaum.

     Cass. soc., 17 décembre 1997 : Bull. civ. V, n° 456.

 

1998

     Cass. com., 3 mars 1998 : Dr. marit. fr. 1998, p. 489, rapp. J.- P. Rémery et obs. Ph. Delebecque.

     Cass. 1re civ., 16 juillet 1998 : D. 1999, p. 117, note Cl. Witz ; JDI 1999, p. 196, obs. A. Huet ; Rev. crit. DIP 1999, note p. 122, note B. Ancel et H. Muir Watt.

     CA Paris, 14, octobre 1998 : JCP E 1998, p. 1856 ; D. 1999, Somm. p. 291, obs. B. Audit.

     CJCE, 27 octobre 1998 : Dr. marit. fr. 1999, p. 9, concl. G. Cosmas et note Ph. Delebecque.

     Cass. com., 8 décembre 1998 : Rev. crit. DIP 1999, p. 536, note É. Pataut.

 

 

1999

     Cass. 1re civ., 5 janvier 1999 : D. 1999, IR p. 31.

     Cass. 1re civ., 5 janvier 1999 : D. aff. 1999, p. 291, obs. X. D. ; Rev. crit. DIP 1999, p. 536, note É. Pataut ; JDI 1999, p. 786, note S. Poillot Peruzzetto.

     Cass. 1re civ., 5 janvier 1999 : D. aff. 1999, p. 474, obs. X. D. ; Rev. crit. DIP 1999, p. 546, note D. Bureau.

     Cass. 1re civ., 5 janvier 1999 : D. 1999, p. 383, note Cl. Witz ; RTD civ. 1999, p. 503, obs. J. Raynard ; Rev. crit. DIP 1999, p. 519, note V. Heuzé.

     Cass. 1re civ., 13 janvier 1999 : D. aff. 1999, p. 633, obs. E. C.

     Cass. 1re civ., 16 février 1999 : JCP 1999, II, n° 10162, note B. Fillion-Dufouleur et I, n° 191, n° 1, obs. G. Virassamy.

     Cass. 1re civ., 2 mars 1999 : Bull. civ. I, n° 72.

     Cass. 1re civ., 16 mars 1999 : JDI 1999, p. 773, note A. Huet.

     CJCE, 16 mars 1999 : Rev. crit. DIP 1999, p. 559, note H. Gaudemet-Tallon.

     Cass. 1re civ., 13 avril 1999 : Bull. civ. I, n° 127.

     Cass. 1re civ., 13 avril 1999 : Bull. civ. I, n° 128.

     Cass. 1re civ., 26 mai 1999 : Bull. civ. I, n° 172.

     Cass. 1re civ., 6 juillet 1999 : Bull. civ. I, n° 227.

 


 

 


 

INDEX*

 

 

—A—

 

- Accès à la justice : 64, 158, 214 et s.

    — protection de la partie faible : 230

    — contrôle de l'effet juridictionnel de l'élection de for : 569 et s.

- Accord d'élection de for : v. Convention d'élection de for

- Action en justice :

    — clause de renonciation : 25

    — notion : 215(665)

    — loi applicable : 321

    — associations de consommateurs : 160, 161

- Admissibilité : VI, VII,

    — principe : 52 et s.

    droit commun des conflits de juridictions : 66 et s.

    — Convention de Bruxelles : 98 et s.

- Appel en garantie : 574 et s.

- Assistance maritime : v. Compétence internationale impérative

- Autonomie :

    — de la convention d'arbitrage : 33, 34, 278 et s.

    — de la convention d'élection de for : 33 et s., 586

 

— B —

 

- Bail d'immeuble : v. Compétence internationale impérative

- Battle of forms : 452

- Brevet : v. Compétence internationale impérative

 

— C —

 

- Capacité : 349

- Cession de contrat : 588(1884)

- Chaîne de contrats : 594 et s.

- Code des assurances :

    — article L. 112-2 : 176

    — article R. 114-1 : 176, 178, 179

- Code civil :

    — articles 14 et 15 : 55, 56, 67, 68, 71, 78, 80, 81, 130, 177, 189, 190, 191, 194, 197, 208, 217, 312, 313, 381, 383, 507, 521, 543, 587

    — article 111 : 26, 55(188)

    — article 1134 : 81

    — article 1135 : 551

    — article 1156 : 559

    — article 1165 : 581, 595

    — article 1322 : 481

    — article 1341 : 480

    — article 1348 : 485

- Code de la consommation :

    — article L. 121-16 : 475

    — article L. 121-24 : 147

    — article L. 121-73 : 147

    — article L. 132-1 : 149, 151 et s.

    — article L. 135-1 : 149

    — article L. 426-1 : 160

- Code du travail :

    — articles 80 et 81 du Livre IV : 189 et s.

    — article L. 122-14-8 : 210

    — article R. 517-1 : 115, 196 et s., 524

- Commerce électronique : v. Convention d'élection de for électronique

    — v. aussi Preuve

- Compensation : 562, 563

- Compétence internationale :

    — nature : 67 et s.

    — dérivée : 561, 573 et s.

    — directe : 532 et s.

    — exclusive : 113(371), 245, 252 et s., 531 et s.

    — impérative : 113(371)

     - et assistance maritime : 270

     - et divorce : 251 et s.

     - et droit d'accès à la justice : 214 et s

     - et droit réel immobilier : 259 et s.

     - et inscription ou validité des brevets, marques, dessins et modèles : 262

     - et loi de police : 239 et s.

     - et mesures conservatoires : 266 et s.

     - et protection des consommateurs : 116 et s.

     - et protection de l'assuré : 162 et s.

     - et protection du salarié : 142 et s.

     - et régimes matrimoniaux : 250

     - et succession mobilière : 250

     - et succession immobilière : 250

     - et transport aérien : 270

     - et validité, nullité ou dissolution de sociétés : 262

     - et voie d'exécution : 265

    — indirecte : 537 et s.

     - exequatur : 346

     - reconnaissance : 537 et s.

    — et souveraineté : 57 et s., 244 et s.

    — volonté des parties en tant que chef de compétence : 45, 46

- Compétence interne

    — d'attribution (ratione materiae) : 68 et s., 513, 514

    ratione loci : 75

    — territoriale : 69 et s.

- Conflit de Conventions internationales : 235, 458 et s.

- Conflit entre deux conventions d'élection de for : 452 et s.

- Conflit entre une convention d'élection de for et une convention d'arbitrage : 460 et s.

- Conflit de lois :

    — applicabilité d'office de la règle de conflit : 254

    — cumul de la lex contractus et de la lex fori : 329 et s.

    — cumul de la loi du tribunal désigné et de la loi du tribunal ou des tribunaux normalement compétents : 331 et s.  

    — fonction de la règle de conflit : 339, 340

    foreign court théory : 347

    locus régit actum : 14, 349, 407, 494(1150)

    lex fori : 314 et s.

    — loi d'autonomie : 320 et s.

    — loi nationale des parties : 312, 313

    — loi du rapport juridique pour le compte duquel l'accord d'élection de for a été conclu : 342

    — loi désignée par le système de conflit du juge élu : 343 et s.

- Connaissement :

    — définition : 406(1233)

    — signature du chargeur : 406 et s.

    — transmission au destinataire : 590 et s.

- Connexité : 580

- Consentement : 350

    — effectif : 355 et s.

    — exprès : 403, 404, 405

    — lien avec la forme de la convention d'élection de for : 351 et s.

    — présumé effectif : 416 et s.

    — tacite : 405, 407, 412(1258)

- Contrat :

    — notion : 5 et s.

    — judiciaire : 9(54), 10 et 23

    — international : 94 et s., 127 et s.

    — v. aussi Matière contractuelle

- Contrat d'assurance :

    — Convention de Bruxelles et de Lugano : 163 et s.

    — droit commun des conflits de juridictions : 176 et s.

- Contrat de jouissance d'immeuble à temps partagé : 147

- Contrats passés avec les consommateurs :

    — clause abusive : 151 et s.

    — caractère international : 127 et s.

    — notion de consommateur : 119 et s.

    — protection du consommateur :

     - Convention de Bruxelles : 131 et s.

     - droit commun des conflits de juridictions : 145 et s.

- Contrat de travail :

    — Convention de Bruxelles : 181 et s.

    — Convention de Lugano : 187

droit commun des conflits de juridictions : 188 et s.

 

- Convention d'arbitrage :

    — et convention d'élection de for : III et s., 460 et s.

    — charte-partie : 412(194)

    — groupe de sociétés : 588(1885)

    — par référence : 376 et s.

    — règles matérielles : 277 et s.

    — transmission : 582, 588

- Convention d'élection de for : VII, 2 et s.

    — caractère accessoire : 2, 32 et s., 586

    — caractère apparent : 390 et s.

    — champ d'application : 553 et s.

    — conflit de : 452 et s.

    — dans l'intérêt d'une partie : 536.

    — électronique : 472 et s.

     - connaissance : 493 et s.

     - acceptation : 498 et s.

     - forme : 472 et s.

     - v. aussi Cryptologie

     - v. aussi Preuve

    — et convention d'arbitrage : III et s., 460 et s.

    — et élection de domicile : 25 et s.

    — et clause fixant le lieu du paiement : 28 et s.

    — insérée au verso du contrat : 359 et s.

    — insérée dans un document extérieur au contrat : 363 et s.

    — insérée dans les statuts d'une société : 380 et s.

    — interprétation : 559 et s.

    — langue étrangère : 396 et s.

    — loi applicable : 309 et s.

    — nature juridique : 4 et s.

    — tacite : 22 et s., 36, 104, 534

    — transmission :

     - loi applicable : 582

     - transmissibilité : 586 et s.

    — verbale confirmée par écrit : 417 et s.

    — v. aussi Habitudes des parties

    — v. aussi Usages du commerce international

- Convention d'electio juris : 31, 91

- Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 sur la compétence et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale : II(8), II(10)

    — article 2 : 183, 575

    — article 5-1° : 183, 217, 548 et s., 563

    — article 5-5° : 163

    — article 6-1° : 575

    — article 6-2° : 575

    — article 6-3° : 575

    — article 6-4° : 575

    — article 8 : 163

    — article 9 : 163, 167

    — article 11 : 163

    — article 12 : 164, 166 et s., 185

    — article 13 : 119, 131, 133, 134, 136

    — article 14 : 135, 136, 137, 139, 141

    — article 15 : 130, 131, 133, 134, 135, 136, 137, 138 et s., 185, 431

    — article 16 : 256 et s., 537

    — article 17 : 6, 28, 30, 40, 46, 56, 89, 96, 98 et s., 112, 115, 133, 134, 136, 143, 164, 168, 181 et s., 221, 234, 266, 269, 307, 350, 352, 355 et s., 395, 397, 403, 404, 411, 412, 413, 415, 416, 417 et s., 435 et s., 480, 481, 490, 509, 510, 511, 524, 531, 533, 536, 554, 558, 562, 575, 585

    — article 18 : 22, 23, 140, 534

    — article 24 : 266

    — article 27 : 537

    — article 57 : 458, 459

    — conflit avec la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises : 457 et s.

    — conflit avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme : 234, 235

    — conditions d'application :

     - domiciliation de l'une des parties au moins sur le territoire d'un État contractant : 99 et s.

     - désignation du tribunal ou des tribunaux d'un État contractant : 107 et s.

- Convention de Bruxelles du 28 mai 1998 concernant la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale (“ Bruxelles 2 ”) : 255

- Convention de Lugano du 16 septembre 1988 sur la compétence et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale : II(9),187, 260

- Convention franco-suisse du 15 juin 1869 sur la compétence et l'exécution des jugements en matière civile : 27(115)

- Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme :

    — article 6§1 : 215 et s., 569 et s.

- Conventions de La Haye :

    — du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes à caractère international d'objets mobiliers corporels : 90, 599

    — du 15 avril 1958 sur la compétence internationale en cas de vente à caractère international d'objets mobiliers corporels : 89, 316, 354, 419

    — du 25 novembre 1965 sur les accords d'élection de for : 89, 103, 157, 316, 354, 520, 524, 554

    — du 1er février 1971 sur la reconnaissance et l'exécution des jugements en matière civile et commerciale : 354, 419, 554

- Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations       contractuelles : II(12), 97, 158, 323(986), 327, 342

    — absence de choix de loi (article 4): 326

    — et exclusion de la convention d'élection de for (article 1§1d)): 31

    — et internationalité du contrat (articles 1§1 et 3§3) : 91, 92, 96

- Convention de Varsovie du 12 octobre 1919 relative au transport aérien           international : 270

- Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises :

    — conflit avec la Convention de Bruxelles : 457 et s.

    — formation de la vente (articles 18 et 19) : 454, 454(1389), 457, 458, 466

    — groupe de contrats : 599

    last shot rule : 452, 453

    — usages et habitudes des parties 430, 435, 444

- Cryptologie : 486(1513)

 

 — D —

 

- Demande reconventionnelle : 561 et s., 564

- Déni de justice : 56, 228

- Désignation :

    — d'un for neutre : 62, 524 et s.

    — d'un ordre juridictionnel : 520 et s.

    — d'un tribunal : 505 et s.

    — du tribunal ou des tribunaux d'un État contractant à la Convention de Bruxelles ou de Lugano: 107 et s., 111

- Divorce : 543

    — v. aussi Compétence internationale impérative

- Domicile : 26(109)

    — du défendeur : 183, 575

    — de l'une des parties au moins sur le territoire d'un État contractant à la Convention de Bruxelles ou de Lugano: 99 et s., 111

    — v. aussi Élection de domicile

 

 

— E —

 

- Élection de domicile : 55(188)

    — v. Convention d'élection de for

 

— F —

 

- Foreign court theory : v. Conflit de lois

- Forum non conveniens : 14, 64(243), 532, 570

- Forum shopping : 61, 305, 345

 

— H —

 

- Habitudes des parties : 431 et s.

 

— I —

 

- Indivisibilité :

    — entre deux contrats : 556, 557

    — du litige : 557, 578, 579, 580

 

— L —

 

- Last shot theory : 452 et s.

- Lex fori : v. Conflit de lois

- Lex mercatoria : 275, 391, 292, 444

- Licéité de la convention d'élection de for : 41, 82, 83

    — v. Admissibilité

- Litispendance internationale : 535

- Locus régit actum : v. Conflit de lois

 - Loi de police : 149, 211, 294

     — v. aussi Compétence internationale impérative

- Loi d'autonomie : v. Conflit de lois

- Locations de vacances : 259 et s.

 

— M —

 

- Marques : v. Compétence internationale impérative

- Matière contractuelle : 550 et s., 564, 598

- Matière délictuelle : 551, 593

    — v. aussi Responsabilité délictuelle

- Mesures provisoires ou conservatoires : 265 et s., 565

 

— N —

 

- Nouveau Code de procédure civile :

    — article 42 : 521

    — article 46 : 552

    — article 48 : 6, 26, 77 et s., 115, 145, 146, 355, 369, 381, 390 et s., 403, 405, 434, 449, 481, 505 et s., 592

    — article 70 : 561

    — article 75 : 523

    — article 92 : 9, 67 et s., 233, 533

    — article 333 : 577, 579

    — article 1443 : 377

    — article 1484 : 224

    — article 1502 : 224

 

— O —

 

- Ordre public :

    — International : 61, 289, 290, 294 et s., 299

    — v. aussi Compétence internationale impérative

    — v. aussi Loi de police

 

— P —

 

- Preuve :

    — convention sur la preuve : 495

     - loi applicable : 495(1554)

    — de l'existence de la convention d'élection de for : 352

    — de la connaissance de la convention d'élection de for électronique : 483, 494, 495

    — v. aussi Locus regit actum

- Privilège de juridiction : v. Articles 14 et 15 du Code civil

- Prorogation conventionnelle de compétence : v. Convention d'élection de for

- Prorogation tacite : v. Convention d'élection de for tacite

- Pluralité de défendeurs : 574 et s.

 

— Q —

 

- Quasi-contrat : 552

 

— R —

 

- Rapports commerciaux courants : 422 et s.

- Rapport de droit déterminé : 554 et s.

- Référé : 269, 565

- Règle de conflit de lois :

    — fonction : 339

    — v. aussi Conflit de lois

- Règle matérielle de droit international privé : 274(809), 275

    — et convention d'arbitrage : 277 et s.

    — et convention d'élection de for : 300 et s.

- Régimes matrimoniaux : 537

    —v. aussi Compétence internationale impérative

- Registre public : 263

- Responsabilité délictuelle : 546, 547, 552

 

— S —

 

- Séparabilité : 586

    — v. aussi Autonomie

- Signature : 403 et s.

    — du chargeur : 406 et s.

    — électronique : 499 et s.

- Sociétés :

    — convention d'élection de for insérée dans les statuts : 380 et s., 555

    — nature juridique : 382, 384

    — groupe de sociétés : 588(1885)

    — transmission : 587

    — v. aussi Compétence internationale impérative

- Souveraineté : 57 et s., 244

- Subrogation : 587

- Succession : 537, 587

    v. aussi Compétence internationale impérative

 

 

 

 

— T —

 

- Tiers : 572 et s.

- Transmission : v. Convention d'élection de for

- Transport :

    — aérien : v. Compétence internationale impérative

    — maritime : v. Connaissement

 

— U —

 

- Usages du commerce international : 435 et s.

 

 

 

 



     * Un plan détaillé et un index figurent à la fin de cet ouvrage

        [1] L. Cadiet, Les clauses contractuelles relatives à l'action en justice, in Les principales clauses des contrats conclus entre professionnels, P.U. d'Aix-Marseille, 1990, p. 193, spéc. p. 215.

     [2] Cf. A. HUET, La compétence judiciaire internationale en matière contractuelle, Trav. com. fr. DIP 1981,  p. 17, spéc. p. 30.

     [3] L. Cadiet, Droit judiciaire privé, 2e éd., Litec, 1998, n° 30 (souligné par l'auteur).

     [4] B. Ancel et Y. Lequette, Grands arrêts de la jurisprudence française de droit international privé, 3e éd., Dalloz, 1998, p. 548.

     [5] Cf. not. G. Lebas, De la prorogation de juridiction en matière civile, thèse Paris, 1904 ; P. Gautier, De la clause attributive de juridiction insérée dans les connaissements, thèse Montpellier, 1905 ; L. Delor, La prorogation de juridiction en matière civile, thèse Paris, 1911 ; R. Hirschmann, Les clauses attributives de compétence territoriale, thèse Paris, 1937 et G. Pochon, Clauses attributives de juridiction et conventions sur la compétence, thèse Paris, 1958.

     [6] Cf. not. H. GAUDEMET-TALLON, La prorogation volontaire de juridiction en droit international privé, Bibl. dr. inter. priv., vol. 4, préf. H. Batiffol, Dalloz, 1965 ; G. KAUFMANN-KOHLER, La clause d'élection de for dans les contrats internationaux, Juristische Fakultät der Universität, Basel, Helbing & Lichtenhahm, 1980 ; C. Blanchin, L'autonomie de la clause compromissoire : un modèle pour la clause attributive de juridiction ? Trav. rech. Panthéon-Assas (Paris II), préf. H. Gaudemet-Tallon, L.G.D.J., 1995 et N. Coipel-Cordonnier, Les conventions d'arbitrage et d'élection de for en droit international privé, Bibl. dr. priv., t. 314, préf. M. Fallon, avant-propos P. Mayer, L.G.D.J. 1999. Adde J. JODLOWSKI, Les conventions relatives à la prorogation et à la dérogation à la compétence internationale en matière civile, Rec. cours La Haye 1974, t. 143, p. 475.

     [7] H. Gaudemet-Tallon, note sous CA Paris, 10 octobre 1990, Rev. crit. DIP 1991, p. 605.

     [8] Sur la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, cf. not. P. Bellet, L'élaboration d'une Convention sur la reconnaissance des jugements dans le cadre du Marché Commun, JDI 1965, p. 833 ; B. Goldman, Un Traité fédérateur : la Convention entre les États membres de la CEE sur la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, RTD eur. 1971, p. 1 ; P. Gothot et D. Holleaux, La Convention entre les États membres de la CEE sur la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, JDI 1971, p. 747 ; G. A. L. DROZ, Compétence judiciaire et effets des jugements dans le marché commun (Étude de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968), Bibl. dr. inter. priv., Vol. 13, préf. H. Batiffol, Dalloz, 1972 ; M. Weser, Convention communautaire sur la compétence judiciaire et l'exécution des décisions, Bruxelles, Centre Interuniversitraire de Droit Comparé, Paris, Pédone, 1975 ; P. Gothot et D. Holleaux, La Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, Compétence judiciaire et effets des jugements dans la CEE, Coll. Exporter, préf. H. Batiffol, Jupiter, 1985 et H. Gaudemet-Tallon, Les Conventions de Bruxelles et de Lugano, Compétence internationale, reconnaissance et exécution des jugements en Europe, Coll. Droit des affaires, 2e éd., L.G.D.J., 1996.     

     [9] Sur la Convention de Lugano, cf. P. Jénard et G. Möller, Rapport sur la Convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale faite à Lugano le 16 septembre 1988, JOCE, n° C 189, 28 juillet 1990 et G. A. L. DROZ, La Convention de Lugano parallèle à la Convention de Bruxelles concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, Rev. crit. DIP 1989, p. 1. Précisons que parmi les États de l'A.E.L.E., l'Autriche, la Finlande et la Suède ont depuis intégré l'Union européenne et devraient logiquement adhérer à la Convention de Bruxelles.

     [10] La Convention de Bruxelles ne concernait à l'origine que la France, la RFA , l'Italie, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas (cf. P. Jénard, Rapport sur la Convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (signée à Bruxelles le 27 septembre 1968), JOCE n° C 282, 5 mars 1979 et G. A. L. Droz, Entrée en vigueur de la Convention de Bruxelles concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, Rev. Crit. DIP 1973, p. 21). À l'occasion de l'adhésion du Royaume-Uni, de l'Irlande et du Danemark à la CEE, le texte initial fut modifié par une Convention signée à Luxembourg le 9 octobre 1978 (cf. P. Schlosser, Rapport sur la Convention relative à l'adhésion du Royaume du Danemark, de l'Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, JOCE, n° C 59, 5 mars 1979 et G. A. L. Droz, Entrée en vigueur de la Convention de Bruxelles révisée sur la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, Rev. crit. DIP 1987, p. 251). Une nouvelle Convention d'adhésion fut signée le 25 octobre 1982 suite à l'entrée de la Grèce dans la CEE (D. Evrigenis et K. D. Kerameus, Rapport relatif à l'adhésion de la République héllénique à la Convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, JOCE, n° C 298, 24 novembre 1986). Enfin une dernière Convention fut signée le 26 mai 1989 afin de permettre l'adhésion de l'Espagne et du Portugal à la Convention de Bruxelles (cf. M. de Almeida Cruz, M. Desantes Real et P. Jénard, Rapport sur la Convention relative à l'adhésion du Royaume d'espagne et de la République portugaise, JOCE, n° C 189, 28 juillet 1990 et G. A. L. Droz, La Convention de San Sebastian alignant la Convention de Bruxelles sur la Convention de Lugano, Rev. crit. DIP 1990, p. 1).

     [11] Cf. not. P. de Vareilles-Sommières, Un droit international privé européen ? in Le droit privé européen, (sous la direct. de P. de Vareilles-Sommières), Coll. Études Juridiques, 1, Économica, 1998, p.136.

     [12] Cf. La convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, entrée en vigueur le 1er avril 1991, constitue le commun des conflits de lois en matière de contrats. Sur cette Convention, cf. M. Giuliano et P. Lagarde, Rapport concernant la Convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, JOCE, n° C 282, 31 octobre 1980 et P. Lagarde, Le nouveau droit international privé des contrats après l'entrée en vigueur de la Convention de Rome du 19 juin 1980, Rev. crit. DIP 1991, p. 287.

     [13] À propos du jus commune, cf. not. M. Delmas-Marty, Réinventer le droit commun, D. 1995, Chron. p. 1 et J. Vincent et S. Guinchard, Procédure civile, 25e éd., Dalloz, 1999, n° 11 et les réf. cit., qui écrivent à ce sujet que  par les Traités et Conventions de droit européen, la procédure civile est en fusion ”. V. l'opinion plus nuancée de  B. Oppetit (Droit commun et droit européen, in L'internationalisation du droit, Mélanges en l'honneur de Yvon Loussouarn, Dalloz, 1994, p. 311) en ce qui concerne notamment les méthodes pour parvenir à la réalisation de ce jus commune.

     [14] Pour une approche plus globale de ce phénomène, cf. Les interférences entre convention et juridiction, Colloque des 11 et 12 décembre 1998, CERCRID, Université Jean Monnet de Saint-Étienne, à paraître.

     [15] Cf. L. Cadiet, Clauses relatives aux litiges, J.-Cl. Contrats Distribution, Fasc. 190, 1998.

     [16] Cf. C. Blanchin, mémoire préc. et N. Coipel-Cordonnier, thèse préc.

     [17] Mémoire préc., p. 84 et s.

     [18] Thèse préc., nos 37 et s.

     [19] Cf. p. ex. M. de Boisséson, Le droit français de l'arbitrage interne et international, GLN Joly, 1990, nos 112 et s.

     [20] CA Paris, 29 novembre 1991, Rev. arb. 1993, p. 617, note L. Aynès.

     [21] N. Coipel-Cordonnier, thèse préc., n° 28.

     [22] Ibid.

     [23] C. Blanchin, mémoire préc., p. 66.

     [24] N. Coipel-Cordonnier, thèse préc., n° 13.

     [25] C. Blanchin, mémoire préc., p. 64.

     [26] N. Coipel-Cordonnier, thèse préc., n° 28.

     [27] Pour une telle approche, cf. H. GAUDEMET-TALLON, thèse préc. et G. KAUFMANN-KOHLER, thèse préc.

     [28] D. HOLLEAUX, Compétence du juge étranger et reconnaissance des jugements, Bibl. dr. inter. priv., vol. 9, préf. H. Batiffol, Dalloz, 1970, n° 192.

     [29] P. MAYER, Droit international privé, 6e éd., Montchrestien, n° 301.

     [30] Thèse préc., nos 191 et s.

     [31] Précis, nos 301 et 302.

     [32] Cf. not. D. HOLLEAUX, J. FOYER et G. DE GEOUFFRE DE LA PRADELLE, Droit international privé, Masson, nos 794 et s. ; B. AUDIT, Droit international privé, 2e éd., 1996, nos 384 et s. ; E. Krings, Réflexions au sujet de la prorogation de compétence territoriale et du for contractuel, Rev. de dr. int. et de dr. comp. 1978, p. 78, spéc. n° 10 et N. Coipel-Cordonnier, thèse préc., passim.

        [33] Cf. H. BATIFFOL (†) et P. LAGARDE, Traité de droit international privé, t. 1, 8e éd., L.G.D.J., 1993, nos 292 et s. ; P. MAYER, nos 156 et s. ; B. AUDIT, nos 191 et s. ; Y. LOUSSOUARN et P. BOUREL, Droit international privé, 6e éd., Dalloz, 1999, nos 183 et s. ; D. HOLLEAUX, J. FOYER et G. DE GEOUFFRE DE LA PRADELLE, nos 378 et s.

     [34] CJCE, 10  mars 1992, Rec., I, p. 1745, concl. G. TESAURO ; Rev. crit. DIP 1992, p. 528, note H. GAUDEMET-TALLON ; JDI 1993, p. 474, obs. J. -M. BISCHOFF.

     [35] L'expression est de Mme H. GAUDEMET-TALLON, thèse préc., n° 258.

     [36] Droit Judiciaire privé, t. 2, La compétence, Sirey, 1973, n° 559.

     [37] Si, au demeurant, l'on s'autorise un parallèle avec l'arbitrage, on relèvera que le nouveau Code de procédure civile définit la clause compromissoire (article 1442) et le compromis (article 1447) de convention, autrement dit de contrat puisque les parties s'obligent à soumettre leur litige à l'arbitrage. Cette conception de l'arbitrage prévaut également en droit anglais où la Chambre des Lords a récemment rappelé son fondement contractuel (Cf. B. RUDDEN, Le domaine du contrat, rapport anglais, in Le contrat aujourd'hui : comparaison franco-anglaise, (sous la direct. de D. Tallon et D. Harris), Bibl. dr. priv., t. 196, L.G.D.J., 1987, n° II-134).

     [38] Cf. infra, nos 22 et s.

     [39] Cf. infra, nos 11 et s.

     [40] Cf. not. G. KAUFMANN-KOHLER, thèse préc., pp. 15 à 19 et 47 ; N. Coipel-Cordonnier, thèse préc., nos 9 et s. ; J. JODLOWSKI, cours préc., p. 483 et N. FRAGISTAS, La compétence internationale en droit privé, Rec. cours La Haye, 1961, t. 104, p. 159.

     [41] V. p. ex. l'arrêt de Cour d'appel de Paris qui, statuant sur la loi applicable à la clause d'élection de for, a relevé qu'il s'agissait d'“ une convention sur la compétence ”( 27 janvier 1955, Rev. crit. DIP 1955, p. 331, note H. MOTULSKY).

     [42] À propos de l'élection de for M. DROZ écrit : “ la validité de l'accord d'élection de for dépend aussi des conditions relatives à la capacité des parties ou au consentement. Il s'agit là de questions ressortissant à la théorie générale des contrats qui n'entraînent pas de difficultés particulières ” (thèse préc., n° 175). Dans le même sens,  cf. P. JÉNARD, rapport préc., p. 66.

     [43] CJCE, 10 mars 1992, op. cit., rendu à propos d'une clause attributive de juridiction insérée dans les statuts d'une société (cf. infra, nos 384 et s.).

     [44] À ce sujet, v. not. G. ROUHETTE, Contribution à l'étude critique de la notion de contrat, thèse Paris, 1965 ; V. HEUZÈ, La réglementation française des contrats internationaux (Étude critique des méthodes), GLN JOLY, préf. P. Lagarde, 1990, nos 115 et s. et J. GHESTIN, La notion de contrat, D. 1990, Chron. p. 147.

     [45] Cf. V. Ranouil, L'autonomie de la volonté, Naissance et évolution d'un concept, P.U.F., 1980.

     [46] Cf. not. H. Kelsen, La théorie juridique de la convention, Arch. phil. dr. 1940, p. 33, spéc. §13 ; J. Ghestin, article préc., V. Heuzé, thèse préc., nos 134 et s. ; Fr. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Les obligations, 7e éd., Dalloz, 1999, n° 31 ; B. STARCK, H. ROLAND et L. BOYER, Les obligations, 2, Contrat, 6e éd., Litec, 1998, n° 20.

     [47] Thèse préc., n° 224.

     [48] V. Heuzé, thèse préc., n° 151.

     [49] Cf. infra, n° 536.

     [50] Cass. com ., 9 juin 1970, Bull. civ. IV, n° 191.

     [51] N. FRAGISTAS, cours préc., spéc. p. 246 note 31.

     [52] Ibid.

     [53] Cf. Y. Muller, Le contrat judiciaire en droit privé, thèse Paris I, 1995 et v° Contrat Judiciaire in Encyclopédie Dalloz Procédure Civile, 1996.

     [54] Y. Muller, v° Contrat Judiciaire, préc., n° 3 (souligné par nous). Rapp. G. Couchez, J.- P. Langlade et D. Lebeau, Procédure civile, Dalloz, 1998, n° 1189, qui écrivent que “ pour que l'on puisse parler de "contrat judiciaire", il faut supposer que les parties sollicitent du juge qu'il entérine ce qu'elles présentent sans aucune dissimulation comme un accord intervenu entre elles. Dans sa décision, le juge constate cet accord, donc la convention des parties. Il ne tranche pas le différend : il donne simplement acte aux parties de leur accord ”.

     [55] Y. Muller, v° Contrat Judiciaire, préc., n° 4.

     [56] Y. Muller, thèse préc., n° 170, qui ajoute qu' “ il n'est donc pas besoin de constater formellement l'existence d'un accord des plaideurs dans lequel il puiserait sa compétence ” (ibid.).

     [57] Ibid.

     [58] Ibid.

     [59] G. KAUFMANN-KOHLER, thèse préc., p. 17.

     [60] Cf. H. BAUER, Compétence judiciaire internationale des tribunaux civils français et allemands, Bibl. dr. inter. priv., vol. 5, Dalloz, préf. R. Perrot, 1965, n° 182. Adde G. KAUFMANN-KOHLER, thèse préc., pp. 22 et 23.

     [61] G. KAUFMANN-KOHLER, thèse préc., pp. 15 et 19 à 21.

     [62] Cf. J. RAJSKI, L'influence de la volonté des parties sur la compétence internationale des tribunaux en matière civile dans le droit des pays socialistes, Mélange N. Fragistas, vol. 1, Thessalonique, 1969, p. 175 et spéc. p. 197, cité par G. KAUFMANN-KOHLER, thèse préc., p. 24, note n° 87.

     [63] Cf. les auteurs italiens cités par D. HOLLEAUX, thèse préc., n° 190 note n° 5.

     [64] Ibid., n° 190 note n° 6.

     [65] Ibid., n° 190.

     [66] G. KAUFMANN-KOHLER, thèse préc., p. 23 et les réf. cit. note 82.

     [67] Ibid., p. 23 et les réf. cit. notes 82 et 83.

     [68] Arrêt Zapata du 12 juin 1972, Rev. crit. DIP 1973, p. 530, note H. et D. TALLON. Cf. égal. G. R. DELAUME, Clauses d'élection de for et clauses compromissoires : évolution et gestation d'un nouveau droit américain en gestation, JDI 1975, p. 486 et P. HERZOG, la théorie du forum non conveniens : Un aperçu, Rev. crit. DIP 1976, p. 1 et spéc. p. 19 et s.

     [69] Ainsi les tribunaux américains pouvaient s'estimer non conveniens et décider de se dessaisir, quand bien même une clause leur attribuait compétence, s'ils leur apparaissaient qu'un tribunal étranger était plus adapté. Inversement, ces mêmes tribunaux pouvaient décider de statuer, alors qu'une clause attribuait compétence à un tribunal étranger (hypothèse de l'arrêt Zapata) s'ils s'estimaient more conveniens.

     [70] Cf. G. KAUFMANN-KOHLER, thèse préc., p. 25 et les réf. cit. Sur le droit américain, cf. W. W. PARK, International Forum Selection, Kluwer Law International, 1995, pp. 17 et s., qui écrit à ce sujet, p. 34, “ a jurisdiction agreement, of course, is a contract, albeit a contract whose enforcement could be characterized as matter of either substantive law (creating rights and obligations among private parties) or procedure (determining where an action will be heard) ”.

     [71] H. SOLUS et R. PERROT, Droit judiciaire privé, t. 1, Introduction, Notions fondamentales, Organisation judiciaire, Sirey, 1961, n° 328.

     [72] Ibid.

     [73] G. CORNU, note sous Cass. 2e civ., 15 octobre 1975 et 20 mai 1976, D. 1977, p. 125 et G. Cornu et J. Foyer, Procédure civile, coll. Thémis, P.U.F., 3e éd. 1996, n° 95. Dans le même sens, cf. not. J. VINCENT et S. GUINCHARD, n° 636 ; H. CROZE  et Ch. MOREL, Procédure civile, Coll. Droit fondamental, P.U.F, 1988, n° 207.

     [74]V° Acte de procédure  in Vocabulaire juridique, 3e éd. PUF, (sous la direct. de G. Cornu), 1992.

     [75] H. CROZE  et Ch. MOREL, n° 207 (c'est nous qui soulignons).

     [76] Thèse préc., n° 11.

     [77] G. DE LA PRADELLE, Les conflits de lois en matière de nullités, Bibl. dr. inter. priv., vol. 8, Dalloz, préf. H. Batiffol, 1967, n° 263.

     [78] J. HÉRON, Réflexions sur l'acte juridique et le contrat à partir du droit judiciaire privé, Droit n° 7, L'acte juridique, P.U.F, 1988, p. 85 et spéc. p. 86.

     [79] Cf. infra, nos 42 et s.

     [80] M. PASCHOUD, Rapport sur les délibérations du conseil restreint in Actes et Documents de la IXe session de la Conférence de La Haye de droit international privé, t. 1, Matières diverses, Compétence générale du for contractuel, Reconnaissance et exécution des jugements étrangers, pp. 141 et s. et spéc. p. 148.

     [81] J. CARBONNIER, note sous Cass. civ., 29 avril 1938, D.P. 1939, p. 93.

     [82] Cass. civ., 3 novembre 1891, D.P. 1892, p. 233.

     [83] Dans cette hypothèse bien précise, la “ prorogation conventionnelle de compétence ” était considérée, avec raison semble-t-il, comme un contrat judiciaire (cf. Y. Muller, thèse préc., n° 119 et les réf. cit.).

     [84] Cass. civ., 29 avril 1938, préc.

     [85] J. CARBONNIER, note préc.

     [86] Ibid. Contra Cass. civ., 3 mai 1912, préc.

     [87] B. ANCEL, La clause attributive de juridiction selon l'article 17 de la Convention de Bruxelles, Rivista di diritto internazionale privato e processuale 1991, p. 262, et spéc. p. 281.

     [88] Cf. Ph. THÉRY, Pouvoir juridictionnel et compétence (Étude de droit international privé), thèse Paris II, 1981.

     [89] H. SOLUS et R. PERROT, t. 1,  n° 7.

     [90] H. GAUDEMET-TALLON, thèse préc., n° 213.

     [91] P. MAYER, Droit international privé et droit international public sous l'angle de la notion de compétence, Rev. crit. DIP 1979, p. 1, n° 11.

     [92] B. ANCEL, article préc., p. 281.

     [93] Cf. supra, n° 6.

     [94] Thèse préc., n° 50.

     [95] Cf. supra, n° 17.

     [96] J. CARBONNIER, note sous. Cass. civ., 29 avril 1938, op. cit.

     [97] G. POCHON, thèse préc., p. 45.

     [98] Ibid., pp. 45 et 46. Cf. dans le même sens, H. SOLUS et R. PERROT, t. 2, n° 562.

     [99] Cf. les observations écrites du gouvernement britannique à propos de l'arrêt Elefaten Schuh c/ Jacqmain, CJCE, 24 juin 1981, Rec. 1981, p. 1671 et spéc. p. 1678.

     [100] Cf. les conclusions de l'avocat général G. SLYNN à propos du même arrêt, op. cit., et spéc. p. 1693.

     [101] H. GAUDEMET-TALLON, thèse préc., n° 48. Fidèle à sa conception mixte des accords d'élection de for, l'auteur ajoute ensuite : “ la prorogation tacite semble donc pouvoir revendiquer, à juste titre, un caractère contractuel à côté de son caractère "processuel" incontestable ” (ibid.). Mme GAUDEMET-TALLON semble toutefois avoir nuancé son opinion dans l'ouvrage qu'elle a récemment consacré aux Conventions de Bruxelles et de Lugano. À propos de l'article 18, l'auteur écrit : “ la comparution du défendeur et son silence sur la compétence résultera le plus souvent de son ignorance des règles applicables que d'un véritable accord (ouvrage préc., n° 144, c'est nous qui soulignons).

     [102] CJCE, 24 juin 1981, Rec. 1981, p. 1671, concl. G. SLYNN ; JDI 1981, p. 903, note A. HUET ; Gaz. Pal. 1981, 2, p. 767, note LAURENT ; Rev. crit. DIP 1982, p. 143, note H. GAUDEMET-TALLON.

     [103] Comme l'écrit M. HUET dans sa note au Clunet (op. cit.), “ rien n'interdit aux parties de renoncer volontairement au jeu d'une attribution conventionnelle de compétence à un tribunal déterminé, le demandeur en saisissant un autre tribunal, le défendeur en comparaissant devant ce tribunal sans contester sa compétence : au fond, la prorogation tacite de compétence n'est qu'une application des principes généraux du droit des contrats et une conséquence naturelle du caractère conventionnel des clauses attributives de  juridiction ”.

     [104] P. GOTHOT  et D. HOLLEAUX, ouvrage préc., n° 188. Comp. Y. Muller, thèse préc., n° 171, qui estime que toute idée de contrat judiciaire est à exclure dans la mesure où l'inaction du défendeur peut résulter d'autres circonstances signifier  autre chose qu'une manifestation de volonté.

     [105] Rapp. J. Carbonnier qui, à propos de la “ prorogation ” intervenant sur un litige né, écrit : “ le procès apparaît alors comme inévitable, et c'est en connaissance de cause, souvent après avoir consulté des hommes de loi, que l'intéressé renonce aux garanties procédurales qui pouvaient résulter pour lui des normes de compétence ” (note préc.).

     [106] Cf. H. GAUDEMET-TALLON, thèse préc., n° 53 et N. FRAGISTAS, cours préc., p. 234.

     [107] Cf. Ph. Grignon, L'obligation de ne pas agir en justice, in Mélanges Christian Mouly, t. 2, Litec, 1998, p. 115.

     [108] J. VINCENT et S. GUINCHARD, n° 70.

     [109] Le concept de domicile, définit en droit français comme le lieu permettant de localiser la personne dans l'espace, “ s'avère être l'un des plus difficiles à cerner ” (A. MARTIN-SERF, Du domicile à la résidence, RTD civ. 1978, p. 535). Le Code civil, qui attribue un domicile et un seul à chaque sujet de droit, conçoit le domicile comme le lieu où la personne “ a son principal établissement ” (article 102 du Code civil). Ce principal établissement n'est pas forcément la résidence de la personne même si domicile et résidence sont bien souvent confondus en pratique. D'autres critères peuvent être utilisés comme le paiement des impôts, l'inscription sur des listes électorales, etc. Le choix du domicile est, en principe, libre sauf pour certaines catégories de personnes (mineurs non émancipés, certains fonctionnaires publics, etc., cf. les articles 106 et s. du Code civil). On ajoutera que droit tient également compte la notion de résidence, plus concrète que celle de domicile. Ainsi en matière de compétence territoriale, l'article 42 du nouveau Code de procédure civile énonce le principe de la compétence de la juridiction du lieu où demeure le défendeur tandis que l'article 43 du même Code précise que ce lieu, s'il s'agit d'une personne physique, est celui du domicile ou de la résidence.

     [110] Cf. not. H. SOLUS et R. PERROT, t. 2, n° 261 ; G. POCHON, thèse préc., p. 267 ; J. VINCENT et S. GUINCHARD, n° 348-1 et L. Cadiet, n° 526.

     [111] Cass. req., 19 décembre 1864, S. 1865, 1, p.217.

     [112] E. BARTIN, Principes de droit international privé selon la loi et la jurisprudence française, t. 1, 1930, p. 386.

     [113] CA Paris, 29 juin 1949, D. 1949, p. 595 ; JDI 1950, p. 212, obs. B. GOLDMAN. Cet arrêt fut confirmé par Cass. 1re civ. 13 novembre 1957, Rev. crit. DIP 1958, p. 735, note Y. L. ; JDI 1959, p. 828, obs. SIALELLI. Cf. égal. Cass. com., 27 avril 1968, Bull. civ. IV, n° 137 ; JDI 1969, p. 932, note Ph. KAHN.

     [114] Cf. H. GAUDEMET-TALLON, thèse préc., nos 252 et s. Contra B. AUDIT, n° 360 pour qui la clause d'élection de domicile est un mode indirect de renonciation aux articles 14 et 15 du Code civil.

     [115] Pourtant, un arrêt de la première Chambre civile du 5 octobre 1994 assimile ouvertement la clause d'élection de domicile à la clause d'élection de for (Cass. 1re civ. 5 octobre 1994, Bull. civ. I, n° 265 D. 1994, IR p. 233). Cette décision, cependant, a été rendue en application de la Convention franco-suisse du 15 juin 1869 qui, bien qu'abrogée depuis l'entrée en vigueur de la Convention de Lugano à laquelle la Suisse est partie (Cf. H. GAUDEMET-TALLON, ouvrage préc., n° 423), était encore applicable en la cause. Or cette Convention ignore les accords d'élection de for mais admet, dans son article 3, l'élection de domicile. En l'espèce, une société française assigna son débiteur suisse devant le tribunal de commerce de Chalon-sur-Saône en se fondant sur une clause attributive de juridiction. Rejetant le pourvoi formé contre l'arrêt d'appel qui avait écarté l'exception d'incompétence, la Cour de cassation a jugé que “ l'article 3 de la Convention franco-suisse du 15 juin 1869 admet l'élection de domicile, à laquelle est assimilable l'élection de for, et ne soumet ces clauses à aucune condition particulière ”. Cette solution est néanmoins tout à fait justifiée si l'on garde à l'esprit qu'au regard de la Convention franco-suisse, les clauses d'élection de domicile sont considérées comme des clauses d'élection de for (G. FLATTET, J.-Cl. Droit international, Fasc. 590B, n° 72). De fait, la portée de cet arrêt ne devrait pas s'étendre au-delà de l'interprétation de ce traité qui, rappelons-le, n'est plus en vigueur.

     [116] Cf. CA Douai, 2 décembre 1905, JDI 1907, p. 355 ; Cass. 1re civ. 19 octobre 1959 (2e espèce), D. 1960, p. 37, note G. HOLLEAUX ; Rev. crit. DIP 1960, p. 215, note Y. L. ; CA Paris, 2 juin 1967, Gaz. Pal. 1967, 2, p. 237.

     [117] CJCE, 17 janvier 1980, Rec. 1980, p. 89, concl. F. CARPOTORI ; Rev. crit. DIP 1980, p. 387, note E. MEZGER ; JDI 1980, p. 435, obs. A. HUET. Pour une application anticipée, v. CA Lyon, 28 février 1979, JDI 1980, p. 104, note Ph. KAHN ; D. 1980, IR p. 330, obs. B. AUDIT et CA Lyon, 28 mars 1979, JCP 1981, II, n° 19519, note D. HOLLEAUX.

     [118] En ce sens, cf. F. CARPOTORI, concl. préc. et A. HUET, obs. préc.

     [119] En ce sens, cf. F. CARPOTORI, concl. préc. et A. HUET, obs. préc.

     [120]  A. HUET, obs. spéc. p. 439.

     [121] E. MEZGER, note préc., spéc. p. 389 et aussi in L'unification du lieu de paiement des obligations monétaires, JDI 1967,  p. 584 et spéc. p. 595.

     [122] D. HOLLEAUX, note préc.

     [123] Cf. par ex. Cass. soc., 2 juin et 20 octobre 1983, JDI 1984, p. 337, note P. Rodière ; 2e espèces, Rev. crit. DIP 1985, p. 99, note H. Gaudemet-Tallon.

     [124] Cf. J. Foyer, Le contrat d'electio juris à la lumière de la Convention de Rome du 19 juin 1980, in L'internationalisation du droit, Mélanges en l'honneur de Yvon Loussouarn, Dalloz, 1994, p. 169.

     [125] Cours préc., p. 245. D'après cet auteur, même lorsque “ l'accord sur la compétence internationale est formulé comme la clause d'un contrat ” il doit être traité “ comme une convention autonome et indépendante du contrat dans lequel elle est insérée ” (op. cit., p. 238).

     [126] Thèse préc., nos 87 et 392. Dans le même sens, cf. G. KAUFMANN-KOHLER, thèse préc., pp. 36 et s. et 65 et J. JODLOWSKI, cours préc., p. 510.

     [127] Cité par Mme  GAUDEMET-TALLON, thèse préc., n° 92.

     [128] Écrits, Études et notes sur l'arbitrage, Dalloz, 1974, p. 345.

     [129] Note sous Cass. 1re civ., 6 décembre 1988, JDI 1990, p. 134 et spéc. p. 139.

     [130] Thèse préc., n° 296 et s.

     [131] Ibid., n° 10.

     [132] Cf. l'article 3§1 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles

     [133] P. MAYER, note sous CA Paris, 28 novembre 1989 et 8 mars 1990, Rev. arb. 1990, p. 675 et spéc. p. 685 ; L'autonomie de l'arbitre international dans l'appréciation de sa propre compétence, Rec. cours La Haye 1989, t. 217,  p. 319, nos 110 et 111 et Les limites à la séparabilité de la clause compromissoire, Rev. arb. 1998, p.359.

     [134] Thèse préc., p. 40.

     [135] P. MAYER, Les limites à la séparabilité de la clause compromissoire, préc., spéc. n° 3.

     [136] Cf. not. G. GOUBEAUX, La règle de l'accessoire en droit privé, Bibl. dr. priv., t. 93, L.G.D.J., préf. D. Tallon, 1969, n° 131 ; Ph. SIMLER, La nullité partielle des actes juridiques, Bibl. dr. priv., t. 101, L.G.D.J., préf. A. Weil, 1969, n° 87. Cf. égal. P. MAYER, qui écrit dans son cours professé à La Haye que “ la clause compromissoire (n.d.a. mais il en est de même pour la clause attributive de juridiction) est partie intégrante du contrat, et l'accessoire des droits qu'il crée ” (cours préc., spéc. p. 432) et J.- P. ANCEL, L'actualité de l'autonomie de la clause compromissoire, Trav. com. fr. DIP 1991-1992/1992-1993, p. 75, spéc. p. 76 et 101.

     [137] Thèse préc., nos 18 et s.

     [138] CA Paris, 27 janvier 1955, préc.

     [139] Cass. 1re civ., 25 novembre 1986, Rev. crit. DIP 1987, p. 396, note H. Gaudemet-Tallon ; Dr. marit. fr. 1987, p. 706, note P. Y. Nicolas ; RTD civ. 1987, p. 547, obs. J. Mestre.

     [140] CJCE, 10  mars 1992, préc.

     [141] Cf. Ph. SIMLER, thèse préc., n° 87, note 3.

     [142] Cass. 2e civ., 11 janvier 1978, Bull. civ. II, n° 13 ; Gaz. Pal. 1978, 1, p. 273, note J. Viatte ; RTD civ. 1978, p. 921, obs. J. Normand.

     [143] Cass. com., 3 janvier 1989, non pub. bull., cité par M.-Cl. Rivier in Rev. gén. procéd. 1999, p. 129.

     [144] Cf. TGI Paris, 10 juillet 1991, Rev. crit. DIP 1993, p. 54, note H. Gaudemet-Tallon et H. Gaudemet-Tallon, thèse préc., nos 392 et s. et les réf. cit.

     [145] Cf. not. H. Gaudemet-Tallon, note préc. et P. Mayer, n° 302.

     [146] Cass. 1re civ., 7 mai 1963, JCP 1963, II, 13405, note B. GOLDMAN ; JDI 1964, p. 82, note J.-D. BREDIN ; Rev. crit. DIP 1963, p. 615, note H. MOTULSKY ; D. 1963, p. 545, note J. ROBERT. Sur l'arrêt Gosset, cf. infra, n° 278.

     [147] Cf. C. Blanchin, mémoire préc.

     [148] CJCE, 3 juillet 1997, Rec. I, p. 3767, concl. DÁMASO Ruiz-Jarabo Colomber ; JDI 1998, p. 581, obs. J.- M. Bischoff.

     [149] CJCE, 4 mars 1982, Rec. , p. 825, concl. Reischl ; Rev. crit. DIP 1982, p. 570, note H. Gaudemet-Tallon, JDI 1982, p. 473, obs. A. Huet. Dans cette affaire, la nullité avait été invoquée à l'appui d'une exception d'incompétence. Aussi bien s'était-on demandé en doctrine si cette solution s'appliquerait en cas de demande principale en nullité du contrat (en faveur de cette solution, cf. not. H. Gaudemet-Tallon, ouvrage préc., n° 159 et A. Huet, La place de l'article 5 dans l'économie de la Convention. La compétence contractuelle, in Compétence judiciaire et exécution des jugements en Europe, Butterworths, 1993, p.67, spéc. p. 72. V. cep. l'opinion plus réservée de P. Gothot et D. Holleaux, ouvrage préc., n° 63). Si la Cour de cassation l'avait admis (Cass. 1re civ., 25 janvier 1983, Rev. crit. DIP 1983, p. 516, note H. Gaudemet-Tallon), la Cour de Justice ne s'était pas encore directement prononcée sur ce point. Le fait que l'arrêt du 3 juillet 1997 ait été rendu alors que la nullité était invoquée en demande laisse penser que cette solution est admise en ce qui concerne l'article 5-1° de la Convention de Bruxelles.

     [150] V. à ce sujet la position adoptée par la Commission Lando pour le droit européen des contrats. Selon l'article 4-305, alinéa 2, des Principes du droit européen des contrats, “ la résolution n'a point d'effet sur les stipulations du contrat relatives au règlement des différends, non plus que sur toutes les clauses appelées à produire effet même en cas de résolution ” (in Les principes du droit européen du contrat, L'exécution, l'inexécution et ses suites, La Documentation française, 1997, p. 213, égal. cit. par H. Gaudemet-Tallon, note préc., spéc. p. 57). Si ces principes, sorte de Restatement européen n'ont aucune valeur contraignante, ils révèlent néanmoins que cette solution est largement adoptée par les différends ordres juridiques en Europe.

     [151] T. 2, n° 560.

     [152] Les limites à la séparabilité de la clause compromissoire, préc., spéc. nos 8 et s.

     [153] H. Solus et R. Perrot, ibid.

     [154] P. Mayer, article préc., spéc. n° 9.

     [155] En ce sens H. Solus et R. Perrot, ibid. Rapp. Cass. req., 18 octobre 1933, S. 1933, 1, p. 375 qui a jugé que le demandeur n'était pas fondé à solliciter l'application d'une clause de compétence insérée dans un contrat déclaré nul pour dol. Solution contestable puisque la nullité était en l'occurrence invoquée par voie de demande. Cf la position plus nuancée de P. Mayer, qui, envisageant la conclusion du contrat due à une manœuvre frauduleuse et qui réalise une escroquerie au détriment d'une partie, indique que “ pour déterminer si la clause compromissoire a été valablement acceptée, il faudrait tenter de deviner ce qu'aurait fait la victime de l'escroquerie si elle avait envisagé la possibilité d'être ainsi trompée, et si elle s'était interrogée sur la juridiction appropriée pour connaître de cette éventualité ” (article préc., spéc. n° 10).

     [156] P. Mayer, ibid.

     [157] En ce sens H. Solus et R. Perrot, ibid. et P. Mayer, ibid.

     [158] P. Mayer, ibid. Contra CA Versailles, 10 février 1994, Juris-Data n° 041158, cité par D. Lebeau in J.-Cl. Procédure civile, Fasc. 402, n° 18, qui a jugé que la nullité du contrat frappait également la clause de compétence parce que la cause de la nullité était d'ordre public.

     [159] Sur cette question, cf. infra, nos 273 et s.

     [160] E. BARTIN, Études sur les effets internationaux des jugements, L.G.D.J., 1907, p. 73.

     [161] Sirey, 1960, v° Prorogation de juridiction, de compétence. Adde G. KAUFMANN-KOHLER, thèse préc., p. 7, N. Coipel-Cordonnier, thèse préc., n° 11 ; J. JODLOWSKI, cours préc., pp. 483 et s. et pour le droit interne, cf. H. SOLUS et R. PERROT, t. 2, n° 557.

     [162] Thèse préc., n° 6.

     [163] ibid., n° 11.

     [164] J. JODLOWSKI, cours préc., p. 483.

     [165] T. 2, n° 560 (c'est nous qui soulignons).

     [166] Cf. H. Batiffol et P. Lagarde, Droit international privé, t. 2, 7e éd., L.G.D.J., 1983, n° 675 ; Y. Loussouarn et P. Bourel, n° 454 ; P. Mayer, nos 300 et s. ; B. Audit, nos 383 et s. ; D. Holleaux, J. Foyer et G. de Geouffre  de La Pradelle, nos 794 et s.

     [167] G. HOLLEAUX, propos tenus lors du débat suivant la communication de P. LAGARDE au Comité français de droit international privé (La Convention de La Haye du 25 novembre 1965 sur les accords d'élection de for, Trav. com. fr. DIP 1964-1966, p. 151.), p. 171.

     [168] N. FRAGISTAS, cours préc., p. 234 ; J. JODLOWSKI, cours préc., p. 492.

     [169] T. 2, n° 557.

