INTRODUCTION

 

 

 

En 1906, Alain s'appliquait à définir la "démocratie pure", dans laquelle, conformément à l'étymologie ([1]), il voyait le "gouvernement du peuple par lui-même" : "un peuple instruit, qui délibère et discute ; un peuple éclairé par des spécialistes, éclairé par ses représentants, mais non pas gouverné par eux ; non, gouverné par lui-même : tel est l'idéal" ([2]). Le philosophe adoptait ainsi la conception libérale de la démocratie, issue des Lumières et héritée de la Grèce antique. Dans cette approche, les organes de l'Etat ne sont que les mandataires du peuple ; ils ne tirent pas leur pouvoir d'un droit propre, contrairement à l'Ancien régime, durant lequel l'autorité du Roi était fondée sur Dieu ([3]), mais de la volonté du peuple.

 

Le fondement de ce système politique réside donc dans la participation du peuple souverain aux affaires de la cité, par le choix de représentants. Est octroyé à chacun ([4]un droit de vote qui lui permettra de peser sur le destin collectif, en élisant ses gouvernants. La reconnaissance de l'individu comme fondement de la représentation et le triomphe de l'élection comme consentement à l'autorité de l'Etat font ainsi du vote l'acte majeur de la condition de citoyen. Celui-ci permet ainsi au gouverné de participer à la formation du bien commun. Dès lors, il se présente comme le moyen par lequel l'individu va participer à la formation de la volonté générale, expression de la Raison, libérée des dogmes et des croyances ([5]).

 

La Constitution du 4 octobre 1958, dans son article 3, affirme ce caractère universel du suffrage. Autrement dit, chaque citoyen français, et, à l'occasion des scrutins locaux, chaque ressortissant de l'Union européenne ([6]), est titulaire du droit de vote. Cette règle ne souffre d'aucune exception. Les textes internationaux posent le même principe. Ainsi, par exemple, selon l'article 21 de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948, "la volonté du peuple est le fondement de l'autorité des pouvoirs publics ; cette volonté doit s'exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté du vote".

 

Ainsi reconnu, le droit de participer aux élections revêt une double fonction. Il permet de recenser les opinions individuelles au sein du corps social et de former la décision collective qui portera une majorité politique au pouvoir ([7]). Autrement dit, le vote est à la fois l'expression d'un avis sur une question ou un projet de société et le consentement donné à la décision qui en résulte ([8]).

 

Fondement de la démocratie, le vote connaît cependant une crise profonde. A l'occasion de chaque scrutin, local ou national, les analystes constatent une érosion de la participation des électeurs ([9]). Cette désaffection pour le droit de vote n'est que la manifestation d'un malaise du système politique représentatif, en liaison avec le phénomène de mondialisation ([10]).

 

Néanmoins, en dépit de ces vicissitudes, le droit de suffrage demeure la forme la plus aboutie de la participation du citoyen aux affaires de la cité. Dans ces conditions, on comprend que les groupements de droit privé se soient largement inspirés de l'organisation politique et en aient fait le moyen privilégié d'expression de leurs membres ([11]).

 

Ainsi, la loi du 10 juillet 1965, régissant la copropriété des immeubles bâtis, a, dans son article 22, reconnu à chaque copropriétaire le droit de vote dans les assemblées générales, seules habilitées à prendre les décisions du syndicat ([12]). Cette prérogative est si essentielle qu'aucun copropriétaire ne peut en être privé, même s'il est intéressé à la délibération. Toute assemblée à laquelle un de ses membres n'aurait pas été convoqué encourt l'annulation, même si l'absence du votant n'a eu aucune incidence sur le résultat du scrutin ([13]).

 

De même, dans les associations, chaque sociétaire dispose du droit de vote, même s'il peut en être privé pour des raisons disciplinaires ou tenant au non-respect de son obligation de verser une cotisation ([14]). Il n'est pas jusqu'au droit de la famille ([15]) ou au droit du travail ([16]) qui ne connaissent pas le principe de l'attribution du droit de vote à tout membre du groupement. Autrement dit, l'octroi d'un droit de suffrage est consubstantiel à toute organisation collective, personnifiée ou non.

 

Cependant, c'est en droit des sociétés que l'étude du droit de vote présente le plus grand intérêt. En effet, le droit de suffrage reconnu à chaque associé permet de distinguer la société d'un autre contrat ([17]) et fait toute son originalité. Le droit de vote n'a d'ailleurs jamais cessé de nourrir la réflexion, notamment dans la société anonyme ([18]).

Néanmoins, une théorie générale du vote de l'associé n'a jamais, à notre connaissance, été entreprise. Certes, la loi du 24 juillet 1966 a pris la société anonyme comme modèle ([19]), ce qui peut expliquer l'omniprésence doctrinale du vote de l'actionnaire. Néanmoins, en pratique, il ne s'agit pas des groupements les plus nombreux. Il a nous donc paru intéressant de nous pencher sur les autres formes sociales reconnues par la loi ([20]). Nous aborderons donc principalement les sociétés envisagées par le code de commerce, c'est à dire la société anonyme, la SARL ou encore la société par actions simplifiée… ainsi que la société civile. Ce faisant, nous le verrons, les règles régissant le droit de suffrage ne se distinguent pas fondamentalement de celles applicables aux sociétés anonymes.

 

La matière s'est en outre profondément renouvelée ces dernières années, sous l'effet de deux phénomènes, en apparence contradictoires.

