GLOSE – ACTUALITÉS – Bull. juill. 2001

 

par 

 

Bruno DONDERO

Commentaire de la jurisprudence en droit des sociétés

 __________

Com, 17 juillet 2001, Bull. n° 152, Pourvoi 97-20-018  (cliquer sur ce lien pour consulter l’arrêt)

 

Défaut de pouvoir du gérant de la SARL en liquidation judiciaire pour convoquer une assemblée ; irrecevabilité de l’action en annulation de l’assemblée, exercée par le liquidateur de la société, en raison de la participation de tous les associés à l’assemblée.

 

Cet arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation fait application de l’art. L. 223-27, al. 5 du Code de commerce, qui prévoit l’irrecevabilité de l’action en nullité de l’assemblée de SARL irrégulièrement convoquée lorsque tous les associés étaient présents ou représentés. La particularité de la décision est qu’elle fonde sur ce texte la cassation de l’arrêt d’appel qui avait accueilli l’action en annulation de l’assemblée exercée par le liquidateur de la SARL.

 

Une société avait été mise en liquidation judiciaire, et avait par la suite fait appel d’une ordonnance d’admission de créance du juge-commissaire. Cette société avait été représentée à l’appel par un liquidateur amiable, désigné par une assemblée des associés. Le liquidateur désigné dans le cadre de la procédure collective de la société (également liquidateur de la société créancière) demanda cependant l’annulation de cette assemblée des associés. La Cour d’appel accueillit cette demande, en se fondant sur le fait que le gérant n’avait plus qualité pour convoquer l’assemblée générale des associés du fait de la liquidation judiciaire.

Le défaut de pouvoir du gérant de la société mise en liquidation judiciaire est confirmé par la Cour de cassation (dans le même sens, v. Com., 3 juin 1997, Bull. IV, n° 173). Les pouvoirs des dirigeants sociaux prennent fin à la date de dissolution de la société, et le jugement ordonnant la liquidation judiciaire de la société entraîne sa dissolution, par application de l’art. 1844-7, 7° du Code civil.

En revanche, l’arrêt d’appel est censuré au visa de l’art. L. 223-27, al. 5 du Code de commerce, qui dispose que l’action en nullité d’une assemblée de SARL irrégulièrement convoquée n’est pas recevable lorsque tous les associés étaient présents ou représentés.

 

La solution ne surprend pas au premier abord. On comprend bien le sens du texte visé par la Cour de cassation. La régularité de la convocation doit permettre de s’assurer que tous les associés peuvent exercer leur droit de participer aux décisions collectives. Si tous les associés participent à l’assemblée, c’est que les irrégularités éventuelles de la convocation de l’assemblée n’ont pas eu d’incidence réelle. Dès lors l’art. L. 223-27, al. 5 du Code de commerce dispose que l’action en annulation de l’assemblée n’est plus recevable, pour défaut d’intérêt à agir faut-il comprendre. Le rappel de ce texte permet à la Cour de cassation de censurer l’arrêt d’appel qui avait accueilli l’action en annulation de l’assemblée, intentée par le liquidateur de la société SMC. Mais ce mandataire judiciaire avait-il qualité pour exercer une telle action ? Les règles de convocation des assemblées protègent les seuls associés. Dès lors, la nullité sanctionnant le non-respect de ces règles doit être une nullité relative. Certes, ce caractère relatif se perçoit moins nettement du fait de la possibilité reconnue à un associé régulièrement convoqué de demander l’annulation de l’assemblée lorsqu’un autre associé n’a pas fait l’objet d’une convocation régulière (c’est du moins la solution retenue par la Cour de cassation en matière de société civile – v. Civ. 3ème, 21 octobre 1998, Bull. III, n° 203). Mais cette solution s’explique simplement : la non-convocation d’un associé cause un préjudice aux autres, en faussant le débat conduisant à la prise d’une décision collective. Dès lors, le non-respect des règles de convocation à l’égard d’un associé peut être invoqué par les autres. Mais le liquidateur de la société ne devrait pas, quant à lui, pouvoir invoquer la violation de ces règles. La cassation de l’arrêt d’appel était donc justifiée, et l’art. L. 223-27 du Code de commerce pouvait effectivement fonder la cassation. Toutefois, la cassation aurait pu, au visa du même texte et de l’art. 31 du Nouveau code de procédure civile, être fondée sur le défaut de qualité du liquidateur. En effet, l’irrecevabilité de son action ne reposait pas tant sur le défaut d’intérêt à agir résultant de la participation de tous les associés à l’assemblée que sur le fait que le liquidateur ne doit pas avoir qualité à demander l’annulation de l’assemblée irrégulièrement convoquée. Le silence de la Cour de cassation sur le défaut de qualité du liquidateur peut cependant s’expliquer par le fait qu’elle s’interdit de relever d’office le défaut de qualité à agir (v. ainsi Civ. 2ème, 1er juillet 1992, Bull. II, n° 192).