     [170] Cf. not. E. KRINGS, article préc., spéc. p. 83 ; J. JODLOWSKI, cours préc., spéc. p. 492 ; N. FRAGISTAS, cours préc., p. 234 ; G. Pochon, thèse préc., p. 2. et N. Coipel-Cordonnier, thèse préc., n° 11, note 22.

     [171]  Note sous Cass. civ., 29 avril 1938, préc., spéc. p. 95.

     [172] Cf. Ph. Fouchard, E. Gaillard et B. Goldman (†), Traité de l'arbitrage international, Litec, 1996, nos 1101  et s.

     [173] Cf. supra, n° 10.

     [174] L. Cadiet, n° 445.

     [175] Ph. THÉRY, thèse préc., n° 461.

     [176] Rapp. J. JODLOWSKI, cours préc., p. 494, qui considère que “ l'autonomie de la volonté ne constitue pas, en effet, un fondement indépendant et décisif de la juridiction car ce n'est que la volonté de l'État exprimée dans la loi ou dans la convention internationale qui constitue un tel fondement […] elle doit donc être considérée plutôt comme un point de rattachement qui peut justifier la compétence internationale des tribunaux d'un État dans les limites dans lesquelles cet État décide de respecter la prorogation volontaire de juridiction en faveur de ses propres tribunaux ou des tribunaux étrangers ”. Adde N.-A. DIAB, Le tribunal internationalement compétent en droit libanais et français, Bibl. dr. priv., t. 226, L.G.D.J., préf. J. Foyer, 1993, spéc. nos 294 et 295, qui estime que la volonté des parties serait peut être devenue un chef de compétence autonome depuis que la jurisprudence a admis la validité de la clause qui désigne un tribunal qui n'a aucun lien avec l'espèce. Sur la possibilité de désigner un for neutre, cf. infra, nos 524 et s.

     [177] Cf. not. P. MAYER, La distinction entre règles et décisions et le droit international privé, Bibl. dr. int. priv., vol. 17, Dalloz, préf. H. Batiffol, 1973, nos 60 et s. et G. DE GEOUFFRE DE LA PRADELLE, Éssai d'introduction au droit français, I, Les normes, Érasme, 1990, nos 107 et s.

     [178] Cf. infra, nos 81 et s.

     [179] Rapp. N. Coipel-Cordonnier, thèse préc., n° 39, pour qui “ reconnaître le principe même d'une convention d'élection de for c'est effectivement en reconnaître les effets, c'est-à-dire admettre qu'elle puisse, selon l'hypothèse, proroger ou déroger à la compétence du for saisi ”.

     [180] P. THÉRY, thèse préc., n° 12.

     [181] En ce sens, H. GAUDEMET-TALLON, thèse préc., n° 57.

     [182] Ibid.

     [183] E. BARTIN, op. cit., p. 74.

     [184] Thèse préc., n° 57.

     [185] Thèse préc., n° 199, note 1.

        [186] V° Licite in G. Cornu, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, P.U.F., 3e éd. 1992.

     [187] Ibid.

        [188] Il n'est pas inintéressant de faire l'historique des clauses attributives de juridiction en droit interne. D'après M. POCHON, il semble qu'elles soient devenues une pratique courante au cours du XIXe siècle, et encore de manière détournée (thèse préc., pp. 5 et s.).

     Dans l'ancien droit, le principal obstacle aux conventions sur la compétence provenait de la “ vénalité des  offices ” qui faisait des émoluments de la justice une propriété des juges. Les “ épices des juges ”, c'est-à-dire les redevances que les plaideurs versaient aux juges pendant le procès, rendaient les magistrats personnellement intéressés par les affaires dont ils devaient connaître. Afin de défendre leurs prérogatives, les juges se donnaient le droit de “ revendiquer ” leurs justiciables (le fait qu'étant payés pour chaque affaire, les juges ne souhaitaient pas qu'elle leur échappe semble également expliquer, d'un point de vue historique, l'hostilité des juges américains à l'égard des clauses attributives de juridiction, cf. REESE, The Contractual Forum : Situation in the United States, 13 American Journal of Comparative Law, 1964, p. 187 et s., cité par H. GAUDEMET-TALLON et D. TALLON, note sous Cour suprême des États-Unis, 12 juin 1972, Rev. crit. DIP 1973, p. 530, spéc. pp. 540 et 541). Dans ces conditions, les clauses attributives de juridiction ne pouvaient pas être envisagées, même indirectement. Ainsi l'élection de domicile, qui était permise, ne pouvait pas avoir pour effet de permettre la saisine du juge du domicile élu. À l'exception de la coutume de Bretagne (G. POCHON, thèse préc., pp. 6 et 7), la possibilité pour les parties de choisir leur juge ne semblait pas admise en droit commun.

     La situation allait cependant évoluer en matière commerciale. L'Édit de Charles IX de 1563 instituant la juridiction consulaire de Paris posait le principe de la gratuité des fonctions de juge et de consul, faisant ainsi disparaître le principal obstacle aux conventions sur la compétence. Cet Édit ne comportant aucune règle de compétence territoriale, les juges ordinaires s'employèrent à préserver leurs privilèges en mettant tout en œuvre pour contrarier la saisine de la juridiction consulaire. Afin de pallier ce conflit de compétences, une déclaration royale du 28 avril 1565 posa le principe de la compétence de la juridiction consulaire parisienne lorsque le paiement avait lieu à Paris. Les marchands furent alors très certainement tentés de localiser conventionnellement leurs marchés à Paris afin de bénéficier de la justice consulaire plus rapide et surtout moins onéreuse (G. POCHON, thèse préc., p. 8). Peu à peu, les juridictions consulaires allaient se généraliser en province. La grande Ordonnance du commerce de 1673 précisa que le créancier pouvait assigner son débiteur à son domicile, au lieu où la promesse avait été faite et la marchandise fournie ou au lieu du paiement. Il est probable qu'à partir de ce moment-là, la pratique des clauses d'élection de domicile et des clauses de fixation du lieu de paiement se soit développée.

     Au XIXe siècle, les textes des nouveaux Codes ont entériné cette pratique. Les articles 111 du Code civil et 59 de l'ancien Code de procédure civile ont prévu que l'élection de domicile permettait, entre autre conséquence, de saisir le juge du domicile élu. L'article 420 de l'ancien Code de procédure civile relatif à la compétence des tribunaux de commerce reprendra en substance l'option de compétence de l'ordonnance de commerce, permettant à la pratique des clauses fixant le lieu du paiement de se poursuivre. On constate cependant que les Codes napoléoniens restèrent muets sur les clauses attributives de juridiction stricto sensu. Seul l'article 7 de l'ancien Code de procédure civile régissait les conventions tacites sur la compétence en permettant aux parties de se présenter devant le juge de paix “ encore qu'il ne fut le juge naturel des parties, ni à raison du domicile du demandeur, ni à raison de la situation de l'objet litigieux ”. À défaut de texte, la jurisprudence a été amenée à reconnaître l'admissibilité de principe des clauses attributives de juridiction. Les arrêts les concernant se sont multipliés à la fin du XIXe siècle, révélant ainsi qu'elles étaient devenues fréquentes. Si la jurisprudence manifesta au début une certaine défiance à leur égard (Cass. req., 26 juin 1855, DP 1856, I, p. 9), elle évolua vers la reconnaissance de leur licéité de principe dans les matières où les règles de compétence sont d'intérêt privé (CA Caen, 24 janvier 1849, DP 1851, 1, p. 115 ; S. 1852, 2, p. 225 ; Cass. req., 19 décembre 1864, DP 1868, 1, p. 425 ; S. 1865, 1, note LABBÉ ; CA Alger, 7 décembre 1889, DP 1890, 2, p. 188 ; Cass. civ., 13 mai 1912, S. 1912, 1, p. 321). Il faudra cependant attendre le nouveau Code de procédure civile (1975) pour qu'un texte leur soit spécifiquement consacré (article 48).

     [189] Cf. not. Cass. req., 15 novembre 1827, S. 1828, 1, p. 124.

     [190] Cf. not. Cass. civ., 21 novembre 1860, DP 1861, 1, p. 166 et CA Paris, 11 janvier 1865, DP 1865, 2, p. 188.

     [191] Cass. civ., 24 août 1869, DP 1869, 1, p. 500.

     [192] Cf. not. Cass. req., 19 décembre 1864, op. cit., Cass. civ., 18 août 1879, DP 1880, 1, p. 85 ; 29 février 1888, DP 1888, 1, p. 483 ; Gaz. Pal. 1888, 1, p. 470 ; 13 mars 1889, Gaz. Pal. 1889, 1, p. 581 ; Cass. req., 1er juillet 1896, S. 1900, 1, p. 355 ; 12 avril 1897, S. 1900, 1, p. 356 ; 28 mars 1922, S. 1924, 1, p.75 ; 19 juin 1928, JDI 1929, p. 336. Adde Cass. civ., 19 février 1930 et 27 janvier 1931, S. 1933, 1, p. 41, note J.-P. NIBOYET. Rendus à une époque où les clauses compromissoires étaient frappées de nullité absolue dans les relations internes, ces arrêts ont validé de telles stipulations en matière internationale dès lors qu'elles sont soumises à une loi étrangère validante. Mais à côté de clauses compromissoires, les contrats litigieux comportaient en l'espèce une clause d'élection de for. Si l'argumentation de la Chambre civile se rapporte essentiellement aux clauses compromissoires, la licéité des clauses d'élection de for n’a pas pour autant été ignorée. Se référant aux intérêts du commerce international, la Cour de cassation a censuré les juges du fond qui avaient refusé tout effet tant aux clauses compromissoires qu'aux clauses d'élection de for. La licéité de principe de ces deux types de convention se trouvait ainsi réaffirmée, du moins en matière de commerce international.

     [193] Cf. H. BATIFFOL et P. LAGARDE, t. 2, n° 671 ; P. MAYER, n° 282 ; Y. LOUSSOUARN et P. BOUREL,  n° 444 ; B. AUDIT, n° 327 ; D. HOLLEAUX, J. FOYER, G. DE GEOUFFRE DE LA PRADELLE, n° 713.

     [194] Cass. req., 14 avril 1818, S. 1819, 1, p. 193. Adde E. BARTIN, Études sur les effets internationaux des jugements, L.G.D.J., 1907, p. 47 et les réf. cit.

     [195] Après le célèbre arrêt Patiño de la Cour de cassation du 21 juin 1948, qui abandonna le principe d'incompétence dans les litiges entre étrangers, la Cour d'appel de Paris a affirmé expressément l'obligation faite au juge de statuer lorsque la convention d'élection de for conclue par des étrangers est valable (CA Paris, 26 avril 1952, Rev. crit. DIP 1952, note Ph. FRANCESCAKIS). Sur l'évolution du caractère obligatoire de la convention désignant une juridiction française dans les litiges entre étrangers, cf. H. GAUDEMET-TALLON, thèse préc, nos 372 et s.

     [196] L'idée d'utiliser le déni de justice comme chef de compétence fut d'ailleurs historiquement créée par la jurisprudence afin de pallier le principe d'incompétence des tribunaux français dans les litiges entre étrangers.

     [197] Cf. B. ANCEL et Y. LEQUETTE, n° 69-3 et les réf. cit.

     [198]  E. BARTIN, op. cit., p. 54.

     [199] Ibid., p. 56.

     [200] Ibid.

     [201] Ibid., pp. 56 et 57.

     [202] Sur ce courant doctrinal, cf. H. GAUDEMET-TALLON, thèse préc., nos 207 et s.

     [203]  P. MAYER, n° 68.

     [204] F. RIGAUX, L'harmonisation des règles de conflit de lois et de juridictions dans les divers groupes régionaux d'États, Rapport pour le VIe congrès international de droit comparé, Hambourg, 1962, Recueil des rapports belges, p. 169, cité par H. GAUDEMET-TALLON, thèse préc., n° 211.

     [205]  Cf. H. GAUDEMET-TALLON, thèse préc., nos 213 et s. ; A. SINAY-CYTERMANN, L'ordre public en matière de compétence judiciaire internationale, thèse Strasbourg III, 1980, n° 11 ; Ph. THÈRY, thèse préc., nos 427 et s.  et J. JODLOWSKI, cours préc, spéc. p. 494. Contra H. SOLUS et R. PERROT, t. 2, nos 386, 387 et 675.

     [206] A. SINAY-CYTERMANN, ibid.

     [207] H. GAUDEMET-TALLON, thèse préc., n° 218.

     [208]  D. HOLLEAUX, thèse préc., n° 401.

     [209] A. SINAY-CYTERMANN, thèse préc., n° 11. Comp. B. ANCEL et Y. LEQUETTE, n° 67-4, qui distinguent l'expression “ formelle ” de la souveraineté, par laquelle l'État est maître de fixer la compétence de ses tribunaux, de son expression “ matérielle ”, par laquelle l'État exprime un pouvoir. Cette dernière conception est aujourd'hui écartée des conflits de juridictions.

     [210] Ph. THÈRY, thèse préc., n° 428.

     [211] Ibid., n° 443.

     [212] Ibid., n° 444.

     [213] Ibid., n° 445.

     [214] Cf. not les analyses de BARTIN, op. cit.

     [215] Ph. THÈRY, thèse préc., nos 446 et s. Rapp. P. MAYER (Droit international privé et droit international public sous l'angle de la notion de compétence, Rev. crit. DIP 1979, pp. 1, 349 et 537) pour qui “ la compétence internationale directe n'est pas la compétence que l'État se reconnaît à lui même pour édicter des jugements ” (ibid.). Selon M. MAYER, la compétence est une qualité reconnue à une personne, à une autorité ou à un organe. La compétence définit ce que peut faire cet organe ou cette autorité. Elle suppose enfin une pluralité d'organes ou d'autorités, la compétence ayant une fonction répartitrice. Partant de là, la détermination des cas dans lesquels les juridictions d'un État sont habilitées à prononcer un jugement est définie par une règle de compétence internationale, au sens du droit international public, qui pourrait s'énoncer ainsi : “ chaque État est seul compétent pour imposer à ses propres organes [en ce qui concerne notre propos, le groupe d'organes qui constitue l'ordre juridictionnel] les modalités de leur activité ” (ibid., n° 9). En revanche, les règles de compétence, au sens du droit international privé, ne vont pas déterminer à qui est confié le pouvoir de juger mais uniquement décider si l'ordre juridictionnel étatique est habilité à statuer. En ce sens, “ les règles de “compétence” internationale directe constituent seulement l'indication [que l'État] donne par avance, à l'attention de ses tribunaux d'une part, des justiciables d'autre part, des cas dans lequel il acceptera de juger ” (ibid., n° 11). Ces règles de compétence ne sont pas, pour M. MAYER, de véritable règles de compétence car leur dimension répartitrice est inexistante. Les règles de compétence internationale directe sont unilatérales et ne peuvent répartir un litige donné entre plusieurs ordres juridictionnels (ibid.).

     Pouvoir juridictionnel et compétence doivent donc être nettement dissociés. Pour autant, cela ne signifie pas qu'il n'y ait pas d'interférence entre la souveraineté et la compétence internationale (cf. Ph. THÉRY, thèse préc., nos 449 et s.). Tout d'abord parce que c'est la souveraineté qui va déterminer le domaine d'application de la règle de compétence qui ne s'adresse qu'aux tribunaux du for (caractère unilatéral). Ensuite, parce que la règle de compétence est exclusive : le juge français ne pourra déduire sa compétence ou son incompétence d'une règle étrangère. Mais cette influence de la souveraineté reste limitée. Elle ne signifie pas qu'elle se confond avec la compétence qui ne vient qu'assurer la mise en œuvre du droit de juger de l'État, attribut de sa souveraineté.

     [216] Ph. THÈRY, thèse préc., n° 448. Contra É. Pataut, Principe de souveraineté et conflits de juridictions (Études de droit international privé), Bibl. dr. priv., t. 298, L.G.D.J., 1999, préf. P. Lagarde, qui estime que le principe de souveraineté, entendu comme l'intérêt de l' État, pourrait fonder une compétence juridictionnelle directe. Ce point de vue, cependant, ne signifie que la question de la compétence internationale directe relève dans son ensemble du domaine de la souveraineté et, partant, qu'il s'ensuivrait une impossibilité pour les parties de choisir leur juge.

     [217] Sur cette objection soulevée contre les conventions d'élection de for, cf. H. GAUDEMET-TALLON, thèse préc., nos 200 et s.

     [218] Ibid., n° 206.

     [219] Ou plutôt de forum shopping dans la mesure où la fraude à la loi implique un changement frauduleux du critère de rattachement, ce qui n'est pas le cas en l'occurrence.

     [220] Ibid. nos 356 et s. et spéc. n° 362. Le tribunal “ normalement ” compétent est déterminé par les règles de compétence judiciaire internationale du tribunal désigné (ibid. Rapp. supra, nos 83 et s.).

     [221] En ce sens, Ph. THÈRY, thèse préc., nos 477 et s.

     [222]  Note sous CA Paris, 19 mars 1965, Rev. crit. DIP 1967, p. 85 et spéc. p. 106.

     [223] B. ANCEL, art. préc., p. 265.

     [224] Ibid.

     [225] Cf. H. GAUDEMET-TALLON, thèse préc., nos 225 et s.

     [226] H. GAUDEMET-TALLON, et D. TALLON, op. cit., p. 546.

     [227] A. SINAY-CYTERMANN, thèse préc., n° 48.

     [228] B. ANCEL et Y. LEQUETTE, n° 69-2. Si l'arbitrage s'est développé en matière de contrat international, d'aucuns relèvent un rapprochement entre la justice arbitrale et la justice étatique, du notamment à l'institutionnalisation des organismes d'arbitrage. Cf. B. OPPETIT, Justice étatique et justice arbitrale, Éudes offertes à Pierre Bellet, Litec, 1991, p. 415.

     [229] J. JODLOWSKI, cours préc., p. 504.

     [230] Selon le titre même des Mélanges offerts au Doyen Loussouarn (Dalloz, 1994).

     [231] Y. DEZALAY, Des Justices du marché au marché international de la justice, Justices 1995, n° 1, p. 121.

     [232] Cf. G. de Geouffre de La Pradelle, La fonction des juridictions de l'ordre international, JDI 1998, p. 389, spéc. p. 399.

     [233] Y. DEZALAY, article préc. Que le numéro inaugural de la revue Justices (1995) ait été consacré aux rapports de la Justice et de l'économie, question jugée “ d'une singulière actualité ” par MM. CADIET et GUINCHARD, Directeurs de cette publication, est à cet égard très significatif.

     [234] Rev. crit. DIP 1977, p. 36. Sur le droit comparé, cf. J. JODLOWSKI, cours préc., pp. 518 et s. ; A. SINAY-CYTERMANN, thèse préc., nos 52 et s. ; G. KAUFMANN-KOHLER, thèse préc., passim.

     [235] Cour suprême des États-Unis, 12 juin 1972, 407 U.S. 1 (1972), Rev. crit. DIP 1973, p. 530, note H. GAUDEMET-TALLON, et D. TALLON. Adde J. JODLOWSKI, ibid., pp. 533 et s. ; A. SINAY-CYTERMANN, ibid. Pour une analyse plus récente des clauses d'élection de for en droit américain, cf. W. W. PARK, International Forum Selection, Kluwer Law International, 1995, pp. 17      et s.

     [236] Rev. crit. DIP 1973, p. 532.

     [237] Ibid.

     [238]  Ibid., p. 534.

     [239] Ibid., p. 533.

     [240] Ibid., p. 534.

     [241] Ibid.

     [242] Ibid., p. 536.

     [243] Dans son étude récente, le Professeur PARK montre que la notion d' “ unreasonable agreements ” est diversement appréciée par la jurisprudence américaine. L'analyse des principales décisions révèle, selon cet auteur, trois causes essentielles d'inefficacité des clauses d'élection de for (op. cit., pp. 26 et s.) : (i) lorsque la clause ne respecte pas les conditions ordinaires de validité des contrats telles la fraude, l'insuffisance de renseignement où une puissance de négociation (bargaining power) inégale, (ii) lorsque le tribunal désigné s'avère lointain, incommode ou préjudiciable et (iii) lorsque la loi limite le recours aux clauses de compétence pour des raisons d'intérêt public. En laissant au juge la possibilité de mesurer le degré d'incommodité du choix de la juridiction étrangère, il subsiste une certaine marge d'appréciation. En ce sens, la doctrine du forum non conveniens n'a pas été définitivement écartée par l'arrêt Zapata. C'est plutôt l'abus de cette doctrine qui a été sanctionné dans l'arrêt de la Cour suprême dont les juges ont estimé que la décision attaquée n'avait pas suffisamment donné de poids à la clause d'élection de for (en ce sens, W. W. PARK, op. cit., p. 22). La doctrine du forum non conveniens permet toujours au juge d'apprécier “ the convenience of the chosen  forum ” (ibid., p. 27 et s.). Le contentieux relatif aux clauses désignant un ordre juridictionnel étranger ne risque pas de décroître.

     [244]  Cf. not. Cass. 1re civ. 19 octobre 1959, D. 1960, p. 37, note G. HOLLEAUX ; Rev. crit. DIP 1960, p. 215, note  Y. L. et 30 octobre 1962, Rev. crit. DIP 1963, p. 387, note Ph. FRANCESCAKIS ; D. 1963, p. 109, note G. HOLLEAUX ; Grands arrêts jurispr. fr. DIP, n° 37.

     [245] E. BARTIN, Principes de droit international privé selon la loi et la jurisprudence, Paris, t. 1, 1930, § 123 et s. Ceci ne concerne que la compétence générale. Une fois admise la compétence internationale des juridictions françaises, la détermination du tribunal français spécialement compétent s'opère, d'après BARTIN, d'après les règles de compétence territoriale.

     [246] Cf. supra, n° 57.

     [247] A. SINAY-CYTERMANN, thèse préc., n° 19.

     [248] H. SOLUS et R.PERROT, t. 2 nos 386 et s. et 675.

     [249] Cf. not. G. HOLLEAUX, note préc. ; H. BATIFFOL et P. LAGARDE, t. 2, n° 669 ; H. BAUER, thèse préc., n° 41.

     [250] Ibid.

     [251] Cf. not. Ph. FRANCESCAKIS, Rev. crit. DIP 1963, p. 394 et P. HÉBRAUD, Rev. crit. DIP 1963, p. 806.

     [252] Cass. 1re civ., 30 octobre 1962, préc.

     [253] A. HUET, Le nouveau Code de procédure civile du 5 décembre 1975 et la compétence internationale des tribunaux français, JDI 1976, p. 342.

     [254] Ibid., p. 353.

     [255] Ibid., p. 359.

     [256] Ibid. Rapp. R. PERROT dans ses observations suites à la communication de G. COUCHEZ, Trav. comité fr. DIP 1977-1979, p. 146. Contra l'opinion isolée de E. MEZGER, ibid., p. 148, qui soutient que les règles de compétence internationale sont toutes impératives.

     [257] Ibid., pp. 360 et 361.

     [258] Cf. not. H. GAUDEMET-TALLON,, La compétence internationale à l'épreuve du nouveau Code de procédure   civile : aménagement ou bouleversement ?, Rev. crit. DIP 1977, p. 1 et G. COUCHEZ, Les nouveaux textes de la procédure civile et la compétence internationale, Trav. comité fr. DIP 1977-1979, p. 113. Adde A. SINAY-CYTERMANN, thèse préc., nos 25 et s. et Ph. THÉRY, thèse préc., nos 514 et s.

     [259] H. GAUDEMET-TALLON, article préc., p. 16.

     [260] H. GAUDEMET-TALLON, ibid. et G. COUCHEZ, comm. préc., pp. 121 et s.

     [261] Cf. not. Cass. 1er civ., 13 janvier 1981, Rev. crit. DIP 1981, p. 331, note H. GAUDEMET-TALLON, ; JDI 1981, p. 360, note A. HUET et 1er avril 1981, JDI 1981, p. 813, note D. ALEXANDRE ; D. 1982, IR p. 69, obs. B. AUDIT.

     [262] G. COUCHEZ, comm. préc., p.123.

     [263] H. BATIFFOL et P. LAGARDE, t. 2, n° 669.

     [264] Cf. A. SINAY-CYTERMANN, thèse préc., n° 27.

     [265] Cf. A. SINAY-CYTERMANN, thèse préc., nos 28 et s. et Ph. THÉRY, thèse préc., n° 499.

     [266] H. SOLUS et R. PERROT, t. 2, n° 675.

     [267] P. MAYER, n° 277, note n° 1.

     [268] Ph. THÉRY, thèse préc., nos 509 et s.

     [269] Cf. supra, n° 70 et pour les auteurs contemporains H. GAUDEMET-TALLON, article préc., p. 44 ; G. COUCHEZ, comm. préc., pp. 120 et s. et 143 ; Ph. THÉRY, thèse préc., nos 519 et s. ; H. BATIFFOL et P. LAGARDE, t. 2, n° 673 ; P. MAYER, n° 280 ; Y. LOUSSOUARN et P. BOUREL, n° 441 ; D. HOLLEAUX, J. FOYER et G. DE GEOUFFRE DE LA PRADELLE, n° 711.

     [270] Cf. supra, n° 55, note n° 1.

     [271] Cf. not. E. MEZGER, observations suites à la communication de G. COUCHEZ, Trav. comité fr. DIP 1977-1979, p. 148. Adde P.-Y. NICOLAS, Dr. marit. fr. 1986, p. 221.

     [272] A. HUET, op. cit., pp. 357 et 358. En ce sens, A. SINAY-CYTERMANN, thèse préc., n° 34.

     [273] Cf. infra, n° 194.

     [274] Rapp. H. GAUDEMET-TALLON, article préc., p. 39, note 102.

     [275]  Cf. not. H. GAUDEMET-TALLON, article préc., pp. 30 et s. et G. COUCHEZ, comm. préc., pp. 128 et s.

     [276] H. GAUDEMET-TALLON, article préc., p. 33.

     [277] G. COUCHEZ, comm. préc., p. 129. Un tel argument peut se retourner contre les tenants du refus de l'extension de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile. Comme l'écrit M. THÉRY, (thèse préc., n° 605) “ s'il n'existe pas de “ faibles ” dans les contrats internationaux, où est l'inconvénient de l'article 48 qui ne protège que ceux -là ? Tant il est vrai que le texte n'est pas dirigé contre les clauses attributives de compétence mais traduit la méfiance envers leur insertion automatique dans certains contrats ”.

     [278] G. COUCHEZ, ibid. et H. GAUDEMET-TALLON, ibid.

     [279] H. GAUDEMET-TALLON,ibid.

     [280] Cf. not. H. GAUDEMET-TALLON, ibid. et G. COUCHEZ, ibid.

     [281] Cf. infra, nos 280 et s.

     [282] Sur cette notion, cf. infra, nos 93 et s.

     [283] G. A. L. DROZ, Rec. gén. lois 1976, p. 625.

     [284] H. GAUDEMET-TALLON, article préc., p. 38.

     [285] S. GRUBER-MAGITOT, L'action du consommateur contre le fabriquant d'un objet affecté d'un vice caché, Mémoire de droit comparé, P.U.F., 1978, cité par Ph. THÉRY, op. cit.

     [286] A. SINAY-CYTERMANN, thèse préc., n° 120 et Ph. THÉRY, thèse préc., n° 605. Rapp. H. BATIFFOL et P. LAGARDE, t. 2, n° 673-1, qui écrivent  que “ cette extension (de l'article 48 du NCPC) ne paraît pas souhaitable, au moins dans les contrats entre professionnels (qu'ils soient ou non commerçants au sens du droit français), où la protection des consommateurs n'est pas en cause ” (c'est nous qui soulignons).

     [287] Cass. 1er civ., 17 décembre 1985, Rev. crit. DIP 1986, p. 537, note H. GAUDEMET-TALLON,, D. 1986, IR p. 265, obs. B. AUDIT ; Grands arrêts jurispr. fr. DIP n° 69.

     [288] Cf. supra, n° 78.         

     [289] Sur ce point, cf. infra, nos 505 et s.

     [290] Sur ce point, cf. infra, nos 520 et s.

     [291] Cf. infra, n° 280.

     [292] Cf. not. P. MAYER, n° 304 ; Y. LOUSSOUARN et P. BOUREL, n° 454 ; B. ANCEL et Y. LEQUETTE, n° 69-7 ; H. GAUDEMET-TALLON, note sous Cass. 1er civ., 17 décembre 1985, préc., spéc. p. 543 et C. BLANCHIN, mémoire préc., p. 43.

     [293] Cf. not. B. AUDIT, n° 386, qui précise judicieusement que le caractère international du litige “ est le présupposé de la règle matérielle de licéité ”.

     [294] Note préc., spéc. p. 543.

     [295] Ouv. préc., nos 113 et s.

     [296] H. GAUDEMET-TALLON, thèse préc., nos 303 et s. et les exemples cités.

     [297] Ibid., n° 307.

     [298] Ibid., nos 308 et s.

     [299] Ph. THÉRY, thèse préc., nos 461 et s.

     [300] Comp. G. KAUFMANN-KOHLER, thèse préc., p. 128, qui relève avec pertinence que “ l'analogie néglige des nuances importantes [car] compétence internationale et compétence territoriale ne sont pas de structure absolument identique, bien que l'une soit en général considérée comme la transposition de l'autre ”.

     [301] Note sous CA Colmar, 9 novembre 1949, Rev. crit. DIP 1950, p. 65. Comp. B. GOLDMAN, Un traité fédérateur : la Convention entre les États membres de la C.E.E. sur la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, préc., qui écrit que “ le classement du litige dans l'ordre international […] conditionne l'application des règles de compétence ”.

     [302] En ce sens, G. KAUFMANN-KOHLER, thèse préc., p. 116 ; J. JODLOWSKI, cours préc., pp. 554 à 555 et B. ANCEL et Y. LEQUETTE, n° 68-6.

     [303] Cass. civ., 19 février 1930 et 27 janvier 1931, préc.

     [304] Cf. not. P. JENARD, rapport préc., p. 38 ; P. SCHLOSSER, rapport préc., n° 174 ; G. A. L. DROZ, thèse préc., nos 186 et s. ; P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, ouvrage préc., n° 167 ; H. GAUDEMET-TALLON, ouvrage préc., nos 113 et s. ; J.- P. BERAUDO, J.-Cl. Europe, Fasc. 3010, n° 38 ; D. ALEXANDRE, Encyclopédie Dalloz Droit communautaire, v° Convention de Bruxelles (Compétence), nos 243 et s. Adde B. AUDIT, n° 547 et D. HOLLEAUX, J. FOYER et G. DE GEOUFFRE DE LA PRADELLE, n° 834.

     [305] P. JENARD, rapport préc., pp. 37-38. Contra M. WESER, ouvrage préc., n° 215.

     [306] Actes et Documents de la Xe session de la Conférence de La Haye de droit international privé, t. IV, For contractuel, p. 18.

     [307] Au départ, la Convention qui était négociée devait poser des règles de compétence directe et indirecte. Certains négociateurs ont alors craint qu'un jugement rendu par une juridiction dont la compétente aurait résulté d'un accord d'élection de for purement interne ne soit pas reconnu par les autres États contractants. Les adversaires de cette solution firent prévaloir que la réglementation de la question de la reconnaissance et de l'exécution internationales d'un jugement prononcé en invoquant un accord d'élection de for purement interne devait relever non pas de la présente convention mais d'une convention générale sur l'exécution.

     [308] Actes et Documents de la Xe session de la Conférence de La Haye de droit international privé, t. IV, For contractuel, pp. 85 à 86 et 92 à 97.

     [309] Ibid., p. 195.

     [310] Ibid., pp. 209 à 210. On relèvera que le texte anglais de la Convention autorise une interprétation différente. Il est dit : “ this Convention shall apply to agreements on the choise of court concluded in civil or commercial matters in situation having an international character ” (ibid., p. 195). Une “ situation ayant un caractère international ” consacre l'internationalité du litige et non de la clause (comp. P. BELLET, intervention aux Trav. comité fr. DIP 1964-1966, p.174). Les versions anglaises et françaises faisant foi (P. LAGARDE, ibid.), l'on ne saura laquelle de ces deux interprétations aurait été consacrées par la jurisprudence puisque cette Convention n'est pas entrée en vigueur.

     [311] Contra J. JODLOWSKI, cours préc., p. 553, pour qui les rapports internationaux concernent sans aucun doute possible le caractère international du litige à propos duquel un tel contrat a été conclu et non l'accord d'élection de for.

     [312] G. A. .L. DROZ, thèse préc., nos 207 et s. Rapp. J. JODLOWSKI, cours préc., p. 554, qui, à supposer acceptée la justesse du propos de M. DROZ, limite la possibilité de choisir un tribunal étranger pour un litige interne au cadre européen en raison du caractère spécial de la Convention de Bruxelles qui a pour but, comme nombre d'actes conclus par les pays de la C.E.E., l'intégration juridique des États membres. La fonction de la Convention de Bruxelles étant de déterminer la compétence judiciaire dans l'ordre international, il n'est pas certain que tel ait été l'objectif de ses auteurs.

     [313] J.- P. BÉRAUDO, op. cit., n° 39.

     [314] Cf. P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, ouvrage préc., n° 167 et D. ALEXANDRE, op. cit., n° 244. Adde J. JODLOWSKI, cours préc., p. 554.

[315] Cf. supra, nos 33 et s.

[316] Cf. la célèbre affaire Impex où la Cour de cassation, pour reconnaître la caractère international de la convention d'arbitrage, a pris soin de relever qu'elle était relative à un contrat international (Cass. 1re civ., 11 mai 1971, JDI 1972, p. 62 note                      B. OPPETIT ; Rev. crit. DIP 1971, p. 124, note E. MEZGER ; D. 1972, p. 37, note D. ALEXANDRE).

[317] Cass. com., 19 janvier 1976, Rev. crit. DIP 1976, p. 503, note H. BATIFFOL ; JDI 1977, p. 651, note A. LYON-CAEN.

     [318] En ce sens, P. LAGARDE, Journées de la société de législation comparé, in RID comp. 1985 (n° spéc.), vol. 7, p. 327 et spéc. p.332 ; H. GAUDEMET-TALLON, J.-Cl. Europe, Fasc. 3200, n° 40 ; M.- L. NIBOYET-HOEGY, J.-Cl. Droit international, Fasc. 552-30, n° 29.

     [319] Que faut-il entendre par “ dispositions impératives ” ? Certains soutiennent qu'il s'agit des règles présentant ce caractère en droit interne (M.- L. NIBOYET-HOEGY, ibid. et J.-M. JACQUET, Le contrat international, coll. Connaissance du droit, Dalloz, 2e éd., 1999, p. 9). D'autres considèrent qu'il s'agit des dispositions impératives au sens visé par la Convention de Rome, c'est-à-dire essentiellement les lois de police (H. GAUDEMET-TALLON, ibid.). Cette dernière interprétation nous semble plus conforme au texte de l'article 3§3 de la Convention de Rome qui parle de dérogation aux règles “ ci-après dénommées "dispositions impératives" ” (c'est nous qui soulignons).

     [320] Cf. not. CA Paris, 11 avril 1971, JDI 1974, p. 620.

     [321] H. BATIFFOL, Encyclopédie Dalloz Droit international, v° Contrats et Conventions, n° 9. Parmi les exemples rencontrés en jurisprudence, on relèvera notamment la nationalité différente des cocontractants retenue dans la célèbre affaire Américan Trading C° (Cass. civ., 5 décembre 1910, Grands arrêts jurispr. DIP n° 11), leur résidence dans des pays différents (Cass. com., 19 janvier 1976, préc.) ou le lieu d'exécution du contrat à l'étranger (Cass. 1re civ., 9 janvier 1968, JDI 1968, p. 717, note M. SIMON-DEPITRE ; JCP 1968, II, n° 15451, note G. LYON-CAEN ; Cass. soc., 8 juillet 1985, Rev. crit. DIP 1986, p. 113, note H. GAUDEMET-TALLON ; Cass. soc., 6 novembre 1985, Rev. crit. DIP 1986, p. 501, note P. LAGARDE. Contra Cass. 1re civ., 7 octobre 1980, JCP 1980, II, n° 19480, concl. GULPHE ; Rev. crit. DIP 1981, p. 313, note J. MESTRE, dont la solution n'est sans doute pas étrangère à des considérations d'espèce).

     [322] Cass. civ., 17 mai 1927, D.P. 1928, I, p. 25, concl. MATTER, note H. CAPITANT. Pour un exemple d'application célèbre de ce critère juridique, cf. l'arrêt Messageries maritimes (Cass. civ., 21 juin 1950, Grands arrêts jurispr. fr. DIP n° 23).

     [323] Cass. civ., 19 février 1930 et 27 janvier 1931, préc.

     [324] Cass. civ., 14 février 1934, D.P. 1934, I, p 78 ; S. 1934, I. p. 297, note MESTRE ; Cass. com., 4 novembre 1958, D. 1959, p. 361, note Ph. MALAURIE ; Rev. crit. DIP 1959, p. 117, note RABINOVITCH ; JDI 1960, p. 440, note SHAPIRA.

     [325] Ph. FOUCHARD, La spécificité de l'arbitrage international, Rev. arb. 1981, pp. 449 et s. et 463 et s.

     [326] Cf. P. LEREBOURG-PIGEONNIÈRE, Précis, 3e éd., n° 359 et note sous Cass. civ., 18 novembre 1951, D. 1952, p. 357 ; J.- M. JACQUET, thèse préc., nos 368 et s. et D. BUREAU, thèse préc., nos 1032 et s.

     [327] Note sous CA Paris, 19 juin 1970, préc.

     [328] Cf. B. GOLDMAN, note sous l'arrêt Gosset, Cass. 1re civ., 7 mai 1963, préc. ; Cl. FERRY, La validité des contrats en droit international privé, France-USA, Bibl. dr. priv., t. 206, L.G.D.J., préf. B. Teyssié, 1989, nos 178 et s. et F. LECLERC, La protection de la partie faible dans les contrats internationaux (Étude de conflits de lois), Bruylant, préf. D. Alexandre, 1995, nos 211 et s.

     [329] Cf. CA Paris, 11 avril 1972, préc. Adde J.-M. JACQUET, Le contrat international, préc., pp. 11 et 12 et les réf. cit. 

     [330] P. JÉNARD, rapport préc., p. 38.

     [331] G. A. L. DROZ, thèse préc., n° 189.

     [332] Cf. supra, nos 42 et s.

     [333] En ce sens, D. HOLLEAUX, J. FOYER et G. DE GEOUFFRE DE LA PRADELLE, n° 1373.

     [334] P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, ouvrage préc., n° 161 et H. Gaudemet-Tallon, ouvrage préc., n° 106.

    [335] P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, ouvrage préc., n° 162 et H. Gaudemet-Tallon, ibid.

     [336] G. A. L. DROZ, thèse préc., n° 229.

     [337] H. Gaudemet-Tallon, ibid. et, ajouterons-nous, à l'occasion de la rédaction de la Convention de Lugano.

     [338] Cf. Cass. com., 7 décembre 1983, Rev. crit. DIP 1984, p. 658, note H. G.- T.

     [339] P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, ibid. et H. Gaudemet-Tallon, ibid. MM. GOTHOT et HOLLEAUX évoquent comme autre argument le fait que l'article 17 soit situé après l'article 16 qui rompt précisément avec le mécanisme des articles 5 à 15 qui tiennent compte du domicile du défendeur. Mais la place d'un texte n'est pas, à lui seul, déterminant en ce qui concerne la portée qu'il convient de lui accorder.

     [340] Cf. supra, n° 92.

     [341] Sur ces différences, cf. P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, ouvrage préc., n° 41.

     [342] Ibid., no 48 et s.

     [343] Cet exemple est tiré de celui donné par MM. GOTHOT et HOLLEAUX (ibid.)

     [344] P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, ouvrage préc., n° 163.

     [345] En ce sens, G. A. L. DROZ, thèse préc., n° 184 ; P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, ouvrage préc., n°  163 ; H. Gaudemet-Tallon, ouvrage préc., n° 108 et D. HOLLEAUX, J. FOYER et G. DE GEOUFFRE DE LA PRADELLE, n° 834 ; B. AUDIT, n° 551 ; P. MAYER, n° 350.

     [346] CJCE, 13 novembre 1979, Rec. 1979, p. 3423, concl. F. CARPOTORI, JDI 1980, p. 429, note A. HUET ; D. 1980, p. 543, note J. MESTRE.

     [347] Cf. J.- P BERAUDO, op. cit., n° 42 et  F. SCHOCKWEILER, Rapport in Compétence judiciaire et exécution des jugements en Europe, Butterworths, 1993, p. 122 ; A. L. DIAMOND, ibid., p. 145.

     [348] H. Gaudemet-Tallon, ouvrage préc., n° 109.

     [349] G. A. L. DROZ, thèse préc., n° 185 et Rapport de synthèse, in Compétence judiciaire et exécution des jugements en Europe, Butterworths, 1993, p. 272 et A. PHILIP, ibid., p. 157.

     [350] P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, op. cit., n° 164.

     [351] Ce régime particulier était dans la Convention d'adhésion de Luxembourg de 1978 contenu dans la dernière phrase de l'article 17, alinéa 1er, devenu depuis l'alinéa 2 à la suite de la Convention d'adhésion de San Sebastien de 1989.

     [352] E. MEZGER, Les grandes lignes de la Convention du 9 octobre 1978 relative à l'adhésion du Danemark, de l'Irlande et du Royaume-Uni à la Convention de Bruxelles concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale du 27 septembre 1968 ainsi qu'au protocole concernant son interprétation par la Cour de justice, Trav. com. fr DIP 1979, p. 17.

     [353] H. Gaudemet-Tallon, ouvrage préc., n° 134.

     [354] En ce sens, P. SCHLOSSER, Rapport préc., n° 177 ; P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, ouvrage préc., n° 185 ; G. A. L. DROZ, Entrée en vigueur de la Convention de Bruxelles révisée sur la compétence judiciaire et l'exécution des jugements, Rev. crit. DIP 1987, p. 251 et spéc. n° 48 p. 282 et 283 ; E. MEZGER, op. cit., spéc. p. 28 ; H. Gaudemet-Tallon, op. cit., D. ALEXANDRE, op. cit., n° 279.

     [355] Rapport préc., p. 38.

     [356] J. -P. BERAUDO, J.-Cl. Europe, Fasc. 3030, n° 2 ; H. Gaudemet-Tallon, ouvrage préc., n° 144.

     [357] H. Gaudemet-Tallon, ibid.

     [358] Cf. supra, nos 22 et s.

     [359] Thèse préc., n° 230.

     [360] Cf. G. A. L. DROZ, thèse préc., n° 221 ; P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, ouvrage préc., n° 190 ; D. HOLLEAUX, J. FOYER et G. DE GEOUFFRE DE LA PRADELLE, n° 837 ; B. AUDIT, n° 551 et P. MAYER, n° 353.

     [361] G. A. L. DROZ, thèse préc., n° 183.

     [362] Le projet de modification de la Convention de Bruxelles proposé par la Commission européenne substitue à la notion de domicile celle de “ résidence habituelle ” (JOCE, n° C 33, 31 janvier 1998). Ce nouveau critère permettra sans doute d'écarter les difficultés suscitées par la détermination du domicile. Mais, que l'on exige que l'une des parties au moins ait son “ domicile ” ou sa “ résidence habituelle ” sur le territoire d'un État contractant ne change rien au fait que la Convention de Bruxelles ne sera pas applicable si seule la condition de désignation du tribunal ou des tribunaux d'un État contractant est remplie.

     [363] Cf. infra, n° 524.

     [364] Cf. infra, nos 520 et s.

     [365] Cf. CJCE, 9 novembre 1978, Rec. 1978, p. 2133, concl. F. CARPOTORI ; JDI 1979, p. 663, note A. HUET ; Rev. crit. DIP  1981, p. 83, note H. Gaudemet-Tallon.

     [366] A. HUET , note préc., spéc. p. 665.

     [367] Sur la méthode d'interprétation de la Cour, cf. H. Gaudemet-Tallon, ouvrage préc., n° 7.

     [368] En ce sens, G. A. L. DROZ, thèse préc., n° 217 ; P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, ouvrage préc., n° 128 et H. GAUDEMET-TALLON, ouvrage préc., nos 111 et 252.

     [369] B. ANCEL, La clause attributive de juridiction selon l'article 17 de la Convention de Bruxelles, préc., spéc. p. 266.

     [370] Cf. infra, nos 343 et s.

     [371] La notion de compétence impérative doit être distinguée de la notion de compétence exclusive (Cf. D. HOLLEAUX, thèse préc., nos 24 et s.). L'impérativité concerne la compétence directe. Elle s'adresse aux plaideurs pour leur indiquer qu'ils ne peuvent évincer la compétence internationale des juridictions françaises, notamment grâce à une clause d'élection de for. Cette impérativité n'empêche toutefois pas les parties de choisir une juridiction étrangère. Elle signifie simplement qu'en dépit de ce choix, la compétence des tribunaux français subsiste, le demandeur pouvant toujours porter le litige à leur connaissance. Si, en revanche, la compétence n'est pas impérative, c’est-à-dire, en d'autres termes, facultative, le choix d'une juridiction étrangère par un accord valable a pour effet de rendre le juge français incompétent. L'exclusivité a trait à la compétence indirecte, son rôle étant d'empêcher un jugement étranger d'être efficacement reconnu en France. La compétence exclusive s'oppose à la compétence concurrente qui ne fait pas obstacle à la reconnaissance et à l'exécution d'une décision étrangère en France. Mais la difficulté vient de ce que l'impérativité directe et l'exclusivité indirecte ne coïncident pas nécessairement. Ainsi par exemple, les articles 14 et 15 du Code civil sont facultatifs, l'un des moyens d'y renoncer étant précisément de conclure un accord d'élection de for. Mais en l'absence de renonciation, la décision rendue à l'étranger sera inefficace en France car les chefs de compétence exorbitant sont jugés exclusifs. Inversement, l'impérativité de la compétence directe ne se traduit pas obligatoirement par l'exclusivité de la compétence indirecte et ce en raison des préoccupations différentes auxquelles obéissent ces  compétences. Empêcher les parties de se soustraire à la compétence internationale directe des juridictions françaises est une chose, frapper d'inefficacité la décision rendue à l'étranger au mépris de cette impérativité en est une autre, d'autant plus que la compétence de l'ordre juridictionnel étranger leur a été imposée. Pendant longtemps, jurisprudence et doctrine ont estimé que l'impérativité au plan direct était toujours prolongée par l'exclusivité au plan indirect (cf. not. D. ALEXANDRE, Le pouvoir du juge de l'exequatur, Bibl. dr. priv., t. 107, préface A. Weil, L.G.D.J., 1970, nos 213 et s. et A. SINAY-CYTERMANN, thèse préc., nos 37 et s.). La position isolée de HOLLEAUX, qui s'opposa au diptyque impérativité-exclusivité (J.-Cl. Droit international, Fasc. 584-A, nos 119 et s.), fut consacrée par la Cour de cassation dans l'arrêt Simitch (Cass. 1re civ., 6 février 1985, Grands arrêts jurispr. fr. DIP n° 67) où la compétence impérative de l'article 1070 du nouveau Code de procédure civile en matière de divorce, ne fut pas jugée exclusive.

     [372] A. SINAY-CYTERMANN, thèse préc., n° 31.

     [373] Cf. supra, n° 75.

     [374] A. SINAY-CYTERMANN, thèse préc., n° 64.

     [375] P. HÉBRAUT, obs. RTD civ. 1950, p. 96

     [376] A. SINAY-CYTERMANN, thèse préc., n° 64.

     [377] Ibid., n° 124.

     [378] La présentation de Mme Sinay-Cytermann n'en demeure pas moins opportune dès lors que, justement, cet auteur estime que l'applicabilité d'une loi de police ne constitue pas un critère d'impérativité de la compétence internationale (cf. infra, nos 242 et s.).

        [379] Pour une approche globale, v. P. Mayer, La protection de la partie faible en droit international privé, in La protection de la partie faible dans les rapports contractuels/comparaison franco-belge, Bibl. dr. priv., t. 261, L.G.D.J., 1996, p. 513

     [380] J. MESTRE, L'évolution du contrat en droit privé français, in L'évolution contemporaine du Droit des Contrats, Journée René Savatier, P.U.F., 1985, p. 41 et spéc. p. 50.

     [381] Un phénomène identique s'observe en matière de conflits de lois puisque la Convention de Rome permet la remise en cause du choix de la loi par les parties afin de retenir l'application de la loi la plus protectrice des consommateurs (article 5) et des travailleurs (article 6).

     [382]  H. GAUDEMET-TALLON, thèse. préc., n° 335 ; A. SINAY-CYTERMANN, thèse. préc., n° 66.

     [383] P. Gothot et D. Holleaux, ibid. ; H. Gaudemet-Tallon, ouvrage préc., n° 259 ; B. Audit, n° 535 ; J.-P. Beraudo, J.-Cl. Europe, Fasc. 3010, n° 29. Adde, à propos de l'article 5 de la Convention de Rome, H. Gaudemet-Tallon, J.-Cl. Europe, Fasc. 3200, nos 85 et 86 ; M.-L. Niboyet-Hoegy, J.-Cl. Droit international, Fasc. 552-40, n° 15 ; C. Giuliano et P. Lagarde, rapport préc., p. 23.

     [384] CJCE 19 janvier 1993, Rec. I, p. 139, concl. M. DARMON ;  Rev. crit. DIP 1993, p. 320, note H. Gaudemet-  Tallon ; JDI 1993, p. 466, obs. crit. A. Huet.

     La CJCE avait déjà indiqué sa propre conception du consommateur dans l'arrêt Bertrand c/ Paul Ott KG (CJCE 21 juin 1978, Rec. 1978, concl. F. CARPOTORI ; Rev. crit. DIP 1979, 119, note E. Mezger ; JCP 1979, II, n° 19051, note F.- Ch. Jeantet ; RTD com. 1979, p. 170, obs. Y. Loussouarn et P. Bourel. Sur l'arrêt de la Cour de cassation rendu suite à l'arrêt de la CJCE, Cass 1re civ., 23 janvier 1979, JDI 1979, p. 373, note I. Fadlallah) rendu en interprétation de la première version de la Convention de Bruxelles … qui ne protégeait pas le consommateur mais uniquement le vendeur et le prêteur à tempérament (cf. infra, n° 131). La CJCE anticipait ainsi l'introduction de la notion de consommateur par la Convention d'adhésion du 9 octobre 1978.

     [385] CJCE 19 janvier 1993, préc., motifs nos 18 et 22. Rapp. CJCE 21 juin 1978, préc., motif n° 21.

     [386] CJCE 19 janvier 1993, préc., motif n° 22.

     [387] CJCE, 3 juillet 1997, préc., motif n° 19.

     [388] Rev. crit. DIP 1980, p. 909. On relèvera toutefois que si cette définition insiste sur le but domestique poursuivit par l'acheteur, l'utilisation de l'adverbe “ principalement ” constitue une ouverture vers une définition élargie. L'abandon du projet de cette Convention internationale ne permet pas d'indiquer de quelle manière ce texte aurait été interprété.

     [389] JOCE n. L. 95/26, 21 avril 1993, p. 29 ; D. 1993, Lég. p. 360 ; JCP 1993, III, n° 66199.

     [390] Cf. infra, nos 149 et s.

     [391] On citera, sans être exhaustif, la Loi 22 décembre 1972 relative à la protection des consommateurs en matière de démarchage et de vente à domicile, la Loi du 10 janvier 1978 relative l'information et à la protection des consommateurs dans le domaine de certaines opérations de crédit, la Loi du 10 janvier 1978 sur l'information et la protection des consommateurs de produits et services, etc.

     [392] Selon l'article L.3 du projet de Code de la Consommation, “ les consommateurs sont les personnes physiques ou morales de droit privé qui se procurent ou utilisent des biens ou des services pour un usage non professionnel ”. Cf. J. Calais-Auloy, Proposition pour un Code de la consommation, La Documentation française, Coll. des rapports officiels, avril 1990.

     [393] Loi n° 93-949 du 26 juillet 1993, JO du 27 juillet 1993, p. 10538.

     [394] Cf. supra, n° 119.

     [395] D. MAZEAUD, obs. sous Cass. 1re civ., 3 janvier 1996 et  30 janvier 1996, D. 1996, Somm.  p. 325.

     [396] G. Paisant, Essai sur la notion de consommateur en droit positif, JCP 1993, I, n° 3655.

     [397] Cf. not. Cass. 1re civ., 27 juin 1986, D. 1986, IR p. 393, obs. J.-L. Aubert ; Cass 1re civ., 24 novembre 1993, Contrats, conc., cons. mars 1994, Chron. n° 3, par L. Leveneur ; Defrénois 1994, Art. 35845,  N° 74, p. 818, obs. D. Mazeaud ; D. 1994, Somm. p. 236, obs. G. Paisant et Cass. com., 10 mai 1994, Contrats, conc., cons.  1994, Comm. n° 155, obs. L. Leveneur ; D. 1995, Somm. p. 89, obs. D. MAZEAUD et Cass. 1re civ., 21 février 1995, Contrats, conc., cons.  1995, Comm. n° 84, note L. Leveneur ; JCP 1995, II, n° 22502, note G. Paisant.

     [398] Cf. not. Cass 1re civ., 28 avril 1987, D. 1987, Somm. p. 455, obs. J.-L. Aubert ; D. 1988, p. 1, note Ph. Delebecque ; JCP 1987, II, n° 20893, note G. Paisant ; RTD civ. 1987, p. 537, obs. J. Mestre ; Cass 1re civ., 3 mai 1988, D. 1990, p. 61, note J. Karila de Van.

     [399] Cass. 1re civ., 24 janvier 1995, D. 1995, p. 327, note G. Paisant et Somm. p. 229, obs. Ph. Delebecque et p. 310, obs. J.- P. Pizzio ; JCP 1995, I, n° 3893, n° 28, obs. G. Viney ; Contrats, conc., cons. 1995, Comm. n° 84, note L. Leveneur ;  Cass. 1re civ., 3 janvier 1996 et 30 janvier 1996, D. 1996, p. 228, note G. Paisant et Somm. p. 325, obs. D. MAZEAUD ; JCP 1996, I, n° 3929, obs. F. Labarthe et II, n° 22654, note L. Leveneur ; RTD civ. 1996, p. 609, obs. J. Mestre ; Cass. 1re civ., 5 novembre 1996, D. 1997, IR p. 4 ; D. aff. 1997, p. 20 ; Contrats, conc., cons. 1997, Comm. n° 23, note L. Leveneur.

     [400] G. Paisant, note préc.

     [401] Ibid.

     [402] D. MAZEAUD, obs. préc.

     [403] J.- P. Pizzio, obs. préc.

     [404] Cf. not. Beauchard, Remarques sur le Code de la consommation, in Écrit en hommage à Gérard Cornu, 1995 ; J. Mestre, obs. préc. ; G. Viney, obs. préc. ; A. Huet, note préc. ; D. Mazeaud, obs. préc.

     [405] Cf. not. G. Cornu, La protection du consommateur et l'exécution du contrat en droit français, in La protection des consommateurs, Trav. Ass. H. Capitant, t. 24, Dalloz, 1973, p. 131, spéc. p. 135 ; J. Calais-Auloy et F. Steinmetz, Droit de la consommation, 4e éd., Dalloz, 1996, nos 9 et s. ; Ph. Malinvaud, La protection des consommateurs, D. 1981, Chron. p. 49 ; J.-L. Aubert, obs. préc. ; Ph. Malinvaud, La protection des consommateurs, D. 1981, Chron. p. 49 ; A. Sinay-Cytermann, Protection ou surprotection du consommateur, JCP 1994, I, n° 3804 ; L. Leveneur, notes préc.

     [406] J. Calais-Auloy et F. Steinmetz,op. cit., n° 10.

     [407] Ibid.

     [408] Ibid.

     [409] Cf. J. Mestre, obs. préc. ; D. Mazeaud, obs. préc.

     [410] D. Mazeaud, obs. sous Cass. 1re civ., 3 janvier 1996 et 30 janvier 1996, préc.

     [411] D. Mazeaud, obs. sous Cass. com., 10 mai 1994, préc.