 

En premier lieu, la pratique des affaires a été le théâtre d'un important mouvement de contractualisation ([21]), tant par la voie statutaire que extra-statutaire ([22]). Face au caractère sclérosant de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, unanimement dénoncé ([23]), les associés ont tenté d'assouplir le fonctionnement de leur groupement, en utilisant les techniques contractuelles, pour l'adapter à leurs besoins spécifiques. Le droit des sociétés se gauchit ainsi, du fait de sa confrontation avec les principes généraux du contrat. Mais, ces accords n'étant pas conclus ex nihilo, intéressant au premier chef la personne morale, ils ne sauraient être entièrement régis par le droit des obligations, et demeurent donc pour une large part soumis aux règles impératives du droit des sociétés. Autrement dit, droit des sociétés et droit des contrats s'enrichissent l'un l'autre de cette multiplication des accords entre associés ([24]). La loi du 3 janvier 1994, instituant la société par actions simplifiée, aménagée par celle du 12 juillet 1999, s'inscrit incontestablement dans cette tendance ([25]). Dans ces conditions, la doctrine a milité en faveur d'une admission de principe des conventions relatives au droit de vote, et la jurisprudence a paru lui emboîter le pas ([26]).

 

En second lieu, en liaison avec la mondialisation des marchés financiers, et la mondialisation voire l'américanisation du droit qui en résulte ([27]), les auteurs ont réfléchi sur l’opportunité de transposer en droit français les principes de la corporate governance anglo-saxonne ([28]). Ceux-ci sont inspirés par le souci de moraliser dans les sociétés faisant appel public à l’épargne les relations entre les dirigeants et les actionnaires, notamment les investisseurs institutionnels. Ils trouvent leur source majeure dans les théories micro-économiques modernes, d'obédience libérale, de l’agence et des droits de propriété, envisageant la société comme un nœud de contrats ([29]). Cette philosophie de primauté de l'actionnaire a été à l'origine de nombreux rapports. Ainsi, par exemple, un groupe de travail, présidé par Marc Viénot, a rendu un rapport, dit rapport Viénot, relatif au "conseil d'administration des sociétés cotées", qui émet un certain nombre de propositions destinées à favoriser le contrôle sur l'action des dirigeants sociaux et qui contient une définition de l'intérêt social, au cœur du projet sociétaire ([30]). Surtout, le rapport Pébereau sur "le capitalisme au XXI° siècle" étudie les moyens destinés à restaurer la toute-puissance de l'actionnaire et l'efficience de son droit de vote ([31]).

La loi du 15 mai 2001 sur les nouvelles régulations économiques s'inscrit également dans cette perspective ([32]). Ainsi envisagé, le droit de vote demeure la prérogative la plus essentielle de l'associé, celle qui lui permet de la manière la plus efficiente de participer aux affaires sociales. Il convient donc de le protéger contre toutes les atteintes qu'il pourrait subir.

 

De prime abord, ces deux orientations majeures du droit des sociétés contemporain s'opposent largement. La finalité de la règle de droit, dans un domaine abandonné à la liberté contractuelle, est moins de protéger l'associé, que de garantir la bonne formation des contrats et leur exécution loyale ([33]). Dès lors, la libre conclusion de conventions sur le droit de vote pourrait porter atteinte au règles de la corporate governance, celles-ci postulant un suffrage libéré de toute entrave, intellectuelle ou juridique. En réalité, les deux aspirations du droit des sociétés sont parfaitement conciliables et complémentaires, comme en témoigne l'admission par le rapport Marini ([34]) des accords de vote et la restauration de la primauté de l'associé par cette même étude. Les conventions sur le droit de vote peuvent en outre permettre une meilleure concertation de l’actionnariat ([35]). De surcroît, nous le verrons, les règles du droit des contrats sont suffisantes à assurer la protection du droit de vote de l'associé qui s'engage dans des liens contractuels.

 

Cela étant, pour beaucoup ([36]), la conception du droit de vote, "droit à la nature complexe qui ne peut être saisi dans une formule unique" ([37]), serait largement fonction de la conception théorique de la société. Si l'on envisage celle-ci comme un contrat, le droit de suffrage présentera les caractères d'un droit subjectif, destiné à défendre les intérêts propres de son titulaire ([38]). Si l'on fait prévaloir l'une ou l'autre des théories institutionnelles, alors le droit de vote sera essentiellement perçu comme une fonction, visant à satisfaire l'intérêt du groupement. C'est la raison pour laquelle il convient de s'attarder sur la controverse séculaire relative à la nature juridique de celui-ci.

 

La doctrine classique, imprégnée de la philosophie libérale issue de la Révolution, analysait la société comme un contrat. Ce courant appliquait la doctrine de Rousseau, émise dans "Du contrat social", au sujet de l’Etat ([39]). Ces auteurs invoquaient à l’appui de leur position l’article 1832 du Code civil qui définissait la société comme "un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre quelque chose en commun dans la vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter". Pour eux ([40]), la société est une manifestation de volonté. Chaque contractant dispose d’un droit de vote. En conséquence, l’assemblée générale de la société, qui réunit tous les associés, est souveraine. Néanmoins, pour des raisons pratiques, les décisions sont prises à la majorité, les associés minoritaires étant présumés y avoir consenti à l’avance, lors de la formation du contrat. En outre, l’assemblée donne mandat à un ou plusieurs associés d’administrer la société. L’analyse contractuelle classique était donc liée au dogme de l’autonomie de la volonté, qui perdura tout au long du XIXe siècle.

 

Néanmoins, étant en étroite liaison avec la philosophie individualiste du Code civil, elle ne pouvait pas échapper à la crise du libéralisme. La doctrine privatiste continua cependant d’analyser la société comme un contrat. La remise en question de la thèse traditionnelle fut donc l’œuvre de deux maîtres du Droit public, Maurice Hauriou ([41]) et Léon Duguit ([42]).

Selon eux, la société ne repose pas sur un contrat mais sur un acte collectif. En effet, un contrat se caractérise par son caractère instantané alors que la société a vocation à s’inscrire dans la durée. De plus, les associés poursuivent un même intérêt alors que le propre du contrat est de faire naître deux situations opposées.

Une fois créée, la société n’est même plus un acte juridique mais une institution définie comme « une réalité que constitue soit un organisme existant lorsque s’y dégage la conscience d’une mission et la volonté de la remplir en agissant comme une personne morale soit une création lorsque le fondateur, découvrant l’idée d’une œuvre à réaliser, entreprend cette réalisation en suscitant une communauté d’adhérents ou encore une organisation sociale établie en relation avec l’ordre général des choses dont la permanence est assurée par un équilibre de forces ou par une séparation des pouvoirs et qui constitue par elle-même un état de droit » ([43]). Elle est toute entière tournée vers la réalisation de l’Idée qui a présidé à sa naissance ([44]). En d’autres termes, le fonctionnement de la société est calqué sur celui des personnes publiques et par conséquent régi par un principe de séparation des pouvoirs. Chacun des membres de l’institution est soumis à un principe supérieur d’autorité, qui justifie l’existence de la loi de la majorité. Selon cette analyse, les dirigeants ne sont pas les mandataires des associés mais les organes de l’institution, dont ils sont l'incarnation.

 

Cette doctrine rencontra un vif succès auprès de la doctrine ([45]). En effet, depuis la loi du 22 novembre 1913, l’assemblée générale extraordinaire pouvait modifier les statuts à la majorité des deux tiers, sous réserve de ne pas augmenter les engagements des actionnaires. En d’autres termes, les majoritaires pouvaient imposer une décision à leurs co-associés, au mépris des principes du droit des contrats. Les auteurs favorables à l’analyse contractuelle étaient dès lors embarrassés pour justifier ce pouvoir exorbitant du droit commun. Certains invoquaient un consentement anticipé des minoritaires lors de la constitution de la société ([46]), d’autres un mandat tacite qu’ils donneraient aux majoritaires. Aucun de ces arguments n’était convaincant car ils reposaient tous sur une fiction.

 

La théorie de l’institution fut renouvelée par deux courants.

Le premier fut la théorie de l’acte juridique collectif ([47]). Selon cette école, puisque la société ne fait pas naître deux situations antagonistes, celle de débiteur et celle de créancier, elle ne peut reposer sur un contrat mais sur un acte collectif. Celui-ci se caractérise par l’émission d’un faisceau de volontés concordantes ([48]) et a pour effet de donner naissance à une institution. Par ailleurs, cette catégorie particulière d’actes juridiques, définie comme un « accord de volontés semblables ayant toutes le même contenu et orientées vers la réalisation d’un but commun » explique la communion des membres de l’institution autour de l’Idée. ([49]). En cela, elle se situe dans le prolongement de la doctrine publiciste de Hauriou et de Duguit.

 

Le second courant doctrinal prolongeant l’analyse institutionnelle est celui de la théorie fonctionnelle de la société. Il a rencontré une audience considérable.

A la suite de Ripert, qui voyait dans la société anonyme « un merveilleux instrument créé par le capitalisme moderne pour collecter l’épargne en vue de la fondation et de l’exploitation des entreprises » ([50]), plusieurs auteurs ont axé leurs recherches sur l’entreprise ([51]). Pour eux, la société n’est qu’une technique au service d’une finalité, l’entreprise. Celle-ci étant dépourvue d’existence juridique, la technique sociétaire permet de la lui conférer. Selon M. le Professeur Jean Paillusseau, véritable initiateur de la doctrine, les conceptions institutionnelle et surtout contractuelle souffrent d’une lacune essentielle. Elles font en effet de la société un groupement de personnes et négligent sa dimension économique et sociale.

Cette nouvelle analyse marque selon ses partisans une véritable rupture avec les thèses antérieures ([52]) puisqu’elle introduit dans la relation sociétaire des intérêts étrangers à ceux des apporteurs de capitaux. En réalité, cette doctrine entrepreneuriale de la société se situe dans le prolongement de la thèse institutionnelle, l’Idée constitutive de l’institution pouvant s’assimiler à l’entreprise ([53]).

Cette doctrine a d’ailleurs été ultérieurement étendue à l’ensemble des personnes morales ([54]).

 

Certaines décisions rendues par les juridictions du fond ont expressément qualifié la société d’institution ([55]) mais elles sont demeurées marginales. La théorie de l’entreprise n’a jamais été consacrée par la jurisprudence, à l’exception de l’affaire Fruehauf ([56]), dont la solution s’expliquait bien plus par le contexte géopolitique.

A l’inverse, la doctrine contractualiste peut s’autoriser d’un arrêt rendu par la Cour de Justice des Communautés Européennes ([57]), aux termes duquel « les liens existant entre les actionnaires d’une société sont comparables  à ceux qui existent entre les parties à un contrat. La constitution d’une société traduit en effet l’existence d’une communauté d’intérêts entre les actionnaires dans la poursuite d’un objectif commun. Afin de réaliser cet objectif, chaque actionnaire est investi vis à vis des autres actionnaires et des organes de la société, de droits et d’obligations qui trouvent leur expression dans les statuts de la société. Il s’ensuit que pour l’application de la Convention de Bruxelles, les statuts de la société doivent être considérés comme un contrat, régissant à la fois les rapports entre les actionnaires et les rapports entre ceux-ci et la société qu’ils créent ».

Les tenants de l’analyse entrepreneuriale de la société ont cru voir dans la nouvelle rédaction de l’article 1832 du Code civil, issue de la loi n° 85-697 du 11 juillet 1985, consécration de leur thèse ([58]). Ce texte dispose désormais que « la société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager les bénéfices ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter. Elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l’acte de volonté d’une seule personne ». Pour ces auteurs, qui s’appuient sur les travaux préparatoires, le législateur a non seulement voulu affirmer le caractère institutionnel de la société pluripersonnelle mais encore consacrer la doctrine de l’entreprise par la création de l’EURL. En effet, du fait de cette innovation, la pluralité d’associés ne serait plus de l’essence de la société. Par conséquent, celle-ci ne pourrait plus être analysée comme un groupement de personnes ([59]).