     [412] Cf. infra, n° 566.

     [413] Cf. infra, nos 568 et s.

     [414] Cf. supra, nos 93 et s.

     [415] F. LECLERC, thèse préc., nos 212 et s

     [416] Ibid., n° 213.

     [417] Ibid.

     [418] Ibid.

     [419] Ibid., n° 214.

     [420] Cass. 1re civ., 21 mai 1997, Contrats, conc., cons.  1997, Comm. n° 143, note L. Leveneur,  Rev. crit. DIP 1998, p. 87, note V. Heuzé ; Rev. gén. procéd. 1998, p. 156, obs. M. Cl. Rivier ; rejet de CA Paris, 7 décembre 1994, D. 1995, Somm. p. 318, obs. J. - P. PIZZIO ; RTD com. 1995, p. 401, obs. E. LOQUIN et J. Cl. DUBARRY ; Justices 1996, n° 3, p. 435, obs. M.- Cl. RIVIER.

     [421] Cf. infra, n° 159.

     [422] Cf. supra, n° 95.

     [423] Cf. supra, n° 92.

     [424] Ph. MALAURIE, La protection du consommateur en droit international privé, Rapport général, in La protection des consommateurs, Trav. Ass. H. Capitant, t. 24, Dalloz, 1973, p. 389.

     [425] G. A. L. DROZ, thèse préc., n° 131.

     [426] P. JÉNARD, Rapport, pp. 58 et 68.

     [427] CJCE, 21 juin 1978, préc.

     [428] J. CALAIS-AULOY, La Communauté européenne et les consommateurs, in Mélanges offerts à André Colomer, Litec, 1993, p. 119, spéc. p. 125.

     [429] Cf. supra, nos 98 et s.

     [430] Cf. not. G. A. L. DROZ, thèse préc., n° 217 ; P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, ouvrage préc., n° 128 et H. GAUDEMET-TALLON, ouvrage préc., nos 111 et 252.

     [431] Solution réaffirmée à propos de l'article 14 par CJCE, 15 septembre 1994, Rev. crit. DIP 1995, p. 754, note R. LIBCHABER ; JDI 1995, p. 476, obs. J.- M. BISCHOFF.

     [432] Cf. supra, n° 99.

     [433] Note préc.

     [434] Rapp. en droit interne, à propos de la clause attributive de juridiction en matière d'assurance, P. HÉBRAUD, obs. RTD civ. 1959, p. 149 ; H. SOLUS et PERROT, t. 2, n° 343.

     [435] J. NORMAND et E. BALATE, Relations transfrontalières et consommation : quel(s) juge(s) et quelle(s) loi(s) ?, Cah. dr. europ. 1990, p. 272 et spéc. p. 303.

     [436] KAYE, P., L. L. M., Civil juridisdiction and enforcement of foreign judgements, Oxford, 1987, p.  851, cité par               J. NORMAND et E. BALATE, article préc., p. 303.

     [437] J. NORMAND et E. BALATE, article préc., p. 304.

     [438] CJCE 14 juillet 1983, Rev. crit. DIP 1984, p. 141, note H. GAUDEMET-TALLON ; JDI 1983, p. 843, obs. A. HUET.

     [439] Cf. en ce sens, P. SCHLOSSER, Rapport préc., n° 161 bis, P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, ouvrage préc., n° 139 et J.-L. BERAUDO, J.-Cl. Europe, Fasc. 3010, n° 34.

     [440] A. L. DIAMOND, Clauses attributives de juridiction, in Compétence judiciaire et exécution des jugements en Europe, Actes du colloque sur l'interprétation de la Convention de Bruxelles par la Cour de justice européenne dans la perspective de l'espace judiciaire européen, Luxembourg, les 11 et 12 mars 1991, Butterworths, 1993, p. 145.

     [441] Cf. infra, nos 422 et s.

     [442] Cf. supra, n° 80, et les réf. cit.

     [443] Cf. infra, nos 390 et s.

     [444] Thèse préc., n° 120.

     [445] Au moins dans l'hypothèse du consommateur démarché à son domicile en France, cf. en ce sens A. HUET, J.-Cl. Droit international, Fasc. 581-21, n° 34.

     [446] R. Saint-Alary, La jouissance de biens immobiliers à temps partiel et la loi n° 98-566 du 8 juillet 1998, D. 1999, Chron. p. 147, n° 27.

     [447] Cf. supra, n° 138 et s.

     [448] Cf. A. HUET, op. cit., nos 1 et s.

     [449] Cf. infra, nos 240 et s.

     [450] Rapp. G. KAUFMANN-KOHLER, thèse préc., pp. 189 et s., qui estime que la nature d'une éventuelle norme sanctionnant les abus d'une partie dépendrait des conditions d'admissibilité des clauses d'élection de for, autrement dit des conditions de leur licéité, ce qui engendre l'application de la loi du tribunal saisi, et non des règles relatives à leur validité.

     [451] Cf. J. FLOUR et J.- L. AUBERT, Les obligations, 1, L'acte juridique, 8e éd., Armand Colin, 1998, n° 194.

     [452] JOCE du 25 avril 1993, L. 95 p. 29 ; D. 1993, Lég. p. 360 ; JCP 1993, III, n° 66199. Sur cette directive, cf. not. M. TENREIRO, Les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (Directive n° 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993), Europe mai 1993, Chron. n° 5 ; M. TROCHUT, Les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (directive n° 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993), D. 1993, Chron. p. 315 ; J. HUET, La directive du 5 avril 1993 relative aux clauses abusives, JCP 1993, Act., n° 26 et Propos amers sur la directive du 5 avril 1993 relative aux clauses abusives, JCP éd. E 1994, I, n° 309 ; G. Paisant, Propositions pour une réforme du droit des clauses abusives (Après la directive du 5 avril 1993), JCP 1994, I, n° 3772.

     [453] G. PAISANT, Propositions pour une réforme du droit des clauses abusives (Après la directive du 5 avril 1993), JCP 1994, I, n° 3772, n° 1.

     [454] Dans un premier temps, cette possibilité fut implicitement admise par l'interprétation a contrario d'un arrêt qui semblait permettre l'annulation d'une clause abusive sur le fondement de l'article 1134 du Code civil (Cass.1re civ., 6 décembre 1989, D. 1990, p. 289, note J. GHESTIN ; JCP 1990, II, n° 21534, note Ph. DELEBECQUE). Puis dans un second temps, la Cour de cassation va autoriser le juge à prononcer la nullité d'une clauses dès lors que son caractère abusif peut être retenu en se fondant uniquement sur les deux critères matériels de la loi (Cass. 1re civ., 14 mai 1991, D. 1991, p. 449, note J. GHESTIN ; JCP 1991, II, n° 21763, note G. PAISANT ; RTD civ. 1991, p. 526, obs. J. MESTRE ; Contrats, conc., cons. juillet 1991, comm. 116, obs. L. LEVENEUR, solution réaffirmée par Cass. 1re civ., 26 mai 1993, D. 1993, p. 568, note G. PAISANT ; JCP 1993, II, n° 22158, note E. BAZIN et I, n° 3709, obs. I. MARCHESSEAUX ; D. 1994, Somm. p. 12, obs. Ph. DELEBECQUE). Cette solution n'a malheureusement pas été reprise par le législateur alors même que le projet de la loi du 18 janvier 1992 prévoyait sa consécration (J. HUET, Les hauts et les bas de la protection contre les clauses abusives (à propos de la loi du 18 janvier 1992 renforçant la protection des consommateurs), JCP 1992, I, n° 3562.). Le décret du 10 mars 1993, relatif à la Commission des clauses abusives (JCP 1993, III, n° 66060) a toutefois indirectement confirmé cette jurisprudence en permettant au juge, à l’occasion d’une instance, de demander à la Commission son avis sur le caractère abusif d’une clause (Y. CHARTIER, La réforme de la Commission des clauses abusives, JCP 1993, Act., n°15.). Une telle procédure n'aurait présenté aucun intérêt si les tribunaux n'avaient pu annuler une clause abusive en l'absence de décret (J. HUET, Pour le contrôle des clauses abusives par le juge judiciaire, D. 1993, Chron. p. 331).

     [455] Bull. off. serv. prix du 24 février 1979, p. 41.

     [456] Bull. off. conc. cons. du 6 septembre 1991.

     [457] Article L. 105-16e et L. 109 du projet de loi n° 273 (1992-1993).

     [458] Sur cette action, cf. J. GHESTIN, Traité de droit civil, Les obligations, Le contrat, Formation, L.G.D.J. 1988, nos 611 et s.

     [459] Cass. 1re civ., 14 mai 1991, préc.

     [460] Cass. 1re civ., 26 mai 1993, préc.

     [461] G. KAUFMANN-KOHLER, thèse préc., p. 190.

     [462] B. STARCK (†), H. ROLAND et L. BOYER,  Droit civil, Les obligations, t.2, Contrat, 6e éd., Litec, 1998, n° 748.

     [463] Ibid., n° 662.

     [464] La Cour de cassation estimait d'ailleurs que l'abus de puissance économique était inhérent au contrat d'adhésion et que le consommateur n'avait plus à rapporter la preuve de son existence, cf. Cass. 1re civ., 6 janvier 1994, JCP 1994, II, n° 22237, note G. PAISANT ; D. 1994, Somm. p. 209, obs. Ph. DELEBECQUE.

     [465] G. PAISANT, Les clauses abusives et la présentation des contrats dans la loi n° 95-96 du 1er février 1996, D. 1995, Chron. p. 99, spéc. n° 9.

     [466] Ibid.

     [467] Fr. TERRÉ, Ph. SIMLER et Y. LEQUETTE, n° 307.

     [468] B. STARCK (†), H. ROLAND et L. BOYER, n° 750.

     [469] Cf. J. GHESTIN, note sous Cass. 1re civ., 14 mai 1991, préc. et Fr. TERRÉ, Ph. SIMLER et Y. LEQUETTE, n° 311.

     [470] Cf. supra, n° 152.

     [471] Le projet de directive élaboré par la Commission des Communautés européennes prévoyait une liste de clauses abusives présentant un caractère impératif pour les États membres (JOCE du 28 septembre 1990, C. 243 p. 2 ; adde G. Paisant, La proposition de directive du 24 juillet 1990, Contrats, conc., cons., Chr., mars 1991). Le Conseil lui préféra une liste ne revêtant qu'un caractère indicatif (sur cette évolution, Cf. M. TENREIRO,, op. cit. et J. HUET, op. cit. qui publie à la suite de sa chronique la liste des clauses figurant dans la proposition de 1990).

     [472] Cass. Com., 20 juillet 1965, D. 1965, p. 581 ;  Cass. 3e civ., 4 juin 1980, Gaz. Pal. 1980, 2,  p. 767.

     [473] Cass. 2e civ., 17 mai 1982, Bull. civ. II, n° 76 ; Gaz. Pal. 1982, 2, pan. jurispr. p. 282, obs. J. DUPICHOT ; RTD com. 1982, p. 540, obs. A. BÉNABENT et J.-Cl. DUBARRY.

     [474] Cass. com., 10 juin 1997, JCP 1997, I, n° 4064-8, obs. L. CADIET ; D. 1998, p. 2, note F. LABARTHE et F. JAULT-SESEKE.

     [475] RTD civ. 1959, p. 150.

     [476] Cf. Cass. com., 16 octobre 1978, Bull. civ. IV, n° 229 ; RTD civ. 1979, p. 676, obs. R.  PERROT ; CA Paris, 25 janvier 1980, Bull. avoués  1980,  p. 24 ; RTD civ. 1980, p. 804, obs. J. NORMAND et CA Paris, 10 février 1993, JCP 1995, II, n° 22438, note Ph. Guez.

     [477] R. PERROT, obs. sous Cass. com., 16 octobre 1978, RTD civ. 1979, p. 676.

     [478] CA Toulouse, 6 décembre 1995, D. 1996, IR p. 87 ; RJDA 1996, n° 840 et CA Versailles, 2 juin 1994, Bull. info. doc. DGCCRF 1995, n° 6, p. 19.

     [479]J. CALAIS-AULOY, Les cinq réformes qui rendraient le crédit moins dangereux pour les consommateurs, D. 1975, Chron. p. 19.

     [480] G. HOLLEAUX, à l'occasion du débat faisant suite à la communication de M. LAGARDE (La Convention de La Haye du 25 novembre 1965 sur les accords d'élection de for, spéc. p. 171) se montra fort critique. Selon lui, “ certaines règles matérielles posées par la Convention sont bien vagues. Il y a notamment l'abus de puissance économique et autre moyen déloyaux (...). Je me demande si ce paragraphe sera très souvent appliqué ou s'il présentera un caractère bien précis et bien facile à appliquer ”.

     [481] P. LAGARDE,  préc., spéc. p. 160.

     [482] Cf. supra, n° 280 et les réf. cit.

     [483] Cass. 1re civ., 21 mai 1997, préc.

     [484] E. LOQUIN et J. Cl. DUBARRY, note sous CA Paris, 7 décembre 1994, préc.

     [485] Ibid.

     [486] Ibid.

     [487] Cass. 1re civ., 21 mai 1997, préc.

     [488] Cf. E. LOQUIN et J. Cl. DUBARRY, ibid., spéc. p. 403.

     [489] L. Leveneur, note préc.

     [490] Rapp. G. KAUFMANN-KOHLER, thèse préc., p. 190.

     [491] Cf. supra, n° 156, note n° 97.

     [492] Cass. 1re civ., 26 mai 1993, préc.

     [493] Y. LAMBERT-FAIVRE, Droit des assurances, 9e éd., Dalloz, 1995, n° 119.

     [494] Cf. supra, n° 131..

     [495] Cf. infra, nos 85 et s. Rapp. G. A. L. DROZ, thèse préc., n° 130.

     [496] En ce qui concerne la critique de cette exigence et ce notamment lorsque la protection de la partie faible est en cause, cf. infra, n° 137.

     [497] P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, ouvrage préc., n° 128 ; H. GAUDEMET-TALLON, ouvrage préc., n° 252 ; D. ALEXANDRE, Encyclopédie Dalloz Droit communautaire, v° Convention de Bruxelles (compétence), n° 81.

     [498] CJCE, 14 juillet 1983, Rec. 1983, p. 2503, concl. MANCINI ; JDI 1983, p. 843, obs. A. HUET ; Rev. crit. DIP 1984, p. 141, note H. GAUDEMET-TALLON. Rapp. Cass. com., 11 mars 1997, Bull. civ. IV, n° 66.

     [499] Cf. supra, nos 143 et s.

     [500] Cette seconde version a été reprise par la Convention de Lugano.

     [501] Cf. supra, nos 138 et s.

     [502] Cf. supra, n° 141 et s.

     [503] Cf. TGI Paris, 10 mai 1985, Rev. crit. DIP 1987, p. 415, note J. BIGOT.

     [504] H. GAUDEMET-TALLON, ouv. préc., n° 254.

     [505] G. A. L. DROZ, thèse préc., n° 119.

     [506] Rapp. Y. LAMBERT-FAIVRE, n° 284.

     [507] Cf. l'article R. 114-1, alinéa 2, du Code des assurances. Adde G. A. L. DROZ, ibid. et infra, nos 177 et s.

     [508] P. SCHLOSSER, rapport préc., nos 136 et 137.

     [509] P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, ouv. préc., n° 130 et H. GAUDEMET-TALLON, ouv. préc., n° 256.

     [510] P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, loc. cit. ; J.- P. BÉRAUDO, J.-Cl. Europe, Fasc. 3010, n° 25.

     [511] Pour une liste non exhaustive de ces assurances obligatoires dans les États contractants, cf. P. SCHLOSSER, rapport préc., n° 138.

     [512] Y. LAMBERT-FAIVRE, ouvrage préc. n° 20.

     [513] H. GAUDEMET-TALLON, ouvrage préc., n° 256.

     [514] Y. LAMBERT-FAIVRE, ouvrage préc., n° 214.

     [515] Cf. not. Fr. TERRÉ, Ph. SIMLER et Y. LEQUETTE, n° 188 et J. FLOUR et J.- L. AUBERT, 1, n° 186.

     [516] Fr. TERRÉ, Ph. SIMLER et Y. LEQUETTE, ibid., p. 182, note n° 1.

     [517] Le rapporteur se demande si cette disposition couvre également tous les droits à indemnisation sur la base d'une assurance de responsabilité civile découlant d'un dommage subi au cours de la construction, de la transformation ou de la réparation d'un navire ou si elle doit être comprise plus étroitement au titre de la responsabilité civile découlant d'un dommage subi au cours d'un essai (P. SCHLOSSER, Rapport préc., n° 144). Cette difficulté d'interprétation n'a pu, selon le rapporteur, être surmontée.

     [518] P. SCHLOSSER, Rapport préc., n° 146.

     [519] Ibid., n° 147.

     [520] Ibid.

     [521] Ibid., n° 140.

     [522] Ibid., n° 147.

     [523] Cf. supra, n° 64.

     [524] Inapplicabilité de l'article 15 de la Convention de Bruxelles.

     [525] Applicabilité de l'article 12 bis-2° b) de la Convention de Bruxelles.

     [526] Cf. supra, n° 119.

     [527] En faveur de cet élargissement, cf. J. BIGOT, L'internationalisation du droit des assurances, in Mélanges en l'honneur de Yvon Loussouarn, Dalloz, 1994, p. 57 et spéc. p. 60.

     [528] JOCE du 4 juillet 1988, n° L. 172, p. 1 ; J.- Cl. Civil Annexes, Fasc. 4-2 (1er cahier), p. 3 et s.

     [529]  Insolvabilité générale, crédit à l'exportation, vente à tempérament, crédit hypothécaire, crédit agricole.

     [530] Caution directe et caution indirecte

     [531] Dommage subi par les biens autres que les véhicules terrestres à moteur, véhicules ferroviaires, véhicules aériens, les véhicules maritimes, lacustres et fluviaux et les marchandises transportées par ces véhicules, lorsqu'il est causé par incendie, explosion, tempête, éléments naturels autre que tempête, énergie nucléaire, affaissement de terrain.

     [532] Lorsque le dommage est causé par la grêle ou la gelée, ainsi que tout événement, tel le vol, sauf ceux compris dans la note précédente.

     [533] Autre que celle qui concerne les véhicules terrestres automoteurs, les véhicules aériens et les véhicules maritimes, lacustres et fluviaux.

     [534] Risque d'emploi, insuffisance de recette (générale), mauvais temps, pertes de bénéfices, persistance de frais généraux, dépenses commerciales imprévues, perte de la valeur vénale, perte de loyers ou de revenus, pertes commerciales indirectes autres que celles mentionnées précédemment, pertes pécuniaires non commerciales, autres pertes pécuniaires.

     [535] Un article 12-5° modifié dans ce sens supposerait la suppression de l'article 12 bis et un renvoi à l'article 17.

     [536] Certains suggèrent à cet égard de s'en tenir à la règle du principal et de l'accessoire, en recherchant au sein du contrat les risques prépondérants, tout en reconnaissant qu'il y a des limites à cette méthode (J. BIGOT, op. cit., p.  65).

     [537] Cf. H. SOLUS et R. PERROT, t. 2, n° 337.

     [538] CA Bordeaux, 26 janvier 1984, Rev. gén. ass. terr. 1984, p. 378 ; Cass. 1re civ., 31 janvier 1995, Bull. civ. I, n° 56.

     [539] Cf. CA Paris, 21 janvier 1965, JCP 1965, II, n° 14173, concl. SOULEAU.

     [540] Cf. p. ex. TGI Paris, 5 octobre 1966, JDI 1969, p. 388, note J. BIGOT.

     [541] Cf. CA Paris, 18 octobre 1972, JDI 1973, p. 371, note F. DEBY-GÉRARD. Adde H. SINAY-CYTERMANN, thèse préc., n° 115 et s. Contra CA Paris, 27 avril 1983, JCP 1986, II, n° 20542, note P. COURBE ; Rev. gén. ass. terr. 1986, p. 43, note J. BIGOT, qui va d'abord rechercher si les conditions d'application de l'article 14 du Code civil sont remplies pour, ayant jugé que ce n'était pas le cas en l'espèce, rechercher ensuite si la compétence française peut néanmoins être fondée au regard de l'article R. 114-1 du Code des assurances. La démarche de cet arrêt doit rester isolée et ce d'autant plus que la Cour de cassation a par la suite rappelé que l'article 14 du Code civil n'a lieu de s'appliquer que lorsque aucun critère ordinaire de compétence territoriale n'est réalisé en France (Cass. 1re civ., 19 novembre 1985, Rev. crit. DIP 1986, p. 712, note Y. LEQUETTE ; JDI 1986, p. 719, note A. HUET ; D. 1986, p. 362, note J. PRÉVAULT et IR p. 268, obs. B. AUDIT ; JCP 1987, II, n° 20810, note P. COURBE ; Grands arrêts jurispr. fr. DIP n° 68).

     [542] Un arrêt isolé (CA Paris, 27 avril 1983, préc.) a pourtant estimé que si le litige entre dans le domaine de l'article R. 114-1 du Code des assurances et qu'aucun chef de compétence ne rattache le litige à l'ordre juridictionnel français, les juridictions françaises doivent néanmoins être reconnues compétentes sur le fondement des règles ordinaires de compétence. Cet arrêt illustre probablement une certaine inadaptation des règles de compétence en matière d'assurances au plan international. En l'espèce, en effet, l'article R. 114-1 était impossible à appliquer, l'assuré ayant son domicile à l'étranger et l'immeuble assuré était situé dans le même pays alors que la compagnie d'assurances de droit anglais avait son principal établissement en France. L'arrêt a cependant fait une application erronée du droit commun des conflits de juridictions dans la mesure où la Convention de Bruxelles était applicable à ce litige (cf. P. COURBE, op. cit.). Cette circonstance, ajoutée au fait que la Cour de cassation n'a jamais été séduite par cette argumentation, suggère une décision d'espèce.

     [543] A. HUET, J.-Cl. Droit international, Fasc. 581-41, n° 33.

     [544] Cf. supra, n° 109.

     [545] Cf. supra, n° 99.

     [546] Note sous Cass. 1re civ., 17 décembre 1985, Rev. crit. DIP 1986, spéc. p. 546.

     [547] H. SOLUS et R. PERROT, t. 2, n° 343.

     [548]  A. SINAY-CYTERMANN, thèse préc., n° 68.

     [549] Rapport préc., p. 24.

     [550] ibid.

     [551] CJCE, 13 novembre 1979, Rec. 1979, p. 3423, concl. F. CARPOTORI ; JDI 1980, p. 429, obs. A HUET ; D. 1980, p. 544, note J. MESTRE. Sur l'arrêt rendu après que la CJCE ait statué, cf. Cass. soc., 4 juin 1980, Bull. civ. V, n° 486 ; JDI 1980, p. 896, obs. J. TILLHET-PRETNAR ; D. 1981, IR p. 158, obs. B. AUDIT.

     [552] Cf. not. G. A. L. DROZ, thèse préc., n° 34 ; M. WESER, ouvrage préc., n° 222 ; B. GOLDMAN, Un traité fédérateur … , préc., p. 7 ; P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, La Convention entre les États membres …, préc., p. 752 ; P. JÉNARD, op. cit. et J. VINCENT, Quelques observations sur les conflits de juridictions en matière de contrat de travail, in Mélanges André Brun, Libr. soc. et éco., 1974, p. 603 et spéc. p. 615.

     [553]  cf. J. MESTRE, op. cit., spéc. n° 8.

     [554] Cf. not. CA Versailles, 8 novembre 1990, JCP 1991, II, n° 21672, note A. MARTIN-SERF et Cass. soc., 7 janvier 1992, Bull. civ. V, n° 7, qui valident la clause attribuant compétence à l'État du domicile de l'employeur.

     [555] Cf. supra, nos 138 et 166. V. p. ex. Cass. soc., 17 décembre 1997, Bull. civ. V, n° 456.

     [556]  Rapp. avec les articles 12-2 et 15-2 de la Convention de Bruxelles.

     [557] S'agissant du contrat de travail, la nouvelle rédaction de l'article 5-1° permet aux parties de saisir le juge du lieu ou le travail s'exécute habituellement. Si le travailleur n'accomplit pas habituellement son travail dans un même État, l'option de compétence n'est offerte qu'au salarié qui peut attraire son employeur soit dans l'État du domicile de ce dernier, soit devant le tribunal où se trouve ou se trouvait l'établissement d'embauche. L'employeur n'a plus en l'occurrence d'option de compétence et doit toujours attraire le salarié à son domicile.

     [558] M. DE ALMEIDA CRUZ, M. DESANTES REAL et P. JÉNARD, rapport préc., p. 47 et 48 ; G. A. L. DROZ, La Convention de San Sebastian …, préc., p. 11 et 12 ; H. GAUDEMET-TALLON, ouvrage préc., n° 142.

     [559] G. LYON-CAEN et A. LYON-CAEN, Droit social international et européen, 8e éd., Dalloz, 1993, n° 57, note 8.

     [560] Cf. supra, nos 85 et s.

     [561] Cf. supra, n° 109.

     [562] Cf. H. GAUDEMET-TALLON, ouvrage préc., n° 142.

     [563] Cf. not. G. A. L. DROZ, op. cit., p. 12.

     [564] Alors que l'article 17 parle de la désignation d'un tribunal ou des tribunaux d'un État contractant, la CJCE a admis qu'une clause d'élection de for puisse désigner plusieurs tribunaux. Cf. supra, n° 197 et les réf. cit.

     [565] Cf. supra, nos 136 et s. et 166.

     [566] Cf. supra, n° 99.

     [567] Cf. not. B. OPPETIT, Droit commun et droit européen, in Mélanges en l'honneur de Yvon Loussouarn, Dalloz, 1994, p. 311.

     [568] Cf. supra,  n° 182.

     [569] G. A. L. DROZ, La Convention de Lugano parallèle à la Convention de Bruxelles …, préc., n° 37.

     [570]  Cass. soc., 16 décembre 1960, D. 1961, p. 172 ; JCP 1961, II, n° 11977, obs. R. L.

     [571] Thèse préc., n° 335.

     [572] Cass. soc. 18 et 19 octobre 1967, JCP 1967, II, n° 15293, note G. LYON-CAEN ; Rev. crit. DIP 1968, p. 490, note H. GAUDEMET-TALLON ; JDI 1968, p. 343, note M. SIMON-DEPITRE. Adde J. VINCENT, article préc., p. 603 et spéc. p. 610 et A. SINAY-CYTERMANN, thèse préc., nos 71 et s.

     [573] Cf. H. GAUDEMET-TALLON, note préc., spéc. p. 496 et A. SINAY-CYTERMANN, thèse préc., nos 72 et 73.

     [574] J. DÉPREZ, Relation internationale de travail et compétence juridictionnelle : jurisprudence française et communautaire, Rev. jurispr. soc. 1989, p. 539, n° 8.

     [575] Cf. H. GAUDEMET-TALLON, note préc., spéc. p. 497 et 498 ; A. SINAY-CYTERMANN, thèse préc., nos 74 et s. et B. AUDIT, Les conflits de juridictions en matière de droit du travail, Cah. dr. entrepr. 1986, n° 4, p. 33, spéc. p. 36.

     [576] H. GAUDEMET-TALLON, ibid.

     [577] En ce sens, P. LAGARDE, note sous Cass. soc., 23 mai et 8 novembre 1973 (3 arrêts), Rev. crit. DIP 1974, p. 355, spéc. p. 361.

     [578] La Chambre sociale avait d'ailleurs admis la compétence du Conseil des prud'hommes dans le ressort duquel le contrat de travail avait été conclu alors que le travail était exécuté dans un établissement situé à l'étranger (Cass. soc., 6 octobre 1971, JDI 1972, p. 741 obs. J. RIBETTES-TILLHET).

     [579] H. GAUDEMET-TALLON, note préc., p. 500. Adde A. BRUN et H. GALLAND, Droit du travail, 1e éd., Sirey, 1958, spéc. Mise à jour 1968, p. 25 et J. VINCENT, article préc., spéc. p. 609.

     [580] Cass. 1re civ., 9 janvier 1968, JCP 1968, II, n° 15451, note G. LYON-CAEN ; Rev. crit. DIP 1968, p. 490, note H. GAUDEMET-TALLON ; JDI 1968, p. 717, note M. SIMON-DEPITRE. Adde J. VINCENT, article préc., spéc. p. 610 et A. SINAY-CYTERMANN, thèse préc., nos 77 et s.

     [581] G. LYON-CAEN, note préc.

     [582]  A. SINAY-CYTERMANN, thèse préc., n° 82.

     [583] Ibid.

     [584] Ibid., n° 83.

     [585] H. GAUDEMET-TALLON, note préc., spéc. p. 500.

     [586] Cass. ch. mixte, 28 juin 1974, JCP 1974, II, n° 17881, note G. LYON-CAEN ; Rev. crit. DIP 1975, p. 110, note P. L. ; JDI 1975, p. 82, note D. HOLLEAUX ; Dr. soc. 1975, p. 458, note H. J. LUCAS. Adde A. SINAY-CYTERMANN, thèse préc. nos 89 et s. ; B. AUDIT, article préc. et J. DÉPREZ, article préc.

     [587] Cass. soc., 23 mai et 8 novembre 1973 (3 arrêts), op. cit.

     [588]  En ce sens, P. LAGARDE, note préc. et D. HOLLEAUX, note préc.

     [589] En ce sens, G. LYON-CAEN, note préc. et H. GAUDEMET-TALLON, Réflexions comparatistes sur certaines tendances nouvelles en matière de compétence internationale des juges et des arbitres, art. préc., p. 539 et 540.

     [590] Cf. supra, n° 192.

     [591] Cf. not. D. HOLLEAUX, note préc., A. SINAY-CYTERMANN, thèse préc., nos 94 et s. ; B. AUDIT, op. cit.

     [592] D. HOLLEAUX, ibid.

     [593] A. SINAY-CYTERMANN, thèse préc., n° 93.

     [594] Cass. soc., 20 juin 1979, JDI 1979, p. 852, note A. LYON-CAEN et Cass. soc., 2 juin et 20 octobre 1983, JDI 1984, p. 337, note P. RODIÈRE ; Rev. crit. DIP 1985, p. 99, note H. GAUDEMET-TALLON et 27 février 1991, Rev. jurispr. soc. 1991, p. 618, chronique J. DÉPREZ.

     [595] P. LAGARDE, note préc.

     [596] L'article R. 517-1 du Code du travail a depuis été modifié et dispose désormais que “ toute clause qui directement ou indirectement déroge aux dispositions qui précèdent est réputée non écrite ”.

     [597] Note préc. p. 114. Adde I. PINGEL, La protection de la partie faible en droit international privé (du salarié au consommateur), Dr. soc. 1986, p. 133, spéc. p. 136 et A. SINAY-CYTERMANN, thèse préc., n° 98.

     [598] Cass. soc., 8 juillet 1985, Rev. crit. DIP 1986, p. 113, note H. GAUDEMET-TALLON.

     [599] P. RODIÈRE, note préc., spéc. p. 344.

     [600] Note préc., spéc. p. 119. Adde B. AUDIT, article préc. et J. -M. BÉRAUD, Les recours juridictionnels dans les rapports de travail internationaux, Dr. soc. 1987, p. 519, spéc. p. 521.

     [601] Ibid., p. 120

     [602] B. AUDIT, article préc., p. 37.

     [603] A. HUET, J.-Cl. Droit international, Fasc. 581-41, n° 31.

     [604] Note préc., p. 120.

     [605] Cf. A. SUPIOT, Les juridictions de travail, Traité de droit du travail (sous la dir. de G. H. Camerlynck), t. 9, Dalloz, 1987, n° 373.

     [606] Il fut ainsi jugé qu'en modifiant ainsi l'article R. 517-1 du Code du travail, le législateur a entendu instituer, pour la seule protection du salarié, une compétence interne impérative, qui détermine, dans l'ordre international la compétence exclusive des tribunaux français dans ce même souci d'assurer la protection du salarié lorsque survient un litige avec son employeur (TGI Paris,7 février 1986 (référé), Rev. crit. DIP 1986, p. 547, note H. GAUDEMET-TALLON) ou que le souci du respect de la législation protectrice des travailleurs doit l'emporter sur le principe de l'autonomie de la volonté quant au choix de leur juge éventuel (CA Versailles, 19 mars 1986, D. 1986, IR p. 348).

     [607] Cass. soc., 7 mai 1987, Rev. crit. DIP 1988, p. 78, note H. GAUDEMET-TALLON ; D. 1988, Somm. p. 314, obs. A. LYON-CAEN et p. 341, obs. B. AUDIT et Cass. soc., 16 juillet 1987, Bull. civ. V., n° 516 ; D. 1988, Somm. p. 314, obs. A. LYON-CAEN.

     [608] Cf. supra, n° 194.

     [609] Cass. soc., 8 octobre 1987, Bull. civ. V., n° 552 ; D. 1988, Somm. p. 314, obs. A. LYON-CAEN et p. 341, obs. B. AUDIT.

     [610] J. DÉPREZ, article préc., n° 10, note 5.

     [611] P. MAYER, Les clauses relatives à la compétence internationale, insérées dans les contrats de travail, Mélanges dédiés à Dominique Holleaux, Litec, 1990, p. 263 et spéc. p. 272.

     [612] Cass. soc., 1er mars 1989, Bull. civ. V, n° 156 ; Dr. Soc. 1989, p. 739, chronique A. JEAMMAUD, p. 729 et spéc. p. 732 ; Rev. jurispr. soc. 1989, p. 547, chronique J. DÉPREZ, p. 539 et spéc. n° 12.

     [613] J. DÉPREZ, op. cit.

     [614] Cass. 1re civ., 16 juin 1987, Rev. crit. DIP 1988, p. 78, note H. GAUDEMET-TALLON ; JDI 1988, p. 1041, note A. LYON-CAEN ; D. 1988, Somm. p. 314, obs. A. LYON-CAEN et p. 341, obs. B. AUDIT et 8 mars 1988,  JDI 1988, p. 1041, note A. LYON-CAEN ; D. 1988, Somm. p. 314, obs. A. LYON-CAEN.

     [615] Cass. 1re civ., 16 juin 1987, préc.

     [616] Cass. 1re civ., 8 mars 1988, préc.

     [617] A. LYON-CAEN, note préc., p. 1045, n° 4. Adde J. DÉPREZ, Relation internationale de travail et compétence juridictionnelle dans les derniers développements de la jurisprudence, Rev. jurispr. soc. 1991, p. 618, spéc. n° 18.

     [618] Cf. P. MAYER, article préc., p. 267.

     [619] Cf. P. -H. ANTONMATTEI, J.-Cl. Travail, Fasc. 94-20, n° 8.

     [620] En ce sens, P. MAYER, article préc. p. 267.

     [621] H. GAUDEMET-TALLON, note préc. et B. AUDIT, obs. préc.

     [622] A. SINAY-CYTERMANN, La protection du travail en droit international du travail, in Le droit collectif du travail, études en hommage à Mme  le Professeur Hélène Sinay, Peter Lang, 1994, p. 314 et spéc. p. 320. Adde P. MAYER, article préc.

     [623] A. SINAY-CYTERMANN, article préc.

     [624] in Les clauses relatives à la compétence internationale, insérées dans les contrats de travail, article préc.

     [625] Article préc., p. 269.

     [626] Ibid., p. 271.

     [627] Ibid.

     [628] Ibid.

     [629] Ibid., p. 271 et 272.

     [630] Ibid., p. 272.

     [631] Ibid., p. 273.

     [632] Ibid. Contra A. SINAY-CYTERMANN (article préc., p. 328 et 329) qui estime, dans le cas d'un travail en établissement à l'étranger et d'un employeur établi en France, que la clause désignant une juridiction étrangère doit être considérée comme nulle, même s'il s'agit d'un salarié de ce pays. La raison en est que le texte de l'article R. 517-1, alinéa 3, du Code du travail ne mentionne pas s'il faut prendre en compte le nationalité du salarié ou l'État de son domicile pour déterminer sa provenance. “ Or autant il est facile en droit international d'adapter les textes de droit interne, autant il est difficile de créer ex nihilo des distinctions inconnues du droit interne ” (ibid., p. 329). Cette objection surprend dans la mesure où Mme SINAY-CYTERMANN approuve M. MAYER lorsque ce dernier considère qu'en cas de travail effectué hors établissement, la clause désignant une juridiction étrangère est valable lorsque l'employeur est établi à l'étranger et nulle lorsqu'il est établi en France (ibid.). Or, il s'agit bien là d'une distinction que l'article R. 517-1, alinéa 2, du Code du travail ne connaît pas. On ne voit donc pas pourquoi, lorsque l'employeur est établi en France, il ne serait pas possible de distinguer selon que le salarié est domicilié en France ou à l'étranger pour invalider ou valider la clause d'élection de for. Au surplus, on serait tenté d'ajouter que l'adaptation d'une règle de compétence territoriale interne à l'ordre international s'accompagne inévitablement de la création d'une distinction que la règle transposée ne connaît pas.

     [633] P. Mayer, article préc., p. 274.

     [634] Cf. supra, n° 101.

     [635] Cass. 1re civ., 17 décembre 1985, préc.

     [636] Cf. P. MAYER, Précis, 4e éd., n° 301 ; B. AUDIT, n°  390 et D. HOLLEAUX, J. FOYER et G. DE GEOUFFRE DE LA PRADELLE, n° 800.

     [637] Article préc., p. 280.

     [638] Ibid.

     [639] Ibid., p. 278, note n° 3.

     [640] Ibid.

     [641] Cf. infra, nos 343 et s..

     [642]  Cass. soc., 30 janvier 1991, Bull. civ. V, n° 41 ; Rev. jurispr. soc. 1991, p. 625, chronique J. DÉPREZ, p. 618 et spéc. nos 13 et s. ; Petites affiches 1993, n° 13, p. 12, note J.- G. MAHINGA. Rapp. Cass. soc., 22 avril 1992, D. 1992, IR p. 169 ; JCP 1992, IV, n° 1864, qui ne va pas écarter l'application de la clause désignant une juridiction étrangère insérée dans un contrat de travail formé entre un salarié français et une société de droit étranger pour être exécuté à l'étranger parce qu'elle serait illicite mais parce que le litige dont est saisi la juridiction française n'entre pas dans le champ d'application de cette clause.

     [643] Cf. supra, n° 202.

     [644] Cf. J. DÉPREZ, article préc., spéc. n° 17.

     [645] F. LECLERC, thèse préc., n° 4.

     [646] H. SYNVET, La situation née du départ du salarié, aspects de droit international privé, Dr. soc. 1991, p. 836, spéc. n° 18.

     [647] Cf. not. G. LYON-CAEN, J. PELISSIER et A. SUPIOT, Droit du travail, 19e éd., Dalloz, 1998, n° 27 et G. COUTURIER, Droit du travail, 1, les relations de travail, 2e éd., P.U.F., Coll. Droit fondamental, 1994, nos 48.

     [648] G. LYON-CAEN, Quand cesse-t-on d'être un salarié ?, D. 1977, Chron. p. 109.

     [649] G. COUTURIER, n° 48.

     [650] G. LYON-CAEN, J. PELISSIER et A. SUPIOT, op. cit.

     [651] F. LECLERC, thèse préc., n° 544.

     [652] F. LECLERC, ibid., et les réf. cit.

     [653] H. GAUDEMET-TALLON, La loi applicable au contrat de travail, Cah. dr. entrepr. 1986, n° 4, p. 4. Adde F. LECLERC, thèse préc., n° 544.

     [654] F. LECLERC, thèse préc., n° 545.

     [655] J. VINCENT, article préc., spéc. p. 613.

     [656] H. GAUDEMET-TALLON, note sous Cass. soc., 8 juillet 1985, préc. et P. MAYER, article préc., p. 272.

     [657] Cf. supra, n° 182.

     [658] A. SINAY-CYTERMANN, article préc., p. 329 et 330.

     [659] A. VALLAT-SIBLINI, L'emploi international, recherches sur la mobilité des salariés en droit international privé, thèse 3e cycle, Paris X, 1985, p. 190.

     [660] Note préc., spéc. p. 93.

     [661] Cf. supra, n° 64, et les réf. cit. note 48.

     [662] Cf. J. VINCENT et S. GUINCHARD, nos 52 et s. et M. BANDRAC, article préc.

     [663] “ Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice ”.

     [664] Sur cette évolution, cf. M.- A. FRISON-ROCHE, Principes et intendance dans l'accès au droit et l'accès à la justice, JCP 1997, I, n° 4051.

     [665] Incidemment, la qualification de droit reconnue à l'accès à un tribunal rejaillit sur la notion d'action en justice. On rappellera que l'article 30 du nouveau Code de procédure civile définit l'action comme un droit subjectif dont le sujet passif est le juge. Cette définition, qui est l'œuvre de MOTULSKY (Le droit subjectif et l'action et justice, Arch. phil. dr. 1964, p. 215, reproduit in Écrits, Études et notes de procédure civile, Dalloz, 1973, p. 85) envisage l'action comme étant le droit, pour le demandeur, d'être entendu sur le fond d'une prétention afin que le juge la dise bien ou mal fondée et comme étant le droit, pour le défendeur, de discuter le bien fondé de  cette prétention. Si certains auteurs estiment qu'il est fondé d'apprécier l'action comme un droit subjectif, voire comme un droit subjectif autonome, c'est-à-dire processuel et qui existerait à coté du droit subjectif substantiel (L. CADIET, n° 669), d'autres ont discuté le fait même que l'action puisse être qualifiée de droit (G. WIEDERKHER,La  notion d'action en justice, in Mélanges offerts à Pierre Hébraud, Univ. sc. soc. Toulouse, 1981, p. 949). Pour certains, l'action serait le présupposé de la règle déterminant les conditions d'efficacité des demandes et des défenses, ce qui rend inexact et inutile d'en faire un droit (J. HÉRON, nos 36 et s.). D'autres estiment que l'action en justice serait un pouvoir légal de s'adresser à la justice pour obtenir le respect de la loi  (J. VINCENT et S. GUINCHARD, n° 70).

     L'évolution du droit constitutionnel et du droit international et leur influence sur le droit processuel incitent pourtant à se demander si les termes de cette controverse ne sont pas modifiés. Ainsi que l'écrit Mme BANDRAC, “ il importe assez peu que la situation objective dans laquelle se trouve celui qui, en présence d'un intérêt actuel, une fois le litige né, remplit les conditions nécessaires pour que sa prétention puisse être déduite en justice sous le forme d'une demande recevable soit ou non qualifiée de droit subjectif. Le point important est de savoir si les conditions qui font naître une telle situation sont ou non l'expression d'une liberté d'agir en justice qui pourrait être comparée, en tant que liberté fondamentale, à d'autres libertés de même sorte ” (L'action en justice, droit fondamental, in Nouveaux juges, nouveaux   pouvoirs ? Mélanges en l'honneur de Roger Perrot, Dalloz, 1996, p. 1, spéc. n° 2). La démarche de Mme BANDRAC vise à justifier l'accès du droit d'agir en justice qu'elle définit comme le droit d'obtenir un jugement sur le fond d'une prétention (Ibid., n° 5) au statut de droit fondamental. De notre point de vue, ce n'est pas l'action en justice qui est, en soi, un droit fondamental, mais le droit d'accès à la justice dans lequel l'action s'intègre. En effet, la reconnaissance du caractère juridique de l'accès à la justice exprime une perception nouvelle de l'action en justice. Certes naguère, en réaction à la thèse des auteurs classiques qui voyaient dans l'action en justice un droit subjectif mis en mouvement (Cf. infra, n° 320 et les réf. cit.), certains auteurs avaient soutenu que la notion d'action devait s'entendre comme le pouvoir “ impersonnel, abstrait et permanent ” (H. VIZIOZ, Étude de procédure, éd. Brière, Bordeaux, 1956, p. 147) de s'adresser aux tribunaux. MOTULSKY mit en évidence la confusion sur laquelle elle reposait. Le pouvoir de s'adresser à un tribunal n'est rien d'autre que l'accès aux tribunaux, c'est-à-dire “ une liberté générale offerte à tous […] ; mais il ne s'agit pas de l'action en justice, qui exige de l'appareil juridictionnel plus que le principe d'une mise en marche ” (H. MOTULSKY, article préc., spéc. p.95). Cette perception des rapports entre l'accès et l'action nous semble devoir être revue. Tout d'abord parce que l'accès est désormais un droit, mais surtout parce que ce droit d'accès doit être effectif (cf. infra, n° 227). Or, ce droit d'accès serait privé d'effectivité s'il ne correspondait à aucune action en justice. Revendiquer sa propriété n'a de sens que si l'action en revendication existe. Garantir une saisine effective du juge n'aurait aucune concrétude si le plaideur ne pouvait obtenir de ce juge la réalisation du droit substantiel dont il s'estime titulaire. En ce sens, l'action en justice n'est pas le prolongement du droit d'accès à la justice mais bel et bien l'un de ses éléments. Il ne s'agit pas ici, comme les auteurs classiques, de confondre l'accès et l'action mais d'affirmer que l'action est une notion qui s'intègre dans celle d'accès qui elle même s'intègre dans le concept plus général de “ droit à un tribunal ” (rapp. R. Martin, Un Virus dans le système des défenses du nouveau Code de procédure civile : le droit d'action, Rev. gén. procéd. 1998, p. 419, spéc. p. 423 et 424).

     Le droit d'accès à la justice implique-t-il l'obligation pour le juge de rendre une décision ? La CEDH, après avoir consacré le droit d'accès à la justice, a précisé que “ la Cour n'a pas à rechercher en l'espèce si, et dans quelle mesure, l'article 6§1, exige en outre une décision sur le fond même de la contestation ” (CEDH, 21 février 1975, Golder c/ Royaume-Uni, Série A, vol. 18). Ce à quoi l'on a répondu que le droit de saisir un juge implique nécessairement celui d'obtenir un jugement sur le fond, “ les garanties relatives au tribunal et à la procédure exigées par l'article 6 seraient privées de fondement si elles n'étaient pas destinées à conduire dans les meilleures conditions à un jugement sur le fond de la meilleur qualité possible ” (M. BANDRAC, article préc.). Ces propos nous semblent devoir être nuancés. Le droit d'accès à tribunal implique à l'évidence que le juge rende une décision mais cette proposition doit être précisée. En effet, si l'accès à un tribunal implique nécessairement l'existence d'une action en justice, sans quoi le droit d'accès à la justice serait dépourvu d'effectivité, il se peut que les conditions de cette action ne soient pas réunies. Dans ce cas, le juge ne rendra pas un jugement sur le fond mais un jugement d'irrecevabilité. Le droit d'accès à la justice implique par conséquent l'obligation, pour le juge, de prononcer un jugement mais pas forcément sur le fond de la prétention.

     [666] Cf. not. P. MAYER, La Convention européenne des droits de l'homme et l'application des normes étrangères, Rev. crit. DIP 1991, p. 651 ; D. BUREAU, thèse préc., nos 743 et s. ; P. HAMMJE, La contribution des principes généraux du droit à la formation du droit international privé, thèse Paris I, 1994 et Droit fondamentaux et ordre public, Rev. crit. DIP 1997, p. 1 ; Y. LEQUETTE, note sous CA Paris, 14 juin 1994, Rev. crit. DIP 1995, p. 308 et H. MUIR WATT, Les principes généraux en droit international privé français, JDI 1997, p. 403.

     [667] Ce second aspect a suscité d'importantes discussions. La doctrine, en effet, s'est interrogée sur l'admission de ce principe et s'est notamment demandée s'il ne revenait pas à  imposer à l'ordre juridique étranger le respect d'une norme fondamental du for. On a depuis montré (P. MAYER, article préc., p. 651, spéc. p. 656) qu'il ne s'agissait pas d'imposer en l'occurrence à l'ordre juridique étranger des principes qui lui sont extérieurs mais de vérifier si l'application du droit étranger ne conduisait pas à un résultat en contradiction avec les normes fondamentales du for. “ Ce n'est donc pas la norme abstraite étrangère que l'on confronte à ces principes, mais le résultat concret auquel aboutirait sa mise en œuvre par le juge du for, résultat créé sur le territoire du for  (P. HAMMJE, article préc., spéc. p.4).

     [668] Expression empruntée à P. HAMMJE, thèse préc., n° 540.

     [669] Ibid.

     [670] Cf. not. G. COHEN-JONATHAN, Répertoire de procédure civile Dalloz, vis Convention européenne des droits de l'homme et procédure civile, 1993. Adde S. Guinchard, L'influence de la Convention européenne des droits de l'homme et de la jurisprudence de la Cour européenne sur la Procédure civile, Les petites affiches 1999, n° 72, p. 4.

     [671] H. MUIR WATT, Répertoire de procédure civile Dalloz, vis Droit international et procédure civile, 1995.

     [672] Cass. 1re civ., 10 juillet 1990, Rev. crit. DIP 1991, p. 757.

     [673] Cf. P. MAYER, La Convention européenne des droits de l'homme et l'application des normes étrangères, Rev. crit. DIP 1991, p.651. Adde  H. MUIR WATT, op. cit. et Justices 1996, n° 4, p. 333. Contra J. VELU et R. ERGEC, La Convention européenne des droits de l'homme, Bruylant, Bruxelles, 1990, n° 416.

     [674] cf Cass. 1re civ., 1er juin 1994, Rev. crit. DIP 1995, p. 103, note J. DÉPREZ ; 31 janvier 1995, ibid., p. 569, note  J. DÉPREZ et 11 mars 1997, D. 1997, p 400, note M.- L. NIBOYET. Dans ces affaires, la Cour de cassation va faire prévaloir l'article 5 du protocole additionnel de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme sur la Convention franco-marocaine pour refuser la reconnaissance en France des répudiations marocaines. Outre que ce refus de reconnaissance se fonde sur les exigences de la Convention, ces décisions abordent l'épineuse question du conflit de Conventions internationales. Adde M.- L. Niboyet- Hoegy, La mise en œuvre du droit international privé conventionnel (incidence du droit des traités sur les pouvoirs du juge national), in Nouveaux juges, nouveaux pouvoirs ? Mélanges en l'honneur de Roger Perrot, Dalloz, 1996, p.313, spéc. p.324 et s.

     [675] Cf. not. D. COHEN, La Convention européenne des droits de l'homme et le droit international privé français, Rev. crit. DIP 1989, p. 451 ; H. GAUDEMET-TALLON, La désunion du couple en droit international privé, Rec. cours La  Haye 1991, t. I, p. 60 et P. HAMMJE, thèse préc., nos 677 et s.

     [676] P. SCHLOSSER, Jurisdiction in international Litigation. The Issue of Human Rights in Relation to National Law and the Brussels Convention, Rivista di diritto internazionale, vol. LXXIV, 1991, p. 5-34 et Einschränkung des Vermögensgerichtsstandes, Praxis des internationalen Privat- und Verfahrensrecht (IPRax), 1992, P. 140-143 et le commentaire de ces articles par P. LAGARDE  in Rev. crit. DIP 1992, p. 627.

     [677] H. MUIR WATT, op. cit., n° 19.

     [678] Cf. H. BATIFFOL et P. LAGARDE, t. 2, n° 674-1 ; B. AUDIT, n° 348 ; P. MAYER, n° 288 ; Y. LOUSSOUARN et P. BOUREL, n° 452 et D. HOLLEAUX, J. FOYER et G. DE GEOUFFRE DE LA PRADELLE, n° 726.

     [679] Comm. EDH , déc. du 13 mai 1976, req. n° 6200/73, Digest of Strasbourg case-law relating to the Europeen Convention on Humain rights, Conseil de l'Europe, Cologne, 1984 (6 vol.), vol. 2, p. 269.

     [680] “ The right given by that Article to a fair hearing by an impartial tribunal, confers no right on a person to select the particular tribunal by which his case will be heard ” (ibid.)

     [681] “ Assuming that, in certain cases, a problem concerning the jurisdiction and the criteria on which it may be based must be considered for the application of Article 6 of the Convention, one must recognise in the present case that the fact that the applicant's daughter lives with her mother in the United Kingdom, added to her mother's British nationality, constitutes for the jurisdiction of the British courts a sufficient link according to general principles of international law ” (ibid.). La décision de la Commission ajoute : “ an examination by the Commission of this complaint as it has been submitted, including an examination made ex officio, does not therefore disclose any appearance of violation of the rights and freedoms set out in the Convention and in particular in the above Article ” (ibid., ce que nous traduirons par : l'examen par la Commission de la requête telle qu'elle a été présentée, incluant un examen effectué ex officio, ne révèle donc pas une quelconque apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention et en particulier dans l'article précité).

     [682] Ouvrage préc., n° 452.

     [683] CEDH, 24 avril 1990 (2 arrêts), Série A, nos 176-A et 176-B.

     [684] CEDH, 25 mars 1992, Série A, n° 232-C .

     [685] CEDH, 13 juin 1979, Série A, vol. 31.

     [686] Ibid., n° 450.

     [687] CEDH, 23 octobre 1985, Série A, vol. 97. Cf. égal. L. VELU et R. ERGEC, ouvrage préc., n° 412 et les réf. cit. ; G. COHEN-JONATHAN, op. cit., nos 36 et s. et les réf. cit. et J. Cl. SOYER et M. DE SALVIA, Article 6, in La Convention européenne des droits de l'homme, Commentaire article par article, sous la dir. de L. E. PETTITI, E. DECAUX et P. H. IMBERT, Économica,1995, p. 249

     [688] Cf. not. L. VELU et R. ERGEC, ouvrage préc., nos 417 et s. et les réf. cit. et G. COHEN-JONATHAN, op. cit., nos 43 et s. et les réf. cit. et J. Cl. SOYER et M. DE SALVIA, p. 240 et s.

     [689] Cf. CEDH, 30 novembre 1987, Série A, n° 127, à propos de la réinscription au Barreau qui fut qualifiée de “ droit ” par la Cour à l'inverse de l'interprétation du Gouvernement belge qui n'y voyait qu'un pouvoir discrétionnaire des Conseils de l'Ordre des Avocats.

     [690] CEDH, 16 juillet 1971, série A, n° 13 et 28 juin 1978, Série A, n° 27. Sur le caractère de droit civil des droits et obligations, cf. not. L. VELU et R. ERGEC, ouvrage préc., nos 419 et s. et les réf. cit. et G. COHEN-JONATHAN, op. cit., nos 46 et s. et les réf. cit.

     [691] Cf. not. J. -F. FLAUSS, L'application de la Convention européenne des droits de l'homme aux procédures arbitrales, Gaz. Pal. 1986, 2, Doctr. p. 407 et La Convention européenne des droits de l'homme : une nouvelle interlocutrice pour le juriste d'affaire, Rev. jurispr. dr. aff. 1995, p. 524, spéc. n° 26 ; Ch. JARROSSON, L'arbitrage et la Convention européenne des droits de l'homme, Rev. arb. 1989, p. 573 et F. MATSCHER, article préc., p. 281.

     [692] Comm. EDH, Avis du 12 décembre 1983, Bramelid et Malmström c/ Suède, Décisions et rapports, n° 38, p. 18 ; Ann. fr. dr. internat. 1985, p. 427, obs. J.-P. JACQUÉ et G. COHEN-JONATHAN et CEDH, 8 juillet 1986, Lightgow et autre c/ Royaume-Unis, Série A, vol.102. Adde  J. -F. FLAUSS, op. cit. et Ch. JARROSSON, op. cit., spéc. nos 22 et s.

     [693] Cf. supra, n° III.

     [694] Ch. JARROSSON, article préc.

     [695] Ibid.

     [696] G. COHEN-JONATHAN, Convention européenne des droits de l'homme et procédure civile, préc., spéc. n° 67 (in fine) ;  J. -F. FLAUSS, La Convention européenne des droits de l'homme : une nouvelle interlocutrice pour le juriste d'affaire, préc. spéc. n°  26. Bien évidement, ces garanties devront être appréciées en fonction de la spécificité de l'arbitrage, le principe de la publicité des débats pouvant notamment être écarté.

     [697] Ch. JARROSSON, article préc., spéc. n° 39.