En réalité, il ne faut pas accorder à la terminologie légale plus d’importance qu’elle n’en a ([60]). Certes, la notion de contrat est complètement inadaptée pour expliquer la création et le fonctionnement de l’EURL. Néanmoins, la nouvelle définition de la société s’explique bien plus par la contradiction entre l’appellation « société », donnée à l’EURL, et la nature véritable de celle-ci, une entreprise individuelle.

 

Est-ce à dire que la société n'est qu'un contrat ? Nous ne le pensons pas et avec la doctrine moderne, nous penchons en faveur d'une analyse mixte de la société ([61]). Il semble en effet que cette conception médiane soit la plus conforme à la réalité, en ce qu’elle rend compte de certains aspects du groupement, tantôt irréductibles au schéma contractuel, tantôt inexplicables par les thèses institutionnelles.

Les auteurs synthétisent cette approche protéiforme de la manière suivante. La constitution de la société présenterait une nature irrémédiablement contractuelle alors que son fonctionnement s'inscrirait dans un cadre institutionnel ([62]).

Cependant, cette présentation ne convainc pas, du fait de son caractère par trop systématique ([63]). Certains aspects de la vie sociale peuvent traduire une emprise réelle du droit des contrats, alors que d'autres sont révélateurs de la prééminence de l'institution. Ainsi, par exemple, les relations des dirigeants sociaux avec les associés, au cœur du fonctionnement sociétaire, peuvent s'expliquer par les règles gouvernant le droit du mandat ([64]). En revanche, les structures du groupement sont régies par un principe de séparation des pouvoirs ([65]), d'ordre public ([66]), que le droit des contrats demeure impuissant à expliquer.

 

En cela, le débat sur la nature juridique de la société présente peu d'intérêt. Comme l'a montré M. le Professeur Dominique Schmidt, la société se présente comme une structure juridique, le plus souvent personnalisée, destinée à enrichir ses membres, tout en limitant leurs risques financiers ([67]).

Ainsi envisagée, la société est donc un contrat dont la particularité est de donner naissance à une personne morale, qui a vocation à l'inscrire dans la durée.

 

Cette nouvelle approche a irrémédiablement des incidences importantes sur le statut de l'associé. Bien que présentant un intérêt théorique et pratique majeur, le concept n'est pas défini par la loi et n'est que peu envisagé en tant que tel par la doctrine ([68]). Il nous semble cependant que la notion puisse être envisagée sous un double angle.

 

Parce que la société est avant tout un contrat, l'associé est celui qui apporte un bien, a vocation aux bénéfices et aux pertes et est animé de l'affectio societatis, comme le commande l'article 1832 du Code civil. L'associé se présente donc avant tout comme un contractant ([69]).

 

Mais, la société donne aussi naissance à un groupement. Celui-ci peut être ou non doté de la personnalité morale. Cependant, envisagé sous l'angle des droits de l'associé, cet aspect ne présente un intérêt que si la société jouit de la personnalité juridique. Dans le cas contraire, la société est dite créée de fait ou en participation. Elle est régie, ainsi que l'affirme l'article 1842 du Code civil, par les principes du droit des obligations. En d'autres termes, l'associé ne sera qu'un contractant et le vote perdra sa raison d'être, faute de structures juridiques dotées d'une certaine permanence. A l'inverse, lorsque la société donne naissance à une personne morale, l'associé se présente également comme le membre d'un groupement.

 

Cette dualité se retrouve lorsqu'il s'agit d'étudier le droit de vote. Celui-ci est octroyé à l'associé du seul fait de sa participation au contrat, comme la contrepartie de son entrée en société. Une question a d'ailleurs donné naissance à une controverse. Le droit de suffrage est-il est attaché au titre ou à la personne de l'apporteur ? Autrement dit, est-il attribué propter rem ou propter personam ? La question ne se pose dans toute son ampleur que dans les société au sein desquelles l'intuitus pecuniae joue un rôle prépondérant. Pour les sociétés dominées par l'intuitus personae, le droit de vote est nécessairement lié à la personne Les arrêts sont pour le moins ambigus qui font tantôt du droit de vote un "attribut essentiel de l'action" ([70]) tantôt une "attribut essentiel de [l'associé]" ([71]). Ce débat ne paraît toutefois présenter qu'un intérêt purement académique. Comme nous le verrons, du moment qu'il effectue un apport, l'associé se voit attribuer un titre, dont l'accessoire est le droit de vote. Cette règle ne souffre point d'exception ([72]). Autrement dit, dans tous les cas, l'attribution du droit de suffrage est la conséquence de l'entrée en société, que la société soit ou non la terre d'élection de l'intuitus personae.

 

Puisque la société est un contrat, l'associé, avant d'être le membre d'un groupement, est d'abord un contractant, protégé en tant que tel par les règles du droit des contrats. Celles-ci sont issues du droit commun des obligations et du droit commun des sociétés, défini aux articles 1832 et suivants du Code civil. Par conséquent, l'article 1844 qui attribue le droit de vote à chaque associé, est une trace de la nature contractuelle de la société. En cela, le droit de suffrage subit l'emprise du droit des contrats et peut être envisagé comme une prérogative de l'associé, pris en sa qualité de contractant.

 

Cependant, la société n'est pas seulement une accord de volontés. C'est également un groupement doté d'une existence propre et dont les organes sont impérativement fixés par la loi. Dès lors, l'associé est davantage qu'un contractant, il est également le membre de cette organisation collective personnifiée. Le droit de vote lui permet dès lors de peser sur le destin commun, à l'instar de celui dont jouit le citoyen. Le suffrage émis est un moyen, offert par le Droit, à l'associé de participer à la formation de la volonté sociale. Plus largement, il représente l'instrument privilégié de participation au pouvoir politique au sein de l'organisation sociétaire. Avec une doctrine autorisée, nous nommerons gouvernement de la société l'exercice de ce pouvoir politique ([73]). Le droit de vote donne donc à l'associé la faculté de participer à ce dernier.