     [698] Sur cette élaboration du droit d'accès à un tribunal, cf. not. Cf. not. L. VELU et R. ERGEC, ouvrage préc., nos 449 et s. ; G. COHEN-JONATHAN, op. cit., nos 74 et s. et J. Cl. SOYER et M. DE SALVIA, p. 257 et s.

     [699] L. VELU et R. ERGEC, ouvrage préc., n° 346.

     [700] Ibid., nos 126, 127 et 346.

     [701] CEDH, 21 février 1975, Série A, vol. 18.

     [702] Ibid., §36.

     [703] CEDH, 9 octobre 1979, Série A, vol. 32.

     [704] Ibid., §24.

     [705] Ibid., §26 et CEDH, 21 février 1975, préc., §25.

     [706] Ibid., §25.

     [707] CEDH, 25 mai 1985, Série A, vol. 93.

     [708] Ibid., §32.

     [709] CEDH, 16 décembre 1992, Geouffre de La Pradelle c/ France, Série A, vol. 253-B ; D. 1993, p. 561, note F. BENOIT-ROHMER. Il s'agissait en l'occurrence de la procédure permettant d'attaquer le décret de classement d'un site.

     [710] F. MATSCHER, Article 6 (suite), L'arbitrage et la Convention, in La Convention européenne des droits de l'homme, Commentaire article par article, L. E. PETTITI, E. DECAUX et P. H. IMBERT, Économica, 1995, p. 281.

     [711] Cass. 1re civ., 16 mars 1999, JDI 1999, p. 773, note A. Huet. En l'espèce, la Cour de cassation refuse en se fondant sur l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme de faire bénéficier deux décisions britanniques des règles simplifiées d'exequatur de la Convention de Bruxelles. Ces décisions avaient imposé le paiement d'une caution judiciaire de 25 000 £ pour garantir le paiement des frais et dépens des défendeurs pour le cas où l'action serait rejetée. Cette caution judicatum solvi n'avait pas été versée par le demandeur qui fut débouté et condamné à payer les frais du défenseur.

     [712] A. SINAY-CYTERMANN, thèse préc., n° 108.

     [713] Cf. supra, n° 136.

     [714] Cf. supra, n° 133.

     [715] Sur ces principes, cf. Nguyen Quoc Dinh (†), P. Daillier et A. Pellet, Droit international public, 6e éd., L.G.D.J., 1998, nos 175 et s. ; H. Batiffol (†) et P. Lagarde, t. 1, n° 40 et B. Audit, nos 60 et 61. À propos de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, cf. M.- L. Niboyet-Hoegy, article préc., spéc. p. 328.

     [716] B. Audit, n° 61.

     [717] Cf. p. ex. F. Sudre, Droit international et européen des droits de l'homme, Coll. Droit fondamental, P.U.F., 3e éd., 1997, nos 71bis, 94 et les réf. cit.

     [718] H. GAUDEMET-TALLON, ouvrage préc., n° 3.

     [719] M.-L. NIBOYET, note préc. et les réf. cit.

     [720] CJCE, 19 janvier 1993, préc., motif n° 18.

        [721] Ph. THÉRY, thèse préc., n° 472.

     [722] J.- P. NIBOYET, Traité de droit international privé, t. 6, vol. 1, Sirey, 1949, nos 1718 et 1837 ; adde R. SAVATIER, Cours de droit internatinal privé, 2e éd., 1953, n° 257.

     [723] A. HUET, J.-Cl. Droit international, Fasc. 581-21, n° 6 et A. SINAY-CYTERMANN, thèse préc., n° 194.

     [724] Ph. THÉRY, thèse préc., n° 576.

     [725] Cf. not. J.- P. NIBOYET, op. cit. ; H. MOTULSKY, note sous CA Colmar, 9 novembre 1949, Rev. crit. DIP 1950, p. 65 ; P. HÉBRAUD, De la corrélation entre la loi applicable à un litige et le juge compétent pour en connaître, Rev. crit. DIP 1968, p. 205 ; D. HOLLEAUX, thèse préc., n° 282 ; D. MAYER, Rapports de la compétence judiciaire et de la compétence législative dans le droit international privé de la famille, thèse Paris, 1972, nos 44 et 90 et s. ; Y. LEQUETTE, Protection familiale et protection étatique des incapables, Bibl. dr. int. priv., vol. 20, préface H. Batiffol, Dalloz, 1976, nos 338 et s. et 368 et É. Pataut, thèse préc., nos 196 et s.

     [726] Cf. not. M. DE JUGLARD, La clause attributive de compétence dans le transport maritime, JCP 1955, I, n° 1242 et spéc. n° 8 ; H. GAUDEMET-TALLON, thèse préc., n° 350 ; D. HOLLEAUX, ibid. ; B. ANCEL et Y. LEQUETTE, n° 69-8 ; M. RÈMOND-GOUILLOD, Des clauses de connaissements maritimes attribuant compétence à une juridiction étrangère : essai de démystification, Dr. mar. fr. 1995, p. 339 et spéc. p. 350.

     [727] Grands arrêts jurispr. fr. DIP, n° 69-9.

     [728] Ibid., n° 69-10.

     [729] Cf. not. CA Paris, 1er mars 1983, Dr. mar. fr. 1983, p. 550 ; CA Rouen, 5 juillet 1984, Dr. mar. fr. 1985, p. 557, CA Aix-en-Provence, 29 avril 1990, Dr. mar. fr. 1991, p. 105, obs. P. BONASSIES ; CA Aix-en-Provence, 2 décembre 1992, Dr. mar. fr. 1994, p. 170, obs. P. BONASSIES ; CA Aix-en-Provence, 28 octobre 1993, Dr. mar. fr. 1994, p. 170, obs. P. BONASSIES.

     [730] Chambre des Lords, 25 novembre 1982, cité par R. ACHARD in Dr. mar. fr. 1993, p. 726 et Cass. Belgique, 2 février 1979, JDI 1984, p. 399, adde J. PUTZEYS, Le nationalisme dans le droit international, in Études offertes à René Rodière, Dalloz, 1981, p. 473 et spéc. p. 477.

     [731] Cf. Cass. com., 10 mars 1987, JCP 1987, IV, p. 175, qui réaffirme la licéité des clauses désignant une juridiction étrangère pour l'exécution d'un contrat international de transport maritime sans limiter ce choix par l'incidence qu'il pourrait entraîner sur la loi applicable au fond.

     [732] Cass. ass. plén., 14 octobre 1977, Rev. crit. DIP 1978, p.166, note H. BATIFFOL ; JDI 1978, p. 305, note critique G. LYON-CAEN ; D. 1978, p. 417, note P. LAGARDE. Cette solution avait déjà été adoptée par certaines juridictions inférieures, cf. déjà CA Paris, 8 janvier 1969, Gaz. Pal. 1969, 1, p. 149 ; adde T. BUHAGIAR, De la juridiction compétente pour connaître d'un litige entre un salarié français et son employeur étranger en application de la Convention franco-suisse du 15 juin 1869, Gaz. Pal. 1969, Doct. p. 140.

     [733]  H. BATIFFOL et P. LAGARDE, t. 2, n° 674-1.

     [734] Cf. not. H. BATIFFOL et P. LAGARDE, op. et loc. cit. ; B. AUDIT, n° 345 ; P. MAYER, n° 311 ; H. BAUER, thèse préc., n° 107 ; H. GAUDEMET-TALLON, Réflexions comparatives sur certaines tendances nouvelles en matière de compétence internationale des juges et des arbitres, Mélanges dédiés à Gabriel Marty, Univ. sc. soc. Toulouse, 1978, p. 552 et Nationalisme et compétence judiciaire, Trav. comité fr. DIP 1987-1988, p. 171 et spéc. p. 181 ; A. SINAY-CYTERMANN, thèse préc., nos 169 et s. ; Ph. THÉRY, thèse préc., nos 576 et s. ; A. HUET, J.-Cl. Droit international, Fasc. 581-21, n° 76 et N. Coipel-Cordonnier, thèse préc., n° 63.Contra É. Pataut, thèse préc.

     [735] Thèse préc., nos 169 et s.

     [736] Ibid., nos 169 et s. Cet argument n'est pas le plus décisif si l'on considère que “ l'absence de définition rigide d'une loi de police [n'empêche] pas  nécessairement d'obtenir un concept qui soit à la fois opératoire et distinct de l'ordre public, à condition de s'en tenir à une conception restrictive de la loi de police ” (É. Pataut, thèse préc., n° 263).

     [737] Ibid., n° 199 et s. et A. HUET, op. cit.

     [738] H. BATIFFOL et P. LAGARDE, t. 2, n° 674-1

     [739] Ibid.

     [740] Thèse préc., nos 200 et s. Contra É. Pataut, qui considère qu'il n'existe “ aucun impératif permettant de lier rigidement applicabilité d'une loi de police étrangère et incompétence des tribunaux français s'il est par ailleurs possible d'identifier d'autres éléments de rattachement pertinents permettant de justifier une compétence française ” (thèse préc., n° 268). Cette objection ne vaut que si l'on considère, avec l'auteur, que la compétence française fondée sur l'applicabilité d'une loi de police ne présente pas un caractère indirectement exclusif (ibid., n° 269). La compétence d'une juridiction étrangère ne sera pas ainsi rejetée en son principe au motif qu'une loi de police française serait applicable.

     [741] En ce sens, A. HUET, J.-Cl. droit international, Fasc. 581-41, n° 65.

     [742] H. GAUDEMET-TALLON, Réflexions comparatives sur certaines tendances nouvelles en matière de compétence internationale des juges et des arbitres, préc. p. 552.

     [743] É. Pataut, thèse préc., n° 353.

     [744] Thèse préc., nos 269 et 270.

     [745] Rev. crit. DIP 1997, p. 126. Sur cette directive, v. M.- A. Moreau, Le détachement des travailleurs effectuant une prestation de services dans l'Union européenne, JDI 1996, p. 889.

     [746] Thèse préc., n° 282.

     [747] Ibid.

     [748] Ibid., n° 283.

     [749] Ibid., n° 286.

     [750] Ibid., n° 269.

     [751] Cf. not. P. MAYER, n° 389 et J. FOYER, D. HOLLEAUX et G. DE GEOUFFRE DE LA PRADELLE, n° 971. Pour un renouveau de ce contrôle, cf. É. Pataut, thèse préc., nos 573 et s.

     [752] En ce sens, cf. H. GAUDEMET-TALLON, note sous Cass. 1re civ., 17 décembre 1985, préc., spéc. p. 545 ; A. HUET, J.-Cl. Droit international, Fasc. 581-41, n° 22 ; P. MAYER, n° 304 et B. ANCEL et Y. LEQUETTE, n° 69-8 ; Y. Loussouarn et P. Bourel, n° 454 et D. Holleaux, J. Foyer et G. de Geouffre de La Pradelle, n° 800.

     [753] Op. cit.

     [754] Cf. P. Gannagé, La pénétration de l'autonomie de la volonté dans le droit international privé de la famille, Rev. crit. DIP 1992, p. 425 et Th. Vignal, La part de la volonté dans les règles de conflit de lois hors des contrats, thèse Paris II, 1993

     [755] Note sous Cass. 1re civ., 17 décembre 1985, préc., spéc. p. 545 et v° Compétence civile et commerciale in Encyclopédie Dalloz Droit International, 1998, n° 77.

     [756] En ce sens, H. GAUDEMET-TALLON, thèse préc., n° 337 et A. SINAY-CYTERMANN, thèse préc., nos 133 et s.

     [757] A. SINAY-CYTERMANN, thèse préc., n° 134 et les réf. cit.

     [758] Ibid., n°135.

     [759] Mme Gaudemet-Tallon estime ainsi qu'une renonciation aux articles 14 et 15 du Code civil antérieure au procès serait possible “ pourvu toutefois que le tribunal étranger au profit duquel la renonciation aurait lieu soit compétent au regard des règles de compétence judiciaire internationale ordinaires françaises et qu'il n'y ait pas eu de volonté frauduleuse de la part des époux ” (J-Cl. Droit international, Fasc. 547-10, n° 86). Il ne semble pas que le principe même d'une renonciation conventionnelle aux articles 14 et 15 du Code civile exige la réunion de ces conditions qui concernent davantage la reconnaissance en France de la décision de divorce rendue par le juge élu. Contra A. HUET, J.-Cl. Droit international, Fasc. 581-41, n° 22, qui estime que la clause d'élection de for devrait aussi être illicite lorsque l'action en divorce est fondée sur les articles 14 et 15 du Code civil. V. cependant CA Paris, 12 mars 1996, D. 1996, IR p.106, qui estime que la clause attributive de juridiction ne vaut pas renonciation aux  articles 14 et 15 du Code civil au motif qu'elle a été souscrite à une époque où l'épouse n'avait pas la nationalité française et alors qu'elle n'a jamais manifesté qu'elle acceptait la compétence des tribunaux libanais saisis par son époux.

     [760] Cass. 1re civ., 19 novembre 1985, Rev. crit. DIP 1986, p. 712, note Y. Lequette ; JDI 1986, p. 719, obs. A. Huet ; D. 1986, p. 362, note Prévault et IR p. 268, obs. B. Audit ; JCP 1987, II, 20810, note P. Courbe ; Grands arrêts jurispr. fr. DIP n° 68.

     [761] Précis, n° 388.

     [762] Cass. 1re civ., 6 février 1985, Rev. crit. DIP 1985, p. 369 et Chr. Ph. Francescakis p. 243 ; JDI 1985, p. 460, obs. A. Huet ; D. 1985, p. 469, note J. Massip et IR, p. 497, obs. B. Audit ; Grands arrêts jurispr. fr. DIP n° 68.

     [763] Cf. supra, n° 82.

     [764] A. SINAY-CYTERMANN, thèse préc., n° 152.

     [765] Ibid., n° 155.

     [766] Cass. 1re civ., 4 décembre 1990, Rev. crit. DIP 1991, p. 558, note M.-L. Niboyet-Hoegy ; JDI 1991, p. 371, note D. Bureau ; Grands arrêts jurispr. fr. DIP n° 73). Alors que l'arrêt Coveco parlait de “ matière où les parties ont la libre disposition de leurs droits ”, la jurisprudence postérieure ne parle plus de “ matière disponible ” ou de “ matière indisponible ” mais préfère parler de “ droit disponible ” (Cass. 1re civ., 11 juin 1996, Rev. crit. DIP 1997, p. 65, note P. Lagarde ; JDI 1996, p. 941, 2e espèce, note D. Bureau). Adde B. Fauvarque-Cosson, Libre disponibilité des droits et conflits de lois, Bibl. dr. priv., t. 272, préf. Y. Lequette, L.G.D.J., 1996, nos 60 et s.

     L'arrêt Coveco indiquait également que le juge était tenu d'appliquer d'office la règle de conflit issue d'une Convention internationale et ce même si les parties avaient la libre disposition de leurs droits. Ce critère est désormais abandonné (v. Cass. 1re civ., 26 mai 1999, Bull. civ. I, n° 172). Seul importe désormais le caractère disponible ou indisponible des droits litigieux .

     [767] Cass. 1re civ., 6 mai 1997, Rev. crit. DIP 1997, p. 514, note B. Fauvarque-Cosson ; JDI 1997, p. 804, note D. Bureau ; Grands arrêts jurispr. fr. DIP n° 78.

     [768] JCP 1998, III, n° 20009. Adde B. Sturlèse, Premiers commentaires sur un événement juridique : la signature de la Convention de Bruxelles 2 ou quand l'Europe se préoccupe des conflits familiaux, JCP 1998, I, n° 145.

     [769] En ce sens, cf. not. H. GAUDEMET-TALLON , note préc., p. 545, A. HUET, op. cit., n° 24 ; B. ANCEL et Y. LEQUETTE, n° 69-9 et A. SINAY-CYTERMANN, thèse préc., nos 127 et s.

     [770] P. Jénard, rapport préc., p. 35.

     [771] À ce sujet, cf. P. Lagarde, Les locations de vacances dans les conventions européennes de droit international privé, in Études offertes à Pierre Bellet, Litec, 1991, p. 281 et F. Boulanger, Tourisme et loisirs dans les droits privés européens, Économica, 1996.

     [772] Rapport préc., n° 164.

     [773] Rapport préc., p. 35.

     [774] CJCE, 15 janvier 1985, Rec. 1985, p. 99, concl. G. Slynn ; Rev. crit. DIP 1986, p. 135, note G. A. L. Droz ; JDI 1986, p. 439,obs. A. Huet.

     [775] A. Huet, note préc., p. 442-443, qui remarque néanmoins que certains droits étatiques comprennent des dispositions d'ordre public applicables à toutes les locations.

     [776] G. A. L. Droz, note préc., spéc. p. 139.

     [777] A. Huet, note préc., p. 444.

     [778] Article préc., n° 13.

     [779] CJCE, 26 février 1992, Rec. I, p. 1111, concl. M. Darmon ; D. 1992, p.454, note F. Osman ; JDI 1992, p. 505, obs. A. Huet ; Rev. crit. DIP 1993, p. 78, note G. A. L. Droz.

     [780] Cf. H. Gaudemet-Tallon, ouvrage préc., n° 447. L'article I ter du protocole n° 1 prévoit la possibilité pour les États de réserver la compétence exclusive des tribunaux lorsque l'immeuble est situé sur leur territoire en refusant de reconnaître la décision rendue dans l'État du domicile du défendeur (ibid., n° 448). Cette réserve s'explique par les craintes des États du sud de voir de nombreux procès portant sur les locations de vacances échapper à leur tribunaux . La France a fait cette réserve lors de la ratification de la Convention de Lugano.

     [781] É. Pataut, thèse préc., n° 389.

     [782] Cf. P. Lagarde, article préc., n° 17 et É. Pataut, ibid.

     [783] Thèse préc., n° 390.

     [784] Cf. supra, n° 138.

     [785] Cf. A. HUET, J.-Cl. Droit international, Fasc. 581-41, n° 23 et H. GAUDEMET-TALLON, Compétence civile et commerciale, préc., n° 78.

     [786] CJCE, 15 novembre 1983, Rec. 1983, p. 3663, concl. S. Rozès ; Rev. crit. DIP 1984, p. 361, note G. Bonet.

     [787] Cf. not. A. HUET, ibid. , n° 23 et H. GAUDEMET-TALLON, note sous Cass. 1re civ., 17 décembre 1985, préc., spéc. p. 545.

     [788] B. Audit, n° 544.

     [789] CJCE, 27 mars 1979, Rec. 1979, p. 1055, concl. Warner ; D. 1979, IR p. 457, obs. B.  Audit ; JDI 1979, p. 681, obs. A. Huet  ; Rev. crit. DIP 1980, p. 621, note G. A. L. Droz et 21 mai 1980, Rec. 1980, p. 1553, concl. Maynas ; Rev. crit. DIP 1980, p. 801, note E. Mezger ; JDI 1980, p. 939, obs. A. Huet ; D. 1981, IR p. 158, obs. B. Audit.

     [790] Judex Gladii (des juges et de la contrainte en territoire français), in Nouveaux juges, nouveaux pouvoirs ? Mélanges en l'honneur de Roger Perrot, Dalloz, 1996, p. 477. En faveur de l'intégration dans le champ d'application de l'article 16-5° de la Convention de Bruxelles des mesures provisoires, cf. V. Delaporte, Les mesures provisoires et conservatoires en droit international privé, Trav. comité fr. DIP 1987-1988, p. 147.

     [791] En faveur de cette compétence, cf. not. A. Huet, J.-Cl. Droit international, Fasc. 581-21, nos 32 et s. ; H. Gaudemet-Tallon, Compétence civile et commerciale, préc., n° 54. Contra, B. Audit, n°  343 et P. Mayer, n° 287.

     [792] En ce sens, P. de Vareilles-Sommières, La compétence internationale des tribunaux français en matière de mesures provisoires, Rev. crit. DIP 1996, p. 397, , n° 34.

     [793] H. Gaudemet-Tallon, ouvrage préc., n° 101. Adde  P. Gothot et D. Holleaux, ouvrage préc., n° 158 et P. de Vareilles-Sommières, ibid.

     [794] Ph. Théry, article préc., n° 29.

     [795] H. Gaudemet-Tallon, Compétence civile et commerciale, préc., n° 54. Ce qui n'est pas sans susciter certaines difficultés comme on a pu le constater à propos de la Convention de Bruxelles, v. supra, n° 266.

     [796] CJCE, 4 juillet 1985, Rec. 1985, p. 1055, concl. C. O. Lenz ; Rev. crit. DIP 1986, p. 142, note E. Mezger ; JDI 1986, p. 449, obs. A. Huet.

     [797] Cass. 1re civ., 6 novembre 1979, Rev. crit. DIP 1980, p. 588, note G. Couchez ; JDI 1980, p. 95, rapport A. Ponsard ; Grands arrêts jurispr. fr. DIP n° 59.

     [798] Cass. 1re civ., 11 février 1997, Bull. civ. I, n° 47 ;Grands arrêts jurispr. fr. DIP n° 60. V. déjà Cass. 1re civ., 17 janvier 1995, JCP 1995, II, n° 22340, note H. Muir Watt ; Rev. crit. DIP 1996, p. 133, note Y. Lequette. Au demeurant, le juge appelé a autoriser une saisie à titre conservatoire ne peut plus apprécier le principe même de la créance lorsque cette appréciation exige de trancher un conflit de lois (Cass. 1re civ., 16 avril 1996, RTD civ. 1996, p. 717, obs. R. Perrot ; Rev. crit. DIP 1997, p. 716, note P. de Vareilles-Sommières ; Justices 1997, n° 8, p. 175, obs. H. Muir Watt).

     [799] Cass. 1re civ., 18 novembre 1986, Rev. crit. DIP 1987, p. 773, note H. Muir Watt.

     [800] Cass. 1re civ., 17 décembre 1985, préc.

     [801] P. de Vareilles-Sommières, article préc., n° 33.

     [802] Sans doute peut-il ordonner une mesure d'instruction devant être exécutée sur le territoire d'un État étranger, ce qui probablement implique la nécessité d'utiliser une commission rogatoire internationale. Contra CA Versailles, 9 avril 1993, Rev. crit. DIP 1995, p. 80, note critique G. Couchez, qui a jugé que la commission rogatoire internationale n'est pas nécessaire lorsque la mesure d'ordre probatoire peut être accomplie librement et ne porte pas atteinte à la souveraineté de l'État.

     [803] Cass. 1re civ., 17 décembre 1985, préc.

     [804] Cf. A. Huet, J.-Cl. Droit international, Fasc. 581-21, nos 65 et s.

     [805] P. de Vareilles-Sommières, article préc., n° 38.

     [806] H. Gaudemet-Tallon, Compétence civile et commerciale, préc., n° 78.

     [807] A. Huet, J.-Cl. Droit international, Fasc. 581-41, n° 26.

     [808] P. Bruna et alii, Lamy Transport, t. 2, n° 1098.

        [809] Selon M. Mayer, les règles matérielles de droit international privé ne doivent pas se substituer aux règles de conflit de lois mais se combiner ensemble. “ Même s'il existe dans la loi du for une règle substantielle propre aux relations internationales, elle ne doit pas être systématiquement appliquée ; il faut d'abord s'assurer que le droit du for a compétence parce que la règle de conflit de lois le désigne ” (précis, n° 19. Rapp. H. Batiffol (†) et P. Lagarde, t.1, qui écrivent que  “ de telles dispositions [i.e les règles matérielles] présupposent cependant l'applicabilité de la loi de l'État où elles sont invoquées ”. Adde N. Coipel- Cordonnier, thèse préc., nos 166 et s.). Cette règle de conflit s'énoncerait en ces termes : “ en toute matière où existe une règle française propre aux relations internationales, cette règle doit être appliquée par le juge français à l'exclusion de toute règle étrangère ” (P. Mayer, n° 136). D'autres distinguent les règles matérielles “ dépendantes ” et “ indépendantes ” des règles de conflit de lois (cf. H. Bauer, Les traités et les règles de droit international privé matériel, Rev. crit. DIP 1966, p. 537 et F. Deby-Gérard, Le rôle de la règle de conflit dans le règlement des rapports internationaux, Bibl. dr. inter. priv., vol. 16, préf. B. Goldman, Dalloz, 1973, nos 156 et s.). Selon M. Bauer, la première catégorie regroupe  “ les cas où une loi interne — que ce soit la loi du for ou une loi étrangère — s'applique en vertu des règles de conflits, mais où elle retient des solutions particulières pour le cas de son application sur le plan international ” (article préc., p. 539). La seconde catégorie concerne les règles opérant un règlement direct des relations internationales indépendamment de la recherche de la loi applicable. D'autres auteurs considèrent en revanche que les règles matérielles de droit international privé s'appliquent directement. Ainsi pour Héron, la proposition de M. Mayer est discutable “ en ce qu'elle opère un regroupement inutile et quelque peu artificiel de ces règles ” ; selon lui, il semble “ plus réaliste de considérer qu'un champ d'application spatial est assigné à chaque règle et que par -à même se trouve écartée la règle de conflit ordinaire régissant la matière dans laquelle s'inscrit la règle substantielle, ce qui suffit à expliquer que tout juge français n'appliquera que la règle substantielle ” (L'application dans le temps des règles de conflit, Rev. crit. DIP 1987, p. 305, n° 35). Pour MM. Ancel et Lequette, l'arrêt Galakis, qui formule la règle de droit international privé matérielle écartant la prohibition de l'État à compromettre (cf. infra, n° 279), inviterait à formuler la distinction suivante. Il y aurait, d'une part, les relations internationales “ qui, participant à la vie sociale de plusieurs ordres internes, ne sont pas indépendantes des milieux nationaux que s'efforcent d'organiser les lois étatiques ” et pour qui “ les conflits de lois sont une réalité qu'il revient à la méthode conflictuelle de maîtriser ” et, d'autre part, les relations internationales qui “ se développent en dehors de ces ordres et sociétés étatiques ” et pour qui “ le conflit de lois n'existe pas car, en évoluant en dehors des ordres internes, elles n'engagent ni ne compromettent les intérêts réglés par les lois que chaque État se donne ” (Grands arrêts jurispr. fr. DIP, n° 44-12). Dans cette perspective, la détermination de la catégorie dans laquelle une relation internationale s'intègre serait fonction, d'après M. Bureau, de son critère d'internationalité. Au critère “ juridique ” correspondrait l'applicabilité des règles de conflits de lois, au critère d'internationalité “ économique ” correspondrait l'applicabilité des règles matérielles (Les sources informelles du droit dans les relations privées internationales, thèse Paris II, 1992, nos 1022 et s.)

        [810] Les règles matérielles de droit international privé ont été actualisées par FRANCESCAKIS qui les définit comme celles qui prévoient “ directement une réglementation spéciale, indépendante de toute loi interne de certaines institutions juridiques en raison même de leur caractère international ” (La théorie du renvoi et les conflits de système en droit international privé, Sirey, 1958, n° 12). Adde  not. B. GOLDMAN, Règles de conflit, règles d'application immédiate et règles matérielles dans l'arbitrage international, Trav. comité fr. DIP 1966-1969, p. 119 ; H. BATIFFOL, La pluralité des méthodes en droit international privé, Rec. cours La Haye 1973, t. 139, p. 79 et spéc. p. 107 ; Y. LOUSSOUARN, Cours général de droit international privé, Rec. cours La Haye 1973, t. 139, p. 275 et spéc. p. 291 ; M. SIMON DEPITRE, Les règles matérielles dans les conflits de lois, Rev. crit. DIP 1974, p. 591 ; B. OPPETIT, Le développement des règles matérielles, Trav. comité fr. DIP, Journée du cinquantenaire, 1988, p. 121. Adde égal. les ouvrages généraux, H. BATIFFOL (†) et P. LAGARDE, t.1, nos 250 et s. ; P. MAYER, nos 134 et s. ; Y LOUSSOUARN et P. BOUREL, nos 69 et s. ; D. HOLLEAUX, J. FOYER, G. DE GEOUFFRE DE LA PRADELLE, nos 689 et s.

     [811] Cf. not. en matière de vente internationale la Convention de La Haye de 1964, aujourd'hui remplacée par la Convention de Vienne des Nations Unies du 11 avril 1980.

     [812] S'il est exact que la règle de conflit à structure classique aboutit à la désignation d'une loi en l'absence de toute considération du résultat, ce qui est source d'incertitude et d'insécurité, on peut se demander si cette critique est vraiment fondée en matière contractuelle à partir du moment où les systèmes de conflit, pour la plupart, admettent la possibilité pour les parties de choisir la loi applicable à leur contrat. L'incertitude réapparait, il est vrai, en l'absence d'electio juris.

     [813] Cf. Y. LOUSSOUARN, cours préc., qui se demande “ s'il ne faut par rechercher derrière la prétendue crise des conflits de loi, conçue comme une crise méthodologique, une crise à la foi plus générale et plus profonde, celle du droit étatique… ” (p. 287). Adde Y LOUSSOUARN et P. BOUREL, n° 77 et Cl. FERRY, thèse préc., nos 9 et 108. Contra V. HEUZÉ, thèse préc., n° 187, note 35, pour qui le postulat selon lequel les besoins du commerce international ont leurs exigences propres traduit en fait la désapprobation que les solutions du droit positif inspirent à ceux qui les emploient. Si l'on considère que notre droit interne est insatisfaisant, s'agissant par exemple du régime de la garantie des vices cachés entre professionnels de spécialités différentes, l'on devrait également admettre qu'il l'est autant dans l'ordre interne que dans l'ordre international. L'argument ne manque pas de pertinence. Il existe cependant des cas où les besoins du commerce international justifient d'écarter certaines prohibitions de pur droit interne, comme celle qui interdisait à l'État de compromettre (cf. infra n° 279). Mais force est de constater, avec M. HEUZÉ, qu'il n'est pas toujours facile de discerner ces fameux “ besoins ” dont les contours sont bien imprécis.

     [814] Sur la lex mercatoria, cf. F. OSMAN, Les principes généraux de la lex mercatoria, Bibl. dr. priv., t. 224, préf. É. Loquin, L.G.D.J., 1992.

     [815] Sur l'ensemble de la question, cf. Ph. FRANCESCAKIS, Le principe jurisprudentiel de l'autonomie de l'accord compromissoire, Rev. arb. 1974, p. 67 ; P. MAYER, cours préc. et J.-P. ANCEL, L'actualité de l'autonomie de la clause compromissoire, Trav. comité fr. DIP 1991-1992/1992-1993, p. 77.

     [816] Cf. C. BLANCHIN, L'autonomie de la clause compromissoire : un modèle pour la clause attributive de juridiction ?, préc.

     [817] Cass., 10 juin 1843, S. 1983, 1, p. 562.

     [818] Cass. req., 21 juin 1904, D. 1906, p. 395.

     [819] Cass. civ., 19 février 1930 et 27 janvier 1931, S. 1933, I, p. 41, note J.-P. NIBOYET.

     [820] Cass. req., 8 janvier 1924, JDI 1924, p. 974.

     [821] Cass. civ., 19 février 1930, préc.

     [822] Cass. civ., 6 octobre 1953, S. 1954, I, p. 149, note J. ROBERT ; RTD civ. 1954, p. 142, obs. P. HÉBRAUD.

     [823] H. MOTULSKY, Menace sur l'arbitrage : la prétendue incompétence des arbitres en cas de contestation sur l'existence ou la validité d'une clause compromissoire, JCP 1954, I, 1194.

        [824] Cf. A. TOUBIANA, Le domaine de la loi du contrat en droit international privé (contrats internationaux et dirigisme étatique), Bibl. dr. internat. priv., Vol. 14, préf. H. Batiffol, Dalloz, 1972,  n° 67.

     [825] Cf. not. P. MAYER, cours préc., n° 110 et les réf. cit. Adde F.-E. KLEIN, Du caractère autonome de la clause compromissoire notamment en matière d'arbitrage international, Rev. crit. DIP 1961, p. 499 et E. MEZGER, Vers la consécration aux États-unis de l'autonomie de la clause compromissoire dans l'arbitrage international, Rev. crit. DIP 1968, p. 25. Sur la consécration aujourd'hui du principe d'autonomie par les droits étatiques et la jurisprudence arbitrale, cf. E. GAILLARD, J.-Cl. droit international, Fasc. 586-1, nos 14 et s. Pour le droit comparé, cf. égal. Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD et B. GOLDMAN (†),nos 498 et s. et C. BLANCHIN, mémoire préc., p. 19 et s.

     [826] Cass. 1re civ., 7 mai 1963, JCP 1963, II, 13405, note B. GOLDMAN ; JDI 1964, p. 82, note J.-D. BREDIN ; Rev. crit. DIP 1963, p. 615, note H. MOTULSKY ; D. 1963, p. 545, note J. ROBERT. Adde A. TOUBIANA, thèse préc., nos 66 et s. ; F. DEBY-GÉRARD, thèse préc., nos 133 et s. ; Ph. FRANCESCAKIS, article préc., J.-M. JACQUET, Principe d'autonomie et loi applicable au contrat, préf. J.-M. Bischoff, Économica, 1983, nos 50 et s. ; Cl. FERRY, thèse préc., nos 147, 191 et 209 et J.-P. ANCEL, comm. préc.

     [827] Cf. supra, nos 33 et s

     [828] Cette limite ne fut pas reprise par la suite abandonnée par la jurisprudence sans que l'on ait pu savoir ce qu'elle renfermait exactement.

     [829] H. MOTULSKY, note préc.

     [830] Cass. 1re civ., 14 avril 1964, D. 1964, p. 637, note J. ROBERT ; JDI 1965, p. 645, note B. GOLDMAN ; Rev. crit. DIP 1966, p. 68, note H. BATIFFOL.

     [831] Cass. 1re civ., 2 mai 1966, D. 1966, p. 575, note ROBERT ; JDI 1966, p. 648, note P. LEVEL ; Rev. crit. DIP 1967, p. 553, note B. GOLDMAN ; Grands arrêts jurispr. fr. DIP n° 45. Adde A. TOUBIANA, thèse préc., n° 71.

     [832] Cf. Grands arrêts jurispr. fr. DIP n° 45-9, et les auteurs cités.

     [833] L'arrêt Galakis concernait uniquement la capacité de l'État français à compromettre. Par deux arrêts faisant une application pour le moins extensive du principe d'autonomie, la Cour d'appel de Paris a étendu cette règle aux États étrangers dont la loi interdit à l'État de compromettre (CA Paris, 17 décembre 1991, Rev. arb. 1993, p. 281, note H. SYNVET ; CA Paris, 24 février 1994, RTD com. 1994, p. 254, obs. É. LOQUIN). D'un point de vue pratique, cette solution peut sembler justifiée. Si un État étranger, ou les collectivités se rattachant à lui, conclut une convention d'arbitrage alors que son droit interne le prohibe, il ne devrait pouvoir renier ses engagements en invoquant la violation de son propre droit qu'il lui appartient après tout d'appliquer. Cette circonstance ne devrait donc pas pouvoir être opposée à son cocontractant. Mais d'un point de vue théorique, on ne peut qu'être frappé par le fait que la règle matérielle décidant de l'aptitude de l'État étranger à compromettre est une règle française. Or, l'on voit mal comment le droit français aurait une quelconque compétence pour décider qu'un État étranger est à même de compromettre au mépris de son propre droit. Pour des raisons de droit international public, cette question relève de la compétence exclusive de cet État dont seule la législation peut décider s'il peut ou non compromettre (Cf. P. MAYER, Droit international privé et droit international public sous l'angle de la notion de compétence, préc., spéc. nos 54 et s. et La neutralisation du pouvoir normatif de l'État en matière de contrat d'État, JDI 1986, p. 5, n° 72). La méthode utilisée nous paraît en conséquence peut satisfaisante.

     [834] CA Paris, 19 juin 1970, Rev. crit. DIP 1971, p. 692, note P. LEVEL ; JDI 1971, p. 833, note B. OPPETIT ; JCP 1971, II, 16927, note B. GOLDMAN ; Rev. arb. 1972, p. 67, note Ph. FOUCHARD ; RTD com. 1971, p. 69, obs. BOITARD et p. 295, obs. Y. LOUSSOUARN et Cass. 1re civ., 4 juillet 1972, JDI 1972, p. 843, note B. OPPETIT ; RTD com. 1974, p. 419, obs. Y. LOUSSOUARN ; Rev. crit. DIP 1974, p. 82, note P. LEVEL ; Rev. arb. 1974, p. 89, note Ph. FOUCHARD ; Rec. gén. lois 1974, p. 409, note G. A. L. DROZ. Adde Ph. FRANCESCAKIS, article préc.., J.-M. JACQUET, thèse préc., nos 54 et s. ; Cl. FERRY, thèse préc., n° 104, Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD et B. GOLDMAN (†), n° 418.

     [835] Cf. H. MOTULSKY, note sous Cass. 1re civ., 7 mai 1963, préc.

     [836] Cass. civ., 21 juin 1950, D. 1951, p. 749, note HAMEL ; S. 1952, 1, p. 1, note J.-P. NIBOYET ; JCP 1950, II, 5812, note J.-Ph. LÉVY ; Rev. crit. DIP 1950, p. 609, note H. BATIFFOL ; Grands arrêts jurispr. fr. DIP n° 23.

     [837] Note sous Cass. 1re civ., 4 juillet 1972, préc.

     [838] Cf. not. B. GOLDMAN, note préc. et B. OPPETIT, note préc.

     [839] Article préc., nos 29 et 30. Contra J.-P. ANCEL, comm. préc., p. 82, pour qui le sens de la règle posée par l'arrêt Gosset et renforcée par l'arrêt Hecht est que “ la clause compromissoire échappe à la norme étatique ”.

     [840] J.-M. JACQUET, thèse préc., n° 58.

     [841] Ph. FRANCESCAKIS, article préc., n° 30

     [842] Pour des raisons liées à la délimitation du domaine de la loi et du domaine du règlement, le texte de 1981 ne traite pas directement de la validité de la clause compromissoire. Toutefois, dans la lettre du Garde des Sceaux accompagnant le projet de décret, il est indiqué que “ les dispositions nouvelles sur l'arbitrage international ne concernent que la procédure et ne remettent nullement en cause les principes maintenant bien établis par la jurisprudence de la Cour de cassation en ce qui concerne le régime juridique de l'arbitrage international : il en est ainsi notamment de la portée de la convention d'arbitrage au sujet de laquelle il a été jugé qu'il ne pouvait y être mis obstacle au motif que la convention principale serait nulle ” (cf. J.-P. ANCEL, comm. préc., p. 80, adde Ph. FOUCHARD, Spécificité de l'arbitrage international, Rev. arb. 1981, p. 449). On relèvera que les articles 1493 et 1494 du Nouveau Code de procédure civile, en parlant ouvertement de la convention d'arbitrage sans l'assortir de conditions de validité, confirment qu'elle est permise en matière internationale. Ajoutons que cette licéité se trouve renforcée depuis que la France a réitéré la réserve de commercialité qui bloquait l'application de la Convention de New York du 10 juin 1958.

     [843] Cf. not. Ph. FRANCESCAKIS, article préc., n° 32, qui présageait que “ ces questions pourraient bien un jour affluer en jurisprudence, tant il est vrai que le contentieux de l'arbitrage ne se prive pas de recourir à la subtilité ”.

     [844] Cf. P. LEVEL, note sous Cass. 1re civ., 4 juillet 1972, op. cit., qui la réserve pour la détermination de l'arbitrabilité du litige (“ Le fond est comme le naturel : chassez-le et il revient au galop ! ” ).

     [845] Cf. not. l'article V, §1, a) de la Convention de New York du 10 juin 1958 et l'article VI, §2 de la Convention de Genève du 21 avril 1961. Seule l'autonomie, dans le sens de la séparabilité, est favorablement accueillie par ces Conventions.

     [846] Cf. not. CA Paris, 13 décembre 1975, JDI 1977, p. 107, note E. LOQUIN ; Rev. crit. DIP 1976,   p. 507, note B. OPPETIT ; Rev. arb. 1977, p. 147, note Ph. FOUCHARD ;  CA Toulouse, 26 octobre 1982, JDI 1984, p. 603, note H. SYNVET ; CA Paris, 20 Janvier 1987, Rev. arb. 1987, p. 482, note C. KESSEDJIAN ; JDI 1987, p. 934, note É.    LOQUIN ; CA Paris, 17 décembre 1991, Rev. arb. 1993,  p. 281, note H. SYNVET.

     [847] Cf. not. CA Paris, 30 novembre 1988 et 14 février 1989, Rev. arb. 1989, p. 691, note Y.-P. TSCHANZ ; Dr. marit. fr. 1990, p. 598, note R. ACHARD ; CA Paris, 28 novembre 1989, Rev. arb. 1990, p. 675, note P. MAYER ; CA Paris, 11 janvier 1990, JDI 1991, p. 141, note B. AUDIT ; Rev. arb. 1992, p. 25, note D. COHEN ; RTD com. 1990, p. 596, obs. É. LOQUIN.

     [848] Cours préc., n° 112.

     [849] Ibid.

     [850] Note sous CA Paris, 26 mars 1991, Rev. arb. 1991, p. 456.

     [851]En ce sens également, E. GAILLARD, J.-Cl. droit international, Fasc. 586-1, n° 50 ; J.-P. ANCEL, comm. préc., p. 91 ; C. BLANCHIN, mémoire préc., p. 24

     [852]  Sur l'évolution de la jurisprudence de la Cour d'appel de Paris, cf. J. - P. ANCEL, comm. préc., spéc.  pp. 89 et s.

     [853] CA Paris, 8 mars 1990, Rev. arb. 1990, p. 674, note P. MAYER.

     [854] CA Paris, 26 mars 1991, Rev. arb. 1991, p. 456, note H. GAUDEMET-TALLON.

     [855] CA Paris, 14 novembre 1991, D. 1992, IR p. 57.

     [856] CA Paris 17 décembre 1991, préc.

     [857] Cass.1re civ., 10 juillet 1990, Rev. arb. 1990, p. 851, note J. H. MOITRY et C. VERGNE ; JDI 1992, p. 168, note É. LOQUIN. Il convient de préciser que la règle locus regit actum a jusqu'à présent été écartée en matière d'arbitrage, la jurisprudence appliquant la loi du fond aux conditions de forme.

     [858] Cass. 1re civ., 3 mars 1992, JDI 1993, p. 140, note B. AUDIT ; Rev. arb. 1993, p. 273, note P. MAYER ; RTD com. 1993, p. 647, obs. É. LOQUIN. l'arrêt énonce que “ s'agissant […] d'établir le fait de l'acceptation […] des clauses compromissoires qui était seul contesté, la Cour d'appel n'avait pas à statuer, quant à la forme et la preuve de ces clauses, en fonction d'une loi qui, en raison de leur autonomie en cas d'arbitrage international pouvait, d'ailleurs, ne pas être applicable ”. L'interprétation de cet attendu s'avère délicate. Certains ont soutenu que la Cour de cassation avait entendu écarter tout formalisme. Désormais, la forme et la preuve des conventions d'arbitrage seraient soustraites à toute loi (É. LOQUIN, obs. préc.et B. AUDIT, note préc.). De plus, si l'autonomie à laquelle se réfère l'arrêt ne semble ici viser que les questions de forme et de preuve, ces mêmes auteurs considèrent qu'elle englobe en l'espèce le consentement à la clause compromissoire dont la formation ne serait plus soumise qu'aux seules règles du consensualisme (É. LOQUIN, obs. préc.et B. AUDIT, note préc.). Pour M. MAYER, en revanche, la Cour de cassation n'a fait que rappeler que la loi applicable à la convention d'arbitrage n'est pas nécessairement celle qui régit le contrat principal et que l'évacuation de la loi applicable aux clauses compromissoires tient à l'absence de débat juridique de cette question devant les juges du fond. Pour aussi étrange que cela puisse paraître, ces deux analyses nous semblent concevables. La position minimale de M. MAYER se justifie si l'on reste dans le contexte étroit de l'arrêt. Mais à lire aujourd'hui cette décision à la lumière de l'arrêt Dalico (cf. infra n° 287), force est de reconnaître qu'elle s'inscrit dans le même mouvement jurisprudentiel hostile aux conflits de lois.

     La portée de cet arrêt doit cependant être nuancée. Elle trouve sa limite dans l'existence en la forme du contrat principal. En ce sens, l'arrêt L & B c/ Cassia reste d'actualité (Cf. J. - P. ANCEL, comm. préc., pp. 94 et s. ; C. BLANCHIN, mémoire préc., p. 26 ; H. GAUDEMET-TALLON, note sous l'arrêt de la Cour de cassation rendu dans l'affaire Dalico, cité infra n° 287, note n° 52).

     [859] CA Paris, 20 janvier 1987, Rev. arb. 1987, p. 482, note C. KESSEDJIAN ; JDI 1987, p. 934, note É. LOQUIN ; Cass. 1re civ., 11 octobre 1989, Rev. arb. 1990, p. 134, note C. KESSEDJIAN ; JDI 1990, p. 633, note É. LOQUIN ; CA Versailles, 23 janvier 1991, Rev. arb. 1991, p. 291, note C. KESSEDJIAN ; Cass. 1re civ., 9 novembre 1993, Rev. arb. 1994, p. 108, note C. KESSEDJIAN.

     [860] Cf. infra, nos 376 et s.

     [861] Cass. 1re civ., 20 décembre 1993, Rev. arb. 1994, p. 116, note H. GAUDEMET-TALLON ; JDI 1994, p. 432, note E. GAILLARD ; Rev. crit. DIP 1994, p. 663, note critique P. MAYER, RTD com. 1994, p. 254, obs. É. LOQUIN.

     [862] CA Paris, 26 mars 1991, préc.

     [863] Sur le conflit entre la clause compromissoire et la clause d'élection de for, cf. infra, n° 460 et s.

     [864]  Cf. supra, n° 278.

     [865] Cf. supra, n° 280.

     [866] Cf. supra, n° 284.

     [867] P. Mayer, note préc., p. 667.

     [868]  H. GAUDEMET-TALLON, note préc., p. 123

     [869] P. MAYER, note préc., p. 667.

     [870] En ce sens, E. LOQUIN, obs. préc., spéc. p. 257.

     [871] Voir à ce sujet l'analyse critique de P. MAYER, note préc.

     [872] Cass. 1re civ., 22 octobre 1991, Rev. crit. DIP 1992, p. 113, note B. OPPETIT ; JDI 1992, p. 177, note B. GOLDMAN ; Rev. arb. 1992, p. 457, note P. LAGARDE.

     [873] Contra E. LOQUIN, obs. préc.

     [874] Note préc., p. 439.

     [875] Note préc., p. 120.

     [876] Note préc., p. 667.

     [877] P. LAGARDE, Approche critique de la lex mercatoria, in Le droit des relations économiques internationales, Études offertes à Berthold Goldman, Litec, 1983, p. 125, n° 37.

     [878] Cf. not. P. MAYER, n° 24 ; P. LAGARDE, ibid. Contra  GOLDMAN ibid.

     [879] P. SANDERS, L'autonomie de la clause compromissoire, Hommage à F. Eisemann, Pub. C.C.I., n° 321, 1978,  p. 31.

     [880] Cf. not. Sentence CCI n° 4131/1982, Rev. arb. 1984, p. 137, JDI 1983, p. 899, obs Y. DERAINS ; Sentence CCI             n° 4504/1985/1986, JDI 1986, p. 1118, obs Y. DERAINS.

     [881] Cf. not. Sentence CCI n° 2626/1978, JDI 1979, p. 981, obs Y. DERAINS ; Sentence CCI n° 4392/1983, JDI 1983, p. 907, obs Y. DERAINS et Sentence CCI n° 6840/1991, JDI 1992, p. 1031, obs Y. DERAINS.

     [882] À cet égard, l'affaire Orri c/ Elf Aquitaine est significative du fait que les plus attachés aux règles de conflit de lois d'une part, et aux règles matérielles d'autre part, ne sont pas toujours ceux que l'on croit. Alors que le tribunal arbitral s'était éfforcé de déterminer la loi applicable à la clause compromissoire (Sentence CCI n° 5730/1988, JDI 1990, p. 1029, obs Y. DERAINS ; Rev. arb. 1992, p. 125) la cour d'appel de Paris va détacher sa solution de tout droit étatique pour se référer aux usages du commerce international (CA Paris, 11 janvier 1990, préc.).

     [883] P. MAYER, note préc., p. 667. Rapp. les réserves de Mme GAUDEMET-TALLON, note préc.,   p. 120.

     [884] Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD et B. GOLDMAN (†), n° 1447. À propos de la méthode dite du “ tronc commun ”, ibid.

        [885] J. - P. ANCEL, comm. préc.

     [886] Ibid., p. 90.

     [887] Ibid., p. 112.

     [888] H. SYNVET, note sous CA Paris, 17 décembre 1991, préc., spéc. p. 296.

     [889] En ce sens, P. MAYER, note préc., p. 667 ; H. GAUDEMET-TALLON, note préc., p. 120 ; E. GAILLARD, note préc., p. 439. Adde C. BLANCHIN, mémoire préc., p. 29.

     [890] Pour une approche critique de ces prétendus besoins, cf. supra, n° 275, note n° 4.

     [891] Note préc., p. 124.

     [892] H. SYNVET, note préc., spéc. p. 294.

     [893] Cf. les interrogations de Mme GAUDEMET-TALLON, note préc., p. 125. Sur l'ordre public transnational, cf. not. P. LAVILLE, Ordre public transnational (ou réellement international) et l'arbitrage international, Rev. arb. 1986, p. 429. Adde H. BATIFFOL (†) et P. LAGARDE, t. 1, n° 365.

     [894] Cass. 1re civ., 15 mars 1988, Rev. arb. 1990, p. 115, note L. IDOT.

     [895] H. SYNVET, note préc., spéc. p. 296.

     [896] Note préc., p. 439.

     [897] Ibid.

     [898] Ibid.

     [899] Lors de sa communication aux travaux du comité français de droit international privé, le conseiller ANCEL a indiqué que, selon lui, “ la confrontation de la clause litigieuse avec les exigences de l'ordre public international doit suffire pour valider les clauses effectivement conclues, entre parties capables et ayant exprimé un consentement exempt de vice, et à déclarer nulles les clauses vicieuses ” (comm. préc., p. 93).

     [900] Note préc., pp. 444 et s.

     [901] Communication préc., p. 82 (souligné par l'auteur).

     [902] Nous avons vu en effet qu'il ne s'agit pas de l'ordre public au sens où l'entend classiquement le droit international privé mais d'un ordre public international dont la fonction rejoint celle que remplit habituellement l'ordre public interne : entraîner l'annulation d'une convention. Mais, comme le souligne M. MAYER, l'ordre public international visé par l'arrêt Dalico va au-delà de la fonction habituellement remplie par l'ordre public interne. Alors qu'en droit interne, seule la contrariété de l'objet ou de la cause d'un contrat à l'ordre public a pour effet d'entrainer sa nullité, les vices du consentement et l'incapacité étant des causes de nullité autonomes, l'ordre public international doit ici rendre compte de toutes les causes de nullité, (note préc., p. 669).

     [903] Cass. civ., 21 juin 1950, préc.

     [904] B. ANCEL et Y. LEQUETTE, Grands arrêts jurispr. fr. DIP, n° 23-12.

     [905] Ibid., n° 23-15, p. 190, et les réf. cit.

     [906] En ce sens, P. MAYER, note préc., pp. 669 et 667.

     [907] E. GAILLARD, J.-Cl. Droit international, Fasc. 586-1, n° 54.

     [908] Note préc., p. 121. Adde H. SYNVET, note préc., p. 296 ; P. MAYER, note préc., p. 670 ; A. TOUBIANA, intervention lors des travaux du Comité français de droit international privé (1991-1992/1992-1993, p. 115).

     [909] E. GAILLARD, note préc., p. 443.

     [910] E. GAILLARD, J.-Cl. Droit international, Fasc. 586-1, n° 54.

     [911] Rapp. Mme Coipel-Cordonnier, thèse préc., n° 357, qui se demande si, à suivre au pied de la lettre l'opinion de M. Gaillard, “ on ne devrait pas en conclure que tout acte juridique ayant déployé ses effets en France devrait être soumis à la loi française ”.

     [912] V. à cet égard N. Coipel-Cordonnier, thèse préc., nos 48 et s.

     [913] Cf. supra, n° 275.

     [914] P. MAYER, note préc., p. 671.

     [915] Sur ces différents rattachements, cf. A. TOUBIANA, thèse préc., nos 70 et s. et E. GAILLARD, J.-Cl. Droit international, Fasc. 586-1, nos 38 et s.

     [916] Cf. supra, nos 129 et 159.

     [917] Cass. 1re civ., 21 mai 1997, préc.

     [918] Cass. 1re civ., 5 janvier 1999, Rev. crit. DIP 1999, p. 546, note D. Bureau.

     [919] D. Bureau, note préc., n° 19.

     [920] Cass. 1re civ., 5 janvier 1999, Rev. crit. DIP 1999, p. 536, note É. Pataut.

     [921] H. GAUDEMET-TALLON, Réflexions comparatives sur certaines tendances nouvelles en matière de compétence internationale des juges et des arbitres (À propos de récents arrêts de la Cour suprême des États-Unis, de la Chambre des Lords, de la Cour de cassation française et de la Convention de Bruxelles), Mélanges dédiés à Gabriel Marty, Univ. sc. soc. de Toulouse, 1978, p. 531 et spéc. pp. 548 et s. et note sous Cass. 1re civ., 9 octobre 1990, Rev. crit. DIP 1991, p. 135 ; CA Paris, 10 octobre 1990, Rev. crit. DIP 1991, p. 605 ; Cass. 1re civ., 3 décembre 1991, Rev. crit. DIP 1992, p. 340 ; TGI Paris, 10 juillet 1991, Rev. crit. DIP 1993, p. 54.

     [922] H. GAUDEMET-TALLON, note sous Cass. 1re civ., 9 octobre 1990, préc., spéc. p. 139.

     [923] H. GAUDEMET-TALLON, note préc.

     [924] Cf. not. B. AUDIT, note sous CA Paris, 18 décembre 1987, D. 1988, Somm. p. 343 et C. COVILLE, thèse préc., p. 98.

     [925] B. AUDIT, obs. préc.

     [926] C. BLANCHIN, mémoire préc. Adde H. MUIR WATT, Compte rendu de l'ouvrage de C. BLANCHIN, “ L'autonomie de la clause compromissoire : un modèle pour la clause attributive de juridiction ? ”, Rev. crit. DIP 1995, p. 889.

     [927] Ibid., pp. 63 et s.

     [928] Ce que nous contestons, cf. supra n° 17.

     [929] Ibid., p. 68 et s.

     [930] Ibid., pp. 85 et s.

     [931] Ibid., pp. 90 et s.

     [932] Ph. FRANCESCAKIS, La théorie du renvoi et les conflits de système en droit international privé, Sirey, 1958, n° 50.

     [933] P. Mayer, n° 19.

     [934] N. Coipel-Cordonnier, thèse préc., n° 360.

     [935] Cf. supra, n° 41.

     [936] Cf. not. G. A. L. DROZ, thèse préc., n° 213 ; P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, ouvrage préc., n° 177 et H. Gaudemet-Tallon, ouvrage préc., n° 124.

     [937] Cf. infra, n° 585.

     [938] CJCE, 24 juin 1981, Rec. 1981, p. 1671, concl. G. SLYNN ; JDI 1981, p. 903, note A. HUET; Rev. crit. DIP 1982, p. 143, note H. GAUDEMET-TALLON.

     [939] Cité par Mme GAUDEMET-TALLON, Rev. crit. DIP 1994, p 706.

     [940] H. GAUDEMET-TALLON, ibid.

     [941] CJCE, 3 juillet 1997, préc.

     [942] Note sous  CJCE, 3 juillet 1997, préc., spéc. p. 586.

     [943] Cf. infra, n° 350.

     [944] N. Coipel-Cordonnier, thèse préc., n° 366.

        [945] H. GAUDEMET-TALLON, Compte rendu de l'ouvrage de G. KAUFMANN-KOHLER, “ La clause d'élection de for dans les contrats internationaux ”, JDI  1981, p. 440.

     [946]  H. GAUDEMET-TALLON,  thèse préc., n° 62.

     [947] D. HOLLEAUX, thèse préc.,  n° 202.

     [948] Sans entrer dans le débat sur les origines des articles 14 et 15 du Code civil, on relèvera que ce point de vue n'est pas unanimement partagé. Ainsi pour M. J. HUDAULT (in Sens et porté de la compétence du juge naturel dans l'ancien droit, Rev. crit. DIP 1972, pp. 27 et s. et pp. 249 et s.), seul l'article 15 du Code civil serait la transposition, en des termes nouveaux, de l'idée traditionnelle selon laquelle le juge naturel du défendeur est son juge national. L'article 14, qui institue un privilège en faveur du Français demandeur, serait une solution nouvelle.

     [949] E. BARTIN, note sous CA Bourges, 19 janvier 1899, D. 1902, 2, p. 57 et spéc. p. 58.

     [950] E. BARTIN, note préc.

     [951] H. GAUDEMET-TALLON, thèse préc., n° 65.

     [952] H. GAUDEMET-TALLON, thèse préc., nos 66 et s.

     [953] Ch. EISENMAN, Sur la compétence, D. 1948, Chron. p. 49.

     [954] G. A. L. DROZ, Réflexions pour une réforme des articles 14 et 15 du Code civil français, Rev. crit. DIP 1975, p. 1.

     [955] La Convention de Bruxelles écarte les privilèges de juridictions fondés sur la nationalité des parties dans les relations intra-communautaires mais les maintient dans les relations extra-communautaires, ce qui est vivement critiqué par la doctrine étrangère, cf. not. F. K. JUENGER, La Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 et la courtoisie internationale, Réflexions d'un américain, Rev. crit. DIP 1983, p. 37.

     [956]  H. GAUDEMET-TALLON, thèse préc., nos 66 et s. Adde D. HOLLEAUX, thèse préc., n° 185.

     [957] G. DE LA PRADELLE, thèse préc., n° 264. Adde S. DENNEMARK, Quelle est la loi selon laquelle on tranche la question de la validité d'un accord sur la compétence international, Mélanges offerts à R. D. Kollewijn et J. Offerhaus, De conflictu legem, Leyde, 1962, p. 118 ; G. WELAMSON, rapporteur de la Xe session de la Conférence de La Haye de droit international privé chargé d'élaborer une Convention sur les accords d'élection de for in Actes et Documents de la Xe session, t. IV, For contractuel, Rapport du comité ad hoc, pp. 30 à 32 et N. Fragistas, cours préc., p. 237, et les réf. cit. L'auteur propose toutefois d'appliquer cumulativement la lex fori du juge élu et la lex fori du juge exclu lorsque la clause d'élection de for crée une compétence internationale non prévue par la loi (cf. infra n° 329). Sur l'applicabilité de la lex fori, cf. égal. H. GAUDEMET-TALLON, thèse préc., nos 115 et s., et les réf. cit., et pour le droit comparé G. KAUFMANN-KOHLER, thèse préc., pp. 49 et 50. La jurisprudence offre quelques exemples récents d'application de ce rattachement (CA Paris, 10 octobre 1990, étudié infra, n° 335, mais cumulé, semble-t-il, avec la loi du tribunal exclu, et CA Paris, 14 juin 1995, D. 1996, Somm. p. 169, obs. B. AUDIT). Adde en matière d'arbitrage, X. Boucobza, La clause compromissoire par référence en matière d'arbitrage commercial international, Rev. arb. 1998, p. 495, spéc. p. 504.

     [958] Cf. supra, nos 14 et s.

     [959] Cf. supra, n° 17.

     [960]  Cf. G. KAUFMANN-KOHLER, thèse préc., pp. 63 et 64.

     [961] Cf. G. SLYNN, concl. sous CJCE, 24 juin 1981, Rec. 1981, p. 1697.

     [962] Sur ce rattachement, cf. H. GAUDEMET-TALLON,  thèse préc., nos 118 et s.

     [963] À la suite du rapport de la Commission spéciale indiquant que la commission avait estimé utile de prévoir, à coté des clauses attributives de juridiction, un certains nombre de tribunaux compétents, fut publié l'avant-projet de convention sur la compétence générale dont l'article 2 précise : “ à défaut d'une clause contractuelle sur la compétence, reconnue valable par la loi du tribunal saisi, les litiges nés d'un contrat de vente pourront être portés devant l'un des tribunaux suivant (…) ” ( in Documents de la VIIIe session de la Conférence de La Haye de droit international privé, p. 57).

     [964] Sur l'historique de cette convention, cf. P. LAGARDE, La dixième session de la Conférence de La Haye de droit international privé, Rev. crit. DIP 1965, p. 257 et La Convention de La Haye du 25 novembre 1965 sur les accords d'élection de for, Trav. comité fr. DIP 1964-1966, p. 151. Le texte de cette convention a été publié à la Rev. crit. DIP 1964, p. 828.

     [965] Actes et Documents de la Xe session de la Conférence de La Haye de droit international privé, t. IV, For contractuel, p. 18.

     [966] Actes et Documents de la Xe session de la Conférence de La Haye de droit international privé, t. IV, For contractuel, PV n° 8, p. 181.

     [967] Sur les objections soulevées à l'encontre de ce rattachement, cf. Actes et Documents de la Xe session de la Conférence de La Haye de droit international privé, t. IV, For contractuel, Rapport du Comité ad hoc, pp. 30 à 32 et PV n° 2, pp. 80 à 86.

     [968] G. SLYNN, concl. sous CJCE, 24 juin 1981, préc., p. 1698.

     [969] Cf. not. H. BATIFFOL et P. LAGARDE, t. 2, n° 675 ; Y. LOUSSOUARN et P. BOUREL, n° 454 et G. WELAMSON in  Rapport du comité ad hoc, op. cit., p. 32

     [970] Cf. infra, nos 341 et s.

     [971] Cf. H. GAUDEMET-TALLON, thèse préc., n° 126 et A. TOUBIANA, Le domaine de la loi du contrat en droit international privé (contrats internationaux et dirigisme étatique), Bibl. dr. internat. priv., Vol. 14, Dalloz, 1972, préf. H. Batiffol, n° 72 et les réf. cit. notes 3 et 4.

     [972] G. KAUFMANN-KOHLER, thèse préc., pp. 58 et 59.

     [973] A. TOUBIANA, op. cit.

     [974] Cours de Code Napoléon, t. IX, n° 338.

     [975] Sur ce rattachement, cf. H. GAUDEMET-TALLON, thèse préc., nos 105 et s.

     [976] Cf. not. G. CORNU et J. FOYER, p. 276 ; H. SOLUS et R. PERROT, t. 1, n° 93 et H. MOTULSKY, Écrits, Études et notes de procédure civile, Dalloz, 1973, p. 85, pour qui l'action en justice se distingue nettement du droit subjectif substantiel dans la mesure où ce dernier “ ne dit rien sur la situation   processuelle ” (op. cit., p. 91).

     [977] Cf. not. PILLET, cité par H. GAUDEMET-TALLON, thèse préc., n° 108.

     [978] Sur ce point, cf. supra, n° 215, note n° 291.

     [979] En ce sens, H. GAUDEMET-TALLON, thèse préc., n° 108.

     [980] Ibid., n° 109.

     [981] Cf. D. HOLLEAUX, thèse préc., n° 186.

     [982] Ce rattachement dual consistant à soumettre à la loi de la procédure ou à la loi du fond l'action en justice en fonction du caractère processuel ou substantiel des règles gouvernant sa mise en œuvre a été critiqué par Mme NIBOYET-HOEGY. L'auteur propose un nouveau rattachement propre aux conditions d'existence du droit d'action selon lequel la loi de l'action est “ la loi de l'institution pour le fonctionnement de laquelle ces conditions ont été élaborées ” (thèse préc., n° 139). À titre d'exemple, les conditions d'existence du droit d'action édictées pour le fonctionnement de l'action oblique sont soumises à la loi régissant le droit du créancier agissant.

     [983] Thèse préc., n° 187.

     [984] G. DE LA PRADELLE, thèse préc., n° 258. Certains en matière international ont pourtant soutenu que l'exclusion seule, qui n'est pas une élection de for, doit être autorisée par la lex causae (Cf. N. Fragistas, cours préc.). Il est vrai que l'exclusion comprise isolément s'assimile à une renonciation à l'action et que l'extinction de l'action par renonciation appelle le même régime que la prescription et donc l'application de la lex causæ. Or en désignant le tribunal devant connaître du litige, les accords d'élection de for ont pour effet d'exclure d'autres tribunaux et de ce fait semblent affecter l'existence de l'action en justice (D. HOLLEAUX, thèse préc., n° 187). Les systèmes de conflit n'étant pas identiques, il se peut qu'en élisant tel juge, qui appliquera telle loi, l'action sera admise alors qu'elle aurait pu être déclarée irrecevable si le juge exclu avait été saisi. L'application de la lex causæ s'en trouverait-elle renforcée ? L'admettre reviendrait à subordonner la compétence des juridictions françaises à la loi étrangère applicable au fond. Or seule la loi française est à même de déterminer les cas de compétence des juridictions françaises. Pour reprendre les termes de HOLLEAUX, “ la détermination légale des hypothèses de compétence française est pourtant indépendante de la lex causae étrangère ” (ibid.). Et s'il est vrai que les accords d'élection de for influent sur l'action en justice, ce n'est là qu'une conséquence de l'exclusion qui n'est somme toute que le résultat de la mise en œuvre de toute règle de compétence internationale, qu'elle soit où non fondée sur la volonté commune des plaideurs. Dès lors que la lex causae étrangère n'est pas prise en compte lorsqu'il s'agit d'appliquer une règle de compétence destinée au demandeur, on voit mal pourquoi il en irait différemment lorsque la règle de compétence s'adresse à la volonté des parties (ibid.). Nous suivrons cependant HOLLEAUX lorsqu'il indique que quand bien même l'influence des accords d'élection de for sur l'action en justice rendrait nécessaire la consultation de la lex causæ, ce ne serait pas les règles de compétence mais les règles de fond de la lex causæ que l'on interrogerait (D. HOLLEAUX, thèse préc., n° 188).

     [985] Cf. supra, nos 3 et s..

     [986] Le principe suivant lequel la loi régissant le contrat est celle que les parties ont choisie a été admis au début du siècle par la Cour de cassation dans l'arrêt American Trading C° (Cass. civ., 5 décembre 1910, Rev. dr. int. 1911, p. 395 ; JDI 1912, p. 1156 ; S. 1991, 1, p. 129 ; Grands arrêts juripr. DIP n° 11). Il ne saurait être question de reprendre ici les vives critiques théoriques dont la loi d'autonomie a été — et continue d'ailleurs d'être (cf. V. HEUZÉ, thèse préc.) — l'objet. On se bornera à indiquer qu'avant l'entrée en vigueur de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, la jurisprudence était parvenue à une synthèse entre que l'on a appelé la théorie subjective et la théorie objective (cf. H. BATIFFOL, Subjectivisme et objectivisme dans le droit international privé des contrats, in Mélanges Maury, t.1, p. 39.). Le subjectivisme partait du postulat que la désignation de la loi applicable au contrat était exclusivement fondée sur la volonté des parties. Si aucune loi n'avait été expressément choisie, le juge devait rechercher leur volonté implicite. L'objectivisme, développé par le Doyen BATIFFOL, fut exposé afin de justifier la jurisprudence consacrant la loi d'autonomie tout en écartant les objections qui lui furent adressées. Selon cette doctrine, “ la loi applicable au contrat est déterminée par le juge, mais en raison de la volonté des parties quant à la localisation du contrat ” (H. BATIFFOL et P. LAGARDE, t. 2, n° 571). La loi ne pouvant être l'objet de la volonté commune des parties, cette dernière ne jouait plus qu’un rôle indirect d'élément localisateur parmi d'autres, le juge pouvant très bien localiser ailleurs le contrat même en cas de choix exprimé.

     Si la jurisprudence va rejeter le subjectivisme le plus extrême dans l'arrêt Messageries Maritimes (Cass. 1re civ., 21 juin 1950, Rev. crit. DIP 1950, p. 609, note H. BATIFFOL ; D. 1951, p. 749, note HAMEL ; S. 1952, p. 1, note J. P. NIBOYET ; JCP 1950, II, 5812, note J. Ph. LÉVY, Grands arrêts juripr. DIP n° 23) en considérant que la commune intention des parties ne peut se suffire à elle-même, elle va, en revanche, opérer un compromis entre ces deux conceptions dans l'arrêt Fourrures Renel (Cass. 1re civ., 6 juillet 1959, Rev. crit. DIP 1959, p. 708, note H. BATIFFOL, Grands arrêts juripr. DIP n° 36). La Cour de cassation réaffirme le principe dégagé par l'arrêt American Trading C° en rappelant que la loi applicable au contrat est celle que les parties ont adoptée tout en précisant qu'à défaut de choix, les juges doivent rechercher la loi applicable au contrat d'après l'économie de la convention et les circonstances de la cause, autrement dit en ayant recours à la théorie de la localisation. Certaines décisions postérieures se sont uniquement fondées sur la théorie de la localisation objective, comme l'arrêt Mercator Press (Cass. 1re civ., 25 mars 1980, Rev. crit. DIP 1980, p. 576, note H. BATIFFOL ; JDI 1980, p. 650, obs. Ph. KHAN), mais dans des espèces où les parties n'avaient pas exprimé leur volonté en ce qui concerne la loi applicable au contrat.

     La Convention de Rome, entrée en vigueur le 1er avril 1991, consacre cette voie intermédiaire. Après avoir affirmé le principe d'autonomie, le nouveau droit des contrats internationaux adopte, en cas d'absence de choix exprès, un système de localisation fondé sur des présomptions permettant de déterminer la loi étatique avec laquelle le contrat présente les liens les plus étroits.

     [987] Cass. req., 22 janvier 1923, S. 1924, 1, p. 73, note J. P. NIBOYET.

     [988] CA Paris, 27 janvier 1955, Rev. crit. DIP 1955, p. 330, note H. MOTULSKY. Nous verrons cependant que cet cet arrêt n'a pas entendu réserver les effets de la clause d'élection de for à la seule lex contractus, cf. supra, n° 329).

     [989] Cass. soc., 14 janvier 1976, JDI 1977, p. 495, note A. LYON-CAEN.

     [990] Cass. 1re civ., 3 décembre 1991, Rev. crit. DIP 1992, p. 340, note H. G.-T. Contra CA Paris, 10 octobre 1990, étudié infra, n° 335.

     [991] Cf. H. GAUDEMET-TALLON, thèse préc., n° 87 ; G. KAUFMANN-KOHLER, thèse préc., p. 48.

     [992] Cf. H. GAUDEMET-TALLON, thèse préc., n° 92 ; G. KAUFMANN-KOHLER, thèse préc., pp. 65  et 66.

     [993] Cf. supra, nos 33 et s.

     [994] Dans ce sens également, H. GAUDEMET-TALLON, thèse préc., n° 89.

     [995] G. KAUFMANN-KOHLER, thèse préc., p. 66.

     [996] D. HOLLEAUX, thèse préc., n° 191, note n° 4.

     [997] Destinée à insuffler une certaine souplesse dans le dispositif de la Convention de Rome, la clause d'exception est critiquée par une partie de la doctrine qui considère qu'elle serait source d'incohérence en raison des atteintes qu'elle porterait à la simplicité et à la prévisibilité du système de présomptions (cf. not. P. MAYER, n° 725 et A. KASSIS, Le nouveau droit européen des contrats internationaux, L.G.D.J., 1993, nos 269 et s.). Il est à craindre qu'elle soit utilisée alors que son recours ne s'impose pas (cf. p. ex. CA Versailles, 6 février 1991, Rev. crit. DIP 1991, p. 745, note P. LAGARDE ; JDI 1992, p. 125, note J. FOYER ; D. 1992, p. 174, note J. D. MONDOLONI ; JCP 1992, II, 21972, note F. OSMAN). On ne peut dès lors que souhaiter l'entrée en vigueur du protocole permettant à la CJCE d'unifier l'interprétation de la Convention de Rome afin que soit strictement délimité le domaine de l'article 4§5.

     [998] Cf. Cass. 1re civ., 24 janvier 1978, JCP 1978, II, 18821, concl. GULPHE ; Rev. crit. DIP 1978, p. 689, note V. DELAPORTE. Adde H. BATIFFOL et P. LAGARDE, t.2, n° 589, note n° 4 ; Y. LOUSSOUARN et P. BOUREL, n° 376 ; D. HOLLEAUX, J. FOYER et G. DE GEOUFFRE DE LA PRADELLE, n° 1395.

     [999] H. BATIFFOL et P. LAGARDE, op. cit.

     [1000] Article 1er, §2, d) de la Convention de Rome. Cet article exclut également les conventions d'arbitage.

     [1001] Cf. not. H. GAUDEMET-TALLON, Convention de Rome du 19 juin 1980, J-Cl. Europe, Fasc. 3200, n° 48 et J. FOYER, Entrée en vigueur de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, JDI 1991, p. 601, n° 8.

     [1002] M. GIULIANO et P. LAGARDE, rapport préc., spéc. p. 12.

     [1003] N. Coipel-Cordonnier, thèse préc., n° 309.

     [1004] Cf. infra, n° 342.

     [1005] Cf. supra, n° 6, note n° 41 et n° 315, note n° 957.

     [1006] H. GAUDEMET-TALLON, thèse préc., n° 38.

     [1007] N. FRAGISTAS, cours préc., p. 238.

     [1008] H. GAUDEMET-TALLON, thèse préc., nos 33 et s.

     [1009] H. BAUER, thèse préc., n° 181.

     [1010] Cf. supra, n° 48.

     [1011] H. GAUDEMET-TALLON, thèse préc., n° 57.

     [1012] Cf. supra, n° 49.

     [1013] H. GAUDEMET-TALLON, thèse préc., n° 131.

     [1014] Ibid., n° 57.

     [1015] Ibid.

     [1016] Ibid., nos 128 et s.

     [1017] Ibid., n° 130.

     [1018] Ibid., n° 133.

     [1019] Ibid., nos 134 et 135.

     [1020] Ibid., nos 139 et s.

     [1021] Ibid., nos 148 et s.

     [1022] CA Paris, 21 mars 1966, JCP 1966, IV, p. 126.

     [1023] En effet, l'article 1er de la Convention franco-suisse retient comme chef de compétence de principe le juge naturel du défendeur, ce juge naturel du défendeur étant celui de son domicile. G. FLATTET, J.-Cl. Droit international, Fasc. 590 B et Un traité centenaire : la Convention franco-suisse du 15 juin 1869 sur la compétence et l'exécution des jugements, Rev. crit. DIP 1969, p. 577, et spéc. p. 589.

     [1024] Cf. supra, n° 312.

     [1025] Cass. soc., 25 janvier 1965, Rev. crit. DIP 1966, p. 469, note M. SIMON-DEPITRE.

     [1026] Note préc., spéc. p. 472.

     [1027] CA Paris, 10 octobre 1990, Rev. crit. DIP 1991, p. 605, note H. GAUDEMET-TALLON.

     [1028] Contra H. GAUDEMET-TALLON, note préc., spéc. p. 611.

        [1029] Cf. supra, n° 315.

     [1030] Cf. G. KAUFMANN-KOHLER, thèse préc., p. 60. Adde les propos tenus par le Doyen BATIFFOL et G. HOLLEAUX suite à la communication de M. LAGARDE (Trav. comité fr. DIP 1964-1966, spéc., p. 172).

     [1031] Cf. H. BATIFFOL et P. LAGARDE, t.2, n° 675, note 7.

     [1032] Cf. supra, n° 49. Adde D. HOLLEAUX, thèse préc., n° 199 et G. KAUFMANN-KOHLER, thèse préc., p. 60 et H. BAUER, thèse préc., n° 181.

     [1033] Dans ce sens, cf. A. HUET, J.-Cl. droit international, Fasc. 581-41, n° 5.

     [1034] L'expression est de Mme KAUFMANN-KOHLER, op. cit. Adde, D. HOLLEAUX, op. cit. et A. HUET, ibid., n° 5.

     [1035] D. HOLLEAUX, thèse préc., n° 194.

     [1036] H. GAUDEMET-TALLON, thèse préc., n° 131, note 3.

     [1037] D. HOLLEAUX, thèse préc., n° 199, note 7.

     [1038] Cf. D. HOLLEAUX, ibid. et G. KAUFMANN-KOHLER, ibid.

     [1039] Cf. H. GAUDEMET-TALLON, Les Conventions de Bruxelles et de Lugano, préc., n°131.

     [1040] H. MUIR WATT, La fonction de la règle de conflit de lois, thèse Paris II, 1985, n° II.

     [1041] Sur ces questions, cf. not. H. BATIFFOL (†) et P. LAGARDE, t. 1, n° 242-1 ; B. AUDIT, nos 120 et s. ; Y. LOUSSOUARN et P. BOUREL, nos 134 et s.

     [1042] Cf. not. F. DEBY- GÉRARD, thèse préc. ; H. MUIR WATT, thèse préc. ; V. HEUZÉ, thèse préc., nos 90 et s. et 176 et s. ; F. LECLERC, thèse préc., nos 17 et s. Adde B. AUDIT, Le caractère fonctionnel de la règle de conflit, Rec. cours La Haye, 1984, t. 186, p. 262.

     [1043] H. MUIR WATT, thèse préc., nos 124 et s.

     [1044] Ibid., nos 143 et s.

     [1045] Ibid.,  n° 146.

     [1046] F. LECLERC, thèse préc., n° 49.

     [1047] Cf. supra, nos 42 et s.

     [1048] Cf. supra, n° 327.

     [1049] T. 2, n° 675. Adde G. KAUFMANN-KHOLER, thèse préc., p. 42.

     [1050] Cf. supra, nos 316 et s.

     [1051] Thèse préc., nos 155 à 192

     [1052] Cf. supra, nos 331 et s.

     [1053] P. Mayer, n° 430.

     [1054] Sur le Foreign court theory, cf. not. P. Lagarde, Le principe de proximité dans le droit international privé contemporain, Rec. Cours La Haye 1986, t. 196, p. 9, nos 162 et s. et G. A. L. Droz, Regards sur le droit international privé comparé, Rec. Cours La Haye 1991, t. 229, p. 9, spéc. p.159 et s.

     [1055] P. Lagarde, cours préc., n° 164..

     [1056] N. Coipel-Cordonnier, thèse préc., n° 378.

[1057] Cf. CA Paris, 27 janvier 1955, préc. Adde Cass. 1re civ., 3 décembre 1991, préc., qui a jugé que “ la loi française n'[a] pas, en tant que loi du for, vocation nécessaire ou exclusive à régir la validité, en la forme ou au fond de la clause [d'élection de for]  . Bien que délicat à interpréter, cet arrêt semble bien traiter l'accord d'élection de for comme n'importe quelle stipulation conventionnelle.

[1058] En ce sens, D. HOLLEAUX, J. FOYER et G. DE GEOUFFRE DE LA PRADELLE, n° 795.

[1059] Cf. supra, nos  341 et s.

[1060] Cf. supra, n° 275, et les réf. cit.

[1061] Cf. supra, n° 300, et les réf. cit.

[1062] H. GAUDEMET-TALLON, thèse préc., n° 241.

[1063] Cf. CA Paris, 27 janvier 1955, préc.

[1064] H. GAUDEMET-TALLON, thèse préc., n° 250.

[1065] Rapp. Fr. TERRÉ, Ph. SIMLER et Y. LEQUETTE, n° 85.

[1066] V. DELAPORTE, Recherches sur les formes des actes juridiques en droit international privé, thèse Paris I, 1974, n° 31.

[1067] Ibid., n° 12.

[1068] Cf. les réf. citées infra, n° 360, note n° 1084.

[1069] Cf. Cass. com. 28 février 1983, Bull. civ. IV, n° 89 ; 10 janvier 1989, Bull. civ. IV, n° 20 ; 9 juillet 1991, Bull. civ. IV, n° 256 ; RTD civ. 1992, p. 389, obs. J. MESTRE ; 26 mai 1992, Rev. crit. DIP 1992, p. 703, note H. GAUDEMET-TALLON ; JCP 1992, I, 3625, obs. G. VINEY, nos 14 et 15 ; JCP E 1993, I, 396, note J. VALLASAN ; RTD civ. 1993, p. 133, obs. P. JOURDAIN.

     On relèvera que la Cour de cassation utilise le terme “ opposabilité ” dans un sens inhabituel car il n'est pas question en l'occurrence des effets de la clause d'élection de for vis-à-vis des tiers mais de sa force obligatoire entre les parties. Faut-il n'y voir qu'une maladresse de rédaction ? Si tel est le cas, force est de constater qu'elle ne revêt malheureusement pas un caractère exceptionnel. Tous les arrêts de la Cour de cassation relatifs au point de savoir si une clause engage les parties utilisent cette acception ambiguë du mot “ opposabilité ”. Il serait préférable d'écrire qu'une clause “ engage ” ou “ lie ” les cocontractants plutôt que de dire qu'elle leur est “ opposable ”.

[1070] P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, ouvrage préc., n° 177.

[1071] Que la clause attributive de juridiction soit “ réputée non écrite ” en cas de non respect de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile ne remet pas en question son caractère solennel. Car, à supposer admise l'autonomie de la notion de “ clause réputée non écrite ” par rapport à la notion de nullité (cf. J. KULLMANN, Remarques sur les clauses réputées non écrites, D. 1993, Chron. p. 59 et V. COTTEREAU, La clause réputée non écrite, JCP 1993, I, n° 3691), il n'en demeure pas moins vrai que la violation des prescriptions de forme aura pour conséquence “ d'effacer ” la clause attributive de juridiction du contrat.

[1072] “ Dans certains pays, l'exigence d'un écrit ne se rapportera qu'à la preuve ; dans d'autre, par contre, il s'agira d'une règle de validité de la convention ”, rapport préc., p. 37.

[1073] Thèse préc., n° 199.

[1074] Dès les premiers arrêts rendus à propos de l'interprétation de l'article 17 (cf. infra, n° 360 et les réf. cit.) la Cour de Justice a indiqué que “ les conditions de validité des clauses attributives de juridictions sont d'interprétation stricte ” (attendu n° 7). S'il est question de condition de validité, il s'agit donc bien d'un acte solennel.

[1075] A. Huet, Les conflits de lois en matière de preuve, Bibl. dr. int. priv., vol. 6, préf. R. Perrot, Dalloz, 1965, n° 86.

[1076] Cf. Actes et Documents (VIIIe session), t. 1, 1956 ; Actes et Documents, (Xe session), t. IV, 1964 et Actes et Documents (session extraordinaire), 1966. Adde H. GAUDEMET-TALLON, thèse préc., n° 238 ; G. A. L. DROZ, thèse préc., nos 194 et s. et G. KAUFMANN-KHOLER, thèse préc., p. 100.

[1077] Ibid.

[1078] Cf. infra, nos  416 et s.

[1079] Cf. J. DUPICHOT,  note sous Cass. 2e civ.,  20 février 1980, Gaz. Pal. 1980, 2, p. 495. Rapp.  J. KULLMANN, op. cit., pour qui “ réputer une clause non écrite correspond à une autre technique qui est celle de la fiction : la clause réellement écrite n'est pas écrite ” (c'est nous qui soulignons).

[1080] Cass. 1re civ., 17 décembre 1985, préc.

[1081] Cass. 1re civ., 3 décembre 1991, préc.

[1082] Fr. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, n° 116.

[1083] Sur les conditions d'opposabilité des stipulations contractuelles, cf. F. LABARTHE, thèse préc., nox 14 et s.

[1084] CJCE, 14 décembre 1976, affaire 24/76, Rev. crit. DIP 1977, p. 576, note E. Mezger ; JDI 1977, p. 734, note J.-M. Bischoff ; D. 1977, IR p. 349, obs. B. Audit ; Gaz. Pal. 1977, 1, p. 190, concl. F. Carpotori ; RTD com. 1977, p. 85, obs. M. Boitard et J.-Cl. Dubarry.

[1085] Rapport préc., p. 37.

[1086] CJCE, 19 juin 1984, Rec. 1984, p. 2417, concl. G. Slynn ; Rev. crit. DIP 1985, p.391, note H. Gaudemet-Tallon ; JDI 1985, p. 159, obs. J.-M. Bischoff.

[1087] Cf. not. CA Paris, 13 décembre 1995, JCP 1997, II, n° 22772, note P. de Vareilles Sommières et CA Grenoble, 23 octobre 1996, Rev. crit. DIP 1997, p. 762, note A. Sinay-Cytermann.

[1088] Cf. infra, n° 394.

[1089] Cf. Cass. 1re civ., 3 décembre 1991, Contrats, conc. cons. 1992, n° 57, obs. G. Raymond. Adde F. Labarthe, thèse préc., nos  22 et s.

[1090] Cass. 2e civ., 5 février 1986, Bull. civ. II, n° 8. En sens contraire, certaines décisions des juges du fond ont estimé que du moment que la clause d'élection de for figurant au verso était spécifiée de façon très apparente, la signature du recto du contrat par la partie à qui on l'oppose valait acceptation tacite de la clause même en l'absence de renvoi exprès au verso (cf. CA Paris, 9 mai 1979 et 1er mars 1983 et CA Aix-en-Provence, 14 mars 1985, cités par A. HUET in J.-Cl. Droit international, Fasc. 581-41, n° 48 et les réf. cit.). Mais ces décisions ont toutes été rendues avant l'arrêt de la deuxième Chambre civile du 5 février 1986. Depuis lors, il semble que les juges du fond prennent soin de relever qu'un renvoi au recto renvoi au verso (cf. CA Paris, 7 février 1990, Dr. mar. fr. 1990, p. 611, note R. ACHARD. Adde CA Aix-en-Provence, 22 janvier 1992, D. 1993, p. 26, note B. Beignier , rendu en droit interne et qui, tout en relevant l'existence d'un renvoi au verso, annule la clause parce qu'elle est spécifiée de façon peu apparente).

[1091] J.-M. Bischoff, note sous CJCE, 14 décembre 1976, préc., spéc. p. 737.

[1092] Cf. infra, nos 431 et s.

[1093] Cf. infra, nos 435 et s..

[1094] Cf. not. CA Paris, 1er mars 1983, Dr. mar. fr. 1983, p. 550.

[1095] F. Labarthe, thèse préc., n° 23.

[1096] Cf. J. Ghestin, Traité de droit civil, La formation du contrat, 3e éd., L.G.D.J., 1993, n° 413 et les réf. cit. et F. Labarthe, thèse préc., nos 322 à 363.

[1097] F. Labarthe, op. cit., n° 344.

[1098] CJCE, 14 décembre 1976, préc.

[1099] En ce sens, P. Gothot et D. Holleaux, ouvrage préc., n° 172.

[1100] Cf. not. CA Lyon, 9 octobre 1974, D. 1975, Somm. p. 37 (pour une application anticipée) et Trib. com. Paris, 8 décembre 1982, Gaz. Pal. 1983, 1, Somm. p. 142.

[1101] Cass. com., 9 juillet 1991, Bull. civ. IV, n° 256. Jugé, sous le visa de l'article 17 de la Convention de Bruxelles, que “ le chargeur ne peut se voir opposer une clause attributive de compétence dont le texte, n'étant ni reproduit sur le seul document qui lui ait été remis avant qu'il ne confie la marchandise au transporteur ni annexé à ce document, n'avait pu être acceptée par lui au moment de la conclusion du contrat de transport ”.

[1102] Sur la loi applicable à l'admissibilité et à la force probante des faits juridiques, cf. H. Batiffol et P. Lagarde, t. 2, n° 708 ;  P. Mayer, n° 503 ; D. Holleaux, J. Foyer et G. de Geouffre de La Pradelle, n° 868.

[1103] Cf. H. Batiffol et P. Lagarde, t. 2, n° 707 ; B. Audit, n° 437 ; Y. Loussouarn et P. Bourel, n° 373 ; P. Mayer, n° 503 ; D. Holleaux, J. Foyer et G. de Geouffre de La Pradelle, n° 867. La règle locus regit actum est cependant écartée au profit de la loi du fond dans certaines matières en raison de considérations qui leur sont propres, comme, par exemple, en cas de reconnaissance d'enfant naturel.

[1104] Cass. 1re civ., 10 avril 1996, JCP 1996, II, n° 22694, note G. Paisant et H. Claret ; Contrats, conc. cons. 1996, n° 113, note L. Leveneur ; RTD civ. 1997, p. 120, obs. J. Mestre.

[1105] Cass. 1re civ., 27 février 1996, Contrats, conc. cons. 1996, n° 94, note L. Leveneur ; Defrénois 1996, p. 742, obs. J. -L. Aubert ; RTD civ. 1997, p. 119, obs. J. Mestre.

[1106] P. Gothot et D. Holleaux, op. et loc. cit.

[1107] Sur le champ d'application de la clause d'élection de for, cf. infra, nos 559 et s.

[1108] Cass. com., 12 décembre 1989, Rev. crit. DIP 1990, p. 358, note H. Gaudemet-Tallon ; JDI 1991, p. 158, obs. A. Huet et CA Paris, 14 octobre 1998, JCP E 1998, p. 1856.

[1109] CA Paris, 22 mai 1991, D. 1992, Somm. p. 164, obs. B. Audit. Jugé qu'“ en l'état de deux contrats successifs passés entre une entreprise italienne et un agent commercial français et en l'absence de référence du second à la clause attributive de compétence insérée dans le premier faisant naître un doute sérieux sur l'intention commune des parties de maintenir ou non dans leurs rapports l'application de cette clause, les conditions d'application de l'article 17 de la Convention de Bruxelles ne sont pas réunies ” (c'est nous qui soulignons).

[1110] Rapp.  F. Carpotori, concl. préc., spéc. p. 191.

[1111] Cf. infra, nos  416 et s.

[1112] Pour une vue d'ensemble de la question, cf. H. Solus et R. Perrot, t. 2, nos 564 et s.

[1113] Cf. p. ex. Cass. com., 1er mars 1961, Bull. civ. III, n° 113.

[1114] Cf. p. ex. Cass. com., 12 mai 1966, Bull. civ. III, n° 248.

[1115] H. Solus et R. Perrot, t. 2, n° 566 (souligné par les auteurs).

[1116] Cf. not. Cass. com., 16 octobre 1967, Bull. civ. III, n° 321 ; 3 novembre 1969, Bull. civ. III, n° 320 ; 19 juillet 1971, Bull. civ. IV, n° 211 et 7 février 1972, Bull. civ. IV, n° 48.

[1117] Cass. 1re civ., 5 décembre 1973, D. 1974, p. 398, note H. Solus et R. Perrot ; RTD com. 1974, p. 248, n° 2, obs. M. Boitard et J.-Cl. Dubarry.

[1118] Cf. not. TGI Vesoul, 15 octobre 1968, Gaz. Pal. 1968, 2, p. 366, note P. Papis ; CA Paris, 9 mai 1974, Rev. crit. DIP 1975, p. 99, note H. Gaudemet-Tallon et Cass. 1re civ., 3 décembre 1974, Bull. civ. I, n° 321.

[1119] En ce sens, R. Perrot, Le silence en droit judiciaire privé, in Mélanges offerts à Paul Raynaud, Dalloz-Sirey, 1985, p. 627, spéc. p. 633 et J. Ghestin, op. cit., n° 428. Cf. CA Paris, 11 mars 1987, D. 1987, IR p. 91 ; CA Paris, 27 mai 1987, D. 1987, p. 154 et CA Paris, 18 décembre 1987, D. 1988, Somm. p. 343, obs. B. Audit.

[1120] Cf. Cass. 1re civ., 14 avril 1992, Contrats, conc., cons. 1992, n° 15, obs. L. Leveneur. Cassation de l'arrêt de la Cour d'appel qui avait jugé que la clause attributive de juridiction figurant dans des factures avait été acceptée sans réserves au moment de la réception des marchandises au motif “ qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si cette clause attributive de juridiction avait été acceptée au moment de la formation du contrat dont la date n'a pas été précisée, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ”. Adde F. Labarthe, thèse préc., n° 57, qui regrette que la Cour de cassation ait préféré se fonder sur une notion classique, la connaissance de la clause au moment de la formation du contrat, plutôt que de se prononcer une bonne fois pour toute contre les clauses figurant dans les factures. Toutefois, comme le relève d'ailleurs cet auteur, le résultat pratique est identique. L'on peut également penser qu'en employant une formule générale, la Cour de cassation a souhaité étendre le principe qu'elle a dégagé à tous les documents imposés unilatéralement à une partie par son cocontractant après la formation du contrat et pas seulement à la facture.

[1121] En ce sens, cf. F. Labarthe, op. cit. , nos  53 et s.

[1122] Cass. com., 4 octobre 1988, Bull. civ. IV, n° 258.

[1123] E n ce sens, B. Beignier, note sous CA Aix-en-Provence, 22 janvier 1992, D. 1993, p. 27 et F. Labarthe, thèse préc., n° 58.

[1124] Cass. com., 30 janvier 1990, Bull. civ. IV, n° 26 ; RTD com. 1990 , p. 453 obs. B. Bouloc.

[1125] Cf. infra, n° 414.

[1126] Cass. com., 5 mars 1991, Bull. civ. IV, n° 96.

[1127] Cass. 1re civ., 30 juin 1992, JCP E 1993, I, n° 234, n° 31, obs. Ph. Coursier , D. 1994, p. 169, note Ph. Guez.

[1128] V. depuis Cass. 1re civ., 16 février 1999, JCP 1999, II, n° 10162, note B. Fillion-Dufouleur et I, n° 191, n° 1, obs. G. Virassamy.

[1129] Cf. supra, n° 364.

[1130] Rapp. Cass. com., 9 juillet 1991, JCP 1991, IV, p. 356.

[1131] Cf. infra, n° 350. Sur ce que la preuve de la remise du document annexe peut découler des termes même de la clause de référence, cf. supra, n° 366

[1132] En ce sens, cf. F. Labarthe, thèse préc., n° 518.

[1133] Sur la valeur juridique des documents non remis, cf. F. Labarthe, ibid., nos 483 et s. et les réf. cit.

[1134] Sur la clause compromissoire par référence, cf. not. B. Oppetit, La clause d'arbitrage par référence, Rev. arb. 1990, p. 551 ; X. Boucobza, La clause compromissoire par référence en matière d'arbitrage international, Rev. arb. 1998, p. 495 ; Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD et B. GOLDMAN (†), traité préc., nos  491 et s. et E. GAILLARD, J.-Cl. Droit international, Fasc. 586-2, ., nos 42 et s. ; F. Labarthe, thèse préc., nos 523 et s. ; J. - M. Jacquet et Ph. Delebecque, Droit du commerce international, coll. Cours, Droit privé, Dalloz, 1997, n° 510.

[1135] Cass. 1re civ., 11 octobre 1989, Rev. arb. 1990, p. 134, note C. Kessedjian , JDI 1990, p. 633, note É. Loquin.

[1136] Cass. 1re civ., 9 novembre 1993, Rev. arb. 1994, p. 108, note C. Kessedjian , JDI 1994, p. 690, note É. Loquin. Adde Cass. 1re civ., 3 juin 1997, Rev. arb. 1998, p. 537.

[1137] Cass. 1re civ., 20 décembre 1993, préc. Cf. supra, nos 287 et s.

[1138] C. Kessedjian , note préc., spéc. p. 113. Contra, E. Gaillard, note sous Cass. 1re civ., 20 décembre 1993, préc., JDI 1994, spéc. p. 434, pour qui estime que cette règle consacre le principe du consensualisme, l'écrit n'étant seulement recommandé qu'à titre de preuve.

[1139] C. Kessedjian , note préc., spéc. p. 114.

[1140] Cf. supra, n° 350.

[1141] Cf. supra, n° 360.

[1142] Cf. infra, nos 416 et s.

[1143] V° statuts in G. Cornu, Vocabulaire juridique, 3e éd., P.U.F., 1992, p. 782.

[1144] Sur l'arbitrage en matière de société, cf. D. Cohen, Arbitrage et société, Bibl. dr. priv., t. 229, préf. B. Oppetit, L.G.D.J., 1993, passim.

[1145] Cf. not. H. Gaudement-Tallon, thèse préc., n° 245, et les réf. cit. ; J. Huet, J.-Cl. Droit international, Fasc.581-32, n° 15 et les réf. cit. et Y. Loussouarn et M. Trochu, Conflits de juridictions en matière de sociétés, J.-Cl. Droit international, Fasc. 564-D, 1987, nos 29 et s. et les réf. cit.

[1146] En ce sens, cf. D. Lebeau, J.-Cl. Procédure civile, Fasc. 402, nos 45 et 48.

[1147] Cf. supra, n° 81.

[1148] Sur la nature juridique de la société, cf. not. M. Cozian et A. Viandier, Droit des sociétés, 10e éd., Litec, 1997, n° 152 ; Y. Guyon, Droit des affaires, t. 1, Droit commercial général et sociétés, 9e éd., Economica, 1996, n° 96 ; J. Hamel (†), G. Lagarde et A. Jauffret, Droit commercial, t. 1, 2e vol., 2e éd., Dalloz, 1980, nos 383 et s. ; M. Jeantin, Droit des sociétés, 3e éd., Montchrestien, 1994, nos 19 et s. ; B. Mercadal et Ph. Janin, Sociétés commerciales, Mémento Pratique Francis Lefebvre, 1998, nos 26 et s. ; Ph. Merle, Droit commercial, Sociétés commerciales, 4e éd., Dalloz, 1994, nos 21 et s. et G. Ripert, R. Roblot et M. Germain, Traité de droit commercial, T.1, 16e éd., L.G.D.J., 1996, nos 670 et s. Adde C. Champaud, Le contrat de société existe-t-il encore ? in Le droit contemporain des contrats (sous la direction de L. Cadiet), Economica, 1986, p. 125 ; J.-P. Bertrel, Le débat sur la nature de la société, in Droit et vie des affaires, Études à la mémoire d'Alain Sayag, Litec, 1997, p. 131 ; J. Mestre, La société est bien encore un contrat ..., in Mélanges Christian Mouly, t. 2, Litec, 1998, p. 131 et R. Libchaber, La société, contrat spécial, in Prospectives du droit économique, Dialogues avec Michel Jeantin, Dalloz, 1999, p. 281.

[1149] Cf. R. Vatinet, Le mutuus dissensus, RTD civ. 1987, p. 252.

[1150] Ph. Merle, op. cit., n° 22.

[1151] M. Cozian et A. Viandier, op. et loc. cit.

[1152] B. Mercadal et Ph. Janin, op. cit., n° 2?.

[1153] Cf. supra, nos  5 et s.

[1154] Sur cette distinction, cf. H. Gaudemet-Tallon in Rev. crit. DIP 1992, p. 538.

[1155] Y. Loussouarn et M. Trochu, op. cit., n° 31, et les réf. cit.

[1156] Ibid.

[1157] CJCE, 10 mars 1992, Rec. I, p. 1745, concl. G. Tesauro ; Rev. crit. DIP 1992, p. 528, note H. Gaudemet-Tallon ; JDI 1993, p. 474, obs. J.-M. Bischoff.

[1158] Sans compter les droits étatiques qui, comme le droit français, hésitent entre plusieurs qualifications, cf. supra, n° 382.

[1159] CJCE, 22 mars 1983, Rec. p. 987, concl. Mancini ; Rev. crit. DIP 1983, p. 663, note H. Gaudemet-Tallon ; JDI 1983, p. 834, obs. A. Huet.

[1160] Cf. supra, n° 364.

[1161] Note sous CJCE, 10 mars 1992, préc., spéc. p. 537.

[1162] Ibid.

[1163] Obs. préc., spéc. p. 477.

[1164] Obs. préc., spéc. p. 477.

[1165] Note préc., p. 538.

[1166] Ibid., p. 539.

[1167] Ibid., p. 540.

[1168] Rev. crit. DIP 1996, p. 735.

[1169] Cf. F. LABARTHE, thèse préc.,  nos  19 et s.

[1170] Cf. not. CA  Agen, 2 janvier 1925, RTD civ. 1925, p. 644, obs. R. JAPIOT, qui déclara que “ la clause attributive de juridiction doit être considérée comme acceptée lorsqu'elle se trouve insérée dans les papiers de commerce du cocontractant dans des conditions telles que la partie à dû avoir son attention attirée sur cette clause, alors que cette partie n'a pas protestée et que l'application de cette clause doit être tenue pour habituelle ” (c'est nous qui soulignons) ; CA Bourges, 4 février 1963, D. 1963, p. 239 ; RTD. com. 1963, p. 299, obs. M. BOITARD, qui  jugea inefficace la clause attributive de juridiction parce qu'elle “ était imprimée en caractères très peu apparents [et] qu'il n'est pas certain qu'elle attira l'attention [du cocontractant]  et TGI Paris, 20 mai 1968, Gaz. Pal. 1968, 2, p. 135, qui estima que la clause attributive de juridiction figurant dans un contrat d'adhésion ne “ résulte pas clairement de la volonté des parties ” lorsqu'elle “ est imprimée en caractères très fins, après la signature de l'adhérent et sans aucune mention préalable invitant le souscripteur à se reporter à une clause énoncée plus au long après cette signature ”.

[1171] Pour un rappel de ces conditions, cf. F. LABARTHE, op. et loc. cit.

[1172] Ainsi, l'article L. 112-4 alinéa 2 du Code des assurances impose, à peine de nullité, la rédaction en caractères très apparents des clauses qui, insérées dans les contrats d'assurance, édictent des nullités, des déchéances ou des exclusions.

[1173] Cf. p. ex. Cass. 1re civ. 31 mai 1983, Bull. civ. I, n° 159, rendu à propos d'une clause limitative de responsabilité “ écrite en caractères minuscules ”.

[1174] Ph. Malaurie et L. Aynès, n° 446.

[1175] Cass. 2e civ., 20 février 1980, Gaz. Pal. 1980, 2, p. 494, note J. Dupichot ; RTD civ. 1980, p. 609, obs. J. Normand.

[1176] Cass. com., 30 novembre 1981, Bull. civ. IV, n° 415 ; D. 1982, IR p. 156, obs. P. Julien.

[1177] Cass. com., 16 novembre 1983, Bull. civ. IV, n° 313 ;  Gaz. Pal. 1984, 1, Somm. p. 72, obs. S. Guinchard.

[1178] J. Dupichot, note sous Cass. 2e civ., 20 février 1980, préc.

[1179] Obs. in RTD civ. 1980, p. 609.

[1180] Ainsi, un arrêt de la Cour d'appel de Rouen (14 mai 1981, Gaz. Pal. 1982, 1, Somm. p. 15) a annulé une clause rédigée “ dans les mêmes caractères typographiques que le reste du texte, sans aucun titre, en lettres pouvant attirer l'attention du cocontractant ”. En revanche, la Cour d'appel de Poitiers (6 décembre 1981, Gaz. Pal. 1982, 1, Somm. p. 378 ; JCP 1982, IV, p. 362) a validé la clause contenue au verso, dans les conditions générales de vente “ composées de 8 paragraphes nettement séparés et comportant chacun en caractère plus gros que le reste un paragraphe dont l'un est "attribution de juridiction" et que la désignation du nom du Tribunal compétent est écrite en caractère d'imprimerie différent et plus apparent que le reste du texte ”. Pour sa part, la Cour d'appel de Paris (22 juin 1983, Gaz. Pal. 1984, 1, Somm. p. 27) a estimé valable la clause écrite “ en caractères très apparents dans un paragraphe particulier [du contrat] nettement séparé de celui qui précède ” alors que la Cour d'appel d'Aix-en-Provence (22 janvier 1992, D. 1993, p. 27, note B. Beignier) a annulé “ la clause attributive de compétence spécifiée au verso de façon peu apparente à la fin d'un texte dense et écrit en petits caractères ”.

[1181] Cass. com., 30 mai 1983, Gaz. Pal. 1985,1, p. 53, note P. Y. Nicolas.

[1182] Cf. supra, n° 82.

[1183] Cf. p. ex. Cass. com., 30 janvier 1990, qui relève “ qu'ayant constaté que la clause attributive de compétence, qui était imprimée de façon très lisible, ne pouvait manquer d'attirer l'attention de la société Verbano, la Cour d'appel a souverainement considéré qu'elle était spécifiée de façon très apparente au sens de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile ”. Pour d'autres exemples, cf. A. Huet, J.-Cl. Droit international, Fasc.581-41, n° 43 et les réf. cit.

[1184] Cf. A. Huet, ibid., n°  44 et les réf. cit.

[1185] Bull. civ. II, n° 8.

[1186] Cass. 1re civ., 25 novembre 1986, Rev. crit. DIP 1987, p. 396, note H. Gaudement-Tallon.

[1187] CA Paris, 27 juin 1988, D. 1988, Somm. p. 342, obs. B. Audit.

[1188] B. Audit, n° 389.

[1189] Précis, n° 303. En ce sens, A. Huet, op. cit., n° 45.

[1190] CJCE, 16 mars 1999, Rev. crit. DIP 1999, p. 559, note H. Gaudemet-Tallon.

[1191] CJCE, 24 juin 1981, Rec. p. 1671, concl. G. Slynn ; Rev. crit. DIP 1982, p. 152, note H. Gaudemet-Tallon ; JDI 1981, p. 903, note A. Huet

[1192] Cf. supra, n° 350.

[1193] Cass. 1re civ., 10 mars 1982, Bull. civ. I, n° 106.

[1194] Cass. com., 27 février 1996, Rev. crit. DIP 1996, p. 732, note H. G.-T. Adde CA Grenoble, 23 octobre 1996, Rev. crit. DIP 1997, p. 756, note A. Sinay-Cytermann ; JDI 1998, p. 125, obs. A. Huet. En l'espèce, il fut relevé que “ les conditions générales [dans lesquelles figuraient la clause d'élection de for] sont écrites en langue allemande, en petit caractères grisés ; qu'elles sont illisibles à l'œil nu ”. À propos de la langue dans laquelle l'élection de for est exprimée, cf. infra, nos  396 et s.

[1195] Cass. 1re civ., 9 janvier 1996, Rev. crit. DIP 1996, p. 731, note H. G.-T., JDI 1997, p. 173, note A. Huet.

[1196] Cf. infra, nos 416 et s.

[1197] Cf. not. J.- M. Pontier, Droit de la langue française, coll. connaissance du droit, Dalloz, 1997, passim ; F.-X Testu, Le statut juridique de la langue française, in Écrits en hommage à Gérard Cornu, P.U.F., 1994, p. 441 et L. Ruet, Les fonctions juridiques de la langue, JDI 1998, p. 697.

[1198] JO du 5 août 1994, p. 11392,  D. 1994, Lég., p. 416 ; JCP 1994, III, n° 66979.

[1199] L. Ruet, article préc., n° 7.

[1200] Ph. Malaurie, Le droit français et la diversité des langues, JDI 1965, p. 565, spéc. p. 574 à 581.

[1201] L. Ruet, article préc., n° 16.

[1202] Cf. V. Delaporte, La loi relative à l'emploi de la langue française, Rev. crit. DIP 1976, p. 447, spéc. 471. Cette opinion a pu par la suite être confortée par le fait que la Cour de cassation a qualifié de loi d'application immédiate l'article L. 121-1 du Code du travail qui impose l'usage de la langue française en matière de contrat de travail, cf. Cass. soc., 19 mars 1986, JCP E, I, n° 15690, n° 1, obs. B. Teyssié, D. 1987, p. 359, note G. Légier ; Rev. crit. DIP 1987, p. 554, note Y. Lequette ; RTD civ. 1988, p. 330, obs. J. Mestre.

[1203] L. Ruet, article préc., n° 28.

[1204] En revanche, doit être frappé de nullité ... le jugement qui reproduit le texte d'une clause attributive de compétence écrite dans une langue étrangère sans en préciser la signification (Cass. 2e civ., 11 janvier 1989, Bull. civ. II, n° 11, D. 1989, Somm. p. 181, obs. P. Julien ; RTD civ. 1989, p. 619, obs. R. Perrot). Le juge peut toutefois retenir expressément les traductions proposées par l'une des parties, voire même se référer à l'interprétation la plus favorable (Cass. com., 18 octobre 1994, Dr. marit. fr. 1995, p.289, obs. Y. T.).

[1205] CJCE, 24 juin 1981, préc.

[1206] Cass. com., 27 février 1996, préc.

[1207] Cass. com., 11 mars 1997, Rev. crit. DIP 1997, p. 537, rapp. J.- P. Rémery, p. 543, note H. G.-T. ; Defrénois 1997, n° 147, p. 1348, obs. Ph. Delebecque ; JDI 1998, p. 139, obs. A. Huet.

[1208] J.- P. Rémery, rapport préc., spéc. p. 539.

[1209] Rapp. Cass. soc., 19 mars 1986, préc., rendu sous l'empire de l'ancienne rédaction de l'article L. 121-1 du Code du travail.

[1210] H. Gaudemet-Tallon, ouvrage préc., n° 124 (souligné par l'auteur).

[1211] P. Gothot et D. Holleaux, ouvrage préc., n° 177.

[1212] Cass. 1re civ., 3 décembre 1974, Bull. civ. I, n° 321.

[1213] CA Paris, 9 mai 1974, préc.

[1214] CA Paris, 16 avril 1985, Gaz. Pal. 1986, 1, Somm. p. 46.

[1215] CA Grenoble, 23 octobre 1996, préc

[1216] CA Paris, 18 décembre 1987, préc.

[1217] Cass. 1re civ., 9 janvier 1996, préc.

[1218] En ce sens, A. Huet, obs. sous Cass. 1re civ., 9 janvier 1996, préc., spéc. p. 175.

[1219] Cf. supra, n° 379.

[1220] CA Paris, 27 janvier 1988, préc.

[1221] B. Audit, obs. sous CA Paris, 27 janvier 1988, préc., spéc. p. 342.

[1222] Cf. infra, n° 445.

[1223] V° acceptation in G. Cornu, Vocabulaire juridique, 3e éd., P.U.F., 1992.

[1224] Cf. supra, n° 350.

[1225] Cf. p. ex. CA Versailles, 19 février 1993, D. 1994, Somm. p. 9, obs. Ph. Delebecque.

[1226] CJCE, 14 décembre 1976, préc.

[1227] CJCE, 19 juin 1984, préc., motif n° 16.

[1228] Cf. infra, nos  431 et s. 435 et s.

[1229] JCP 1995, III, n° 67399.

[1230] Article préc., in Mélanges offerts à Pierre Raynaud, spéc. p. 633-634.

[1231] Cf. infra, n° 342

[1232] S'agissant de l'application du système de conflit du juge désigné par un autre juge qui serait saisi, cf. supra, n° 345

[1233] Document le plus utilisé de nos jours en matière de transport maritime, le connaissement remplit diverses fonctions (cf. not. A. Vialard, Droit maritime, PUF, coll. droit fondamental 1997, nos  439 et s.). Il constitue un reçu des marchandises, l'instrumentum du contrat de transport maritime, un titre représentatif des marchandises (c'est-à-dire un titre négociable dont la cession tient lieu de transfert de propriété de la marchandise) et un instrument de crédit documentaire.

     En tant que support du contrat de transport, le connaissement se présente comme un document pré-imprimé comportant au verso les conditions générales du transport. Ces conditions générales “ contribuent à faire du contrat de transport maritime un contrat d'adhésion ” même si le chargeur est pratiquement toujours un professionnel (A. Vialard, op. cit., n° 444). De plus, “ généralement écrites en caractères minuscules (et, très souvent en anglais), ces conditions générales sont proprement illisibles ; elles sont cependant censées refléter le contenu de l'accord de volonté ” (ibid., il suffit, pour s'en convaincre, de consulter les modèles de connaissement reproduit in J.-Cl. Commercial, Fasc. 1260, p. 20 et s. et Fasc. 1262).