([1]) du grec demos : peuple et kratos : pouvoir.

([2]) Alain, Propos, 1906, Institut Alain, 1990, p. 47 (cité par P.-A. TAGUIEFF, Résister au bougisme, 2001, p. 25).

([3]) V. sur cette question, N. ROULAND, Introduction historique au droit, PUF, 1998, n° 184 et s.

([4]) Le suffrage n'a pas toujours été universel. Il a d'abord été censitaire. Ainsi, pour se limiter à la France, au lendemain de la Révolution, seuls les hommes qui s'acquittait préalablement du cens (impôt) pouvait participer au scrutin. Ce n'est qu'après la révolution de 1848 que tous les hommes purent voter. En revanche, les femmes françaises durent attendre l'ordonnance du comité français de Libération nationale, en 1944, pour se voir attribuer le droit de vote – sur cette évolution, D. TURPIN, Droit constitutionnel, 4° éd., PUF, 1999, p. 212 et s.

([5]) P. PERRINEAU et D. REYNIE (sous la direction de), Dictionnaire du vote, PUF, 2001, V° "vote", spéc. p. 238.

([6]) sur le débat relatif au droit de vote des étrangers aux élections locales, V. D. TURPIN, Droit constitutionnel, op. cit., 218 et s.

([7]) sur cet aspect, P. PERRINEAU et D. REYNIE (sous la direction de), Dictionnaire du vote, op. cit., V° "vote", spéc. p. 939 ; adde, O. IHL, Le vote, Montchrestien, 1996.

([8]) G. CORNU (sous la direction de), Voc. Ass. H. CAPITANT, PUF, coll. Quadrige, 2000, V° "vote".

([9]) Ainsi, selon le Ministère de l'intérieur, à l'occasion des élections municipales de 1989, les électeurs s'étaient déplacés à 73 pour cent (aux deux tours), alors que celles de mars 2001 ont connu une participation moindre de 67 pour cent.

([10]) sur cette menace que ferait peser sur la démocratie la mondialisation et son corollaire, la néo-tribalisation, B. BARBER, Djihad versus Mc World. Mondialisation et intégrisme contre la démocratie, éd. Hachette, collection Pluriel, 2001 ; P.-A. TAGUIEFF, Résister au bougisme, précité.

([11]) d'une manière générale, en droit privé, F. MASQUELIER, Le vote en droit privé, thèse Nice, 1999.

([12]) sur les structures de la copropriété, C. ATIAS, Droit civil. Les biens, 4° éd., Litec, 1999, n° 355 et s. – plus spécialement, sur l'assemblée générale des copropriétaires, F. GIVORD et C. GIVERDON, La copropriété, 4° éd., Dalloz, 1992, n° 546 et s.

([13]) cass civ 3ème 22 févr. 1989, Bull. III n° 47 – sur cet arrêt Ch. ATIAS, La copropriété immobilière sur la voie du droit commun, D. 1989 chron p. 263.

([14]) E. ALFANDARI (sous la direction de), Associations, Dalloz, 2000, n° 1289 – comp., validant une clause statutaire qui réservait le droit de vote à certains sociétaires seulement, cass civ 1ère 25 avr. 1990, RTD com. 1991 p. 241, obs. E. ALFANDARI.

([15]) au sein du conseil de famille.

([16]) au sein du comité d'entreprise.

([17]) P. LE CANNU, La protection des administrateurs minoritaires, Bull. Joly 1990 p. 511.

([18]) P. CHESNELONG, Le droit de vote dans les assemblées générales des sociétés par actions, thèse Toulouse, 1924 ; J. CHARGE, La nature du droit de vote de l'actionnaire dans les assemblées des sociétés par actions, thèse Poitiers, 1937 ; F. LETELLIER, Le droit de vote de l'actionnaire, thèse Paris, 1942 ; Y. ELSHAZALI EL SHAIKH, Le droit de vote dans les assemblées d'actionnaires, thèse Nancy II, 1992 – en dernier lieu, P. LEDOUX, Le droit de vote des actionnaires, thèse Paris II, 2000 – adde, C. KOERING, La règle "une action-une voix", thèse Paris I, 2000.

([19]) P. LE CANNU, L'évolution de la loi du 24 juillet 1966 en elle-même, Rev. Sociétés 1996 p. 485.

([20]) Nous n'envisagerons donc pas la question de l'associé de la société européenne. Ce projet, dont l'origine remonte à 1967 et qui a été plusieurs fois remanié, n'a toujours pas abouti : sur cette question, V. not. De nouvelles perspectives pour la société européenne. Vers une société fermée européenne, Gaz. Pal. 23-24 sept. 1998.

([21]) M. JEANTIN, Droit des obligations et droit des sociétés, Mélanges Louis Boyer, 1996, p. 318 ; B. SAINTOURENS, La flexibilité du droit des sociétés, RTD com. 1987 p. 457 et du même auteur, La simplification du droit français des sociétés, Journ. Société de législation comparée, t. 16, 1994, p. 91

([22]) Sur ce phénomène, J.-J. DAIGRE, Transformer les sociétés, cah. dr. entr. 2/1995 p. 16 et, du même auteur, Crise et structures juridiques des entreprises, in Droit de la crise : crise du Droit ?. Les incidences de la crise économique sur l'évolution du système juridique, PUF, 1997, p. 73.

([23]) V. par ex. J. MESTRE, L’ordre public dans les relations économiques, in Th. REVET (sous la direction de),

L’ordre public à la fin du XXe siècle, Dalloz, 1996, p. 33 ; B. OPPETIT, Les tendances actuelles du droit français des sociétés, RID comp. 1989, n° spécial, p. 105 ; M. JEANTIN, Droit des obligations et droit des sociétés, Mélanges Louis Boyer, 1996, p. 318.