     Très souvent, les conditions générales des connaissements comportent une clause d'élection de for. Ces clauses sont licites (cf. M. de Juglart, La clause attributive de compétence dans le transport maritime, JCP 1955,I, n° 1242), aucune des règles spécifiques au transport maritime sous connaissement ne les prohibant, qu'il s'agisse des lois internes (Loi du 18 juin 1966, modifiée par la Loi du 23 décembre 1986) ou des Conventions internationales (Convention de Bruxelles du 25 août 1925 relative au transport sous connaissement, modifiée par les Conventions du 23 juin 1968 et du 31 mars 1978 ; on ajoutera que la Convention des Nations Unies du 31 mars 1978 sur le transport de marchandises par mer — communément appelée Règles de Hambourg — qui est reproduite in J.-Cl. Commercial, Fasc. 1253 et dont on précisera qu'elle n'est pas entrée en vigueur, comporte une disposition spéciale qui valide les clauses attributives de compétence tout en réduisant à peu de choses leur force obligatoire : si l'article 21-1-d) prévoit que l'action peut être intentée “ en tout lieu désigné à cette fin dans le contrat de transport par mer ”, ce lieu n'est que l'un des quatre chefs de compétence que le demandeur peut à son choix retenir). Cette licéité est depuis longtemps consacrée en jurisprudence (Cass. civ., 29 février 1888, D.P. 1888, 1, p. 483, cf récemment Cass. com., 10 mars 1987, Bull. civ., IV, n° 70).

[1234] Cf. p. ex. Cass. com., 28 février 1983, Dr. marit. fr. 1983, p. 720, note R. ACHARD et 3 novembre 1983, Dr. marit. fr. 1984, p. 283, note R. ACHARD ; D. 1984, IR p. 214, obs. B. MERCADAL

[1235] Cf. P. BONASSIES, Dr. mar. fr. 1988, p. 766.

[1236] Cf. not. Cass. com., 3 janvier 1989, Dr. marit. fr. 1990, p. 154, obs. P. Bonassie et 9 juillet 1991, Dr. marit. fr. 1992, p. 655. Adde, rendu à propos d'une clause relative à la responsabilité du transporteur, Cass. com., 9 novembre 1993, Dr. marit. fr. 1994, p. 116, note A. Le Bayon, qui, sous le visa de l'article 1134 du Code civil, casse l'arrêt de la Cour d'appel qui avait décidé que les clauses figurant sur le contrat de transport avaient été acceptées par le chargeur en retenant que la convention avait été “ formalisée ” par la “ signature du titre ”, alors que la signature du chargeur n'apparaissait pas sur le connaissement.

[1237] Cf. not. Cass. com., 10 janvier 1989, Bull. civ. IV, n° 20, qui écarte la clause d'élection de for au motif que le transporteur n'avait pas établi que “ les chargeurs et leur mandataire aient accepté la clause, fût-ce tacitement, au moment de la formation du contrat ” (c'est nous qui soulignons) et12 octobre 1993 (non pub. bull.), Dr. marit. fr. 1994, p. 628, note M. Ndende, jugeant que “ cette preuve [i.e. de l'acceptation] pouvait notamment résulter de la signature du connaissement par le chargeur ” (c'est nous qui soulignons).

[1238] CA Paris, 5 juin 1991, cité in Lamy Transport, t. 2, 1998, n° 607.

[1239] Cf. P. BONASSIES, Le droit positif français en 1993, Dr. mar. fr. 1994, n° 80, pp. 175-176 et M. Rémond-Gouilloud, article préc., spéc. p. 346, et les réf. cit. Contra CA Rouen, 21 octobre 1992, Dr. marit. fr. 1993, p. 480, qui estime que le fait pour le chargeur d'avoir rempli les rubriques du connaissement ne fait que présumer la connaissance de la clause, et non son acceptation.

[1240] Sur cette exigence, cf. infra, n° 414. S'agissant du transport maritime, on peut observer que bien souvent les connaissements sont établis après le départ du navire (obs. P.-Y. Nicolas sous CA Rouen, 16 novembre 1995, Dr. marit. fr. 1997, p. 164, spéc. p. 166). Du reste, il peut arriver qu'une même marchandise embarquée sur le même navire dans le même port donne lieu à l'émission de plusieurs connaissements, à l'en-tête d'un quelconque exploitant du navire ou d'un service commun auquel il appartient. De fait, le chargeur ignore au moment de la formation du contrat lequel de ces connaissements sera utilisé, et ce alors même que le navire, la plupart du temps, n'est pas encore entré dans le port (ibid.).

[1241] P.-Y. Nicolas, obs. préc.

[1242] Cass. 1re civ., 3 décembre 1991, préc.

[1243] H. Gaudemet-Tallon, note sous Cass. 1re civ., 3 décembre 1991, préc.

[1244] CA Rouen, 13 février 1996, Dr. marit. fr. 1997, p. 802, obs. Y. Tassel.

[1245] Cf. not. CA Rouen, 25 avril 1991, Dr. marit. fr. 1993, p. 419 ; Cass. com., 18 octobre 1994, Dr. marit. fr. 1995, p. 289, obs. Y. T.

[1246] Cass. com., 3 janvier 1989, préc. et 7 juillet 1992, Dr. mar. fr. 1993, p. 328, obs. Y. TASSEL.

[1247] Cf. not. CA Paris, 14 juin 1991, Dr. marit. fr. 1992, p. 212 ; CA Rouen, 12 mars 1992, Dr. marit. fr. 1993, p. 407 ; CA Rennes, 23 décembre 1992, Dr. marit. fr. 1993, p. 298, note Y. Tassel.

[1248] Y. Tassel, Les clauses attributives de compétence, Ann. dr. marit., t. 13, 1995, p. 99, spéc. p.110. Rapp. M. Rémond-Gouilloud, Droit maritime, 2e éd., Pédone, 1993, n° 624.

[1249] Cf. infra, n° 566.

[1250] Cf. Cass. com., 20 juillet 1981, Bull. civ. IV, n° 324 ; RTD com. 1981, obs. J.- Cl. Dubarry et A. Bénabent et 27 février 1983, D. 1984, IR p. 191.

[1251] Cf. supra, nos  363 et s.

[1252] Cf. supra, n° 360 et 364.

[1253] Cf. infra, nos 416.

[1254] Cf. supra, n° 377, c'est nous qui soulignons.

[1255] Cf. X. Boucobza, article préc., spéc. n° 23.

[1256] Ibid.

[1257] Ibid.

[1258] On relève toutefois que la jurisprudence exclut l'acceptation implicite de la clause de référence en matière de transport maritime. Dans ce domaine, le recours à l'arbitrage à lieu essentiellement dans le cadre de contrats d'affrètement. Rappelons que l'affrètement est le contrat par lequel le fréteur s'engage, moyennant rémunération, à mettre un navire à la disposition d'un affréteur. Ce contrat est constaté par une charte-partie — “ acte écrit établissant les conditions d'un contrat d'affrètement maritime et constatant les engagements des parties ” (v° charte-partie in G. Cornu, Vocabulaire juridique, 3e éd., P.U.F., 1992, p. 131) — dans laquelle se trouve fréquemment insérée une clause compromissoire. La portée de cette clause suscite toutefois certaines incertitudes lorsque l'affréteur exerce les fonctions de transporteur. En effet bien souvent, le contrat de transport (ou connaissement, cf. supra, n° 406, note n° 169) ne comporte pas de clause d'arbitrage mais se réfère aux conditions générales de la charte-partie qui la contient. Se pose alors la question de savoir dans quelle mesure le chargeur et le bénéficiaire sont liés par cette clause. D'un côté, il a été soutenu qu'à partir du moment où la plupart des chartes-parties comportent une clause compromissoire, un professionnel du commerce maritime ne peut sérieusement prétendre en ignorer l'existence (en ce sens, CA Aix-en-Provence, 24 juin 1970, Dr. marit. fr. 1970, p. 679, note A. C. Adde Ph. Fouchard, E. Gaillard et B. Goldman(†), Traité préc., n° 496 et J. L. Goutal, Rev. arb. 1995, p. 622 et 1996, p. 605). D'un autre côté, si l'on estime primordial de se préoccuper de la réalité du consentement, il devient alors contestable de donner effet à une clause dont la connaissance est incertaine. À cet égard, l'on ne peut que constater la vigilance de la Cour de cassation s'agissant de l'effectivité de la connaissance de la clause d'arbitrage insérée dans le contrat d'affrètement : la simple référence à la charte-partie est en soi insuffisante si elle n'est pas annexée au connaissement (cf. p. ex. CA  Rouen, 14 octobre 1983, Dr. marit. fr. 1984, p. 381, note J.C. Buhler et Cass. com., 4 juin 1985, Dr. marit. fr. 1986, p. 106, note R. A. ; 7 janvier 1992, Rev. arb. 1992, p. 553, note Ph. Delebecque). Mais ce n'est au fond qu'une illustration de ce que le document annexe contenant la clause compromissoire (ou d'élection de for) doit être remis avec l'instrumentum lors de la formation du contrat (cf. supra, n° 375). Là pourtant où se manifeste l'autonomie du droit maritime, c'est en matière d'acceptation. Alors que l'arrêt Bommar Oil II admet que la clause de référence (ou plutôt le contrat qui la contient) puisse être acceptée fût-ce par le silence du pollicitant, la jurisprudence impose en matière maritime une acceptation expresse. Pendant un temps, il fut même exigé que la clause soit non seulement annexée mais également reproduite dans le connaissement (Cass. com., 4 juin 1985, préc. et 7 janvier 1992, préc.). Actuellement, seule l'exigence d'une acceptation expresse est maintenue (Cass.  com., 24 janvier 1995, Bull. transp. 1995, p. 89 ; Dr. marit. fr. 1996, p. 263, obs. P. Bonassies). Située dans le mouvement jurisprudentiel qui manifeste des réticences à l'égard de l'acceptation tacite du chargeur en matière de transport maritime (cf. supra, n° 407), cette solution ne surprendra guère. Elle apparaît, toutefois, excessive chaque fois que la remise du document annexe (la charte-partie) contenant la clause a véritablement eu lieu avant la conclusion du contrat. On constate cependant que si un consentement exprès est exigé, il peut se manifester autrement que par une signature (cf. CA Rouen, 14 octobre 1997, Dr. marit. fr. 1998, p. 479, note R. Achard, arrêt de renvoi de Cass. com., 24 janvier 1995, préc., qui estime que la manifestation expresse de l'acceptation du chargeur résulte de l'ordre de paiement du prix donné à sa banque après réception du connaissement et de la charte-partie contenant la clause compromissoire).

[1259] CJCE, 6 mai 1980, Rec. p. 1517, rapp. REISCHL ; JDI 1980, p. 934, note A. HUET ; Rev. crit. DIP 1981, p. 339, note P. LAGARDE.

[1260] H. GAUDEMET-TALLON, ouvrage préc., n° 120.

[1261] P. JÉNARD, Rapport préc., p. 63

[1262] P. LAGARDE, note préc.

[1263] Cf. supra, n° 368.

[1264] Cf. p. ex. Cass. com., 9 juillet 1991, Bull. civ. IV, n° 256 ; RTD civ. 1992, p. 389, obs. J. Mestre.

[1265] Cf. J. Ghestin, La formation du contrat, préc., nos  319 et s.

[1266] Cf. J. Flour et J. -L. Aubert, op. cit., n° 163.

[1267] Bull. civ. IV, n° 26 ; RTD com. 1990 , p. 453 obs. B. Bouloc.

[1268] Traité, t. 2, n° 566.

[1269] Cf. supra, n° 404.

[1270] Cf. CJCE, 24 décembre 1976, préc

[1271] En ce sens, E. Mezger, note sous CJCE, 24 décembre 1976, préc., spéc. p. 590.

[1272] M. Pédamon, Le contrat en droit allemand, Coll. Droit des affaires, L.G.D.J., 1993, p. 43.

[1273] Cl. Witz, Droit privé allemand, 1, Actes juridiques, droits subjectifs, Litec, 1992, n° 167.

[1274] D. Ben Abderrahmane, thèse préc., n° 92.

[1275] P. Bellet, cité par G. A. L. Droz, thèse préc., n° 197.

[1276] Rapport préc., p. 37.

[1277] G. A. L. Droz, thèse préc., n° 198.

[1278] CJCE, 14 décembre 1976 (aff. 25/76), Rec. 1976, p. 1851, concl. F. Carpotori ; Rev. crit. DIP 1977, p. 577, note E. Mezger ; JDI 1977, p. 734, obs. J.- M. Bischoff ; Gaz. Pal. 1977, 1, p. 101, concl. F. Carpotori ; D. 1977, IR p. 349, obs. B. Audit.

[1279] Cette exigence sera réaffirmée dans l'arrêt de la CJCE du 19 juin 1984, préc. Pour le droit interne, cf. not. Cass. 1re civ., 17 novembre 1982, Bull. civ. I, n° 332.

[1280] Note préc., spéc. p. 590.

[1281] Obs. préc., spéc. p. 739. Rapp . P. Gothot et D. Holleaux, ouvrage préc., n° 173.

[1282] CJCE, 19 juin 1984, préc. (motif n° 19, repris dans le dispositif, alinéa 1).

[1283] CJCE, 11 juillet 1985, Rec. p. 2699, concl. G. Slynn ; JDI 1986, p. 453, obs. J.-M. Bischoff ; Rev. crit. DIP 1986, p. 335, note H. G. T

[1284] Pour une application de cette jurisprudence en droit interne, cf. not. Cass. 1re civ., 31 mai 1983, Bull. civ. I, n° 160.

[1285] Cass. 1re civ., 10 janvier 1990, Bull. civ. I, n° 2.

[1286] Obs. sous Cass. 1re, 3 décembre 1985, D. 1986, IR p. 267. Rapp. Cass. soc., 14 janvier 1988, JDI 1989, p. 91, obs. A. Huet, où la Cour de cassation a constaté l'absence de rapports courants dans l'hypothèse où la clause d'élection de for était insérée dans un contrat de travail qui était signé par le seul employeur et qui avait été exécuté sans réserves par le salarié. Cette solution est justifiée pour deux raisons. Tout d'abord, parce que l'exécution d'un contrat de travail ne peut être considérée comme créatrice de rapports courants (cf. B. Audit, précis. préc., note n° 6, p. 456). Ensuite et surtout, parce que les rapports qui se constituent entre un salarié et un employeur dans le cadre de l'exécution d'un contrat de travail ne sont pas de nature commerciale.

[1287] Cf. supra, n° 404.

[1288] CJCE, 11 juillet 1985, préc.

[1289] J.-M. Bischoff ; obs. préc., spéc. p. 457.

[1290] Ibid.

[1291] Ibid., p. 457 et 458.

[1292] Note préc., spéc. p. 340.

[1293] Cf. supra, n° 418.

[1294] Ibid.

[1295] Lorsque Mme Gaudemet-Tallon écrit “ la convention verbale doit porter spécialement sur la prorogation de compétence, l'une des parties doit la confirmer par écrit, l'autre doit recevoir cette confirmation écrite et ne pas soulever d'objections ” (ouvrage préc., n° 122), c'est semble-t-il laisser entendre que la formulation d'objection aurait pour effet de rendre la clause inefficace. Rapp. B. Audit, n° 548, qui écrit que “ c'est le défaut de protestation de l'autre partie qui établit son acceptation, ou plus exactement sa propre confirmation ” (c'est nous qui soulignons).

[1296] Rapp. J.-P. Beraudo, J.-Cl. Europe, Fasc. 3010, n° 61, selon qui “ si une objection devait être formulée, il semble que sa portée soit une question de fait. Les juges des États contractants devraient alors, selon les circonstances, décider si elle se rapporte à la convention initiale des parties, à la teneur de la confirmation seulement ou si elle est le fait d'un contractant de mauvaise  foi ”.

[1297] CJCE, 11 novembre 1986, Rec. p. 3337, concl. Da Cruz Valica ; JDI 1986, p. 472, obs. A. Huet ; Rev. crit. DIP 1987, p. 420, note H. Gaudemet-Tallon ; Gaz. Pal. 1987, 1, Somm. p. 82, obs. J. Mauro.

[1298] H. Gaudemet-Tallon, note préc., spéc. p. 424 et 425 et J. Mauro, note préc.

[1299] H. Gaudemet-Tallon, op. cit. et les réf. cit. Adde B. Starck, H. Roland et L. Boyer, n° 175.

[1300] J.-P. Beraudo, op. cit., n° 63.

[1301] Rapp. H. Gaudemet-Tallon, note préc., spéc. p. 426, qui estime que l'article 17 devrait être appliqué en toutes hypothèses afin d'éviter la recherche préalable de la loi applicable au contrat.

[1302] Cf. supra, n° 418.

[1303] Cf. supra, n° 419.

[1304] En ce sens, cf. P. Jénard et G. Möller, rapport préc., n° 55 ; M. de Almeida Cruz, M. Desantes Real et P. Jénard, rapport préc., n° 26 ; G. A. L. Droz, La Convention de Lugano parallèle à la Convention de Bruxelles concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, Rev. crit. DIP 1989, p. 1, spéc. p. 23 ; H. Gaudemet-Tallon, ouvrage préc., n° 125.

[1305] En ce sens, D. Alexandre, Convention de Bruxelles (Compétence), préc., n° 260.

[1306] Cf. supra, n° 119.

[1307] Cf. supra, n° 133.

[1308] On notera que dans la même hypothèse, si le bateau avait été loué par un plaisancier domicilié en France, la clause aurait été jugée illicite au regard de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile.

[1309] Cf. cependant la rigueur de certaines décisions rendues par les juges du fond en matière de transport maritime dans l'appréciation des relations d'affaires : CA Versailles, 28 septembre 1995 (jugeant que les documents produits ne permettent pas de déterminer les conditions qui régissent les relations d'affaires suivies antérieures entre les parties) et CA Paris, 31 mai 1995, Bull. transp. 1996, p. 79 et CA Aix-en-Provence, 22 juin 1993, Bull. transp. 1994, p. 23.

[1310] Rapp.  H. Gaudemet-Tallon, ouvrage préc., n° 125.

[1311] Cass. 1re civ., 9 janvier 1996, préc.

[1312] Obs. sous Cass. 1re civ., 9 janvier 1996, JDI 1997, spéc. p.175.

[1313] Cf. CA Paris, 15 octobre 1997, D. 1997, IR p. 240, qui, rendu sous l'empire de la Convention de Lugano, mais dont la solution est tout à fait transposable à la Convention de Bruxelles, a jugé que “ les conditions générales de vente qui figurent sur les nombreuses factures depuis des années ont été connues et nécessairement acceptées par l'acquéreur ”.

[1314] Cf. supra, nos  371 et 400. Adde A. Huet, J.-Cl. Droit international, Fasc. 581-41, n° 51 et les réf. cit.

[1315] Cass. 1re civ., 30 juin 1992, préc. Cf. supra, n° 372.

[1316] P. Schlosser, rapport préc., n° 179. Cf. égal. G. A. L. Droz, Entrée en vigueur de la Convention de Bruxelles révisée sur la compétence judiciaire et l'exécution des jugements, Rev. crit. DIP 1987, p. 251, spéc. n° 47.

[1317] P. Schlosser, ibid. et G. A. L. Droz, ibid.

[1318] P. Jénard et G. Möller, Rapport sur la Convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale faite à Lugano le 16 septembre 1988, JOCE 1990, n° C 189, spéc. n° 57 et G. A. L. Droz, La Convention de Lugano parallèle à la Convention de Bruxelles concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, Rev. crit. DIP 1989, p. 1, spéc. n° 33 et s.

[1319] G. A. L. Droz, La Convention de San Sebastian alignant la Convention de Bruxelles sur la Conventon de Lugano, Rev. crit. DIP 1990, p. 1, spéc. p. 3.

[1320] Cf. supra, n° 420.

[1321] Cf. CA Paris, 30 novembre 1988, D. 1989, Somm. p. 253, obs. B. Audit ; JDI 1990, p. 153, obs. A. Huet, où  la Cour d'appel s'est fondée à la fois sur l'existence de “ rapports commerciaux courants ” et sur les “ usages du commerce international ” alors que la référence au nouvel article 17 n'était pas nécessaire pour justifier la validité de la clause.

[1322] E. Mezger, Les grandes lignes de la Convention du 9 octobre 1978 relative à l'adhésion du Danemark, de l'Irlande et du Royaume Uni à la Convention de Bruxelles concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale du 27 septembre 1968 ainsi qu'au protocole concernant son interprétation par la Cour de Justice, Trav. com. fr. DIP 1980-1981, p. 16, spéc. p. 27.

[1323] Ibid., p. 33.

[1324] H. Gaudemet-Tallon, Les clauses attributives de juridiction dans la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, in Compétence judiciaire et exécution des jugements en Europe, Butterworths, 1993, p. 133, spéc. p. 139.

[1325] Cf. CA Paris, 14 décembre 1988, D. 1989, IR p. 52 ; JDI 1990, p. 153, obs. A. Huet, qui a jugé sans autres précisions qu'“ est conforme aux usages du commerce international et répond aux exigences de l'article 17 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, applicable en la cause, la référence faite à des conditions de vente, contenant une clause attributive de juridiction, dans la confirmation d'une commande ”. Rapp. CA Limoges, 23 septembre 1993, JCP 1994, IV, n° 864, qui affirme péremptoirement que l'appelante “ ne peut sérieusement soutenir ne pas avoir eu connaissance de la clause attributive de compétence figurant, et ce, d'une manière conforme aux usages du commerce international, sur tous les catalogues édités par la société intimée ”.

[1326] Note préc.

[1327] CA Paris, 8 juin 1988, D. 1988, IR p. 203. Dans le même sens, annulant la clause d'élection de for au motif que la preuve de l'usage n'a pas été rapportée, cf. not. CA Paris 5 avril 1994, Rev. crit. DIP 1995, p. 573, note C. Kessedjian ; 26 octobre 1994, D. 1995, IR p. 23 et CA Rouen, 21 octobre 1992, Dr. marit. fr. 1993, p. 397, note Y. Tassel, confirmé par Cass. com., 15 novembre 1994 (non pub. bull.), Dr. marit. fr. 1995, p. 357, note Y. Tassel.

[1328] Cass. 1re civ., 23 février 1994 (non pub. bull.), JDI 1995, p. 154, obs. A. Huet. En l'espèce, le rejet de l'arrêt attaqué est motivé au motif que la Cour d'appel “ a, souverainement, retenu que rien n'établissait que la société Ofmag, tant dans la commande litigieuse qu'à l'occasion des deux seules commandes antérieures, ait eu connaissance ni de cette clause, ni d'un quelconque usage en la matière ou était censée en avoir connaissance ”.

[1329] 6 décembre 1993, JDI 1995, p. 152, obs. A. Huet.

[1330] A. Huet, ibid.

[1331] CJCE, 20 février 1997, Rec. I, p. 913, concl. G. Tesauro ; Rev. crit. DIP 1997, p. 663, note H. Gaudemet-Tallon ; JDI 1997, p. 625, obs. A. Huet ; Europe 1997, n° 130, obs. L. Idot.

     La CJCE avait déjà été saisie d'une question préjudicielle relative à la “ forme conforme à un usage du commerce international ” dans l'affaire Custom Made Commercial c/ Stawa Metallbau Gbm (CJCE, 29 juin 1994, Rec. I, p. 2913, concl. C. O. Lenz ; Rev. crit. DIP 1994, p. 692, note H. Gaudemet-Tallon). Mais elle ne s'est pas prononcée à ce sujet car si en l'espèce la clause d'élection de for désignait les juridictions allemandes, la compétence internationale de ces dernières pouvait également se fonder sur l'article 5-1° de la Convention de Bruxelles à propos duquel la Cour de Justice était également questionnée.

[1332] CJCE, 16 mars 1999, Rev. crit. DIP 1999, p. 559, note H. Gaudemet-Tallon. Sur la décision ayant saisi la CJCE de ce recours en interprétation, cf. C. cass. italienne, Sect. réunies, 21 janvier 1997, Dr. marit. fr. 1998, obs. R. Achard, p. 339 et 517.

[1333] Rapport préc., n° 179.

[1334] Cf. supra, n° 350.

[1335] Contra O. Lando (in La mission de la Cour et le système de la Convention de Bruxelles, in Compétence judiciaire et exécution des jugements en Europe, Butterworths, 1993, p. 25, spéc. p. 36 et s.) qui, avant que la CJCE ne se prononce sur l'interprétation de la forme “ conforme à un usage dans le commerce international ”, avait considéré que la condition de l'accord de volontés devrait être appréciée en fonction du droit applicable à cette question.

[1336] B. Ancel, La clause attributive de juridiction selon l'article 17 de la Convention de Bruxelles, préc., spéc. p. 279, note n° 24.

[1337] Ch. Kohler, Rigueur et souplesse en droit international privé : les formes prescrites pour une convention attributive de juridiction “ dans le commerce international ” par l'article 17 de la Convention de Bruxelles dans sa nouvelle rédaction, in Droit international et droit communautaire, Actes du colloque, Paris, 5 et 6 avril 1990, Fondation Calouste Gulbenkian, Centre culturel Portugais, Paris, 1991, p. 159, spéc. n° 10.

[1338] Concl. préc., spéc. n° 25.

[1339] Ch. Kohler, op. cit.

[1340] CJCE, 24 juin 1981, préc.

[1341] V. Heuzé, Conflits de juridictions et contrats internationaux, Dictionnaire Joly Pratique des contrats internationaux, Livre IX (1989, mise à jour 1993), n° 90. En ce sens égal., Ch. Kohler, article préc., spéc. n° 9 ; B. Ancel, article préc., spéc. p. 279, note n° 24 ; H. Gaudemet-Tallon, ouvrage préc., n° 126, et les réf. cit. et C. Kessedjian, note préc. Adde G. Tesauro, concl. préc., n° 25 et C. O. Lenz, concl. préc., n° 98.

[1342] Article préc., nos  9 et 10.

[1343] Rapp. Ch. Kohler, article préc., spéc. n° 10.

[1344] Comp. G. Tesauro, concl. préc., n° 25 et C. O. Lenz, concl. préc., n° 98. Rapp. A. Huet, obs. préc., spéc. p. 628, qui écrit que “ les usages du commerce international auxquels se réfère l'article 17 sont des usages qui, d'une part, n'exigent aucune forme écrite du consentement, et qui, d'autre part et surtout, considèrent que tel ou tel comportement constitue une présomption de consentement à la clause attributive de juridiction ou vaut acceptation tacite de ladite clause ”.

[1345] Ch. Kohler, article préc., spéc. n° 7 et C. O. Lenz, concl. préc., n° 98.

[1346] Cf. supra, n° 364.

[1347] A. Huet, note préc., spéc. p. 630.

[1348] P. Gothot et D. Holleaux, ouvrage préc., n° 175.

[1349] Cet argument fut d'ailleurs l'un de ceux que certains auteurs avancèrent pour s'opposer à la transposition de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile aux relations internationales, cf. supra, n° 80.

[1350] Sur l'internationalité de l'accord d'élection de for, cf. supra, nos  85 et s.

[1351] H. Gaudemet-Tallon, note préc., spéc. p. 573.

[1352] Ouvrage préc., n° 175.

[1353] Cf. supra, n° 435.

[1354] Cf. Ph. Khan, Droit commercial et économique, interne et international, Rapport français, in Le rôle de la pratique dans la formation du droit, Travaux de l'Association Henri Capitant, t. 34, 1983, Economica, p. 237, spéc. p. 246. Sur cette question, cf. D. Bureau, thèse préc., nos  431 et s. et les réf. cit.

[1355] J. Ghestin, G. Goubeaux et M. Fabre-Magnan, Traité de droit civil, Introduction générale, L.G.D.J., 1994, n° 547. Rapp. Ch. Kohler, article préc., spéc. n° 8.

[1356] H. Gaudemet-Tallon, note préc., spéc. p. 573.

[1357] Cf. G. Tesauro, concl. préc., n° 28 et C. O. Lenz, concl. préc., n° 111.

[1358] Cf. not. B. Audit, obs. sous CA Paris, 30 novembre 1988, préc. ; Ch. Kohler, article préc., n° 11 et H. Gaudemet-Tallon, n° 126.

[1359] Selon l'expression de M. Huet, v. supra, n° 436.

[1360] Ch. Kohler, op. cit.

[1361] À propos du processus de formation des contrats types, cf. P. Padis, La vente commerciale internationale par contrat type et incoterms, Gaz. Pal. 1970, 2, Doct., p. 91.

[1362] P. Schlosser, rapport préc., n° 179.

[1363] E. Gaillard, La distinction des principes généraux du droit et des usages du commerce international, in Études offertes à Pierre Bellet, Litec, 1991, p. 203, spéc. n° 8.

[1364] Ibid., n° 9.

[1365] C. Kessedjian, note sous CA Paris, 5 avril 1994, préc.

[1366] P. Schlosser, rapport préc., n° 179.

[1367] A. Huet, note préc., spéc. p. 629.

[1368] H. Gaudemet-Tallon, note préc., spéc. p. 574.

[1369] B. Ancel, article préc., spéc. p. 279.

[1370] Cf. infra, n° 566.

[1371] Précis, n° 303. Adde A. Huet, J.- Cl. Droit international, Fasc. 581-1, n° 45 et B. Audit, n° 389.

[1372] Cass. 2e civ., 5 février 1986, préc.

[1373] Cf. not. Cass. 1re civ., 25 novembre 1986, préc. ; CA Paris, 27 janvier 1988, préc. et 10 octobre 1990, préc.

[1374] Cf. supra, n° 394.

[1375] Cass. 2e civ., 5 février 1986, préc. ; Cass. 1re civ., 25 novembre 1986, préc. et CA Paris, 10 octobre 1990, préc.

[1376] CA Paris, 27 janvier 1988, préc.

[1377] Seul l'arrêt du 25 novembre 1986, préc.,  invoque “ les usages des transports maritimes internationaux ”.

[1378] Comp. P. Mayer, n° 303, qui écrit que “ les solutions de la Convention de Bruxelles pourraient ainsi être considérées comme faisant partie du droit commun français ”.

[1379] Sur la théorie “ du dernier mot ”, cf. D. Ben Abderrahmane, thèse préc., nos 137 et s.

[1380] L. Raiser, Das Recht der Allgemeinen Geschäftsbedingungen, Bad Hamburg, 1935, cité par D. Ben Abderrahmane, thèse préc., n° 141.

[1381] Cf. F. Labarthe, thèse préc., nos 36 et s. Mais on relèvera cependant que ce principe a été écarté par le législateur en matière de clause de réserve de propriété. En effet en cas de clauses inconciliables, c'est-à-dire lorsque les conditions générales du vendeur comprenaient une clause de réserve de propriété alors que les conditions générales d'achat comprenaient une stipulation refusant expressément cette réserve de propriété, la jurisprudence écartait la réserve de propriété. Cette solution est désormais écartée depuis que l'article 121, alinéa 2, de la Loi du 25 janvier 1985, tel qu'il a été modifié par la Loi du 1er juillet 1996, dispose que “ nonobstant toute clause contraire, la clause de réserve de propriété est opposable à l'acheteur et aux autres créanciers, à moins que les parties n'aient convenu par écrit de l'écarter ou de la modifier ” (cf. à ce sujet les obs. crit. de P. Crocq in RTD civ. 1996, p. 675).

[1382] Cf. not. Cass. com., 14 juin 1976, D. 1976, IR p. 258 ; 20 novembre 1984, JCP 1987, II, n° 20832, note A. Blaisse et Cass. 1re civ., 28 mars 1995, Bull. civ. I, n° 140 ; RTD civ. 1997, p. 121, obs. J. Mestre.

[1383] CA Paris, 25 juin 1958, D. 1958, Somm. p. 140.

[1384] CA Paris, 13 décembre 1995, préc. En l'espèce, l'autre clause d'élection de for sera écartée pour des raisons tenant à l'application de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises, cf. infra, n° 454.

[1385] Cass. com., 29 octobre 1964, Gaz. Pal. 1965, 1, p. 45.  Rapp. Cass. com., 18 octobre 1983, Gaz. Pal. 1984, 2, Panor., p. 164 (solution implicite dans la mesure où la cassation est prononcée pour défaut de réponse aux conclusions de l'un des cocontractants qui soutenait que sa clause figurait de façon apparente au recto de la facture alors que celle de la partie adverse ne figurait qu'en petits caractères au verso du bon de commande).

[1386] Cf. Cass. 1re civ., 28 mars 1995, préc. En ce sens, cf. A. Huet, J.-Cl. Droit international, Fasc. 581-41, n° 52, et les réf.  cit.

[1387] Cf. infra, n° 454.

[1388] Cf. CA Paris, 27 janvier 1955 (préc.), qui, après avoir précisé que les conditions de fond, d'existence et de validité de la clause d'élection de for sont régies par la loi du contrat, relève une “ identité substantielle ” des droits français et allemand et considère que la clause attribuant compétence au Tribunal de commerce de la Seine n'a pas été acceptée par l'autre partie dont les conditions générales comportaient une clause attribuant compétence au Tribunal de Sarrebruck.  Si l'application de la lex contractus doit être approuvée, il est en revanche contestable que la Cour se soit dispensée de désigner laquelle des lois en conflit était applicable au motif que leur contenu serait identique. Ainsi qu'a pu l'indiquer Motulsky (note préc., reprod. in Écrits, t. 3, spéc. p. 325-326),  il eut été préférable de désigner la loi applicable au contrat et de raisonner dans son seul cadre dans la mesure où l'appréciation des clauses d'attribution contradictoires diffère suivant que l'on applique l'une ou l'autre des deux législations.

     On ne peut toutefois sous-estimer les difficultés suscitées par la détermination de la loi applicable au contrat lorsque les conditions générales en conflit comporteront une clause d'electio juris désignant chacune une loi différente. En effet, selon l'article 3§4 de la Convention de Rome, l'existence du contrat de choix de loi est régie par la loi applicable au contrat principal, c'est-à-dire par la loi qu'il désigne. On se trouve alors en présence d'un cercle vicieux si les parties choisissent chacune une loi différente. Laquelle devra-t-on appliquer pour déterminer si l'une des clauses d'electio juris en conflit l'emporte sur l'autre ou si elles se neutralisent ? La réponse à cette question ne peut être trouvée dans l'article 8§2 de la Convention de Rome qui permet à une partie de se référer à la loi de sa résidence habituelle pour établir qu'elle n'a pas consenti “ s'il résulte des circonstances qu'il ne serait pas raisonnable de déterminer l'effet de [son] comportement ” d'après la loi applicable au contrat. Ce texte en effet suppose que soit déjà déterminée la loi applicable au contrat pour qu'il soit possible d'y déroger.

     Avant que le protocole permettant à la CJCE d'interpréter la Convention de Rome entre en vigueur, seules les juridictions des États contractants pourront être amenées à trancher cette difficulté. À ce stade, plusieurs solutions peuvent être envisagées. On pourrait tout d'abord songer à cumuler les lois désignées par les deux clauses d'electio juris. Cependant une telle issue n'est pas la plus heureuse car le cumul des lois implique l'application de la loi la plus stricte, soit en l'occurrence celle qui décidera que les deux clauses se neutralisent. Tout au plus pourrait-on prendre en considération ces deux lois afin de vérifier si elles se contredisent. Si leurs solutions sont inconciliables, il pourrait alors être envisagé de rechercher la loi applicable au contrat comme si les parties n'avaient pas choisi la loi devant régir leur contrat, c'est-à-dire appliquer l'article 4 de la Convention de Rome. En soi, cette solution revient à consacrer une méthode au détriment d'une autre puisqu'elle postule la neutralisation des deux clauses d'electio juris contradictoires. Au demeurant, elle laisse place à de redoutables difficultés. En effet, que faire si la loi désignée de cette façon retient le système du Last shot rule ? Faudra-t-il appliquer le contrat de choix de loi inséré dans le document remis en dernier ? Mais si la loi qu'il désigne estime que deux stipulations qui se contredisent doivent être écartées,  faudra-t-il alors appliquer la loi qui aurait été compétente si les parties n'avaient pas choisi la loi devant régir leur contrat ... alors que cette loi retient la théorie du “ dernier mot ” ? Il apparaît plus que nécessaire que la CJCE puisse être en mesure de consacrer une interprétation de la Convention de Rome qui s'impose à tous les États contractants.

[1389] Ch. Mouly, Que change la Convention de Vienne sur la vente internationale par rapport au droit français interne ? D. 1991, Chron. p. 77 ; B. Audit, La vente internationale de marchandises, Convention des Nations-Unies du 11 avril 1980, Coll. Droit des affaires, L.G.D.J., 1990, n° 71 et V. Heuzé, La vente internationale de marchandises, Droit uniforme, GLN JOLY, 1992, n° 187.

     L'organisation  UNIDROIT ayant démarré les travaux qui ont abouti à la Convention de Vienne (cf. J.-L. Béraudo, Les principes d'Unidroit relatifs au droit du commerce international, JCP 1995, I, n° 3842, spéc. n° 2), on ne s'étonnera pas que l'article 2.11, 2) des  “ principes d'UNIDROIT relatifs aux contrats du commerce international ” (JCP 1995, III, n° 67399) ainsi que l'article 19§2 de la Convention de Vienne se réfèrent tous deux à la notion “ d'élément complémentaire qui n'altère pas substantiellement les termes de l'offre ” pour admettre le principe d'une acceptation alors même que la réponse du destinataire de l'offre comporte des éléments complémentaires ou différents par rapport à la pollicitation. Toutefois à la différence de l'article 19§3, les principes d'UNIDROIT ne comportent pas d'énumération de ces éléments. Cependant,  ils précisent que si l'auteur de l'offre n'exprime pas son désaccord sur ces modifications dans un délai indu, les termes du contrat sont ceux de l'offre avec les modifications énoncées dans l'acceptation. Ce sont donc les conditions générales du destinataire de l'offre qui vont s'appliquer en cas de silence du pollicitant.

[1390] Cf. supra, n° 350.

[1391] Cf. Cass. 1re civ., 12 décembre 1978, Bull. civ., I, n° 382 et Cass. com., 14 juin 1983, Bull. civ. IV, n° 170.

[1392] Cf. supra, n° 425.

[1393] Cf. supra, n° 431.

[1394] Sur ces conditions, cf. supra, nos  435 et s.

[1395] Cf. supra, n° 397.

[1396] En ce sens, C. O. Lenz, conclusions sous CJCE, 24 juin 1994, Rec. I, spéc. p. 2948.

[1397] Cf. not. CA Paris, 13 décembre 1995, préc. et Cass. 1re civ., 16 juillet 1998, D. 1999, p. 117, note Cl. Witz ; JDI 1999, p. 196, obs. A. Huet ; Rev. crit. DIP 1999, p. 122, note B. Ancel et H. Muir Watt.

     La solution de l'arrêt du 16 juillet 1998 est pour le moins étrange. En l'espèce, l'acheteur adressa au vendeur des bons de commande se référant aux conditions générales d'achat contenant une clause attributive de juridiction au Tribunal de commerce d'Orléans alors que le destinataire renvoya des confirmations de commande se référant à ses propres conditions générales lesquelles contenaient une clause de compétence à la juridiction de son siège situé en Allemagne. Mais il semble que dans le même temps le vendeur exécuta sa prestation sans formuler de réserves. Pour la Cour de cassation, l'envoi des confirmations de commandes comportant des conditions générales contenant une clause d'élection de for différente constitue une contre-offre. Selon, en effet, l'économie des articles 18 et 19, si aucune acceptation de la contre-offre n'a eu lieu, le contrat doit être considéré comme n'étant pas formé (cf. supra, n° 454) et ce même si l'une des parties a exécuté sa prestation. Or, après avoir écarté les clauses d'élection de for contradictoires, la première Chambre civile considère que la Cour d'appel a correctement appliqué l'article 5-1° de la Convention de Bruxelles relatif au for contractuel. On ne peut qu'être surpris que la Cour de cassation considère, d'un côté, qu'aucune acceptation n'est intervenue pour écarter les clauses désignant des fors différents pour admettre, d'un autre côté, que les juridictions allemandes étaient compétentes sur le fondement d'une règle de compétence spécifique à la matière contractuelle. La CJCE a certes jugé que le fait de contester la validité ou l'existence du contrat n'empêche pas de bénéficier du for du lieu d'exécution du contrat selon l'article 5-1° de la Convention de Bruxelles (cf. H. Gaudemet-Tallon, ouvrage préc., n° 159). Mais il s'agissait à cette occasion d'empêcher de paralyser le jeu de l'article 5-1° par la simple allégation de la nullité ou de l'inexistence du contrat. Or, à partir du moment où l'inexistence du contrat a déjà été constatée pour écarter l'application des clauses d'élection de for, on ne peut s'empêcher de penser que le litige ne devrait pas pouvoir être considéré comme relevant de la matière contractuelle.

[1398] Cl. Witz, note préc.

[1399] Note préc., spéc. p. 199 et s.

[1400] Et ce d'autant plus que les formes de l'articles 17 fondées sur les habitudes des parties et les usages du commerce international ont été inspirées par l'article 9 de la Convention de Vienne, cf. supra, n° 435.

[1401] Sur cette question, cf. not. H. Gaudemet-Tallon, ouvrage préc., n° 18 et G. A. L. Droz, thèse préc., n° 642.

[1402] Cl. Witz, note préc. Rapp. A. Huet, note préc., spéc. p. 199.

[1403] Sur ces principes, cf. Nguyen Quoc Dinh (†), P. Daillier et A. Pellet, Droit international public, 6e éd., 1998, nos  175 et s. ; H. Batiffol (†) et P. Lagarde, t. 1, n° 40 et B. Audit, nos 60 et 61.

[1404] B. Audit, n° 61.

[1405] B. Ancel et H. Muir Watt, note préc., spéc. p. 131.

[1406] Cf. Nguyen Quoc Dinh (†), P. Daillier et A. Pellet, op. cit., n° 65.

[1407] B. Ancel et H. Muir Watt, note préc., spéc. p. 131.

[1408] Nguyen Quoc Dinh (†), P. Daillier et A. Pellet, op. cit., n° 176.

[1409] Contra B. Ancel et H. Muir Watt, pour qui “ le principe de la matière spéciale hésitera indéfiniment entre l'article 17 de la Convention de Bruxelles et les articles 18 et 19 de la Convention sur la vente ” (note préc., spéc. p. 131).

[1410] En ce sens, Cl. Witz, note préc.

[1411] Cf. G. Blanc, Clause compromissoire et clause attributive de juridiction dans un même contrat ou dans un même ensemble contractuel, De la concurrence à la subsidiarité de la compétence des tribunaux étatiques, JCP E 1997, I, n° 707.

[1412] Ph. Fouchard, E. Gaillard et B. Goldman (†), Traité préc., n° 489.

[1413] Cf. p. ex. TGI Paris, 20 novembre 1969, D. 1970, p. 199.

[1414] CA Paris, 1er décembre 1995, Rev. arb. 1996, p. 456, note J.- M. Talau.

[1415] CA Paris, 17 mai 1995, JDI 1996, p. 110, note E. Loquin.

[1416] Bull. civ., n° 86 ; RTD civ. 1997, p. 119, obs. J. Mestre.

[1417] En ce sens, X. Boucobza, article préc., spéc. n° 24.

[1418] CA Paris, 26 mars 1991, Rev. arb. 1991, p. 456, note H. Gaudemet-Tallon ; précisons qu'en ce qui concerne le conflit entre la clause d'élection de for et la clause compromissoire, l'arrêt de la Cour de cassation rendue dans cette affaire (Cass. 1re civ., 20 décembre 1993, préc. supra, n° 287) présente moins d'intérêt dans la mesure où il se retranche derrière le pouvoir souverain des juges du fond.

[1419] F. Labarthe, thèse préc., n° 39.

[1420] CA Paris, 29 novembre 1991, Rev. arb. 1993, p. 617, note L. Aynès.

[1421] (non pub. bull.), Rev. arb. 1997, p. 545.

[1422] D. Cohen, Arbitrage et groupes de contrats, Rev. arb. 1997, p. 470, spéc. p. 490, note 54.

[1423] CA Paris, 29 novembre 1991, préc.

[1424] G. Blanc, article préc., spéc. n° 14 et s. et les réf. cit.

[1425] Cf. supra, nos  277 et s.

[1426] Cf. supra, n° 453.

[1427] Cf. supra, n° 454.

[1428] Cf. supra, n° 453.

[1429] Y. Derains, JDI 1977, p. 954, repris par P. Mayer in L'autonomie de l'arbitre international dans l'appréciation de sa propre compétence, préc., spéc. n° 22.

[1430] Ph. Fouchard, E. Gaillard et B. Goldman (†), traité préc., nos  653 et s. et les réf. cit.

[1431] Ibid., n° 657.

[1432] Ibid., n° 490.

[1433] Ibid., n° 680.

[1434] Ibid., n° 681.

[1435] Relative à l'arbitrage interne, cette règle a été un temps étendue aux arbitrages internationaux (cf. Cass. 1re civ., 7 juin 1989, Rev. arb. 1992, p. 61, note Y. Derrains). Mais la Cour de cassation a, semble-t-il, récemment opéré un revirement de jurisprudence en censurant une Cour d'appel qui avait décidé que les conditions de l'article 1458, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, étaient réunie au motif qu'“ il appartient à l'arbitre de statuer sur sa propre compétence ” (Cass. 1re civ., 5 janvier 1999, D. aff. 1999, p. 474, obs. X. D. ; Rev. crit. DIP 1999,  p. 546, note D. Bureau).

[1436] Cours préc., spéc. nos  18 et s.

[1437] CJCE, 25 juillet 1991, Rec. I, p. 3865, concl. M. Darmon ; Rev. arb. 1991, p. 677, note B. Hascher ; JDI 1992, p. 488, obs. A. Huet ; Rev. crit. DIP 1993, p. 310, note P. Mayer.

[1438] En ce sens, H. Gaudemet-Tallon, ouvrage préc., n° 39.

[1439] D. Evrigenis et K. D. Kerameus, Rapport relatif à l'adhésion de la République hellénique à la Convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, JOCE 1986, n°  C 298, p. 1 et s. En ce sens, cf. déjà P. Bellet, L'élaboration d'une convention sur la reconnaissance des jugements dans le cadre du Marché Commun, JDI 1965, p. 853.

[1440] D. Evrigenis et K. D. Kerameus, rapport préc., p. 10.

[1441] P. Gothot et D. Holleaux, ouvrage préc., n° 28, approuvé par M. Darmon, concl. préc., spéc. n° 44 et A. Huet, note préc., spéc. p. 493.

[1442] P. Gothot et D. Holleaux, op. cit.,  M. Darmon, op. cit. et A. Huet, op. cit.

[1443] Cf. supra, n° 468.

[1444] B. Audit, L'arbitre, le juge et la Convention de Bruxelles, in L'internationalisation du droit, Mélanges en l'honneur de Yvon Loussouarn, Dalloz, 1994, p. 15, approuvé par H. Gaudemet-Tallon, ouvrage préc., n° 39.

[1445] B. Hascher, note préc., spéc. p. 707.

[1446] N. Coipel-Cordonnier, thèse préc., n° 142 (souligné par l'auteur).

[1447] Ibid.

[1448] Pour une soumission de lege ferenda de la clause d'arbitrage à certaines normes issues de la Convention de Bruxelles, cf. N. Coipel-Cordonnier, thèse préc., nos 143 et s.

[1449] Cf. M. Vivant et alii, Les transactions internationales assistées par ordinateur, Bibl. dr. entrepr., Litec, 1987.

[1450] La notion de réseau est définie par la loi. Selon la Loi du 29 décembre 1990 sur la réglementation des télécommunications, qui a complété les dispositions de l'article L. 32 du Code des postes et télécommunications, “ on entend par réseau de télécommunications toute installation ou tout ensemble d'installations assurant soit la transmission, soit la transmission et l'acheminement de signaux de télécommunications ainsi que l'échange des informations de commande et de gestion qui y est associé, entre les points de terminaison de ce réseau ” (cité par M. Vivant et alii, Lamy Droit de l'informatique et des réseaux, 1998, n° 1758). Selon la définition du droit européen, issue d'une Directive CEE du 6 octobre 1997, “ on entend par réseau de télécommunications les systèmes de transmissions et, le cas échéant, l'équipement de commutation et les autres ressources permettant le transport de signaux entre des points de terminaison définis, par fils, par faisceaux hertziens, par moyens optiques ou par tout autre moyen électromagnétique ” (cité égal. par M. Vivant et alii, Lamy préc., p. 1772).  Le réseau est ouvert au public lorsqu'il est “ établi ou utilisé pour la fourniture au public de services de télécommunication ” (Loi du 29 décembre 1990, préc., reproduite égal. in Lamy préc., n° 1758), il est indépendant lorsqu'il est “ réservé à un usage privé ou partagé ” (ibid.) et il est interne lorsqu'il constitue “ un réseau indépendant entièrement établi sur une même propriété, sans emprunter ni le domaine public — y compris hertzien — ni une propriété tierce ” (ibid.).

     À côté de cette définition légale, la doctrine propose une définition large du réseau afin de tenir compte de l'évolution des techniques et du développement de la télématique. Selon cette approche, le réseau est entendu comme “ un ensemble d'équipements interconnectés ” (M. Vivant et alii, Lamy préc., n° 1757). Outre qu'elle englobe des équipements de toute nature (téléphone, micro-ordinateur, etc.), cette définition inclut, par-delà les lignes et les équipements de transmission qui constituent le réseau, les services rendus à l'usager et les applications qu'il peut en faire ; elle rend compte également de ce que les utilisateurs des réseaux peuvent être des intermédiaires qui ajoutent des prestations ou des facilités complémentaires pour les revendre aux utilisateurs finaux (abonnés, téléspectateurs, etc.) (ibid.).

[1451] É. A. Caprioli et R. Sorieul, Le commerce international électronique : vers l'émergence de règles juridiques transnationales, JDI 1997, p. 324, spéc. p. 325.

[1452] Ibid.

[1453] F. Lorentz (rapport du groupe de travail présidé par), Le commerce électronique, une nouvelle donne pour les consommateurs, les entreprises, les citoyens et les pouvoirs publics, Études, Les Éditions de Bercy, Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, Paris, 1998, p. 20.

[1454] D. Kaplan (sous la direct. de), Internet, les enjeux pour la France, AFTEL, Édition A Jour, 1995, p. 93.

[1455] É. A. Caprioli et R. Sorieul, article préc., p. 326.

[1456] Ibid.

[1457] En ce sens, J. Huet, Le commerce électronique, in AFTEL, Le Droit du multimédia, De la télématique à Internet, Édition du Téléphone, 1996, p. 211.

[1458] Sur l'EDI, cf. not. J. Huet, Aspect juridique de l'EDI, Échange de Données Informatisées (Electronic Data Interchange), D. 1991, Chron. p. 181 et M. Vivant et alii, Lamy préc., nos 2601 et s.

[1459] Ainsi pour un constructeur d'automobiles de commander des pièces détachées auprès de leurs fabricants (réseau Gallia).

[1460] Comme on a pu l'écrire, “ l'Internet est né sans que l'on s'en rende compte ” (Internet, aspects juridiques, Mémento-Guide Alain Bensoussan, Hermès, 1996, p. 17). Au départ, en effet, le réseau Internet a une origine militaire et universitaire. Conçu dans les années soixante, sa véritable naissance remonte aux années soixante dix lorsque, afin de permettre aux différents réseaux de s'interconnecter, une norme commune fut élaborée pour que les ordinateurs gérant le réseau, mais fonctionnant avec des langages informatiques différents, puissent communiquer entre eux. Ce protocole facilita la connexion de nouveaux réseaux au réseau des réseaux déjà en place, l'Internet étant alors utilisé essentiellement dans un cadre universitaire. Mais ce n'est qu'à la fin des années quatre vingt que le réseau Internet va connaître un développement massif, grâce notamment à la mise au point du World Wide Web. Ce sigle désigne un service interactif fondé sur une conception hypertexte qui a transformé Internet en réseau plus convivial. Depuis lors, l'Internet connaît à l'échelle du monde une croissance spectaculaire conduisant les experts à prévoir que plus de 250 millions d'utilisateurs lui seront connecté en l'an 2000 (F. Lorentz, rapport préc., p. 22. Sur les origines et le développement d'Internet, cf. not. Internet, aspects juridiques, préc., p.15 et s. Sur l'Internet, cf. égal. L'information sur Internet : mirage ou miracle ? Colloque des 15 et 16 avril 1996, Gaz. Pal. 1996, 2, Doct., p. 1013 et s.).

[1461] Cf. not. I. Magaziner, The Framework for Global Electronic Commerce, 1997 (Présenté au Président des États-Unis d'Amérique le 1er juillet 1997, ce rapport peut être consulté sur le site Internet de la Maison Blanche : http://www.whitehouse.gov/WH/New/Commerce/read.htm/) et F. Lorentz, rapport préc.

[1462] Cf. infra, note n° 1466.

[1463] Si les premiers utilisateurs de l'Internet poursuivaient un but désintéressé qui consistait principalement à échanger gratuitement des informations, la croissance du réseau des réseaux s'est accompagnée par son entrée dans l'ère marchande. Cette réalité s'observe non seulement en ce qui concerne l'accès au réseau en tant que tel, mais également, et surtout, pour ce qui est des transactions utilisant comme vecteur le réseau lui même.

[1464] Cf. not. É. A. Caprioli et R. Sorieul, article préc. et J. Huet, Aspects juridiques de commerce électronique : approche internationale, Petites affiches 1997, n° 116.

[1465] Cf. not. M. Vivant et alii, Lamy préc., nos  2117 et s. et les réf. cit. et A. Bensoussan, Internet : aspects juridiques, Petites affiches 1996, n° 134.

[1466] L'approche juridique ne peut ignorer les conceptions différentes exprimées par les États au sujet des réseaux internationaux de télécommunication et notamment de l'Internet. Alors que les États-Unis d'Amérique préconise l'autorégulation afin que le commerce électronique puisse se développer sans entraves, aux USA comme dans le reste du monde (philosophie exprimée par le rapport  Magaziner, préc.), l'Union européenne souhaite que des règles communes soient fixées sur un plan international, notamment en matière de protection des données personnelles, de droit d'auteur, de cryptologie et de fiscalité (cf. A. Khan, Internet, le bras de fer Europe-États-Unis, Le Monde Télévision-Radio-Multimédia, 24-25 mai 1998). Ces conceptions divergentes, on l'aura compris, ne sont pas seulement l'expression de philosophies différentes, elles extériorisent également des intérêts opposés au moment où il s'agit d'assurer ou de maintenir une suprématie dans le domaine de l'électronique (cf. H. I. Schiller, Vers un nouveau siècle d’impérialisme américain, Le Monde diplomatique, août 1998, p.1, 18 et 19)..

[1467] Peut-on imaginer un “ tribunal virtuel ” qui rendrait des décisions “ en ligne ” ? Déjà, certaines expériences de “ juge en ligne ” ou de “ cyberjuge ” ont été tentées (à ce sujet, cf. M. Vivant et alii, Lamy préc., n° 2299). En définitive, de telles expériences constituent le plus souvent un arbitrage classique dont seul le “ vecteur ” est nouveau, même si “ dans d'autres cas, la formule est plus incertaine et paraît davantage reposer sur la bonne volonté des internautes que sur une quelconque formalisation juridique ” (ibid.). À titre d'exemple, on relèvera qu'une procédure d'arbitrage “ en ligne ” a été mise en place sur Internet pour trancher les conflits entre les noms de domaine (sur cette procédure, cf. M. Vivant et alii, Lamy préc., n° 2269). Mais s'il n'y a là qu'une forme particulière d'arbitrage, elles ne constituent pas l'équivalent d'un tribunal étatique “ virtuel ”.

[1468] Cf. not. Ch. Hoedel, Le commerce de service sur Internet : publicité, protection des consommateurs et informations à caractère personnel, Rev. dr. aff. int. 1998, p. 285, spéc. p. 303

[1469] M. Vivant et alii, Lamy préc., n° 2614.

[1470] Le “ contrat-type de commerce électronique commerçants-consommateurs ” (juin 1998) présenté par la Chambre de commerce et d'industrie de Paris et par l'Association française pour le commerce et les échanges électroniques propose l'insertion d'une clause attributive de juridiction associée éventuellement à une clause de médiation préalable au Centre de médiation et d'arbitrage de Paris. Ce modèle de contrat peut être consulté sur le site Internet de la CCIP (http://www.ccip.fr) ou de l'AFCEE (http://www.afcee.asso.fr).

[1471] Dictionnaire Le petit Robert, v° Écrit.

[1472] Ibid., v° Écriture.

[1473] G. Cornu, Vocabulaire juridique, 3e éd., P.U.F., 1992, v° Écrit.

[1474] Ibid.

[1475] J.  Huet, Le consentement échangé avec la machine, in L'échange des consentements, RJ com. , n° spéc. nov. 1995, p. 124, spéc. p. 125.

[1476] Sur l'informatique et le droit de la preuve, cf. not. M. Vivant et alii, Lamy préc., nos  2607 et s. et les réf. cit. ; J. Huet et H. Maisl, Droit de l'Informatique et des Télécommunications, Litec, 1989, nos 586 et s. et les réf. cit. et F. Labarthe, thèse préc., nos 95 et s. et les réf. cit. Adde D. Ammar, Preuve et vraisemblance.Contribution à l'étude de la preuve technologique, RTD civ. 1993, p. 499 et Cl. Lucas de Leyssac, Le droit fondamental de la preuve, l'informatique et la télématique, Petites affiches 1996, n° 65.

[1477] Cf. supra, nos  431 et s. et 435 et s.

[1478] Cf. V. Gautrais, G. Lefevbre et K. Benyekhlef, Droit du commerce électronique et normes applicables : l'émergence de la lex electronica, Rev. dr. aff. int. 1997, p. 547. On relèvera ainsi que les Incoterms de la CCI, dont la dernière version date de 1990, pend en considération la pratique des EDI (cf. M. Vivant et alii, Lamy préc., n° 2609 et les réf. cit.).

[1479] E. du Pontavice, Le connaissement et l'informatique, Ann. Institut méd. transp. marit. 1985, Edisud, p. 224.

[1480] Cf. R. I. L. Howland, L'avenir du connaissement et les connaissements électroniques, Ann. dr. marit. et aérosp. 1995, p. 201.

[1481] Cf. p. ex. F. Lorentz, rapport préc., p. 51.

[1482] T. Van Overstraeten, Droit applicable et juridiction compétente sur Internet, Rev. dr. aff. int. 1998, p. 373, spéc. p. 383.

[1483] Ph. Le Tourneau, note sous Cass. com., 6 novembre 1984, Gaz. Pal. 1985, 2, Panor. p. 165.

[1484] Cf. p. ex. l'article 970 du Code civil qui exige des signes manuscrits pour le testament olographe.

[1485] Cl. Lucas de Leyssac, article préc.

[1486] Point de vue notamment exprimé par le Conseil d'État, Section du rapport et des études, in Internet et les réseaux numériques, La Documentation française, 1998.

[1487] Cf. not. I. de Lamberterie, (sous la direct. de), Rapport nationaux PROBAT, La valeur probante des documents informatiques, rapport de synthèse, 1990, p. 19.

[1488] J. Ghestin, G. Goubeaux et M. Fabre-Magan, Traité de droit civil, Introduction générale, 4e éd., L.G.D.J., 1994, n° 689.

[1489] (C'est nous qui soulignons) Cass. com., 2 décembre 1997, D. 1998, p. 192, note D. R. Martin ; JCP E 1998, p. 178, note Th. Bonneau ; JCP 1998, II, n° 10097, note L. Grynbaum. Adde P.Catala et P.-Y. Gautier, L'audace technologique à la Cour de cassation : vers la libéralisation de la preuve contractuelle, JCP 1998, Act. p. 905.

[1490] En ce sens, cf. D. R. Martin, note préc.

[1491] Conseil d'État, Rapport préc., p. 91.

[1492] Cf. infra, n° 485.

[1493] Cf. infra, nos  498 et s.

[1494] Conseil d'État, Rapport préc., p. 85.

[1495] Cf. Cass. 1re civ., 14 février 1995, D. 1995, p. 340, note S. Piedelièvre et JCP 1995, II, n° 22402, note Y. Chartier.

[1496] Cf. Th. Bonneau, note préc. et L. Grynbaum, note préc.

[1497] L. Grynbaum, op. cit.

[1498] Th. Bonneau, op. cit., spéc. n° 9.

[1499] En ce sens, cf. D. R. Martin, note préc.

[1500] I. Dauriac, La signature, thèse Paris II, 1997, n° 90.

[1501] Ibid.

[1502] Ibid.

[1503] M. Vivant et alii, Lamy préc., n° 5.

[1504] Dictionnaire Le petit Robert, v° Original.

[1505] G. Cornu, Vocabulaire juridique, 3e éd., P.U.F., 1992, v° Original.

[1506] Ibid., v° Copie.

[1507] É. A. Caprioli, Preuve et signature dans le commerce électronique, Dr. et Patrimoine 1997, n° 55, p. 56.

[1508] Pour certains, l'enregistrement du document sur le disque dur de l'ordinateur constitue l'original. Il ne nous semble pas que ce soit le cas. L'original résulte des charges électriques véhiculant l'information de sorte que son enregistrement sur le disque dur constitue une copie. Certes, un document préenregistré sur le disque dur pourra être utilisé pour créer un original. Mais, au même titre qu'un document papier préimprimé, il ne constitue pas l'original.

[1509] Le CD Rom (en anglais compact disc read only memory) est un disque optique numérique qui peut seulement être lu et où sont stockées et consultables des données comme du texte, de l'image ou du son.

[1510] A. Bensoussan, Internet : aspects juridiques, préc.

[1511] A. Fauchon, note sous Cass. com., 8 octobre 1996, D. 1997, p. 504, spéc. p. 508.

[1512] Cf. infra, n° 496.

[1513] Le recours à la cryptologie est longtemps restée l'apanage de l'État, principalement pour un usage militaire ou diplomatique. Sa libéralisation, qui n'est intervenue que progressivement, représente un compromis entre, d'une part, des impératifs de sécurité, de police, d'intérêt national et, d'autre part, les besoins du secteur marchand désireux de sécuriser les transactions de commerce électronique.

     En droit français, une première Loi du 29 décembre 1990 soumettait globalement l'utilisation et la commercialisation de l'ensemble des moyens de cryptologie à un régime d'autorisation préalable. Une nouvelle réglementation, issue de la loi du 26 juillet 1996 (Cf. F. Olivier et É. Barry, Aperçu rapide sur la loi du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications, JCP 1996, Act. n° 38), de quatre décrets et de six arrêtés d'application publiés entre février et mars 1998, simplifie considérablement le recours à la cryptologie (Cf. not.  F. Olivier et É. Barry, Des décrets tant attendus : quel droit pour la cryptologie ? JCP 1998, I, n° 124 ; Y. Bréban et I. Pottier, Les décrets et arrêtés cryptologie : la mise en œuvre effective de l'assouplissement des dispositions antérieures, Gaz. Pal. 1998, 1, Doct. p. 476 et Ph. Debry, Le nouveau régime français de la cryptologie, D. aff. 1998, p. 986 ; JCP 1999, Act. n° 13 et III, nos  20059 et 20061).

     Cette nouvelle réglementation libéralise l'utilisation personnelle d'un moyen ou d'une prestation de cryptologie lorsqu'elle est limitée à l'authentification d'une communication ou lorsqu'elle a pour objet d'assurer l'intégrité du message transmis.

     Ce n'est que lorsque la cryptologie est utilisée afin de crypter le contenu d'un message qu'elle fait l'objet d'un régime de liberté surveillé. Selon les cas, il doit être fait appel à un tiers de confiance chargé de gérer les clés de chiffrement. Dans les autres cas, il doit être procédé à une déclaration préalable ou à l'obtention d'une autorisation du Premier Ministre. Toutefois, qu'il s'agisse d'assurer ou non la confidentialité d'un message, l'usage de la cryptologie est libre lorsque le procédé utilisé est limité à une certaine puissance de chiffrement (la clé de chiffrement doit être inférieure à 40 bits), le décret déterminant ceux qui sont dispensés de toute formalité. En ce qui concerne, enfin, l'obtention des procédés de cryptologie, la réglementation française indique que la fourniture, l'exportation et l'importation en provenance de pays n'appartenant pas à la Communauté européenne ou n'étant pas partie à l'Accord instituant l'espace économique européen, de moyens ou de prestations de cryptologie ne relevant pas du régime de liberté, sont soumises à l'autorisation du Premier Ministre alors que la fourniture, l'exportation et l'importation en provenance de ces mêmes États, de moyens ou de prestations de cryptologie n'assurant pas des fonctions de confidentialité sont soumises à une procédure de déclaration.

[1514] V. à ce sujet l'étude réalisée par un groupe d'Universitaires : L'introduction de la preuve électronique dans le Code civil, JCP 1999, I, n° 182.

[1515] I. de Lamberterie, La valeur probatoire des documents informatiques dans les pays de la C.E.E., Rev. int. dr. comp. 1992, p. 641, spéc. p. 682 et F. Dupuis-Toubol, Commerce électronique : comment en apporter la preuve, Rev. dr. aff. int. 1998, p. 329, spéc. p. 333.

[1516] I. de Lamberterie, article préc.

[1517] Ibid.

[1518] Ibid., p. 683.

[1519] L. Grynbaum, note préc.

[1520] F. Dupuis-Toubol, article préc., spéc. p. 333.

[1521] Exemple cité par J. Huet, Aspects juridiques de commerce électronique : approche internationale, préc., spéc. n° 5.

[1522] J. - M. Jacquet et Ph. Delebecque, Droit du commerce international, coll. Cours, Droit privé, Dalloz, 1997, n° 125.

[1523] Ibid., n° 126. En atteste le succès de certains des principes qu'elle a dégagés, comme la règle compétence-compétence ou le principe de l'autonomie de l'accord compromissoire (article 16 de la Loi-type, reproduit par C. Blanchin, mémoire préc., p. 103).

[1524] M. Vivant et alii, Lamy préc., n° 2609.

[1525] Ibid., et les réf. cit.

[1526] Le texte de cette Loi-type est reproduit in JDI 1997, p. 394 et dans le Lamy Droit de l'informatique et des réseaux, préc., n° 2618.

[1527] Cf. É. A. Caprioli et R. Sorieul, article préc., p. 381 et s. et Guide pour l'incorporation dans le droit interne de la Loi-type de la CNUDCI sur le commerce électronique, § 15 et s. (ce Guide peut être consulté sur le site Internet de la CNUDCI : http://www.uncitral.org).

     Ce Guide s'adresse au législateur qui serait amené à mettre en œuvre la Loi-type et se propose de les éclairer quant à l'utilisation à en faire. Toutefois, ce Guide constitue davantage qu'une simple " note explicative " ne tenant pas lieu de commentaire officiel dans la mesure où la CNUDCI elle -même a avertit que certains points non réglés dans le texte de la loi type font l'objet font l'objet de “ références ” dans le guide. Certains auteurs en concluent ainsi que la Loi-type et le Guide constituent un tout indivisible et que l'autorité de la CNUDCI s'attache à ces deux textes (É. A. Caprioli et R. Sorieul, article préc., p. 371 et 372).

[1528] Guide pour l'incorporation ..., préc., § 18.

[1529] Guide pour l'incorporation ..., préc., § 50.

[1530] Ibid.

[1531] Ibid.

[1532] Ibid., § 64.

[1533] Ibid., § 65.

[1534] H. Gaudemet-Tallon, ouvrage préc., n° 7.

[1535] H. Gaudemet-Tallon, ouvrage préc., n° 3.

[1536] Cité par le Conseil d'État, rapport préc., p. 87.

[1537] Ibid.

[1538] Cf. supra, n° 352.

[1539] F. Labarthe, thèse préc., n° 109.

[1540] É.- A. Caprioli, Sécurité et confiance dans le commerce électronique - Signature numérique et autorité de certification, JCP 1998, I, n° 123.

[1541] I. Demnard-Tellier (sous la direct. de), Le multimédia et le droit, Internet, off line, on line, Mémento-Guide Alain Bensoussan, Hermès, 1996, n° 23222.

[1542] Guide pour l'incorporation ..., préc., § 8.

[1543] Ce que, d'ailleurs, préconise le Conseil d'État.

[1544] Cf. supra, n° 431.

[1545] Cf. supra, n° 435.

[1546] Cf. infra, nos  498 et s.

[1547] F. Labarthe, thèse préc., n° 16.

[1548] T. Van Overstraeten, article préc., spéc. p. 383.

[1549] Cf. H. Batiffol et P. Lagarde, t. 2, n° 708 ;  P. Mayer, n° 503 ; D. Holleaux, J. Foyer et G. de Geouffre de La Pradelle, n° 868.

[1550] Cf. H. Batiffol et P. Lagarde, t. 2, n° 707 ; B. Audit, n° 437 ; Y. Loussouarn et P. Bourel, n° 373 ; P. Mayer, n° 503 ; D. Holleaux, J. Foyer et G. de Geouffre de La Pradelle, n° 867. La règle locus regit actum est cependant écartée au profit de la loi du fond dans certaines matières en raison de considérations qui leur sont propres, comme, par exemple, en cas de reconnaissance d'enfant naturel.

     On ne manquera pas de souligner combien il est difficile de déterminer la loi du lieu de l'acte lorsque le contrat est passé à distance. Déjà, MM. Batiffol et Lagarde avait naguère relevé que “ la détermination et l'unité du lieu de conclusion sont compromises dans les contrats par correspondance, particulièrement fréquents dans les relations internationales ” (Op. cit., n° 572). On sait que la question de la formation du contrat entre absent a donné lieu à de vives discussions en doctrine. Pour certains auteurs, le contrat n'est véritablement formé qu'après la rencontre des volontés. L'acceptation doit alors avoir été portée à la connaissance du pollicitant. Ce système, dit de la réception de l'acceptation, est critiqué par d'autres auteurs qui estiment suffisant, pour que le contrat soit formé, que l'acceptant ait exprimé sa volonté d'accepter l'offre. C'est le système de l'émission de l'acceptation. Quel système retenir pour déterminer le lieu de formation de l'acte ? Le Doyen Malaurie avait naguère suggéré de dissocier la question de la formation du contrat, soumise au système de la réception de l'acceptation, de celle du lieu de sa formation, soumise au système de l'émission (note sous Cass. 1re civ., 21 décembre 1960, D. 1961, p. 417). Pour la doctrine classique, en revanche, la question du moment et la question du lieu de formation doivent recevoir la même réponse dans la mesure où, logiquement, l'événement qui rend le contrat parfait le localise dans le temps et dans l'espace (cf. F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, n° 161). En droit interne, c'est le système de l'acceptation qui s'applique, sauf stipulation contraire. En droit international privé, la question devrait normalement être tranchée par la loi applicable à l'acte juridique, en l'occurrence par la loi applicable à la clause d'élection de for.

     Mais quel que soit le système retenu, il est en pratique extrêmement difficile, pour ne pas dire impossible, de localiser l'État où est situé l'utilisateur d'un moyen de communication électronique comme le réseau Internet. Concrètement, l'application de la loi du lieu de l'acte risque de ne pouvoir être appliquée faute de pouvoir déterminer ... le lieu où l'acte a été conclu. Aussi bien, serait-on tenté de s'inspirer de l'article 15§4 de la Loi-type de la CNUDCI sur le commerce électronique qui fixe le lieu de l'expédition et de la réception d'un message. Selon ce texte, “ sauf convention contraire entre l'expéditeur et le destinataire, le message de données est réputé avoir été expédié du lieu où l'expéditeur a son établissement et avoir été reçu au lieu où le destinataire a son établissement. Aux fins du présent paragraphe : a) Si l'expéditeur ou le destinataire a plus d'un établissement, l'établissement retenu est celui qui a relation la plus étroite avec l'opération sous-jacente ou, en l'absence d'opération sous-jacente, l'établissement principal ; b) Si l'expéditeur ou le destinataire n'a pas d'établissement, sa résidence habituelle en tient lieu ”. En parlant de lieu réputé, ce texte établit “ une présomption irréfragable concernant un fait juridique, à utiliser lorsqu'une autre loi applicable (par exemple la loi relative à la formation des contrats ou une règle de conflit de lois) exige la détermination du lieu de la réception d'un message de données ” ( Guide pour l'incorporation dans le droit interne de la Loi-type de la CNUDCI sur le commerce électronique, préc., § 107).

[1551] Sur la licéité des conventions sur la preuve, cf. supra, n° 478, note n° 412.

[1552] I. de Lamberterie, article préc., spéc. p. 673.

[1553] J. Huet, Aspects juridiques de commerce électronique : approche internationale, préc., spéc. n° 22.

[1554] Une autre difficulté resterait à régler, celle de la détermination de la loi applicable à la clause sur la preuve. S'agit-il de la lex contractus, dans la mesure où elle constitue une stipulation accessoire, ou bien de la loi applicable à l'admissibilité des modes de preuve des actes juridiques, soit alternativement la loi du for ou la loi du lieu de formation de l'acte (article 14, alinéa 2, de la Convention de Rome), dans la mesure où son objet a  justement trait à cette question ? À notre connaissance, cette difficulté n'a pas encore été tranchée en jurisprudence. Une application distributive pourrait être envisagée : la loi qui régit les modes de preuve se prononcerait sur la licéité de la clause (c'est-à-dire sur le point de savoir si le droit applicable à la preuve est ou non d'ordre public) et la loi applicable au contrat sur sa validité.

[1555] J. Huet et H. Maisl, ouvrage préc., n° 612.

[1556] J. Huet, La valeur juridique de la télécopie (ou fax), comparée au télex, D. 1992, Chron. p. 33, spéc. n° 5.

[1557] Ibid.

[1558] Cf. supra, n° 486, note n° 1513

[1559] Cf. not. J. Huet et H. Maisl, ouvrage préc., nos 610, 615 et 618 ; Internet, aspects juridiques, op. cit., p. 72 ; A. Bensoussan, article préc. ; É.- A. Caprioli, article préc., nos 29 et s. ; et F. Dupuis-Toubol, article préc., spéc. p. 345 et s. Adde les propositions du Groupe te travail de la CNUDCI sur le commerce électronique in CNUDCI, note du Secrétariat, Doc. A/CN.9/WP.IV/WP.71, 31 décembre 1996 (également accessible sur Internet à : http://www.uncitral.org).

[1560] J. Huet et H. Maisl, ouvrage préc., n° 610

[1561] Cf. supra, n° 482.

[1562] Cf. infra, n° 501.

[1563] Et ce d'autant plus que l'incorporation par référence est très largement utilisée en matière de communications électroniques. Dans ce cadre précis, elle peut se définir “ comme la méthode au moyen de laquelle un message ou un enregistrement de données (ou une partie de l'information qui y figure) devient partie intégrante d'un autre message de données ou enregistrement distinct en renvoyant  dans le premier au second, et en déclarant que le premier sera considéré comme partie intégrante du second comme s'il y était énoncé intégralement ” (CNUDCI, note du Secrétariat, Groupe de travail sur le commerce électronique, Doc. A/CN.9/WP.IV/WP.71, 31 décembre 1996, § 80). D'une manière générale, les praticiens du commerce électronique préfèrent alléger le texte de leurs messages de données en renvoyant à des dispositions énoncées dans un autre message de données, plutôt que les reproduire intégralement. Du reste, il est techniquement plus facile d'accéder au texte incorporé dans un environnement électronique que dans un environnement papier, en raison notamment de l'utilisation de liens hypertexte permettant, au moyen d'une “ souris ”, de “ cliquer ” sur un mot clé pour voir apparaître le texte référencé (ibid., §88), par exemple des conditions générales contenant une clause attributive de juridiction. De lege lata, l'efficacité d'un tel procédé ne paraît pas douteuse dès lors qu'il est fait référence, directement ou indirectement, au document annexe contenant la clause d'élection de for dans le message de données tenant lieu de document contractuel principal (cf. supra, nos 363 et s.). La question de l'incorporation par référence est actuellement débattue au sein de la CNUDCI. Le Groupe de travail sur le commerce électronique (Doc. A/CN.9/WG.IV/WP.71, § 77 et s.) ainsi que certains États (p. ex. le Royaume-Uni, cf. Doc. A/CN.9/WG.IV/WP.74, également accessible sur le site Internet de la CNUDCI à : http://www.uncitral.org) estiment nécessaire d'établir des règles sur l'incorporation par référence dans un milieu électronique. De lege ferenda, un article d'une Loi-type de la CNUDCI pourrait préciser les conditions d'efficacité de l'incorporation par référence.

[1564] Conseil d'État, rapport préc., p. 96.

[1565] Fr. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, n° 117.

[1566] Ainsi un télégramme qui répond sans réserve à une offre précise de contrat constitue assurément une acceptation ferme (cf. CA Versailles, 19 février 1993, D. 1994, Somm. p. 9, obs. Ph. Delebecque). Cet exemple peut très probablement être transposé au courrier électronique de confirmation.

[1567] CNUDCI, note du Secrétariat, Groupe de travail sur le commerce électronique, Doc. A/CN.9/WP.IV/WP.71, 31 décembre 1996, § 15.

[1568] Cass. 1re civ., 8 novembre 1989, D. 1990, p. 369, note C. Gavalda ; Somm. p. 327, obs. J. Huet ; D. 1991, Somm. p. 39, obs. M. Vasseur ; JCP 1990, II, n° 21576, note G. Virassamy ; RTD civ. 1990, p. 80, obs. J. Mestre ; RTD com. 1990, p. 79 obs. M. Cabrillac et B. Teyssié.

[1569] CA Montpellier, 9 avril 1987, JCP 1988, II, n° 20984, note M. Boizard ; RTD civ. 1988, p. 758, obs. J. Mestre ; RTC com. 1988, p. 269, obs. M. Cabrillac et B. Teyssié.

[1570] I. Dauriac, thèse préc., n° 154.

[1571] Ibid., nos 161 et s.

[1572] É. Dubuisson, La personne virtuelle : proposition pour définir l'être juridique de l'individu dans un échange télématique, Dr. informatique et télécoms 1993/3, p. 8.

[1573] I. Dauriac, thèse préc., n° 203.

[1574] Ibid., n° 205. Et ce d'autant plus, comme l'a montré Mlle Dauriac, que le signe manuscrit n'est ni la preuve parfaite, ni une présomption simple d'identité de son auteur (ibid., nos 207 et s.). Dans ces conditions, la fonction d'identification constitue une fonction symbolique (ibid., nos 215 et s.). En effet, “ le signe doit identifier parce qu'il réalise l'appropriation de l'acte signé par son auteur et donc en assure ainsi la validation ” (ibid., n° 216). C'est pourquoi “ la signature doit identifier le signataire, c'est-à-dire qu'elle doit le représenter symboliquement ” (ibid., n° 219). On peut dès lors affirmer que les procédés électroniques de signature “ assument parfaitement la fonction de représentation symbolique du signataire à l'acte signé, fonction attendue de la signature ” (ibid., n° 229).

[1575] Ibid., n° 265.

[1576] Ibid.

[1577] Ibid., n° 286

[1578] Ibid., n° 266.

[1579] On pourrait, dans cette perspective, s'inspirer des travaux de la CNUDCI qui, en se fondant pareillement sur les fonctions assumées par la signature, la définit ainsi dans l'article 7§1 de la Loi-type sur le commerce  électronique : “ lorsque la loi exige la signature d'une personne, cette exigence est satisfaite dans les cas d'un message de données : a) si une méthode est utilisée pour identifier la personne en question et pour indiquer qu'elle approuve l'information contenue dans le message de données ; et b) si la fiabilité de cette méthode est suffisante au regard de l'objet pour lequel le message de données a été crée ou communiqué, compte tenu de toutes les circonstances y compris de tout accord en la matière ”.

[1580] Ibid., n° 263.

[1581] cf. supra, n° 486.

[1582] Cf. CNUDCI, note du Secrétariat, Groupe de travail sur le commerce électronique, Doc. A/CN.9/WP.IV/WP.71, 31 décembre 1996, et É.- A. Caprioli, article préc.

[1583] Cf. supra, n° 496.

[1584] Cf. supra, n° 486, note n° 1513.

[1585] P. Bellet, L'élaboration d'une Convention sur la reconnaissance des jugements dans le cadre du Marché commun, préc., spéc. p. 858.

        [1586] B. Ancel, La clause attributive de juridiction selon l'article 17 de la Convention de Bruxelles, préc., spéc. p. 284.

     [1587] P. MAYER, intervention aux Trav. comité fr. DIP 1977-1979, p. 151 à 152 et Précis, n° 303.

     [1588] Cf. not. B. AUDIT, note sous Cass. 1re civ., 17 décembre 1985, préc. et A. HUET, J.-Cl. Droit international, Fasc. 581-41, n° 19.

     [1589] En ce sens, cf. B. Ancel et Y. Lequette, n° 69-5.

     [1590] Cf. supra, n° 68.

     [1591] Cf. not. P. Mayer, n° 277 ; Ph. Théry, thèse préc., nos 466 et s. et L. Cadiet, n° 545.

     [1592] Cf. not. Jean Foyer, note sous Cass. 1re civ., 11 octobre 1968, Rev. crit. DIP 1968, p. 105 ; D. Holleaux, thèse préc., nos 238, 410 et 409, D. Holleaux, J. Foyer et G. de Geouffre de La Pradelle, n° 709 ; H. Batiffol et P. Lagarde, t. 2, nos 669-1, note n° 2 et 683, note n° 1 ; P. Courbe, note sous CA Paris, 27 avril 1983, JCP 1986, II, n° 20542, spéc. n° 9 ; A. Huet, J.-Cl. Droit international, Fasc. 581-10, n° 3 et H. Gaudemet-Tallon, Encyclopédie Dalloz droit International,v° Compétence civile et commerciale, 1998, n° 2.

     [1593] L'on pourrait objecter qu'en droit conventionnel européen, l'article 2 des Conventions de Bruxelles et de Lugano attribue une compétence générale aux juridictions de l'État contractant sur le territoire duquel le défendeur est domicilié, le tribunal spécialement compétent devant ensuite être fixé par le droit interne de cet État. De fait, le tribunal compétent pourra ne pas être le tribunal de ce domicile mais un autre tribunal de l'État où le défendeur est domicilié (cf. H. Gaudemet-Tallon, ouvrage préc., n° 69). Cette exception ne permet pas de remettre en cause l'idée que la compétence internationale fondée sur un critère permettant de déterminer un lieu déterminé constitue en principe une compétence spéciale. En effet, la rédaction de l'article 2 doit être replacée dans le contexte des Conventions de Bruxelles et de Lugano qui, outre le principe actor sequitur forum rei, consacrent des compétences internationales spéciales dont l'application n'est possible que si le tribunal spécialement désigné est situé dans un autre État contractant que celui du domicile du défendeur. Si, par exemple, le défendeur est domicilié à Paris et que le contrat est exécuté à Lyon, la compétence de Tribunal de Lyon ne peut résulter que de l'article 46 du nouveau Code de procédure civile et non de l'article 5-1° de la Convention de Bruxelles. Sans doute aurait-il été plus simple de considérer que l'article 2 institue une compétence spéciale et que les autres compétences spéciales puissent s'appliquer lorsqu'elles désignent un tribunal de l'État du domicile du défendeur qui ne soit pas le tribunal de son domicile. Il semble que l'une des raisons du renvoi au droit interne dans le cas de l'article 2 serait de vouloir dispenser “ le juge de prendre en considération plus longuement les termes de la Convention ” (P. Jénard, rapport préc., p. 19).

     [1594] Cf. not. Cass. 1re civ., 25 novembre 1986, Rev. crit. DIP 1987, p. 396, note H. GAUDEMET-TALLON, Dr. marit. fr. 1987, p. 706, note P.-Y. NICOLAS. Adde CA Paris, 11 mars 1987, D. 1987, IR p. 90.

     [1595] G. A. L. DROZ, thèse préc., n° 189.

     [1596] Note sous CA Paris, 25 avril 1979, JDI 1980, p. 352 et spéc. p. 354. Adde D. HOLLEAUX et P. GOTHOT, n° 167.

     [1597] Note sous CA Paris, 27 mars 1987, JDI 1988, p. 140. Dans le même sens, D. ALEXANDRE, op. cit., n° 246.

     [1598] Cf. supra, nos 92 et s.

     [1599] Cf. p. ex. Cass. com., 14 février 1983, Bull. civ. IV, n° 57.

     [1600] En ce sens, A. Huet, J.- Cl. Droit international, Fasc. 581-41, n° 60.

     [1601] Cass. com., 19 mars 1991, préc.

     [1602] Cf. A. Sinay-Cytermann, thèse préc., nos  42 et s.

     [1603] En ce sens, F. Labarthe et J. Jault-Seseke, note préc., spéc. p. 4.

     [1604] Cf. H. Solus et R. Perrot, t. 2, nos 575 et s. ; J. Vincent et S. Guinchard, nos 378 et s. ; L. Cadiet, nos 662 et. s.

     [1605] Cass. 1re  civ., 18 février 1986, Bull. civ. I, n° 33. En l'espèce, après avoir rappelé que “ les parties à une convention ne peuvent déroger à une compétence d'ordre public par le jeu d'une clause attributive de juridiction ”, la Cour de cassation a annulé la clause qui, figurant dans un contrat administratif, désignait la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire.

     [1606] Si l'on peut toutefois relever que la volonté des parties peut aboutir à supprimer le second degré de juridiction dans un litige qui devrait normalement en bénéficier, “ cet accord, quand il existe, n'a pas pour objet de donner compétence à une juridiction normalement incompétente ” (L. Cadiet, n° 663).

     [1607] En ce sens, cf. R. Bout, M. Bruschi, C. Prieto et G. Cas (†), Lamy Droit économique, 2000, n° 18 et les réf. cit.

     [1608] Cass. com., 10 juin 1997, JCP 1997, I, n° 4064, n° 9, obs. L. Cadiet ; D. 1998, p. 2, note F. Labarthe et J. Jault-Seseke.

     [1609] Cf. supra, n° 156.

     [1610] Ibid.

     [1611] Contra F. Labarthe et J. Jault-Seseke, op. cit.

     [1612] Cf. L. Cadiet, n° 209.

     [1613] Cf. supra, nos 159 et 281 et s..

     [1614] Le fait que la réforme des Tribunaux de commerce prévoit des formations de jugement mixtes associant magistrats professionnels et juges élus (cf. La réforme de la justice commerciale, JCP 1999, Act. n° 23), ne change rien au fait que le non commerçant ne participe pas à l'élection des juges consulaires.

     [1615] Cf. E. Loquin, Arbitrage, J. -Cl. Procédure civile, Fasc. 1030, nos  7 et 8 et les réf. cit.

     [1616] Cf. supra, n° 156.

     [1617] En ce sens, F. Labarthe et J. Jault-Seseke, note préc., spéc. p. 5.

     [1618] Cf. A. Huet, J.-Cl. Droit international, Fasc. 581-41, n° 61 et les réf. cit.

     [1619] Cf. p. ex. Trib. com. Paris, 26 mai 1981, Dr. marit. fr. 1982, p. 105, cité par A. Huet, op. cit., qui annule la clause qui attribue compétence au tribunal du lieu du principal établissement du transporteur, ce dernier soutenant que ce lieu est situé à Athènes alors que les éléments du dossier laissent entendre qu'il peut tout ausi bien être à Panama.

     [1620] Cf. p. ex. Cass. com., 30 mai 1983, Gaz. Pal. 1985,1, p. 53, note P. Y. Nicolas. et A. Huet, op. cit., et les réf. cit.

     [1621] Cf. not. CA Aix-en-Provence, 15 juin 1972, D. 1972, p. 756, note R. Rodière ; Rev. crit. DIP 1973, p. 350, note H. Gaudemet-Tallon  ; Cass. soc., 23 mai 1973 (2e espèce), Rev. crit. DIP 1974, p. 354, note  P. Lagarde.

     [1622] Cf. not. H. Gaudemet-Tallon , thèse préc., n° 243, citant de Doyen Batiffol et note  préc. ; R. Rodière, note préc. et P. Lagarde, note préc.

     [1623] Cass. 1er civ., 17 décembre 1985, préc. Adde Cass. com., 19 mars 1991 Bull. civ. I, n° 115 ; Cass. com., 25 novembre 1997, Rev. crit. DIP 1998, p. 98, rapp. J.-P. Rémery ; 3 mars 1998, Dr. marit. fr. 1998, p. 489, rapp. J.-P. Rémery et obs. Ph. Delebecque ; Cass. 1er civ., 13 avril 1999   (2 arrêts), Bull. civ. I, nos 127 et 128.

     [1624] Cf. P. Jénard, rapport préc., spéc. p. 38, citant l'opinion que le Doyen Batiffol a exprimé dans le cadre de la Conférence de La Haye.

     [1625] Cf. not. H. Gaudemet-Tallon, note préc., spéc. p. 355 ; B. Audit, n° 390 ; B. Ancel et Y. Lequette, n° 69-5 ; se prononçant dans le cadre du droit européen conventionnel, cf. not. G. A. L. Droz, thèse préc., nos 210 et s. ; P. Gothot et D. Holleaux, ouvrage préc., n° 183 ; H. Gaudemet-Tallon, ouvrage préc., n° 133 et J.-L. Beraudo, J.-Cl. Europe, Fasc. 3010, n° 49.

     [1626] Cf. not. H. Gaudemet-Tallon, op. cit. ; B. Audit, op. cit. ; G. A. L. Droz, op. cit. ; P. Gothot et D. Holleaux, op. cit. et J.-L. Beraudo, op. cit.

     [1627] B. Ancel et Y. Lequette, op. cit.

     [1628] Cass. 1re civ., 13 avril 1999, Bull. civ. I, n° 128, préc.

     [1629] En ce sens, à propos de la déterminaton du tribunal compétent lorsque l'article 14 est applicable, cf. B. Audit, n° 357.

     [1630] CA Rouen, 28 janvier 1993, Dr. mart. fr. 1993, p. 403, obs. Y. T. ; Rev. crit. DIP 1993,  p. 307, note H. G.-T.

     [1631] En ce sens, H. G.-T., note préc. Contra Y. T., note préc.

     [1632] Cf. p. ex. CA Paris, 30 janvier 1991, D. 1993, Somm. p. 380, obs. J.-M. Mousseron et J. Schmidt

     [1633] En ce sens, A. Huet, J.-Cl. Droit international, Fasc. 581-41, n° 59, et les réf. cit.

     [1634] Précis, n° 390, note n° 8.

     [1635] Cass. 1re civ., 31 janvier 1990, D. 1990, p. 461, note J.-P. Rémery.

     [1636] Cass. soc., 22 janvier 1992, Rev. crit. DIP 1992, p. 511, note H. Muir Watt.

     [1637] H. Muir Watt, note préc., spéc. p. 514.

     [1638] Ibid.

     [1639] Cass. com., 25 novembre 1997 et 3 mars 1998, préc.

     [1640] Cass. com., 19 décembre 1978, Rev. crit. DIP 1979, p. 61 note A. Huet ; JDI 1979, p. 366, note H. Gaudemet-Tallon ; D. 1979, IR p. 341, obs. B. Audit.

     [1641] Cass. 1er civ., 17 décembre 1985, préc.

     [1642] En ce sens, B. Ancel et Y. Lequette, n° 69-7.

     [1643] Cf. CA Paris, 10 octobre 1990, Rev. crit. DIP 1991, p. 605, note H. Gaudemet-Tallon.

     [1644] Cf. CJCE, 17 janvier 1980, Zelger c/ Salinitri, préc. et 16 mars 1999, Transporti Castelletti Spedizioni Internzionali SpA c/ Hugo Trumpy SpA, préc.

     [1645] Cf. not. J. Jodlowski, cours préc., spéc. p. 557-558 et G. Kaufmann-Kholer, thèse préc., p. 135 et s. 

     [1646] Cf. supra, n° 64. Certains auteurs américains estiment toutefois que cet arrêt n'a pas écarté la doctrine du forum non conveniens mais plutôt l'abus de l'utilisation de cette doctrine (v. supra, n° 64, note n° 56).

     [1647] P. Lagarde, Le principe de proximité dans le droit international privé contemporain, Rec. cours La Haye 1986, t. 196, p. 9, spéc. nos  134 et s.

     [1648] En ce sens,  P. Lagarde, op. cit. et B. Ancel et Y. Lequette, n° 69-7.

     [1649] Cass. soc., 8 juillet 1985, préc.

     [1650] Cf. supra, n° 198.

     [1651] Cf. supra, n° 200.

     [1652] H. Gaudemet-Tallon, thèse préc., n° 318.

     [1653] Cf. H. Gaudemet-Tallon, thèse préc., n° 321 et Ph. Fouchard, L'arbitrage commercial international, Bibl. dr. internat. priv., vol. 2, Dalloz, 1965, nos 379 et s.

     [1654] Cf. J. Jodlowski, cours préc., spéc. p. 559-560.

     [1655] J. Jodlowski, op. cit. et B. Audit, n° 388, note n° 1.

     [1656] J. Jodlowski, op. cit.

     [1657] Cf. H. Batiffol, Le respect des droits acquis, Cours IHEI, 1968-1969, spéc. p. 30-31. Adde Y. Loussouarn et P. Bourel qui formulaient l'exigence d'un lien sérieux entre le litige et le for élu dans les éditions précédentes de leur précis (cf. 3e éd., 1988, n° 454). Mais la dernière édition se contente, sans la critiquer, de mentionner la solution du droit positif (5e éd., 1996, n° 454).

     [1658] Cf. G. Kaufmann-Kholer, thèse préc., p. 143, qui juge peut sérieux cet argument tout en ajoutant à titre d'illustration que les tribunaux de Bâle et de Genève “ malgré l'obligation de statuer en l'absence de tout rattachement, ne sont pas, à notre connaissance, plus surchargés que d'autres ”. On aurait pu penser le contraire en raison de l'image de neutralité à laquelle la Suisse (et ses tribunaux) est parfois associée.

     [1659] Rapp. H. Bauer, thèse préc., n° 185, qui se demande si les droits allemand et français “ ne se montrent pas trop libéraux en admettant une prorogation même à défaut de toute attache du litige avec ce pays ”.

     [1660] H. Gaudemet-Tallon, thèse préc., n° 318.

     [1661] CA Paris, 10 octobre 1990, préc.

     [1662] Cf. infra, n° 566.

     [1663] Thèse préc., p. IV.

        [1664] Cf. supra, n° 50.

     [1665] Cf. supra, n° 8.

        [1666] Cf. not. P. Mayer, n° 378 ; D. Holleaux, J. Foyer et G. de Geouffre de La Pradelle, n° 966 ; B. Audit, n° 462, B. Ancel et Y. Lequette, n° 67-14 et H. Muir Watt, J.-Cl. Droit international, Effets en France des décisions étrangères, Fasc. 584-3, n° 76 et les réf. cit. Sur l'historique de la reconnaissance du l'exclusivité de la compétence fondée sur la volonté des parties, cf. H. Gaudemet-Tallon, thèse préc, nos 381 et s. et les réf. cit.

     [1667] Cf. not. P. Gothot et D. Holleaux, ouvrage préc., n° 182 ; H. Gaudemet-Tallon, Les Conventions de Bruxelles et de Lugano, préc., n° 132 et H. Muir Watt, op. cit., n° 48.

     [1668] B. Ancel et Y. Lequette, n° 67-14.

     [1669] P. Mayer, n° 378.

     [1670] H. Muir Watt, op. cit., n° 46.

     [1671] Ibid., n° 372, et les réf. cit.

     [1672] Cass. civ., 21 juin 1948, JCP 1948, II, n° 4422, note P. Lerebourg-Pigeonnière ; S. 1949, 1, p. 121, note J.- P. Niboyet ; Rev. crit. DIP 1949, p. 557, note P. Francescakis.

     [1673] H. Gaudemet-Tallon, thèse préc, nos  373 et 374 et Compétence civile et commerciale, préc., n° 88, et les réf. cit.

     [1674] H. Gaudemet-Tallon, thèse préc, n° 376, et les réf. cit.

     [1675] H. Gaudemet-Tallon, thèse préc., n° 382, ce qui impliquerait, selon la règle de conflit préconisée à l'époque par cet auteur, d'appliquer cumulativement la loi du tribunal désigné et la loi du tribunal normalement compétent (sur ce rattachement, cf. infra, nos 331 et s.).

     [1676] Rapp. P. Mayer, n° 301.

     [1677] Comp. J.- P. Beraudo, J.-Cl. Europe, Fasc. 3011, n° 64, qui écrit que “ si les parties étaient convenues de porter l'action devant un tribunal d'un État non contractant [i.e. de la Convention de Bruxelles], l'effet dérogatoire de la clause s'apprécierait alors selon le droit commun de l'État qui viendrait à être saisi malgré la clause ”.

     [1678] Selon Mme Gaudemet-Tallon (ouvrage préc., n° 134) “ si le juge élu n'a pas été saisi par l'autre partie, il semble peu probable que le juge effectivement saisi soit tenu de demander au juge élu s'il s'estimerait compétent au cas où il serait saisi ”. Le fait pourtant que l'article 17, alinéa 2 indique que “ les tribunaux des autres États contractants ne peuvent connaître du différend tant que le tribunal ou les tribunaux désignés n'ont pas décliné leur compétence ” ne laisse nullement indiquer que le juge élu doit nécessairement avoir été saisi par l'autre partie pour que le juge saisi soit obligé de surseoir à statuer.

     [1679] Cette précision peut surprendre dans la mesure où une telle clause aurait été soumise au droit international privé commun du for élu s'il avait été saisi. Se référant à Mezger, MM. Gothot et Holleaux suggèrent que le respect des formes de l'article 17 permet de conférer “ à la clause une sorte de "présomption de validité" et d'efficacité qui ne pourra être renversée que par la décision que prendrait le juge élu de décliner sa compétence ” (ouvrage préc., n° 185). Un tel système n'est assurément pas satisfaisant dès lors que le tribunal désigné par la clause n'appliquera pas l'article 17 lorsqu'il devra statuer sur sa propre compétence. L'on ne peut manquer dans ces conditions de s'interroger sur la nécessité d'exiger comme condition d'application de l'article 17 que l'une des parties au moins soit domiciliée sur le territoire d'un État contractant. Ne serait-il pas plus simple d'appliquer ce texte chaque fois que le tribunal ou les tribunaux d'un État contractant est désigné par un accord d'élection de for (cf. supra, n° 111).

     [1680] H. Gaudemet-Tallon, ouvrage préc, n° 134.

     [1681] H. Gaudemet-Tallon, Les Conventions de Bruxelles et de Lugano, préc., n° 143.

     [1682] En ce sens, P. Gothot et D. Holleaux, ouvrage préc., n° 190 ; G. A. L. Droz, thèse préc., nos 221 et 230.

     [1683] En ce sens, J.-P. Beraudo, J.-Cl. Europe, Fasc. 3030, n° 2 et H. Gaudemet-Tallon, ouvrage préc., n° 144.

     [1684] Cass. 1re civ., 26 novembre 1974, Rev. crit. DIP 1975, p. 491, note D. Holleaux ; JDI 1975, p. 108, note A. Ponsard ; Grands arrêts jur. fr. DIP, n° 54. Adde H. Gaudemet-Tallon, La litispendance internationale dans la jurisprudence française, in Mélanges dédiés à Dominique Holleaux, Litec, 1990, p. 119.

     [1685] Sur ce qu'un accord d'élection de for pouvait fonder une exception de litispendance avant qu'elle ne soit formellement consacrée par la jurisprudence en matière internationale, v. H. Gaudemet-Tallon, thèse préc., nos 405 et s.

     [1686] Rapp. H. Gaudemet-Tallon, ouvrage préc., n° 292.

     [1687] Cf. not. D. Holleaux, note préc., B. Ancel et Y. Lequette, n° 54-5 et L. Cadiet, n° 718. Rapp. CA Paris, 25 juin 1993, D. 1993, IR p. 218 “ une situation de litispendance internationale suppose que le juge français, compétent selon la loi française, …” (c'est nous qui soulignons).

     [1688] Quid de l'hypothèse où les deux juridictions saisies ont chacune une compétence exclusive. Dans une telle situation, l'article 23 de la Convention de Bruxelles (et de Lugano) précise que le tribunal saisi en second doit se dessaisir en faveur de celui qui a été saisi en premier. Toutefois l'existence d'un conflit entre les compétences exclusives de l'article 16 et la compétence exclusive de l'article 17 ne devrait théoriquement pas être possible dans la mesure où les compétences de l'article 16 sont également impératives. Le juge saisi d'une clause d'élection de for qui y dérogerait devra donc l'invalider.

     [1689] Cf. Cass. 2e civ., 15 juin 1966, D. 1967, p. 84.

     [1690] CJCE, 24 juin 1986, Rec. p. 1951, concl. M. Darmon ; Rev. crit. DIP 1987, p. 140, note H. Gaudemet-Tallon ; JDI 1987, p. 474, obs. A. Huet.

     [1691] En ce sens,  H. Gaudemet-Tallon, ouvrage préc., n° 136.

     [1692] CA Paris, 25 avril 1989, D. 1989, Somm. p. 255, obs. B. Audit ; confirmé par Cass. 1re civ., 4 décembre 1990, Rev. crit. DIP 1991, p. 613, note  H. Gaudemet-Tallon ; JDI 1992, p. 198, obs. A. Huet.

     [1693] Cass. 1re civ., 4 décembre 1990, préc.

     [1694] En ce sens, v. H. Gaudemet-Tallon, note préc., qui cite également en faveur de cette condition de déclaration expresse B. Goldman in RTD eur. 1971, p. 24, n° 28.

     [1695] Cass. 1re civ., 7 janvier 1964, Rev. crit. DIP 1964, p. 344, note H. Batiffol ; JDI 1964, p. 302, note B. Goldman ; JCP 1964, II, n° 13590, note M. Ancel et Grands arrêts jur. fr. DIP n° 41.

     [1696] Cass. 1re civ., 6 février 1985, Rev. crit. DIP 1985, p. 369, note D. Holleaux ; JDI 1985, p. 469, note A. Huet ; D.1985, jur. p. 469, note J. Massip et IR p. 497, obs. B. Audit et Grands arrêts jur. fr. DIP n° 67.

     [1697] Sur ces conditions, v. not. B. Audit, nos 451 et s. D. Holleaux, J. Foyer et G. de Geouffre de La Pradelle, nos 940 et s. ; Y. Loussouarn et P. Bourel, nos 501 et s. ; P. Mayer, nos 364  et s.

     [1698] Cass. 1re civ., 6 février 1985, préc.

     [1699] Sur ces conditions, v. not. P. Gothot et D. Holleaux, ouvrage préc. nos 228 et s. et H. Gaudemet-Tallon, ouvrage préc., nos 303 et s. ; et A. Huet, v° Convention de Bruxelles (Reconnaissance et exécution des jugements) in Encyclopédie Dalloz Droit communautaire, 1994.

     [1700] Thèse préc., nos 155 et s.

     [1701] Thèse préc., n° 191. Cette suggestion, comme l'indique Mme Coipel-Cordonnier (thèse préc., n° 184, note  n° 146) “ ne modifie pas le choix de principe de cet auteur selon lequel au stade de la reconnaissance d'une décision, la convention d'élection de for soulève uniquement des questions de droit applicable et doit dès lors être soumise à une règle de conflit de lois ; elle concerne uniquement des nuances envisageables pour la désignation de cette dernière ”.

     [1702] Thèse préc., nos 183 et s.

     [1703] Ibid., n° 185.

     [1704] Ibid., n° 197 (souligné par l'auteur).

     [1705] Ibid., (souligné par l'auteur).

     [1706] Ibid., n° 188.

     [1707] Ibid., n° 189.

     [1708] Ibid., nos 191 et s.

        [1709] Cf l'article 54, alinéa 2, dont la teneur a été reprise par toutes les dispositions transitoires des Conventions d'adhésion à la Convention de Bruxelles. Pour une illustration de ce contrôle, v. CA Paris, 5 avril 1994, Rev. crit. DIP 1995, p. 577, note C. Kessedjian, qui a jugé en l'espèce que “ la clause attributive de juridiction qui ne remplit pas les conditions posées par l'article 17 de la Convention de Bruxelles, n'obligeait pas les juridictions grecques à se déclarer incompétentes ”.

     [1710] B. Audit, n° 462. V. égal. P. Mayer, n° 379, qui estime toutefois que l'on ne saurait refuser systématiquement de reconnaître l'efficacité d'un jugement au motif qu'il aurait méconnu la compétence exclusive d'un pays tiers dans la mesure où “ comme en matière de lois de police étrangère, une considération de légitimité doit intervenir ”.

     [1711] En ce sens, B. Audit, ibid. et N. Coipel-Cordonnier, thèse préc., n° 189.

     [1712] D. Holleaux, J. Foyer et G. de Geouffre de La Pradelle, n° 948.

     [1713]  B. Ancel et Y. Lequette, n° 67-15.

     [1714] Ibid., n° 67-16.

     [1715] La violation d'une règle de compétence impérative française ne peut être sanctionnée que sur le terrain de l'exclusivité et non sur celui de la non conformité de la décision étrangère à l'ordre public. L'on pourrait certes considérer qu'à partir du moment où cet ordre public concerne non seulement le contenu du jugement étranger, mais également la régularité de la procédure suivie devant le juge étranger, il devrait aussi comprendre la compétence juridictionnelle. Dans cette perspective, l'ordre public en matière de compétence judiciaire internationale s'inspirerait de l'ordre public en matière de conflit de lois : rejet d'une compétence étrangère dans un cas, rejet d'une loi étrangère dans l'autre. Une telle conception de l'ordre public est rejetée par la doctrine. Ainsi, qu'à pu l'exposer Mme Sinay-Cytermann, “ lorsque le juge, par l'adoption de règles impératives de compétence, développe sa propre conception de la bonne administration de la justice internationale, il n'entend point imposer au juge étranger le respect de cette conception […] les règles de compétence impérative ne doivent donc point être incluses systématiquement dans les termes de l'exception d'ordre public ” (thèse préc., n° 428, souligné par l'auteur). Tout au plus la non contrariété de la compétence étrangère à l'ordre public est-elle envisagée dans une autre optique, pour écarter une compétence étrangère particulièrement choquante (ibid., nos 429 et s.). Mais il ne s'agit pas dans ce cas d'écarter la décision rendue par une juridiction étrangère parce qu'elle s'est estimée compétente au mépris d'une compétence impérative française.

     [1716] D. Holleaux, J. Foyer et G. de Geouffre de La Pradelle, n° 954, P. Mayer, n° 377. Cette conception n'est pas unanimement partagée en doctrine, v. not. D. Alexandre, thèse préc., nos 213 et  s. et A. Sinay-Cytermann, thèse préc., n° 38.

     [1717] TGI Paris (référé), 7 février 1986, Rev. crit. DIP 1986, p. 547, note H. Gaudemet-Tallon ; JDI 1986, p. 86, note P. Mayer.

     [1718] Rapp. Cass. soc., 7 mai 1996, Rev. crit. DIP 1997, p. 77, note G. A. L. Droz. Jugé qu'un salarié “ n'est pas recevable, au nom de la bonne foi, à invoquer l'incompétence d'une juridiction étrangère qu'il a lui même saisie et l'inopposabilité de sa décision rendue sur sa demande ”.

     [1719] CA Douai, 9 février 1989, JDI 1991, p. 160, obs. A. Huet, statuant au sujet d'un jugement rendu par tribunal belge qui, saisi en vertu d'une clause d'élection de for, a condamné un consommateur domicilié en France alors que le professionnel ne peut en principe agir que devant les tribunaux du domicile du consommateur.

     [1720] Cass. com., 9 avril 1996, D. 1997, p. 77, note E. Tichadou ; RTD civ. 1997, p. 121, obs. J. Mestre. Sur cet arrêt, v. égal. J.- L. Beraudo, J.-Cl. Europe, Fasc. 3011, spéc. n° 57.

     [1721] Cf. E. Tichadou, note préc., spéc. p. 79.

     [1722] Cass. 1re civ., 7 mars 1989, D. 1991, p. 1, note Ph. Malaurie. Adde C. Mascala, Accidents de gare : le “ déraillement ” de l'obligation de sécurité, D. 1991, Chron, p. 80.

     [1723] À titre d'exemple, on relèvera que la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable à la responsabilité du fait des produits ne s'applique qu'aux actions en responsabilité délictuelle (article 1er). Il s'ensuit que selon la configuration du litige, c'est-à-dire suivant que la victime agit contre une personne qui lui a ou non transféré la propriété ou la jouissance du produit défectueux, l'action de la victime contre le fabricant sera régie par la loi applicable au contrat (sur cette question, v. J.-P. Beraudo, L'application internationale des nouvelles dispositions du Code civil sur la responsabilité du fait des produits défectueux, JCP 1999, I, n° 140).

     [1724] V. H. Batiffol (†) et P. Lagarde, t. 1, nos 291 et s. ; B. Audit, nos 199 et s.; P. Mayer, nos 155 et s. ; Y. Loussouarn et P. Bourel, nos 185 et s. ; D. Holleaux, J. Foyer et G. de Geouffre de La Pradelle, nos 378 et s.

     [1725] CJCE, 22 mars 1983, Rec. 1983, p. 987, concl. Mancini ; Rev. crit. DIP 1983, p. 663, note  H. Gaudemet-Tallon ; JDI 1984, p.834, note A. Huet et CJCE, 8 mars 1988, Rec. 1988, p. 1539, concl. G. Slynn ; Rev. crit. DIP 1988, p. 610, note H. Gaudemet-Tallon ; JDI 1989, p. 453, note A. Huet ; D. 1988, Somm. p. 344, obs. B. Audit.

     L'interprétation des notions utilisées par la Convention de Bruxelles sans référence aucune à un système national est devenue habituelle pour la Cour de Justice (H. Gaudemet-Tallon, ouvrage préc., n° 29). Cette démarche est également suivie par la Cour européenne des droits de l'homme qui interprète de façon autonome la notion de “ matière pénale ” au sens l’article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (v. not. M. Delmas-Marty, Code pénal d’hier, droit pénal d’aujourd’hui, matière pénale de demain, D. 1986, Chron. p. 27).

     [1726] Le problème de la qualification, Rev. de dr. int. priv. 1933, p. 1

     [1727] Cf Y. Loussouarn et P. Bourel, n° 188.

     [1728] Selon MM. Gothot et Holleaux, “ d'autres décisions vont tracer progressivement les contours de la matière contractuelle au sens de l'article 5,1°, selon la méthode pragmatique de l'arrêt Martin Peters. On peut espérer que le domaine d'application de l'article 5, 1° s'en trouvera délimité avec plus de netteté qu'il ne l'aurait été d'emblée par une formule théorique générale ” (ouvrage préc., n° 59). Rapp. H. Gaudemet-Tallon, ouvrage préc., n° 157.

     [1729] H. Gaudemet-Tallon, ibid.

     [1730] Cf. infra, n° 598, réf. note 117.

     [1731] Motif n° 15, repris égal. par CJCE, 27 octobre 1998, cité infra, n° 593, note n° 93.

     [1732] H. Gaudemet-Tallon, ouvrage préc., n° 157.

     [1733] Cf. Cass. 1re civ., 6 juillet 1999, JCP 1999, IV, n° 2635 qui estime que doit être cassé l'arrêt de la Cour d'appel qui a retenu la compétence internationale des juridictions françaises sur le fondement de l'article 5-1° de la Convention de Bruxelles “ sans relever l'existence d'un lien contractuel librement assumé entre la société appelante et l'une des sociétés intimée laquelle était la société mère de la filiale cocontractante ”.

     [1734] Cf. infra, n° 581.

     [1735] CJCE, 22 mars 1983, préc. L'on a pu à juste titre regretter que la CJCE n'ait pas fait “ la plus petite allusion à la conception opposée (institutionnelle), ne serait-ce que pour l'écarter ” (A. Huet, note préc., spéc. p. 838).

     [1736] CA Chambéry, 13 juin 1989, JDI 1991, p. 149, note A. Huet.

     [1737] CJCE, 10 mars 1992, préc., qui a considéré que la clause d'élection de for insérée dans les statut d'une société constitue bien une convention au sens de l'article 17, cf. supra, n° 384.

     [1738] CJCE, 8 mars 1988, préc.

        [1739] M. Huet relève cependant (note préc., p. 454) que l'article 17 de cette directive ne vise pas l'indemnité de préavis mais l'indemnité de clientèle ou l'indemnité réparatrice du préjudice alloué à l'agent commercial. Le raisonnement de la Cour n'en conserve pas moins son importance compte tenu des nombreux textes issus du droit dérivé (règlements ou directives communautaires) qui intéressent les contrats.