([24]) V. en ce sens, Y. GUYON, Traité des contrats. Les sociétés. Aménagements statutaires et conventions entre associés, 4° éd., LGDJ, 1999, p. 39 ; R. LIBCHABER, La société, contrat spécial, in Prospectives de droit économique. Dialogues avec Michel Jeantin, Dalloz, 1999, p. 281 – adde, dans une autre optique, I. GROSSI, Les devoirs des dirigeants sociaux : bilan et perspectives , thèse Aix en Provence, 1998.

([25]) sur ces lois, infra.

([26]) CA Paris 30 juin 1995, JCP éd. E. 1996 II n° 795, note J.-J. DAIGRE ; RTD civ. 1996 p. 893, obs. J. MESTRE ; Dr. Sociétés 1995 n° 198, obs. D. VIDAL.

([27]) à propos de l'influence de la mondialisation sur le droit des sociétés, P. BEZARD, Le droit des sociétés français face aux défis de la mondialisation, Rev. Sociétés 2000 p. 55 ; du même auteur, La mondialisation et les marchés financiers, RJ com. janv. 2001, Le droit des affaires au XXI° siècle, p. 163 ; J.-J. DAIGRE, Rapport de synthèse, RJ com. janv. 2001, Le droit des affaires au XXI° siècle, p. 225 – adde, sur le phénomène voisin d'américanisation du droit, Arch. Phil. Dr. t. 45, L'américanisation du droit, Dalloz, 2001.

([28]) sur cette question V. infra.

([29]) A. COURET, Les apports de la théorie micro-économique moderne à l’analyse du droit des sociétés, Rev. Sociétés 1984 p. 243.

([30]) M. VIENOT, Le conseil d’administration des sociétés cotées, rapport AFEP-CNPF, 1995, in www.medef.fr ; rappr. dans le même sens, AFEP-MEDEF, Rapport du comité sur le gouvernement d’entreprise présidé par M. Marc VIENOT, juill. 1999, in www.medef.fr (sur ce rapport, I. GROSSI, Rapport Viénot II : véritable avancée ou simple état des lieux ?, Bull. d’actualisation Lamy Sociétés commerciales, oct. 1999 p. 1).

([31]) M. PEBEREAU, Le capitalisme au XXI° siècle, Institut des entreprises, mars 1995.

([32]) sur cette loi, on consultera not. : J. MESTRE et D. VELARDOCCHIO, Les réformes du droit des sociétés commerciales dans la loi "nouvelles régulations économiques" du 15 mai 2001, Bull. d'actualité Lamy Sociétés Commerciales, juin 2001 ; D. BUREAU, La loi relative aux nouvelles régulations économiques. Aspects de droit des sociétés, Bull. Joly 2001 p. 553 ; A. COURET, La loi sur les nouvelles régulations économiques. La régulation du pouvoir dans l'entreprise, JCP 2001 I n° 339 ; J.-J. DAIGRE, Loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques. Aspects de droit financier et de droit des sociétés, JCP 2001 p. 1197 et p. 1309 ; JCP éd. E. 2001 p. 1013 ; M.-A. FRISON-ROCHE, La loi sur les nouvelles régulations économiques, D. 2001 p. 1930 ; D. VIDAL, La loi n° 2001-420 relative aux nouvelles régulations économiques, Dr. Sociétés juin 2001 p. 3.

([33]) sur les rapports entre la pratique des sociétés et la règle de droit, V. not. A. COURET, De quelques apports conceptuels du droit financier contemporain, Mélanges Claude Champaud, Le droit de l'entreprise dans ses relations externes à la fin du XX° siècle, Dalloz, 1997, p. 195 et du même auteur, Innovation financière et règle de droit, D. 1990 chron. p. 135.

([34]) Ph. MARINI, La modernisation des sociétés commerciales, La documentation française, 1996.

([35]) P. LE CANNU, Légitimité du pouvoir et efficacité du contrôle dans les sociétés par actions, Bull. Joly 1995 p. 637, spéc. n° 19.

([36]) V. J.-J. DAIGRE, Le droit de vote est-il encore un attribut essentiel de l'associé, JCP éd. E. 1996 I n° 575, spec. n° 1.

([37]) Selon l'expression de M. le Professeur Dominique Schmidt (Les droits de la minorité dans la société anonyme, Sirey, 1970, n° 56). 

([38]) V. en dernier lieu, retenant cette approche, P. LEDOUX, Le droit de vote des actionnaires, op. cit.

([39]) J.-J. ROUSSEAU, Du contrat social, 1762, Flammarion, 2001.

([40]) E. THALLER, Traité élémentaire de droit commercial, t. 1, n° 218.

([41]) M. HAURIOU, Traité de droit constitutionnel, 1929 ; sur la doctrine de l’institution proprement dite, R. SAVATIER, Les métamorphoses économiques et sociales du droit civil d’aujourd’hui, 1ère série, Panorama des mutations, 3° éd., Dalloz, 1964, n° 95 et s. ; J. BRETHE DE LA GRESSAYE, Rép. Civil, V° « Institution », 1973 ; J. A. BRODERICK, La notion d’ « institution » de Maurice Hauriou dans ses rapports avec le contrat en droit positif français, Arch. Phil. Dr., t. 13, Sur les notions du contrat, Sirey, 1965, p. 143 ; G. MARTY, La théorie de l’institution, Ann. Faculté de Droit de Toulouse, La pensée du Doyen Maurice Hauriou et son influence, 1968, p. 29.

([42]) L. DUGUIT, Traité de droit constitutionnel, 1929.

([43]) Voc. Ass. H. CAPITANT V° « Institution »

([44]) sur l’importance de l’Idée dans la doctrine institutionnelle, J. BRETHE DE LA GRESSAYE, Rép. Civil V° « Institution », op. cit., n° 28 et s.

([45]) G. RENARD, La théorie de l’institution. Essai d’ontologie juridique, Sirey, 1930 ; E. GAILLARD, La société anonyme de demain. La théorie institutionnelle et le fonctionnement de la société anonyme, thèse Lyon, 1932.

([46]) pour une critique de cette présomption de consentement anticipé au regard de l’indétermination de l’objet, G. RIPERT, La loi de la majorité dans le droit privé, Mélanges Sugiyama, 1940, p. 351.

([47]) G. ROUJOU DE BOUBEE, Essai sur l’acte juridique collectif, Bibl. dr. priv. t. 27, LGDJ, 1961, p. 66, pour les sociétés à fort intuitu personae, et p. 87, pour les sociétés par actions ; R. CABRILLAC, L’acte juridique conjonctif en droit privé français, Bibl. dr. priv. t. 213, LGDJ, 1990, n° 213 et s ; V. aussi dans les manuels de droit des obligations, G. MARTY et P. RAYNAUD, Droit civil. Les obligations, t. 1, Les sources, 2° éd., Sirey, 1988, n° 369 ; J. FLOUR et J.-L. AUBERT, Les obligations, t. 1, L’acte juridique, 7° éd., 1996, n° 520 ; comp. Fr. TERRE, Ph. SIMLER et Y. LEQUETTE, Droit civil. Les obligations, 7° éd., Dalloz, 1999, n° 53.

([48]) G. ROUJOU DE BOUBEE, Essai sur l’acte juridique collectif, op. cit., p 87 et s., pour les sociétés par actions ; p. 59 et s., pour les sociétés à base d’intuitu personae. M. le Professeur Rémy Cabrillac voit également dans la constitution d’une personne morale un « acte toujours conjonctif » (op. cit., n° 255), qu’il définit comme « l’acte par lequel plusieurs personnes sont rassemblées lors de sa formation ou postérieurement, au sein d’une même partie, c’est à dire par un même intérêt, défini par rapport à l’objet de l’acte » (op. cit., n° 319).

([49]) G. ROUJOU DE BOUBEE, Essai sur l’acte juridique collectif, op. cit., p. 209.

([50]) G. RIPERT, Aspects juridiques du capitalisme moderne, 2° éd., LGDJ, 1951, n° 46 et s.

([51]) M. DESPAX, L’entreprise et le droit, Bibl. dr. priv., t. 1, LGDJ, 1957; Cl. CHAMPAUD, Le pouvoir de concentration de la société par actions, Sirey, 1962 et surtout J. PAILLUSSEAU, La société anonyme, technique d’organisation de l’entreprise; adde, P. DURAND, Rapport français, TAC t. 3, La notion juridique de l’entreprise, 1948, p. 45 ; B. MERCADAL, La notion d’entreprise, Mélanges Jean Derruppé, Les biens et les activités de l'entreprise, p. 9 ; Cl. CHAMPAUD, Le contrat de société existe-t-il encore ? , in L. CADIET (sous la direction de), Le droit contemporain des contrats, Economica, 1987, p. 125 ; J. PAILLUSSEAU, Les fondements du droit moderne des sociétés, JCP éd. E 1984 I n° 14193 ; Qu’est-ce que l’entreprise, in J. JUGAULT (sous la direction de), L’entreprise :nouveaux apports, Economica, 1987, p. 11 ; Le big bang du droit des affaires à la fin du XXe siècle (ou les nouveaux fondements et notions du droit des affaires), JCP 1988 I n° 3330 ; P. DIDIER, Esquisse de la notion d’entreprise, Mélanges offerts à Pierre Voirin, 1966, p. 209.

([52]) Cl. CHAMPAUD, Le contrat de société existe-il encore ?, précité ; adde, du même auteur, Clan et hoirie, société et entreprise, Dr. et patrimoine nov. 1997 p. 64.

([53]) en ce sens, J.-P. BERTREL, Liberté contractuelle et sociétés (essai d’une théorie du « juste milieu » en droit des sociétés), RTD com. 1996 p. 595, spéc. n° 34 – adde, R. GRANGER, La nature juridique des rapports entre actionnaires et commissaires chargés du contrôle dans les sociétés par actions. Contribution à l’étude de la nature juridique de la société par actions, thèse Paris, 1951, n° 235 et s. ; G. MARTY, La théorie de l’institution, précité ; Cl. DUCOULOUX-FAVARD, Nature juridique du contrat de société. Un exemple d’écueil possible pour le comparatiste, Rev. Sociétés 1966 p. 1.

([54]) J. PAILLUSSEAU, Le droit moderne de la personnalité morale, RTD civ. 1993 p. 705.

([55]) CA Paris 26 mars 1966, RTD com. 1966 p. 349, obs. R. HOUIN ; CA Reims 24 avr. 1989, JCP éd. E 1990 II n° 15667, obs. A. VIANDIER et J.-J. CAUSSAIN.

([56]) CA Paris 22 mai 1965, D. 1968 p. 147 ; RTD com. 1965 p. 619, obs. R. RODIERE ; Grands arrêts du droit des affaires, n° 44 p. 487, obs. S. FARNOCCHIA – sur cette affaire, supra.

([57]) CJCE 10 mars 1992, RTD civ. 1992 p. 757, obs. J. MESTRE.

([58]) J. PAILLUSSEAU, L’EURL ou des intérêts pratiques et des conséquences théoriques de la société unipersonnelle, JCP 1986 I n° 3242, spéc., n° 93 et s. ; Cl. CHAMPAUD, Le contrat de société existe-t-il encore ?, précité.

([59]) J. PAILLUSSEAU, L’EURL ou des intérêts pratiques et des conséquences théoriques de la société unipersonnelle, précité, n° 103.

([60]) J. MESTRE et G. FLORES, Brèves réflexions sur l’approche institutionnelle de la société, Petites affiches 14 mai 1986 p. 25 ; Y. GUYON, Droit des affaires, 11° éd., Economica, 2001., n° 96 ; E. ALFANDARI, Droit des affaires, Litec, n° 325.