     [1740] En ce sens A. Huet, note préc., p. 454.

     [1741] CJCE 27 septembre 1988, Rec.  p. .5565, concl. M. Darmon ; Rev. crit. DIP 1989, p. 112, note H. Gaudemet-Tallon ; JDI 1989, p. 457, note A. Huet ; D. 1989, Somm. p. 254, obs. B. Audit.

     [1742] H. Gaudemet-Tallon, note préc., p. 121.

     [1743] Cf. not. A. Bénabent, n° 234 ; J. Flour et J.-L. Aubert, n° 407 ; Ph. Malaurie et L. Aynès, nos 632 et s. et Fr. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, nos 542 et s.

     [1744] M. Darmon, concl. préc. cf. égal.  H. Gaudemet-Tallon, ouvrage préc., n° 160.

     [1745] H. Gaudemet-Tallon, ibid.

     [1746] Une autre solution serait de faire de la connexité un critère générale de compétence et non une simple exception (en ce sens, A. Huet, note préc., p. 457 et H. Gaudemet-Tallon, ibid.) mais cela impliquerait une modification de la Convention de Bruxelles qui n'a semble-t-il pas encore été envisagée sur ce point.

     [1747] Cette proposition peut se prévaloir de ce qui a déjà été suggéré par la doctrine en matière de conflit de lois. Si en effet les quasi-contrats sont soumis à la loi du lieu où est survenu le fait générateur, il a été proposé d'écarter ces solutions lorsque le quasi-contrat naît à l'occasion d'une relation juridique préexistante afin que lui soit applique la loi régissant cette relation (v. sur ce point H. Chanteloup, Les quasi-contrats en droit international privé, Bibl. dr. priv., t. 304, préf. M.-L. Niboyet, L.G.D.J., 1998).

     [1748] CJCE, 10 mars 1992, préc.

     [1749] G. Kaufmann-Kohler, thèse préc., p. 146.

     [1750] Cf. not. G. A. L. Droz, thèse préc., n° 200 ; G. Kaufmann-Kohler, op. cit., p. 145 et 146, P. Gothot et D. Holleaux, ouvrage préc., n° 179 et H. Gaudemet-Tallon, ouvrage préc., n° 127.

     [1751] Cass. 1re civ., 30 juin 1992, préc. Sur cet arrêt, cf. supra, nos 372 et s.

     [1752] Sur la portée de la clause d'élection de for dans les contrats de distribution, cf. M. Béhar-Touchais et G. Virassamy, Traité de droit des contrats, Les contrats de distribution, L.G.D.J., 1999, nos 679 et s.

     [1753] Cf. CA Paris, 20 octobre 1981 et 24 juin 1982, JDI 1984, p. 404, obs. D. Holleaux ; Cass. com., 29 octobre 1985, Bull. civ. IV, n° 254 ; 27 février 1996, Rev. crit. DIP 1996, p. 736, note H. Gaudemet-Tallon et CA Paris, 14 octobre 1998, JCP E 1998, p. 1856 ; D. 1999, Somm. p. 291, obs. B. Audit.

     Quid, alors, du contrat-cadre qui contiendrait une clause de référence aux conditions générales de ventes destinées à régir les contrats d'application et dans lesquelles se trouverait stipulée une clause d'élection de for ? Il devrait être possible dans ce cas de considérer que la clause d'élection de for ait été incorporée dans le champ du contrat-cadre. Mais encore faudrait-il que cette référence soit suffisamment précise, surtout en ce qui concerne la délimitation du domaine d'application de la clause d'élection de for. Il a ainsi été jugé qu'un contrat de distribution dont une stipulation indiquerait que les conditions générales de vente “ s'appliqueront au déroulement des affaires ” ne pouvait viser les litige relatif à la résiliation du contrat d'exclusivité lui-même (v. Cass. com., 27 février 1996, préc. adde M. Béhar-Touchais et G. Virassamy, op. cit., n° 681).

     [1754] G. A. L. Droz, thèse préc., n° 200. En ce sens, P. Gothot et D. Holleaux, ouvrage préc., n° 179. Contra A. Huet, JDI 1991, p. 160 et H. Gaudemet-Tallon, Rev. crit. DIP 1996, p. 740.

     [1755] CJCE, 10 mars 1992, préc., motif n° 32.

     [1756] Cass. com., 12 décembre 1989, Rev. crit. DIP 1990, p. 358, note H. Gaudemet-Tallon ; JDI 1991, p. 158, obs. A. Huet.

     [1757] Note préc. Adde ouvrage préc., n° 119.

     [1758] Obs. préc.

     [1759] CA Paris, 13 janvier 1999, D. aff. 1999, p. 633, obs. E. C.

     [1760] Cf. not. Cass. com., 4 janvier 1956, Bull. civ. III, n° 5 et Cass. 1re civ., 6 février 1973, Bull. civ. I, n° 47.

     [1761] CA Paris, 22 mai 1991, D. 1992, Somm. p. 164, obs. B. Audit.

     [1762] Cf. B. Audit, obs. préc.

     [1763] Cass. com., 14 mai 1995, JCP E 1997, I, n° 617, n° 7, obs. J. M. Mousseron. Si cette espèce concerne une clause compromissoire, rien ne justifie en l'occurrence qu'un traitement différent soit réservé à la clause d'élection de for.

     [1764] H. Solus et R. Perrot, t. 2, n° 555 (souligné par les auteurs).

     [1765] Thèse préc., n° 200.

     [1766] Cf. supra, nos  416 et s.

     [1767] Thèse préc., n° 200.

     [1768] Rapp. M. Béhar-Touchais et G. Virassamy, op. cit., n° 680.

     [1769] En ce sens, P. Mayer, n° 302.

     [1770] A. Toubiana, thèse préc., n° 90. Principe que Mme  Toubiana tempère avec réalisme en relevant, d'une part, que les juges auront tendance à se référer aux principes d'interprétation qu'ils utilisent habituellement, c'est-à-dire ceux de la lex fori, et, d'autre part, parce que seule la lex fori peut délimiter le pouvoir d'interprétation des juges du fond et le contrôle éventuel de la dénaturation par la Cour suprême (ibid., n° 91). Pour un exemple ou la Cour de cassation s'est retranchée derrière de pouvoir souverain d'interprétation des juges du fond s'agissant de l'interprétation d'une clause d'élection de for, cf. Cass. 1re civ., 15 mai 1974, Bull. civ. I, n° 143.

     [1771] Ibid., n° 92.

     [1772] CJCE, 10 mars 1992, préc.

     [1773] Cass. 1re civ., 17 décembre 1985, préc.

     [1774] CJCE, 9 novembre 1978, préc.

     [1775] Cf. Cass. 1re civ., 18 octobre 1988, Rev. crit. DIP 1989, p. 537, note P. Lagarde.

     [1776] V. à ce sujet A. Huet, J.-Cl. Droit international, Fasc. 581-41, nos 54 et 55 et les réf. cit.

     [1777] Cass. 1re civ., 25 janvier 1983, Rev. crit. DIP 1983, p. 516, note H. Gaudemet-Tallon.

     [1778] TGI Seine, 28 février 1961, Rev. crit. DIP 1961, p. 572, note Y. Loussouarn.

     [1779] Cass. soc., 2 avril 1992, Bull. civ. V, n° 297.

     [1780] Rapp. H. Gaudemet-Tallon, thèse préc., n° 402 qui estime que le juge désigné doit être compétent pour statuer sur les demandes additionnelles ou reconventionnelles “ car il y a tout intérêt à ce qu'un même tribunal connaisse de l'ensemble d'une question ”, sans distinguer selon que cette demande concerne les litiges expressément visés par la clause d'élection de for.

     [1781] Cf. infra, nos 575 et s.

     [1782] CJCE, 9 novembre 1978, préc.

     [1783] A. Huet, note sous CJCE, 9 novembre 1978, préc., spéc. p. 670.

     [1784] Ibid.

     [1785] Ibid.

     [1786] Cf. F. Capotorti, concl. sous CJCE, 9 novembre 1978, préc., spéc. p. 2146 et s. ; A. Huet, note préc., spéc. p. 670 et s. et H. Gaudemet-Tallon, note sous  CJCE, 9 novembre 1978, préc., spéc. p. 141 et s.

     [1787] Cette compétence devrait également concerner les demandes qui ne seraient pas qualifiées de contractuelle dès lors qu'elles sont en relation avec le contrat (cf. supra, n° 552).

     [1788] Cf. supra, n° 39.

     [1789] Cass. 1re civ., 25 janvier 1983, préc.

     [1790] Cf. supra, n° 269.

     [1791] P. de Vareilles-Sommières, La compétence internationale des tribunaux français en matière de mesures provisoires, préc., spéc. n° 35.

     [1792] Cass. 1re civ., 17 décembre 1985, préc.

     [1793] Cf. supra, nos 416 et s.

     [1794] Cf. supra, nos 116 et s.

     [1795] Cf. supra, nos 162 et s.

     [1796] Cf. supra, nos 180 et s.

     [1797] Cf. G.Virassamy, Les contrats de dépendance, Essai sur les activités professionnelles exercées dans une dépendance économique, Bibl. dr. priv., t. 190, préf. J. Ghestin, L.G.D.J., 1986, passim.

     [1798] Cf. G. Berlioz, Le contrat d'adhésion, Bibl. dr. priv., t. 132, préf. B. Goldman, 2e éd., L.G.D.J., 1979, nos 23 et s.

     [1799] Cf p. ex. Ch. Jamin et D. Mazeaud (sous la direct. de), Les clauses abusives entre professionnels, coll. Études Juridiques, t. 3, Économica, 1998.

     [1800] Cf. supra, n° 122.

     [1801] Cass. com., 22 octobre 1996, D. 1997, p. 121, note A. Sériaux et Somm. p. 175, obs. Ph. Delebecque ; Defrénois 1997, p. 333, obs. D. Mazeaud ; JCP 1997, I, n° 4002, obs. Fabre-Magnan et n° 4025, obs. G. Viney et II, n° 22881, note D. Cohen. Adde Ph. Delebecque, Que reste-t-il du principe de validité des clauses de responsabilité, D. Aff. 1997, p. 235 et Ch. Larroumet, Obligation essentielle et clause limitative de responsabilité, D. 1997, Chron. p. 145. En l'espèce, une société avait, pour les besoins de son activité professionnelle, confié un pli à une société spécialisée dans le transport rapide. Alors qu'il avait été contractuellement convenu que le pli parviendrait à son destinataire le lendemain du jour de son expédition avant midi, le délai promis n'avait pas été respecté. La société expéditrice réclamait donc la réparation de son préjudice que le retard imputable à la société de transport lui avait causé. Pour faire échec à cette action, cette dernière se prévalait d'une clause de leur contrat aux termes de laquelle “ en cas de non respect des délais de livraison de son fait, Chronopost s'engage à rembourser exclusivement le prix du transport sur demande écrite de l'expéditeur ”. Conformément au droit commun, les juges du fond avaient reconnu l'efficacité de cette clause limitative de responsabilité en relevant que l'inexécution imputable à Chronopost n'était pas constitutive d'une faute lourde. Leur décision fut censurée sous le visa de l'article 1131 du Code civil par la Cour de cassation qui jugea qu' “ en statuant ainsi, alors que spécialiste du transport rapide garantissant la fiabilité et la célérité de son service, la société Chronopost s'était engagée à livrer les plis de la société Blanchereau dans un délai déterminé, qu'en raison du manquement à son obligation essentielle, la clause limitative de responsabilité du contrat, qui contredisait la portée de l'engagement pris, devait être réputée non écrite, la Cour d'appel a violé le texte susvisé ”.

     En jugeant qu'une clause limitative de responsabilité prive de cause le contrat car elle affecte son obligation essentielle, ne s'agit-il pas de lutter contre les inégalités et les injustices contractuelles et de restaurer un équilibre dans le contrat ? (Cf. D. Mazeaud, note préc., spéc. p. 337. Rapp. A. Sériaux, note préc., spéc. nos 7 et 8, qui déplore que la Cour de cassation se soit emparée du pouvoir de police du législateur consistant à éliminer, en les réputant abusives, certaines clauses qu'il juge abusives. Adde J.-M. Guéguen, Le renouveau de la cause en tant qu'instrument de justice contractuelle, D. 1999, Chron. p. 352 et Fr. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, n° 322-1, qui constatent que “ la jurisprudence récente procède, de plus ne plus, sous couvert de la cause, à une analyse concrète de l'utilité et de l'équilibre de l'opération contractuelle ”.

     [1802] Cass. ass. plén., 1er décembre 1995 (4 arrêts), JCP 1995, II, n° 22565, concl. M. Joel, note J. Ghestin ; D. 1996, p. 17, note L. Aynès ; Petites affiches 1995, n° 155, note D. Bureau et N. Molfessis ; RTD civ. 1996, p. 153, obs. J. Mestre. Adde J. Fossereau, L'indétermination du prix dans les contrats, in Rapport de la Cour de cassation 1995, p. 111 et La détermination du prix : nouveaux enjeux un ans après les arrêts de l'assemblée plénière, coll. Thèmes et Commentaires, Dalloz, 1997 ou RTD com. 1997, p. 1 ; A. Brunet et A. Ghozi, La jurisprudence de l'Assemblée plénière sur la détermination du prix du point de vue de la théorie du contrat, D. 1998, Chron. p. 1.

     [1803] Th. Revet, Les apports au droit des relations de dépendance, in La détermination du prix : nouveaux enjeux un ans après les arrêts de l'assemblée plénière, préc., p. 37.

     [1804] Cf. supra, nos 64 et 214..

     [1805] Des clauses de connaissements maritimes attribuant compétence à une juridiction étrangère : essai de démystification, préc., spéc. p. 349.

     [1806] Ibid., p. 351.

     [1807] Cf. supra, nos 214 et s.

     [1808] Cf. supra, n° 230.

     [1809]  H. Gaudemet-Tallon, Le “ forum non conveniens ”, une menace pour la Convention de Bruxelles ? (À propos de trois arrêts anglais récents), Rev. crit. DIP 1991, p. 491 spéc. p. 493.

     [1810] Cass. 1re civ., 13 avril 1999, Bull. civ. I, n° 127.

     [1811] Cf. supra, n° 536.

        [1812] H. Gaudemet-Tallon, thèse préc., n° 423 et 423 et ouvrage préc., n° 232.

     [1813] H. Gaudemet-Tallon, ibid., n° 423 et ouvrage préc., n° 232 ; P. Gothot et D. Holleaux, ouvrage préc., n° 114. Pour une illustration, cf. Cass. 1re civ., 5 janvier 1999, D. 1999, IR p. 32, qui a jugé que “ la pluralité de défendeurs n'a pas pour effet d'étendre à des parties qui ne l'ont pas souscrite la clause attributive de juridiction ”.

     [1814] Cf. not. G. A. L. Droz, thèse préc., n° 100 ; P. Gothot et D. Holleaux, ibid. et H. Gaudemet-Tallon, ibid.

     [1815] H. Gaudemet-Tallon, thèse préc., n° 423.

     [1816] M.-A. Frison-Roche, Rapport de Synthèse in L'échange des consentements, RJ com. 1995, n° spéc., p. 150, spéc. n° 26.

     [1817] Cf. P. Jénard, rapport préc., p. 27 et G. A. L. Droz, thèse préc., n° 101.

     [1818] CJCE, 14 décembre 1976 (2 arrêts), préc., motif n° 7 (aff. 24/76) et motif n° 6 (aff. 25/76) et 9 novembre 1978, préc., motif n° 5. Adde Cass. 1re civ., 12 juillet 1982, Rev. crit. DIP 1983, p. 659, note P. Lagarde ; JDI 1983, p. 405, obs. D. Holleaux ; D. 1983, IR p. 145, obs. B. Audit ; JCP 1983, II, n° 20015, note P. Bourel ; RTD com. 1983., p. 549, obs. A. Bénabent et J.-Cl.  Dubarry ; 18 octobre 1989, Bull. civ. I, n° 321 ; JDI 1991, p. 155, obs. A. Huet ; Cass. com., 12 mai 1992, Bull. civ. IV, n° 179 ; JDI 1993, 2e esp., p. 155, obs. A. Huet ; D. 1993, Somm. p. 348, obs. B. Audit et Cass. 1re civ. , 20 décembre 1993, Bull. civ. I, n° 374.

     [1819] H. Gaudemet-Tallon, ouvrage préc., n° 233.

     [1820] Cette question ne concerne pas les relations entre la clause d'élection et les tiers mais se rapporte plutôt au champ d'application de la clause entre les parties. La plus souvent, la clause d'élection de for qui fonde la compétence du juge saisi de la demande principale englobe la demande reconventionnelle. Il se peut toutefois que la demande reconventionnelle n'entre pas dans le champ d'application de la clause d'élection de for (cf. supra, n° 561) ou qu'une clause d'élection de for réciproque attribue compétence au tribunal du domicile du défendeur (CJCE, 9 novembre 1978, préc., rendu à propos d'une demande reconventionnelle en compensation).

     [1821] En ce sens, D. Alexandre, préc, n° 222 et H. Gaudemet-Tallon, ouvrage préc., n° 236.

     [1822] Cf. not. G. Pochon, L'application des clauses de compétence dans les connaissements en cas de pluralité de défendeurs ou d'appel en garanti, Dr. marit. fr. 1956, p. 259, H. Gaudemet-Tallon, thèse préc., nos 423 et s. ; H. Solus et R. Perrot, t. 2, n° 272.

     [1823] Cf. A. Huet, J-Cl. Droit international, Fasc. 581-40, n° 8 et les réf. cit. et H. Gaudemet-Tallon, op. cit., n° 424 et les réf. cit.

     [1824] V. p. ex. Cass. 1re civ., 23 octobre 1990, Bull. civ. I, n° 219.

     [1825] Cass. com., 11 juillet 1977, Bull. civ. IV, n° 197.

     [1826] D. Holleaux, J. Foyer et G. de Geouffre de La Pradelle, n° 790. Adde H. Gaudemet-Tallon, La compétence internationale à l'épreuve du nouveau code de procédure civile : aménagement ou bouleversement ?, préc., spéc.     p. 41, pour qui l'article 333 du nouveau Code de procédure civile “ parait […] devoir être réservé aux rapports internes ” ; H. Batiffol et P. Lagarde, t. 2, n° 673-1, qui estime au demeurant qu'il est à craindre, en ce qui concerne les effets internationaux des jugements, que la transposition de l'article 333 à l'ordre international soit “ de nature à gêner la reconnaissance à l'étranger des décisions françaises ” ; P. Mayer, Précis, 4e éd. 1991, n° 286 et B. Audit, Précis, 1re éd., 1991, n° 367. Contra J. Viatte, note sous Cass. civ. 2e, 9 novembre 1976, Gaz. Pal. 1977, 2, p. 427, pour qui “ les conflits de juridictions, lorsqu'ils se posent devant les tribunaux français, doivent être résolus d'après les règles de compétence interne, en l'absence de convention diplomatique contraire ”.

     [1827] Cass com., 8 novembre 1982, Rev. arb. 1983, p. 177, note J. Rubellin-Devichi ; JDI 1984, p. 151, note J. Buhart. Cette solution est logique dans la mesure où les clauses compromissoires soulèvent également des questions de compétence d'attribution. Il a toutefois été soutenu que cet arrêt pouvait également s'appliquer aux clauses d'élection de for au motif que la compétence internationale est une compétence d'attribution (J. Buhart, note préc., pour qui, “ comme la Cour de cassation a déclaré dans l'arrêt rapporté que l'article 333 ne s'applique pas à la compétence d'attribution, il semble que l'on puisse en conclure que la règle de compétence dérivée doit également s'incliner devant la clause de compétence à une juridiction étrangère ”). L'on sait pourtant que la majorité de la doctrine estime que l'article 92 du nouveau Code de procédure civile, sans modifier la nature territoriale de la compétence internationale, ne fait que préciser les circonstances dans lesquelles l'incompétence peut-être relevée d'office par le juge (cf. supra, n° 72). De fait, la non transposition de l'article 333 aux relations internationales ne sera pas fondée sur cette considération.

     [1828] Cass. com., 30 mars 1993, Rev. crit. DIP 1993, p. 680, note H. Gaudemet-Tallon ; Dr. marit. fr. 1993, p. 294, note Y. Tassel ; JCP 1993, I, n° 3723, n° 7, obs. L. Cadiet et II, n° 22182, note Ph. Guez.

     [1829] Ce qui suppose, en droit conventionnel européen, que les conditions fixées par l'article 17 aient été respetées, v. Cass. 1re civ., 12 juillet 1982, préc. ; 18 octobre 1989, préc. et Cass. com., 12 mai 1992, préc.

     [1830] Comp. P. Gothot et D. Holleaux, ouvrage préc., n° 116, pour qui “ la détermination de la portée d'une clause qui n'explicite pas ses effets au regard des compétences dérivées, apparaît dès lors essentiellement comme une question d'interprétation de la volonté des parties ”. Sur l'interprétation des accords d'élection de for, cf. supra, nos 559 et s.

     [1831] Ibid.

     [1832] En ce sens, P. Gothot et D. Holleaux, ibid. ; P. Bourel, note préc. et A. Huet, note préc.

     [1833] Cf. not. Cass. 1re civ., 12 juillet 1982, préc. et 18 octobre 1989, préc.

     [1834] Ouvrage préc., nos 116 et 117.

     [1835] Cf. A. Huet, J-Cl. Droit international, Fasc. 581-40, n° 9 et les réf. cit.

     [1836] Cf. H. Gaudemet-Tallon, thèse préc., n° 424 et les réf. cit. note 4.

     [1837] Cf. not. Cass. 1re civ. , 23 octobre 1990, Bull. civ. I, n° 219 ; CA Paris, 20 décembre 1989, D. 1990, IR p. 29 et Cass. soc. 26 juin 1981, Bull. civ. V, n° 326 et Cass. 1re civ., 2 mars 1999, Bull. civ. I, n° 72.

     [1838] Cass. com., 30 mars 1993, préc.

     [1839] En ce sens, H. Gaudemet-Tallon, note préc., spéc. p.683.

     [1840] Cass. 1re civ., 2 mars 1999, préc.

     [1841] Cass. 1re civ., 2 mars 1999, préc.

     [1842] Notre préc., spéc. p. 683. En ce sens également A. Huet, note préc., spéc. p. 158.

     [1843] Thèse préc., n° 101.

     [1844] Sur la généralité de principe de l'effet relatif en droit comparé, cf. Y. Flour, L'effet du contrat à l'égard des tiers en droit international privé, thèse Paris II, 1977, nos 24 et s.

     [1845] v° Tiers in G. Cornu, Vocabulaire juridique, 3e éd., P.U.F., 1992.

     [1846] J.- L. Goutal, Essai sur le principe de l'effet relatif du contrat, Bibl. dr. priv., t. 171, préf. H. Batiffol, L.G.D.J., 1981, nos 19 et 20.

     [1847] J. Ghestin, La distinction entre les parties et les tiers, JCP 1992, I, n° 3628 ; J.- L. Aubert, À propos d'une distinction renouvelée des parties et des tiers, RTD civ. 1993, p. 263 ; C. Guelfucci-Thibierge, De l'élargissement de la notion de partie au contrat … à l'élargissement de la portée du principe de l'effet relatif, RTD civ. 1994, p. 275 ; J. Ghestin, Nouvelles propositions pour un renouvellement de la distinction des parties et des tiers, RTD civ. 1994, p. 777 et J. Ghestin, Ch. Jamin et M. Billiau, nos 329 et s.

     Suggérées par M. Ghestin, ces nouvelles propositions consistent à se placer au moment de l'exécution du contrat et non au moment de sa formation pour procéder à la qualification de partie. Dans cette perspective, “ la qualité de partie doit être réservée aux personnes qui ont conclu le contrat par un accord de volontés ou qui ont acquis le droit de le modifier ou d'y mettre fin par un autre accord de volontés ” (J. Ghestin, Ch. Jamin et M. Billiau, n° 341). Dès lors, si l'on doit considérer comme partie les personnes dont la volonté a formé le contrat, l'on doit également admettre que “ pendant l'exécution du contrat les personnes qui ont le pouvoir d'anéantir ce dernier ou de le modifier selon la même procédure contractuelle, c'est-à-dire par un accord de volontés, doivent être également qualifiées, à ce moment, de partie ” (ibid.). Les parties contractantes sont donc les personnes “ qui peuvent donner naissance au contrat par l'accord de leurs volontés, ou le modifier ou y mettre fin de la même manière ” (ibid.). L'accueil de ces suggestions est resté assez mitigé en doctrine. Pour certains auteurs, “ non sans une part d'artifice, il s'est agi moins d'approfondir ou de remettre en cause les solutions traditionnelles que de les "habiller" en classant les personnes concernées dans la catégorie des tiers ou des parties ”  (Fr. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, n° 459). Le débat qu'elles ont suscité n'en demeure pas moins d'un grand intérêt théorique.

     [1848] J.-Cl. Droit international, Fasc. 586-6, n° 15, cité par N. Coipel-Cordonnier, thèse préc., n° 317.

     [1849] Cf. la nouvelle édition du fascicule du Juris-Classeur repris par cet auteur (N° 586-6, n° 9) et la partie du Traité qu'il a rédigé (Ph. Fouchard, E. Gaillard et B. Goldman(†),nos 694 et s.).

     [1850] Ibid. Cette formule a été dégagée par la jurisprudence à propos de la subrogation légale, v. Cass. 1re civ., 17 mars 1970, JDI 1970, p. 923, note G. de la Pradelle ; Rev. crit. DIP 1970, p. 688, 1re espèce, note P. Lagarde.

     [1851] Thèse préc., n° 318.

     [1852] Ibid., n° 320.

     [1853] Thèse préc., n° 153.

     [1854] Il n'est pas rare, comme Mme Flour a pu constater que, confrontée au problème de l'effet relatif du contrat à l'égard des tiers, la jurisprudence recourt à des expédients pour ne pas affronter le conflit de lois, notamment en statuant “ dans le sens prévu par la loi française sans s'interroger sur le titre auquel celle-ci est appelé à s'appliquer, sans même conforter la solution qu'elle donne à celle que propose le droit étranger ” (thèse préc., n° III).

     [1855] Cass. 1re civ., 25 novembre 1986, Rev. crit. DIP 1987, p. 396, note H. Gaudemet-Tallon ; Dr. marit. fr. 1987, p. 706, note P. Y. Nicolas ; RTD civ. 1987, p. 547, obs. J. Mestre. Adde P. Courbe, Privilège de juridiction et transmission de la clause de compétence, in Mélanges offerts à André Colomer, Litec, 1993, p. 143.

     [1856] Cf. infra, n° 591.

     [1857] Un constat similaire paraît pouvoir être dressé en matière d'arbitrage. Si l'analyse de la jurisprudence de la Cour d'appel de Paris semble être “ à l'origine d'une autre règle matérielle, corollaire de l'autonomie, destinée à assurer la pleine efficacité de la clause compromissoire à l'égard de toutes les parties impliquées dans un litige soumis à l'arbitrage, même si ces parties n'étaient pas signataires de la convention stipulant la clause compromissoire ” (J.-P. Ancel, L'actualité de l'autonomie de la clause compromissoire, préc., spéc. p. 99 et les réf. cit.), force est de reconnaître que la Cour de cassation adopte des solutions diversifiées sans toutefois faire application de la méthode conflictuelle (comp. avec le droit suisse, J.-F. Poudret, L'extension de la clause d'arbitrage : approche française et suisse, JDI 1995, p. 893). Ainsi la clause compromissoire n'est pas opposable au bénéficiaire d'une stipulation pour autrui (Cass. com., 4 juin 1985, Rev. arb. 1987, p. 139, note J.-L. Goutal) et ne se transmet pas au sous-acquéreur dans une chaîne de contrats (Cass. 1re civ., 6 novembre 1990, Rev. arb. 1991, p. 19), mais se transmet avec la créance en cas de cession de celle-ci (Cass. 1re civ., 5 janvier 1999, D. aff. 1999, p. 291, obs. X. D. ; Rev. crit DIP 1999 (2e espèce), p. 536, note É. Pataut ; JDI 1999, p. 786, p. 787, note S. Poillot Peruzzetto).

     [1858] P. Courbe, art. préc., n° 16.

     [1859] Ibid., n° 20.

     [1860] Ibid., n° 21.

     [1861] Cf. supra, n° 582.

     [1862] CJCE, 19 juin 1984, préc.

     [1863] Cf. note. H. Gaudemet-Tallon, note sous CJCE, 19 juin 1984, préc., spéc. p. 395 et J.- M. Bischoff, note sous CJCE, 19 juin 1984, préc., spéc. p. 165.

     [1864] Rapp. N. Coipel-Cordonnier, thèse préc., n° 323, qui remarque que “ la Cour ne paraît pas admettre que selon la loi applicable à la transmission du connaissement, celui-ci soit transmis au tiers porteur mais pas la convention de juridiction elle-même ”.

     [1865] CJCE, 14 juillet 1983, Rec. 1983, p. 2503, concl. F. Mancini ; JDI 1983, p. 843, note A. Huet ; Rev. crit. DIP 1984, p. 142, note H. Gaudemet-Tallon.

     [1866] L'article 12 prévoit qu'il peut être dérogé aux règles relatives à la compétence en matière d'assurancre par des convention “ qui permettent au preneur d'assurance, à l'assuré ou au bénéficiare, de saisir d'autres tribunaux que ceux indiqués dans la présente section ”.

     [1867] Cf. supra, n° 583.

     [1868]Cf. à ce sujet J.- L. Goutal, L'arbitrage et les tiers, I, Le droit des contrats, Rev. arb. 1988, p. 439, qui analyse les mécanismes de transmission à titre universel et à titre particulier.

     [1869] Cf. l'intervention de MM. Fouchard et Loquin,  in L'arbitrage et les tiers, Rev. arb. 1988, p. 469 et 472.

     [1870] Les limites à la séparabilité de la clause compromissoire, préc.

     [1871] Cf. supra, n° 38. En ce sens, v. not. P. Mayer, article préc. ; É Loquin, note préc., spéc.  p. 1030 ; J.-P. Ancel, article préc., spéc. p. 101. Rapp. N. Coipel-Cordonnier, thèse préc., n° 314.

     [1872] V. à propos d'une clause compromissoire CA Paris, 28 janvier 1988, Rev. arb. 1988, p. 565, qui vérifie que la clause n'a pas été passée en raison de la personne du cocontractant.

     [1873] Contra L. Aynès, note sous CA Paris, 26 mai 1992, Rev. arb. 1993, p. 631, qui estime que l'arbitrage est choisi pour les avantages objectifs de ce mode de règlement des litiges et non en fonction de la personne du contractant.

     [1874] En ce sens, à propos de la convention d'arbitrage, E. Gaillard, J-Cl. Droit international, Fasc. 586-6, n° 28.

     [1875] Cass. 1re civ., 25 novembre 1986, préc.

     [1876] Cf. P. Courbe, article préc., citant G. A. L. Droz, Reflexions pour une réforme des articles 14 et 15 du Code civil, Rev. crit. DIP 1975, p. 1, spéc. p. 11.

     [1877] H. Gaudemet-Tallon, note préc., spéc. p. 399. Mais si le principe traditionnel selon laquelle “ la compétence internationale des tribunaux français est fondée non sur le droit né des faits litigieux mais sur la nationalité des parties ” (Cass. 1re civ., 21 mars 1966, D. 1966, p. 429, note Ph. Malaurie, JDI 1967, p. 380, note J.-D. Bredin ; Rev crit. DIP 1966, p. 670, note A. Ponsard) se trouve en l'occurrence écartée, ce n'est semble-t-il qu'à titre d'exception. Ce principe est en effet réaffirmé par la Cour de cassation (Cass. 1re civ., 31 janvier 1995, D. 1995, p. 471, note P. Courbe, rendu en matière d'action oblique). Si l'application de cette solution connaît des exceptions, il est permis d'émettre l'idée qu'elles ne concernent pas seulement la subrogation légale, mais toutes les hypothèses où une clause d'élection de for aura été transmise par un étranger à un français.

     [1878] Cf. N. Coipel-Cordonnier, thèse préc., n° 312, note 86 et 87. Rapp. en matière d'arbitrage E. Gaillard, J.-Cl. Droit international, Fasc. 586-6, n° 27 et les réf. cit.

     [1879] J.-L. Aubert, article préc., spéc. n° 43.

     [1880] Contra P. Courbe, article préc., n° 21.

     [1881] CA Paris, 11 mars 1993, Rev. arb. 1994, p. 735, note D. Cohen.

     [1882] Ph. Malaurie, note préc., repris par H. Gaudemet-Tallon, note préc.

     [1883] Transmission de la clause compromissoire par voie de cession de créance normale (v. CA Paris, 6 mai 1992, Rev. arb. 1993, p. 624, note L. Aynès) ou Dailly (Cass. 1re civ., 5 janvier 1999, préc.). Rapp. admettant la transmission de la clause compromissoire par voie de subrogation (Cass. 2e civ., 13 mai 1966, Rev. crit. DIP 1967, p. 335, note E. Mezger).

     [1884] Cf. CA Paris, 28 janvier 1988, JDI 1989, p. 1021, note É. Loquin. Cette solution est justifiée dans la mesure où la cession de contrat ne modifie les obligations issues du contrat cédé et ce malgré le changement de l'une des parties (v. L. Aynès, La cession de contrat et les opérations à trois personnes, préf. Ph. Malaurie, Économica, 1984, n° 154).

     L'exigence du consentement du cédé posée récemment par la Cour de cassation (Cass. com., 6 mai 1997 (2 arrêts), D. 1997, p. 588, note M. Billiau et Ch. Jamin) remettrait en cause la notion même de la cession conventionnelle de contrat pour les auteurs qui en contestent le principe (J. Ghestin, Ch. Jamin et M. Billiau, nos 670 et s.). L'exigence du consentement du cédé démontrerait ainsi qu'un nouveau contrat se forme entre le cédé et le cessionnaire (M. Billiau et Ch. Jamin, note préc.). Mais pour les auteurs favorables à la cession conventionnelle de contrat (Ph. Malaurie et L. Aynès, nos 779 et s.), le cédé ne peut être partie au contrat de cession quand bien même son consentement est dorénavant exigé par la Cour de cassation (v. L. Aynès, Cession de contrat : nouvelles précisions sur le rôle du cédé, D. 1998, Chron. p. 25). En consentant, le cédé se borne à rendre cessible la cession. L'expression de sa volonté doit alors s'analyser en une autorisation.

     Cette controverse ne fait que traduire deux conceptions opposées de la notion de contrat. Soit le contrat est envisagé comme un bien, une valeur patrimoniale qui, en soi, se détache de la personne même des contractants. Ces derniers, une fois qu'ils auraient consenti, se trouveraient dessaisi de l'objet de leur consentement. Soit l'on prend en compte l'importance prise par les cocontractants en tant qu'élément de la valeur du contrat et le contrat est alors perçu comme un instrument d'expression du lien social et non comme une chose cessible. Le consentement du cédé doit alors être perçu comme l'instrument de la création d'un nouveau contrat (Ch. Jamin et Billiau, Cession conventionnelle du contrat : la portée du consentement du cédé, D. 1998, Chron. p. 145).

     Mais, quoi qu'il en soit de ces controverses, la clause de compétence sera de toute façon toujours applicable dans les rapports entre le cédé et le cessionnaire. Soit il s'agit d'un nouveau contrat et dans ce cas son contenu est identique au contrat préexistant et ce y compris en ce qui concerne les stipulations accessoires, soit il s'agit de la continuation du même contrat avec une autre partie et dans ce cas, le cessionnaire qui succède au cédant est lié par toutes les clauses du contrat.

     [1885] La jurisprudence a admis l'extension de la force obligatoire de la clause compromissoire à l'égard des sociétés non-signataires impliquées dans le contrat signé par l'une des sociétés du groupes (cf. p. ex. CA Paris, 21 octobre 1983, Rev. arb. 1984, p. 98, note A. Chapelle ; 30 novembre 1988 et 14 février 1989, Rev. arb. 1989, p. 153, note P. Y. Tchanz. Sur l'ensemble de cette question, cf. not. I. Fadlallah, Clauses d'arbitrage et groupes de sociétés, Trav. comité fr. DIP 1984-1985, p. 105 ; A. Chapelle, L'arbitrage et les tiers. Le droit des personnes morales : rapport général, Rev. arb. 1988, p. 475 ; D. Cohen, thèse préc., nos 521 et s. et X.-Y. Li, La transmission et l'extension de la clause compromissoire dans l'arbitrage international, thèse Dijon, 1993, nos 348 et s.). De fait, si l'appartenance à un même groupe est une condition nécessaire, elle n'est pas en soit suffisante pour étendre la clause compromissoire à la société qui ne l'a pas conclue. En effet, si l'existence d'un groupe de sociétés “ atteste de l'unité d'intérêts, de la connaissance des divers documents contractuels, de l'indifférence des tiers à organisation interne ou de sa croyance légitime qu'il traite avec tout un groupe […], c'est surtout la participation des diverses sociétés à l'opération objet de la convention qui est déterminante ” (I. Fadlallah, op. cit., n° 32. Comp. X.-Y. Li, thèse préc., n° 441, qui “ relève l'existence d'une règle d'extension en matière de groupe de sociétés dont les éléments constitutifs sont les suivants : l'appartenance des sociétés non-signataires au même groupe que la société signataire, l'acceptation de la clause compromissoire par une ou plusieurs sociétés du groupe, la participation effective des sociétés non-signataires dans l'opération économique litigieuse, et enfin l'absence de volonté des parties d'exclure l'extension ”). Le fondement de l'extension de la clause compromissoire à un non-signataire demeure toujours l'intention des parties. Ainsi l'acceptation de la clause compromissoire par la société non-signataire ne se déduit pas seulement de son implication dans les relations contractuelles. Cette implication doit être prise en compte avec le fait que la société signataire et la société non-signataire appartienne au même groupe. C'est cette appartenance, ajoutée à l'implication dans le contrat, qui justifie l'extension de la clause compromissoire.

     L'on peut cependant se demander si la notion de groupe de sociétés n'est pas devenue inutile depuis que la Cour d'appel de Paris considère que “ la clause d'arbitrage insérée dans un contrat international a une validité et une efficacité propre qui commande d'en étendre les effets aux parties directement impliquée dans l'exécution du contrat, dès lors que leurs situations et leur activité faient présumer qu'elles avaient connaissance de l'existence et de la portée de cette clause, stipulée conformément aux usages du commerce international ” (CA Paris, 11 janvier 1990, Rev. arb. 1992, p. 95, note D. Cohen. Rapp. CA Paris, 7 décembre 1994, RTD com. 1995, p. 401, obs. J.-Cl. Dubarry et É. Loquin). Si la règle matérielle ainsi énoncée signifie que le non-signataire est lié par la clause d'arbitrage alors qu'il ne l'a pas voulu et ce parce que la clause a une validité et une efficacité propre, cette solution incarne la négation même de la dimension contractuelle de l'accord compromissoire. Mais s'il faut comprendre par là que le comportement du non-signataire qui manifeste sa volonté d'adhérer au contrat est lié à la clause de compétence qui s'y trouve insérée, la solution se justifie suffisamment par l'application des principes issus du droit des obligations sans qu'il soit besoin de recourir à une telle règle matérielle (comp. P. Mayer sous CA Paris, 28 novembre 1989, Rev. arb. 1990, p.675 Contra J.-P. Ancel, op. cit., spéc. p. 100). On se réjouira donc que cette règle matérielle n'ait pas reçu l'aval de la Cour de cassation qui préfère recourir aux mécanismes du droit des obligations relatifs à la transmission du contrat, et de la clause qui constitue son accessoire (cf. supra, n° 584, note n° 46).

     [1886] Cf. not. H. Gaudemet-Tallon, thèse préc., n° 420 et les réf. cit. et C. Coville, thèse préc., p. 162 et s.

     [1887] Cf. Cass com., 26 mai 1992, Rev. crit. DIP 1992, p. 703, note H. Gaudemet-Tallon ; Dr. marit. fr. 1993, p. 152, obs. P. Bonassies ; JCP E 1993, II, n° 396, note J. Vallansan et M. Tilche, A. Chao et P. Berthod, Contrat de transport, adhésion du destinataire ? Bull. transp. 1992, n° 2484, p. 471 ; 29 novembre 1994 (2 arrêts), Dr. marit. fr. 1995, p. 197, obs. P. Bonassies et p. 218, obs. Y. Tassel ; 16 janvier 1996, Dr. marit. fr. 1996, p. 393, obs. P. Bonassies, Procédures 1996, Comm. n° 88, obs. H. Croze (cassation de CA Aix-en-Provence, 28 octobre 1993, Dr. marit. fr. 1994, p. 764 et E. du Pontavice, Sur la clause attributive de juridiction d'un connaissement venu de Chine, Dr. marit. fr. 1994, p. 739) ; 27 mai 1997, Dr. marit. fr. 1997, p. 723, obs. P. Y. Nicolas ; 25 novembre 1997, Rev. crit. DIP 1998, p. 98, rapp. J.- P. Rémery ; 8 décembre 1998 (1er espèce), Rev. crit. DIP 1999, p. 536, note É. Pataut.

     [1888] Cf. Cass com., 26 mai 1992, préc. et 18 octobre 1994, Dr. marit. fr. 1995, p. 280 ; JCP 1995, I, n° 3854, n° 1, obs. G. Viney. Adde Y. Tassel, L'autonomie de la clause de juridiction, Dr. marit. fr. 1995, p. 259.

     [1889] Cf. not. Ph. Delebecque, Le destinataire de marchandises, tiers ou partie au contrat de transport ?, D. aff. 1995, p. 189 et J.- P. Tosi, L'adhésion du destinataire au contrat de transport, in Mélanges Christian Mouly, t. 2, Litec, 1998, p. 175.

     [1890] Cass. com., 1er février 1955, JCP 1955, II, n° 8772, note J. Hémart.

     [1891] Cf. not. G. Ripert, Traité de droit maritime, t. 2, 4e éd., Rousseau, 1952, nos 1583 et s. et R. Rodière et E. du Pontavice, Droit maritime, 12e éd., Dalloz, 1997 n° 359.

     [1892] Cass. com., 28 février 1984, Bull. civ. IV, n° 81. Adde Cass. com., 8 avril 1976, Bull. civ. IV, n° 110.

     [1893] Cf. Ph. Delebecque, Amélioration des conditions d'exercice de la profession de transporteur, D. aff. 1998, p.870.

     [1894] A. Viallard, Droit maritime, coll. Droit fondamental, P.U.F., 1997, n° 436.

     [1895] Ibid.

     [1896] D. R. Martin, La stipulation de contrat pour autrui, D. 1994, Chron. p. 145.

     [1897] J.- P. Tosi, article préc., spéc. p. 189.

     [1898] Ibid. Rapp. M. Rémond-Gouilloud, Le contrat de transport, Coll. connaissance du droit, Dalloz, 1993, spéc. p. 34 et 35, qui considère que le destinataire ratifie une promesse de porte-fort que l'expéditeur a conclu avec le transporteur. Mais comme l'a indiqué M. Tosi  (article préc., p. 188, note n° 57), cela n'explique pas que le destinataire profite du contrat. En effet, le promettant ne s'engage qu'à obtenir du tiers qu'il exécute l'obligation résultant du contrat dans lequel il n'est pas partie, soit en l'occurrence à promettre que le destinataire prendra livraison de la marchandise et qu'il réglera le prix du transport.

     [1899] J. Vallansan, note préc.

     [1900] Cf. not. E. du Pontavice, article préc., spéc. p 749 ; M. Rémond-Gouilloud, Des clauses de connaissement maritimes attribuant compétence à une juridiction étrangère : essai de démystification, préc., spéc. p. 348 ; de Richemond et  Boquin, Vers la fin des clauses attributives de compétence, Dr. marit. fr. 1995, p. 654 ; P. Bonassies, note sous Cass. com., 29 novembre 1994 (2 arrêts), préc.

     [1901] Rapp. É. Pataut, note préc., spéc. p. 545.

     [1902] V. toutefois Cass. com., 15 octobre 1996, Dr. marit. fr. 1997, p. 705, obs. P. Y. Nicolas, mais qui, tout en jugeant que “ la détermination du connaissement à l'égard du destinataire est faite selon le droit applicable au contrat de transport ”, n'en continue pas moins d'exiger l'acceptation du destinataire.

     [1903] Cass. com., 10 janvier et 4 avril 1995, Rev. crit. DIP 1995, p. 610, note H. Gaudemet-Tallon ; JDI 1996, p. 141, obs. A. Huet.

     [1904] CJCE, 27 octobre 1998, Dr. marit. fr. 1999, p. 9, concl. G. Cosmas et note Ph. Delebecque.

     [1905] Cf. B. Teyssié, Les groupes de contrats, Bibl. dr. priv., t. 139, préf. J.- M. Mousseron, L.G.D.J., 1975 ; J. Neret, Le sous-contrat, Bibl. dr. priv., t. 163, préf. P. Catala, L.G.D.J., 1979 ; M. Bacache-Gibeili, La relativité des conventions et les groupes de contrats, Bibl. dr. priv., t. 268, préf. Y. Lequette, L.G.D.J., 1996 et F. Leborgne, thèse préc. et G. Viney, L'action en responsabilité entre participant à une chaîne de contrats, in Mélanges dédiés à Dominique Holleaux, Litec, 1990, p. 399.

     [1906] B. Teyssié, thèse préc., n° 15.

     [1907] Cass. 1re civ., 9 octobre 1979, Bull. civ. I, n° 241 ; RTD civ. 1980, p. 354, obs. G. Durry.

     [1908] Cass. 1re civ., 29 mai 1984, D. 1985, p. 213, note A. Bénabent ; JCP 1985, II, n° 20387, note Ph. Malinvaud ; RTD civ. 1985, p. 588, obs. J. Huet.

     [1909] Cass. 3e civ., 19 juin 1984, D. 1985, p. 213, note A. Bénabent ; JCP 1985, II, n° 20387, note Ph. Malinvaud ; RTD civ. 1985, p. 588, obs. J. Huet.

     [1910] Cass. ass. plén., 7 février 1986, D. 1986, p. 293, note A. Bénabent ; JCP 1986, II, n° 20616, note Ph. Malinvaud ; Gaz. Pal. 1986, 2, p. 543, note J.- M. Berly ; RTD civ. 1986, p. 364, obs. J. Huet et p. 685, obs. Ph. Rémy.

     [1911] Cass. 1re civ., 8 mars 1988, JCP 1988, II, n° 21070, note P. Jourdain ; RTD civ. 1988, p. 551, obs. Ph.  Rémy ; ibid., p. 741, obs. J. Mestre et p. 760, obs. P. Jourdain. Rendu à propos de la sous-traitance auprès d'un laboratoire d'un agrandissement photo.

     [1912] Cass. 1re civ., 21 juin 1988, D. 1989, p. 5, note Ch. Larroumet ; JCP 1988, II, n° 21125, note P. Jourdain ; JCP E 1988, II, n° 15294, note Ph. Delebecque ; RTD civ. 1988, p. 760, obs. P. Jourdain. Rendu dans une affaire où un avion avait été endommagé au cours d'une manœuvre à la suite de la rupture de la barre de repoussage du tracteur qui le repoussait. Cette affaire mettait en cause le contrat d'assistance passé entre un aéroport et une compagnie aérienne et les contrats de fourniture de matériel conclus entre l'aéroport et les vendeurs de matériel ainsi qu'entre le vendeur et le fabricant.

     À cette occasion, la première Chambre civile a dégagé le principe de la double limite encadrant cette action directe contractuelle : alors, d'une part, que le demandeur à l'action ne peut rien demander de plus au débiteur extrême qu'il n'aurait pu exiger de son débiteur immédiat, le demandeur à l'action ne peut, d'autre part, exiger du débiteur extrême plus que son débiteur immédiat aurait pu demander s'il avait engagé l'action.

     [1913] Cass. ass. plén., 12 juillet 1991, D. 1991, juris. p. 549, note J. Ghestin et Somm. p. 321, n° 11, obs. J.-L. Aubert ; D. 1992, Somm. p. 119, n° 19, obs. A. Bénabent ; JCP 1992, II, n° 21743, note G. Viney. Adde Ch. Larroumet, L’effet relatif des contrats et la négation de l’existence d’une action en responsabilité nécessairement contractuelle dans les ensembles contractuels, JCP 1991, I, n° 3591 ; Ch. Jamin, Une restauration de l’effet relatif du contrat (à propos de l’arrêt de l’Assemblée plénière du 12 juillet 1991, Besse), D. 1991, Chron. p. 257 ; J.-P. Karila, L’action directe du maître de l’ouvrage à l’encontre du sous-traitant est nécessairement délictuelle, Gaz. Pal. 1992, Doct. p. 18 ; P. Jourdain, La nature de la responsabilité civile dans les chaînes de contrats après l’arrêt de l’Assemblée plénière du 12 juillet 1991, D. 1992, Chron. p. 149.

     [1914] Cf. p. ex. Cass. 1re civ., 23 juin 1993, Contrats, conc. cons. 1993, n° 190, obs. L. Leveneur

     [1915] Cf. p. ex. Cass. 3e civ., 26 mai 1992, Gaz. Pal. 1992, 2, p. 427, note D. Mazeaud ; JCP 1992, I, n° 3625, obs. G. Viney.

     [1916] M. Bacache-Gibeili, thèse préc., n° 10.

     [1917] B. Starck, H. Roland et L. Boyer, n° 2109.

     [1918] Cass. 1re civ., 30 octobre 1991, Contrats, conc. cons. 1992, n° 25, obs. L. Leveneur ; JCP 1992, I, n° 3570, obs. Ch. Jamin. Adde CA Paris, 20 juin 1967, D. 1968, Somm. p. 60. En ce sens égal. B. Teyssié, thèse préc., n° 507.

     [1919] Cass. 3e civ., 26 mai 1992, préc. et Cass. 1re civ., 7 juin 1995, Contrats, conc., cons. 1995, n° 159, obs. L. Leveneur ; D. 1996, p. 395, note D. Mazeaud.

     [1920] Cf. M. Bacache-Gibeili, thèse préc., n° 331 ; J. Ghestin, Ch. Jamin et M. Billiau, n° 831 ; F. Leclerc, Les chaînes de contrats en droit international privé, JDI 1995, p. 267, spéc. nos 32 et s.

     [1921] Cf. G. Viney, article préc., spéc. p. 420 et D. Mazeaud, compte rendu de la thèse de M. Barache in RTD civ. 1992, spéc. p. 987 et note préc.

     [1922] Cf. supra, n° 350.

     [1923] J. Ghestin, Ch. Jamin et M. Billiau, n° 831.

     [1924] Cass. 1re civ., 6 novembre 1990, Bull. civ. I, n° 230. Adde Ph. Delebecque, La transmission de la clause compromissoire, Rev. arb. 1991, p. 19, J.- P. Ancel, article préc., spéc. p.101 et D. Cohen, Arbitrage et groupes de contrats, Rev. arb. 1998, p. 471.

     [1925] Droit civil, Les obligations, n° 1247, cité par D. Mazeaud, note préc.

     [1926] Cf. supra, n° 588.

     [1927] D. Mazeaud, note préc., spéc. p. 397.

     [1928] CJCE, 12 juin 1992, JCP 1992, II, n° 21927, note Ch. Larroumet ; JCP E 1992, II, n° 363, note P. Jourdain ; JCP 1993, I, n° 3664, obs. G. Viney ; Rev. crit. DIP 1992, p. 726, note H. Gaudemet-Tallon ; JDI 1993, p. 469, obs. J. M. Bischoff ; RTD eur. 1992, p. 709, note P. de Vareilles-Sommières ; RTD civ. 1993, p. 131, obs. P. Jourdain ; D. 1993, Somm.  p. 214, obs. J. Kullmann.

     [1929] Cf. L. Leveneur, Ombres et lumières sur les actions directes dans les chaînes de contrats, Contrats, conc., cons., 1993, n° 5, p. 1.

     [1930] P. de Vareilles-Sommières note préc., spéc. p. 720.

     [1931] Ibid.

     [1932] Cass. com., 18 octobre 1994, JDI 1995, p. 143, obs. A. Huet ; Rev. crit. DIP 1995, p. 719, note A. Sinay-Cytermann.

     [1933] F. Leclerc, article préc., n° 34.

     [1934] A. Huet, obs. préc., spéc. p. 146, qui estime néanmoins “ qu'il aurait été opportun que la Chambre commerciale interrogeât la Cour de Justice sur le point de savoir si elle entendait maintenir ou abandonner la solution "Tilly Russ" ”.

     [1935] Cf. H. Muir Watt, note sous Cass. 1re civ., 15 janvier 1991, Rev. crit. DIP 1993, p. 46, spéc. p. 52 et F. Leborgne, thèse préc, n° 458 et 459 qui nuance son propos en considérant que “ le réalisme perçoit mal comment, sans texte, la jurisprudence pourrait adopter une telle solution. C'est la raison pour laquelle, en l'état du droit positif, il paraît raisonnable de s'en tenir à la loi du second contrat ” (ibid., n° 459).

     [1936] F. Leclerc, article préc., n° 56.

     [1937] Ibid., n° 61.

     [1938] V. Heuzé, La loi applicable aux actions directes dans les groupes de contrats : l'exemple de la sous-traitance internationale, Rev. crit. DIP 1996, p. 243 et L. C. Henry, note sous Cass. 1re civ., 10 octobre 1995, JCP 1996, II, n° 22742, spéc. n° 15.

     [1939] Cass. 1re civ., 18 décembre 1990, JCP 1992, II, n° 21824, note D. Ammar et 10 octobre 1995, JCP 1996, II, n° 22742, note L. C. Henry ; D. 1996, Somm. p. 171, obs. B. Audit ; Rev. crit. DIP 1996, p. 332, note V. Heuzé.

     [1940] V. Heuzé, article préc., spéc. n° 26.

     [1941] F. Leclerc, article préc., n° 60, qui parvient à ce résultat en procédant à un renvoi de qualification à la différence de M. Heuzé qui se fonde sur l'exclusion du renvoi en matière contractuelle.

     [1942] Cass. 1re civ., 5 janvier 1999, D. 1999, p. 383, note Cl. Witz ; RTD civ. 1999, p. 503, obs. J. Raynard ; Rev. crit. DIP 1999, p. 519, note V. Heuzé. V. déjà Cl. Witz, L'adaptation du droit français interne aux règles de la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises, in Mélanges Christian Mouty, t. 2, Litec, 1998,  p. 205, spéc. p. 211 et s.

     [1943] Cf. Cl. Witz, note préc., spéc. p.284.

     [1944] Note sous CA Paris, 19 janvier et 9 mai 1974, Rev. crit. DIP 1975, p. 96, spéc. p.109.

     [1945] J. Flour et J.- L. Aubert, n° 469 qui, à juste titre, remarquent que “ la théorie des groupes de contrats, dans le domaine où elle est envisagée ici, règle une confrontation de contrats en affirmant la primauté de l'un et sa force obligatoire subséquente sur les autres. Elle opère de ce fait une rupture de l'égalité contractuelle ” (ibid., note n° 4, souligné par les auteurs).

     [1946] Il serait néanmoins possible, dans cette perspective, que la clause d'élection de for puisse lier le sous-acquéreur s'il y a personnellement consenti, ce qui, par exemple, pourra être le cas si une telle clause figure dans le contrat qu'il a passé avec son propre cocontractant et qu'elle indique qu'elle s'applique en cas d'action engagée contre le fabricant. Ainsi que MM. Flour et Aubert ont pu l'énoncer, “ si deux contractants souhaitent l'efficacité absolue de telle ou telle stipulation […] il leur suffit d'en convenir formellement et de s'imposer, contractuellement, de la répercuter — par réitération – dans tous les contrats qu'ils seront amenés à conclure ” (op. cit., n° 489).

 

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     Les numéros entre parenthèses renvoient aux notes en bas de page sous le numéro du paragraphe cité