([61]) J. MESTRE, Lamy Sociétés commerciales, 2001, n° 34 ; Y. GUYON, Droit des affaires, op. cit., n° 97 ; J. HAMEL, G. LAGARDE et A. JAUFFRET, Droit commercial, t. 2, Dalloz, 1980, n° 387 ; B. MERCADAL et Ph. JANIN, Mémento pratique des sociétés commerciales, Francis Lefebvre, 2001, n° 27 ; M. COZIAN et A. VIANDIER, Droit des sociétés, 14° éd., Litec, 2001, n° 152 ; Ph. MERLE, Droit commercial. Sociétés commerciales, 7° éd., Dalloz, 2000, n° 23.

([62]) Y. GUYON, Droit des affaires, op. cit., loc. cit. ; Ph. MERLE, Droit commercial. Sociétés commerciales, op. cit., loc. cit.

([63]) Rappr. J. MESTRE, Lamy Sociétés Commerciales, op. cit., n° 37 – adde, du même auteur, La société est bien encore un contrat…, Mélanges Christian Mouly, t. 2, Litec, 1998, p. 131.

([64]) V. ainsi, mettant à leur charge une obligation de loyauté envers les associés, cass com 27 févr. 1996; RTD civ. 1997 p. 114, obs. J. MESTRE ; JCP 1996 II n° 22665, note J. GHESTIN ; D. 1996 p. 519, note Ph. MALAURIE et p. 591, obs. J. GHESTIN ; JCP éd. E 1996 II n° 838, note D. SCHMIDT et N. DION, approuvant CA Paris 19 janv. 1994, RTD civ. 1994 p. 853, obs. J. MESTRE – comp., cass civ 1ère 3 mai 2000, RTD civ. 2000 p. 566, obs. J. MESTRE et B. FAGES.

([65]) cass civ 4 juin 1946, S. 1947, 1, p. 153, note P. BARBRY, ; JCP 1947 II n° 3518, note D. BASTIAN ; Journ. Sociétés 1946 p. 374 ; Grands arrêts, n° 69, p. 298, note J. NOIREL. En l’espèce, l’assemblée générale avait adopté une délibération qui conférait au président la totalité des prérogatives dévolues au conseil d’administration et la Cour d’appel de Douai l’avait annulée. On le voit, le choc était frontal entre une conception contractuelle des rapports entre les associés et le conseil, qui aurait permis d’ôter à celui-ci ses attributions, et une analyse institutionnelle, qui postule une stricte séparation des pouvoirs. En l’occurrence, la Cour de cassation a opté pour la seconde thèse puisque elle a considéré que " la société anonyme étant une société dont les organes sont hiérarchisés et dans laquelle l’administration est exercée par un conseil élu par l’assemblée générale, il n’appartient pas à l’assemblée générale d’empiéter sur les prérogatives du conseil en matière d’administration ; c’est donc à bon droit qu’un arrêt annule la résolution votée par l’assemblée générale qui investit le président-directeur général de l’ensemble des pouvoirs jusqu’alors attribués au conseil d’administration ". Si les relations des associés et des dirigeants était gouvernées par le droit du mandat, alors l’assemblée générale aurait pu valablement priver le conseil de la totalité de ses pouvoirs. Par conséquent, la Haute juridiction affirme très clairement le principe de hiérarchie, de séparation des pouvoirs dans la société anonyme. Par ailleurs, les juges suprêmes ne se contentent pas de consacrer expressément la règle de séparation des pouvoirs, ils affirment également, de manière implicite, la spécialisation des fonctions. Autrement dit, les actionnaires ne peuvent valablement empiéter sur les pouvoirs du conseil, pas plus que sur ceux du président, ce qui est contraire aux solutions traditionnellement retenues en matière de mandat – dans le même sens, V. not. cass com 18 mai 1982, Grandes décisions, n° 31, p. 159, obs. Y. CHARTIER et J. MESTRE.

([66]) CA Aix en Provence 28 sept. 1982, Grandes décisions, n° 31, p. 160, obs. Y. CHARTIER et J. MESTRE ; Rev. Sociétés 1983 p. 773, note J. MESTRE, qui affirme que "les textes fixent de manière impérative les pouvoirs et prérogatives des différents organes de la société", et surtout : cass com 4 juill. 1995, D. 1996 p. 186, note J.-C. HALLOUIN

([67]) D. SCHMIDT, Les conflits d'intérêts dans la société anonyme, éd. Joly, collection Pratique des affaires, 1999, n° 2 – Rappr. P. DIDIER, Brèves notes sur le contrat-organisation, Mélanges François Terré, L’avenir du Droit, Dalloz-Litec-PUF, 1999, p. 635 et La théorie contractualiste de la société, Rev. Sociétés 2000 p. 95. Cette analyse met l'accent sur la personnalité morale et le rôle qu'elle joue dans les relations entre associés.

([68]) V. cependant, A. VIANDIER, La notion d'associé, Bibl. dr. priv. t. 156, LGDJ, 1978 ; adde, Y. GUYON et alii, Qu'est-ce qu'un actionnaire ?, Rev. Sociétés 1999 p. 511.

([69]) en ce sens, J. CALAIS-AULOY, Rép. Sociétés, V° "Associé", 1970, n° 1 et s.

([70]) cass civ 7 avr. 1932, D.P. 1933, 1, p. 153, note P. CORDONNIER ; S. 1933, 1, p. 177, note H. ROUSSEAU ; Journ. Sociétés 1934 p. 289, note H. LECOMPTE.

([71]) cass Req 23 juin 1941, Journ. Sociétés 1943 p. 209 ; Grands arrêts, n° 66, p. 207, note J. NOIREL.

([72]) Rappr. C. KOERING, La règle "une action-une voix", op. cit., n° XII.

([73]) Voc. Ass. H. CAPITANT, V° "Gouvernement".